C’est une véritable pluie de stars du chant lyrique qui s’abat lors de cette 19ème édition du Gstaad New Year Music Festival, et après Rosa Feola en ouverture de festival, le 27 décembre, puis le duo explosif formé par Jonathan Tetelman et Elina Garanca le lendemain, c’était au tour de Sonya Yoncheva de briller, en ce jeudi 2 janvier, accompagnée par rien moins que l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles (et cinq membres du Choeur de l’Opéra Royal), dans la charmante Eglise de Saanen. Chef “chouchou” de la formation versaillaise, c’est le polonais Stefan Plewniak qui est aux commandes, dans un programme consacré à Noël, donné quelques jours plus tôt à la Chapelle Royale du Château de Versailles.
C’est le chœur versaillais, aussi brillant qu’homogène, qui ouvre les festivités avec le chant traditionnel “Hymn to the joy”, avant que la diva arrive, du fond de la nef, dans une superbe robe couleur rouge passion. Et c’est avec deux arias extrait du Messie de Haendel (« I Know That My Redeemer Liveth » et « For unto us a child is born »), revenant à ses premières amours de la musique baroque. La soprano bulgare y distille tout ce qui fait l’essence de sa voix : un timbre pulpeux et volumineux, des aigus aussi vaillants que des graves sonores, un legato parfait, un souffle aussi maîtrisé qu’il paraît infini, une palette de couleurs d’une richesse inouïe, et cette émotion à fleur de peau qui est sa principale qualité.
On change d’époque avec le “Repentir” extrait de la Messe de Sainte Cécile de Charles Gounod, car la musique de l’âge romantique et celle de la fin du 19e lui siéent à merveille, avec un juste dosage entre ferveur et piété, lyrisme et humilité. Des qualités que l’on retrouve dans “Il Sogno” de Puccini, que le compositeur italien reprendra quelques années plus tard dans son opéra La Rondine, et plus encore dans l’”Ave Maria” extrait de Cavalleria Rusticana de Mascagni, introduit par les cinq choristes, et dans lequel la voix de la soprano rayonne d’une infinie grâce. Le fameux Intermezzo (tiré du même ouvrage) permet d’apprécier la battue toujours nerveuse, mais sensible, de Stefan Plewniak – et l’excellence de ses 12 musiciens, qui exécutent un Concerto pour la nuit de Noël op. 6 n°8, puis le célébrissime Canon de Pachelbel, qui leur permettent de faire montre de toute leur musicalité et virtuosité. L’un d’entre eux étant natif du Honduras, Sonya Yoncheva lui dédie le “Arru, Arrurru”, chant traditionnel de ce pays (auquel se mêle le chœur,) qui vient apporter une touche “exotique” à la soirée. Le choeur accompagne également la chanteuse dans le rare « Pie Jesu » d’Andrew Lloyd Weber, qu’elle interprète an duo avec Natalia Kawalek (l’épouse du chef !), les deux timbres se complétant à merveille, tandis que le “White Christmas” d’Irving Berlin qui suit apporte une touche supplémentaire de tradition… de même que le fameux et inévitable “Stille Nacht” de Joseph Mohr :
Et c’est le magnifique “Ave Maria” de Franz Schubert que l’ensemble des artistes chante en guise de bis, qui suscite de vives acclamations et chauds applaudissements dans une Eglise de Saanen pleine à craquer et surchauffée… tandis qu’il fait – 10 degrés à l’extérieur…
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CRITIQUE, récital lyrique. GSTAAD NEW YEAR MUSIC FESTIVAL, Eglise de Saanen, le 2 janvier 2024. Sonya Yoncheva (soprano), Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles, Stefan Plewniak (direction). Toutes les photos (c) Emmanuel Andrieu
VIDEO : Sonya Yoncheva chante « Still nacht » à Versailles