vendredi 9 mai 2025
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VERSAILLES, Opéra Royal. PORPORA : Polifemo (1735). Les 4, 6 et 8 déc 2024. Franco Fagioli, Julia Lezhneva, Paul-Antoine Bénos-Djian, José Coca Loza… Justin Way / Orchestre de l’Opéra Royal / Stefan Plewniak (direction)

Nouvelle et somptueuse production à l’Opéra Royal de Versailles, de quoi combler nos attentes lyriques baroques… Si sur le même sujet amoureux et tragique, Haendel intitule son drame « Acis et Galatée« , Nicolo Porpora, rival du « Caro Sassone » (à Londres) et célèbre compositeur napolitain, souligne plutôt le profil du cyclope furieux Polyphème, et choisit d’intituler son nouvel opéra « Polifemo » (1735), que dévorent les démons de la jalousie face aux amours idéales des bergers Acis et Galatée.

 

Au XVIIè, Lully écrit l’un de ses derniers opéras « Acis et Galatée », dans lequel le Surintendant de la musique réussit en particulier une somptueuse chaconne finale qui évoque la transformation du berger Acis en onde tumultueuse et vivifiante, après qu’il ait été tué par le géant Polyphème. De quoi atténuer s’il est possible, le deuil de son aimée inconsolable, Galatée… Tragique et poétique, le sujet légué par Ovide (Les Métamorphoses) inspire ainsi les compositeurs qui se montrent à la hauteur du tryptique poétique : amour, meurtre, métamorphose.

A l’Opéra Royal de Versailles, la distribution promet un nouveau grand moment lyrique avec en tête d’affiche le contre-ténor jamais en reste de défis ni de prises de rôles audacieux, Franco Fagioli (Acis) dit « Mr Bartoli » ; car le « divo » partage avec Cecilia Bartoli, l’agilité, le timbre moiré, l’intensité dramatique… à ses côtés, la soprano elle aussi d’une remarquable agilité vocale, Julia Lezhneva (Galatée), mais également José Coca Loza en Polifemo… Le spectacle permet de découvrir les qualités des danseurs de l’Académie de danse baroque de l’Opéra Royal… qu’accompagne le désormais célèbre et très convaincant Orchestre de l’Opéra Royal, dirigé ici par le dynamique voire électrique violoniste polonais Stefan Plewniak.

1735 : présent à Londres depuis 2 ans, le napolitain Niccolo Porpora (maître de Haydn), entend détrôner Haendel en matière d’opéra italien. Son 5ème ouvrage pour l’Opera of the Nobility est ce « Polifemo« , avec les éclatants castrats Farinelli et Senesino (ce dernier déserteur de la Royal Academy de Haendel !). La trame réunit les personnages héroïques d’Ulysse, Polyphème, Calypso, Acis et Galatée, et l’opéra de Porpora suscita un triomphe. Château de Versailles Spectacles réunit une distribution de premier plan pour relever les défis d’une partition aussi virtuose que touchante : Franco Fagioli en Primo Uomo, Paul-Antoine Bénos-Djian en Secondo Uomo, Julia Lezhneva en Prima Donna : … « Amateurs de brio sur fond d’Etna rugissant, le cyclope Polifemo vous attend de pied ferme dans sa grotte profonde ! ». Voilà qui est dit !…

 

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PORPORA : Polifemo, 1735
VERSAILLES, Opéra Royal
Mercredi 4 déc 2024, 20h
Vendredi 6 déc 2024, 20h
Dimanche 8 déc 2024, 15h

Durée : 3h – entracte inclus

INFOS & RÉSERVATIONS : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/porpora-polifemo/

Ce programme sera enregistré en CD et DVD à paraître au label Château de Versailles Spectacles. Et Les représentations du 4 et 6 décembre 2024 seront captées par Camera Lucida.
Les toiles peintes ont été réalisées avec l’aide des étudiants de l’École d’Art mural de Versailles, dans le cadre d’une convention de partenariat avec Château de Versailles Spectacles. Les costumes ont été réalisés par l’Atelier Caraco à Paris.

 

Distribution

Franco Fagioli : Acis
Julia Lezhneva : Galatée
Paul-Antoine Bénos-Djian : Ulysse
José Coca Loza : Polifemo
Éléonore Pancrazi : Calypso

Académie de danse baroque de l’Opéra Royal
Orchestre de l’Opéra Royal
Stefan Plewniak, direction

Justin Way, Mise en scène
Pierre-François Dollé, Chorégraphie
Christian Lacroix, Costumes
Roland Fontaine, Décors
Stéphane Le Bel, Lumières
Laurence Couture, Création maquillage et coiffure

CD événement. BRUCKNER : Intégrale des 9 symphonies. CHINA NCPA, LÜ JIA (direction) – 2023, NCPA classics. Le nouveau son brucknérien venu de Pékin…

La maturité et la sensibilité dont fait preuve le China NCPA Orchestra face à la montagne brucknérienne suscite l’admiration. C’est un Bruckner poli, magnifiquement puissant, qui paraît ainsi, aux résonances chtoniennes assumées que colorent aussi d’irrésistibles vagues extatiques, littéralement énigmatiques.

 

Au final la vision est à l’image des visuels de chaque couverture : magnificence du motif montagneux enneigé, appel des cimes, mais aussi acuité des contrastes et flux permanent de l’onde glacée qui s’écoule sous la croûte neigeuse. Vertiges, espace, activité… la conception ne manque pas d’attraits car l’approche est fouillée, esthétiquement séduisante. Considérons ici les opus les plus emblématiques d’un geste globalement cohérent. La Symphonie n°3 (version 1889 Nowak, WAB 103), enregistrée en janvier 2023, fait partie des meilleures réalisations du cycle symphonique ainsi réalisé à Pékin (NCPA pour New Center for Performing Arts) ; le souci hédoniste de la pâte orchestrale, l’attention à la cohésion globale, l’agogique générale, comme la conception dramatique sont indiscutable. Seul bémol, une attention parfois trop extatique qui ralentit le flux ou alourdit à force de tempi étirés. La conception est celle d’une contemplation qui chercher à fouiller le sens derrière chaque séquence, chaque mouvement introspectif qui est loin d’ennuyer car le geste du chef Lü Jia questionne la matière sonore, explore au delà des notes, … Bel effet de direction analytique, voire spirituelle.

Le premier mouvement « Mehr langsam. Misterioso », l’un des plus développés de la littérature brucknérienne (près de 30 mn ! ; préfiguration des deux premiers mouvements de la 9è – même Mahler ne fait pas cela), exprime le grandiose impénétrable dont la sensibilité de Bruckner explore toutes les aspérités irrésolues. Le maelstrom qui s’y déploie impressionne et captive : il impressionne par son souffle et ses dimensions, il captive dans cette texture sonore suractive qui sans les résoudre, expose et décortique les tensions et antagonismes en présence. C’est le mystère d’un bouillonnement profond et souterrain qui gronde et rugit dans l’acuité de son énergie primitive. Quel superbe contraste avec le 2ème mouvement « Adagio bewegt, quasi Andante » qui étire davantage l’indiscutable cohésion sonore, creusant respirations, nuances des cordes à la soie parfaitement onctueuse, à l’esprit wagnérien ; de sorte que l’on songe ici dans tout le déroulement, immédiatement à l’énigme envoûtante de Tristan und Isolde dont Bruckner semble réaliser une réitération critique, un prolongement personnel et intime comme un souvenir particulièrement cher, et tissé avec infiniment de soin. La fin subtile et brumeuse convoque le songe derrière l’ampleur architecturale.

 

Lü JIA dirige le China NCPA Orchestra
Un nouveau Bruckner
ample, poli, détaillé qui vient de Pékin…

 

Le Scherzo « Ziemlich schnell » exprime franc et direct, l’inéluctable que l’orchestre sait aussi inscrire dans une vitalité oxygénée, une motricité constante. Le finale (Allegro) tout en cultivant l’allant, sait rugir et aussi séduire voire envoûter (cuivres et bois particulièrement ronds et songeurs). Le travail sur l’esthétique sonore et le détail est très convaincant.

Aussi majestueuse, la 7ème concile transparence et majesté voire sentiment du colossal, ce sur une durée allongée de presque 1h20mn. Les 2 premiers mouvements sont les plus développés, dépassant 25 mn. La noblesse de premier Allegro (moderato) respire et impose un cadre impressionnant et mystérieux, grâce aux cordes qui savent murmurer, véritablement fusionner avec cuivre et bois… Le chef détaille et articule, soignant le ruban ductile des cordes ; autant d’indices qui expriment l’allure d’un immense dragon orchestral auquel cependant manque la flamme, le sentiment d’un urgence. La WAB 107, composée entre 1881 et 1883 déploie justement un sentiment de passion tragique dans son second mouvement, d’une ampleur supérieure encore au premier : « Adagio. Sehr feierlich und sehr langsam » / c’est à dire
très solennel et très lent. Le chef mesure chaque phrase dans le sens d’une épure progressive qui confine à l’abstraction sonore, respectant, assumant à la lettre la notion de grande lenteur comme s’il s’agissait d’une introspection jusqu’à l’intime le plus ineffable et d’une irréversible réflexion suspendue. Le Scherzo est à peine plus agité et trouble ; tout y est à sa juste place, avec toujours un superbe travail sur le poli des timbres et l’opulence sonore comme l’équilibre des pupitres. Du reste c’est l’une des symphonies dont l’orchestration se rapproche le plus de l’orchestre de Wagner, le grand inspirateur de Bruckner ; mais un Wagner d’une transparence, et d’une éternelle nostalgie amoureuse.

Enregistrée en juin 2023 au China NCPA Hall, la 8ème symphonie, arcane majeure du jeu brucknérien s’impose comme le point d’aboutissement ultime du cheminement ; Bruckner laissant certes sa 9ème ensuite mais en ne parvenant pas à achever totalement le dernier mouvement. Ici les interprètes chinois sous la direction détaillée du chef convainquent par l’équilibre sonore, le sens du détail. Dans l’ampleur du cadre, la WAB 108 (jouée dans la version Nowak de 1890), le mouvement le plus développé, l’Adagio indiqué « Feierlich langsam ; doch nicht schleppend  / Solennellement lent ; mais pas lent » (jusqu’à 31’50) fait valoir ses très (trop) lentes et longues vagues sonores, aux cordes étirées dans le sens d’une sidération et d’une lévitation. Intéressant aussi le dernier mouvement (tout aussi développé par Bruckner puisqu’il atteint les 30 mn) ; s’y réalise le sentiment de puissance voire d’omnipotence dans la noblesse conquérante des cuivres, très exposés dès l’ouverture, le bouillonnement permanent expose bien les raisons pour lesquelles le chef wagnérien Hermann Levi « refusa » la partition de la 8è ; celui qui porta en triomphe la 7è (à Munich, en mars 1885), jugea la 8ème « injouable » du fait de sa grandeur et de proportions inédites jusque là. Probablement dépassé par le sentiment de surpuissance, et l’échelle du colossal, Levi dont l’avis compta beaucoup pour Bruckner (il avait créé à Bayreuth Parsifal tout en soutenant Bruckner dans sa maturation symphonique) eut beaucoup de mal et de peine pour écrire à son ami compositeur, son impossibilité et son incompréhension face à un monument dont l’orchestration l’impressionnait totalement. De fait, les proportions de la 8ème, sont d’autant plus sidérantes qu’elles égalent voire dépassent même l’imaginaire mahlérien, c’est dire. Le chef Lü Jia se saisit du massif, sans sourciller ni faiblir avec une acuité, un sens de la profondeur et de l’éclat, une solidité architecturale indéniable.

La 9ème (l’ultime achevée en 1894) est conçue dans une cohérence sonore indiscutable : ample, articulée et somptueusement équilibrée. Le premier mouvement s’immisce dans des contrées intérieures que l’on croyaient totalement révélées, investies dans la 8ème ; la 9ème en vérité va plus loin encore dans l’exploration intime et psychologique, à travers un préalable atmosphérique ; la partition atteste de l’expérience du prophète et du visionnaire dont les doutes sont comme transfigurés dans un scintillement qui verse finalement dans un éblouissement sonore (les prairies solaires tant espérées par l’auteur ?) ; ce jeu ciselé s’avère magistral dans le déroulement du premier mouvement où le sentiment d’angoisse est à chaque exposition transfiguré dans un flux d’une superbe ivresse, d’essence pastorale. Le chef Lü Jia donne ici toute sa mesure et délivre une conception particulièrement investie à partir de 12’ : la plus explicite du cycle probablement, détaillant avec finesse chaque timbre et chaque hauteur sonore. Ce mouvement confine au songe éperdu grâce à sa texture sensuelle, d’une remarquable transparence. C’est l’expression d’un croyant qui doute, comme soumis à la question ultime, celle du sens, du salut, de la rédemption. Les gouffres et les cimes alternent ; la joie de la certitude comme le sentiment de finitude et de panique… le propre de la lecture est d’exprimer l’activité d’une méditation statique, au prix d’une immobilité illusoire qui cependant reflète chaque état intérieur du croyant dans une série de tableaux spectaculaires qui sont autant de fulgurants vertiges. De sorte que le chef chinois et son orchestre expriment la particularité fascinante d’une immobilité en réalité suractive.

Approfondie, détaillée, aux équilibres remarquablement maîtrisés, au fini très séduisant, le cycle Bruckner par le CHINA NCPA Orchestra ne manque pas d’arguments. Et si le nouveau souffle brucknérien venait de Chine, en particulier ainsi de Pékin ?

A suivre…

 

 

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CRITIQUE CD. BRUCKNER : Symphonies 1, 2, 3, 7, 8 9. CHINA NCPA ORCHESTRA / Lü JIA, direction (NCPA New Center for Performing Arts – Pékin, 2023) – éditeur NCPA classics.

 

VIDÉO : Lü JIA dirige la Symphonie n°7 de Bruckner (WAB 107, intégrale) – CHINA NCPA Orchestra / New Center for Performing Arts (Pékin, mars 2023)

 

 

CRITIQUE, opéra. SAINT-ETIENNE, Opéra, le 17 nov 2024. MASSENET : Thaïs. Jérôme Boutillier, Ruth Iniesta, Léo Vermot-Desroches, Carlo D’Abramo… Victorien Vanoosten / Pierre-Emmanuel Rousseau

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Voilà 15 ans (2009) que Thaïs n’avait pas été représentée à l’Opéra de Saint-Étienne. C’est une réussite éclatante qui renoue avec les grandes heures de la Maison stéphanoise, quand Massenet dont elle porte le nom, suscitait un festival lyrique… L’ouvrage concentre le meilleur Massenet, centré sur les deux rôles principaux, Thaïs et Athanaël, deux personnages qui exigent énormément des interprètes en particulier pour le baryton qui chante vertiges et démons intérieurs du moine cénobite Athanaël dont l’ardent désir pour la courtisane alexandrine, s’avère irrépressible, impérieux, destructeur.

 

Inscrite dans cette fin XIXè – début du XXè, où règnent les courtisanes parisiennes, souveraines des cœurs et des fortunes, la mise en scène (et les décors et costumes somptueux) de Pierre-Emmanuel Rousseau, s’affirme, claire, efficace, puissante, esthétique. Tout en contextualisant habilement le monde du luxe et de la sensualité (chez Nicias à Alexandrie), au style éclectique propre au Second Empire et à la IIè République, l’homme de théâtre nous rappelle que l’ouvrage est propre au style français fin de siècle ; il sait remarquablement dessiner le profil psychologique de chaque protagoniste, tout en éclairant aussi sa propre évolution… trajectoire opposée, brillamment symétrique et inversée ; à la progressive élévation spirituelle de Thaïs, qui passe de courtisane à recluse, fortifiant sa propre certitude, correspond l’implosion psychique du moine débordé, détruit peu à peu par son désir pour elle. Si Thaïs meurt comme une Sainte, apaisée, comblée ; rien de tel chez le moine que les déchirements ultimes transpercent et agitent jusqu’à la fin.

Du cabaret avec ballets et péripéties collectives effrénées, on passe au dénuement total du désert, aride, desséché… que traversent alors les deux héros, exténués, presque à l’agonie. Chaque point de maturation spirituelle signifie épreuve et lutte intérieure, ainsi que l’exprime la fine direction d’acteur ; ce qui rapproche le spectacle du cinéma : il y manque les effets de plans serrés qu’auraient pu apporter des écrans géants à l’appui du dispositif (on aime rêver). Mais le rapport salle / public permet de suivre avec intensité le parcours respectif de Thaïs et d’Athanaël.

Parmi les réussites éclatantes de la performance visuelle, saluons la présence très juste du danseur, Carlo D’Abramo, vedette des festivités chez Nicias, puis figure centrale du ballet inédit (dans ses deux volets ainsi restitués dont le Sabbat final), les « 7 esprits de la Tentation » qui finit d’exprimer la défaite totale et définitive d’Athanaël après la mort de Thaïs… Plusieurs images fortes s’imposent alors, accréditant la réussite de la mise en scène : évidemment, le moment de bascule qui nous vaut la sublime « Méditation de Thaïs » : un morceau d’anthologie pour orchestre et violon solo déployant le génie mélodique si voluptueux de Massenet ; où convaincu par le prêche d’Athanaël, Thaïs rompt (ici physiquement) le charme de sa beauté, source de son entrave sociale et qui fait d’elle l’esclave du désir masculin : elle s’entaille le visage ; scène violente qui fonctionne idéalement à mesure que chante alors un orchestre des plus envoûtants et enivrés.

Tableau purement festif et lascif pendant la fête chez Nicias (le ténor requis, Léo Vermot-Desroches, est impeccable : tendresse et puissance des aigus, présence naturelle, finesse du chant), ou images obsédantes qui s’imposent dans l’esprit du moine dévoré, chaque tableau est un marqueur important de cette nouvelle production. La somptuosité des décors ne gêne jamais la force ni le sens du drame. Elle les renforce.

 

Photo © classiquenews studio 2024

 

L’orchestre avance, droit, sans fioritures, parfois de façon un peu sèche ; mais nous n’en voudrons pas à Victorien Vanoosten d’écarter tout alanguissement douteux, toute fioriture inadéquate. Son Massenet sonne comme Verdi, en maître de l’action et des situations particulièrement dramatiques. Et l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire démontre ses indéniables qualités en couleurs et nuances dans justement la Méditation de Thaïs, axe majeur qui bouleverse le sens du drame. D’autant que le Chœur lyrique Saint-Étienne Loire, (dirigé par Laurent Touche), défend une même implication, parfois saisissante, pour chaque tableau.

Aucun des rôles « secondaires » ne démérite ; c’est même la cohérence indiscutable du plateau vocal, dans sa globalité, qui convainc de bout en bout. Chaque profil est travaillé dans l’exigence cinématographique que nous avons relevée. Artisan impressionnant et pilier de la nouvelle production, l’Athanaël de Jérôme Boutillier est bouleversant, d’humanité, de sincérité, de finesse surtout, dans un cheminement qui exprime l’ineffable, dans une gravité centrale parfaitement maîtrisée. Rongé, psychiquement atteint, en péril constant, le moine amoureux se consomme littéralement, mais avec une noblesse et une grande intelligence dramatique comme vocale pour tous ses airs et parties, ce qui signifie, pendant tout le spectacle ; le baryton reste quasiment toujours en scène, délivrant un chant affirmé et naturel, sans aucune tension, restant de surcroît intelligible du début à la fin. Moine fanatique que la frustration précipite dans la folie sauvage. Radical voire incandescent, le chanteur, formidable acteur également, sait s’économiser tout du long. L’incarnation demeure mémorable.

 

Photo © classiquenews studio 2024

 

Déjà applaudie ici même dans La Traviata, et ce soir Thaïs très humaine, la soprano Ruth Iniesta trouve elle aussi des accents justes entre chant voluptueux et profond de la courtisane, mais aussi clairvoyance et déjà renoncement de la femme qui est obsédée par la mort et la finitude. La justesse de l’actrice, l’intensité du chant aux très belle couleurs apportent un complément idéal à l’Athanaël de Jérôme Boutillier. Leur duo est remarquable de vérité. En outre, la version proposée, fusionne celles de 1894 et celle de 1898 (avec les ballets inédits déjà cités). De quoi se régaler musicalement, dramatiquement, vocalement, visuellement. Que demander de plus ?

 

Photo © Opéra de Saint-Etienne-Cyrille Cauvet

 

 

VIDÉO REPORTAGE

Pour 3 dates événements (15, 17 et 19 novembre 2024), l’Opéra de Saint-Etienne présente une nouvelle production de THAIS de Jules Massenet, l’enfant du pays, dans la mise en scène de Pierre-Emmanuel ROUSSEAU. Inspiré des maisons closes du Second Empire, à l’époque des courtisanes souveraines d’un Paris voué au luxe et au plaisir, le spectacle fusionne versions de 1894 et 1898 : il intègre en particulier plusieurs ballets très rarement réalisés dont partie des 7 esprits de la Tentation où le moine cénobite Athanaël exprime sa complète destruction psychique, dévoré par un désir qui le submerge et ne l’a jamais vraiment quitté, son désir pour Thaïs, d’autant plus inaccessible que l’ancienne courtisane alexandrine, elle, a trouvé en fin d’action, la paix spirituelle… Production événement – reportage CLASSIQUENEWS.TV © 2024

 

CRITIQUE, concert. BOULOGNE-BILLANCOURT, La Seine Musicale, le 17 novembre 2024. ZELENKA : Miserere / MOZART : Requiem. Collegium vocale 1704, Vaclav Luks (direction)

Vaclav Luks et son Collegium Vocale 1704 ont donné, ce dimanche, 17 novembre, à la Seine Musicale de Boulogne-Billancourt une version poignante et inoubliable du Requiem de W. A. Mozart précédé d’un non moins intense Miserere de Jan Dismas Zelenka.

 

C’est tout naturellement que l’ensemble pragois a choisi ce programme. Lui aussi pragois, Jan Dismas Zelenka (1679-1745) est un des compositeurs dont le chef Vaclav Luks défend la musique depuis la création de l’ensemble en 2005. Surnommé le « Bach catholique », sa musique poignante est au carrefour entre les traditions françaises et italiennes. Pour ce qui est de Mozart, on ne présente plus les liens qui l’unissent à la capitale tchèque où il a entre autres créé son Don Giovanni.

Le public de la Seine Musicale déjà conquis par Zelenka sous la baguette de Luks l’an dernier (mis en regard avec le Magnificat de Bach) fut tout aussi enthousiaste cette nouvelle fois. La direction exigeante et précise de Vaclav Luks tient un orchestre énergique et précis. Ici, pas de concessions, par d’effets gratuits, pas de manières. L’orchestre démarre en attaquant la corde avec une définition remarquable, tandis que le chœur attaque avec autant de consonne : chaque note tend plus encore l’harmonie que la précédente avec violence. Le résultat est bouleversant. Le chef tient son chœur avec une exigence remarquable sur chaque syllabe et élève ainsi la musique du trop peu connu compositeur tchèque au même rang que celles de Bach ou Mozart, entendu ensuite. Dans le Miserere de Zelenka, nous remarquons le solo d’une soprano du chœur, Tereza Zimkova, avec une voix assurée, pleine et élégante.

Le Requiem de Mozart a profité des mêmes qualités orchestrales, chorales et de direction. Les cordes troquent entre les deux pièces les archets baroques contre les archets classiques, auxquels s’ajoutent clarinettes et trombones historiques. Les solistes sont tous les quatre d’une grande qualité, sans pour autant prendre le dessus sur le chœur et l’orchestre, qui sont les vraies vedettes de la soirée. La Soprano Veronika Rovná présente une très belle ligne et musicalité convaincante mais la voix est un peu trop « devant » et manque de chaleur. La contralto Margherita Maria Sala exprime toute sa délicieuse italianité avec une superbe intensité de discours. Nous l’avions déjà remarquée dans L’Olimpiade de Vivaldi au Théâtre des Champs Elysées la saison dernière. Le ténor polonais Krystian Adam est aussi très à l’aise avec l’interprétation historiquement informée. On apprécie sa douceur qui n’enlève rien à sa verve. Enfin la basse croate Kresimir Strazanac a une voix charmante, pleine et chaleureuse, qui se marie très bien avec celle de son collègue ténor.

 

Ce qui transparaît dans ce concert, c’est le travail de détail et de précision qu’ont pu faire Luks et ses musiciens, travail qui devient trop rare dans les ensembles baroques français obligés de jouer de longs programmes avec seulement deux jours de répétition. La qualité du résultat du concert de ce soir devrait servir de leçon.

 

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CRITIQUE, concert. BOULOGNE-BILLANCOURT, La Seine Musicale, le 17 novembre 2024. ZELENKA : Miserere / MOZART : Requiem. Collegium Vocale 1704, Vaclav Luks (direction). Crédit photo © Droits réservés

 

VIDEO : Vaclav Luks dirige son Collegium Vocale 1704 dans le « Sepulto Domino » de Zelenka

 

CRITIQUE, concert (« Viva Puccini ! »). MONACO, Salle des Princes du Grimaldi Forum, le 17 novembre 2024. Jonas KAUFMANN / Valeria SEPE. Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Marco Armiliato (direction)

« Vincero, vincero ! ». Quand Jonas Kaufmann eut fait éclater les deux mots par lesquels se termine l’air de Calaf (« Nessun dorma« ) dans TurandotJe vaincrai, je vaincrai ! »), deux mille personnes se levèrent comme un seul homme dans l’immense Salle des Princes du Grimaldi Forum de Monaco, hurlant leur joie, explosant en bravos ! Après La Rondine en octobre ou plus récemment encore La Bohème, la série de concerts et spectacles organisés par l’Opéra de Monte-Carlo pour commémorer le Centenaire Puccini s’achevait de façon on ne peut plus éblouissante !…

 

Oui, vous avez bien lu, Jonas Kaufmann est venu. Il n’a pas annulé ! Ceci est la première information de la soirée. La deuxième est que son concert fut splendide. Attaquant d’entrée le premier air de Caravadossi de la Tosca, il fit trembler les murs et les cœurs. Suivit le fameux « E lucevan le stelle », toujours dans Tosca, et des frissons parcoururent la salle. On avait face à nous le Kaufmann des grands jours – le souverain, le héros, l’Imperator, le Kaufmann à la voix pleine, charnue, puissante, au timbre solaire ! Pas une note qui ne soit « musicale », pas la moindre « attaque » qui ne soit brutale… cela fait la beauté de son chant.

