vendredi 9 mai 2025
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Orchestre CONSUELO. Nantes, Folle Journée, les 31 janvier puis 1er février 2025. Tchaikovski : Suite n°3, La tempête, Concert pour violon (Bomsori Kim), Victor-Julien Laferrière, direction

Pour leur 4ème participation à la Folle Journée de Nantes, l’Orchestre CONSUELO – et son directeur musical Victor-Julien Laferrière – proposent deux programmes 100% Tchaikovski.

 

 

Le 31 janvier 2025, orchestre et chef abordent d’abord la Suite n°3 créée à Saint-Pétersbourg, et que dirigera ensuite Tchaïkosvki à Paris. Le choix de l’oeuvre s’inscrit dans la thématique des « Villes phares » de la Folle Journée de Nantes 2025 (dont Paris et St-Pétersbourg). Les Suites d’orchestre de Piotr Illitch sont rarement jouées. Consuelo offre l’occasion de les (re)découvrir avec tout le soin apporté à l’écriture spécifique du compositeur russe. A Nantes, les musiciens en livreront une lecture d’autant plus aboutie qu’ils ont déjà enregistré les Suites 1 et 2 (album annoncé simultanément le 31 janvier 2025, soit au moment du concert) ; les Suites n°3 et 4 feront l’objet d’un deuxième enregistrement courant 2025 avec sortie prévue en 2026. Photos : toutes les photos © Jean-Baptiste Millot.

 

Le concert du 1er février 2025 réalise une première : première coopération de l’Orchestre avec la soliste sud-coréenne Bomsori Kim, figure montante du violon et star des réseaux sociaux. Le Concerto pour violon de Tchaïkovski est aussi virtuose et redoutable pour les interprètes qu’il est une partition emblématique du compositeur. Après l’abandon du violoniste Leopold Auer, qui jugeait la partition difficile, Adolf Brodsky créa le chef d’œuvre en 1881, – sans grand succès auprès du public et des critiques. Aujourd’hui, c’est l’une des pages les plus jouées du répertoire pour violon. Les musiciens de l’Orchestre ajoutent La Tempête, fantaisie symphonique d’après la pièce éponyme de Shakespeare.

 

La Tempête opus 18, créée à Moscou en 1873 sous la direction de Nikolaï Rubinstein, révèle le talent du Tchaikovsky dramaturge. Le cycle obtint même le Prix Belaiev 1885, récompensant alors la meilleure oeuvre musicale russe. Comme pour le ballet, genre remarquablement illustré par l’auteur du Lac des cygnes ou de Casse-Noisette, le poème symphonique suit et dépasse la stricte trame narrative, laquelle est précisément respectée : l’auditeur y assiste à la tempête suscitée par Ariel à la demande du magicien Prospero (2è tableau). Tchaikovsky développe ensuite l’amour de Miranda et de Fernando, idylle aussi tendre qu’onirique (3è). Suit en un Scherzo très contrasté, le combat de l’elfle génie des airs, Ariel et du monstre potache et balourd, Caliban (4è). Enfin Tchaikovsky conclut le cycle en réexportant le thème de l’amour souverain (5è), puis en célébrant la force tranquille et mystérieuse de la mer (6è).

 

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NANTES, Cité des congrès
La Folle Journée 2025

Vendredi 31 janv 2025, 21h
Salle Orphée
Programme : Suite n°3 de Tchaïkovski

 

Samedi 1er février 2025, 19h15
(Auditorium Apollon)
« Une journée à Saint-Pétersbourg »

TCHAIKOVSKI : La Tempête et le Concerto pour violon en ré majeur, Opus 35
Soliste : Bomsori Kim, violon

Orchestre Consuelo
Victor Julien-Laferrière, direction

Infos et réservation :

https://www.follejournee.fr/fr/page/tous-les-artistes?date=2025-01-29&guest=6749f28299a8cb421f6e4534

 

 

Orchestre CONSUELO © Jean-Baptiste Millot

 

cd

A l’automne 2024, l’Orchestre CONSUELO et Victor-Julien Laferrière ont publié leur premier coffret cd dédié à Beethoven, premier volet de leur intégrale des symphonies (ici live enregistré à La Chaise Dieu à l’été 2023) :
LIRE notre CRITIQUE – BEETHOVEN : Intégrale des Symphonies, vol.1 – Symphonies n° 1, 2, 4 – Orchestre Consuelo, direction Victor Julien-Laferrière (1 cd b-records)
https://www.classiquenews.com/critique-cd-evenement-beethoven-integrale-des-symphonies-vol-1-symphonies-n-1-2-4-orchestre-consuelo-direction-victor-julien-laferriere-1-cd-b-records/

Victor Julien-Laferrière est un violoncelliste respecté ; il dévoile dans ce double coffret une autre carte de poids (et de choc), c’est un chef de première valeur. Évidence est faite que l’instrumentiste aguerri a visiblement convaincu et fédéré le collectif en une compréhension globale. En témoigne ce premier jalon d’une intégrale des symphonies de Ludwig van Beethoven (Symphonies 1, 2, 4), à la tête de son propre orchestre (Consuelo)…

 

 

 

saison 2024 – 2025

LIRE aussi notre présentation de la saison 2024 – 2025 de l’Orchestre CONSUELO / Victor-Julien Laferrière : https://www.classiquenews.com/orchestre-consuelo-victor-julien-laferriere-direction-saison-2024-2025-integrale-des-symphonies-de-beethoven-premier-cd-tchaikovsky-liya-petrova/

 

ORCHESTRE CONSUELO, Victor JULIEN-LAFERRIERE (direction). Saison 2024 – 2025 : Intégrale des Symphonies de Beethoven, premier cd Tchaikovsky, Liya Petrova…

 

 

CRITIQUE, danse. MONACO, Festival Monte-Carlo Dance Forum 2024 (Grimaldi Forum), le 13 décembre 2024. « Last Work » par Ohad Naharin et le Hessisches Staatsballet de Wiesbaden

Chorégraphie énergique et engagée, Last Work, créée en 2015 au Festival Montpellier Danse, illustre toutes les richesse du style viscéral et lyrique du chorégraphe israélien Ohad Naharin (né en 1952), tous les champs signifiants et expérimentaux de sa propre écriture…

 

 

Prophète conquérant et concepteur de son propre langage gestuel et corporel (la liberté inventive de son écriture « gaga » en atteste), Ohad Naharin signe dans « Last work » un hymne à la créativité infinie… une invitation à l’ivresse rythmique et poétique qui, cependant, a aussi conscience de sa propre finitude ; autant d’ondulations souples incarnées par tous les corps du Hessisches Staatballet – compagnie allemande basée à Wiesbaden et invitée au Festival Monte Carlo Dance Forum 2024 à « performer » la chorégraphie – qui portent l’élan et l’ivresse d’une énergie qui traverse chaque mouvement, de corps en corps, véritable transfiguration et parfois véritable négation de l’apesanteur. Mais, dans cette continuité organique des tableaux, se lit aussi une gravité continue, comme si le ballet tout en se déployant exprimait la menace dont elle avait conscience – et dont elle était la proie. La beauté s’écrit et se réalise dans un équilibre incertain, intranquille, entre euphorie et repli, exultation et renoncement, ce qui est également présent dans la musique de Naharin qui signe lui-même simultanément le flux musical (sous son pseudo Maxime Waratt).

 

Toute la chorégraphie éprouve les corps, au-delà de la souplesse attendue ; tout s’enchaîne dans une course collective, une mêlée indistincte mais organiquement unie d’où s’extrait parfois un corps (pour un solo aussi saisissant que toute la vitalité du groupe). Observateur du monde à 360 degrés, Ohad Naharin recueille et absorbe les vibrations de notre monde, les soubresauts du chaos mondial ; il affirme ainsi l’éloquente puissance de son langage « gaga ». La danse est une épreuve, l’image-synthèse de l’expérience humaine, une sorte de performance qui traverse chaque danseur… en témoigne la femme en robe bleue qui court sur un tapis roulant tout au long de la pièce, soit une heure durant. Fidèles à la technique « gaga », les corps se désarticulent au-delà du connu, s’allongent, défiant la mécanique corporelle et l’ossature humaine. Solos, gestes exacerbés, percées individuelles mais toujours remarquables vertiges des rythmes collectifs. La musique enchaîne les tableaux les plus contrastés : souffle et respiration, berceuse a cappella, mais aussi martèlement syncopé en rave party… probable référence à la jeunesse de Tel-Aviv (la pièce a été créée initialement par la fameuse Batsheva Dance Company qu’il dirige…) qui – dans la danse répétée et affirmée – y puise un formidable exercice libératoire et cathartique, face au contexte géopolitique qui ne s’est guère détendu depuis l’écriture du ballet de 2015…

 

 

Sous tension ou menacé, le groupe s’accorde, exprime une formidable cohésion unitaire dans une énergie qui jamais ne s’avoue vaincue ou contrainte ; il manifeste une résilience enivrante dans un cadre asphyxiant. Sexe, orgie, guerre, massacre… tout est suggéré, exprimé, dénoncé… jusqu’au finale mordant, percutant, qui finit dans une course, une bacchanale effrénée sur une musique techno assourdissante. A l’échelle de notre brûlante actualité, la chorégraphie de Naharin – tout en n’écartant rien des brûlures, ni des souffrances de notre temps – défend coûte que coûte la justesse de la conscience et les forces de la riposte. Une pièce hypnotique !

 

 

 

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CRITIQUE, danse. MONACO, Festival Monte-Carlo Dance Forum 2024 (Grimaldi Forum), le 13 décembre 2024. « Last Work » par Ohad Nahrin et le Hessisches Staatsballet de Wiesbaden. Toutes les photos © Andreas Etter

 

 

VIDÉO : « Last Work » de Ohad Naharin et la Batsheva Dance Company (2015)

 

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SENS (Yonne). La Fenice aVenire, sam 21 déc 2024. Natale latino ! Ballard, Merula, Storace, Marini… Jean Tubéry, direction

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Inspiré par les 2 albums de La Fenice consacrés à la musique de la Nativité (Per il Santissimo Natale, Ricercar 1995 / Natale in Italia, Ars Production 2015), le programme proposé par Jean Tubéry, fondateur de La Fenice invite la nouvelle génération des musiciens, chanteurs et instrumentistes, partenaires familiers de La Fenice aVenire.

 

 

Le choix des pièces interroge le thème de la Nativité. A l’honneur, l’émotion et la jubilation propres au bassin méditerranéen durant la période de l’Avent à la veillée de Noël, déclinée en latin, en italien, corse, castillan, catalan, français & occitan…, sans oublier les rythmes et mélodies de l’Amérique latine avec ses Villancicos, rapportés de Bogota lors de la tournée de 2007 de La Fenice en Colombie et Amérique latine… Programme festif idéal pour célébrer la magie de Noël et l’espérance qu’elle suscite.

 

 

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Église de Saint-Maurice à Sens (Yonne)
Samedi 21 décembre 2024, 20h
Concert gratuit, suivi d’un vin chaud.
« A la venue de Noël, chacun se doit réjouir! »
Infos & Réservations : https://www.helloasso.com/associations/la-fenice-avenire/collectes/natale-latino-concert-de-noel-la-fenice-avenire-sens-21-12-2024

 

 

 

 

 

 

Ensemble La Fenice aVenire
Sylvie Bedouelle, mezzo-soprano
Jean Tubéry, cornet à bouquin et direction

 

 

 

Programme

Natale latino!
Musiques baroques méditerranéennes  de la Nativité

« Noëls nouvelets »
(Noëls anciens & nouveaux : Christophe Ballard, Paris 1703)
– A la venue de Noël
– Tous les bourgeois de Chastre
– Joseph est bien marié
Nicolas Chédeville : pastorale pour dessus & basse.

« Notte stellata »
Puer nobis nascitur :
– Hymnus à voce sola
– J.J. Van Eyck : variatio in due modi
Tarquinio Merula : Hor ch’e tempo di dormire (Sopra la ninna)
Bernardo Storace : pastorale per organo
Biagio Marini : Con le stelle in ciel, con ritornello

« La noche buena »
Anonimo : Gaïta spañola
Francisco Soler : Villancico de naciones ~ Oygan, atiendan señores !

 

APPEL AUX DONS : https://www.helloasso.com/associations/la-fenice-avenire/collectes/natale-latino-concert-de-noel-la-fenice-avenire-sens-21-12-2024

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DIVAS. Anna Netrebko, lauréate du 53ème Prix Puccini 2024, année du Centenaire Puccini

Alors qu’elle chante actuellement La Forza del Destino à la Scala de Milan, la soprano russo-autrichienne Anna Netrebko recevra vendredi 20 décembre, le 53ème Prix Puccini 2024 (Premio Puccini 2024), décerné chaque année depuis 1971, dans la ville où vécut et aima travailler Giacomo Puccini, Torre del Lago (Auditorium Enrico Caruso), en Toscane.

 

Ainsi, 2 jours avant le « Puccini Day » qui célèbre chaque hiver l’anniversaire de la naissance du génie italien, le 22 décembre 1858, Anna Netrebko sera couronnée « diva puccinienne », au regard de ses prises de rôles et incarnations mémorables des héroïnes pucciniennes : Manon Lescaut, Cio Cio San, Tosca, Musetta et Mimi dans La Bohème, et plus récemment la princesse Turandot… Ces dernières années, de Salzbourg à Vienne, la diva a confirmé un tempérament dramatique bouleversant chez Verdi et donc Puccini. Le Prix Puccini récompense son engagement et son talent artistique ; Anna Netrebko succède ainsi dans l’histoire du Premio Puccini aux divas, chanteurs, chefs prestigieux avant elle distingués tels les cantatrices Maria Callas, Renata Tebaldi, Mirella Freni, Katia Ricciarelli, Monserrat Caballé, Grace Bumbry, Anna Pirozzi, Angela Gheorghiu… ; les chanteurs : Luciano Pavarotti et José Carreras, Jonas Kaufmann, Vittorio Grigolo, ou Andrea Bocelli ; les chefs, Lorin Maazel ou Riccardo Chailly, et plus récemment en 2023, Gianandrea Noseda.
Anna Netrebko est récompensée avec d’autant plus d’éclat que l’année 2024 est aussi celle du 100ème anniversaire de la mort du compositeur italien.

