mardi 18 février 2025

CRITIQUE, concert. METZ, Grande Salle de l’Arsenal, le 17 janvier 2024. SAARIAHO / TCHAÏKOVSKY / RACHMANINOV. Orchestre National de Metz Grand-Est, Anna Fedorova (piano), Shi-Yeon Sung (direction

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

C’est une soirée symphonique placée sous le signe de la féminité que propose ce soir la Cité Musicale de Metz, dans son admirable vaisseau de bois clair qu’est la grande salle de l’Arsenal (imaginée par l’architecte star Riccardo Bofill), avec comme chef invitée la coréenne Shi-Yeon Sung et la pianiste ukrainienne Anna Fedorova.

 

Et c’est par ailleurs avec une pièce de la (regrettée) compositrice finlandaise Kaija Saariaho que débute le concert, le très circonstancié “Ciel d’hiver” – tandis qu’un froid polaire et une brume tenace règnent à l’extérieur…  Décédée l’an dernier à Paris, où elle résidait depuis les années 1980, cette pièce symphonique extrait du plus ample “Orion” (2002) offre une immersion progressive dans l’univers acoustique si caractéristique de la phalange messine : une petite harmonie boisée, des cuivres aux couleurs ambrées parfaitement intégrées à l’orchestre, des cordes denses et soyeuses, et une fusion des timbres au service d’une lisibilité exemplaire. Ces éléments se conjuguent pour offrir une interprétation raffinée de ce Ciel d’hiver, plus contemplative et immobile que véritablement lugubre, dans laquelle les cordes créent un continuum sonore d’où émergent, par moments, de superbes soli instrumentaux. 

 

Place ensuite à l’un des concertos pour piano les plus célèbres du répertoire, interprété ici par Anna Fedorova qui s’est forgée en quelques années une belle réputation par des concerts mémorables et par ses enregistrements des 2ème et 4ème Concertos de Rachmaninov. Si ce n’est quelques mains levées bien haut, la pianiste originaire de Kiev ne fait jamais dans la simple démonstration de virtuosité, mais interprète ce Premier Concerto pour piano de Piotr Illitch Tchaïkovsky avec beaucoup de musicalité, de sensibilité et en évitant de trop inutiles épanchements lyriques. La pianiste et l’orchestre ont le bon goût de ne pas se montrer trop emphatiques dans les premières mesures du premier mouvement. Empoignant le début de celui-ci dans un tempo rapide, mais sans précipitation, les musiciens adoptent ensuite une allure plus modérée et achèvent avec satisfaction cette page avec ce qu’il faut d’éclat et de brillant, mais sans exagération. L’Andantino semplice, donné d’ailleurs plus adagio qu’andante, est joué par une Fedorova très méditative Sans jamais donner le sentiment d’être expédiée, l’interprétation du finale est, quant à elle, vive et allante, avec un éclat et une brillance très mesurés, comme dans le premier mouvement. Très acclamée, elle donne ensuite un des nombreux Préludes de Rachmaninov en guise de bis

 

Et c’est ce même Sergueï Rachmaninov qui occupe la seconde partie de concert, avec ses fameuses Danses symphoniques, créées aux Etats-Unis en 1940. La jeune cheffe coréenne délivre de cette œuvre testamentaire une exécution impressionnante à bien des égards, à la fois ferme et concentrée, mais aussi capable d’abandon, bien que cette dimension aurait pu être davantage soulignée, malgré des tempi justes et naturels. Les excellents musiciens de l’Orchestre National de Metz Grand-Est traduisent sans le moindre problème la grandeur épique de cette musique à laquelle ils impriment une remarquable impulsion. Les cuivres ne ratent aucune occasion de briller, en particulier dans la spectaculaire conclusion, particulièrement réussie, mais aussi de faire preuve de profondeur, en particulier dans la deuxième Danse. La Maestra se soucie de détails, d’équilibre et de clarté, ce qui met bien en évidence les soli instrumentaux et les échanges. Les bois, tous pupitres confondus, attirent par leur netteté et leur expressivité, les cordes, jamais prises en défaut, par leur densité et leur cohésion, tandis que les percussions ne manquent pas de se distinguer (et les interventions décisives ne manquent pas !…). Bref, la palette de couleurs de l’orchestre lorrain s’avère assez épatante et correspond à celle attendue dans cette œuvre ici délivrée dans toute sa vigueur et sa richesse… Bravi !

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CRITIQUE, concert. METZ, Grande Salle de l’Arsenal, le 17 janvier 2024. SAARIAHO / TCHAÏKOVSKY / RACHMANINOV. Orchestre National de Metz Grand-Est, Anna Fedorova (piano), Shi-Yeon Sung (direction). Crédit photo (c) DR

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