 

Jonas Kaufmann n’était pas venu seul. Il était en compagnie de la jeune soprano napolitaine Valeria Sepe. Il n’aurait pas pu mieux choisir. Elle fut une partenaire idéale : un chant d’une pureté absolue, d’une totale justesse, d’une suprême élégance. En solo ou en duo, elle fut tour à tour Mimi, Butterfly, Manon et Liu, mais aussi – le public l’attendait bien sûr… – Lauretta (dans Gianni Schicchi) et son grand air « O mio babbino caro » ! Elle incarna tous ces personnages avec un charme fou. Devant l’orchestre, Jonas et Valeria esquissaient un semblant de mise en scène. On était aux anges.

L’orchestre, parlons-en également : c’était l’excellent Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo. A sa tête se trouvait celui qui, avec les deux chanteurs, fut la troisième étoile de la soirée : le chef italien Marco Armiliato. Il obtint de ses musiciens une souplesse, une finesse, une délicatesse idéales. Tout l’esprit de Puccini passait par sa baguette. Tout au long du spectacle étaient projetées, sur un grand écran, des images des opéras dont les airs étaient interprétés. En particulier un spectaculaire saloon, dans La Fanciulla del West, devant lequel Kaufmann fut grandiose. A la fin, ce fut l’image géante de Puccini qui apparut – comme s’il était revenu pour assister au concert. On peut vous l’affirmer : il avait l’air heureux…

 

 

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CRITIQUE, concert (« Viva Puccini !« ). MONACO, Salle des Princes du Grimaldi Forum, le 17 novembre 2024. Jonas Kaufmann / Valeria Sepe. Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Marco Armiliato (direction). Toutes les photos © Marco Borrelli

 

VIDÉO : Jonas Kaufmann chante l’air « Nessun dorma » / extrait de Turandot de Pucccini

 

CRITIQUE, opéra. MASSY, Opéra, le 17 nov 2024. Ambroise THOMAS : Hamlet. Armando Noguera, Florie Valiquette, Ahlima Mhamdi, Kaelig Boché…Chœur d’Angers Nantes Opéra, Chœur de l’Opéra de Massy, Orchestre National d’Île de France, Hervé Niquet / Frank Van Laecke

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C’est un Hamlet de première valeur à laquelle nous avons assisté. Somptueuse et ténébreuse à souhaits, la mise en scène de Frank Van Laecke est servie, à l’Opéra de Massy où elle faisait escale les 15 et 17 nov, par une distribution proche de l’excellence.

 

Le raffinement des lumières, la force du dispositif scénique qui délimite sur la scène, un vaste espace fermé qui pourrait être la représentation de ce qui se passe dans l’esprit d’Hamlet, la qualité dramatique et vocale des solistes, l’engagement des musiciens dans la fosse (sous la baguette ample et détaillée du chef Hervé Niquet) … produisent devant le public massicois, un sans faute mémorable. De sorte que la production créée par Angers Nantes Opéra en 2019, revêt à Massy, un surcroît de vérité et d’intensité, passionnant. Photo ci dessus : Hamlet et la Reine Gertrude / Armando Noguera et Ahlima Mhamdi © Jérôme Mainaud.

 

Ce soir la fosse est contrastée et engagée comme jamais, déployant la soie à la fois noble, grandiose d’un Thomas, emblème éloquent de l’art musical du Second Empire ; le style est volontiers spectaculaire, dans l’esprit du grand opéra français (mais sans ballet) qu’enrichit aussi une sensibilité ciselée pour les vertiges tendres (bouleversante et tragique trajectoire d’Ophélie). De Shakespeare, Ambroise Thomas reprend et amplifie même pour son ouvrage créé en 1868, le caractère fantastique (à travers le spectre paternel qui s’impose dans l’esprit d’Hamlet et s’adresse directement à lui : ici la voix projetée de la basse Jean-Vincent Blot, sépulcrale et foudroyante depuis les cintres). Les éclairages subtils, – de la pénombre inquiétante à l’obscurité mortifère (signés du metteur en scène lui-même et de Jasmin Sehic) brossent à la façon d’un peintre, 1001 nuances de gris profonds ; autant d’accents qui dessinent la lente et inéluctable folie vengeresse d’Hamlet, sa destruction progressive, sa possession maladive (où participe aussi l’alcool, si l’on se réfère au nombre de bouteilles qui jonchent le sol…). Le Prince danois est bien cet enfant démuni, témoin d’un assassinat auquel il est exigé qu’il fasse réparation : en somme le pendant masculin d’une Elektra (chez Richard Strauss) ; pas de répit ni aucune issue sauf …la vengeance ; de quoi accaparer toute l’énergie et rendre fou ; c’est la trajectoire d’Hamlet, superbement incarné par le baryton Armando Noguera qui soigne autant l’intensité du verbe que la justesse de chaque geste ; le rôle est aussi exigeant voire éreintant pour l’interprète (quasiment toujours en scène et chantant) que celui d’Athanaël de Thaïs de Massenet : deux Everest pour tout baryton.

 

La sincérité du chanteur fait mouche dans chaque jalon de son cheminement noir et sacrificiel : l’air du vin, la dénonciation de son oncle criminel (après la Pantomime) à l’acte II ; puis à l’acte III, son monologue entre errance et vertige à vide (« être ou ne pas être »), surtout son terrible duo avec sa mère la reine Gertrude (percutante Ahlima Mhamdi), d’une violence âpre, qui se serait achevé par un matricide si le spectre paternel ne l’en avait pas empêché. La présence du baryton, son souci du texte suscitent l’admiration. Tout le personnage se construit comme une lente et impérieuse course de vengeance, irrépressible, inextinguible… et dans le même temps, dans un temps compté qui mène à la mort,… ainsi jusqu’à la destruction finale.

Armando Noguera (Hamlet) et Ahlima Mhamdi (Gertrude) © Jérôme Mainaud

 

 

Autre absolu tragique, l’Ophélie de la soprano Florie Valiquette dont l’assurance et l’agilité du timbre fruité s’affirme particulièrement dans son grand air de folie de l’acte III (enchaîné au duo Hamlet / Gertrude précédemment cité) ; un air d’une difficulté optimale pour la soprano et d’une exigence dramatique tout aussi redoutable ; fragilité hallucinée et coloratoure intense, juste, naturelle, la jeune diva bouleverse elle aussi par la sincérité maîtrisée de sa performance ; l’Ophélie désirante, amoureuse d’Hamlet, et pourtant négligée par lui (malgré lui), s’enfonce peu à peu dans la mort à mesure que son chant s’élève inversement, jusqu’à la noyade spectaculaire : un grand moment vocal et théâtral.

Palmes spéciales également pour le ténor très ardent et lui aussi percutant, Kaelig Boché dont le Laerte, frère de Ophélie, brûle les planches par sa sincérité franche et claire, en particulier à son retour de Norvège, quand il reproche à Hamlet d’avoir écarté Ophélie.
Les chœurs maison (de l’Opéra de Massy) associés à ceux d’Angers Nantes Opéra (dirigés par Xavier Ribes) sont impeccables, dans chaque tableau collectif, furieusement festifs et enivrés aux I et II ; d’une tendresse funèbre et complice pour le suicide d’Ophélie et ses funérailles aux IV et V.

 

Florie Valiquette, éblouissante et déchirante Ophélie © Michelle Soubelet

 

 

A mesure que la soirée se déroule, les épisodes plongent dans une encre tragique de plus en plus enveloppante ; même si Hamlet parvient enfin à venger son père, chaque épreuve et défi relevé, le détruit irrémédiablement ; cette inéluctable descente aux enfers est magistralement exprimée dans la mise en scène brillante et juste de Frank Van Lecke.

Dans la fosse, baguette précise, détaillée, Hervé Niquet, à la tête de l’Orchestre National d’Île de France, insuffle la fièvre dramatique requise ; la lecture est puissante et chambriste ; elle sait indiquer le tempérament lyrique spécifique du verdien Ambroise Thomas, son goût pour la couleur et l’atmosphère (lesquelles varient à chaque tableau particulier grâce à une intelligence des timbres très originale) ; pour preuve chaque solo d’instruments, en particulier le saxophone qui lance le divertissement préparé par Hamlet à l’adresse du couple criminel… (acte II). Une nouvelle superbe soirée à l’Opéra de Massy.

 

CRITIQUE, opéra. Hamlet d’Ambroise Thomas à l’Opéra de Massy, le 17 nov 2024.

Distribution
Hamlet : Armando Noguera
Ophélie : Florie Valiquette
Claudius : Patrick Bolleire
Gertrude : Ahlima Mhamdi
Laërte : Kaelig Boché
Marcellus : Yoann Le Lan
Horatio : Florent Karrer
Le Spectre : Jean Vincent Blot
Polonius : Nikolaj Bukavec
Premier fossoyeur : Pablo Castillo Carrasco
Deuxième fossoyeur : Bo Sung Kim
Orchestre National d’Ile-de-France
Chœur d’Angers Nantes Opéra
Chœur de l’Opéra de Massy
Direction musicale : Hervé Niquet
Mise en scène : Frank Van Laecke
Décors et Costumes : Philippe Miesch
Lumières : Frank Van Laecke, Jasmin Šehić
Chorégraphie : Tom Baert

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à venir à l’Opéra de Massy…

Prochain spectacle incontournable à l’affiche massicoise : SOLOMON, une »serenata » de William Boyce, perle baroque réalisée par l’ensemble Opera Fuoco, David Stern, ven 29 nov 2024 (20h) / infos et réservations directement sur le site de l’Opéra de Massy : https://www.opera-massy.com/fr/solomon.html?cmp_id=77&news_id=1078&vID=3

Prochain opéra à l’affiche de l’Opéra de Massy : La Belle Hélène d’Offenbach, les 13 et 14 déc 2024. Olivier Desbordes, mise en scène. Dominique Rouits, direction. Avec entre autres : Ahlima Mhamdi (Hélène), Raphaël Jardin (Pâris)… et l’Orchestre de l’Opéra de Massy. INFOS & RÉSERVATIONS : https://www.opera-massy.com/fr/la-belle-helene.html?cmp_id=77&news_id=1082&vID=80

 

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CRITIQUE, gala lyrique. PARIS, Salle Rossini, le 16 novembre 2024. GALA lyrique ODB. F. Hyon, H. Mas, J. P. Laffont, S. d’Oustrac, F. Egiziano, M. Mauillon, A. Zamora, V. Lingock, M. Assayag, A. Vincentini…

A l’occasion de ses 20 ans, ODB nous avait offert l’année dernière une parenthèse enchantée avec un florilège de jeunes voix et les fantaisies d’un maître de cérémonie d’une drôlerie irrésistible. Fort de ce succès, Jérôme Pesqué et Stéphane Sénéchal ont repris la même formule pour nous faire l’offrande d’un nouveau marathon lyrique tout aussi dense que le premier (près de 5 heures de spectacle), au profit cette fois d’un orphelinat Le Refuge KOL au Cambodge dont Sophie Koch est la marraine.

 

Toute la première partie de ce programme-fleuve a été un modèle d’équilibre et d’homogénéité, servi par des artistes à la belle présence scénique et vocale. A ce titre, on citera en particulier Juliette Gauthier, très expressive et engagée dans son interprétation de l’air de Sesto de La Clemenza di Tito, tout empreint des nuances attendues, tout comme l’Aria de Sartorio qu’elle habite avec brio. Voix vaillante et souveraine, Fabien Hyon s’impose à chaque instant dans l’Air d’Henry VIII de Saint-Saëns, et trouve ici un emploi qui lui sied parfaitement. Davantage à son aise dans l’air de la folie d’Elvira de I Puritani que dans l’air d’Ilia d’Idomeneo, Faustine Egiziano porte une incarnation intense, assise sur une grande intelligence musicale et un sens dramatique évident. Fanny Revay est une Elisabeth de Tannhauser d’une belle intensité, avec une présence lumineuse. Une voix plus lyrique que dramatique, ce qui surprend dans ce répertoire, mais bien projetée avec un timbre agréable. Coline Infante nous entraîne avec un évident plaisir dans l’univers Straussien avec un pétillant « Mein Herr Marquis » de Johann Strauss.

Abel Zamora nous a enchanté par la couleur de son timbre et la suavité de son émission dans l’air de Don Ottavio et dans l’air de La Jolie Fille de Perth de Bizet. Un artiste à suivre de près tout comme Florent Karrer qui prend un évident plaisir à incarner deux personnages que la scène ne lui offre pas encore, un Escamillo et un Posa, à la majesté orgueilleuse digne de grandes pages héroïques. Puissance, beau timbre, présence, ce garçon a tout pour faire une belle carrière. Emma de Negri nous offre ici un beau moment d’intense subtilité, avec « Tristes apprêt et pâle flambeaux » de Castor et Pollux et « C’est l’extase » de Debussy. Égale dans tous les registres comme dans les expressions, avec un constant souci du texte et des couleurs séduisantes, elle s’y montre au mieux de sa forme et touche au cœur.

Et puis en toute fin de cette première partie, la révélation de la soirée, que nous avions déjà eu l’occasion d’entendre lors du Concours des Voix d’Afrique : Victoria Lingock. Cette jeune Camerounaise, qui étudie le chant depuis un an avec Marie Vasconi, également présente dans le programme, nous a livré une interprétation décoiffante de l’air d’Eboli “O don fatale” avec une voix impressionnante, inclassable, mais non dénuée de nuances et un timbre superbe. Il reste du travail à la jeune artiste pour arriver à maturation et polir son magnifique instrument, mais si elle ne lâche rien, elle pourrait devenir une Grace Bumbry à la Française. Elle en a l’étoffe…

 

David Abramovitz et Héloïse Mas © Jean-Yves Grandin

 

Après une interruption de 15 minutes, la seconde partie du Gala est apparue plus contrastée et moins homogène que la première, les artistes étant d’inégale expérience. 0n retiendra surtout les prestations de Anne-Lise Polchlopek à la belle énergie, et à la puissance de feu dans « Easy Assimilated » du Candide de Bernstein, Raluca Valois dans l’air du Voile d’Eboli, qui se distingue par une belle présence scénique, un timbre séduisant et l’intensité de graves moirés (elle doit encore toutefois travailler la projection et l’homogénéité de la voix), Marlène Assayag qui a fait revivre avec une agilité sans faille l’air alternatif de Giuletta « L’amour lui dit la belle », Jeanne Zaepfel qui nous a délivré un délicat et subtil « Le Magnifique » de Grétry. Musicien stylé et artiste sensible, Stéphane Sénéchal nous offre un hommage au monde et aux états en guerre par une interprétation émouvante de « Tout disparut » de Poulenc, avec une jeune danseuse libanaise, Cynthia Dariane.

Mais c’est incontestablement Marc Mauillon qui récolte tous les suffrages dans cette seconde partie. Le baryton français, irrésistible tant vocalement que dramatiquement, y fait merveille, ne faisant qu’une bouchée de l’aria « Una voce m’ha colpito » de L’Inganno felice de Rossini. Il sait également épouser les subtilités et les infinies nuances de la mélodie française, et on fond de bonheur à l’entendre dans « Clair de lune », de Debussy qui tombe on ne peut mieux, en cette fin d’après-midi d’automne, où la nuit enveloppe déjà Paris. Comme l’année précédente, le programme est ponctué des interventions burlesques de la Stromboli, diva sur le retour, créée et interprétée avec fantaisie et brio par Stéphane Sénéchal. Cette figure fantasque est rejointe cette année par une élève fashion queer, l’irrésistible Sopralona d’Aurélien Vicentini, et une soprano « influenceuse », Funny Truche, autre incarnation succulente de Stéphane Sénéchal.

Outre ces scénettes humoristiques, deux parenthèses extra lyriques nous ont également été offertes par Isabelle Carrar et le pianiste inspiré Genc Tukici. Avec une subtilité à fleur de peau au fil des mots, la chanteuse a délivré un bouquet d’émotions en mode voix de velours, en interprétant « Parce que » d’Aznavour et “L’île aux mimosa” de Barbara. Saluons également l’engagement d’artistes de premier plan qui ont accepté de consacrer temps et énergie pour participer à ce spectacle monté disons le point mettre en lumière des jeunes voix. Héloïse Mas ouvre le Gala, avec deux airs titres qui contrasteront avec la tonalité globalement enjouée de l’événement, « O ma lyre immortelle » tiré de Sapho et « Pleurez mes yeux » du Cid qu’elle sert avec une profonde émotion et énormément de sensualité. Stéphanie d’Oustrac, avec son abattage habituel de comédienne et de tragédienne, passe des affres de cette pauvre Charlotte de Werther aux « Nuits d’une Demoiselle », sur une rythmique jazz, qui fait monter la température du public par ses formules suggestives et sulfureuses. Une sorte de « Dame de Monte Carlo » dépeinte ici dans les ébats amoureux de sa prime jeunesse. Une incarnation dans laquelle la mezzo se glisse avec délectation !

Un mot enfin pour citer les accompagnateurs des chanteurs lyriques, tous excellents et particulièrement Maxime Neyret et Denis Dubois (également acteur des scénettes de Stéphane Sénéchal). Il faudra attendre la fin du programme, pour voir apparaître un autre grand nom de la scène lyrique, Jean Philippe Lafont, sorti de sa retraite pour nous livrer un « Nemico della Patria » d’Andrea Chénier, ébouriffant de puissance et qui clôturera en feu d’artifice cette course de fond lyrique. On pourra cependant regretter que le spectacle fleuve se finisse de manière un tantinet abrupte sans que l’on fasse monter sur scène pour les saluts les chanteurs encore présents. Cela aurait donné une digne conclusion à un après-midi d’une grande intensité.

 

 

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CRITIQUE, gala lyrique. PARIS, Salle Rossini, le 16 novembre 2024. GALA lyrique d’ODB. F. Hyon, H. Mas, J. P. Laffont, S. d’Oustrac, F. Egiziano, M. Mauillon, A. Zamora, V. Lingock, M. Assayag, A. Vincentini…  Toutes les photos © Jean-Yves Grandin

 

 

CRITIQUE, opéra. NICE, Théâtre de l’Opéra (les 8, 10 et 12 novembre 2024). PUCCINI : Edgar. S. La Colla, E. Bakanova, V. Boi, D. Jenis… Nicola Raab / Giuliano Carella

Splendide Edgar de Giacomo Puccini à l’Opéra de Nice ! Pour le centenaire de la mort de Puccini, Nice affiche une œuvre rare de jeunesse, de surcroît dans sa version intégrale (en 4 actes), ce qui place le théâtre niçois comme le créateur en France de la partition sous cette forme. Et les solistes – comme la fabuleuse direction du très inspiré chef italien Giuliano Carella – défendent avec ardeur et justesse ce premier chef d’œuvre; jusque là trop méconnu, du compositeur toscan…

 

Créé en avril 1889, juste après Le Villi, Edgar est boudé par les spectateurs de la Scala de Milan. Puccini révise, restructure son ouvrage, passant des 4 actes originels à 3. Mais le succès ne sera pas pour autant au rendez-vous… Voilà donc un retour bienvenu de l’action en 4 actes, en guise de Première française. Dans cette oeuvre de jeunesse est en germe tout ce que Puccini fera par la suite, et Edgar préfigure nombre de ses futurs ouvrages, tels Tosca ou La Fanciulla del West… subtilité émotionnelle, génie mélodique, intelligence dramatique, qu’il s’agisse de l’écriture des solistes comme du chœur.

Et l’excellent Giuliano Carella sait attiser la fièvre musicale incluse dans la partition, des instrumentistes comme des chanteurs et des choristes, le tout dans une cohérence expressive admirable – soulignant, en réalité, les ressorts et l’intensité de la version choisie. Puccini adapte la pièce de Musset, La coupe et les lèvres, drame passionnel placé la fin du XVIIIème siècle, où un jeune homme, Edgar, est tiraillé entre deux femmes aux profils tout à fait opposés : Fidelia la douce et Tigrana, la femme fatale, féline et éruptive. Deux visages de l’amour, mais diamétralement opposés. Des portraits qui ,manquent parfois de nuances dans une action taillée à la serpe, mais le compositeur sait exploiter musicalement tout son potentiel expressif, voire poétique. Dans un huis-clos souvent étouffant, le chant exprime l’impuissance et la solitude finale d’êtres en butte à la force amoureuse qui les submerge, souvent à leur détriment.

A l’inverse d’une action puissante, voire sauvage, et des situations souvent tendues (à l’issue tragique…), la mise en scène de la metteure en scène allemande Nicola Raab reste sobre, discrète même, ne gênant en rien la continuité du drame, avec quelques beaux visuels, comme la scène où Edgar se fait passer pour mort afin d’éprouver davantage les deux femmes, tableau où l’on passe d’un linceul banc à un drap rouge sang…

 

L’arène passionnelle se situe plus au niveau des voix, très sollicitées par Puccini ; en particulier chez les deux amoureuses, aux emplois évidemment contrastés, et d’autant plus opposés qu’elles sont chacune très caractérisées : la mezzo Valentina Boi impose son timbre âpre, voire acéré, incarnant une Tigrana mordante et agressive. Tout à fait à l’opposé de la suavité, tout en phrasés, de la soprano russe Ekaterina Bakanova, (applaudie tout dernièrement dans Manon de Massenet au Teatro Regio de Turin), idéale visage de l’amour caressant (superbe « Addio, mio dolce amor »). Entre elles, le ténor Stefano La Colla (livournais, comme Valentina Boi…) aborde les deux facettes d’Edgar, à la fois lumineux et tendre, des aigus puissants voire héroïques, une belle intensité et une expressivité enflammée : il y a du belcanto et du chant spinto, doublement assumé dans l’écriture du rôle, ce que maîtrise le chanteur. De son côté, Dalibor Jenis (dans le rôle de Franck) réussit le seul air de l’opéra qui soit connu des chanteurs et du public, « Questo amor, vergogna mia », porté avec une ivresse idéale.

 

Tout opéra de Puccini ne serait rien sans son orchestre. La preuve en est déjà donnée ici dans un ouvrage de jeunesse, certes encore maladroit dans le profil des personnages, un rien monolithiques, mais dont les couleurs et la sensualité des lignes instrumentales suffit à lever toute réserve. La qualité de l’Orchestre Philharmonique de Nice, porté à son plus haut niveau par Giuliano Carella, s’avère électrisante tant les musiciens se surpassent, fédérés, encouragés ainsi dans les nombreux climax dramatiques de la partition.

Somptueuse création, d’autant plus marquante pour le centenaire Puccini qu’elle dévoile un opéra puccinien de jeunesse dans sa parure originelle. Belle initiative de l’Opéra Nice Côte d’Azur... et de son directeur Bertrand Rossi !

 

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CRITIQUE, opéra. NICE, Opéra (les 8, 10 et 12 novembre 2024). PUCCINI : Edgar (version en 4 actes, création française). S. La Colla, E. Bakanova, V. Boi, D. Jenis… Nicola Raab / Giuliano Carella. Toutes les photos © Dominique Jaussein

 

GENEVE. AVETIS BAROQUE FESTIVAL ORCHESTRA, mer 27 nov 2024. VIVALDI, RAMEAU, PERGOLESE (Stabat Mater)… Varduhi Khachatryan, Sara Mingardo, Bruno Procopio (direction)

Concert baroque événement à Genève : ce 27 nov, l’Avetis Baroque Festival Orchestra, nouvelle phalange musicale, propose plusieurs joyaux sacrés baroques signés Vivaldi et Pergolèse (Stabat Mater) selon les valeurs qui sont les siennes : exigence musicologique (instruments d’époque, interprétation « historiquement informée ») et investissement expressif réalisant aussi ce supplément d’âme qui entre souffle, respiration, maîtrise technicienne… enrichit considérablement l’expérience musicale et concourt aux grands concerts.

 

L’ensemble sous la direction artistique de la soprano Varduhi Khachatryan, se dédie ainsi à l’exploration et à la redécouverte des trésors du répertoire baroque. Débuts prometteurs ce 27 nov dans la salle genevoise mythique du Victoria Hall, le programme présente les Stabat Mater de Vivaldi et de Pergolèse, nouveau jalon d’une formation qui aspire à jouer un rôle clé dans le paysage musical suisse. Les plus grandes partitions résistent à chaque nouvelle interprétation ; gageons que cette nouvelle lecture éclaire différemment la puissance et la profondeur des pièces choisies pour ce programme inaugural.

 

Pour le concert, le chef et claveciniste, grand spécialiste de l’interprétation baroque, entre autres, Bruno Procopio, transmet son expertise et son énergie. Le créateur du Jeune Orchestre Rameau et chef invité de nombreuses formations à travers le monde, se distingue par son approche avisée, réfléchie, à la fois analytique et imaginative ; tout ce qui a fait la réussite de ses interprétations marquantes, en particulier chez Rameau… comme la musique française classique et romantique, qu’elle soit lyrique ou symphonique. Le programme au Concert Hall comprenant Vivaldi, Pergolèse, Haendel, Rameau, s’annonce des plus prometteurs, entre vivacité voire verve, finesse voire subtilité, drame, contrastes, passions et élans émotionnels. Assister à l’émergence d’un nouveau collectif est toujours passionnant. Programme Incontournable.

 

 

 

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GENEVE, Victoria Hall
Mercredi 27 novembre 2024, 20h
INFOS & RÉSERVATIONS : https://www.avetis.ch/
Pergolese – Stabat Mater
Vivaldi – Stabat Mater
Airs d’opéras de Vivaldi, Haendel, Rameau…

Avetis Baroque Festival Orchestra
Bruno Procopio, direction

Varduhi Khachatryan, soprano
Sara Mingardo, alto

 

Avec la participation exceptionnelle de Sara Mingardo, mezzo envoûtante d’un chant baroque, déjà applaudie, actrice à l’opéra d’une justesse souvent exceptionnelle (Messaggeria dans l’Orfeo de Monteverdi sous la direction de Jordi Savall).
Sa voix profonde et expressive, en parfaite harmonie avec celle de la soprano Varduhi Khachatryan, apporte une intensité inédite à des œuvres emblématiques telles que le Stabat Mater de Pergolèse, ou les airs de Haendel et Rameau. Profondément familiers des enjeux et défis du Baroque le plus exigeant, les interprètes de ce concert événement à Genève, explorent et expriment vertiges et accents de pages sacrées et profanes, spirituelles et dramatiques. Un plateau exceptionnel pour un concert événement.

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LIVRE événement. « RAVEL BOLÉRO » – Catalogue d’exposition (Éditions La Martinière / Philharmonie de Paris)

Le livre remarquablement édité par les éditions de La Martinière, n’est pas uniquement le catalogue de l’expo qu’organise la Philharmonie de Paris pour les 150 ans de la naissance de Maurice Ravel en 1875 (mars 2025). C’est en définitive à travers les 18 entrées textuelles  [comme les 18 entrées de la partition du Boléro, « diamant à 18 facettes »] une somme complète éclairant la connaissance et la compréhension d’une œuvre devenue mythique, dès sa création le 22 novembre 1928.