 

PLUS d’INFOS sur le site du Festival Puccini à Torre del lago / Prix Puccini / Award Puccini : https://www.puccinifestival.it/en/puccini-award/

 

cd

En Anna Netrebko publiait à l’été 2016, un album intitulé VERISMO où elle « osait » alors incarner Turandot, l’ultime héroïne de Puccini, aux côtés d’autres caractères des opéras de Ponchielli, Catalani, ciller, Leoncavallo, Mascagni… (cd DG Deutsche Grammophon, distingué par le CLIC de CLASSIQUENEWS)

LIRE notre critique complète VERISMO / Anna Netrebko : https://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-verismo-boito-ponchielli-catalani-cilea-leoncavallo-mascagni-puccini-airs-doperas-par-anna-netrebko-soprano-1-cd-deutsche-grammophon

 

 

VIDÉO

Anna Netrebko chante Turandot (Verona, 2022)

Orchestre et choeur des Arènes de Vérone – Marco Armiliato , direction
Mise en scène : Franco Zeffirelli

OPÉRA ROYAL DE VERSAILLES. BIZET : Carmen, du 14 au 22 janvier 2025 (Version de 1875). Adèle Charvet / Éléonore Pancrazi, Florie Valiquette / Vannina Santoni… Orchestre de l’Opéra Royal, Hervé Niquet (direction)

Attention, production-événement à l’Opéra Royal de Versailles, et ce pour 8 représentations : Carmen de Georges Bizet… l’ouvrage lyrique le plus joué au monde ! Un sommet lyrique qui est aussi emblématique de l’opéra français. D’autant plus immanquable – dans le cas de cette production -, qu’elle nous propose costumes et décors de la création en 1875…

 

 

Mais Carmen, tout d’abord, choque à sa création en 1875 : le sujet, la succession des scènes, surtout le portrait musical de la cigarière sulfureuse et tentatrice, scandalisent le public de l’Opéra-Comique. La violence des émotions, la liberté immorale de l’héroïne, l’expressivité hispanisante de la musique imaginée par Bizet (qui ne fit jamais le voyage en Espagne !) obsèdent les spectateurs. Et malgré le décès subit du compositeur – pendant la 33ème représentation ! -, Carmen gagne l’estime du monde entier et devient l’opéra le plus attendu et le plus applaudi de la planète. Un statut guère atténué depuis lors. Versailles voit grand. L’Opéra Royal et ses équipes maison (Orchestre et Chœur) proposent en ce début d’année 2025, la version de la création,dans les costumes et les décors de 1875… de quoi célébrer dignement le 150ème anniversaire de l’ouvrage devenu légendaire. L’Opéra Royal propose une reconstitution enfin fidèle des décors et des costumes  de l’époque de Bizet : voici la Séville de Bizet, avec picadors, torero, brigadiers et brigands, alguazil, garde montante , et surtout cigarières embrasées et provocatrices…

 

Hervé Niquet dirige plusieurs chanteurs parmi les plus engagés de l’heure et les plus convaincants (Adèle Charvet et Éléonore Pancrazi alternent dans le rôle-titre ; Florie Valiquette et Vannina Santoni dans celui de Micaëla…), l’Orchestre de l’Opéra Royal jouera sur instruments d’époque et plusieurs membres de l’Académie de l’Opéra Royal interprèteront des rôles secondaires… une production lyrique incontournable !

 

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VERSAILLES, Opéra Royal
BIZET : Carmen (version 1875)
Les 14, 15, 16, 17, 18, 19, 21 et 22 janvier 2025)
(à 20h – à 15h dim 19 janv 2025)

INFOS & RÉSERVATIONS / Réservez vos places directement sur le site du Château de Versailles Spectacles / Opéra Royal : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/bizet-carmen/
3h, entracte inclus

 

 

Distribution

CARMEN : Adèle Charvet (les 14, 16, 18 et 22 janvier )
/ Éléonore Pancrazi (les 15, 17, 19 et 21 janvier)
DON JOSÉ : Julien Behr (les 14, 16, 18 et 22 janvier)
/ Kévin Amiel (les 15, 17, 19 et 21 janvier)

Alexandre Duhamel, Escamillo
Florie Valiquette (les 14, 16, 18, 21 et 22 janvier)
/ Vannina Santoni (les 15, 17 et 19 janvier) : Micaëla
Gwendoline Blondeel : Frasquita
Ambroisine Bré : Mercédès
Matthieu Walendzik : Le Dancaïre
Attila Varga-Tóth* : Le Remendado
Nicolas Certenais : Zuniga
Halidou Nombre* : Moralès

*Membres de l’Académie de l’Opéra Royal
Chœur Rameau
Chœur de l’Opéra Royal
Orchestre de l’Opéra Royal
Hervé Niquet, direction

Romain Gilbert, Mise en scène
Vincent Chaillet, Chorégraphie
Christian Lacroix, assisté de Jean-Philippe Pons : Costumes
Antoine Fontaine, Décors
Hervé Gary, Lumières

Adèle Borde, Antoine Cardin, Pierrick Defives, Paloma Gandia,
Izquierdo, Karmil Suliman, danseurs

Cédric Brenner, Maxime Nourissat, Mimes

Harold Batola, Stanislas Briche, Romain Collard,
Baptiste Delamare, Vladimir Delaye, Vincent Petit Figurants

VIENNE, Musikverein. CONCERT du NOUVEL AN, mercredi 1er janvier 2025. Orchestre Phil. de Vienne / Wiener Philharmoniker. Riccardo Muti, direction

Les instrumentistes viennois retrouvent pour ce 1er janvier 2025, un chef dont le tempérament et le charisme leur sont chers… Riccardo Muti, lequel a déjà dirigé le Concert du Nouvel An à Vienne : c’était le 1er , janvier 2021 et sa … 6ème occurrence viennoise (!).

 

 

Le concert mérite les meilleures dispositions et le meilleur accueil – le dernier programme du 1er janvier 2024 a réalisé un record de consultations : plus de 22 000 sur classiquenews ! (LIRE ici notre critique du Concert du Nouvel An 1er janvier 2024 / direction : Christian Thielemann) : https://www.classiquenews.com/critique-concert-vienne-le-1er-janvier-2024-concert-du-nouvel-an-johann-i-ii-josef-eduard-strauss-hellmesberger-ziehrer-bruckner-wiener-philharmoniker-philharmonique-de-vienne/. Ce 1er janvier 2025, revoici donc maestro Riccardo Muti à la tête des Wiener Philharmoniker pour une nouvelle séance musicale (la 7me, un record en soi, de complicité comme de fidélité), célébrant la Paix mondiale, l’élégance et aussi… le bicentenaire de Johann Strauss II, le champion du clan Strauss (né le 25 octobre 1825) ; pour ce nouveau programme, pas moins de 9 pièces du fils prodige : polkas, valses, ouverture d’opérette… Gageons que la performance des Wiener Philharmoniker saura célébrer le génie musical du roi de la valse viennoise. Le maestro qui depuis 2011 est membre d’honneur de l’Orchestre, a commencé de travailler avec les musiciens viennois dès 1971. Soit un compagnonnage qui dure depuis plus de 50 ans. Riccardo Muti a opéré une sélection personnelle parmi les innombrables valses des Strauss, père et fils.

 

 

connaissez vous Constanze Geiger ?

Soulignons cette année, la présence de la compositrice viennoise (qui fut aussi actrice) Constanze Geiger (morte en France à Dieppe en août 1890). Fille du compositeur Joseph Geiger, épousa en 1862, le Prince Leopold de Saxe-Cobourg und Gotha. Son catalogue comporte surtout des pièces pour piano, de la musique de chambre et plusieurs pièces de musique sacrée. Riccardo Muti révèle ainsi la talent d’une compositrice viennoise à travers l’une de ses valses, retranscrite du piano vers l’orchestre (la Valse Ferdinand)… A la mort de son époux, Constanze rejoint Paris. Elle est inhumée au cimetière de Montmartre.

Retransmis dans plus de 90 pays, le concert du Nouvel An à Vienne / New Year’s Concert 2025 / Wien Neujahrskonzert 2025 s’annonce bel et bien comme une célébration à la fois nostalgique et festive, au diapason du décor brun et or de la salle dorée du Musikverein de Vienne.

 

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CONCERT du NOUVEL AN à VIENNE
Mercredi 1er janvier 2025, 11h
Diffusion en direct sur France télévisions
Plus d’infos sur le site des WIENER PHILHARMONIKER / Riccardo Muti / Concert du 1er janvier 2025 : https://www.wienerphilharmoniker.at/de/konzerte/neujahrskonzert/10645/

 

 

 

 

PROGRAMME

 

Johann Strauß I.
Freiheits-Marsch, op. 226

Josef Strauß
Dorfschwalben aus Österreich. Walzer, op. 164

Johann Strauß II.
Demolirer-Polka. Polka francaise, op. 269
Lagunen-Walzer, op. 411

Eduard Strauß
Luftig und duftig. Polka schnell, op. 206

Johann Strauß II.
Ouvertüre zur Operette « Der Zigeunerbaron »
Accelerationen. Walzer, op. 234

Josef Hellmesberger (Sohn)
Fidele Brüder. Marsch aus der Operette
« Das Veilchenmädchen »

Constanze Geiger
Ferdinandus-Walzer, op. 10
[Arr. W. Dörner]

Johann Strauß II.
Entweder – oder! Polka schnell, op. 403

Josef Strauß
Transactionen. Walzer, op. 184

Johann Strauß II.
Annen-Polka, op. 117
Tritsch-Tratsch. Polka schnell, op. 214
Wein, Weib und Gesang. Walzer, op. 333

 

Conclusion

Johann Strauss père I
La Marche de Radetsky

Johann Strauss fils II
Le Beau Danuble Bleu

 

 

approfondir

LIRE aussi nos articles et critiques du CONCERT DU NOUVEL AN A VIENNE par Riccardo Muti (2021, 2018…) : https://www.classiquenews.com/?s=riccardo+muti

 

 

 

approfondir

Regardé dans plus de 90 pays, le concert du NOUVEL AN est le spectacle symphonique le plus médiatisé au monde ; l’événement de la planète classique, chaque début d’année. Un marqueur fort pour célébrer chaque 1er janvier, avec à la clé, l’espoir d’un monde pacifié, humanisé, civilisé.

Organisé chaque année depuis 1939, c’est un événement international à partir de 1958, depuis qu’il est télédiffusé dans le monde entier. Aujourd’hui, dans l’écrin doré du Musikverein (célèbre salle de concert à Vienne), le programme est suivi par 50 millions de téléspectateurs dans 92 pays. L’édition 2025 marque la 85e édition du concert et le 200e anniversaire de la naissance de Johann Strauss II fils (le jeune), l’auteur de la valse la plus célèbre de la planète : Le Beau Danube bleu, né le 25 octobre 1825. Cette année est aussi celle du 30è anniversaire de l’adhésion de l’Autriche à l’Union européenne : fêtée ainsi par la Valse de la Transaction du frère de Johann II, Josef Strauss ».

En tête d’affiche, s’affirment chaque hiver ainsi, les instrumentistes de l’Orchestre philharmonique de Vienne (/ Wiener Philharmoniker) – phalange légendaire, administrée par ses propres musiciens. Chaque année, pour chaque Nouvel An, les musiciens autrichiens choisissent le chef qui les dirigera pour le 1er janvier.

Ainsi, pour la septième fois, le napolitain Riccardo Muti, ex directeur musical de la Scala de Milan pendant vingt ans est l’heureux élu. Il entretient avec les instrumentistes viennois une collaboration jamais interrompue depuis 1971. Membre honoraire de l’orchestre depuis 2011, Muti a œuvré pour le niveau artistique de l’Orchestre, aujourd’hui réputé le meilleur du monde.

RÉPERTOIRE… Même si les joyaux de la valse signé du clan Strauss, sont de rigueur, chaque programme proposé entend cependant innover. Souvent, un focus est réservé aux partitions du frère de Johann II, soit Josef Strauss, aussi raffinées que celles de son aîné. Il mérite assurément d’être honoré chaque 1er janvier. Comme leur frère cadet, Eduard (certes moins inspiré que ses ainés, mais comme leur père Johann I, très engagé pour la pérennité de l’entreprise musicale familiale). Mais cette année, les musiciens marquent une étape aussi décisive qu’elle était attendue car l’Orchestre continue de véhiculer une image phallocratique voire misogyne, guère engagé pour l’égalité et la parité. Ainsi, le programme du 1er janvier 2025, présente (enfin) l’œuvre d’une compositrice Constanze Geiger : Valse de Ferdinandus. L’autrichienne Constanze GEIGER fut pianiste, chanteuse, comédienne ; vécut une partie de sa vie à Paris où elle repose, au cimetière de Montmartre.

Chaque année, d’autres compositeurs, certains contemporains de Johann II et Josef sont programmés, tel l’autrichien, Joseph Hellmesberger fils.
Mais l’édition 2025, en ce 1er janvier, journée inaugurale de l’an neuf 2025, sera surtout marquée par le style et l’écriture de Johann Strauss II, bicentenaire oblige.
Plusieurs de ses partitions, sont à l’affiche : la très connue Tritsch-Tratsch-Polka (en français, Potins-Potins), des plus entraînantes ; la Polka d’Anne (dédiée aux Anne, Nina ou Nanette), la Polka des démolisseurs (en référence aux anciens remparts de Vienne) ou encore la Valse de la lagune (d’après un thème de son opérette Une nuit à Venise).

Chaque concert événement, devenu de surcroît aussi célébré, a son rituel. A la fin du programme proprement dit, l’Orchestre et le chef entament le début du Beau Danube Bleu, s’interrompent et s’adressant à l’auditoire, prononcent leurs vœux de bonne année nouvelle, après que le chef ait prononcé une courte allocution : voeux surtout pour la paix dans le monde.
Puis Musiciens et chef reprennent Le Beau Danube Bleu, avec parfois, et de plus en plus ces dernières années, une chorégraphie du Ballet de l’Opéra de Vienne…
Enfin le concert s’achève avec une partition du père de la dynastie, Johann I, dont La Marche de Radetsky, permet surtout aux spectateurs du Musikverein de frapper des mains en rythme, à l’invitation du chef qui synchronise ainsi action de l’orchestre, claque du public.

 

 

Concert du Nouvel An à Vienne
1er janvier 2025
programme

Première partie

Johann Strauss I : Marche pour la liberté
Josef Strauss : Valse des hirondelles villageoises d’Autriche
Johann Strauss II : Polka des démolisseurs, polka française
Johann Strauss II : Valse de la lagune
Eduard Strauss : Aérien et léger. Polka rapide

Deuxième partie

Johann Strauss II : Ouverture de l’opérette Le Baron gitan
Johann Strauss II : Accélérations, valse
Joseph Hellmesberger fils : Frères fidèles. Marche de l’opérette La Fille-Violette
Constanze Geiger : Valse de Ferdinandus, op. 10 [Arr. W.Dörner]
Johann Strauss II : Soit… soit ! Polka rapide
Josef Strauss : La valse de la transaction
Johann Strauss II : Polka d’Anne
Johann Strauss II : Potins-potins. Polka rapide
Johann Strauss II : Aimer, boire et chanter, valse

Rappels
Johann Strauss II : La Bayadère. Polka rapide
Johann Strauss II : Valse du Beau Danube bleu
Johann Strauss I : La Marche de Radetzky

CRITIQUE, opéra. VERSAILLES, Salon d’Hercule, le 16 décembre 2024. HAENDEL : Sosarme. R. Brès-Feuillet, S. Charles, E. Pancrazi, N. Balducci, G. Nanni… Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles / Marco Angioloni (direction)

Après le retentissant succès remporté par Poro, Re delle Indie (1731) de G. F. Haendel dirigé par le jeune et talentueux ténor et chef italien Marco Angioloni l’an passé dans la Salle des Croisades du Château de Versailles (nous avons chroniqué l’enregistrement discographique qui a ensuite paru au label Château de Versailles Spectacles), Laurent Brunner a eu raison de lui renouveler sa confiance en lui proposant de diriger un autre ouvrage du Caro Sassone, l’encore plus rare Sosarme (1732), en le plaçant non pas à la tête de son ensemble Il Groviglio, mais cette fois à celle de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles !

 

Sosarme, c’est l’histoire d’un opéra italien qui devait s’intituler à l’origine “Fernando, re di Castiglia”, et qui, pour des raisons de diplomatie internationale, devint Sosarme, roi de Médie. Un changement historique et géographique, qui n’influe d’ailleurs en rien sur le déroulement musical et dramatique (ce dernier déjà peu tapageur et d’une intrigue extrêmement dépouillée pour l’époque). Cet ouvrage que Haendel composa à la suite de la création de Poro (justement !) et d’un Ezio métastasien, au cours de la saison d’opéra londonienne de 1731 / 1732, reçut un beau succès malgré (ou à cause de) sa structure allégée et peu orthodoxe en matière d’opera seria. Il est toujours surprenant de constater que Haendel se montrait capable d’imposer à une troupe de “stars” du chant italien (Senesino, la Strada del Po, Montagnana…), un “opéra de chambre” comportant un nombre réduit d’airs (trois airs et deux duos pour le Primo uomo seulement !), peu de virtuosité et une hiérarchisation théâtrale des personnages assez insolite dans un genre aussi codifié. Cette voie de recherche dramatique mena Haendel, dès l’année suivante, à écrire un autre chef-d’œuvre, tout aussi peu conventionnel : Orlando.

 

Pour la résumer, l’histoire met en scène “Le prince Melo, fils et héritier du roi Haliate, roi de Lydie, qui s’est rebellé contre son père et a levé une armée pour tenter de le renverser, croyant que le roi souhaite le déshériter en faveur de fils illégitime Argone. Sosarme, roi de l’Empire voisin des Mèdes, s’est fiancé à la princesse Elmira, la sœur de Melo, et envahit la Lydie avec sa propre armée pour tenter de mettre fin à cette guerre dynastique ». Tout finit dans la joie et la bonne humeur, grâce au lieto fine : “Le père et le fils se réconcilient et Sosarme et Emira se marieront ».

 

Sosarme déjà, était composé de multiples merveilles : tous les airs d’Elmira (et, en particulier, la saisissante aria qui termine le premier acte, “Dite pace”), l’impressionnant “Fra l’ombre” d’Altomaro, taillé à la mesure des moyens de Montagnana, les airs de Sosarme (de la douceur de “In mille dolci modi” à l’héroïsme tempéré des cors accompagnant “Alle sfere”), mais surtout l’une des plus sublimes pages haendéliennes, le duo entre Elmira et Sosarme, “Per le porte del tormento”, fascinant moment d’intemporalité vocale. 

 

 

Quel bonheur pour commencer avec la distribution, de retrouver l’excellent contre-ténor marseillais Rémy Brès-Feuilletaprès son éclatant succès dans le rôle de Megacle dans L’Olimpiade de Vivaldi à l’Opéra de Nice en mai dernier – dans le rôle-titre de l’ouvrage. On goûte à nouveau à son timbre enjôleur, et l’on applaudit à deux mains son art de la vocalisation, et son art des portamenti et autres pianissimi. Membre de l’Académie de l’Opéra Royal, la jeune soprano française Sarah Charles est la révélation de la soirée, campant une Elmira radieuse, inventive, excellente dans l’ornementation des reprises, dramatiquement farouche, quand la mezzo corse Eleonore Pancrazi se montre la plus maternelle des Erenice, avec sa voix de velours et son émotivité à fleur de peau, comme dans l’émouvante aria “Cuor di madre”. Leurs autres partenaires masculins sont Marco Angioloni lui-même, qui troque à de nombreuses reprises sa casquette de chef (bien qu’il mouline des bras en chantant !) pour interpréter les parties du roi Haliate, avec la fougue vocale et l’engagement dramatique qui est la marque du jeune et bouillonnant artiste ombrien, et dont le superbe timbre ensoleillé est immédiatement identifiable. Seconde révélation de la soirée, le baryton italien Giacomo Nani qui tente toutes les notes gravissimes d’Altomaro, et qui répand maintes fois un frisson le long de notre échine, tandis que le contre-ténor belge Logan Lopez Gonzalez a parfois maille à partir avec la cadence de ses airs (Argone), l’obligeant à savonner ses vocalises, voire à perdre le fil se son legato. Rien de tel avec l’éblouissant contre-ténor italien Nicolo Balducci, dans le rôle de Melo et qui, après nous avoir subjugués dans le rôle de Néron dans la Poppea de Monteverdi en avril dernier à Toulon, renouvelle notre enthousiasme avec sa voix angélique, se pliant à toutes les pyrotechnies vocales sans trace d’effort, et en investissant d’une remarquable énergie (placée surtout dans le regard…) son personnage. 

Marco Angioloni dirige l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles avec une grande élégance et un engagement dramatique de tous les instants, et qui ne cessera de se développer tout du long de la partition. Il construit chaque air avec efficacité, offrant aux solistes un bel alliage de rigueur et de liberté tout en aménageant la progression dramatique voulue par Haendel. La phalange versaillaise sonne très baroque avec de belles nuances, coloré à l’envi avec des cors et trompettes d’une grande justesse, tandis que la basse continue s’avère riche et d’une grande variété, avec le théorbe de Léa Masson, le violoncelle de Claire-Lise Demettre, mais surtout le magnifique clavecin (et orgue) tenu par Nora Darganzali. 

En conclusion, une superbe résurrection en version de concert d’un opéra de Haendel injustement oublié. Et, particulièrement et à juste titre séduit, le public – réuni devant l’extraordinaire tableau des “Noces de Cana” peint Véronèse qui court tout le long du mur du fond du Salon d’Hercule – n’a pas boudé son plaisir ni été avare d’applaudissements et de bravi mérités, multipliant les rappels. Et maintenant, vivement le CD que Marco Angioloni a annoncé pour l’année prochaine, en guise de mots d’adieux, avant d’aller rejoindre son fervent public pour signer son précédent disque paru au Label Château de Versailles Spectacles… Poro, Re delle Indie !

 

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CRITIQUE, opéra. VERSAILLES, Salon d’Hercule, le 16 décembre 2024. HAENDEL : Sosarme. R. Brès-Feuillet, S. Charles, N. Balducci, E. Pancrazi, G. Nanni… Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles / Marco Angioloni (direction). Toutes les photos (c) Emmanuel Andrieu

 

AUDIO : Nathalie Stutzmann chante l’air d’Erenice « Vado, vado al campo » extrait de « Sosarme » de Haendel

 

CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 10 décembre 2024. VERDI : Rigoletto. R. Burdenko, L. Avestisyan, R. Feola, G. Janelidze, A. Extrémo… Claus Guth / Domingo Hindoyan

Intrigue complexe, rayant avec le censurable et d’une force magnétique, Rigoletto de Giuseppe Verdi a construit sa renommée dans le monde musical depuis sa création. Que ce soit avec l’envol de la valse « La donna è mobile » ou le divin quatuor « Bella figlia dell’Amore« , cette partition est entrée dans la culture populaire. Le quatuor a été un des personnages principaux de l’émouvant film Quartet réalisé par Dustin Hoffmann avec Dame Maggie Smith et nulle autre que Dame Gwyneth Jones en rivale de scène dans une maison de retraite dans la belle campagne de la Merry England. Source de tubes incomparable, Rigoletto n’est pas moins une partition fascinante aux ressorts dramatiques cruels. Rigoletto est l’inverse de Don Giovanni puisque le scélérat finit par l’emporter. Le malheureux Rigoletto semble subir une punition injustifiée malgré les brimades attachées à son emploi courtisan. Rigoletto a subi la censure et demeure la fable d’un être contrefait, il est choquant d’y voir un personnage négatif et ne pas s’apitoyer sur l’acharnement (« bullying ») des courtisans et du destin.

 

Reprenant de cette production de Claus Guth, l’Opéra national de Paris nous propose cette partition sous un jour différent. Claus Guth nous ouvre un dispositif scénique dépouillé, une boîte de carton à l’image de la vacuité des intrigues courtisanes. Jouant sur les ressorts de la Commedia dell’arte avec subtilité (masques, mime), Claus Guth adapte le livret de Francesco Piave avec une maîtrise des émotions et de l’intrigue. Nous apprécions que les circonvolutions contemporaines soient dosées à bon escient et avec éloquence. Le quatuor accompagné par une chorégraphie digne des revues du Lido est un tableau d’une grande beauté tout comme l’évocation de la mort de Gilda, là où les masques s’écroulent dans un fracas de soie. La mise en scène de Claus Guth et de son équipe porte la marque de l’intelligence et nous sommes heureux de redécouvrir cette oeuvre dans sa vision.

 

La distribution est fantastique et équilibrée. Malgré une raideur dans son jeu qui demandait peut-être un peu de souplesse, le Rigoletto de Roman Burdenko est bouleversant. Musicalement il nous saisit de la complexité et des tourments de Rigoletto. Nous sommes émus de bout en bout par son interprétation. Contrastant avec lui, le Duca de Liparit Avetisyan déborde de sensualité et d’insolence. Vocalement nous ne demandons pas mieux, le phrasé est précis et contrasté, la ligne est puissante et magnifique. En bon anti-héros charismatique, il nous émerveille par une présence scénique splendide et dynamique. Face à lui la divine Gilda de Rosa Feola est idéale avec une incarnation toute en fragilité et innocence. La soprano italienne nous ravit avec des nuances finement dosées. Le Sparafucile de Goderdzi Janelidze semble parfois un peu en dehors de son rôle mais donne une belle interprétation tout comme la Maddalena d’Aude Extémo que nous adorons dans ce rôle. Marine Chagnon est fantastique dans le comprimari de Giovanna, tout comme l’excellent Florent Mbia en Marullo, que des talents plus que prometteurs.

Le maestro Domingo Hindoyan est divin dans ce répertoire. Déjà nous avions adoré le voir à Montpellier par le passé dans des chefs d’oeuvre de Mascagni (Iris) et Giordano (Siberia). Dans Verdi, il fait exploser le cadre en mille et une nuances d’un raffinement inégalé. Dynamique et précise, sa direction mène les extraordinaires musiciennes et musiciens de l’Orchestre et des Choeurs de l’Opéra national de Paris dans ce voyage aux limbes de l’être humain avec toute l’émotion et le style d’un grand verdien.

 

 

Rigoletto n’est pas simplement ce clown contrefait qui porte à rire ou à jaser, c’est le parangon de notre propre ridicule. Attaché.e.s que nous sommes à l’inanité des choses et portés par des destins funestes, nous avons toutes et tous la double nature de bourreau et victime. Suite à la vision de Claus Guth, il est certain que la quintessence de nos existences, notre monde, qu’on soit roi ou mendiant, ne tient même pas dans une boîte en carton. Rigoletto n’est pas un mélodrame, c’est un proverbe qui nous engage à l’humilité.

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 10 décembre 2024. VERDI : Rigoletto. R. Burdenko, L. Avestisyan, R. Feola, G. Janelidze, A. Extrémo… Claus Guth / Domingo Hindoyan. Toutes les photos © Benoîte Fanton

 

VIDEO : Trailer de la production de « Rigoletto » par Claus Guth à l’Opéra national de Paris

OPÉRA GRAND AVIGNON. TURANDOT, les 18 et 19 janvier 2025. Opéra participatif. « Énigmes au musée », rencontrez la princesse Turandot

Sous son sous titre d’ « énigmes au musée », le spectacle proposé par l’Opéra Grand Avignon s’inspire de la Turandot de Puccini, grand ouvrage lyrique extrême oriental qui devient ici thriller captivant en 1h15, à l’adresse du grand public et en version française. Puccini fournit ainsi parmi ses plus belles mélodies et certains airs parmi les plus envoûtants du répertoire (par exemple, entre autres, « Nessun dormi » chanté par le prince Calaf à l’aube… sur Pékin encore endormi) ; tandis que l’intrigue revisitée tisse de nouvelles situations qui place chaque spectateur au centre de l’action…

Dans la Chine impériale, l’Extrême Orient magique et grandiose des mythes et légendes immémoriales n’attendent que la curiosité d’un visiteur pour reprendre vie. Que les explorateurs en herbe soient prévenus : l’aventure, ponctuée d’épreuves, d’énigmes et d’émotions fortes, ne sera pas de tout repos ! L’Opéra Grand Avignon permet ainsi de redécouvrir, vivre et même chanter depuis la salle, l’opéra le plus mystérieux de Giacomo Puccini ; petits et grands enfants, les spectateurs au cours de cette expérience participative pourront éprouver l’enjeu de chaque situation… En déambulant dans le musée des souvenirs entre reliques et vestiges de la Chine impériale, le spectateur rencontre la redoutable princesse Turandot. Prisonnière de ses obsessions, elle est hantée par un lourd secret qui la ronge et la dévore. Obsédée par le spectre de traumatismes passés, la souveraine ne s’est jamais mariée : elle fait même exécuter chaque prétendant qu’elle soumet au « jeu des 3 énigmes ».
Beaucoup y ont perdu la tête… jusqu’au jour où un prince se présente… Calaf. Qui est-il ? Comment va-t-il perturber le cycle de la fatalité et de l’éternelle vengeance ?
L’amour et le pardon sauront-ils venir à bout des barrières, et dégeler ce monde paralysé par la peur, la haine, le ressentiment ?
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Samedi 18 et dimanche 19 janvier 2025, 16h
INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site de l’Opéra Grand Avignon : https://www.operagrandavignon.fr/turandot-enigmes-au-musee-dapres-puccini#
Durée : 1h15mn / à partir de 5 euros
Arrangement musical : Enrico Minaglia
Mise en scène / Arrangement dramaturgique et lumières : Andrea Bernard
Turandot : Diana Axentii
Timur : Julien Ségol
Calaf : Jérémie Schütz
Liù : Aurélie Jarjaye
Pang : Laurent Deleuil
Pong : Charles Guillemin

Le guide du musée : Simone Ruvolo
La garde impériale : Rosa Maria Rizzi
Le bourreau : Thomas Angarola
Orchestre national Avignon-Provence
Direction musicale :  Nicola Simoni
La musique de Puccini active un processus inexorable ; ses chatoyantes couleurs, ses somptueuses harmonies, ses timbres exotiques appellent à dépasser les frontières du connu et à oser s’affranchir des préjugés.
Ainsi le cœur le plus froid, étranger à tout amour,  peut être réchauffé par la lumière de la compassion et du partage. Et si la rencontre entre Turandot et Calaf s’avérait salvatrice pour la princesse ?
Découvrez comment grâce au nouvel opéra participatif proposé par l’Opéra Grand Avignon les 18 et 19 janvier 2025.
OPÉRA PARTICIPATIF / Ateliers pour tous
L’opéra participatif est une aventure pour petits et grands. Son concept est de faire découvrir les codes de l’opéra grâce à une participation active du public, en lui donnant ainsi l’occasion de chanter en direct depuis la salle, lors de la représentation. Sept chants participatifs sont un chant-signe au programme. Apprenez ensemble les chants à l’Opéra !
Samedi 4 janvier de 15h à 17h
Samedi 11 janvier de 15h à 17h
Samedi 18 janvier de 14h30 à 15h30
Dimanche 19 janvier de 14h30 à 15h30
ATELIER DE CALLIGRAPHIE CHINOISE
Samedi 11 janvier de 13h à 15h
Tarif : 6 e / adulte, gratuit pour les enfants.
Opéra Grand Avignon
Adresse : place de l’Horloge
84000 Avignon
Site internet
Tél : 04 90 14 26 00
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Turandot : énigmes au Musée © Opéra Grand Avignon

CRITIQUE, opéra. GENEVE, Grand-Théâtre (du 12 au 22 décembre 2024). GIORDANO : Fedora. E. Guseva, N. Mavlyanov, S. Del Savio… Arnaud Bernard / Antonino Fogliani

Conçue pour Sarah Bernhardt qui en fit l’une de ses pièces de prédilection, Fedora de Victorien Sardou (à qui l’on doit aussi Tosca) fut adaptée en livret d’opéra par Arturo Colauti à l’intention d’Umberto Giordano. L’opéra est devenu une rareté sur les scènes lyriques, mais c’était sans compter sur l’imaginatif et toujours audacieux Aviel Cahn, le patron du Grand-Théâtre de Genève qui le met à son affiche en ce mois de décembre 2024.