 

Sont évoqués, explicités : la genèse de la pièce, son inspiration hispanisante en liaison avec les origines de l’auteur, les secrets de sa mécanique spécifique, son raffinement en termes de timbres et de couleurs (dont l’art des combinaisons reste éblouissant), la question du bon tempo aussi [à 66], même sa graphie originelle [le e de bolero : avec accent ou pas ?], sans omettre la part significative de sa commanditaire : la riche danseuse Ida Rubinstein qui avait créé sa propre compagnie de danse, rivale des Ballets Russes de Diaghilev… L’histoire du Boléro au cinéma mais aussi le travail des chorégraphes dont évidemment l’autre Maurice […Béjart] éclairent différemment la perception de la partition qui est aussi à l’origine, un ballet.

Fruit magicien d’un compositeur demeuré un enfant, mais un enfant angoissé qui par le principe de la transe (hypnose fusionnelle de la répétition, d’un ostinato fabuleux subtilement énoncé par le battement ininterrompu de la caisse claire…), sachant conjurer l’action voire la menace de démons intérieurs, le Boléro est un objet musical inédit, sans musique, sans composition, uniquement un « effet d’orchestre », comme l’explique et aime à le dire Ravel lui-même ; mais quel effet ! : prodige d’intelligence esthétique, mariant comme personne les timbres choisis et ainsi associés… comme sait le réaliser le plus grand orchestrateur depuis Berlioz.

Le texte le plus pertinent demeure celui de la psychanalyste et danse-thérapeute, France Schott-Billmann, qui tout en décryptant le sens de la double bascule, des deux thèmes alternés, affrontés, complémentaires, répétés jusqu’à la transe, développe un regard saisissant sur la construction et l’architecture de la pièce, soulignant en définitive sa prodigieuse cohérence, au delà de la technicité de l’orchestrateur.

De splendides photos de la maison de Ravel à Montfort L’Amaury [le Belvédère], du compositeur au travail et avec ses proches, complètent une collection de contributions passionnantes. Excellente publication qui augure idéalement de l’année du 150ème anniversaire Ravel, et forme ainsi un excellent livret pour visiter (et préparer) l’exposition parisienne.

 

 

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LIVRE événement. Catalogue de l’exposition à la Cité de la musique – Philharmonie de Paris, du 3 déc 2024 au 15 juin 2025. Parution du 8 nov 2024. 224 pages – Sous la direction de Lucie Kayas, musicologue. CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2024.

 

 

 

PLUS D’INFOS
sur le site de la Philharmonie :
https://librairie.philharmoniedeparis.fr/catalogues-exposition/ravel-bolero 

 

sur le site des éditions de la Martinière :
https://www.editionsdelamartiniere.fr/livres/ravel-bolero

OPMC, Orchestre Philharmonique de Monte Carlo. Dim 8 déc 2024. BRITTEN (Simple Symphony, opus 4), RESPIGHI (Les Fontaines de Rome), R. STRAUSS (Ainsi parlait Zaratoustra). Kazuki Yamada, direction

Directeur artistique et musical de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo (OPMC) depuis 2016, Kazuki Yamada est également le directeur musical de l’Orchestre symphonique de Birmingham, chef principal invité du Yomiuri Nippon Symphony Orchestra, et chef invité de l’Académie internationale de Seiji Ozawa.

 

Après entre autres, un remarquable concert Mahler (Symphonie n°3 avec en soliste Gerhild Romberger, le 22 sept dernier : LIRE notre critique du concert Mahler 3 par Kazuki Yamada) en ouverture de sa nouvelle saison 2024 – 2025, Kazuki Yamada dirige un nouveau programme très attendu où seront manifestes les qualités de sa direction : analytique autant que dramatique, nuancée et très architecturée. Depuis 2016, le chef japonais réalise un travail de fond et une approche remarquablement articulée des œuvres abordées, qu’il s’agisse de partitions lyriques (il dirigera en 2025, les deux opéras de Ravel : L’Enfant et les sortilèges et L’Heure espagnole à l’occasion de l’année Ravel 2025) ou symphoniques comme ce programme du 8 déc en atteste.

Le maestro aussi fin qu’intensément dramatique, se produit avec la complicité de deux solistes sensibles, la violoniste norvégienne Vilde Frang (et son instrument exceptionnel : un Guarneri del Gesù de 1734), et l’altiste Lawrence Power dans le double Concerto (pour violon et alto) de Britten

Portrait de Kazuki Yamada © Sasha Gusov / OPMC

 

 

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Dimanche 8 décembre 2024 – 18h
Auditorium Rainier III – Concert symphonique

Kazuki YAMADA, direction
Vilde FRANG, violon
Lawrence POWER, alto

Réservations & information directement sur le site de l’OPMC Orchestre Philharmonique de Monte Carlo : https://opmc.mc/concert/concert-symphonique-8-dec-2024/

 

 

Benjamin BRITTEN : Simple Symphony, op. 4
Double concerto pour violon et alto
Ottorino RESPIGHI : Les Fontaines de Rome
Richard STRAUSS : Ainsi parlait Zarathoustra, op. 30

En prélude au concert, présentation des œuvres à 17h par André Peyrègne

Tarifs : de 18 à 36€ (Jeunes -25 ans de 6 à 20€)

Renseignements et réservations :
+377 92 00 13 70
www.opmc.mc

 

 

 

approfondir

LIRE notre critique du Concert Mahler : Symphonie n°3 par l’OPMC Orchestre Philharmonique de Monte Carlo et Kazuki Yamada : https://www.classiquenews.com/critique-concert-monte-carlo-forum-grimaldi-le-22-sept-2024-concert-douverture-3eme-symphonie-de-mahler/

 

CRITIQUE, concert. MONTE-CARLO, Grimaldi Forum, le 22 sept 2024. Concert d’ouverture : 3ème Symphonie de Mahler. Gerhild Romberger, Chœur de femmes du CBSO Chorus, Chœur d’enfants de l’Académie Rainier III de Monaco, Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Kazuki Yamada (direction).

 

CRITIQUE CD événement. BEETHOVEN : Intégrale des Symphonies, vol.1 – Symphonies n° 1, 2, 4 – Orchestre Consuelo, direction Victor Julien-Laferrière (1 cd b-records)

Victor Julien-Laferrière est un violoncelliste respecté ; il dévoile dans ce double coffret une autre carte de poids (et de choc), c’est un chef de première valeur. Évidence est faite que l’instrumentiste aguerri a visiblement convaincu et fédéré le collectif en une compréhension globale. En témoigne ce premier jalon d’une intégrale des symphonies de Ludwig van Beethoven (Symphonies 1, 2, 4), à la tête de son propre orchestre (Consuelo)…

 

La prise live de l’éditeur B-records (captation très maîtrisée réalisée à l’Abbatiale Saint-Robert / Festival de la Chaise-Dieu les 22 et 23 août 2023) révèle un geste à la fois analytique et superbement architecturé, alliant souffle et nuances, dramatisme et profondeur, avec cette élégance fluide, ce sens de la trépidation haydnienne, de l’équilibre viennois, … surtout de la vivacité conquérante, propre à Ludwig, l’insatiable réformateur, conquérant des nouveaux mondes. En deux CD, la lecture précise une compréhension captivante du massif beethovénien grâce à l’agilité des instruments requis, dans cette forge orchestrale bâtie et ciselée par un Beethoven trentenaire… qui de fait, réalise par son génie en maturation, la synthèse entre Haydn (son maître) et la grâce de Mozart… avec cette vitalité et une fougue inédite. L’enjeu de la Symphonie n°1 (composée en 1799, créée à Vienne en 1800) affirme l’équation miraculeuse entre l’éclat et le brio, l’orchestration impétueuse, surtout l’expression d’une volonté irrépressible, impérieuse, impériale. Ludwig admirateur alors de Bonaparte / Napoléon, exprime la musique de son temps, musique de la rupture, de l’énergie, de la promesse aussi.

Les choix d’articulation, les respirations très justes font aussi la pertinence de la Symphonie n°2, plus rare au concert et souvent jouée comme un jalon complémentaire, dans le cadre d’une intégrale ; les qualités d’Orchestre Consuelo s’y confirment : fluidité et personnalité de la pâte sonore, équilibre remarquable entre l’allant et le sens des timbres et des détails instrumentaux, relief des accents et souplesse générale de l’expressivité ; la nervosité calibrée ; la vitalité continue qui respirer et articuler…

Tout aussi rare, la 4ème en si bémol majeur op. 60 (créée en… 1807) est dédiée au Comte Wenzel von Oppersdorff, mécène silésien parmi les nombreux protecteurs de Beethoven à Vienne… La partition affirme l’intelligence interprétative globale : sa pseudo « sagesse » (après les fracas et déflagrations de la 3ème « Eroïca ») prend ici un tout autre visage ; l’adagio d’ouverture, étiré, large, mystérieux idéalement, surpasse l’effet contrasté recherché par le maître Haydn (qui a souvent procédé de même) ; Ludwig semble y décrire un champ de ruines, une terre au destin suspendu, un repli souterrain dont le cheminement harmonique est des plus incertains, pour faire jaillir, en une jubilation impérieuse et dansante (bassons sautillants), l’allegro qui suit immédiatement. L’Adagio a fait justement l’admiration de Berlioz : angélisme naturel de son envol mélodique que le chef fait chanter avec une tendresse irrésistible (« virgilienne », selon les mêmes mots de Berlioz) que ponctue les tutti réguliers, comme des mises en garde. Le flux dramatique est d’une intensité et d’une ivresse jubilatoire. Sentiment qui se gonfle d’une assurance tout aussi maîtrisée, dans le somptueux et trépidant second Allegro (faisant office de scherzo avant l’heure) dont le maestro violoncelliste suit très exactement les indications dynamiques : Allegro molto e vivace – Un poco meno allegro – Tempo primo : un régal de respect et de relecture imaginative.

 

BEETHOVEN nerveux, régénéré

Le finale, Allegro ma non troppo exprime toute la nervosité attendrie, l’humour et la joie (à venir, celle fraternelle de la 6ème « pastorale), et surtout cette frénésie dansante que permet l’équilibre expressif qui circule d’un pupitre à l’autre : cordes en joie jubilante, vents et bois réglés comme des danseurs élastiques et d’une flexibilité bondissante, sur des tempi rapides, fouettés sans sécheresse ; tout cela façonne une mécanique au bonheur débordant- l’un des mouvements les plus joyeux de Beethoven.
Cette intégrale Beethoven par l’Orchestre Consuelo, s’annonce ainsi sous les meilleurs auspices. Les temps de répétition ont valablement été exploités, à bon escient, certainement sous le contrôle d’un chef soucieux de confort et d’efficacité : tant la cohérence et cette fluidité expressive transparaissent avec vitalité et précision. La complicité entre instrumentistes et chef est palpable, d’autant plus sensible dans la continuité de ce live si proche du concert. Vite la suite !

 

 

 

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CRITIQUE CD événement. BEETHOVEN : Intégrale des Symphonies, vol.1 – Symphonies N° 1, 2, 4,
 Orchestre Consuelo, direction : Victor Julien-Laferrière (1 cd B-records) / coll Festival de la Chaise-Dieu, 2024


https://www.b-records.fr/beethoven-symphonies-vol1
https://www.orchestreconsuelo.com

 

 

 

 

TEASER VIDÉO B-records / Symphonies de Beethoven par l’Orchestre Consuelo

 

ON LILLE / Orchestre national de Lille, jeudi 21 nov 2024. RACHMANINOFF : Danses symphoniques. Anna CLYNE : « The Seamstress »… Joshua Weilerstein, direction

Écrite pour introduire son opéra Fidelio, l’ouverture Leonore III est l’une des oeuvres les plus impressionnantes de Beethoven. Joshua Weilerstein mettra ensuite à l’honneur Anna Clyne, l’une des compositrices actuelles les plus jouées au monde. « The Seamstress » est un concerto pour violon dans lequel la soliste Diana Tishchenko – lauréate du Concours Long-Thibaud-Crespin en 2018 – tisse des liens avec l’orchestre comme une couturière.

 

Écrites aux États-Unis en 1940, les superbes Danses symphoniques de Rachmaninov couronnent un programme enthousiasmant. Écrite pour son unique opéra Fidelio, l’ouverture Leonore III exprime à sa plus haute expression, l’inspiration tragique, dramatique du Beethoven dramaturge. le nouveau directeur de l’ON LILLE / Orchestre National de Lille, Joshua Weilerstein (qui est aussi violoniste) aborde l’écriture de la britannique Anna Clyne, l’une des compositrices actuelles les plus jouées au monde. « The Seamstress » (2015) est un concerto pour violon dans lequel la soliste Diana Tishchenko – lauréate du Concours Long-Thibaud-Crespin en 2018 – tisse des liens avec l’orchestre « comme une couturière ». ANNA CLYNE… En 2024, la britannique (installée aux États-Unis) Anna Clyne se classe dixième parmi le classement backtrack des compositeur le plus joués de l’année 2023 ; son concerto pour violon est régulièrement interprété. Née à Londres en 1980, Anna Clyne étudie en Écosse avant d’obtenir son diplôme à la prestigieuse Manhattan School of Music de New York. De 2010 à 2015, elle est compositrice en résidence auprès de l’Orchestre Symphonique de Chicago, et c’est dans ce cadre qu’elle crée le concerto pour violon The Seamstress en mai 2015. Intitulée « La couturière » [The Seamstress], l’œuvre « est un ballet imaginaire en un acte. Seule sur scène, la couturière est assise, dénouant les fils d’un tissu ancien posé délicatement sur ses genoux », précise son auteure.

 

Au début, une mélodie folklorisante, aux accents celtes confirme que Clyne s’inspire d’un poème de l’irlandais W.B Yeats (1865-1939) intitulé Un manteau. Puis des souffles enregistrés se font entendre avant la voix d’Irene Buckley (amie irlandaise de Clyne) récite le poème de Yeats en entier : « J’ai fait de ma chanson un manteau / Couvert de broderies / Tissé de vieilles mythologies / Du talon à la gorge ; Mais les fous l’ont pris, L’ont porté à la vue du monde / Comme s’ils l’avaient fabriqué / Chanson, qu’ils le prennent / Car il y a davantage d’audace / À marcher nu ». La compositrice britannique invite l’auditeur à tisser une toile peuplée de sonorités gaëliques et folklores irlandais. Écrites aux États-Unis en 1940, les superbes Danses symphoniques de Rachmaninov, en confirmant la sublime inspiration néo classique et aussi autobiographique d’un Rachamaninoff exilé, nostalgique, couronnent un programme particulièrement enthousiasmant.

 

 

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LILLE, Nouveau Siècle
Auditorium Jean-Claude Casadesus
Jeudi 21 novembre 2024 – 20h
Beethoven, Leonore III
Clyne, The Seamstress
Rachmaninov, Danses symphoniques
ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE
Joshua Weilerstein, direction
INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site de l’ON LILLE / Orchestre National de Lille : https://onlille.com/choisir-un-concert/categories/danses-symphoniques

 

Programme repris à Dunkerque, le Bateau Feu
vendredi 22 novembre 2024 – 20h

Programme de salle Danses symphoniques (PDF 0.52 Mo)

* Tarif : 6€ – 49€
* Autour du concert
* 1h40 avec entracte
* Auditorium – Nouveau Siècle, Lille

 

 

Autour du concert
Prélude musical commenté
autour de l’œuvre de Clyne, avec les étudiants de l’ESMD
21 novembre 2024 – 19h

 

À l’issue du concert – Bord de scène
Rencontre avec les artistes
Jeudi 21 novembre 2024 – 21h40

 

 

BEETHOVEN n’a écrit qu’un seul opéra et quel opéra : Fidelio, opéra héroïque qui narre le destin de Florestan, emprisonné injustement et de sa femme, Leonore, qui réussit à le libérer à force de subterfuge : grandeur et ténacité admirable de la fidélité conjugale. L’ouvrage devra pourtant attendre près de 9 ans et pas moins de quatre ouvertures différentes pour trouver sa version définitive en 1814. Leonore III est en réalité l’ouverture de l’opéra présentée pour la deuxième série de représentations en 1806. En une dizaine de minutes, l’ouverture Leonore III est un brûlot contrasté, impérieux, hautement dramatique. Le début nous emmène dans le donjon dans lequel est enfermé Florestan. Son désespoir l’étouffe quand surgit, miraculeux, l’amour de son épouse déterminée à le libérer des geôles : c’est l’arrivée de Leonore, son épouse qui se déguise en homme (prénommé Fidelio) pour le libérer de prison.
À la moitié de l’ouverture, des appels de trompettes annoncent l’arrivée du ministre qui vient délivrer Florestan du terrible gardien Pizarro. Toute la deuxième partie bascule de l’obscurité à la lumière, selon l’idéal des Lumières. La partition est portée par une joie contagieuse et lumineuse qui parcourt toute la fin, transformant l’ouverture Leonore III , en un magnifique hymne pour la liberté.

RACHMANINOFF … Les Danses Symphoniques de Rachmaninov ont été les œuvres les plus jouées en 2023 ! Certes il est question du cent-cinquantième anniversaire de la naissance du compositeur mais pas seulement… Les Danses Symphoniques sont la toute dernière œuvre achevée en 1940 par le musicien russe, installé depuis 1917 en Amérique. En trois mouvements (que Rachmaninov appelle tout d’abord « Jour, Crépuscule et Minuit »,c comme la synthèse d’une vie terrestre), le compositeur y livre un véritable autoportrait : la jeunesse de l’artiste, un adieu grinçant à la Russie tsariste d’avant la Première Guerre Mondiale, la liturgie orthodoxe qui boucle l’œuvre dans la joie et la lumière.  Déraciné, exilé inconsolable, Rachmaninoff exprime son amour de sa culture natale…

Critique, récital lyrique. PARIS, Salle Gaveau, le 9 novembre 2024. BACH / VIVALDI / HAENDEL. Carlo VISTOLI (contre-ténor) / Akademie Für Alte Musik Berlin / Georg Kallweit (direction)

Le contre-ténor italien Carlo Vistoli vient d’enregistrer – dans le cadre d’un contrat d’exclusivité juste conclu avec la firme Harmonia Mundi – son premier disque solo intitulé « Sacro Furore », comptant un programme d’airs sacrés. La remarquable formation orchestrale allemande “Akademie Für Alte Musik Berlin” (Akamus) l’accompagne : il s’agit de leur première collaboration artistique qui, de fait, en appellera obligatoirement d’autres, surtout après le succès sans nuage remporté par le concert donné, en ce samedi 9 novembre, dans le bel écrin de la Salle Gaveau (et dans le cadre de la série de concerts proposés par « Philippe Maillard Productions »). Le programme proposé dans la célèbre salle parisienne reprend en grande partie l’enregistrement, du moins après une première partie consacrée au vaste répertoire de Cantates du Kantor de Leipzig.

 

Après deux extraits purement musicaux pour faire faire valoir la chaude et enveloppante sonorité de la superbe formation germanique – d’abord une Sinfonia issue d’une Cantate de jeunesse de J. S. BachIch geh und suche mit Verlangen” (“Je m’en vais à ta recherche empli de ferveur”), puis le Concerto pour deux violons RV 522 d’Antonio Vivaldi (extrait du fameux “L’Estro Armonico op. 3”) -, Carlo Vistoli apparaît sur scène, élancé et élégant, sourire aux lèvres, avant de se concentrer pour délivrer la célèbre (et très émouvante) Cantate “Ich habe genug” (“J’en ai assez”) de Bach, une entrée en matière qui révèle la séduction du timbre de Carlo Vistoli, de même que son engagement. Sa voix de haute-contre s’élève forte et limpide, rayonnante sur toute la tessiture, toujours lumineuse – où la profondeur presque spirituelle de l’interprète incite au recueillement. Il faut dire que l’accompagnement superlatif de l’orchestre et de la merveilleuse hautboïste Xenia Löffler lui offrent un terrain d’action privilégié.

Après une pause, place à Vivaldi et à son célébrissime “Stabat Mater”, qui semble encore plus lui convenir. Il convient d’admirer l’intensité qui émane de son interprétation qui met en relief par ailleurs le legato qui fait l’objet de sa part d’un soin tout particulier. Les registres sont unifiés, et le grave charnu répond aux attentes de l’exercice. Le Motet “Nisi Dominus”, du même Vivaldi, offre à Carlo Vistoli la possibilité d’exposer plus avant la virtuosité qui est sienne, mais sans aucune ostentation et inutile démonstration extérieure. L’interprète demeure toujours au centre du morceau qu’il interprète, concentré sur le sujet et son caractère sacré. Pour lui, le mot n’est jamais vide de sens… bien au contraire ! Le bonheur ressenti à l’issue de de la soirée doit être totalement partagé en union avec l’Akademie Für Alte Musik Berlin qui a donné, en sus, une superbe interprétation du fort inspiré Concerto Grosso en sol majeur HWV 314 de Georg Friedrich Haendel.

Devant le triomphe remporté par l’ensemble des solistes, trois bis ont été accordés, dont deux airs d’ouvrages de Haendel : “Quando mai spietata” tiré de son opéra Radamisto, le bouleversant “Lascia la spina” (extrait d’Il Trionfo del Tempo e del Disinganno), ainsi que l’”Allelujah” de la Cantate de Vivaldi “In Furore” (contenu dans le disque), où la virtuosité trépidante de Carlo Vistoli n’a pas manqué de terrasser le public de la Salle Gaveau !

 

 

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Critique, récital lyrique. PARIS, Salle Gaveau, le 9 novembre 2024. BACH / VIVALDI / HAENDEL. Carlo VISTOLI (contre-ténor/) Akademie Für Alte Musik Berlin / Georg Kallweit (direction). Toutes les photos (c) Emmanuel Andrieu.

 

VIDÉO : Extrait du CD « Sacro furore » par Carlo Vistoli et l’Akademie für Alte Musik Berlin

 

CRITIQUE, concert. PARIS, Théâtre du Châtelet, le 12 novembre 2024 : « MISS KNIFE ». Olivier PY / Antoni Sykopoulos

Quand le Théâtre du Châtelet retentit avec les voix légendaires, de Sarah Bernhardt à Barbara, leur énergie a nourri les teintures, les stucs et les marbres polis. Quand l’on franchit les portiques, nos pas semblent accompagnés par les échos des émotions que les solistes, comédiennes et chanteuses du passé, ont laissé au cœur de cette salle mythique. Cette ancienne forteresse des condamnés a troqué sa hiératique robe de pierre pour le foyer des cœurs éperdus, la fulgurance de l’esprit d’à propos et les fastes de l’opéra ou de la comédie musicale.

 

 

Alors arrive l’inénarrable Miss Knife pour invoquer les esprits qui peuplent le Châtelet et leur donner une voix aux accents pathétiques mais enivrants. Avec une gouaille canaille 2.0 et un accoutrement Dietrich-Liza-Gagaesque, Olivier Py campe son alter-ego avec résolution. Dans les mille et une voix de Miss Knife se bousculent Barbara, les égéries de Legrand / Demy, la sensuelle Gilda (Rita Hayworth) et même la bégueule Thérésa. Miss Knife épouse une tradition qui a rendu légendaire le Châtelet. D’un battement de cils, Miss Knife nous emmène dans le rivage où le cœur brisé est l’esquif qui vogue vers d’ineffables crépuscules.

Comme toute grande interprète, Miss Knife a une voix singulière. Puissante et complexe, vibrante dans les graves et précise dans les aigus, elle sait tirer au cœur sans rater sa cible. Elle est ce qu’on appelle en espagnol, “una gran dama de la canción”. Au piano et aussi en duo avec la diva, Antoni Sykopoulos est vibrant d’émotion, ses soli et sa chanson du vieux poète évoquent Anacréon qui voit danser la vie au loin en se livrant au fatal faux du trépas.

Le programme est un voyage dans la carte du tendre, des glaces saumâtres de la rupture aux mirages doux-amers de la rupture, et la résolution au naufrage dans le vertigineux vermeil de la passion. Chaque chanson composée par Olivier Py et Antoni Sykopoulos est un bijou de jais dont l’éclat charme et ensorcéle. Fascinante soirée qui perce le silence qui est l’oxygène unique des salles de spectacle, l’élément essentiel pour que l’art déverse son flot de merveilles.

 

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, Théâtre du Châtelet, le 12 novembre 2024 : « MISS KNIFE« . Olivier PY / Antoni Sykopoulos. Toutes les photos © Julien Benhamou.

 

 

VIDÉO : « Les Premiers Adieux de Miss Knife » (au Théâtre de la Criée à Marseille)

ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE. Départ du Directeur général François Bou à compter du 1er février 2025, pour la Casa da Musica de Porto

Après 10 ans à la direction générale de l’Orchestre National de Lille, François Bou annonce son prochain départ pour rejoindre à compter du 1er février 2025, la Casa da Música de Porto (Portugal), dont il a été nommé Directeur artistique et pédagogique.

 

 

Dans un communiqué paru le 13 nov 2024, L’ON LILLE / ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE remercie son directeur général François BOU qui quittera ses fonctions début février 2025 : « A l’heure d’une prochaine aventure, je remercie François Bou pour la mission accomplie. Sous sa direction artistique, puis générale, l’Orchestre National de Lille a renforcé son rayonnement, développé son répertoire et poursuivi son action novatrice en direction de tous les publics. Je lui souhaite une pleine réussite dans les nouvelles fonctions qu’il va occuper à la Casa da Musica de Porto », déclare François Decoster – Président du Conseil d’administration de l’Orchestre National de Lille.

PARCOURS… Au cours de la décennie passée à l’ONL, François Bou a mené le processus de recrutement de deux directeurs musicaux et fait nommer – à la succession du chef fondateur Jean-Claude Casadesus – Alexandre Bloch en 2016 puis Joshua Weilerstein, à partir septembre 2024.

FRANÇOIS BOU a relancé la politique audiovisuelle avec plus de 20 CD, des captations télévisuelle, la création d’une salle de concert virtuelle l’Audito.2.0. (disponible depuis la chaîne YouTube de l’Orchestre) où sont à disposition des spectateurs, concerts, interviews, et autres formats vidéo pédagogiques et culturels. Dès 2017, il a favorisé la création de deux orchestres sociaux pédagogiques, d’abord avec le programme DEMOS puis OPUS ainsi qu’une académie d’insertion professionnelle de jeunes musiciens diplômés des grandes écoles de musique conjointement avec l’orchestre Les Siècles. À la Casa de Mùsica, François Bou souhaite favoriser un lieu ouvert sur la société et sur les enjeux présents et futurs (…) grâce à  » une voix musicale, compréhensible et mobilisatrice » . Portrait de François Bou © S. Pruvost.