 

L’ouvrage n’étant plus jamais donné, il convient d’en narrer l’histoire, avec une action qui se situe dans les années 1870. Le prince russe Vladimir Yariskine est assassiné la veille de ses noces avec la princesse Fedora, et celle-ci jure de venger son promis. En suivant les traces incertaines du coupable, elle arrive à Paris où elle fait la connaissance d’un compatriote, un peintre nommé Loris, et en tombe amoureuse. Il se trouve que c’est l’assassin qu’elle cherche et elle n’hésite pas à le dénoncer à la police russe dans une lettre. La lettre, arrivée en Russie, provoque l’arrestation du frère de Loris, comme complice du crime, mais le jeune homme se noie en prison à la suite d’une inondation de la Neva qui a envahi les cellules. La mère des deux meurt de chagrin. Cela amène Fedora à découvrir que le peintre avait été gravement offensé dans son honneur par le prince : c’était l’amant de sa femme, il les avait surpris ensemble. Dans l’échange de coups de feu, Loris était resté blessé et le prince Vladimir avait perdu la vie. Fedora, désespérée, s’ôte la vie avec le poison contenu dans une croix que lui avait offerte son mari la veille des noces…

Titre souvent à l’affiche dans les années cinquante et soixante, où brilla notamment Maria Callas, Renata Tebaldi et Magda Olivero qui en fit son rôle-fétiche, Fedora ne nécessite pas seulement une chanteuse-actrice d’exception, mais aussi d’un ténor spinto capable de faire délirer l’auditoire avec le fameux air « Amor ti vieta », mélodie tellement irrésistible que Giordano l’utilise comme leimotiv d’un bout à l’autre de la partition. En alternance avec la polonaise Aleksandra Kurzak, la soprano russe Elena Guseva soutient sans peine les irrésistibles élans vocaux de son personnage, de même que ses plongées dans le registre grave, s’abandonnant corps et âme à l’exaltation de l’amour. Elle se révèle aussi formidable actrice qu’excellente chanteuse et diseuse. La personnalité hautaine de la princesse, dotée d’un caractère impérieux et manipulateur, convient à la perfection au physique et au port de la cantatrice russe. Face à elle, l’excellent ténor ouzbèque Najmiddin Mavlyanov (en alternance avec Roberto Alagna) n’a pas de mal à lui tenir tête, avec sa voix de stentor. Créé par Enrico Caruso, le rôle de Loris lui va comme un gant : ardent, impulsif et entier, il sait pour autant insuffler passion et sentiment au fameux “Amor ti vieta”, et se montrer émouvant dans la déchirante scène finale. Le baryton italien Simone Del Savio est un De Siriex idéalement diplomate, au chant policé, flirtant aimablement avec la charmante Olga de Yuliia Zassimova, tandis que les seconds rôles sont tous à la hauteur de leur tâche. 

Après son triplé “Manonau Teatro Regio de Turin le mois passé, on retrouve le metteur en scène Arnaud Bernard à Genève où la forte communauté russe qui y vit semble lui avoir inspiré sa mise en scène. Avant les premiers accords de musique, l’on assiste à la mise en place d’un “Kompromat” incluant les protagonistes, l’action étant transposée dans la Russie soviétique des années 70, même si la scénographie situe plus l’action, ensuite, dans l’entre-deux guerres, ce qui brouille quelque peu la lisibilité de l’action. On ne se régale pas moins des décors toujours très “léchés” (signés Johannes Leiacker) et de l’esthétique très cinématographique propres au metteur en scène français.

En fosse, le chef italien Antonino Fogliani sait tenir l’Orchestre de la Suisse Romande, et surtout lui insuffle tout le pathos et l’emphase exigés par une œuvre qui trouve son identité dans les déferlements de la passion et dans l’abandon total à cette « volupté de boudoir », très proche d’une certaine esthétique française, celle de Massenet, par exemple. Et c’est toujours un vrai bonheur d’entendre cette musique aux effluves capiteuses qui vous trotte encore longtemps dans la tête près avoir quitté la salle…

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CRITIQUE, opéra. GENEVE, Grand-Théâtre (du 12 au 22 décembre 2024). GIORDANO : Fedora. E. Guseva, N. Mavlyanov, S. Del Savio… Arnaud Bernard / Antonino Fogliani. Crédit photo © Carole Parodi.

 

VIDEO : Trailer de « Fedora » de Giordano selon Arnaud Bernard au Grand-Théâtre de Genève

 

CRITIQUE CD événement. CONTREPOINGS, Patrick-Astrid Defossez, piano. Debussy, Roussel, P-A Defossez (1 cd CIAR Classics)

Label du CIAR (Centre International Albert Roussel), CIAR classics favorise autant la diffusion des œuvres d’Albert Roussel et de ses contemporains, que la création et les démarches les plus récentes. En témoigne ce nouvel album particulièrement original, traversé par l’imaginaire de Patrick-Astrid Defossez que les champs scintillants, féconds, pluriels d’Albert Roussel portent et transportent littéralement.

 

 

Le programme ne fait pas que rendre hommage à Debussy et à Roussel, compositeurs français dont on comprend qu’ils inspirent un auteur contemporain de la trempe de Patrick-Astrid Defossez. Dans la confrontation aux écritures, le pianiste-compositeur sait cultiver l’énergie du jaillissement, la faculté irrépressible d’une inventivité foisonnante prenant ancrage dans l’improvisation et l’imagination. Disposant d’un somptueux écrin pour l’enregistrement et de claviers parmi les plus performants (richesse harmonique, longueur de son, ampleur des aigus comme des graves… permises par les cordes parallèles du piano Opus 102, par les cordes croisées du Grand concert SP287), conçus, fabriqués par le dernier facteur de pianos en France, Stephen Paulello, Patrick-Astrid Defossez peut divaguer, déployer son sens irrésistible de la variation,… autant de chemins de traverse qui empruntent des lignes parallèles aux motifs originels ; qui citent aussi ces derniers dans un nouveau flux sonore ; soit un essai de recomposition ou de recontextualisation qui souligne l’impérieuse et flamboyante intensité des sources originelles (grande boucle appelant à l’infini, comme une échelle sans fin du « Petit canon perpétuel » de Roussel).

 

 

Claviers oniriques expérimentaux

Jouant sur les possibilités infinies des instruments choisis, le compositeur aime à filer la métaphore marine : Debussy, compositeur de la Mer, partage la passion des éléments océaniques avec Roussel qui fut officier navigateur… De quoi fournir au narrateur improvisateur, le terreau fertile de ses propres explorations musicales.

Ainsi fait-il d’après les 3 séquences de Children’s corner de Debussy (leur verve éruptive, leur insouciance infantile,… porte du rêve et de l’imagination sans entrave), de la Sonatine d’Albert Roussel (et son énergie océanique, impétueuse, scintillante), avant de jouer davantage sur les résonances, sur les tuilages sonores dans le succession des 10 « Matins calmes », partitions originales, constituant comme une suite au lyrisme suspendu, où la liberté du geste, l’éloge de la vibration, le questionnement du son, sa trajectoire dans l’espace, prennent ici tout leur sens. Jusqu’au climat étal, flottant, incertain et serein à la fois du « Matin calme V », où la musique semble fusionner avec le temps et l’espace dans une immatérialité infinie.

Avec ses complices Anne-Gabriel Debaecker et Jérémie Favreau, Patrick-Astrid Defossez défend avec gourmandise et acuité, un travail spécifique sur la matérialité du son, les textures sonores qui le prolongent et le nourrissent (en particulier dans la construction du dernier « Matin calme » n°X, conçu telle une arche, entre contemplation, hypnose, révélation…). Au delà du choix des pièces jouées et réalisées, c’est aussi l’identité même des claviers requis, qui est également au cœur de la démarche artistique, leur fabuleuse capacité expressive et dans l’hédonisme texturé du geste, se révèle ainsi une nouvelle conception du faire interprétatif, comme de la lutherie pianistique elle-même. En nous invitant dans son propre laboratoire, le pianiste-compositeur, comme l’étaient Debussy et Roussel, nous invite à rénover notre écoute ; à refondre la notion d’expérience musicale. Voilà ce qui rend la trajectoire de ce programme aussi vivante et personnelle.

 

 

 

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CRITIQUE CD, événement. CONTREPOINGS, Patrick-Astrid Defossez, piano. Debussy, Roussel, P-A Defossez : pièces classiques, compositions originales, impros Jazz contemporain et électroacousique – Patrick-Astrid Defossez et Jérémie Favreau, pianos / Anne-Gabriel Debaecker, instruments électroacoustiques, bols chantants, tams (1 cd CIAR Classics) – enregistré au Studio atelier Stephen Paulello, 2022 – 2024. CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2024

 

 

ENTRETIEN avec Patrick-Astrid Defossez

 

 

 

 

TEASER VIDÉO

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Théâtre du Capitole, le 9 décembre 2024. A. RAMIREZ : La Navidad Nostra & Misa Criolla. Choeur du Théâtre du Capitole / Emiliano Gonzalez Toro et Ramon Vargas (ténors)

 

Emiliano Gonzalez Toro – qui vient de terminer la série de représentations du Voyage d’automne, création mondiale due à la plume de Bruno Mantovani – reste au Théâtre du Capitole pour un concert de Noël original. Entouré de musiciens de haut vol – et du ténor mexicain Ramon Vargas -, il va tenter d’insuffler au Chœur du Capitole un peu de sa flamme. La Navidad Nostra d’Ariel Ramirez – et sa fameuse Misa Criolla – forment la première partie du concert. L’écriture de ces pièces par un compositeur avant tout guitariste ne permet pas au chœur de briller en raison d’une tessiture très médiane. Ainsi, l’entrée du chœur se fait de manière floue et peu convaincante dans la Navidad. Il se ressaisit dans la Misa Criolla. Sur la fin, dans un chant piano bien timbré, il retrouve sa splendeur. Ramon Vargas, lui, est toute beauté vocale et sa superbe interprétation nous enchante dans cette première partie. Lui aussi termine la Misa avec un chant superbement pianissimo.

La deuxième partie du concert est construite comme une fête sud-américaine, une Fiesta Latina. Dans celle-ci, Emiliano Gonzalez Toro présente les pièces qui construisent un voyage dans presque toute l’Amérique latine. Ramon Vargas a la part belle, et développe encore son superbe timbre, son legato et sa chaleur interprétative. Emiliano Gonzalez Toro le rejoint pour des duos très réussis. Le Chœur du Capitole tente de s’animer, mais n’arrive pas à rejoindre le style des deux ténors. Le public est néanmoins ravi, gagné par la chaleur de cette musique et la qualité des musiciens et des ténors. Pour cette année, le Chœur du Capitole n’a que modestement participé aux fêtes de Noël. Deux représentations, affichant complet, montrent cependant le succès de cette programmation originale.

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CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Théâtre du Capitole, le 9 décembre 2024. A. RAMIREZ : La Navidad Nostra & Misa Criolla. Choeur du Théâtre du Capitole, Emiliano Gonzalez Toro & Ramon Vargas (ténors). Crédit photo (c) Hubert Stoecklin

 

CRITIQUE, opéra. BRUXELLES, Théâtre Royal de la Monnaie, le 8 décembre 2024. M. KARLSSON : Fanny and Alexander. S. Bullock, P. Tantsits, T. Hampson, A. S. von Otter, J. Weiner… Ivo Van Hove / Ariane Matiakh

Au sein de ce véritable ovni opératique, signé Mikael Karlsson, la magie de Noël se retrouve rapidement obscurcie par les thèmes de la maltraitance infantile et de la mort. Fanny and Alexander est le troisième opéra (le deuxième adapté d’un film) de ce compositeur éclectique dont le catalogue s’étend de l’opéra à la BO de jeux vidéo. La concrétisation d’un projet initié par Ingmar Bergman Jr, lui-même.

 

La cheffe Ariane Mathiakh fait son entrée dans la fosse avec une oreillette. On comprend rapidement que la musique de Mikael Karlsson – que l’Opéra Bastille accueille en ce moment même avec son ballet Play – sera de type mixte : mi-orchestrale, mi-électronique. Des baffles discrètement disséminés dans la salle et sous la coupole nous le confirment : le compositeur entend « spatialiser » au maximum le son, quitte à le rendre « si massif qu’il en devient oppressant », selon ses propres mots. Le procédé se révèle d’une efficacité redoutable. En effet, l’électronique s’introduit progressivement dans le tissu orchestral à mesure que la situation des protagonistes empire : d’exubérante et joyeuse, voire pompier, la musique devient véritablement angoissante, installant un climat anxiogène à la limite de la pure épouvante.

 

L’atmosphère rendue doit beaucoup au travail de l’équipe visuelle, qui réalise là un sans-faute : qu’il s’agisse de la mise en scène d’Ivo Van Hove, de la réalisation vidéo signée Christopher Ash ou des décors de Jan Versweyveld. L’ambiance, ou plutôt les ambiances contrastées du foyer chaleureux des Ekdahl, de la demeure austère et sombre de l’Evêque Vergerus ou de la boutique de curiosités d’Isak Jacobi sont rendues à la perfection. Côté chanteurs, c’est également un sans-faute : Peter De Caluwe en revendique le casting qui ne compte pas moins de seize chanteurs solistes. Parmi ceux-ci, on retrouve des « stars » telles qu’Anne Sophie Von Otter (compatriote de Bergman et de Michael Karlsson, dans le rôle de Justina) et Thomas Hampson (le sinistre Evêque Vergerus), nouveau beau-père du héros Alexander. Thomas Hampson, qui se montre tour à tour caressant, effrayant, mystique ou violent, incarne un rôle tout bonnement détestable. Le duo qu’ils forment, lui l’Evêque et elle la perfide gouvernante complice, fonctionne à merveille aussi bien dramatiquement que musicalement.

 

Quant aux protagonistes éponymes de ce drame, Fanny et Alexander, ils sont incarnés par Lucie Penninck et Jay Wiener, tous deux issus du vivier de jeunes talents que représente les Chœurs d’enfants de la Monnaie. La performance de Jay Wiener, tout enfant qu’il est, est particulièrement impressionnante. Les autres membres de la « famille » sont incarnés par une ribambelle de talents issus de la scène nationale et internationale. Tout d’abord, la soprano dramatique anglaise Susan Bullock joue la matriarche de la famille et excelle dans ce chanté-parlé très brittenien. Le rôle d’Oskar, le père chéri trop tôt disparu dont le fantôme bienveillant vient apporter une lumière d’espoir à ses enfants, est tenu par le ténor américain Peter Tantsits dont les aigus rauques ajoutent une teinte à la fois dramatique et facétieuse au personnage. Sa veuve, Emilie, mère de Fanny et d’Alexandre, dont la funeste décision de quitter le monde du théâtre et de se remarier avec l’ignoble évêque provoquera le malheur de ses enfants, est jouée par la mezzo Sacha Cooke qui incarne parfaitement cette mère de famille sous emprise. Après maintes péripéties, les enfants trouvent refuge chez un ami de la famille. Dans cette maison, ils se retrouvent confrontés à Ismaël, personnage androgyne et inquiétant, campé par le contre-ténor américain Aryeh Nussbaum Cohen, dans un final athlétique et virtuose qui constituera l’apothéose et la conclusion de cet opéra.

 

Relativement inclassable, Fanny and Alexander repousse les limites de l’opéra et déconcerte par son intensité et sa noirceur. Néanmoins, c’est un public totalement conquis qui s’est levé comme un seul homme pour saluer le travail remarquable de l’équipe de production !

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CRITIQUE, opéra. BRUXELLES, Théâtre Royal de la Monnaie, le 8 décembre 2024. M. KARLSSON : Fanny and Alexander. S. Bullock, P. Tantsits, T. Hampson, A. S. von Otter, J. Weiner… Ivo Van Hove / Ariane Matiakh. Toutes les photos © M&CBaus.

 

VIDEO : Trailer de « Fanny and Alexander » de M. Karlsson au Théâtre Royal de La Monnaie

 

CRITIQUE, danse. MONACO, Festival Monte-Carlo Dance Forum 2024 (Grimaldi Forum), le 11 décembre 2024. Compagnie Peeping Tom : « Diptych » (« The Missing Door » et « The Lost Room »)

C’est par un éclatant succès public que s’est ouvert, le 11 décembre, le Festival Monaco Dance Forum qui, jusqu’au 18 décembre, voit défiler les compagnies de danse internationales parmi les plus plébiscitées. Et c’est l’inclassable compagnie flamande « Peeping Tom » qui a l’honneur d’ouvrir le bal, avec « Diptych »  – bien que la pièce « originale » soit « Tryptic »… -, mais Monaco n’affiche ce soir que les deux premiers volets : « The Missing Door » et « The Lost Room« , d’une cohérence théâtrale indiscutable, et qui surprend autant qu’elle convainc, qui déstabilise autant qu’elle captive. Humour, onirisme, cauchemar… soit l’équation emblématique du geste défendu aujourd’hui par la troupe « Peeping Tom ».

 

La première partie se déroule dans les couloirs d’un hôtel et la seconde dans l’une des chambres de ce même hôtel… Ici fidèles à leur identité artistique, les artistes fusionnent dinguerie et bizarreries, délire et poésie, et ce à tous les étages, avec des performances solos ou collectives incroyables de la part des (seulement) 7 danseurs / comédiens… La scénographie a une part essentielle ici avec ce travail particulièrement léché qui fait référence aux années 50 et au cinéma d’Hitchcock… L’idée défendue par le duo fondateur de Peeping Tom, les belges Gabriela Carrizo et Franck Chartier, est d’exacerber le déploiement scénique, les possibilités d’une performance sans limites, tout en soulignant sa portée onirique et la faculté de la scène à innover, à surprendre, et à générer l’inattendu… Dès l’origine du projet (une commande du Nederlans Dans Theater d’Amsterdam en 2013), la danse y est souveraine. Avec un glissement assumé et magnifiquement maîtrisé, où les danseurs se font acteurs.

 

« The missing Door » met en scène l’action avant la mort d’un personnage, et représente tout ce qui se passe dans la tête de la victime, comme dans un flashback. Entre réalité et souvenirs, l’action s’insinue et se précise progressivement dont les tableaux façonnent un somptueux labyrinthe enchanté / désenchanté, où les mouvements disent le traumatisme d’un couple, une rupture, en particulier dans les décalages des postures et des gestes, et même dans le relief du « design sonore », ici particulièrement raffiné. L’espace clos dit un enfermement. Un enfermement et des tensions qui favorisent comme dans une pouponnière, voire un lieu d’expérimentation, une autre réalité, avec des transformations continues et habiles qui mènent de la réalité factuelle aux manifestations imprévues, aux confins du fantastique, de l’inconscient, du surnaturel. Le bizarre voisine avec le rire, le loufoque avec le terrible, l’hyperréalisme avec le rêve… le spectacle fusionne danse, théâtre, cinéma, sur une scène où s’invitent aussi les atteintes climatiques et une nature envahissante qui menace les équilibres précaires. On retrouve des motifs propres à la compagnie belge, comme tout ce qui convoque sur la scène le surgissement des forces naturelles : vent et feuilles mortes, feu dévorant, destructeur et peut-être… salvateur ? Autant de signes qui aggravent la dérive générale et dilue toute notion de flux temporel attendu (et logique) ou d’action raisonnée.

 

 

Dans cette surréalité aussi terrifiante que délirante, parfois humoristique et caustique, les formidables danseurs de la Compagnie Peeping Tom maîtrisent autant la carte de l’individuel que du collectif, et excellent à exprimer l’éclatement à tous les niveaux : implosion des corps, explosion des situations, vertiges et transes tout azimut. Envoûtés, militants, possédés, les personnages errent, tels des pantins ; ils expriment en panique infiniment plus d’humanité que d’autres héros dans un contexte plus attendu.

Le festival Monaco Dance Forum ne pouvait rêver meilleure entrée en matière !…

 

 

 

 

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CRITIQUE, danse. Monaco, Grimaldi Forum, Festival Monte-Carlo Dance Forum 2024, le 11 déc 2024. Compagnie PEEPING TOM : DIPTYCH (« The missing door » and « The lost room »). Concept et mise en scène : Gabriela Carrizo et Franck Chartier. Photo © Monaco Dance Forum

 

 

 

VIDÉO : Teaser de « Diptych » par la Compagnie « Peeping Tom »

 

CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie, le 14 décembre 2024. Gala lyrique pour les 80 ans de William Christie. Les Arts Florissants / William Christie (direction)

William Christie fêtait son quatre-vingtième printemps au cœur de l’hiver, hier soir à la Philharmonie de Paris. Un gala plein d’allant et d’humour à l’image du chef, et avec cette connivence unique qu’il a le don de cultiver avec la jeune génération. Cette complicité irradie en effet la scène, le chef multipliant les gestes d’affection envers les solistes. Qu’il les tienne par la main pendant qu’ils chantent ou les étreigne dans ses bras, on sent tout le bonheur du grand homme de partager avec cette jeunesse la parenthèse qui le fête.

 

Sous la direction de William Christie, tout semble aller de soi. Chœur et orchestre, tour à tour, font montre d’une aisance confondante et d’un spectre de couleurs riche et souple qui leur permettent de passer d’une pièce à l’autre, avec la virtuosité et l’expressivité requises. Les Arts Florissants sont ici au zénith de leur art, affichant puissance et nuances, cohésion et précision. La sonorité de l’ensemble est immédiatement reconnaissable, comme l’empreinte évidente des artistes qui ont atteint un haut degré de notoriété dans leur art.

 

Dans la lumineuse première partie du programme consacrée aux Indes Galantes de Rameau, l’ouverture annonce parfaitement la couleur et impose d’emblée une direction qui sait refléter toutes les péripéties et tous les atermoiements des personnages, de l’Entrée des sauvages au sublime « Forêts paisibles » porté par un chœur inspiré, d’une grande noblesse, avec juste ce qu’il faut d’effets sans jamais tomber dans l’emphase. Loin d’être uniforme (ce que l’on a parfois reproché au chef dans cette œuvre), la lecture de William Christie saisit toutes les opportunités pour varier les nuances, la puissance, le rythme notamment dans La Danse du Calumet de la Paix, avec un magnifique travail de percussion. Côté voix, c’est un show : Emmanuelle de Negri en Phani puis Zaïre, se distingue par une technique impeccable, et tout son art s’accomplit ici dans une diction ultra travaillée et un sens aigu des nuances. Elle forme un magnifique tandem avec le Don Carlos du jeune ténor Bastien Rimondi à la projection brillante, à l’ambitus sans limite, et à un parfait contrôle du souffle. Face à eux, le solide Renato Dolcini dont le charisme scénique et vocal est du plus bel effet pour Huascar puis Adario.

 

On retrouvera d’ailleurs le chanteur dans la seconde partie du programme où il campera un Roi d’Ecosse d’une grande noblesse au côté de l’Ariodante de Lea Desandre qui n’en finit pas de nous séduire. La mezzo-soprano dénoue souplement cette voix au grave dramatique, au médium moelleux finement ornementé. Il y a du velouté et du sensuel à chaque phrase musicale dans ce timbre suave et moiré. La diction d’une grande clarté et un travail détaillé sur les intonations confèrent beaucoup de théâtralité à son interprétation. Elle s’accorde aussi quelques fantaisies en dansant avec un William Christie, aux anges, sur les rythmes enlevés de Haendel. Plus en retrait la Ginevra d’Ana Maria Labin, d’une grande maîtrise technique mais moins impressionnante que sa collègue avec laquelle elle délivre cependant un beau duo « Bramo aver mille vite », les deux voix se mariant à juste et bel effet.

 

William Christie n’a jamais caché son vif intérêt pour une œuvre rare d’Haendel qu’il considère comme l’une de ses préférées et qu’il qualifie d’« incontournable » : L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato. Il l’a souvent exécutée en concert et il n’est donc guère étonnant de la retrouver dans son programme d’anniversaire. Pour porter cette œuvre, l’Écossaise Rachel Redmond allie une voix suave et ronde à un art raffiné de la vocalise. Son soprano délié et frais illumine tout ce qu’elle chante. Son duo avec la flûte solo est à cet égard un enchantement. L’Anglais James Way a une belle autorité dans sa manière de projeter le son et dans sa diction parfaite. Aussi à l’aise dans l’humour que dans le sentiment, il est ici dans son jardin, autant qu’il l’est aussi dans Bach et Britten. La soprano Maud Gnidzaz introduit magnifiquement le « Thy pleasures, moderation, give » du chœur, d’une voix fraîche et colorée. Le phrasé est admirable et le texte est parfaitement articulé, vécu de surcroît avec simplicité et émotion.

Après ce programme, vint l’heure des surprises en forme de cadeaux d’anniversaire. Après avoir  dirigé, le chef est invité à s’asseoir dans un coin de la scène pour découvrir les guest stars qui ne se sont pas faites annoncées mais qui sont venues le surprendre (et le public avec) par leur présence. C’est ainsi que Natalie Dessay a déboulé sur scène comme un tornade, devant un Bill Christie stupéfait, pour faire frissonner d’émotion le public avec des pianissimi à fleur de lèvre dans l’air de Cléopâtre « Se pietà », de Giulio Cesare. Vinrent ensuite son époux Laurent Naouri et un Nelson Monfort au sommet de sa forme, abordant William Christie (in english of course !) comme s’il était un sportif de haut niveau. C’est sur une note réjouissante (un Happy Birthday chanté d’une seule voix par le public et les artistes) que s’est achevée cette célébration en forme de feu d’artifice dont le fil conducteur était le plaisir évident de faire de la musique ensemble. Non sans quelques mots encore du grand Bill, rappelant Ô combien la France, sa terre d’adoption, a joué un rôle essentiel dans sa vie et sa carrière depuis 55 ans.

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CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie, le 14 décembre 2024. Gala lyrique pour les 80 ans de William Christie. Les Arts Florissants / William Christie (direction).  Toutes les photos © Brigitte Maroillat

 

 

ENTRETIEN avec Caner AKGÜN, directeur artistique de l’Opéra Ballet National d’Istanbul, à propos de la saison 2024 – 2025

ISTANBUL, capitale culturelle et économique de la Turquie, possède deux opéras, le Türk Telekom Opera Salonu, sis dans l’Atatürk Cultural Center, ce vaste complexe culturel (qui inclut ce somptueux opéra d’une capacité de 2200 places…) construit en 2021 sur la fameuse place Taksim, le cœur névralgique de la mégalopole de 17 millions d’habitants qu’est Istanbul -, et une autre salle, sis de l’autre côté du Bosphore, à Kadiköy, quartier plutôt chic et tranquille d’Istanbul, le Süreyya Opera, magnifique bâtiment Art Déco construit dans les années 20 sur le modèle de notre Théâtre des Champs-Elysées parisien. Ces deux théâtres lyriques sont placés sous la férule du fringant baryton turc Caner Akgün, arrivé à la tête de la double institution stambouliote il y a un an – et qui dirige également le Festival d’Opéra et de Ballet d’Istanbul, qui se déroule en mai. A l’occasion d’une superbe représentation de Maometto II de Gioacchino Rossini, nous l’avons rencontré pour qu’il nous présente sa saison 24/25, mais aussi ses projets et ses ambitions pour ses deux théâtres.

 

CLASSIQUENEWS : Avant de commencer l’interview, je sais que vous vouliez vous exprimer sur quelque chose d’important pour vous…

Caner Akgün : En effet… Aujourd’hui, 30 novembre, c’est l’anniversaire du fondateur de l’Opéra Ballet National d’Istanbul, M. Aydin Gün. Il avait 90 ans lorsqu’il est décédé en 2008, et il est très important pour nous. En 1960, le Théâtre National d’Istanbul a commencé à offrir des représentations d’opéra et de ballet, et la soirée d’ouverture mettait en vedette la célèbre soprano turque Leyla Gener, dans l’opéra Tosca de Puccini. M. Aydin est très important pour nous, sa vision aussi, et je sens que son âme est là, dans ces murs, autours de nous. L’AKM (NDLR : l’un des deux opéras d’Istanbul, le “moderne”) qu’il a connu a disparu deux fois dans les flammes, et maintenant nous en avons un tout nouveau, inauguré en 2021 : l’année dernière, c’était notre première saison complète dans ce bâtiment. Je suis très heureux que nous puissions faire ici de très grandes productions, car les conditions techniques sont optimales dans le nouveau bâtiment, surtout par rapport à notre deuxième opéra, l’Opéra Sureyya, beaucoup plus ancien, dans le quartier de Kadiköy (NDLR : dans la partie asiatique de la ville, de l’autre côté du Bosphore…). Néanmoins, nos coutumes sont également très importantes car nous avons une grande tradition de bel canto, ici à Istanbul, ainsi qu’une très importante tradition de ballet. Vous savez, j’ai été nommé directeur artistique de l’Opéra National d’Istanbul l’année dernière, le 6 novembre 2023 pour être précis, mais je faisais déjà partie de la « maison » car j’étais – et je le suis toujours… – baryton dans la troupe de l’Opéra Ballet National d’Istanbul.