 

BIOGRAPHIE… Après un baccalauréat littéraire et des études de droit, François Bou s’engage dans des études supérieures de chant, de comédie musicale et d’art lyrique au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris.
Sa formation et son goût de l’organisation le conduisent naturellement vers l’administration du spectacle vivant (opéra et orchestre symphonique).
Sa passion pour la voix et la musique, combinées à ses premières expériences professionnelles, lui permettent d’accéder à des postes à responsabilités dans des institutions musicales reconnues telles que l’Atelier Lyrique et l’Orchestre de l’Opéra de Lyon – sous la direction de Sir John Eliott Gardiner -, ou encore auprès de l’Ensemble Intercontemporain que présidait Pierre Boulez et dont Peter Eötvös était directeur musical.
François Bou accède rapidement à différents postes de direction de programmation et de production dans des structures nationales de premier plan comme l’Opéra du Rhin (Strasbourg), l’Opéra de Rouen, l’Opéra-Comique à Paris.
En 1999, il rejoint l’Orchestre National de Lille en tant que directeur artistique. En l’espace de 8 années enrichissantes, François Bou acquiert une connaissance profonde de l’ONL, de l’environnement social, politique et culturel en région Nord-Pas de Calais. Ainsi, sa volonté de renouveler et d’expérimenter a pu se traduire par le développement de collaborations entre les institutions culturelles métropolitaines, régionales, nationales et internationales, ainsi que par la création de deux festivals : le Lille Piano(s) Festival, né de l’impulsion de « Lille 2004 – Capitale Européenne de la Culture » avec le chef d’orchestre fondateur Jean-Claude Casadesus, et le Festival de Violon de Boulogne-sur-Mer en 2006.
Cette étape significative et riche en collaborations musicales lui permet d’intégrer en 2007 l’agence artistique internationale Van Walsum Management (aujourd’hui Maestroarts) à Londres où il occupe la fonction de « project manager » dans le département des projets et tournées internationales. Ses missions lui ouvrent les portes du panorama musical international : il organise ainsi de grands événements avec des salles de renom et opéras prestigieux en Europe.
En 2009, il est nommé Directeur Général de l’OBC, l’Orquestra Simfònica de Barcelona i Nacional de Catalunya, où il développe la politique de rayonnement de l’orchestre grâce à de nombreuses collaborations inédites tant à Barcelone (Gran Teatre del Liceu, Palau de la Música, CaixaForum…) qu’à l’étranger, il instaure la transversalité des arts (notamment la danse avec le Centre chorégraphique national El Mercat de les Flors, le Museu Picasso, le Teatre Nacional de Catalunya…). Il créé la première édition de l’Orquestra a la platja, redynamise l’activité audiovisuelle de la phalange symphonique, notamment un CD et DVD de Jeanne d’Arc au bûcher (Honegger) avec Marion Cotillard.
Malgré la terrible crise des subprimes, il consolide la place de l’Orchestre comme acteur culturel prépondérant de Catalogne. Il relance les tournées nationales et internationales. Il est membre du Directoire de L’Auditori dans lequel l’OBC est intégré et qu’il représente au Conseil d’administration d’ECHO ( European Concerthalls Organization). Il a été membre du conseil d’administration de l’AEOS (Association Espagnole des Orchestres Symphoniques).
Il est nommé Directeur général de l’Orchestre National de Lille en juin 2014. Il est chargé de la conception et de l’exécution du projet artistique et culturel de l’Orchestre ainsi que de sa direction générale.
En avril 2016, Le Consul Général de France à Barcelone lui a remis les insignes de chevalier dans l’Ordre des Arts et Lettres, distinction qui honore particulièrement son action volontariste de diplomatie culturelle à Barcelone entre la France et la Catalogne.
François Bou est actuellement vice-président de l’Association Française des Orchestres (AFO) et du Bureau des Forces Musicales, Syndicat professionnel des Opéras et des Orchestres.

 

 

OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE. MASSENET : nouvelle production de THAÏS, les 15, 17 et 19 nov 2024, dans la mise en scène de PIERRE-EMMANUEL ROUSSEAU, avec Jérôme Boutillier (Nathanael) et Ruth Iniesta (Thaïs)…

Jules Massenet est bien chez lui à Saint Étienne : l’enfant du pays né stéphanois en 1842, ouvre ainsi la nouvelle saison 2024 – 2025 de l’Opéra de Saint-Étienne. Sous le regard [et le goût juste comme la grande culture] du metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau, la nouvelle production [et premier opéra de Massenet pour ce dernier], éblouit autant par l’intelligence des tableaux, visuellement cinématographiques, que le luxe raffiné des costumes et décors [tous dessinés par le metteur en scène et réalisés par les ateliers de l’Opéra de Saint Étienne]. L’approche est âpre, passionnée, à la fois flamboyante et violente : au diapason du personnage du moine cénobite Athanaël que dévore un amour irrépressible et charnel pour la belle courtisane alexandrine, Thaïs.

Violente et somptueuse…
Nouvelle Thaïs éblouissante
à l’Opéra de Saint-Étienne

 

La soprano Ruth Iniesta dans la rôle de Thaïs la courtisane d’Alexandrie  © classiquenews

 

Les deux rôles principaux sont des prises de rôle et remarquablement incarnés par deux solistes engagés et très crédibles : Jérôme Boutillier et Ruth Iniesta. Même le rôle de Nicias, riche décadent alexandrin est lui aussi solide et racé [Léo Vermot-Desroches] : il accrédite les tableaux festifs d’Alexandrie, d’autant plus vraisemblables dans les décors et costumes déjà cités.
Musicalement, les spectateurs pourront se délecter des effluves d’un mysticisme sensuel de la fameuse Méditation de Thaïs, moment de bascule où la courtisane obsédée par l’idée de la mort, a la révélation de la foi (ainsi exprimée dans une séquence orchestrale pour violon solo)… C’est aussi dans le flux dramatique imaginé par le metteur en scène, un tableau lui aussi luxueux [très Second Empire] où Thaïs ose toucher à son intégrité physique en un acte irréversible qui annule cette souveraine beauté qui l’entrave.
Bonus complémentaire de la version jouée à Saint-Étienne : plusieurs pages des ballets originaux dont certains propres à la version de 1898 sont restitués [dont partie de celui des « 7 esprits de la tentation » conçus par Massenet à la fin de l’ouvrage, dévoilant la destruction psychique du moine submergé par sa passion interdite : prétexte à une superbe tableau, lui aussi flamboyant et radical (réalisé en solo par le danseur Carlo D’Abramo, avec lequel Pierre-Emmanuel Rousseau avait déjà travaillé pour La Rondine à Turin). Production événement en 3 dates à l’Opéra de Saint-Étienne, les 15, 17, 19 nov 2024. Incontournable !

 

Jérôme Boutillier est Athanaël, moine cénobite, dévoré par la passion charnelle que suscite celle qu’il a convertie: Thaïs (Ruth Iniesta)… @ classiquenews

 

 

LIRE aussi notre présentation de Thaïs de Massenet à l’Opéra de Saint-Étienne :

OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE. MASSENET : Thaïs. Les 15, 17 et 19 nov 2024. Ruth Iniesta, Jérôme Boutillier… Pierre-Emmanuel Rousseau / Victorien Vanossten

Crédit photo : © studio CLASSIQUENEWS

 

 

TEASER VIDÉO de THAÏS de Jules Massenet
– Mise en scène : Pierre-Emmanuel ROUSSEAU

 

 

 

 

REPORTAGE VIDÉO Thaïs de Massenet à l’Opéra de Saint-Étienne, nouvelle production (15, 17 et 19 nov 2024) :

Pour 3 dates événements (15, 17 et 19 novembre 2024), l’Opéra de Saint-Etienne présente une nouvelle production de THAIS de Jules Massenet, l’enfant du pays, dans la mise en scène de Pierre-Emmanuel ROUSSEAU. Inspiré des maisons closes du Second Empire, à l’époque des courtisanes souveraines d’un Paris voué au luxe et au plaisir, le spectacle fusionne versions de 1894 et 1898 : il intègre en particulier plusieurs ballets très rarement réalisés dont partie des 7 esprits de la Tentation où le moine cénobite Athanaël exprime sa complète destruction psychique, dévoré par un désir qui le submerge et ne l’a jamais vraiment quitté, son désir pour Thaïs, d’autant plus inaccessible que l’ancienne courtisane alexandrine, elle, a trouvé en fin d’action, la paix spirituelle… Production événement – reportage CLASSIQUENEWS.TV © 2024

 

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CRITIQUE, opéra. BORDEAUX, Auditorium (les 7, 8 et 9 novembre 2024). N. ROTA : Un Chapeau de paille d’Italie. D. Maniscalchi, R. Sorensen, M. Goso, M. Khatri… Julien Duval / Salvatore Caputo

L’auteur de la musique du Guépard (de Luchino Visconti), et des principaux films de Federico Fellini, fut fécond sur la scène lyrique. En effet, Nino Rota a composé, outre des ballets et des symphonies, une quinzaine d’opéra : Le chapeau de paille d’Italie (Il Cappello di paglia di Firenze en italien), d’après la comédie éponyme d’Eugène Labiche (créée en 1851 à Paris), en est le 4ème…

 

C’est une mise en lumière bienvenue, et plutôt convaincante, à laquelle nous convie l’Opéra national de Bordeaux (dans l’espace de son bel Auditorium) qui a eu la bonne idée de remettre ce titre à son affiche, quand bien même dans une version “réduite” – 1h15 sans entracte, accompagnée au piano mis en images ici par le jeune Julien Duval… -, soulignant combien Nino Rota maîtrise l’écriture lyrique et possède le sens du drame. Ses collaborations avec les grands cinéastes, dont encore une fois principalement Fellini (La strada, La dolce vita…), nourrissent son propre théâtre musical. D’ailleurs, ce dernier est clairement cité dans les éléments de décor et ses couleurs criardes, qui renforcent rythme et verve dans le jeu des acteurs (tout cela nous fait penser en particulier au film « 8 et demi« …). Telle une arène en rouge et blanc, claire référence au cirque familier de Fellini et Rota, la scène et ses coulisses sont visibles par tous, et offrent un cadre ordonné et juste (scénographie signée par Olivier Thomas), d’autant plus apprécié qu’il est le résultat de la politique 100 % recyclage voulu par Emmanuel Hondré (et la Mairie “verte” de la Capitale girondine) : décor, costumes et accessoires, viennent du stock réutilisé de l’Opéra national de Bordeaux.

 

Crédit photo © Pierre Planchenault

 

L’esprit du vaudeville, goguenard et boulevardier fait merveille dans cette “Farce légère” (telle que l’a nommée Rota…), avec une intrigue certes mince [le cheval de Fadinard, qui a mangé le chapeau de paille d’Anaïs, provoque une série de « catastrophes » bien enlevées, jusqu’au lieto finale…], mais le schéma est prodigieusement efficace, propice aux situations exquises. Rota, maître des rebondissements et des airs et mélodies à foison, voilà qui explique sans aucun doute le succès de l’ouvrage depuis sa création en 1955 au Teatro Massimo de Palerme. Les airs et les duos s’enchaînent sans omettre des ensembles particulièrement réussis – dont le dernier finale. La musique a capacité à nourrir et réactiver constamment la vivacité de l’action, ce que comprend tout à fait le chef Salvatore Caputo (le chef des Choeurs de l’Opéra national de Bordeaux), qui donne les indications de départ au pianiste, aux chœurs et aux solistes, déguisé à l’instar de tous ses camarades. Le travail de Julien Duval s’est concentré sur l’efficacité du jeu individuel et collectif, ce que confirme aussi ce “chambrisme” musical proche du texte : pas d’orchestre, mais une version épurée pour chœur, solistes et… piano, placé ici à jardin, que pilote Martin Tembremande, très investi lui aussi, est d’une tenue impeccable tout du long.

Les voix gagnent un relief particulier, dans la “bonbonière” de l’auditorium bordelais, ce qui favorise la caractérisation de chaque personnage ; ainsi également de l’intervention du violoniste Tristan Chenevez, pour chaque air de La Baronessa, dans cette version musicalement “allégée”, et réduite à 2 instruments, ce dont profitent les tempéraments des solistes qui sont en fait tous ici des membres du Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, qui assument ainsi tous les rôles de la pièce de Labiche. Très bien préparés par leur directeur, Salvatore Caputo, les chanteurs font valoir leurs qualités évidentes, l’expressivité vocale et dramatique de chacun nourrissant la grande cohérence de la distribution. Aguerris aux exigences du théâtre musical et de l’opéra, chaque chanteur ainsi mis en avant soigne le profil propre de son personnage, ce qui assure aussi la réussite des séquences collectives et des ensembles… Les jeunes mariés (Maria Goso et Daniele Maniscalchi), l’oncle (Mitesh Khatri), Elena (Rebecca Sørensen) comme la modiste d’Héloïse Derache, Felice (Olivier Bekretaoui), Achille (Luc Default), Nonancourt (Loïck Cassin), Emilio (Jean-Philippe Fourcade), ou encore Beaupertuis (Jean-Pascal Introvigne) partagent une joie manifeste dans un chant franc et astucieusement accordé les uns aux autres. Tempérament qui se détache cependant, celui de la Baronne délirante d’Eugénie Danglade, qui affirme un alto et une présence qui laissent envisager une belle carrière de soliste. Dans un dispositif qui les valorise, les chanteurs du Chœur de l’Opéra national de Bordeaux ne pouvaient imaginer meilleur tremplin.

Du sur mesure plus que convaincant… Bravi  les artistes !

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CRITIQUE, opéra. BORDEAUX, Auditorium (les 7, 8 et 9 novembre 2024). N. ROTA : Un Chapeau de paille d’Italie. D. Maniscalchi, R. Sorensen, M. Goso, M. Khatri… Julien Duval / Salvatore Caputo. Toutes les photos © Pierre Planchenault

 

VIDEO : Trailer de « Un Chapeau de paille d’Italie » selon Julien Duval à l’Opéra national de Bordeaux

 

ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN. Grande soirée Varèse, PARIS, mardi 10 déc 2024 à la Philharmonie de Paris. Avec l’Ensemble Next, les jeunes musicien(ne)s de l’Orchestre du Conservatoire de Paris… Octandre, Arcana, Ionisation, Intégrales…

Après plusieurs concert « portraits » dédiés à une écriture musicale en particulier (les récents programmes dédiés aux œuvres de Clara Ianotta, puis de Rebecca Saunders en témoignent…), voici un marathon 100% Varèse, concocté par Pierre Bleuse, directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain (EIC).

 

C’est une nouvelle collaboration de l’EIC avec les jeunes musicien(ne)s de l’Orchestre du Conservatoire de Paris et de l’Ensemble NEXT : au programme, et pour mieux s’immerger dans l’écriture raffinée, allusive et expressive d’Edgard Varèse, une quasi intégrale de ses œuvres (pour ensemble et pour orchestre), du moins les partitions les plus emblématiques défendues par lesq solistes de l’EIC et leurs complices le temps de ce concert événement… Grand révolutionnaire de la musique du XXème siècle: Edgard Varèse est un visionnaire et un architecte flamboyant, dont l’œuvre suit un cheminement esthétique qui a radicalement bouleversé l’écriture musicale. Au fil des pièces, la texture spécifique produite par ses incomparables trouvailles sonores (« Octandre ») permet d’envisager une trajectoire sonore exaltante, songes surréalistes (« Arcana »), fantasmes cosmogoniques et goût pour la science, dont il transcrit musicalement à sa façon, les modes opératoires (« Ionisation ») dont bien sûr, le fameux défi d’espace-temps (« Intégrales »)…

 

Dans notre ENTRETIEN avec PIERRE BLEUSE, à propos de la nouvelle saison 2024 – 2025 de l’Ensemble Intercontemporain, le directeur musical présente les raisons pour lesquelles il lui était important pour ne pas dire essentiel de consacrer au moins un programme de la nouvelle saison à l’écriture d’Edgard Varèse : « L’œuvre de VARESE est essentielle pour moi ; c’est une œuvre clé et un corpus fétiche. Ses oeuvres m’ont fait l’effet d’un coup de poing ; elles incarnent l’idée même de modernité. La force qui s’en dégage, l’intelligence des carrures rythmiques, qu’il canalise magistralement de manière tribale et viscérale… tout cela m’intéresse au plus haut point…

…Écouter sa musique relève d’une expérience physique, d’un choc. Son art et sa maîtrise sont extrêmes dans l’orchestration, dans les textures, comme dans le choix des tessitures ; y compris dans les petites formes. Les aigus sont suraigus ; les couleurs brutes, intenses. De même la puissance de la construction, comme la colonne vertébrale rythmique, relèvent du génie… »

 

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PARIS, Philharmonie – Grande salle Pierre Boulez
Grand Soir Edgard Varèse
Mardi 10 décembre 2024, 20h

RÉSERVEZ vos places directement sur le site de l’ensemble Intercontemporain
https://www.ensembleintercontemporain.com/fr/concert/grand-soir-edgard-varese-2024-12-10-20h00-paris/

 

Photo : Edgard Varèse, Santa Fe, Nouveau-Mexique, 1936 / DR : EIC.

 

 

Distribution

Sarah Aristidou, soprano
Sophie Cherrier, flûte
Ensemble NEXT
Orchestre du Conservatoire de Paris
Ensemble intercontemporain
Pierre Bleuse, direction

 

Avant-concert à 18h45 : clé d’écoute sur l’œuvre d’Edgard Varèse
Salle de conférence, Philharmonie – Entrée libre

Au programme

Edgard VARÈSE
Ionisation, pour ensemble de treize percussionnistes
Densité 21,5, pour flûte
Offrandes, pour soprano et ensemble
Octandre, pour huit instruments
Intégrales, pour onze instruments à vent et percussions
Arcana, pour orchestre
Amériques, pour orchestre

 

Tarifs : 42€ / 37€ / 30€ / 22€ / 20€ / 12€

 

Approfondir / Ensemble Intercontemporain :

 

LIRE aussi notre présentation de la nouvelle saison 2024 – 2025  de l’Ensemble intercontemporain : https://www.classiquenews.com/ensemble-intercontemporain-nouvelle-saison-2024-2025-temps-forts-centenaire-pierre-boulez-edgard-varese-rebecca-saunders-clara-iannotta-francesco-filidei-sofia-avramidou-bastien-david-mic/

ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN, nouvelle saison 2024 – 2025. Temps forts : Centenaire Pierre Boulez, Edgard Varèse, Rebecca Saunders, Clara Iannotta, Francesco Filidei, Sofia Avramidou, Bastien David, Michael Jarrell… 

 

 

 

LIRE aussi notre ENTRETIEN avec PIERRE BLEUSE, directeur musical de l’Ensemble intercontemporain à propos de la nouvelle saison 2024 – 2025 : https://www.classiquenews.com/ensemble-intercontemporain-entretien-avec-pierre-bleuze-directeur-musical-a-propos-de-la-nouvelle-saison-2024-2025/

 

Entretien avec Pierre BLEUSE, directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain, à propos de la nouvelle saison 2024-2025. Centenaire Pierre Boulez, Michael Jarrell, Edgar Varèse…

 

CRITIQUE, concerts. Festival BEETHOVEN. ANGERS (Grand-Théâtre) / NANTES (Théâtre Graslin), les 5 et 6 novembre 2024. Veronika EBERLE (violon), François DUMONT (piano), Orchestre National des Pays de la Loire, Sascha GOETZEL (direction)

L’ONPL (Orchestre National des Pays de la Loire) vient de créer l’événement en organisant, sur trois soirées, simultanément à Angers et à Nantes, un Festival BEETHOVEN ! Ce sont ainsi parmi les plus grands chefs-d’œuvres du Maître de Bonn que les auditeurs de l’ONPL ont pu entendre, avec une mise en bouche chambriste qui réunissait, le 5/11 à Nantes, son Septuor op. 20 et son Quintette op. 16 (par des musiciens de l’Orchestre National des Pays de la Loire, issus de la “phalange nantaise”). Au même moment, à Angers, résonnait son superbe Concerto pour violon op. 61, dévolu à l’allemande Veronika Eberle, sous la direction du directeur musical de l’ONPL, le chef autrichien Sascha Goetzel, qui donnait ensuite toute son ampleur à la célèbre Symphonie N°3 dite “Héroïque”. Ce dernier s’est exprimé au sujet du festival angevo-nantais, saluant « un événement culturel significatif qui rassemble les gens grâce au langage universel de la musique. Nous croyons que de telles expériences artistiques partagées sont essentielles, surtout dans le monde en constante évolution, car elles nous rappellent notre humanité commune et le pouvoir durable de l’art. » Une bien belle profession de foi !

 

 

A Angers, c’est bien évidemment la « phalange angevine” qui est en fosse (rappelons aux lecteurs que l’ONPL se divise en deux formations orchestrales bien distinctes, l’une basée à Angers et l’autre à Nantes…), et le public a répondu en masse à l’invitation de Guillaume Lamas, pour assister à ce mini-festival Beethoven (il y en a un très important qui se tient dans sa ville natale de Bonn, chaque année durant tout le mois de septembre). Et c’est la violoniste allemande Veronika Eberle qui ouvre le bal (en claudiquant vers le devant du plateau, sans que l’on nous ait expliqué ce qui lui était arrivé ?…) avec l’unique Concerto dédié par Beethoven à son instrument. On est séduit immédiatement par la profondeur des trilles, la finesse des attaques, la précision des accords, la dynamique d’un discours qui, loin d’être seulement musical, se voit partagé entre l’ardeur et la noblesse de ton, s’imprégnant d’une poésie et d’une sensibilité qui émanent généreusement et naturellement de cette émouvante instrumentiste. L’orchestre lui emboîte le pas avec de superbes sonorités, et l’on louera notamment l’étendue dynamique et la transparence des textures que Goetzel sait en obtenir. 

Dans la célèbre Symphonie N°3 qui suit, juste après l’entracte, c’est bien avec une autre forme d’héroïsme que nous avons rendez-vous ! Là encore, à la tête de sa phalange (angevine), Sascha Goetzel enthousiasme par une direction de haute tenue et d’une précision exemplaire. Si la lecture du premier mouvement s’avère particulièrement tranchante et dynamique, elle sait respirer ensuite dans une « Marcia funebre » empreinte de gravité. Après un Scherzo transparent – l’effectif allégé favorise il est vrai une grande clarté dans le discours -, le chef autrichien souligne à nouveau le caractère conquérant et révolutionnaire de la partition, dans un Finale qui révèle une profondeur étonnante et une parfaite maîtrise des plans sonores.

 

 

Le lendemain, c’est au Théâtre Graslin de Nantes que nous poursuivons notre périple beethovéno-ligérien, en présence cette fois du pianiste français François Dumont (que l’on ne présente plus…), pour une exécution du Concerto N°4 pour piano. Nous retrouvons bien sûr Sascha Goetzel, placé cette fois à la tête de la phalange « nantaise” de l’ONPL. Nous écoutons avec délices le jeu toujours nuancé et personnel du pianiste, en particulier dans un second mouvement, idéalement profond et interrogatif, miroir de ce vertige des abîmes que Liszt a évoqué à son heure, dévoilant un Beethoven d’une grande gravité… qu’il renouvelle dans le bis offert au public, le mouvement lent d’une des nombreuses Sonates du grand Ludwig…

Place ensuite à la célèbre Symphonie N°7 du même compositeur, cette symphonie dionysiaque qui voulait, selon son auteur, « rendre l’humanité spirituellement ivre”. Après la composition de la Sixième Symphonie (1808), Beethoven se laisse quatre années d’un répit tout relatif : s’il attend ce délai pour se remettre à la composition de la Septième (dès 1810), le compositeur compose, entre temps, le concerto pour piano « L’Empereur”, la sonate « les Adieux”, les musiques de scène pour « Egmont » et les « Ruines d’Athènes ». La Septième est achevée en mai 1812, et créée le 8 décembre 1813, à l’université de Vienne, sous la direction de l’auteur. C’est à bras le corps que Goetzel empoigne ce monument symphonique, tandis que la vitalité oxygénée de l’ONPL rend justice à l’énergie et au souffle de l’ouvrage, tout comme la veille à Angers. Comme à son habitude, la baguette de l’autrichien se montre aussi affûtée que mordante, lyrique et tendre, et tous les pupitres s’engagent avec une belle ardeur, qui parviennent à communiquer leur enthousiasme à un public chauffé à blanc qui se répand en interminables bravi… éminemment mérités !

 

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CRITIQUE, concerts. ANGERS (Grand-Théâtre) / NANTES (Théâtre Graslin), les 5 et 6 novembre 2024. Festival BEETHOVEN. Veronika EBERLE (violon), François DUMONT (piano), Orchestre National des Pays de la Loire, Sascha GOETZEL (direction). Toutes les photos (c) Emmanuel Andrieu

 

VIDEO : Sascha Goetzel présente (en anglais) le Festival Beethoven par l’ONPL à Angers et Nantes 

 

CRITIQUE, opéra. MONACO, Salle des Princes du Grimaldi Forum, le 10 novembre 2024. PUCCINI : La Bohème. A. Netrebko, Y. Eyvasov, N. Machaidze, F. Sempey… Jean-Louis Grinda / Marco Armiliato

La Principauté de Monaco est en pleine bohème. C’est de la Bohème de Giacomo Puccini qu’il s’agit bien sûr ! Une Bohème de luxe. De grand luxe, même ! On y trouve Anna Netrebko et Yusif Eyvazov en tête d’affiche. C’est presque trop ! La Bohème n’est pas Turandot ! Et si Anna Netrebko est parfaitement émouvante dans son rôle de Mimi, Yusif Eyvasov est, quant à lui, excessif dans ses effets vocaux. Il chante Rodolfo comme s’il chantait Calaf… on n’en demandait pas tant !

 

Crédit photographique © Marco Borelli

 

La mansarde dans laquelle se déroule le premier acte n’est pas la pièce lépreuse que l’on voit souvent, mais un loft situé sous une vaste verrière dominant Paris. On y élirait bien son domicile. Mais au prix du mètre carré dans la Capitale, on n’aurait peut-être pas les moyens ! C’est dans ce décor que Jean-Louis Grinda situe sa belle mise en scène. Le décor du II nous fait voir une fête patriotique dans les rues de Paris où s’agitent les drapeaux tricolores. Ce tableau aurait eu tout à fait sa place à la cérémonie d’inauguration des J.O. L’acte III nous montre, lui, un très beau tableau, presque impressionniste, apparu derrière un rideau de neige. Tout cela est vraiment beau. Jean-Louis Grinda a une façon moderne de respecter le classicisme. Au milieu des extravagances et excentricités que l’on peut voir ici ou là sur nos scènes aujourd’hui, cela rassure et repose !