 

CLASSIQUENEWS : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

CA : Et bien, premièrement, j’ai étudié les mathématiques à l’université d’Ankara, après avoir passé ma jeunesse à Bolu, une ville à mi-chemin entre Ankara et Istanbul. Et après la troisième année, j’ai décidé d’aller au Conservatoire d’État d’Ankara, à l’Université Hacettepe, et la dernière année de mes études au conservatoire, j’ai commencé à chanter dans la troupe de l’Opéra Ballet National d’Istanbul… c’était il y a dix-sept ans. Et pendant cette période j’ai chanté environ 25 rôles différents… Entre-temps, j’ai également travaillé, en tant que consultant, avec l’ancien directeur artistique de l’opéra d’Istanbul, ainsi qu’à Ankara, avec M. Tan Sagtürk, le directeur général des 6 Opéra Ballet Nationaux de Turquie (NDLR : les six villes en Turquie à en disposer sont Ankara, Istanbul, Izmir, Antalya, Samsun et Mersin). Finalement, il m’a nommé directeur artistique de l’Opéra d’Istanbul l’an passé, et nous avons à la fois de beaux projets et de grandes ambitions pour cette maison, car Istanbul est un véritable pont entre différentes cultures, en même temps qu’un carrefour d’influences occidentales et orientales. Nous souhaitons également donner un éclairage particulier à notre festival annuel d’opéra et de ballet, qui débutera en mai 2025 l’année prochaine (contre juin l’an passé, nous y étions…). Mais, pour revenir sur mon parcours de chanteur, je chanterai cette saison le rôle-titre de Don Giovanni, Giorgio Germont dans La Traviata à Belgrade, le rôle de Ford dans Falstaff, mais aussi le rôle-titre Rigoletto à Samsun, et Scarpia à Mersin. Vous savez, je pense que grâce à mes études de Mathématiques, je suis très bien organisé, et je peux ainsi assumer à la fois mon métier de chanteur et celui de directeur artistique d’opéra… Mais la vérité est que j’ai aussi une équipe incroyable, qui m’aide beaucoup et sur laquelle je peux compter lorsque je suis en dehors d’Istanbul pour interpréter mes rôles de chanteur en Turquie et un peu partout en Europe.

 

Crédit photographique © Murat Dürüm & Mert Gider

 

CQN : Comment créez-vous vos saisons ici à l’Opéra d’État d’Istanbul ? Quels seront les temps forts de la saison 2024/2025 ?

Eh bien, je décide seul de mes saisons, mais bien sûr je les présente et j’en parle avec M. Tan Sagtürk, sans qu’il n’interfère vraiment car il a confiance en mon travail, et parce que nous partageons les mêmes visions et ambitions. En tant que chanteur, je vois les choses de l’intérieur, vous savez, je connais les nécessités et les problèmes éventuels qui peuvent concerner les chanteurs ou les mises en scène. Mais contrairement à ce qui se passe dans les théâtres européens, nous n’établissons pas nos plannings avec des années d’avance, pour le moment en tout cas, et nous venons d’annoncer, pas plus tard qu’aujourd’hui, l’agenda de nos 6 maisons d’opéras nationaux, des programmes qui vont jusqu’au 30 mars 2025.

Pour ce qui concerne les moments forts de notre saison, en ce mois de décembre 2024 (du 16 décembre au 14 janvier 2025), nous aurons une première importante d’un opéra turc,  Deli Dolu, composé par Cemal Resit Rey, qui était un professeur de musique et un compositeur de musique très important pendant et après la Révolution de notre République de Turquie. La première aura lieu à l’Opéra Sureyya, dédié aux opéras et opérettes turques, mais aussi à la musique de chambre et au ballets contemporains, comme vous le savez en tant que spectateur fréquent de nos deux opéras… En janvier, toujours au Sureyya Opera, nous jouerons La Traviata, mise en scène par un metteur en scène turc, Recep Ayyilmaz, avec des chanteurs uniquement turcs, mais le chef d’orchestre sera en revanche italien, Alessandro De Marchi, qui donnera de nouvelles « couleurs » au chef-d’œuvre de Verdi, c’est en tout cas pourquoi je l’ai choisi… En février, nous jouerons Le Tour d’écrou de Britten, dirigé par un chef d’orchestre anglais. Puis, en mars, nous donnerons le ballet de Prokofiev Roméo et Juliette, dans une nouvelle chorégraphie imaginée par le brésilien Ricardo Amarante. En avril, nous présenterons une ancienne production de Carmen, puis en mai 2025, nous aurons une production très importante, l’événement le plus attendu de l’Opéra d’Istanbul cette saison : Gilmagis, un opéra composé par Ahmed Adnan Saygun (né en 1907). Saygun a composé le premier opéra turc – « Özsoy Opera » – qui était une commande spécifique de notre Président Kemal Atartürk, au début des années 30. C’est notre maestro Ibrahim Yazici qui dirigera Gilmagis – dont le rôle principal est tenu par un danseur et qui sera mis en scène par Can El (qui est membre de l’Opéra Ballet National d’Izmir). Cet opéra a été composé à partir de 1962… mais n’a été terminé qu’en 1983 – et c’est vraiment le « grand » événement de notre saison 2024 – 2025… mais aussi le point culminant de notre Festival d’Opéra et de Ballet en mai prochain.

 

CLASSIQUENEWS : Quels sont vos projets et ambitions pour l’Opéra d’Istanbul ?

CA : J’aimerais élargir nos réseaux en Europe, notamment en invitant des chanteurs, metteurs en scène et chefs d’orchestre européens célèbres. Pour l’instant, 100 % de notre financement provient à la fois de la Ville d’Istanbul et du gouvernement turc, mais à l’avenir, nous pourrons peut-être prospecter des financements « privés ». Et mes ambitions sont aussi en termes de répertoire… Vous savez, il existe une forte et ancienne tradition des opéras de Wagner et de Strauss, ici à Istanbul, et mon rêve est de faire revivre cette tradition, avec des œuvres comme Lohengrin ou Tannhauser pour Wagner, et Ariane à Naxos ou Arabella, pour Strauss, dans un premier temps A l’Opéra Sureyya, je voudrais multiplier les créations car il faut soutenir la musique contemporaine, mais aussi donner une nouvelle chance à nos opérettes traditionnelles turques, et encore à la musique de chambre que j’aime beaucoup. Mais il faut y aller étape par étape, car il y a beaucoup à faire…

 

Propos recueillis à Istanbul, le 30 novembre 2024

 

ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO. Festival MOZART A MONACO, du 23 janvier au 2 février 2025. Concerts symphoniques, musique de chambre, récital lyrique… Pierre Génisson, Ton Koopman, Bohdan Luts, Alexandra Dovgan, Kazuki Yamada…

L’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo fête l’anniversaire Mozart ! Ainsi pour sa 4ème édition, le festival Mozart à Monaco s’affiche avec d’autant plus d’éclat à Monaco ; au programme, du 26 janvier au 2 février 2025, 7 concerts et 2 soirées lyriques événements, en collaboration avec l’Opéra de Monte-Carlo.

 

Plusieurs lieux sont investis, diffusant la magie mozartienne dans nombreux sites monégasques : Auditorium Rainier III bien sûr, Cathédrale et donc Opéra… Tout le cycle s’annonce prometteur. Parmi de nombreux temps forts : ne manquez pas le focus clarinette proposé par Pierre Génisson ; une carte blanche « jeunes talents » avec le violoniste Bohdan Luts et la pianiste Alexandra Dovgan sous la direction de Kazuki Yamada, directeur musical de l’OPMC ; un programme entre baroque et classicisme dirigé par le chef néerlandais Ton Koopman, interprète des plus inspirés de JS Bach et de Mozart (entre autres) ; deux « Happy Hour Musicaux » (programmes de musique de chambre proposés par les musiciens de l’OPMC et suivis d’un rafraîchissement) ; enfin concert Jeune Public évoquant la jeunesse de Mozart en Italie. Sans omettre également, un Concert Spirituel à la bougie, à la cathédrale de Monaco, sous la direction du jeune chef italien Diego Ceretta, avec la soprano Emőke Baráth, qui met l’accent sur l’inspiration sacrée du compositeur autrichien.

 

TOUTES les INFOS, les modalités de RÉSERVATIONS directement sur le site de l’OPMC Orchestre Philharmonique de Monte Carlo : https://opmc.mc/en/mozart-a-monaco/

 

ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO

FESTIVAL MOZART à MONACO
PROGRAMME DÉTAILLÉ

 

>HAPPY HOUR MUSICAL
Jeudi 23 janvier 2025,18h30
Auditorium Rainier III
Nicolas Delclaud & Ilyoung Chae, violons
Charles Lockie, alto
Caroline Roeland, violoncelle

MOZART
Adagio et Fugue en do mineur, K. 546
Quatuor à cordes n°19 en do majeur, K. 465 « Dissonance »

HAYDN
Quatuor à cordes n°4, op. 76 « Le Lever du Soleil »

 

>GRANDE SAISON
Samedi 25 janvier 2025, 20h
Auditorium Rainier III
Ton Koopman, direction
Pierre Génisson, clarinette
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

Concert symphonique
HAENDEL : Musiques pour les feux d’artifice royaux, HWV 351
MOZART : Concerto pour clarinette en la majeur, K. 622
HAYDN : Symphonie n°100 en sol majeur « Militaire », Hob.I:100

 

>CONCERT SPIRITUEL
Lundi 27 janvier 2025, 18h30
Cathédrale de Monaco
Concert symphonique à la bougie

Diego Ceretta, direction
Pierre Génisson, clarinette
Emőke Baráth, soprano
Coro del Friuli Venezia Giulia
Cristiano Dell’Oste, chef de chœur
Chœur d’enfants de l’Académie Rainier III
Bruno Habert, chef de chœur
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

MOZART
Lucio Silla, ouverture, K. 135
Concerto pour clarinette en la majeur, K. 622, n°2 : Adagio
Grande messe en ut mineur : Laudamus te, K. 427
Exsultate jubilate, K. 165 (158a)
Messe en do majeur, K. 167 « Missa in honorem Sanctissimæ Trinitatis »
Ave verum

Concert en collaboration avec le Service culture du Diocèse de Monaco.
En partenariat avec Sacrée Musique. Tarifs et billetterie en ligne sur www.sacreemusique.fr

 

>JEUNE PUBLIC
Mercredi 29 janvier 2025, 15h
Auditorium Rainier III
Concert symphonique

Philippe Béran, direction
Joan Mompart, comédien
Emőke Baráth, soprano
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

 

Mozart : Les tribulations d’un adolescent prodige en Italie
1er voyage des Mozart Père et Fils en Italie (décembre 1769 – mars 1771)
Mozart : le monde entier connait ce nom, celui d’un génie de la musique, pianiste, violoniste et compositeur. Mort à 35 ans, il a légué à l’humanité quelques-uns des plus grands chefs d’œuvre de la musique. En revanche, peu savent ce qu’ont été son enfance et son adolescence : des années de voyages sans fin pendant lesquels son père Léopold a exhibé son fils prodigieux aux grands de ce monde dans toute l’Europe. Mais ces voyages ont aussi eu une influence importante sur le développement artistique de Mozart, en particulier ce fameux premier voyage en Italie – alors centre mondial de la musique – grâce à la rencontre d’une foule de grands artistes de cette époque. Ce concert sera l’occasion de découvrir quelques-unes des œuvres majeures composées par Mozart adolescent à la lumière des récits de voyage passionnants … parfois croustillants

 

>HAPPY HOUR MUSICAL
Jeudi 30 janvier 2025,18h30
Auditorium Rainier III

Delphine Hueber, flûte
Jae-Eun Lee & Mitchell Huang, violons
Raphaël Chazal, alto
Florence Leblond violoncelle

MOZART
Quatuor n°1 pour flûte et cordes en ré majeur, K. 285

HAYDN
Quatuor n°1 pour flûte et cordes en ré majeur, op. 5

BOCCHERINI
Quintette n°2 pour flûte et cordes en sol mineur, G. 426

 

> GRANDE SAISON
Samedi 1er février à 20h
Auditorium Rainier III
Musique de chambre

Pierre Génisson, clarinette
David Bismuth, piano
Liza Kerob & Ilyoung Chae, violons
Federico Hood, alto
Thierry Amadi, violoncelle

HAYDN
Trio à cordes en si bémol majeur, op. 53 n°2

MOZART
Quintette pour clarinette et cordes en la majeur, K. 581
Sonate pour piano n°10 en do majeur, K. 330

MENDELSSOHN
Quatuor avec piano n°1 en do mineur, op. 1

 

> GRANDE SAISON
Dimanche 2 février 2025, 15h
Auditorium Rainier III
Concert symphonique

Kazuki Yamada, direction
Bohdan Luts, violon
Alexandra Dovgan, piano
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

MOZART
Divertimento en ré majeur, K. 136/125a
Concerto pour violon n°1 en si bémol majeur, K. 207
Concerto pour piano n°12 en la majeur, K. 414/385p
Symphonie n°40 en sol mineur, K. 550

 

et aussi …

A l’OPÉRA DE MONTE-CARLO dans le cadre de Mozart à Monaco Dimanche 19 janvier 2025 – 19h – Auditorium Rainier III
Don Giovanni par la Staatsoper de Vienne

Mardi 28 janvier 2025 – 20h – Salle Garnier
La Clemenza di Tito par les Musiciens du Prince – Monaco

 

 

CLERMONT AUVERGNE OPERA. Médée et Jason, sam 11 janv 2025. Pastiche sur des musiques de Charpentier, Lully, Rameau, Marais, Destouches, Dauvergne… Ensemble Les Surprises

Entre théâtre baroque (d’après Corneille…) et spectacle musical, l’ensemble Les Surprises transforme le mythe sanglant voire terrifiant de Médée que l’amour trompé mène à l’infanticide… en une joyeuse parodie pour toute la famille, un pastiche rafraîchissant et contrasté.

 

Le spectacle ainsi conçu à partir d’une sélection d’extraits d’opéras baroques divers, forme une manière de comédie musicale avant l’heure, on s’y moque de l’anti-héros Jason, du mégalomane Créon, d’une actrice (délirante) qui se prend pour une célèbre cantatrice…
La scénographie s’inspire du théâtre de tréteaux, des planche à la Foire, familière des parodies et autres impertinences assumées ; le dispositif scénique évoque l’Argos – le bateau échoué des Argonautes… Il invite au mélange des genres, du tragique et du comique, du théâtre, de la danse et de la musique, d’airs sérieux en vaudevilles légers.

 

Et au-delà du rire, Médée nous interroge sur plusieurs sujets très actuels : sa qualité de femme, maîtresse de son destin ; son déracinement perpétuel, ses crimes terribles… qui plonge dans l’horreur la plus inacceptable. Médée, victime ou bourreau ? En elle, l’amoureuse trahie a dévoré la mère.

 

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CLERMONT AUVERGNE OPÉRA
Samedi 11 janvier 2025, 20h
Médée et Jason, spectacle lyrique
D’après Corneille, Carolet, Romagnesi et Euripide
Musiques de Charpentier, Lully, Rameau, Marais, Destouches, Dauvergne…

INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site de Clermont Auvergne Opéra : https://clermont-auvergne-opera.com/evenement/medee-et-jason/

À partir de 10 ans

 

distribution

Médée : Lucile Roche
Jason Flannan Obé
Créuse Ingrid Perruche
Créon Matthieu Lécroart
Cléone et Nérine Eugénie Lefebvre
Arcas Pierre Lebon
Danseurs – chanteurs Joan Vercoutere
et Gabriel-Ange Brusson

Ensemble Les Surprises
Louis-Noël Bestion de Camboulas, clavecin

Direction et arrangements musicaux :
Louis-Noël Bestion de Camboulas

Mise en scène, scénographie et costumes : Pierre Lebon
Création lumière : Bertrand Killy
Réalisation des costumes : Floriane Breau
Construction des décors : Atelier de décors
de l’Opéra de Limoges

Spectacle musical
Durée :1h15 sans entracte

ENTRETIEN avec le pianiste JEAN-NICOLAS DIATKINE à propos de son nouveau récital à Gaveau et de son nouvel album « LIVE 2021 & 2023 »

Pianiste réfléchi et somptueux conteur, JEAN-NICOLAS DIATKINE explique son admiration pour Liszt et Wagner, mais aussi Beethoven dont il souligne la valeur des Bagatelles qui sont sa dernière partition éditée. Qu’apporte concrètement une prise live en concert plutôt qu’un enregistrement studio ? Comment comprendre la Ballade n°2 de Liszt ? Quels sont les projets et concerts à venir ?… Entretien exclusif avec Jean-Nicolas Diatkine

 

 

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Portraits de Jean-Nicolas Diatkine DR

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment avez-vous construit le programme de votre dernier cd « LIVES 21 & 23 » à Gaveau ? Qu’exprime la filiation Liszt  / Wagner ainsi mise en avant ?

JEAN-NICOLAS DIATKINE : Liszt éprouvait un immense respect pour Beethoven et le vénérait, tout comme Wagner, bien que celui-ci ne l’ait jamais rencontré en personne. Liszt enfant a étudié le piano avec Czerny, qui fut lui-même élève de Beethoven. L’admiration et la vénération qu’éprouvait le disciple pour le maître s’est donc transmise à lui très tôt. Elle a dû lui faire une très profonde impression avant même de lui être présenté.
Cependant, au-delà de l’histoire temporelle, l’idée de « progrès » que l’on pourrait naturellement se représenter dans l’écriture musicale au cours du 19e siècle, en faisant à tort un parallèle avec les progrès techniques, se heurte à l’évolution qui s’est produite dans la production musicale  de Beethoven : celui-ci a atteint à la fin de sa vie une capacité de représentation émotionnelle, une puissance d’imagination et d’expressivité sans précédents, ni suivant. Ainsi, pour moi, avec les Bagatelles op.126 qui est sa dernière œuvre publiée pour piano, ce CD commence par la fin.

Environ un quart de siècle plus tard, Liszt découvrait Tannhäuser et s’est senti immédiatement, en tant que compositeur,  dans une très grande proximité avec Wagner. Dans « La vie de Liszt est un roman », Zolt Harsanyi lui fait dire à cet instant : « Voici l’œuvre que j’aurais aimé composer ! » On sait à quel point il l’a ensuite soutenu, malgré la dégradation de leur relation à cause du divorce de sa fille avec son cher élève Hans von Bulow, dont Wagner était la cause. Inversement, même si, d’après le témoignage de  Claudio Arrau, la famille Wagner tenait Liszt comme un compositeur de troisième plan, il est clair que Wagner lui doit beaucoup comme source d’inspiration : par exemple le thème de Léandre dans la 2ème Ballade pour piano se retrouve presque note par note dans le leitmotiv de Tristan. En privé, Wagner a reconnu cette filiation.

 

CLASSIQUENEWS : Pouvez-vous nous présenter en quelques mots votre approche et compréhension de la Ballade n°2 de Liszt, qui est l’une des révélations de ce disque ? 

JEAN-NICOLAS DIATKINE : D’après ses élèves, Liszt s’est appuyé sur le mythe de Héro et Léandre, dont Schiller a fait un poème célèbre. Il a produit dans cette ballade une véritable scène d’opéra, sans la moindre concession aux effets un peu gratuits de sa formidable pyrotechnie pianistique que l’on trouve dans certaines de ses œuvres. https://fr.wikisource.org/wiki/Poésies_de_Schiller/Héro_et_Léandre

 

CLASSIQUENEWS : Comment s’inscrit ce nouveau disque à ce moment de votre trajectoire artistique ?

JEAN-NICOLAS DIATKINE : J’ai eu simplement envie de graver au disque des moments particuliers et uniques que sont les concerts, où la présence du public agit comme un révélateur irremplaçable.

 

CLASSIQUENEWS : Dans le choix des prises live, qu’avez-vous privilégié ? Qu’apporte le son et l’expérience du live pour une publication discographique ? 

JEAN-NICOLAS DIATKINE : En studio, on utilise parfois jusqu’à six micros dont certains sont très près du piano. Personne au monde n’entendra un tel son en concert. Lors des concerts enregistrés dans ce CD, il n’y en avait que deux sur la scène. Mais grâce au savoir-faire d’Etienne Collard et d’Arpeggio Film pour la prise de son, cela ne se remarque pas. Enfin pour recréer l’atmosphère de la salle de concert, Sebastian Riederer a fait un travail remarquable dans le remastering de l’ensemble du CD.

 

CLASSIQUENEWS : Votre prochain concert à Gaveau ce 16 décembre, élargit le spectre musical à Bach, Beethoven, Schubert et Schubert-Liszt ? Quels en sont les défis interprétatifs comparé à votre programme Liszt / Wagner ?

JEAN-NICOLAS DIATKINE : Ce sont quatre univers à part entière et ils exigent des techniques pianistiques, un engagement émotionnel et physique très différents, voir opposés, particulièrement entre Bach et Schubert.

 

CLASSIQUENEWS : Sur quel compositeur allez-vous travailler prochainement ? Pourquoi ? 

JEAN-NICOLAS DIATKINE : Mon prochain concert avec la violoncelliste suisse Estelle Revaz le 2 février 2025 au musée Jacquemart-André sera consacré à Schumann et à Brahms.

 

CLASSIQUENEWS : Quel est votre regard sur la place de la musique dans la société actuelle ? Y a t il une évolution marquante depuis ces 5 / 10 dernières années ? 

JEAN-NICOLAS DIATKINE : Je ressens fortement dans mes échanges avec les auditeurs après mes concerts, une très grande curiosité pour la musique ainsi qu’un désir de s’élever par elle au-dessus des tourments qu’apporte la société en ce moment ; enfin, en paraphrasant Baudelaire dans Le Voyage, une aspiration à « aller au fond de l’inconnu pour trouver du merveilleux ».
https://www.facebook.com/jeannicolasdiatkinepianiste/

 

Propos recueillis en décembre 2024

 

 

 

 

 

Concerts à la SALLE GAVEAU : lun 16 déc 2024, 20h30. Récital de Jean-Nicolas Diatkine, piano. Bach, Schubert, Beethoven… : https://www.classiquenews.com/paris-salle-gaveau-jean-nicolas-diatkine-piano-recital-chopin-lundi-4-decembre-2023/

…puis le 2 février 2025 – concert avec Estelle Revaz, violoncelliste – Paris, Musée Jacquemard André / Sonates de Robert Schumann et Johannes Brahms

 

 

CD

LIRE notre critique du dernier album de Jean-Nicolas Diatkine : « LIVE 2021 & 2023 » : Beethoven, Liszt, Wagner / CLIC de classiquenews hiver 2024 : https://www.classiquenews.com/critique-cd-evenement-jean-nicolas-diatkine-piano-beethoven-liszt-wagner-live-2021-2023-recitals-a-gaveau-1-cd-solo-musica/

… »Les Bagatelles de Beethoven tout d’abord, composent une entrée fabuleuse : respirations, articulation naturelle, suggestions des contrechamps, évocations des mondes parallèles et toujours cet allant qui coule comme une onde magicienne (2è séquence : « Allegro ») ; le pianiste nous gratifie de son art suprême, apparemment bénin mais si essentiel dans la construction et la conception : « bagatelles », elles n’en ont que le nom – bien davantage que des esquisses fugitives ou des « petits riens » insignifiants ; au contraire car leur énoncé si vital s’inscrit nécessaire dans la réalisation des 6 épisodes – Jean-Nicolas Diatkine en exprime aussi la méditation existentielle où la puissance de l’architecture (conçus simultanément à la 9è symphonie) courtise l’élégance, nous rappelant les valeurs si justes qui présentait Beethoven dans la filiation des grands génies qui l’ont précédé et dont il réalise la synthèse : équilibre facétieux de Haydn (son maître à Vienne), grâce divine de Mozart. … »

STREAMING, opéra. DAEGU Opera House, ven 13 déc 2024, 19h. Kim Sungjae : « 264, That One Star »…

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« 264 » : c’est le numéro du prisonnier, héros de l’action, et également le nom de plume de Yi Won-rok, poète indépendantiste coréen. A l’époque de la période coloniale japonaise, 264 est – dès l’enfance – une figure active du mouvement indépendantiste, un résistant devenu poète qui exalte l’esprit national, comme un mari protecteur, préservant sa famille.

 

Avant de mourir, emprisonné et torturé, 264 supporte la douleur en se remémorant son ami spirituel « S », dont il raconte l’histoire. En évoquant le destin de celui qu’il admire, 264 est à la recherche d’une étoile, d’un mentor, d’un guide. « 264, That One Star » est le nouvel opéra coréen créé et produit par l’Opéra de Daegu. Voix poétique du mouvement d’indépendance coréen pendant la période coloniale japonaise, Yi Won-ro de son vrai nom, prend pour nom de plume son numéro de prisonnier : « Yi Yuk-sa » en coréen. L’opéra retrace son histoire évoquant sa vie de mari, de poète, de militant indépendantiste. Avec la Camerata Creative Opera Research Association de l’Opéra de Daegu, la production, déjà esquissée sous forme de concerts, aboutit ainsi quatre ans plus tard, à une première mise en scène complète, dévoilée ainsi au monde entier sur OperaVision.

 

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DAEGU OPERA HOUSE
264, That One Star
Kim Sungjae

Streaming opéra, vendredi 13 déc 2024, 19h
Enregistré le 19 oct 2024
REPLAY jusqu’au 13 juin 2025 (12h).

VISIONNEZ le STREAMING OPERA : https://operavision.eu/performance/264-one-star

Chanté en coréen – surtitres en anglais

 

Distribution

264 de l’armée de l’indépendance : Rho Seonghoon
264, le poète : Je Sangchul
An Il-yang : Yi Yunkyoung
264, le mari, « Yi Won-rok » : Lee Chungman
S, l’âme sœur de 264 : Kim Bora
Yun Se-ju : Kim Myungkyu
Le sergent Go / Frère de 264 : Lee Seungmin

Musique : Kim Sungjae
Livret : Kim Hana

Mise en scène : Pyo Hyunjin
Direction musicale : Lee Dongsin

ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN. « Boulez & Friends » : Centenaire BOULEZ 2025, lun 6 janvier 2025. PARIS, Philharmonie (Salle Pierre Boulez)

Quoi de plus prometteur pour célébrer le centenaire Boulez 2025 qu’un concert de l’intercontemporain dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, sous la direction du directeur musical de l’EIC, Pierre Bleuze ?

 

 

Ainsi ce 6 janvier 2025 est à marquer d’une croix blanche : l’Ensemble intercontemporain, qu’il a fondé en 1976, célèbre le centenaire de son fondateur Pierre Boulez ; la salle qui porte son nom à la Philharmonie de Paris accueille outre les musiciens de l’intercontemporain, deux ex-solistes de l’EIC, partenaires familiers de l’Ensemble : le pianiste Pierre-Laurent Aimard et le violoncelliste Jean-Guihen Queyras, pour un moment festif estampillé « EIC & Friends ». Grand portrait de Pierre Boulez : © Philippe Gontier / EIC

 

Au programme, plusieurs œuvres devenues emblématique de l’art boulézien : « Répons », chef-d’oeuvre incontournable et absolu de Pierre Boulez ; mais aussi des pièces intimistes, comme « Messagesquisse », pour violoncelle solo et six violoncelles ou la bien-nommée « Mémoriale » (…explosante-fixe… Originel), pour flûte et huit instruments, ainsi que la Sonatine pour flûte et piano, qui réunit Sophie Cherrier et Pierre-Laurent Aimard (principaux interprètes de l’enregistrement de référence réalisé voilà plus de 30 ans). Enfin, comme l’aurait souhaité Boulez, lui-même grand artisan et défenseur de la création musicale, son écriture est ici replacée dans une perspective allant d’hier à aujourd’hui, de Debussy à aujourd’hui grâce à la création attendue de la compositrice anglaise Charlotte Bray… Tout au long du premier semestre 2025, l’EIC célèbre le centenaire de son fondateur à travers un cycle de concert dédié, « Boulez 100 » : découvrir tous les concerts sur le site de l’Ensemble intercontemporain : https://www.ensembleintercontemporain.com/fr/type-concert/boulez-100/

 

 

 

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EIC & Friends / Centenaire Pierre Boulez 2025
Lundi 6 janvier 2025, 20h
PARIS, Philharmonie / Salle Pierre Boulez
Infos & Réservations directement sur le site de l’Ensemble Intercontemporain : https://www.ensembleintercontemporain.com/fr/concert/eic-friends-2025-01-06-20h00-paris/

 

 

 

 

Au programme

Pierre BOULEZ
Mémoriale (…explosante-fixe… Originel), pour flûte et huit instruments
Messagesquisse, pour violoncelle solo et six violoncelles
Sonatine, pour flûte et piano
Répons, pour six solistes, ensemble, sons informatiques et électronique en temps réel

Claude DEBUSSY
En blanc et noir, pour deux pianos

Charlotte BRAY
Nothing Ever Truly Ends, pour ensemble
Création mondiale
Commande de l’Ensemble intercontemporain

 

 

distribution

Jean-Guihen Queyras, violoncelle
Pierre-Laurent Aimard, piano
Sophie Cherrier, Emmanuelle Ophèle, flûte
Hidéki Nagano, Dimitri Vassilakis, piano
Gilles Durot, Samuel Favre, percussion
Valeria Kafelnikov, harpe
Aurélien Gignoux, cymbalum

Ensemble intercontemporain
Pierre Bleuse, direction

Augustin Muller, électronique Ircam

Concert enregistré par France Musique diffusé ultérieurement

 

 

 

VIDÉO Pierre Boulez dirige Répons (Salzbourg, 1992)

 

 

 

approfondir

LIRE aussi notre présentation de la saison2024 – 2025 de l’Ensemble intercontemporain / Centenaire Pierre Boulez, Edgard Varèse, Rebecca Saunders, Francesco Filidei, Bastien David, Michael Jarrell… : https://www.classiquenews.com/ensemble-intercontemporain-nouvelle-saison-2024-2025-temps-forts-centenaire-pierre-boulez-edgard-varese-rebecca-saunders-clara-iannotta-francesco-filidei-sofia-avramidou-bastien-david-mic/

 

ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN, nouvelle saison 2024 – 2025. Temps forts : Centenaire Pierre Boulez, Edgard Varèse, Rebecca Saunders, Clara Iannotta, Francesco Filidei, Sofia Avramidou, Bastien David, Michael Jarrell… 

 

 

LIRE aussi notre entretien avec Pierre Bleuze, directeur musical de l’EIC Ensemble intercontemporain à propos de la saison 2024 – 2025 : https://www.classiquenews.com/ensemble-intercontemporain-entretien-avec-pierre-bleuze-directeur-musical-a-propos-de-la-nouvelle-saison-2024-2025/

 

Entretien avec Pierre BLEUSE, directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain, à propos de la nouvelle saison 2024-2025. Centenaire Pierre Boulez, Michael Jarrell, Edgar Varèse…

 

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 5 décembre 2024. HAYDN / STRAVINSKY / RACHMANINOV. J.F. Neuburger (piano) / Philharmonique de Radio-France / Tugan Sokhiev (direction)

Tugan Sokhiev dirige pour la première fois l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Les Grands interprètes présente ainsi cette rencontre à la Halle aux Grains de Toulouse avant Paris. Le pianiste Jean-Frédéric Neuburger participe à la fête. Le choix musical permet au pianiste d’interpréter deux œuvres concertantes avec panache.