Nous avons déjà dit l’émotion que nous apporte Anna Netrebko en Mimi, ainsi que les excès vocaux de Yusif Eyvazov. A leurs côtés, Nino Machaidze a une belle présence mais alourdit à l’excès l’air de la valse de Musette. On aurait aimé plus de fluidité dans cet air. Florian Sempey s’impose dans le rôle de Marcello. Les rôles de Schaunard et Colline sont fort bien assurés, respectivement par Biagio Pizzuti et Giorgi Manoshvili. Quant aux Choeurs de l’Opéra de Monte-Carlo et aux jeunes choristes de l’Académie de Musique, ils ne méritent qu’éloges.

Mais le meilleur de la soirée se trouve sans doute la direction d’orchestre du chef italien Marco Armiliato. A la tête de l’excellent Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, il propose un accompagnement infiniment souple. Chaque fois qu’il énonce le thème de Mimi, c’est un tapis de soie qu’il déroule sous les pas d’Anna Netrebko.

Et c’est ainsi que cette Bohème monégasque restera celle de la Mimi d’Anna…

 

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CRITIQUE, opéra. MONACO, Salle des Princes du Grimaldi Forum, le 10 novembre 2024. PUCCINI : La Bohème. A. Netrebko, Y. Eyvasov, N. Machaidze, F. Sempey… Jean-Louis Grinda / Marco Armiliato. Crédit photographique © Marco Borelli

 

VIDEO : Anna Netrebko chante l’air « Quando m’en vo’ soletta » extrait de La Bohème de Puccini

 

 

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre de l’Opprimé, le 8 nov 2024. Stéphane LEACH / Babouillec : Le métronome de nos errances (création mondiale)

Osons un parallèle audacieux de prime abord en soulignant ce qui est au cœur de l’ouvrage ainsi créé, et qui fait penser au livret du Pelléas de Debussy : son livret dont l’activité, préalablement à la musique, produit son propre chant. L’écriture poétique rattache le présent ouvrage à une longue généalogie d’opéras qui découlent premièrement d’un texte, puissant levier inspirateur : la langue du livret, à la fois onirique et énigmatique, aux formules savoureuses et alliances jubilantes produit comme c’est le cas de l’opéra de Debussy d’après Maeterlinck, tout du long, une manière de fascination et d’hypnose linguistique que la musique caresse, enveloppe, exalte dans le sens d’un délire poétique.

 

La source linguistique se fait invitation constante à l’émerveillement proprement enfantin ; elle fait constamment appel chez le spectateur, à l’imagination la plus infinie, et sous le prétexte symbolique des équations littérales, invite à interroger le sens même des situations, et au-delà, la quête essentielle d’une confrontation entre des individus aux profils préalablement différents voire opposés. Qui est l’autre ? Que dit-il ? Que m’apporte-t-il ? En quoi peut-il redéfinir la place qui m’est spécifique ? Et l’identité qui est mienne ?
Ce jeu des egos qui se frottent et se polissent font écho à la pensée critique de l’auteure du livret, « Babouillec » (Hélène Nicolas), qui fut à 14 ans, diagnostiquée « autiste déficitaire ». Et puis en 2005, à 20 ans, Babouillec démontre qu’elle sait lire et écrire grâce à un outil créé par sa propre mère… son inspiration produit ce texte flamboyant, lyrique, choral.
Tout l’enjeu du texte et sa progression scénique est le dévoilement d’une entente progressive, un pacte fonctionnel qui se cristallise peu à peu, en particulier dans sa relation évolutive avec la rectitude proclamée, déclarative du personnage d’ INDIFFÉRENCE [ses rappels constants à la règle, à la loi de la mesure signifiées par le dogme du métronome] ; puis peu à peu sa rigidité s’adoucit et prenant conscience des autres dans la place [précisément les deux autres personnages allégorique, souvent complices : CERTITUDE RIEUSE et DOUTE ONIRIQUE], la statut s’humanise, au point d’accepter de faire corps avec les autres, et prenant appui sur la quatuor désormais unifié (avec le 4ème pilier, « CHOEUR »), accepte de passer à une nouvelle étape de ce corps social ré-humanisé.

 

Les quatre protagonistes du Métronome de nos errances : Certitude rieuse, Indifférence, Chœur (au 2è rang, à l’arrière), Doute onirique © Stéphane Schurck / Amélie Tatti (soprano), Rayanne Dupuis (mezzo), Léo McKenna (baryton-basse), Xavier Flabat (ténor).

 

 

Dommage que le dispositif technique n’ait pas intégré le surtitrage du texte qui méritait absolument d’être mieux lisible pour la compréhension continue, des personnalités comme des situations. Reste que la tapisserie sonore permanente du texte produit cette musique verbale propre, véritable chant dans ses rythmes spécifiques, que la musique allusive du compositeur Stéphane Leach relance, ponctue, revêt, accompagne idéalement.
L’instrumentation est d’un chambrisme réservé et particulièrement ciselé, associant piano et accordéon,- le compositeur lui-même étant au piano et indiquant  départs comme fins aux musiciens, avec comme point d’orgue, sa performance finale à l’harmonica de verre dont les résonances enivrantes plongent dans le mystère et l’onirisme du rêve, tout en élargissant les champs sonores au moment où le quatuor unifié prend son envol.

La trajectoire de l’opéra croise 3 personnalités conçues comme des allégorie d’humeur et de tempéraments bien distincts : les déjà cités, DOUTE ONIRIQUE, CERTITUDE RIEUSE, INDIFFÉRENCE… qu’accompagne en scribe thuriféraire, un 4ème larron, CHŒUR [la voix de basse]. Ce dernier néanmoins monte très haut et souvent, accompagne comme un ange thuriféraire, et un guide souvent paternel, chaque individualité qu’il encourage …

La musique ponctue et jalonne le cheminement dramatique, conçu comme un rituel dont on suit chaque séquence comme une avancée dans un purgatoire où sont abolies toutes référence de lieu et de temps. La question de l’être individuel et son identité comme sa place dans le monde et par rapport aux autres, y inspire des tableaux de pur onirisme ; tout passe par la jubilation naturellement chantante du verbe, ces images délirantes et souvent enivrées ; qu’incarne et qu’éprouve chacun selon son tempérament, les 4 protagonistes : CERTITUDE RIEUSE [soprano colorature], DOUTE ONIRIQUE [ténor héroïque], INDIFFÉRENCE [mezzo-soprano], CHŒUR étant comme nous l’avons dit à part ; sa partie est conçue comme une présence complice, un observateur et un guide qui souligne le sens du texte et parfois délivre la clé de ce qui est en jeu. Dans cette arène où se construisent les individualités, tous les chanteurs sont engagés, soucieux de caractériser leur personnage.

 

Purgatoire onirique
Et vibrations poétiques

 

Le quatuor : Chœur et Doute onirique (haut), Certitude rieuse et Indifférence (bas) © Stéphane Schurck

 

La partition est expressive, rythmée [le métronome régulièrement audible] magnifiquement diverse et caractérisée selon le/s soliste/s en action. Au delà de l’errance active qui fait vibrer chaque personnage, s’inscrit aussi le sens même de la forme opéra : gardienne jalouse et inflexible de la mesure et de son instrument, INDIFFÉRENCE symbolise la règle immuable du tempo ; mais à force de métrique trop régulière et strictement respectée, n’y a t il pas risque de sécheresse voire de vide mécanique ? De fait le chant et la musique, sans respiration ni rythme organique, s’enlisent dans l’ennui et la mort.. il est essentiel de mettre de l’humain et ce supplément d’âme pour s’accorder aux autres comme pour l’auteur démiurge et l’interprète, de faire œuvre et de toucher l’autre, le public. Ainsi s’accomplit une partition riche et subtile où le compositeur autant que l’auteure ont tant de thèmes à transmettre.

 

Le compositeur au piano, avec David Venitucci, accordéon et Léo McKenna (Chœur) © Stéphane Schurck

 

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre de l’Opprimé, le 8 nov 2024. Stéphane LEACH / Babouillec : Le Métronome de nos errances(création mondiale). Rayanne Dupuis (Indifférence), Xavier Flabat (Doute onirique), Amélie Tatti (Certitude Rieuse), Léo McKenna (Chœur) – David Venitucci, accordéon. Stéphane Leach, claviers, harmonica de verre. Livret : Babouillec – Dramaturgie, Eugène Fresnel – Mise en scène, Karine Laleu. Photos © Stéphane Schurck

 

 

LIRE aussi notre présentation / annonce de l’opéra LE MÉTRONOME DE NOS ERRANCES : https://www.classiquenews.com/paris-theatre-de-lopprime-le-metronome-de-nos-errances-6-9-nov-2024-babouillec-stephane-leach-compagnie-artom-karine-laleu/

 

PARIS, Théâtre de l’Opprimé. Le Métronome de nos errances, 6 > 9 nov 2024 (création). Babouillec, Stéphane Leach, Compagnie ArtOm, Karine Laleu…

 

LA SEINE MUSICALE, Sam 23 nov 2024. SZYMON NEHRING, piano. BRAHMS : Concerto pour piano n°1. / Symphonie n°4. Orchestre Pasdeloup, Marzena Diakun (direction)

L’Orchestre Pasdeloup plonge dans le romantisme trouble et ambivalent de Brahms, entre tourments passionnés et tendresse enivrée.  Szymon Nehring au piano et Marzena Diakun à la direction, abordent d’abord le premier Concerto pour piano, splendide portail concertant dont la puissance le dispute à la subtilité des sentiments les plus tenus.

 

Le pianiste polonais SZYMON NEHRING né à Cracovie en 1995, a remporté le Premier Prix de la Arthur Rubinstein International Piano Competition de Tel Aviv (2017). Il a également été finaliste  au Concours  Chopin de Varsovie [à 19 ans]. Puis Orchestre et cheffe aborderont la profondeur de la Symphonie n° 4 de Brahms ; la partition immerge d’autant plus dans la forge émotionnelle qu’il signe alors en 1885, son ultime cathédrale symphonique. Ce programme dresse un tableau riche en sentiments nostalgiques, très probablement autobiographiques. CD  –  En novembre 2024, le jeune pianiste polonais fait paraître son dernier enregistrement « MINIMALIST » / « Is less more ? » : au programme, plusieurs compositeurs du XXème siècle dont Philip Glass, Gorecki, Holt, Pärt, Giya Kancheli (Valse Boston pour piano et cordes) ; son compatriote Wojciech Kilar (Concerto pour piano et orchestre de 1997) et aussi une composition de son cru, « Bridge« … Avec le Polish Radio Orchestra in Warsaw, Michal Klauza (direction) – 1 cd IBS Classical

 

Photo Szymon Nehring © Bruno Fidrych

 

 

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BOULOGNE BILLANCOURT
LA SEINE MUSICALE – Samedi 23 novembre 2024, 16h
BRAHMS : Concerto pour piano n°1 – Szymon NEHRING, piano
Symphonie n°4

INFOS & RESERVATIONS :
https://www.laseinemusicale.com/spectacles-concerts/brahms-orchestre-pasdeloup/

Distribution

Orchestre Pasdeloup
Marzena Diakun, direction

Szymon Nehring, piano

Photo Szymon Nehring © Bruno Fidrych

 

 

Programme

Johannes Brahms
Concerto pour piano n° 1 – 44’
Symphonie n° 4 – 39’

 

Photo Szymon Nehring © Bruno Fidrych

 

 

Enjeux et défis du Concerto pour piano n°1 de Brahms

La partition fusionne colossal symphonique et chant impétueux mais hypersensible du clavier ; Brahms y coule une lave riche en sédiments et caractères inestimables, ceux intérieurs et éloquents d’une expérience musicale parmi les plus impressionnantes aujourd’hui; il faut un jeu rond, clair, souverain, d’une absolue simplicité jouant la carte de la subtilité intérieure moins de la puissance virtuose… Surtout si l’Orchestre sait être  élégant et suave, clairement hédoniste et magistralement ciselé… C’est pourquoi tous les grands chefs et les pianistes ambitieux se frottent tôt ou tard au massif brahmsien.

Le premier mouvement est le plus développé affichant un souffle épique, inscrivant d’emblée le chant du piano dans ce symphonisme rhapsodique, au souffle colossal et souvent vertigineux, dont chaque vague convoque le destin: coloration tragique et aussi épisodes si tendres (dessinés avec quelle finesse instrumentale) font une alliance parfaitement exprimée sans épaisseur, sans enflures ni déformation d’aucune sorte. La tentation du spectaculaire et du grandiloquent est toujours tenace  (à l’origine la partition devait être une symphonie selon les plans de Brahms en 1854, qui avait aussi pensé à une Sonate pour 2 pianos… ). Le climat qui ouvre le II [Adagio] est d’une finesse toute brahmsienne, entre sérénité et pudeur, si proche de la ferveur d’Un Requiem Allemand.

Le pianiste SZYMON NEHRING saura-t-il répondre aux attentes, face à une partition aussi flamboyante qu’introspective… ? Qu’avant lui ont superbement sublimé Nelson Freire ou Maurizio Pollini entre autres, et plus récemment le si subtil Asam Laloum…

 

SYMPHONIE N°4 en mi mineur opus 98

Brahms dirige la création à Meiningen, le 25 octobre 1885. La chronologie est simple : Brahms compose en 1884, les deux premiers mouvements, et en 1885, les deux derniers. Le climat en est contrasté, même si l’on parle à son égard de teintes automnales, chaleureuses, crépusculaires. Sous un lyrisme engagé, Brahms exprime aussi le sentiment de profonde solitude, voire d’aspérité et de rudesse. C’est pourtant sur le plan de la forme, l’une des partitions les plus explicitement classiques, en particulier pour son mouvement final en forme de Chaconne (comme les opéras français baroques). Les premier et deuxième mouvements sont nettement inspirés par Dvorak, rencontré en 1878. En maints endroits, la Quatrième de Brahms annonce les accents de la Symphonie du « Nouveau Monde » du musicien Tchèque.

PLAN. Allegro non troppo. Les cordes portent la houle d’une vague haletante, entre héroïsme et intériorité. Le final très développé confirme le climat de grandeur libre mais sombre. Andante Moderato: son début distribué aux cors et aux bois annoncent directement le Concerto pour violoncelle de Dvorak. Marche, cantilène (violoncelles puis violons), la richesse des épisodes créée un surenchère poétique captivante. Allegro giocoso: exception dans toute l’oeuvre symphonique de Brahms, voici un troisième mouvement qui s’apparente au scherzo traditionnel, légué par Beethoven. Joie, frénésie marquée, entêtement même mais aussi indication dynamique oblige, lyrisme gracieux (violons). Les racines populaires du compositeur y paraissent sans masque avec une franche énergie. Amoureux des développements et des variations, Brahms dévoile une maîtrise formelle absolue dans l’Allegro energico e passionato. Le compositeur reprend le thème d’une cantate de Bach (huit mesures légèrement modifiées de la BWV150), afin d’édifier une construction encore supérieure à ses Variations sur un thème de Haydn (1873). Pas moins de 35 variations qui en découlent s’enchaînent sans impression artificielle. Du grand art. L’arche ainsi élaborée a fondé durablement l’estime et le succès réservée à la Quatrième Symphonie. C’est aussi une reconnaissance légitime de son immense génie symphonique.

 

1 cd IBS Classical

 

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CRITIQUE, opéra (en version de concert). PARIS, Théâtre des Champs-Élysées (Les Grandes Voix), le 7 novembre 2024. ROSSINI : Le Comte Ory. C. Dubois, S. Blanch, A. Bré, M. Bacelli… Patrick Lange (direction)

Une des œuvres les plus drôles du maître bon vivant vient d’être donnée, en version de concert, ce jeudi 7 novembre au Théâtre des Champs-Élysées. Le Comte Ory, avant dernier opéra de Gioacchino Rossini, est une fantaisie médiévale comique, écrite pour l’Opéra de Paris (Salle Pelletier) en 1828. La société de production “Les Grandes Voix” a fait honneur à son patronyme avec une distribution de choix.

 

On ne présente plus Cyrille Dubois, et la liste infinie de ses qualités : diction claire pleine de sens et d’humour, finesse du timbre dans tous les registres, projection idéale et maîtrise stylistique. Le rôle comique du Comte Ory lui va comme un gant, et c’est un répertoire où on le sent particulièrement heureux. Moins présente sur les scènes françaises, la soprano catalane Sara Blanch est une comtesse de haut vol, toute aussi drôle et pétillante. Rossinienne très assurée, ses coloratures virevoltent, légères et précises, non sans rappeler par moment l’art de Cecilia Bartoli. Elle surpasse toutefois incontestablement cette dernière sur le strict plan technique et la projection. Nous avons hâte de la revoir bientôt : Fiorilla à l’Opéra de Lyon en décembre (nous y serons)…

Ambroisine Bré est comme toujours remarquable dans les rôles de “pantalon”. Elle campe un Isolier fier et fort, plein de malice, avec l’assurance de la jeunesse. Si les rares aigus de la partition sonnent parfois fragiles, son médium et ses graves sont chauds et bien timbrés, sans jamais perdre en diction. La mezzo Italienne Monica Bacelli est une merveilleuse « actrice chantante », notamment lors des récitatifs où elle nous tient en haleine par son élocution. Si elle disparaît complètement lors des ensembles, on ne peut l’en incriminer qu’à moitié. Cela n’est pas le cas de Marilou Jacquard qui réussit à tirer son épingle du jeu malgré la petitesse du rôle d’Alice. Son timbre clair se dégage facilement de la masse orchestrale tout en restant humble et élégant. Nicola Ulivieri nous charme d’emblée par son accent transalpin qui ne gâte en rien sa diction. Sa voix chaude et son caractère buffo en font un Gouverneur de choix. Enfin c’est le très prometteur Sergio Villegas-Galvain qui interprète le rôle de Rimbaud : le jeune chanteur franco-mexicain fait de sa cabalette de l’acte II un air de bravoure comparable au fameux “Largo al factotum”.
Les trois jeunes coryphées Lucas Pauchet, Pierre Barret-Mémy et Violette Clapeyron (qui remplaçait une collègue au pied levé !) étaient parfaitement à la hauteur du reste de la distribution – et semblaient se délecter de leurs textes croustillants.

Si quelques-uns de ces très bons solistes ne passaient pas l’orchestre, il faut peut-être considérer à deux fois le volume de celui-ci. Et si à la baguette Patrick Lange esquisse nombre de subtilités, l’Orchestre de Chambre de Paris, un peu lourd, ne suit pas toujours. De même l’immense chœur “composite” n’aide pas à l’allègement de cette “machine”. Le contraste entre l’humour pétillant des chanteurs et un orchestre “au fond de sa chaise” n’a malheureusement pas complètement rendu hommage à l’œuvre, en témoigne la timidité des applaudissements. Si Rossini est un si grand compositeur, c’est parce qu’il met autant d’humour dans l’orchestre que dans les parties solistes. Et l’alchimie entre les deux est nécessaire. Nous ressortons tout de même enchantés par ce spectacle à la distribution aussi réjouissante que la partition elle-même !

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CRITIQUE, opéra (en version de concert). PARIS, Théâtre des Champs-Élysées (Les Grandes Voix), le 7 novembre 2024. ROSSINI : Le Comte Ory. C. Dubois, S. Blanch, A. Bré, M. Bacelli… Patrick Lange (direction). Photo (c) DR

 

 

 

 

VENDÔME. 13ème Concours International de Belcanto Vincenzo Bellini 2024 (6 et 7 déc 2024). Liste des 15 candidat(e)s 2024

L’évènement lyrique international de cette fin d’année 2024, dédié au bel canto, annonce sa 13ème édition les 6 et 7 décembre prochains à Vendôme sur le campus Monceau, sa résidence désormais bien identifiée depuis 2016. L’implantation du Concours Bellini, seule compétition dédiée à l’art du Bel Canto, contribue de façon éblouissante au prestige international de la ville de Vendôme.

 

La compétition belcantiste distingue chaque année la fine fleur des jeunes voix lyriques destinées à briller sur les plus grandes scènes internationales. Elle est d’autant plus identifiée et suivie qu’elle sélectionne les meilleurs interprètes de ce chant spécifique, particulièrement exigeant, qui demande autant de virtuosité technique, de subtilité et de finesse expressive que de justesse dramatique ; cet art se révèle particulièrement dans l’interprétation des opéras de Rossini, Bellini, du premier Verdi, et aussi des mélodies françaises… qui composent aujourd’hui le répertoire mis en avant pendant les épreuves sélectives et la finale du Concours.

Son palmarès compte à son actif la découverte de nombreuses stars à présent mondialement reconnues, dont le nombre, à ce niveau, est une exception dans le paysage des concours de prestige ; parmi les jeunes talents alors distingués : Pretty YENDE (1er Grand Prix de la 1ère édition 2010), Saoia  HERNANDEZ (2ème Prix de la même édition 2010) mais aussi le ténor coréen Sungmin SONG, la soprano sicilienne Roberta MANTEGNA ;  la soprano sud africaine Nombulelo YENDE (sœur cadette de Pretty) ; la soprano ukrainienne Yulia MERKUDINOVA  ; la soprano franco-mexicaine Deborah SALAZAR ; sans omettre la soprano coréenne récemment repérée Yerang PARK

Cette année encore apportera son lot de grandes découvertes du genre, avec des candidats venus du monde entier. En 2024, les 15 chanteurs se produiront les 6 et 7 déc prochains.

 

Liste des 15 candidat(e)s
CONCOURS INTERNATIONAL DE BEL CANTO
VINCENZO BELLINI 2024

Mira DOZIO, soprano (ITALIE)
Annie FASSEA, soprano (GRECE)
Clémence HIKS, mezzo soprano (FRANCE)
Vitally LASHKO, baryton (UKRAINE)
Amandine LAVANDIER, mezzo-soprano (FRANCE)
Camille LE BAIL, mezzo-soprano (FRANCE)
Hakyeul LEE, baryton (COREE DU SUD)
Ninon MASSERY, soprano (FRANCE)
Maria Enju PARK, soprano (ALLEMAGNE)
Sojin YANG, baryton (COREE DU SUD)
Jihae RYU, soprano (COREE DU SUD)
Hayyun SUNG, soprano (COREE DU SUD)
Luiza WILLERT, soprano (COREE DU SUD)
Polina YATSENKO, soprano (RUSSIE)
Zhiyi ZHU, baryton (CHINE)

 

 

Cet évènement lyrique, crée en 2010 par le chef italien Marco Guidarini et Youra Nymoff-Simonetti afin de mettre en lumière le répertoire belcantiste et les nouveaux talents capables de l’aborder, offrira au public vendômois la possibilité de découvrir les 15 talents ainsi sélectionnés. Il sera aussi invité à choisir le candidat de son choix à travers le Prix du Public.

Nouveau partenaire 2024 : le Rotary e-club Paris International pour un Prix Spécial de Prestige – Ne manquez pas ce très beau rendez-vous lyrique annuel. Une belle façon d’aborder les festivités de ce mois de décembre.

 

TOUTES LES INFOS sur le site du CONCOURS INTERNATIONAL DE BEL CANTO VINCENZO BELLINI : https://www.bellinibelcanto-internationalcompetition.com/

 

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Concours International de Belcanto Vincenzo Bellini – 13ème édition – VENDÔME, Auditorium Monceau Assurances – 1 avenue des Cités unies de l’Europe – 41 100 Vendôme (face à la Gare TGV)

Vendredi 6 décembre à 19h – demi FINALE
Samedi 7 décembre à 20h – FINALE – Proclamation du palmarès 2024

Billetterie disponible en ligne sur billetweb.fr (« Concours Bellini »),

sur la page d’accueil du site officiel www.bellinibelcanto-internationalcompetition.com 

ou sur place 45 min avant le début de chaque épreuve, dans la limite des places disponibles.

Paiement sur place uniquement par chèques ou espèces.

Prix des places : Pass 2 soirées : 30€ / Demi-Finale : 15€ (-12 ans : 10€) / Finale : 20€ (-12 ans : 15€).

Informations et réservations :

Site web : www.bellinibelcanto-internationalcompetition.com,

email : [email protected]  –  tél. : 06 09 58 85 97

Parking disponible dans l’enceinte du Campus.

Attention : Réservations préalables fortement conseillées.

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle aux grains, les 7 et 8 novembre 2024. RACHMANINOV : Intégrale des concertos pour piano. Mikhaïl PLETNEV / Orchestre National du Capitole de Toulouse / Dina SLOBODENIOUK

Belle idée que cette Intégrale des Concertos pour piano de Sergueï Rachmaninov, au programme de la saison de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse. Le public est venu nombreux, et il n’y avait plus une place libre pour les deux soirées dans la vaste Halle aux grains. Cette première soirée du 7 novembre nous a permis d’entendre une belle version du Premier et du Deuxième Concertos de Rachmaninov.

 

Avec une ampleur somptueuse, les cuivres ouvrent la fête. La direction du chef finlandais Dina Slobodeniouk est précise et rigoureuse, et il prend à cœur tout au long de la soirée d’équilibrer à la perfection l’orchestre et le piano. C’est très beau et le jeu de Mikhail Pletnev est extrêmement nuancé et subtil, et nous aurons ainsi la possibilité d’écouter bien des richesses dans les deux partitions. Les passages chambristes sont subtilement négociés, et les grands tutti de l’orchestre sont impressionnants, sans que jamais l’orchestre ne couvre le piano. La direction si maîtrisée du chef a tout de même, à mon goût, le défaut de ne pas assez faire « pleurer » cette musique. Le lyrisme si sensuel de Rachmaninov, surtout dans les grandes phrases des violons, est comme corseté. Surtout dans le Premier concerto, trop analytique. Toutefois, les instrumentistes de l’orchestre, surtout les bois et le cor solo, arrivent à mettre tendresse et émotion dans leur jeu avec le pianiste, et ce dernier semble déguster ces échanges tout particulièrement. Le jeu de Mikhaïl Pletnev est d’une rare délicatesse, il semble comprendre en profondeur la musique de Rachmaninov. Ainsi les cadences sont particulièrement lumineuses, la structure et la richesse harmonique étant mises en valeur par le pianiste.

Cet artiste partage, avec le compositeur, bien des choses. Tous deux sont des virtuoses extraordinaires, tous deux composent et dirigent. Tous deux sont russes et souffrent de l’exil. Il n’est pas étonnant que le musicien ait choisi de nommer son dernier orchestre : « Orchestre Rachmaninov ». L’entrée du pianiste avait été surprenante, marchant à pas lents, voûté, il s’installe sur sa chaise un peu avachi, avec une attitude mélancolique. Pourtant, la musique le nourrit et il termine le Premier concerto en ébauchant un sourire. A la fin du concert, il sera même très souriant, acceptant le succès retentissant que le public lui fait, pour offrir deux bis de musique russe. Ces deux bis étant des pièces d’orfèvrerie, ouvragées par l’immense musicien qu’est Mikhaïl Pletnev. Une pièce lyrique de Glinka et une de pure virtuosité de Moszkowski. Une question nous interroge cependant, concernant le choix du piano que Pletnev transporte partout. Ce Kawaï ne sonne pas aussi bien que d’autres pianos que nous avons entendus dans cette salle. Mais enfin, ces concerts restent un événement extraordinaire. Toulouse en profite comme cela avait été le cas à Radio France.

Le lendemain, c’est au tour du Concerto N°3 et du N°4. Cette fois le chef bride moins l’orchestre qui va pouvoir rugir, frémir et gronder, couvrant de peu le jeu de Pletnev. Ce Troisième concerto est plus sombre et plus riche en harmonies complexes que les autres. Il en livre une interprétation dramatique et grandiose. Ce sera le Quatrième qui sera le plus « moderne », en le rapprochant par moments de Chostakovitch, davantage que vers le cinéma hollywoodien. La complexité rythmique est mordante et les harmonies étranges sont mises en valeur par cette interprétation, le pianiste et le chef étant en osmose. C’est l’évolution stylistique du compositeur, trop souvent galvaudée, qui lors de ces deux soirées sera d’une grande évidence. Le chef et le soliste semblent partager la même vision des ouvrages de Rachmaninov. Si le Premier concerto est encore très romantique, le Deuxième autobiographique, le troisième et surtout le quatrième dans cette belle interprétation nous font prendre conscience de la complexité de l’écriture de Rachmaninov, qui peut aller jusqu’à évoquer les conflits, voir la guerre, comme dans la musique de Chostakovitch. Tous les instrumentistes de l’orchestre, comme la veille, sont tous merveilleux, avec une mention particulière pour les bois.

Conscient de vivre deux concerts exceptionnels, le public fait une véritable fête aux artistes. A nouveau, Pletnev offre deux bis magnifiquement interprétés. La subtilité de ce piano nous fait grande envie d’entendre ce merveilleux musicien dans un récital solo. Ce marathon Rachmaninov restera dans les mémoires comme des moments magiques et enthousiasmants !

 

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CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle aux grains, les 7 et 8 novembre 2024. RACHMANINOV : Intégrale des concertos pour piano. Mikhaïl PLETNEV / Orchestre National du Capitole de Toulouse / Dina SLOBODENIOUK. Toutes les photos © Romain Alcaraz

 

VIDEO : Intégrale des Concertos pour piano de Sergueï Rachmaninov par Mikhaïl Pletnev (sous la direction de Kent Nagano)

 

CRITIQUE, opéra. RENNES, Opéra, le 9 nov 2024. JEAN-MARIE MACHADO : La Falaise des lendemains (création mondiale). Yete Queiroz, Vincent Heden, Florian Bisbrouck… Orchestre Danzas, Jean-Charles Richard, direction. Jean Lacornerie, mise en scène

Le sujet central de LA FALAISE DES LENDEMAINS, est celui d’un amour miraculeux qui est sacrifié, tué, plus précisément torturé ; les deux êtres véritablement aimantés dès leur première rencontre (après la représentation des marionnettes) suscitent ainsi un superbe trio (le premier temps fort de la partition) ; celui des deux cœurs saisis, auxquels se joint le joueur de tuba (très subtil François Thuillier), jouant debout sur scène entre les deux protagonistes. D’ailleurs ce sont souvent les duos qui inspirent le mieux le compositeur Jean-Marie Machado. La force du spectacle tient à son dispositif qui mêle sur scène jeu scénique des chanteurs et  instrumentistes de l’Orchestre Danzas, l’orchestre du compositeur. Du reste c’est au final l’orchestre et sa palette sonore des plus variées qui mêlant les timbres et les styles, est l’un des piliers de la performance.

 

HYMNE A L’AMOUR ET AUX LÉGENDES BRETONNES…. C’ est un festival raisonné de timbres mêlés, fusionnant des mondes sonores que l’on pensait trop étrangers pour être associés, qui s’avère très convaincant ; l’inspiration de Jean-Marie Machado cultivant [et réussissant] l’art des métissages, ose marier des registres ailleurs séparés ou distincts ; ainsi le duo qui associe voix lyriques et voix de comédie musicale : comme en témoigne le duo de l’infirmière – nurse qui soigne Chris infirme à Guernesey (Cécile Achille et Vincent Heden) : admirable mariage des genres dont la fusion réussie accrédite les vertus du métissage des styles ; métissage qui est à la source de tout le projet artistique. Précisément, le spectacle présenté par le compositeur comme un « Jazz Diskan Opéra », relève davantage du théâtre musical que de l’opéra pur.

En évidence, c’est toujours l’écrin musical qui tisse le flux poétique unifiant toutes les composantes du spectacle malgré son éclectisme. La mise en forme grâce au livret de Jean-Jacques Fdida, mêle très habilement les légendes et le choc des épisodes historiques sur les quais de Roscoff… l’action convoque l’amour entre deux êtres de culture différentes, pris dans les rets d’une jalousie barbare et abjecte, en l’occurrence celle du maquereau Dragon, un monstre sans foi ni loi qui violente toutes les femmes qu’il prostitue, et qui commet l’irréparable quand celle qu’il désire en vain, Lisbeth, ose en aimer un autre. De surcroît un étranger…
Lieu fort et emblématique de l’action symbolique comme réelle, la « falaise des lendemains » (Oh Tornaod an Ontronz, en breton) cristallise la tension qui grandit, c’est le lieu des catastrophes [où l’on crie ses espoirs à vif, ses voeux furieux…) ; d’où aussi, Lisbeth se jette par désespoir et pour échapper à l’agressivité du violeur Dragon. Elle y perdra ses jambes en devenant une femme tronc sur fauteuil… Aucune image des plus crues n’est épargnée.

A travers l’absolu d’un amour massacré qui cependant s’inscrit dans l’éternité de la légende bretonne, les auteurs développent surtout ce cynique écœurant, vrai carburant de l’action lyrique… C’est pourquoi tout du long du spectacle, on suit les [ex] actions de la bande de Dragon, escrocs à la petite semaine et vrais criminels profiteurs, proxénètes terroristes, truands tortionnaires et assassins ignobles, au début du drame, puis trafiquants opportunistes sans morale pendant la première guerre… La force scénique comme musicale du spectacle tient au contraste de ces deux réalités. Les auteurs ajoutent en outre comme un préambule qui en adoucit la violence générale, l’épisode du jeune homme musicien auquel une « Morgane », sirène humaine, offre la grâce de se souvenir de son propre hymne musical pour lui apparaître à l’envi … Un épisode qui tout en reliant l’histoire de Lisbeth la bretonne et de Chris le marionnettiste English avec les héros de ce conte sentimental et tragique primordial, dessine dans une boucle générale, un ouvrage dont l’enveloppe et la langue expressive restent surtout oniriques et légendaires.

 

C’est aussi une prouesse et une première de choisir 3 langues dans le livret au cours de la soirée ; l’anglais évidemment pour évoquer la présence des britanniques à Roscoff ; le français qui est dévolu aux échanges parfois agressifs, salaces, cyniques des deux lascars (Dragon et son acolyte) avec les deux prostituées qui leur sont totalement soumises. Le breton enfin, qui approfondit la vérité des rapports, la crudité et la violence des individus mais aussi le surgissement de la légende, celle du monde de la falaise… pic dont la présence est allusivement permanente, et qui surplombe cette humanité barbare, à la dérive.

Avec beaucoup de délicatesse et de sensibilité [l’apothéose finale jouée au piano seul, qui pourrait être le tombeau musical de Chris, exténué, arrivé au terme de ses souffrances), Jean-Marie Machado offre une parure captivante qui reste constamment à l’écoute des élans poétiques du drame amoureux, la capacité du sacrifice à glorifier les deux cœurs suppliciés.

Parmi les solistes, au sein d’une équipe plutôt homogène, saluons les incarnations immédiatement convaincantes, naturelles et évidentes : d’abord la Lisbeth de Yete Queiroz (timbre velouté et ardent, toujours très juste), sa « confidente » et partenaire d’un autre duo ciselé, Alys (impeccable Karine Sérafin), puis le très connu ténor au timbre angélique Vincent Heden, Chris lumineux dans sa souffrance radicale (qui réussit entre autres le mariage des codes de la comédie musicale avec l’opéra). Distinguons aussi le baryton Florian Bisbrouck qui confère à Dragon, son épaisseur démoniaque, une présence virile forgée dans la haine et la pure cruauté. Très efficace, la direction du chef Jean-Charles Richard veille au réalisme filigrané d’une partition qui assume son vérisme brûlant, ses accents d’une tendresse infinie, ses rythmes francs, parfois sauvages, toujours suggestifs. Dernière ce jour à 16h à l’Opéra de Rennes. Création reprise à ANGERS NANTES OPERA à partir du 26 février et jusqu’au 24 avril 2025.

 

Photos / production de l’opéra en création mondiale à l’Opéra de RENNES : La Falaise des lendemains, novembre 2024 © Laurent Guizard

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. RENNES, Opéra, le 9 nov 2024. JEAN-MARIE MACHADO : La Falaise des lendemains. Yete Queiroz, Vincent Heden, Florian Bisbrouck… Orchestre Danzas, Jean-Charles Richard, direction. Jean Lacornerie, mise en scène.

 

 

LIRE aussi notre présentation de la création mondiale à l’Opéra de Rennes, La Falaise des lendemains de Jean-Marie MACHADO : https://www.classiquenews.com/opera-de-rennes-du-7-au-11-nov-2024-creation-mondiale-jean-marie-machado-la-falaise-des-lendemains-diskan-jazz-opera/

 

 

Lire aussi notre entretien avec Jean-Marie MACHADO à propos de son opéra en création mondiale La Falaise des lendemains : https://www.classiquenews.com/entretien-avec-jean-marie-machado-a-propos-de-son-nouvel-opera-la-falaise-des-lendemains-creation-mondiale-a-laffiche-de-lopera-de-rennes-en-novembre-2024/

 

 

CRITIQUE, danse. LIMOGES, opéra, les 6 et 7 novembre. Thierry Malandain : Les Saisons (d’après A. Vivaldi et G. A. Guido). Malandain Ballet Biarritz / Orchestre symphonique de l’Opéra de Limoges / Stefan Plewniak (direction)

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Créé en novembre 2023 au Festival de danse de Cannes, le dernier ballet de Thierry Malandain, Les Saisons”, fait escale à l’Opéra de Limoges, au sein d’une très riche et éclectique saison 24/25, toujours aussi intelligemment concoctée par Alain Mercier

 

L’idée de départ à été d’associer les musiques combinées d’Antonio Vivaldi et de son contemporain Giovanni Antonio Guido, tous deux inspirés par le thème des Saisons, servies en l’occurrence par le méritant et combatif Orchestre symphonique de l’Opéra de Limoges Nouvelle-Aquitaine, pourtant peu rompu au répertoire baroque. Mais c’était sans compter sur la direction musicale du frénétique violoniste polonais Stefan Plewniak, chef “chouchou” de Laurent Brunner à l’Opéra Royal de Versailles, où il dirige la phalange versaillaise – avec l’ardeur qu’on lui connaît – quasi tous les mois. Sous l’impulsion de son archet incandescent, il emporte instrumentistes et danseurs sur un rythme trépidant qui sait exalter la force narrative des deux compositeurs baroques.

Au génie inclassable, irrésistible et légitimement célébré de Vivaldi sur le thème des Quatre Saisons, répond en dialogue, les pièces tout autant expressives de son confrère Guido : enchâssées les unes dans les autres, les deux écritures se répondent ; Guido fait mieux qu’un faire valoir ; ses Saisons produisent comme un résonance du modèle vivaldien, avec une facétie plus franche et une énergie égale. Dans la fosse, chaque timbre de l’orchestre, et chaque couleur (évidemment une majorité de cordes à laquelle la flûte et le basson, notamment, apportent une nuance délectable) reste perceptible ; l’individualisation et la forte caractérisation des instruments apportent ce contrepoint semblable sur la scène, où le chorégraphe joue des contrastes entre somptueux tableaux collectifs et séquences intimistes ; là brillent le tempérament et la silhouette spécifiques de plusieurs danseurs solistes. La présence de l’orchestre baroque, sa vibration particulière renforcent la tension globale du ballet. 

Crédit photo © Olivier Houeix

Thierry Malandain s’est expliqué sur l’engagement écologique du spectacle ; on ne peut guère aborder le thème des Saisons sans évoquer la Nature, ses miracles cycliques à travers la succession infinie des saisons ; miracle d’autant plus fragile et menacé aujourd’hui qu’il inspire un spectacle hautement esthétique qui constitue le manifeste d’une harmonie aussi somptueuse que menacée. “Et plus encore dans le climat désenchanté et corrompu d’aujourd’hui, où la dégradation de la nature constitue une menace existentielle”, précise le chorégraphe impliqué.  Alors ces pétales noirs qui s’exposent sur les murs, qui sont portés comme des flambeaux funestes ne sont-ils pas l’emblème glaçant et discret de l’extinction en cours ? Chez Malandain, la dénonciation s’énonce avec une rare élégance.

La scénographie imaginée par Jorge Gallardo (qui signe également les costumes) reste identique du début à la fin, mais par un savant dispositif de lumières et d’éclairages (de François Menou), la boîte couverte de grande feuilles noires aux nervures dessinées, se détache soit sur un fond clair, aérien et lumineux ; soit au moment des séquences intimistes sur un fond mat et noir qui l’assimile à un vaste cabinet fermé. De quoi mieux détacher la silhouette cursive des corps en solo ou en pas de deux, affublés d’une immense palme / nageoire qui prolonge le bras et dessine de formidables arabesques texturées aériennes. Se détache en particulier ce soir la silhouette élastique du danseur Hugo Layer, d’une élégance souple continue, au corps fluide comme touché par la grâce (dans un éblouissant premier solo avec la longue palme noire / Printemps de Guido) ; il est rejoint ensuite dans une nouvelle variation de ce costume, dans l’Automne du même Guido, aux côtés de Patricia Velasquez et de Raphaël Canet. Le trio ainsi constitué est la clé de ce ballet fascinant.

Crédit Photo © Olivier Houeix

Ailleurs, le travail de Thierry Malandain se dévoile pertinent dans le traitement du corps de ballet, dont le nombre – jusqu’à 22 danseurs sur scène -, permet de multiples combinaisons formelles : groupes en miroir, rondes ritualisées qui s’accordent entre autres aux convulsions rythmiques de la partition vivaldienne. En fusionnant écriture contemporaine et vocabulaire classique (nombreux portés), Thierry Malandain montre combien le thème du groupe en mouvement l’inspire ; et ce n’est pas la rythmique continue de Vivaldi qui l’arrête, bien au contraire. Le chorégraphe biarrot démontre une évidente maîtrise du ballet, comme intelligence collective, éclatée, synchronisée, dont il déduit plusieurs tableaux impressionnants. 

Aux Saisons de Guido, ainsi alternées, le chorégraphe réserve aussi des pas à quatre qui s’apparentent chacun à une conversation courtoise, parfaitement symétrique. On aurait ainsi tort de minimiser l’œuvre de Giovanni Antonio Guido ainsi outrageusement (pour certains) confronté au génie Vivaldien. En réalité, les Saisons de Guido, Suite de danses subtilement contrastées, pourraient bien être antérieures à celles du Prete Rosso, créées dès 1716 pour l’inauguration de l’ensemble décoratif sur le même thème peint par Antoine Watteau, pour l’hôtel parisien du sieur Pierre Crozat, Trésorier de France et grand mécène.

Thierry Malandain produit ici un ballet qui touche et captive par sa fabuleuse énergie, son esthétisme aigu et affûté… jusqu’au finale, où toute la troupe arbore ces palmes noires virevoltantes, animées, en une nuée évanescente qui semble flotter au dessus des corps en rotation : claire évocation du grondement des vents, tels qu’ils sont alors suggérés par Guido dans la séquence finale de l’Hiver. Virtuose, raffiné, sensible autant que spectaculaire. Indubitablement une des plus belles créations de Thierry Malandain !

 

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 CRITIQUE, danse. LIMOGES, opéra, les 6 et 7 novembre. Thierry Malandain : « Les Saisons » (d’après A. Vivaldi et G. A. Guido). Malandain Ballet Biarritz / Orchestre symphonique de l’Opéra de Limoges / Stefan Plewniak (direction). Toutes les photos © Olivier Houeix

 

VIDEO : Trailer des « Saisons » de Thierry Malandain (d’après Vivaldi et Guido) par le Malandain Ballet Biarritz

 

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle aux Grains (« Les Grands Interprètes »), le 5 novembre 2024. MOZART / GLUCK. Sonya YONCHEVA / Les Arts Florissants / William CHRISTIE

Ce concert proposé par Les Grands Interprètes permet au public toulousain ce soir de se pencher sur un pan de l’histoire assez fascinant. La grande histoire d’abord où une Reine de France, au destin tragique, a toujours voulu être une musicienne voire une artiste. Le théâtre de la Reine à Versailles, construit pour Marie-Antoinette en est la preuve. L’histoire de la musique ensuite car la querelle des bouffons opposant les partisans de l’opéra italien et français fait rage à cette époque. Ce soir c’est la musique française qui gagne. 

 

William Christie honore la musique française depuis plus de 40 ans. Il est le plus à même de guider Sonya Yoncheva dans ce répertoire péri révolutionnaire. Le résultat est fascinant car cette musique est difficile vocalement et stylistiquement. L’association de leurs talents en donne une interprétation à la fois informée et vocalement parfaite. 

Si Sonya Yoncheva n’a pas vraiment un tempérament de tragédienne, elle arrive à rendre ses accents touchants et l’émotion naît de la plastique vocale et de sa diction. La soprano qui aborde actuellement les rôles spinto les plus lourds a encore la possibilité d’alléger sa voix pour ce répertoire. La beauté des phrasés qui répondent à ceux de l’orchestre, la subtilité des nuances, la grande beauté des graves et du medium offrent un panorama vocal fascinant. La seule petite scorie vocale concerne un vibrato un peu large dans les aigus. Une grande part de la séduction de « La » Yoncheva est sa superbe diction de la langue française, qu’elle parle parfaitement. 

Les pages orchestrales sont également somptueuses. Avec fougue, William Christie impulse une belle énergie à ses Arts Florissants, tout en gardant une élégance aristocratique. Les musiciens sont tous de superbes virtuoses, la harpe remplace le clavecin ce qui apporte un supplément d’élégance au continuo. Les cors naturels sont magiques, les cordes ont un son plein et des phrasés de rêve. La flûte dans le solo des “Ombres heureuses” apporte sa part de magie. Les Arts Florissants sont un des plus beaux orchestres de musique ancienne. La “Danse des furies” est même encore plus impressionnante que lors du double ballets Gluck présenté quelques jours plus tôt au Théâtre du Capitole, dirigé par Jordi Savall et son Concert des Nations. Il faut dire que l’acoustique de la Halle au Grains permet au son de mieux se développer que dans la fosse du Capitole. C’est une chance sur une pièce si emblématique à quelques jours d’intervalle d’entendre ces deux versions superlatives. 

La société de concerts “Les Grands Interprètes” ont offert une belle soirée dans laquelle l’entente entre le chef et la soliste semblait parfaite. Le jeu de séduction dans la deuxième partie entre Yoncheva/Marie Antoinette et le maestro dépasse la simple convenance théâtrale, une profonde estime teintée de tendresse existe entre la diva et le vieux Maestro. Ils se connaissent depuis leur rencontre pour le Jardin des Voix en 2006.

Le public a obtenu trois bis tant il a applaudi les artistes, les musiciens de l’orchestre y compris.

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CRITIQUE, concert. Toulouse, Halle aux Grains (« Les Grands Interprètes »), le 5 novembre 2024. MOZART / GLUCK. Sonya YONCHEVA / Les Arts Florissants / W. CHRISTIE. Crédit photographique (c) Pedro-Octavio Diaz.

 

VIDEO : Audition de Sonya Yoncheva par William Christie pour « Le Jardin des Voix » en 2006

 

METZ, ARSENAL. Mar 19 nov 2024. BEETHOVEN : Messe en Ut. Orchestre des Champs-Élysées, Philippe Herreweghe (direction)

À la tête de l’Orchestre des Champs-Élysées depuis 30 ans, Philippe Herreweghe révèle ici une partition qu’il estime, la magistrale Messe en ut de Beethoven ; l’œuvre est d’une grande modernité explorant des voies expressives alors inédites.

Le prince Nicolas II Esterhazy, mécène mélomane qui à Vienne protège Haydn, compositeur officiel et maître de Beethoven, propose à ce dernier Ludwig de composer la Messe pour l’anniversaire de son épouse, la princesse Maria-Hermenegild, soit pour le 8 sept 1807 à Eisenstadt. Beethoven relève le défi, sait prolonger le modèle en la matière légué par Haydn (Harmoniemesse). Hélas après son écoute, le Prince la trouve détestable et même ridicule, quand aujourd’hui ses audaces formelles, sa force et sa puissance en font toute la valeur (amples vagues chorales et intensément spirituelles de l’Agnus Dei).
À la croisée des genres, entre symphonie et fantaisie, laissant l’instrument soliste guider le développement formel par de somptueuses séquences expressives, le Concerto pour piano n°4 est des plus imaginatifs : le pianiste Kristian Bezuidenhout s’accorde à la direction toujours analytique et précise du chef flamand.
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BEETHOVEN par Philippe Herreweghe : Messe en ut, Concerto pour piano n°4
ARSENAL DE METZ
Grande Salle, Arsenal Jean-Marie Rausch
Saison 2024 – 2025 Cité musicale metz
Mardi 19 novembre 2024, 20h
RÉSERVEZ vos places directement sur le site de l’Arsenal de Metz / Cité Musicale Metz : https://www.citemusicale-metz.fr/fr/programmation/saison-24-25/arsenal/messe-en-ut-de-beethoven
Ludwig van Beethoven
Concerto pour piano n°4
 / Messe en ut majeur
direction, Philippe Herreweghe
piano, Kristian Bezuidenhout
chœur Collegium Vocale Gent
Messe en ut
soprano : Robin Johannsen
mezzo-soprano : Sophie Harmsen
ténor : Benjamin Hulett
baryton : Samuel HasselhornArsenal Jean-Marie Rausch, Grande Salle
Durée 1h30 + entracte
Tarifs de 8 à 46 €

CRITIQUE CD événement. Les FORQUERAY : intégrale des pièces de viole (Lucile Boulanger, Myriam Rignol, Pau Marcos Vicens, Gabriel Rignol, Mathilde Vialle, Julien Wolfs) 2 cd CVS Château de Versailles Spectacles

S’agissant des ForquerayAntoine (1671 – 1744) et Jean-Baptiste (1699 – 1782) -, la gambiste Myriam Rignol signe ici une intégrale de référence ; la réalisation est d’autant plus méritante et significative que la préparation et tout le cheminement préalable, mental, esthétique, technique pour ce faire, fut accompagné par un travail progressif de réflexion afin d’apprivoiser le langage musical, surtout la richesse d’une écriture qui dans sa texture dense paraissait tout d’abord « prétentieuse », « d’esbroufe », « tape à l’oeil », et « noire » (de notations et d’indications autographes, brouillant le contact avec sa cohérence voire sa limpidité originelle).

 

Tout le travail fut, a contrario d’a-priori infondés, de s’immerger dans le creuset de la musique, revoir les doigtés, les choisir selon sa propre logique et dans le confort retrouvé d’une agilité naturelle, révéler la puissance d’une écriture à la fois foisonnante et poétique ; le résultat est là ; dans ce travail d’appropriation progressive de l’écriture, Myriam Rignol semble avoir capter ce naturel des phrasés, cette éloquence souvent hypnotique, ce balancement infiniment nostalgique d’une écriture parmi les plus profondes jamais écrites, s’agissant des Forqueray, père et fils, Antoine et Jean-Baptiste, l’un sachant reprendre l’écriture de l’autre pour en parfaire encore davantage la sincérité. En filiation avec les Forqueray et dans l’intimité ténue de la pratique familiale, la gambiste s’associe avec son frère Gabriel (théorbe et guitare baroque) et joue avec ses confrères Mathilde Vialle, Pau Marcos dans une entente qui est compréhension et respect partagé. Sans omettre le subtil clavecin d’un complice tout en panache et raffinement introspectif, l’excellent Julien Wolf (avec lequel Myriam Rignol compose le trio Les Timbres).

Outre la volubilité saisissante d’une écriture qui semble percer le mystère de la psychologie dans ses multiples séquences dédiées, ou « portraits » musicaux (La Régente, La Mandoline, La Rameau…), les quatre instrumentistes sont d’une infinie finesse accordée dans entre autres la Portugaise des deux Forqueray (nostalgie dansante et noble), dans La Couperin qui suit, et plus encore dans les 6 pièces qui forment la IVè Suite en sol mineur : belle langueur de la Sarabande « La D’aubonne », aux teintes moirées et sombres… dans la légèreté presque facétieuse et elle aussi dansante de « La Bournonville », sans omettre l’hypnotique « Carillon de Passy », joué droit, badin et d’une grâce envoûtante…
On ne saurait imaginer IIè et IIIè Suites plus contrastées, vives, d’un entrain irrésistible, caractérisé et rond à la fois : rusticité de « La Bouron » ; balancement subtil de « La Dubreuil » ; vivacité toute en nuances ciselées de « La Leclair » où la viole principale chante dans un bel canto d’une finesse magicienne…

Le corpus souligne l’inventivité et le raffinement, les couleurs poétiques et la densité harmonique des pièces (les 5 Suites surtout) ; au père et au fils indistinctement, puisque seul le nom souvent parait sur les manuscrits, sans précision du prénom, Antoine et Jean-Baptiste, se joint aussi le neveu, les airs à chanter spécifiquement du plein XVIIIè de Nicolas-Gilles (dont entre autres, le rondeau musette : « N’espère plus jeune Lisette », 1719).

Les interprètes poussent le luxe de varier les instrumentations, selon les pièces et leur caractère : clavecin solo, viole seule accompagnée, duo de deux violes (« esgales »), trio de deux violes et clavecin obligé d’après le dispositif des pièces de clavecin en concerts… Quant au choix des reprises pour tel ou tel morceau, il a été dépendant d’une contrainte : proposer cette intégrale sur 2 cd. L’aplomb et le tempérament des instrumentistes sont confortés encore par le choix des instruments requis pour cet enregistrement, soit 4 superbes spécimens réalisés par le facteur Tilman Muthesius : 2 basses de violes à 7 cordes d’après Michel Collichon (1683), réalisées en 1991 et 2022 ; 1 dessus de viole d’après le même Collichon, et 1 basse à 8 cordes d’après Benoît Fleury. Même le clavecin est remarquable d’après Henri Hemsch. Incontournable.

 

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CRITIQUE CD événement. Les FORQUERAY : intégrale des pièces de viole (Lucile Boulanger, Myriam Rignol, Pau Marcos Vicens, Gabriel Rignol, Mathilde Vialle, Julien Wolfs) 2 cd CVS Château de Versailles Spectacles – Collection : La Chambre des Rois n°12 – enregistré en fév 2023 en Belgique – CLIC de CLASSIQUENEWS Hiver 2024

 

VIDÉO

CRITIQUE, récital lyrique. VERSAILLES, Salle des Croisades, le 4 novembre 2024. VIVALDI / PORPORA / PORTA… Marina VIOTTI / Orchestre de l’Opéra Royal / Andrès GABETTA (direction)

Après avoir conquis la planète entière par sa performance “métallo-classique” lors de la Cérémonie d’Ouverture des JO de Paris en juillet dernier, c’est dans son (plus si) “nouveau” répertoire de la musique baroque (après être passé par la musique “Métal” dans sa prime jeunesse…) que Marina Viotti se produit dans la somptueuse “Salle des Croisades” du Château de Versailles. Le programme est essentiellement tourné vers Antonio Vivaldi, mais pas que, avec quelques incursions vers Porpora et le plus obscur Giovanni Porta. Entrecoupant les différents airs, pour permettre à la chanteuse de laisser reposer un peu la voix, les inévitables Ouvertures et Concerti (Le fameux Concerto “Grosso Mogul” du Prêtre roux, le “Largo » du Premier Concerto Grosso de Locatelli…), confiés aux soins de l’excellent Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles, placé ce soir sous la baguette du chef franco-argentin Andrès Gabetta

 

Et c’est par la rareté que constitue le Motet “Volate gentes” de Giovanni Porta (1675-1755) que débute la soirée (après une exécution virevoltante de l’Intermède “The curtain tune” extrait de Timon of Athen de Henry Purcell, en guise de tour de chauffe orchestral). Arrivant dans une tenue plutôt masculine (“chico-décontractée”) pendant un fondu-enchaîné de la claveciniste Chloé de Guillebon (sur presque tous les fronts, après le bouillonnant chef-violoniste), elle fait d’emblée montre de toute sa maestria vocale et virtuosité technique, lui permettant de déployer ce timbre pulpeux, charnu et mordoré à la fois, qui est désormais immédiatement identifiable (à l’oreille des mélomanes en tout cas). Elle poursuit avec le très introspectif “Salve Regina” de Nicola Porpora. Ce napolitain s’est surtout fait connaître pour ses opéras serie et ses talents de pédagogue, mais il est également auteur de plusieurs motets et messes, dont ce Salve Regina en ré mineur composé en 1725, époque où il s’installe à Venise. Cette pièce, qui se décompose en six phases tour à tour lentes et rapides, porte la marque de nombreuses compositions italiennes de l’époque, qu’il s’agisse d’œuvres strictement religieuses. Accompagnée avec douceur et intériorité par Andrès Gabetta, Viotti fait montre d’une très grande souplesse dans les lignes mélodiques et d’une non moindre intensité dans la déclamation, accentuant ainsi le caractère implorant de cette courte pièce dédiée à la Vierge Marie.

Donné sans entracte, alors que des micros sont installés un peu partout pour une captation “live” en vue d’un futur disque qui paraîtra chez l’indispensable label “Château de Versailles Spectacles” l’an prochain, la deuxième moitié du concert fait la part belle à Vivaldi,  à travers deux très beaux Motets (“Ascende Laeta”, et “Canta in Prato, ride in monte”), mais surtout son (sublime) Oratorio “Juditha Trumphans”, dont l’artiste interprète deux airs, un “lent” et un “vif” : le doux (mais néanmoins très “vocalisant”) “O servi volate”, puis le trépidant “Armatea Face et angibus”. Dans ce dernier air, la voix se fait véhémente et conquérante, en faisant fi de toutes les pyrotechnies acrobatiques dont il est hérissé, soutenue par un orchestre aux trépidations typiquement “vivaldiennes”, tout démontrant une pureté désarmante dans les aigus… et en invitant le public à la soutenir rageusement dans les “Furiae / furiae / furiae !” qui en constitue le climax, pour un effet collectif saisissant ! Grisé, le public lui fait un triomphe mérité, une partie se levant pour une “standing ovation”, et c’est par trois bis qu’elle le remercie : la virevoltante  « Danse des Sauvages » tiré des Indes Galantes de Rameau, puis l’exaltant « Dopo Notte » extrait d’Ariodante de Haendel, avant une reprise d’ « Armatae face et anguibus », avec une chanteuse qui en a encore “sous le pied” – et pour lequel le public se prête à nouveau au jeu… en martelant furieusement le triple « Furiae !”… 

Et maintenant… vivement l’album !

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CRITIQUE, concert lyrique. VERSAILLES, Salle des Croisades, le 4 novembre 2024. PORTA / PORPORA / VIVALDI…. Marina VIOTTI (mezzo), Orchestre de l’Opéra Royal, Andrès GABETTA (direction). Toutes les photos © Michael Montanaro

 

VIDEO : Marina Viotti interprète l’air « Armatae Face » extrait de « Juditha Triumphans » de Vivaldi (avec Le Concert de la Loge)

 

ENTRETIEN avec FRÉDÉRIC ROELS, directeur de l’Opéra Grand Avignon, à propos de la nouvelle saison 2024 – 2025 : FEMMES ! La Traviata, Zaide, Thérèse, Alice, Turandot… … 


La nouvelle saison 2024 – 2025 de l’Opéra Grand Avignon frappe fort ; à travers son intitulé « FEMMES ! », le nouveau cycle lyrique offre plusieurs figures d’héroïnes admirables, exemplaires (Alice, Zaïde, Thérèse / Thirésias…), soit une formidable galerie de portraits qui stimule les créateurs et les interprètes et passionnera probablement les spectateurs. A l’affiche également, les artistes en résidence comme la metteur en scène Chloé Lechat qui a ouvert la saison avec sa propre vision de La Traviata, et aussi le compositeur Matteo Franceschini dont est attendue Alice, d’après Lewis Caroll… sans omettre le travail du nouveau directeur de la danse, Martin Harriague, dont les premiers spectacles promettent de superbes découvertes pour le public… Présentation par Frédéric Roels, directeur général de l’Opéra Grand Avignon.
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Portrait de Frédéric ROELS © Barbara Buchmann

 

 

CLASSIQUENEWS : Pourquoi avoir choisi comme fil conducteur de votre nouvelle saison le thème des « Femmes » ?


FRÉDÉRIC ROELS : En intitulant notre nouvelle saison 2024 – 2025 «  FEMMES ! », il s’agit sans céder par facilité à la tendance actuelle, en liaison avec le mouvement Metoo, de reconsidérer le répertoire qu’il s’agisse de musique, de danse, d’opéra, selon la place assignée à la femme, sous un regard autre que celui des féministes. Le répertoire lyrique est plus ancien que les questions actuelles, donc il est intéressant d’aborder la dramaturgie sous un regard analytique et d’examiner le rôle que l’on réserve aux héroïnes ; les femmes y tiennent des rôles souvent tragiques, ceux de personnes trahies, sacrifiées… Ainsi La Traviata, production qui ouvre notre nouvelle saison (11, 13 et 15 oct), dans la mise en scène de Chloé Lechat à qui l’Opéra Grand Avignon a proposé une résidence. Sa vision apporte un éclairage contemporain sur le personnage de Violetta Valéry, rôle ô combien sacrifié….
Dans Les Folies amoureuses (1er février 2025) qui est un pastiche du début du XIXè, conçu par Castille-Blaize, c’est un autre personnage féminin, hérité du XVIIIè (dans l’esprit du Barbier de Séville), une jeune femme contrainte, qui est mariée contre son gré. Mais les héroïnes à l’affiche de notre saison ne sont pas toutes des victimes : l’Alice (les 29 et 30 mars 2025), personnalité centrale du nouvel opéra de Matteo Franceschini (compositeur qui est aussi en résidence cette saison), affirme un tout autre rapport à la société ; l’ouvrage éclaire sa découverte du monde dans un esprit puissant voire dominateur qui en fait tout l’attrait ; comme Zaïde (25 et 27 avril 2025), héroïne mozartienne par excellence, positive et lumineuse dont l’évolution souligne la force de l’amour contre l’oppression et ici, contre l’esclavage.
On retrouve une même liberté, véritable force d’émancipation dans le personnage de Thérèse dans Les mamelles de Tirésias de Poulenc, autre ouvrage lyrique de notre saison 2024 – 2025 (6 et 8 juin 2025). La façon dont Thérèse fait l’expérience d’être un homme, dans son corps, dans la découverte de la fonction sociale assignée à l’identité masculine, est surprenante et passionnante.
D’autres spectacles questionnent différemment la place de la femme, mais avec la même acuité : « Merci, Francis! » par Les Coquettes (mélange détonant de sketches et chansons engagées, le 28 mars 2025) ; ou Cristiana Reali, interprète emblématique dans « Simone Veil, les combats d’une effrontée » que la comédienne a aussi adapté d’après Une vie de Simone Veil (le 8 janvier 2025); sans omettre « Music-hall Colette » (le 9 février 2025) qui célèbre le profil provocateur et totalement libre de Colette, icône de la libération du corps de la femme, elle aussi figure de l’émancipation…

 

CLASSIQUENEWS : Parlez-nous des artistes en résidence pour cette nouvelle saison 2024 – 2025…


FRÉDÉRIC ROELS : Évidemment nous sommes très heureux d’accueillir la metteure en scène CHLOÉ LECHAT dont le premier travail sur La Traviata de Verdi ouvre notre notre nouvelle saison. Nous lui avons confié une seconde mise en scène pour la saison suivante…
Le compositeur italien MATTEO FRANCESCHNI présente aussi son nouvel opéra Alice, l’un des temps forts de notre saison. Matteo Franceschini est un performeur que certains ont pu découvrir dans son spectacle solo de musique électro « Tovel / Gravity » que nous présentons le 29 nov (à L’Autre Scène, Vedène) ; ou dans The Act Of Touch (sam 5 avril également à L’Autre Scène, Vedène) où dans le même temps, il joue 7 pianos droits à une touche… Matteo a une très grande culture musicale ; son approche est décomplexée et son travail mêle les influences et les styles, incluant les musiques actuelles, l’électronique dans une porosité très créative. C’est un musicien qui aime communiquer, partager, transmettre, un homme de terrain qui recherche le dialogue intergénérationnel. Dans cet esprit, il accompagnera les élèves de la classe de composition du Conservatoire d’Avignon.

 

CLASSIQUENEWS : A l’adresse des publics et des spectateurs, que confortez-vous au cours de cette nouvelle saison ? Quels sont les volets que vous prolongez particulièrement ?


FRÉDÉRIC ROELS : Nous développons nos actions de diffusion et de sensibilisation. Nous sommes de plus en plus présents sur le territoire, à travers entre autres les concerts en itinérance auxquels participent le chœur et les danseurs du Ballet. Nous avons également réalisé notre première diffusion en plein air pour La Traviata justement, depuis une place d’Avignon. Une maison d’opéra comme la nôtre doit aussi être proche des spectateurs et accueillir comme impliquer les publics tout au long de l’année. C’est pourquoi nous reprenons l’idée d’un opéra participatif avec cette année, Turandot (d’après l’opéra éponyme de Puccini) : « Turandot, énigmes au musée » (les 18 et 19 janvier 2025). Le spectacle permet aux spectateurs y compris au jeune public, de comprendre comment une oeuvre d’art prend vie ; il interroge notre rapport à l’ancien. Il s’agit d’un spectacle pour les familles et tous les adultes. Chacun est invité à venir et à participer en apprenant l’un des airs puis le chanter pendant la représentation. Phénomène surprenant et très encourageant, 48% des spectateurs qui viennent à l’Opéra Grand Avignon sont originaires de la communauté d’agglomération. Ce qui signifie que 52% viennent de plus loin encore. Vous voyez la marge est encore importante pour sensibiliser et fidéliser un spectre encore plus large de nouveaux spectateurs.

 

CLASSIQUENEWS : Depuis la pandémie, avez vous noté de nouveaux comportements ?



FRÉDÉRIC ROELS : Avec la pandémie, nous avons constaté une nette érosion des abonnés. Pourtant aucune baisse de billetterie. Nous avons cessé les offres d’abonnements. Mais proposons plutôt une carte de fidélité ; vendue 20 euros, elle permet de bénéficier jusqu’à 20% de réduction sur les spectacles. Nous comptabilisons déjà 800 cartes vendues. C’est la preuve que cela correspond aux nouvelles pratiques culturelles.

 

Propos recueillis en octobre 2024

 

 

 

7 PRODUCTIONS / PROGRAMMES INCONTOURNABLES
Opéra Grand Avignon saison 2024 – 2025

 

LA TRAVIATA 

Évidemment notre première production est un temps fort de cette saison. Le regard de Chloé Lechat, artiste féministe, apporte une vision aussi personnelle que nouvelle de l’ouvrage de Verdi

 

AMERICA – 30 nov / 1er décembre 2024

Le Ballet « America », nouvelle chorégraphie de notre tout nouveau directeur de la danse, MARTIN HARRIAGUE ; le ballet met en scène l’Amérique de Trump, peut-être dans une lecture dystopique (rires) ; c’est un portrait d’une Amérique à la dérive, où l’humour a sa place. D’une façon générale, le travail de Martin se distingue par la qualité de sa danse ; une écriture particulièrement poétique, très riche, très physique et énergique. Son projet prend en compte le territoire, la cité, le tissu et les particularités sociales ; sa danse est ouverte et engagée. INFOS et RÉSERVATIONS : https://www.operagrandavignon.fr/america

 

ALICE – Samedi 29 et dimanche 30 mars 2025
Opéra de Matteo Franceschini d’après Alice aux pays des merveilles
https://www.operagrandavignon.fr/alice-franceschini

ZAIDE – Vendredi 25 et dimanche 27 avril 2025
Opéra de W.A Mozart
https://www.operagrandavignon.fr/zaide-mozart

 

UNITED DANCES OF AMERICA – les 17 et 18 mai 2025

Martin propose un second spectacle chorégraphique qui est aussi un événement de notre nouvelle saison 2024 – 2025. Le programme est composé de 3 pièces conçues par 3 chorégraphes contemporains parmi les plus significatifs, qui sont à la pointe : Rena Butier, Mike Tyus et Luca Renzi, Stephen Shropshire. La découverte pour notre public sera totale. INFOS & RÉSERVATIONS : https://www.operagrandavignon.fr/united-dances-america

 

LES MAMELLES DE TIRÉSIAS – 6 et 8 juin 2025

La mise en scène est réalisée par le chanteur Théophile Alexandre ; un artiste qui s’intéresse particulièrement à l’histoire du genre, à la confusion des genres. A ce stade d’avancement, il semble que l’esthétique de cette nouvelle production s’inspire de l’univers de Salvador Dali… INFOS & RÉSERVATIONS :
https://www.operagrandavignon.fr/les-mamelles-de-tiresias-poulenc

 

REQUIEM – le 13 juin 2025

Enfin notre directrice musicale associée, Débora Waldman dirige le dernier concert symphonique, pour le programme de clôture de la saison ; certes l’œuvre est connue ; la réécouter est une expérience toujours significative, d’autant que le concert est aussi un projet inclusif qui permet d’impliquer le public déficient grâce à un dispositif auditif et visuel qui favorise la participation des personnes en handicap, malvoyantes (avec le langage des signes) ou malentendantes. Ce projet d’inclusion est particulièrement défendu par Débora Waldman. INFOS & RÉSERVATIONS : https://www.operagrandavignon.fr/requiem

 

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Découvrez ici la totalité de la nouvelle saison 2024 – 2025 de l’Opéra Grand Avignon, directement sur le site de l’Opéra Grand Avignon : à l’affiche également, La Fille de madame Angot, La Bohème, Destins de reines par Patricia Petibon, le Quatuor Tchalik, Alexandre Tharaud… : https://www.operagrandavignon.fr

ORCHESTRE NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE. Sam 23 nov 2024. TCHAIKOVSKI, BERG, SCHOENBERG, Kristi Gjezi (violon), Tarmo Peltokoski (direction)

En novembre 2024, l’Orchestre National du Capitole propose un grand concert symphonique sous la direction de Tarmo Peltokoski, son chef désormais emblématique, avec la complicité de la violoniste Kristi Gjezi (violon supersoliste de l’Orchestre) dans le Concerto pour violon de Tchaikovsky.

 

Grand portrait de Tarmo Peltokoski – DR / © Orchestre National du Capitole de Toulouse

 

 

Le Concerto de Tchaikovsky (en ré majeur, opus 35, composé au printemps 178 / créé en déc 1881) s’impose par sa brillance et ses couleurs entre raffinement et passion, intensité et transparence. IL est exactement contemporain de celui de Brahms. Les deux défient la technicité autant que la subtilité interprétative des interprètes, en particulier du soliste. Tchaikovsky admirait Mozart. La belle urgence du premier mouvement permet souvent à l’orchestre de sonner avec une élégance de ton d’une irrésistible séduction : le préambule est idéal pour l’éloquence feutrée du violon à son entrée, tel un ondin serpentant dans un paysage orchestral superbement suggestif : la direction doit en particulier préserver la grande séduction de la construction mélodique par sa réserve caressante et détaillée. Par son articulation et sa finesse, l’instrument soliste doit exprimer cette élégance lovée dans l’orchestration de Tchaikovsky. PLAN : Allegro moderato / Canzonetta – Andante (sol mineur) / Finale : Allegro vivacissimo (ré majeur).

Au programme ensuite, la Sonate n°1 (originellement pour piano, mais proposée ici dans une orchestration de Verbey) de Berg ; enfin la Nuit transfigurée de Schoenberg, encore tournés vers le romantisme et un certain lyrisme, avant que ces deux compositeurs ne révolutionnent la musique du XXe siècle en appliquant les nouvelles vertus du sérialisme…

 

 

TOULOUSE, Halle aux grains
Samedi 23 novembre 2024 – 20h

GRAND CONCERT SYMPHONIQUE
TCHAIKOVSKI, BERG, SCHOENBERG

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RÉSERVATIONS & INFOS directement sur le site de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse : https://onct.toulouse.fr/agenda/tarmo-peltokoski-241123/

Infos pratiques
Date et heure : 23 novembre 2024,
 20h – Durée 1 heure et 45 minutes / Lieu: Halle aux Grains

 

 

ORCHESTRE NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE
Tarmo Peltokoski, direction
Kristi Gjezi, violon

 

 

Piotr Ilitch Tchaïkovski
Concerto pour violon

Alban Berg
Sonate pour piano (Orchestration Theo Verbey)

Arnold Schoenberg
La Nuit transfigurée

Portrait Tarmo Peltokoski / Tarmo Peltokoski © Peter Rigaud

CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 5 novembre 2024. MOZART : La Flûte enchantée. Aleksandra Olczyk, Nikola Hillebrand, Pavel Breslik, Mikhail Timoshenko… Robert Carsen/ Oksana Lyniv

La Flûte enchantée de Robert Carsen revient à l’Opéra Bastille. On l’y avait déjà vue en 2022, et l’on se réjouit de la revoir. Dans le monde de l’art lyrique, « les » Carsen sont à consommer sans modération. Une fois de plus, son spectacle est très « classe ». Robert Carsen déroule l’essentiel de son histoire dans un décor de forêt. Grâce à la magie de la vidéo, on voit cette forêt changer de saison en un clin d’œil, passer du printemps à l’été, de l’été à l’automne, de l’automne à l’hiver. De temps à autres, des vols d’oiseaux viennent se poser sur les branches. La flûte n’est pas seule à être enchantée. La forêt l’est aussi. Et le public de même ! Ce spectacle pourrait être sous-titré les « Quatre saisons de Carsen » !

 

N’attendez pas une Reine de la nuit arrivant en chevauchant un nuage ou un croissant de lune ! Elle entre en scène en tailleur noir, portant un sac à main et des lunettes de soleil. Elle a tout d’une femme du monde se rendant à des funérailles nationales. L’histoire que nous raconte Robert Carsen est plus métaphysique que féerique. Il est hanté par l’idée de mort. Lorsqu’on n’est pas en forêt, on descend dans des sous-terrains encombrés de cercueils. L’évolution vestimentaire de l’action est basique : on est vêtu en noir dans la première partie du spectacle et en blanc à la fin, après la réussite initiatique du couple de Tamino et Pamina et son accès à la lumière. Dans la première partie, non seulement la Reine et ses trois dames sont en noir, mais aussi Sarastro et ses hommes. Tous portent même des voiles sur la tête. Tout le monde, à la fin, apparaît dans des blancs éclatants. Une pub de lessive pourrait s’emparer de l’image !

 

Sans être exceptionnelle, la distribution vocale est très bonne, dominée par les deux interprètes de Tamino et Papageno . Le premier est le ténor slovaque Pavol Breslik. Le second est le baryton russe Mikhaïl Timoshenko. Il nous réjouit toute la soirée. La Pamina de Nikola Hillebrand est touchante. Aleksandra Olczyk chante la Reine de la nuit avec une voix vibrante dont les vocalises ne coulent pas mais dans lesquelles elle insiste sur chaque note, rendant son expression dramatique. Jean Teitgen chante Sarastro avec noblesse. Nicolas Cavalier est un bon Orateur. Mathias Vidal est très à l’aise en Monostatos. Charmante intervention de Ilanah Lobei-Torres en Papagena . Son duo Pa-pa-pa-geno-pa-pa-pa-gena est bien sûr très attendu. Il fait toujours son ef-fet-fet. Mention spéciale pour les deux trios des Dames de la nuit et des enfants. Souvent, ils sont sacrifiés – surtout le second. Ici, ils sont remarquables. Ces dames sont Margarita Polonskaya, Marie-Andrée Bouchard et Claudia Hucke. Quant aux enfants, ils ont été choisis dans la Chorale d’enfants Aurelius de la ville de Calw en Bavière.

 

La direction d’orchestre d’Oksana Lyniv est efficace, même si on l’aimerait plus allégée dans certaines répliques. A la fin, tout le monde vêtu de blanc apparaît sur une prairie ensoleillée. C’est le triomphe de la lumière. On se congratule, on se fait l’accolade, on s’embrasse. Paris n’a pas connu une aussi belle image de fraternité depuis les J.O. On est heureux sur scène et dans la salle. Tel est l’effet Carsen…

 

Crédit photographique © Charles Duprat / ONP

 

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 5 novembre 2024. MOZART : La Flûte enchantée. Aleksandra Olczyk, Nikola Hillebrand, Pavel Breslik, Mikhail Timoshenko… Robert Carsen/ Oksana Lyniv. Toutes les photos © Charles Duprat / ONP

 

VIDEO : Trailer de « La Flûte enchantée » de Mozart selon Robert Carsen à l’Opéra national de Paris

 

COMPIEGNE, HAUTS DE FRANCE. 7ème Festival EN VOIX ! du 7 nov au 20 déc 2024. Marie-Antoinette, AZAHAR / La tempête, Médée et Jason, Dialogues des Carmélites…

Pas moins de 17 spectacles, 48 représentations dans les Hauts de France, soit 44 jours de programmations dans 31 communes du territoire : la 7ème édition du Festival En voix ! s’annonce aussi généreuse et festive que les précédentes.

 

Porté par le Théâtre Impérial de Compiègne et son dynamique directeur, Éric Rouchaud, le Festival En Voix ! sait chaque automne se renouveler en favorisant partout et pour tous, l’accès à la magie vocale : art lyrique et chant choral s’invitent sur tout le territoire des Hauts de France, en milieu rural et en cœur de ville, jusqu’au 20 déc 2024. Lieder, chœurs, mais aussi de nombreuses formes opératiques rythment un cycle désormais incontournable qui accompagne le passage entre automne et hiver… Artistes internationaux, jeunes révélations s’adressent aux spectateurs néophytes ou aguerris, amateurs et mélomanes : … « grandes voix et orchestres, chœurs de premier ordre se saisiront de différents répertoires, de la musique ancienne à aujourd’hui en passant bien sûr, à l’approche des fêtes de fins d’année, par des chants populaires de Noël ! », précise Éric Rouchaud.

 

 

 

Premiers temps forts et événements
4 rdv au Théâtre Impérial de Compiègne
en novembre 2024 – concerts à 20h30

 

 

Ouverture ce jeudi 7 nov 2024
Avec « Marie-Antoinette » par Sonya Yoncheva et Les Arts Florissants (Théâtre Impérial de Compiègne / extraits d’opéras de Mozart, Gluck, Sacchini, Cherubini, Piccini, Martini…) ;

 

Le 15 nov 2024, programme romantique, et même schubertien avec les étudiants des départements de musique ancienne et des disciplines vocales du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris : au programme, musique de chambre / Théâtre Impérial de Compiègne / Quintette de Hummel ; Quintette « La Truite » et lieder de Schubert…

 

Le 22 nov 2024 : AZAHAR, La Tempête
Suite d’un compagnonnage fécond qui aura redéfini la forme du concert de musique classique grâce au geste collectif, spatialisé, scénographié de l’ensemble La Tempête (en résidence au Théâtre Impérial de Compiègne), créé, dirigé par Simon-Pierre Bestion. Le Théâtre Impérial accueille leur dernière réalisation qui fait se télescoper le Moyen-Âge, Machaut et las Cantigas de Santa d’Alfonso X le Sage, avec Messe et Ave Maria de Stravinsky, et réinvente une liturgie constellée de voix qui jaillissent d’un ensemble d’instruments à vent et à percussion. Vraies musiques et rituel inventé, nous sommes ici dans un temps recréé où se fondent inspirations et imaginaires multiples.

 

 

Le 28 nov 2024
Opéra baroque avec « Médée et Jason », par Les Surprises, ensemble dirigé par Louis-Noël Bestion de Camboulas qui signe aussi la conception de ce collage lyrique contrasté, dramatique sur le thème de la magicienne amoureuse Médée éprise de l’aventurier Jason : extraits des opéras de Charpentier, Lully, Rameau, Marais, Destouches, Dauvergne… d’après Corneille, Carolet, Romagnesi et Euripide / Le spectacle emprunte les chemins incertains, mystérieux, passionnés d’une parodie, mélange savant d’extraits opératiques exaltés, cheminant sur les traces de Médée, la magicienne dotée de sentiments. Les Surprises inventent un spectacle réjouissant où l’esprit de la farce s’invite à la rencontre du sublime et du comique, de la danse et du vaudeville, des airs de démons et des airs de marins….

 

 

En décembre 2024 :

Opéra, samedi 14 déc 2024, 20h
POULENC : Dialogues des Carmélites. Première attendue au Théâtre Impérial pour un chef-d’œuvre ancré dans l’histoire de la cité avec une distribution d’exception, Située à Compiègne, l’action des Dialogues des Carmélites réactive une page à la fois terrifiante et passionnante de l’histoire de Compigène, à l’époque de la Terreur… Poulenc compose un ouvrage fort et puissant qui oppose les brûlures de la foi à celles de l’Histoire. La sublime partition de Poulenc sera jouée pour la première fois au Théâtre Impérial, à l’endroit précis où se dressait le couvent des Carmélites de Compiègne à l’époque de la Révolution.

 

 

les plus belles voix française au Théâtre Impérial

Première des Dialogues des Carmélites à Compiègne

 

Dialogues des Carmélites avait tout pour ne pas connaître le succès : un opéra sur la foi, mettant en cause la Terreur, créé à la Scala de Milan en pleine période sérielle. Ce fut pourtant un triomphe en janvier 1957, puis six mois plus tard à Paris, avec la participation de Denise Duval, Rita Gorr et Régine Crespin. Depuis lors, l’opéra de Poulenc reste l’un des rares ouvrages lyriques de la seconde moitié du XXe siècle régulièrement repris sur les scènes du monde entier. A COMPIEGNE, l’opéra en concert permet de retrouver une partie des interprètes qui avaient été ovationnées en 2013 sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, mais … dans des rôles différents. Si Véronique Gens reste Madame Lidoine, Patricia Petitbon sera ici Mère Marie de l’Incarnation, et Sophie Koch sera Madame de Croissy. La fine fleur du chant français d’aujourd’hui (Vannina Santoni, Marie Gautrot, Manon Lamaison, mais aussi Alexandre Duhamel et Sahy Ratia) les rejoint et forme une équipe aux incarnations prometteuses.
L’orchestre sur instruments d’époque Siècles, est dirigé par Karina Canellakis. 230 ans après la disparition des Carmélites de Compiègne : un événement incontournable !

Opéra en version de concert – Durée 2h50
Dialogues des Carmélites – Opéra en trois actes de Francis Poulenc
Direction musicale : Karina Canellakis
Avec Véronique Gens, Sophie Koch, Manon Lamaison, Patricia Petibon, Vannina Santoni, Alexandre Duhamel, Marie Gautrot, Sahy Ratia, Ramya Roy, Loïc Félix, Blaise Rantoanina, Yuri Kissin, Matthieu Lécroart…
Chœur Unikanti | Orchestre Les Siècles

 

 

 

 

TOUTES LES INFOS, le détail des distributions, les ensembles, les artistes invités, les lieux et les horaires… directement sur le site du Théâtre Impérial de Compiègne / saison 2024 – 2025 : https://www.theatresdecompiegne.com/

CRITIQUE, concert. PARIS, Théâtre des Champs Elysées, le 3 novembre 2024. J. S. BACH : « La Passion selon Saint Jean ». V Contaldo, G. Nigl, C. Immler, S. Junker… Choeurs de Chambre de Namur et de l’Opéra de Dijon / Compagnie Sasha Waltz / Ensemble Cappella Mediterranea / Leonardo Garcia-Alarcon (direction)

Le spectacle de la « Passion selon saint Jean » de J. S. Bach présenté au Théâtre des Champs Elysées est à la fois dérangeant et fascinant. S’il était fait pour exalter la musique de Bach, c’est raté ! Le spectacle détourne l’attention de l’audition et nuit à la concentration de l’interprétation. S’il était fait pour fâcher les puristes, c’est réussi ! Une partie non négligeable de la salle l’a hué. Mais s’il était simplement fait pour présenter une création artistique moderne, déstructurante, dans l’air du temps, on ne peut que constater sa force chorégraphique. L’autre partie de la salle l’a acclamé…

 

Au début, on voit sur scène un atelier de couture. Ne se serait-on pas trompé d’adresse ? Les maisons de haute couture ne sont-elles pas situées plus loin sur l’avenue Montaigne ! Les danseurs se mettent à coudre des habits. Ils en ont urgemment besoin, étant arrivés tout nus ! Certains arriveront au bout de leur travail, d’autres non et continueront à danser nus au long de la soirée – en particulier la femme qui incarne le Christ. Car, oui, le Christ, ce soir-là, sera incarné par une femme !

La chorégraphe Sasha Walz, qui fait valser les principes, lance hardiment sa compagnie de danseurs au milieu de la sublime musique de Bach. Elle assaille ce chef-d’œuvre comme d’autres assaillent le Capitole. On comprend son intention : évoquer le calvaire du Christ et le cataclysme qu’il a entraîné sur le monde. Elle n’illustre pas la musique de Bach mais la commente à sa façon. La manière est parfois folle, violente, semble éloignée de la musique et du texte. La manière est parfois poétique. On voit alors quelques très beaux tableaux au milieu de l’hystérie chorégraphique. A un moment, la musique de Bach ne suffit plus à la chorégraphe. Alors, elle l’interrompt et fait frapper le sol par les danseurs avec des marteaux. Bach s’en remettra ! A la fin, une grande échelle métallique trouvée dans un salon du bricolage évoque l’ascension du Christ vers le ciel. Il y a plus poétique pour symboliser l’événement ! Au demeurant, nous l’avons dit, le spectacle a une vraie force chorégraphique. Il nous emporte comme une tornade.

Au milieu de tout cela, le chef d’orchestre Leonardo Garcia-Alarcon fait de son mieux pour diriger la musique. On le voit lever les bras en tous sens au milieu du cataclysme. Ce n’est pas pour appeler au secours mais pour rassembler les interventions de ses choristes… lesquels sont disséminés dans la salle (Chœurs de chambre Namur et de l’Opéra de Dijon). Ses musiciens de la Cappella Mediterranea, blottis dans un coin de la scène, eux, tiennent le coup. Ils sont excellents. Parmi les chanteurs solistes, trois sont solides comme des rocs : le ténor Valerio Contaldo qui est un remarquable Évangéliste, la basse Christian Immler qui incarne Jésus avec son timbre profond et le baryton Georg Nigl qui est un impressionnant Pilate. Les trois autres semblent déstabilisés par l’endroit d’où ils sont amenés à chanter. Le contre-ténor Benno Schachtner a attendu son air final « Es ist volbracht » pour nous émouvoir. Même chose pour le ténor Mark Milhofer qui s’est distingué dans son dernier air « Mein Herz ». Quant à la soprano Sophie Junker, elle nous a touché en interprétant son « Zerfliesse, mein Herze », (« Fonds en larmes, mon coeur ») allongée sur le sol, au milieu d’un amoncellement de corps de danseurs.

A la fin, un miracle s’accomplit. Dans le dernier choral, « Ruht wohl » (« Repose en paix »), tout le monde se retrouve sur scène dans une belle unité, dans un décor nocturne, sur la sublime musique de Bach. C’est la victoire finale de Bach ! C’est enfin la fête de la Saint-Jean !

 

Crédit photographique © Mirco Magliocca

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, Théâtre des Champs Elysées, le 3 novembre 2024. J. S. BACH : « La Passion selon Saint Jean ». V Contaldo, G. Nigl, C. Immler, S. Junker… Choeurs de Chambre Namur et de l’Opéra de Dijon / Compagnie Sasha Waltz / Ensemble Cappella Mediterranea / Leonardo Garcia-Alarcon (direction). Crédit photographique © Mirco Magliocca

 

VIDEO : Trailer de « La Passion selon St Jean » de Bach par la Compagnie Sasha Waltz et sous la direction de Leonardo Garcia Alarcon

 

CRITIQUE, ballet. TOULOUSE, Théâtre du Capitole, le 30 octobre 2024. GLUCK : Semiramis / Don Juan. Ballet de l’Opéra National du Capitole / Le Concert des Nations / Jordi Savall (direction)

Pour mieux préparer l’écoute et la vision des deux ballets de Christoph Willibald Gluck mis à l’affiche du Théâtre du Capitole, les rares “Sémiramis” et “Don Juan”, le chef catalan Jordi Savall et son fabuleux Orchestre des Nations a choisi de diriger, comme un préalable très convaincant, la Suite d’orchestre d’après Iphigénie en Aulide (1774), du même Gluck. La partition, première pierre de sa révolution opératique en France, fait valoir les étonnantes qualités expressives de la phalange savallienne (couleurs, accents, respirations…).

 

Puis, après ce préambule des plus délectables (confirmant l’éloquence des instruments historiques), place aux deux ballets-pantomimes que le Chevalier Gluck composa à Vienne dans les années 1760 : Don Juan (1761), puis Semiramis (1765, d’après la pièce de Voltaire). Gluck maîtrise alors autant la veine lyrique que chorégraphique (il laisse en réalité une dizaine de ballets pour la Cour Impériale). Associé au poète Calzabigi et au chorégraphe Angiolini, le compositeur peaufine sa conception du drame lyrique, réalisant la révolution lyrique que l’on connaît avec Orfeo ed Euridice (1762) et Alceste (1767)…

Don Juan et Semiramis s’inscrivent dans cette période d’intense recherche ; il s’agit d’œuvres aussi décisives que ses opéras. Savall a donc toute pertinence de les associer ainsi en une seule soirée. Dans la décennie suivante (à partir de 1770), Gluck – grand invité de Marie-Antoinette à Versailles – va encore plus loin ; il allait tout autant marquer l’histoire de l’opéra en France ; à ce titre pour Orfeo ed Euridice devenu Orphée et Eurydice (en français), le compositeur recycle plusieurs séquences de ses ballets, et la chaconne qui conclut Don Juan deviendra la fameuse “danse des furies” de l’Orphée français.

La soirée toulousaine permet ainsi de mesurer l’évolution de l’écriture et aussi la valeur du Gluck, compositeur pour le ballet, ce soir « ballet d’action », au fort potentiel dramatique voire spectaculaire… Certes les styles des deux chorégraphes conviés sont différents, mais les deux partagent un même raffinement sombre des costumes, un vocabulaire chorégraphique plutôt néo-classique, avec spécificité pour le seul Don Juan, un humour conjugué à une savoureuse légèreté (citant la source à laquelle Gluck a puisé : Molière).

Les deux chorégraphes assument même une lecture distanciée, éloignant la danse du prétexte strictement narratif, que la musique sert d’ailleurs admirablement, avec une clarté très facile à suivre de séquences en séquences. Les deux chorégraphes relisent voire écartent (sur Don Juan) le spectaculaire fantastique de l’apparition des spectres qui marquent et rapprochent pourtant les deux actions. C’est au final Sémiramis qui tire son épingle du jeu : son écriture chorégraphique est certes décalée, mais elle ne perd pas son lien organique avec la musique dramatique et tragique de Gluck. Par les questionnements sur la forme du spectacle, les enjeux nouveaux parfois surprenants que fait naître le fait de re-chorégraphier des ballets avec leur musique historique, l’offre de ce soir s’avère des plus intéressantes. Même dans ses réalisations plus ou moins convaincantes, saluons les choix artistiques et les risques assumés ainsi de Beate Vollack, nouvelle directrice de la danse à l’Opéra National du Capitole de Toulouse qui signe sa première saison.

 

Crédit photographique © David Herrero

 

Dans Don Juan, Edward Clug évacue le personnage du Commandeur au profit de la sublime figure d’Elvire, amoureuse délaissée, inconsolable, si éprise du Séducteur (impeccable Marlen Fuerte Castro). Même la confrontation du Libertin insolent et du Commandeur exigeant son repentir est visuellement écartée au profit d’un tableau collectif où ce sont les danseurs qui s’affirment au pied du héros seul en scène et statique sur un cheval colossal. Dommage aussi que le tableau infernal qui précipite le Pécheur insolent, n’offre pas au Corps de Ballet, la transe collective et frénétique qu’appelle la musique somptueuse et si expressive de Gluck. L’engagement du Ballet du Capitole de Toulouse n’est pas en cause ; c’est plutôt la conception dramaturgique et l’écriture chorégraphique qui semblent trop distanciées vis-à-vis des enjeux de la partition (quand même l’une des plus contrastées et impérieuses du Chevalier). Le relief marquant du danseur Philippe Solano (le valet) laissait augurer du meilleur au début ; hélas, la suite du ballet confirme le fil chorégraphique sans guère de lien organique avec la musique et l’action conçue par Gluck d’après Molière.

Dans Semiramis, Angel Rodriguez convainc davantage. Visiblement mieux inspiré par la coupe plus frénétique et syncopée du ballet, avec une écriture de Gluck précise et très efficace, et des sections qui sont souvent aussi fugaces que frénétiques, le chorégraphe respecte davantage ce qui fonde la force expressive du sujet : son spectaculaire fantastique et surnaturel (ainsi dès le début, le surgissement depuis le sol terreux, de sept femmes souples et expressives, semblant ne former qu’une seule créature…). La danse s’affirme ici plus variée et imaginative, plus expressive dans une flexibilité dramatique qui exploite avec éclat les possibilités du Corps de ballet : ainsi surgit le mystère, un sentiment énigmatique même qui plonge l’action babylonienne dans l’univers du songe où percent le Ninias de Philippe Solano ; une atmosphère à la fois lugubre et onirique enveloppe l’action jusqu’à la scène du tombeau final, sorte de nocturne foudroyant qui justement exploite à raison, ce spectaculaire inscrit dans la musique de Gluck (la chute du décor accordé à celle de la danseuse depuis la pyramide humaine qui lui sert de socle mouvant…).
La réussite visuelle de ce dernier tableau conforte l’évidente réussite de cette Sémiramis : la chorégraphie d’Ángel Rodriguez épouse avec puissance et fulgurance tragique, les accents terribles du meilleur Gluck.

La production qui prolonge l’enregistrement des deux ballets par Jordi Savall chez Alia vox, est annoncée à Barcelone (mars 2025) puis Paris (Opéra-Comique, mai 2025). Mais avant cela, Mezzo diffusera le spectacle le 26 novembre prochain. A ne pas manquer !

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CRITIQUE, ballet. TOULOUSE, Théâtre du Capitole, le 30 octobre 2024. GLUCK : Semiramis / Don Juan. Ballet de l’Opéra National du Capitole / Le Concert des Nations / Jordi Savall (direction). Photos © David Herreeo

 

CD

LIRE aussi notre critique du cd Gluck : Semiramis / Don Juan [Jordi Savall / Alia Vox] : https://www.classiquenews.com/critique-cd-evenement-gluck-don-juan-semiramis-ballets-de-angiolini-le-concert-des-nations-jordi-savall-direction-1-cd-alia-voxopera-magazine-n103-fevcritique-cd-evenement-gluck-don-juan/

CRITIQUE, CD événement. GLUCK : Don Juan, Semiramis (ballets de Angiolini) – Le Concert des Nations. Jordi savall, direction (1 cd Alia Vox)

 

 

 

 

VIDÉO : Jordi Savall dirige la Sinfonia extraite de Don Juan de Gluck

 

CRITIQUE CD événement. MOZART Á PARIS 1778 : Antoine Albenese, Mozart (K 304, 310, 360), Arnaud De Pasquale (pianoforte Silbermann). Avec Perrine Devillers, soprano / Jérôme van Waerbeke, violon (1 cd CVS / Château de Versailles Spectacles)

A 22 ans, Wolfgang séjourne pour la 3ème fois à PARIS, ainsi de mars à sept 1778 : séjour nécessaire selon son père pour obtenir protection, financement voire emploi… Comme dans le concert – récital d’un salon parisien à la fin des années 1770, les interprètes éclairent ce raffinement sombre voire tragique que porte le jeune Mozart, il est vrai marqué par la mort de sa mère dans la Capitale…

 

La Sonate K 310, d’abord, jouée sur un instrument historique, dans le miroitement parfois instable de sa sonorité d’époque, mécanique à la clé (clavier Silbermann), exprime au plus juste, précisément dans son premier mouvement (Allegro maestoso), l’agitation parfois panique d’un cœur tourmenté (n’est-il pas tombé amoureux à Mannheim d’Aloysia Weber ?) ; surtout endeuillé par la mort de sa mère qui meurt en juillet 1778 du typhus. Le jeune compositeur parvient cependant à faire jouer sa musique à l’Académie royale et aussi au Concert spirituel (Symphonie en ré majeur K 297 « Parisienne »), institutions incontournables… Le Concerto pour flûte et harpe (K 299), commande du Duc de Guînes et de sa fille, marque l’étonnante maturité de Mozart dans le style galant… Une séduction qui allie raffinement et profondeur et qui explique que dans le prolongement du séjour, les œuvres mozartiennes sont désormais éditées et jouées à Paris.

 

En particulier les fameuses 3 Sonates « Palatines » (dédiées à l’Électrice Palatine et composées à Mannheim puis Paris) : la K 304 ( en mi mineur) ici choisie, rayonne par son équilibre et sa grâce trouble faisant dialoguer le violon et le clavier à parts égales, selon le modèle de Joseph Schuster ; s’y confirme une certaine langueur noire derrière leur distinction altière. Le format en véritable duo en deux mouvements, marque l’influence directe de Johann Christian Bach que Wolfgang admire et qu’il retrouve chez le Duc de Noailles dans son château de Saint-Germain à l’été 1778. La gravité et la profondeur de Mozart s’y déploient sans entrave avec une acuité inédite, en lien avec les difficultés du 3è séjour.

 

Le contraste est consommé avec les variations d’après les mélodies dans l’air du temps (Lison dormait dans un bocage… tiré de la Julie de Dezède, 1772)) où Mozart se plie à la mode avec la verve et la facilité qui le caractérisent : entre virtuosité et génie des audaces harmoniques (comme il le fera aussi d’après les opéras de Grétry ou la musique de Baudron pour Le Barbier de Séville de Beaumarchais)… L’intérêt du présent album est l’usage d’un pianoforte carré Silbermann qui est idéalement approprié aux œuvres jouées ; ce qui nous change des interprétations historiques précédentes souvent sur claviers viennois, bien postérieurs à Mozart.

Même facilité dans les Variations K 360 d’après la romance d’Albanèse « Au bord d’une fontaine… ». Ce compositeur apprécié pour ses romances dans les années 1770 fut un castrat fameux, recruté en 1747 pour chanter le dessus à la Chapelle du Roi à Versailles. Les interprètes en comprennent les défis et les enjeux expressifs, ce souci constant du renouvellement mélodique, dans un élan réalisé comme un jaillissement continu.

L’essor d’une expressivité ciselée s’accomplit ainsi dans les romances d’Albanese, ici particulièrement emblématiques : « Dans les erreurs d’un songe » (désarroi d’une âme amoureuse, proie des illusions d’un rêve) et la Romance de Rosemonde (paysage tragique et noble en miroir de l’inconsolable veuve), aux couleurs intérieures inédites qui inspirent à la parure instrumentale, accords et accents d’un exceptionnel raffinement. Dommage que la soprano n’articule pas suffisamment car le texte est souvent perdu, même si le timbre est très séduisant. Au diapason d’une vive attention aux nuances mozartiennes, révélant aussi la sensibilité déjà romantique du chanteur / compositeur Antoine Albanese (1728 – 1803), les interprètes nous régalent en éclairant différemment le 3è séjour de Mozart à Paris. La maturité d’un jeune homme plein de sensibilité, d’une vérité émotionnelle absolue, à l’image du portrait de jeune homme peint par Greuze (couverture du cd) dont la touche elle aussi, est déjà romantique.

 

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CRITIQUE CD événement. MOZART Á PARIS 1778 : Arnaud De Pasquale, pianoforte. Avec Perrine Devillers,soprano / Jérôme van Waerbeke, violon (1 cd CVS Château de Versailles Spectacles – enregistré à l’été  2022). CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2024

 

PLUS D’INFOS sur le site de CVS Château de Versailles Spectacles / BOUTIQUE / CD : https://www.operaroyal-versailles.fr/boutique/

ENTRETIEN avec Jean-Marie Machado à propos de son nouvel opéra La Falaise des lendemains, création mondiale à l’affiche de l’Opéra de Rennes, du 7 au 10 novembre 2024…

CLASSIQUENEWS : Quel est l’enjeu principal de votre opéra ?

JEAN-MARIE MACHADO : Pour moi, en tant que compositeur, le sujet central de ce projet demeure la vie de mon propre orchestre Danzas, créé en 2007. Je suis un compositeur particulièrement heureux de pouvoir disposer de mon propre ensemble instrumental. Chacun des musiciens qui le compose a un profil hybride. J’ai la chance d’avoir pu composer l’opéra sur mesure, en fonction de chaque individualité instrumentale et artistique. Ce sont des conditions optimales pour créer une partition nouvelle. De surcroît un premier opéra. Pour ma part, c’était le bon moment, dans le prolongement de mon travail sur la voix, et particulièrement du mini opéra réalisé avec la chanteuse Aurore Bucher, « Le bel indifférent » de Jean Cocteau. Pour La Falaise des lendemains, je retrouve une chanteuse avec laquelle j’ai déjà travaillé ; tous les autres rôles ont nécessité une audition ; chaque interprète est à la marge de plusieurs styles et esthétiques. J’ai proposé au conteur qui a écrit le livret, les éléments de l’action ; une action plutôt classique qui permette le déploiement de tableaux cinématographiques, comme une tragédie puissante qui s’inspire aussi de légendes pareilles à celle de Roméo et Juliette.

Photo portrait de Jean-Marie MACHADO © Cecil Mathieu

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Qu’est ce qui est au centre de votre écriture ? 

JEAN-MARIE MACHADO : Ce qui m’intéresse surtout c’est d’exprimer ce que ressent chaque personnage, ce qu’il vit, ce qu’il éprouve au moment de chaque situation. L’idée de surligner l’histoire ne m’intéresse pas. Ressentir les émotions des personnages à l’instant où ils les vivent, est très inspirant. La musique peut exprimer la pensée, les sentiments. A l’opéra ce qui est fascinant, c’est de vivre grâce à la musique chaque état, chaque sentiment de chacun des personnages.
Dans ce sens, le début sur les docks, où toutes les voix arrivent et forment une sorte de danse (la séquence s’intitule « poursuite et bravade ») est particulièrement intense ; de même à la fin du drame, le duo amoureux entre Lisbeth et Chris est construit à la manière d’Egberto Gismonti, à cinq temps, aérien, où je mêle au jazz une voix lyrique, tout cela tendant à exprimer la force et le mystère de l’amour…

 

 

CLASSIQUENEWS : Pourquoi avoir marié ainsi les langues (français, breton, anglais) ? 

JEAN-MARIE MACHADO : La présence du breton dans le texte de l’opéra découle d’une proposition du librettiste. L’histoire se passe à Roscoff dans les docks, en Bretagne, entre les deux guerres, à une époque où l’on parle le français et le breton. L’anglais s’invite aussi parce que l’action met en scène des Anglo-saxons venus des Iles de Guernesey qui organisent alors un spectacle dans la ville… Il était naturel d’inclure le breton ; c’est comme si je rendais à la Bretagne tout ce qu’elle m’a offert et transmis. Quand les personnages s’expriment en breton, cela renforce la vérité des situations. Enfant, j’ai été familier des métissages et des cultures mêlées ; je suis né au Maroc ; dans ma famille, nous parlions espagnol, italien, portugais (mon père était Portugais) ; tout cela au milieu de la langue arabe.

 

 

 

CLASSIQUENEWS : Pourquoi mêler sur le plateau musiciens et chanteurs, pour quel format musical ?

JEAN-MARIE MACHADO : L’opéra permet d’aborder une multitude de disciplines, tout ce que j’ai pu approcher en tant que compositeur, c’est à dire une grande diversité de formes musicales, comme le ballet, la musique de chambre. Le genre opéra est inspirant parce qu’il englobe tous les genres. Ce que j’apprécie à l’opéra c’est son côté cinéma vivant ; sa capacité à produire des tableaux spectaculaires ; des envolées qui nous transportent. C’est aussi un lieu d’expérimentation qui est stimulant ; il était important d’intégrer les musiciens sur le plateau ; à plusieurs reprises les chanteurs évoluent, entourés d’instrumentistes, grâce à un dispositif de passerelles. Tout cela fait partie des enjeux de l’opéra. Il était important d’inventer de nouveaux formats. Et je remercie les directeurs d’opéras, comme Matthieu Rietzler, Alain Surrans, Enrique Thérin ou encore Fanny Bertin de permettre ainsi la réalisation de spectacles qui ne se conforment pas aux canons du sérail opératique. A la confluence du classique, du jazz, des musiques traditionnelles qui composent ma famille musicale, l’opéra La Falaise des lendemains envisage d’autres pistes, d’autres expériences artistiques. Je viens du classique, j’ai appris le piano auprès de la concertiste Catherine Collard. C’est une chance de produire un tel opéra qui mêle autant d’écritures et de styles différents.

 

 

Propos recueillis en novembre 2024

 

 

Photos / production de l’opéra en création mondiale à l’Opéra de RENNES : La Falaise des lendemains, novembre 2024 © Laurent Guizard

 

 

 

 

LIRE notre présentation de la création mondiale de La Falaise des lendemains de Jean-Marie Machado, à l’affiche de l’Opéra de Rennes du 7 au 11 novembre 2024 : https://www.classiquenews.com/opera-de-rennes-du-7-au-11-nov-2024-creation-mondiale-jean-marie-machado-la-falaise-des-lendemains-diskan-jazz-opera/

 

 

Opéra contemporain repris à

NANTES, du 26 février au 1er mars 2025ANGERS, le 24 avril 2025TOURCOING, le 18 janvier 2025CRÉTEIL, le 24 janvier 2025

 

 

 

OPÉRA DE RENNES. Du 7 au 11 nov 2024. Jean-Marie MACHADO : La Falaise des lendemains / Diskan Jazz Opéra, création mondiale