 

La première est le Concerto en ré majeur de Josef Haydn. Cette œuvre joyeuse, avec de nombreuses cadences, permet au soliste et à l’orchestre de briller. Tugan Sokhiev dirige avec gourmandise ; ses gestes sont d’une élégance souveraine. L’osmose avec les musiciens du Philharmonique de Radio France est parfaite, et le plaisir de jouer est partagé. Le public se régale d’une telle élégance classique. L’Andante apporte une légère nostalgie mais c’est bien l’énergie des deux mouvements l’encadrant, qui reste dans les mémoires. Surtout le splendide Rondo final à la hongroise, joyeux, voir facétieux sous la baguette de Tugan Sokhiev. Le Capriccio pour piano et orchestre d’Igor Stravinsky est une œuvre très différente dans la forme. L’énergie de cette partition brillante devient une sorte de folie musicale avec l’association de tous ces talents. Les musiciens de l’orchestre, violon solo, hautbois, flûte, clarinette, violoncelle, sont des solistes et chambristes superbes. Comme une mécanique impeccable, tout s’articule à merveille et le piano de Neuburger est si aisé que l’on en oublie la difficulté de cette partition. La direction de Tugan Sokhiev à main nue est une danse perpétuelle qui anime la musique d’une grâce particulière. La jubilation est partagée par tous, y compris le public qui fait un triomphe aux interprètes et obtient un bis du pianiste.

 

En deuxième partie de programme, la vaste Deuxième Symphonie de Sergueï Rachmaninov trouve dans ces interprètes toute la majesté requise ainsi que la profonde mélancolie par moments. Cette belle musique du dernier romantisme est envoûtante. Tugan Sokhiev en magnifie la grandeur et la force. Ses gestes larges sculptent un son profond et riche. Les musiciens du Philharmonique de Radio France suivent et accompagnent cette vison si complexe de la symphonie. La beauté des soli instrumentaux est magnifique, les cordes très utilisées sont somptueuses d’engagement. La structure de la symphonie mise en valeur par la direction de Tugan Sokhiev, est rare. C’est une belle rencontre que les Toulousains ont pu découvrir ce soir, juste avant Paris le lendemain. Un magnifique concert avec des œuvres rares et belles ont été offertes par des artistes immenses, grâce aux Grands Interprètes !

 

 

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CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 5 décembre 2024. HAYDN / STRAVINSKY / RACHMANINOV. J.F. Neuburger (piano) / Philharmonique de Radio-France / Tugan Sokhiev (direction). Crédit photo © Niklas Schnaubelt

 

CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Garnier, le 8 décembre 2024. STRAVINSKY : The Rake’s progress. B. Bliss, G. Schulz, I. Paterson, C. Bailey… Olivier Py / Susanna Mälkki

Même en 2024, Londres demeure une ville aux inégalités criantes. Qu’on y aille pour visiter les collections des musées gratuits ou pour une virée théâtrale, le contraste avec l’Europe continentale est désarmant. Paris peut être tout aussi terrible pour les rêveries, mais il n’en demeure pas moins que la cité de la Tamise dévore tous les espoirs dès leur enfantement. Au XVIIIème siècle, la palette de William Hogarth a révélé au monde toute la cruauté cynique de la société britannique. Trois siècles plus tard, Hogarth pourrait constater que le capitalisme à outrance n’a rien changé de ce qu’il dénonçait.

 

Au cœur du charmant et bouillonnant quartier de Holborn, à quelques pas des théâtres et de la National Gallery, on peut trouver un calme surréaliste dans le square de Lincoln Inn’s Fields. Premier site d’un court de tennis et aussi premier siège de l’opéra comique londonien, ce beau square bordé d’élégantes façades georgiennes abrite un trésor : le musée Sir John Soane. Ce petit musée privé, gratuit par tradition de la capitale anglaise, est sis dans la résidence d’un éminent architecte : Sir John Soane. Passionné d’art et d’histoire, il a amassé des collections remarquables dont le sublime sarcophage en albâtre de Séthi Ier, père du célèbre Ramsès II. Outre les antiques issus de fouilles prestigieuses et des moulages en plâtre, au fond de cet amas de merveilles, gît le cœur de cette collection : la galerie de peintures. Dans la petite pièce, des panneaux laissent apparaître des Füssli et des Canaletto formidables, mais aussi deux séries iconiques de William Hogarth : The Election, et surtout… The rake’s progress !

 

Cette série de tableaux a été conçue par William Hogarth entre 1732 et 1734, puis gravée à partir de 1735. Ces peintures sont une critique au vitriol de la société britannique et notamment de sa jeunesse dissolue. Racontant l’histoire de Tom, jeune homme paumé qui vient d’hériter une grosse somme et qui part à la ville. Dans le milieu urbain il cède à toutes les tentations, se livre à la débauche et les pires privautés. Tom fréquente les pires maisons de passe, succombe aux sollicitations des coryphées de sa vanité. La fin est vertigineuse passant de la prison (Fleet Street) à l’asile d’aliénés de Bedlam. L’histoire à la morale féroce d’un être veule et sans qualités. L’image contemporaine pourrait être celle d’un « influenceur » obsédé par le nombre de « likes » sur des publications vides de sens dans un « carpe diem » sans réel objet.

 

La promesse de mettre en scène le très bel opéra d’Igor Stravinsky par Olivier Py semble un gage d’audace pour une telle œuvre. L’univers de cet insigne metteur en scène aurait pu révéler les failles abyssales de notre monde à travers l’histoire de Tom Rakewell. Dans un univers en blanc, rouge et noir, cette production semble une parodie d’une mise-en-scène d’Olivier Py, ça devient lassant et insipide à la fin. Peut-être que c’était un sujet bien trop facile pour l’univers du génial directeur de scène pour le pousser au-delà de ses monomanies. Alors que les peintures de Hogarth ouvraient un champ de possibles dans leur construction grimaçante, Olivier Py oublie la morale et la fable pour se contenter de gloser sur l’argument avec une superficialité qui nous étonne et finit par ennuyer.

 

Côté distribution, Golda Schultz détient la première place. Elle est une Ann Truelove d’anthologie. Sa grande scène « No word from Tom » – et l’air qui s’ensuit – est bouleversante. Son jeu est émouvant malgré le peu de place que laisse la mise-en-scène. Face à elle, Ben Bliss n’a rien de Tom Rakewell, la voix n’a pas de projection, aucune couleur dans « Here I stand« , et mièvre dans l’air d’Adonis. Théâtralement il est empoté et maladroit. Iain Paterson a la voix du rôle de Nick Shadow, mais demeure assez en retrait malgré des beaux moments. Jamie Barton est formidable en Baba la Turque, drôle et « over the top« , avec un timbre riche et nuancé. La grande surprise est d’entendre, dans un rôle anecdotique, le magnifique Rupert Charlesworth qui a tout à fait la voix et le charisme pour être un Tom Rakewell inoubliable. Peut-être un jour pour une reprise, M. Charlesworth pourrait incarner Tom, pour notre plus grand bonheur.

En fosse et sur scène, les forces vives de l’Opéra national de Paris, choeur et orchestre, prennent à bras le corps cette musique qui leur donne une ample possibilité de briller. La direction musicale de Susanna Mälkki est très engagée dans le style, notamment dans la première partie. Les dynamiques sont justes, les phrasés précis et les nuances pertinentes. Hélas, dans la deuxième partie, tout semble de plus en plus fade et on se perd parfois dans les tempi. Gageons que la mise-en-scène n’a pas aidé Maestra Mälkki.

A la fin du compte, la morale n’est pas dans ce quatuor final qui nous renvoie notre propre décadence avec un sourire narquois. Cédons alors à la tentation de rêver, mais en restant dignes et en évitant de céder au démon de la facilité et de la vanité. Nous sommes toutes et tous des roué.e.s en puissance, selon les heures du jour… et les perspectives.

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Garnier, le 8 décembre 2024. STRAVINSKY : The Rake’s progress. B. Bliss, G. Schulz, I. Paterson, C. Bailey… Olivier Py / Susanna Mälkki

 

VIDEO : Trailer de « The Rake’s progress » de Stravinsky selon Olivier Py à l’Opéra national de Paris

 

THÉÂTRE IMPÉRIAL DE COMPIEGNE. POULENC : Dialogues des Carmélites, sam 14 déc 2024. Patricia Petibon, Vannina Santoni,… Les Siècles, Karina Canellakis (direction)

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Alors que son FESTIVAL EN VOIX ! se poursuit à Compiègne et dans la Région Hauts-de-France, le Théâtre impérial répare un oubli historique : enfin produire in loco l’opéra de Francis Poulenc dont le sujet croise l’histoire même de Compiègne et de son théâtre… En effet située à Compiègne, l’action des Dialogues des Carmélites oppose les brûlures de la foi à celles de l’Histoire ; le mysticisme sincère et partagé d’une communauté de croyantes affronte la barbarie de la Terreur…

 

Confrontées aux événements terrifiants de la France Révolutionnaire, les Carmélites de Compiègne doivent subir l’épreuve ultime, éprouvant leur foi et leur appartenance à la communauté. L’opéra de Poulenc est ainsi joué pour la première fois au Théâtre Impérial, à l’endroit précis où se dressait le couvent des Carmélites de Compiègne à l’époque de la Révolution ! Une conjonction qui ajoute à l’expressivité dramatique de l’œuvre, la vérité du lieu où s’est réalisé le destin tragique des religieuses ainsi sacrifiées. D’autant plus que le compositeur pour suggérer la communauté religieuse, sait ciseler les 5 portraits de Carmélites présentes sur scène : Mère Marie, Blanche, Madame Lidoine, Constance, Madame de Croissy… autant de sublimes portraits féminins traversés par la grâce mais aussi dévorés (pour certaines) par les gouffres du doute et du pessimisme le plus noir.

 

TRIOMPHE IMMÉDIAT… L’opéra aurait pu ne pas connaître le succès : un opéra sur la foi, mettant en cause la Terreur, créé à la Scala de Milan en pleine période sérielle. Ce fut un triomphe en janvier 1957 ; puis, six mois plus tard à Paris, grâce entre autres à la participation de solistes exceptionnelles dont Denise Duval, Rita Gorr et Régine Crespin. Aux brûlures mystiques et sincères du texte répond une inspiration puissante, qui traverse tout l’orchestre, comme portée par la foi et la sincérité du compositeur lui-même. On sait que Poulenc qui eut la révélation à Rocamadour (dans la Chapelle de la Vierge noire) fut dans la dernière partie de sa vie, profondément inquiet, un croyant qui a cherché et questionné le sens d’une vie terrestre à travers une spiritualité continue et ardente. Comme il le fait dans son Stabat mater, les couleurs et l’énergie expressive de l’orchestre insuffle au drame historique, une saisissante et bouleversante vérité humaine. en particulier dans le tableau final qui mêle horreur et dignité, comme jamais sur les planches lyriques. Depuis sa création en Italie et à Paris, l’opéra de Poulenc reste l’un des ouvrages du XXe siècle parmi les plus joués du répertoire.

 

 

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COMPIEGNE, Théâtre Impérial
Dialogues des Carmélites, en version de concert
Sam 14 Décembre 2024, 20h

Informations et réservations / Réservez vos places directement sur le site du Théâtre Impérial de Compiègne : https://www.theatresdecompiegne.com/dialogues-des-carmelites-517

Durée : 2h50

 

 

L’opéra en concert permettra de retrouver une partie des interprètes qui avaient été ovationnées en 2013 sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées à Paris, mais dans des rôles différents. Si Véronique Gens reste Madame Lidoine, Patricia Petitbon sera Mère Marie de l’Incarnation, et Sophie Koch, Madame de Croissy. La fine fleur du chant français d’aujourd’hui (Vannina Santoni, Marie Gautrot, mais aussi Alexandre Duhamel et Sahy Ratia) les rejoint pour former une équipe lyrique particulièrement prometteuse. Dirigeant l’orchestre Les Siècles, la cheffe Karina Canellakis intensifiera accents, couleurs, rythmes si particuliers de l’orchestre de Poulenc.

Une première au Théâtre Impérial de ce chef-d’œuvre ancré dans l’histoire de la cité, ainsi avec une distribution solide, 230 ans après la disparition des Carmélites de Compiègne : un événement incontournable.

 

Dialogues des Carmélites
Opéra en trois actes de Francis Poulenc
Livret Georges Bernanos

Mère Marie de l’Incarnation : Patricia Petibon
Blanche de la Force : Vannina Santoni
Madame Lidoine : Véronique Gens
Soeur Constance de Saint Denis : Manon Lamaison
Mme de Croissy (Ancienne Prieure) : Sophie Koch
Le Chevalier de la Force : Sahy Ratia
Le Marquis de la Force : Alexandre Duhamel
Mère Jeanne de l’Enfant Jésus : Marie Gautrot
Sœur Mathilde : Ramya Roy
Le Père confesseur du couvent : Loïc Félix
Le Premier commissaire : Blaise Rantoanina
Le Second Commissaire / un Officier : Yuri Kissin
Thierry / Monsieur Javelinot / le Geôlier : Matthieu Lécroart

Chœur Unikanti
Chef de Chœur : Matthieu Poulain
Orchestre Les Siècles
Direction musicale : Karina Canellakis

CRITIQUE, concert. AVIGNON, Opéra Grand Avignon, le 6 décembre 2024. MILHAUD / BERNSTEIN / BEETHOVEN. Orchestre National Avignon Provence / Carolin Widmann (violon) / Case Scaglione (direction)

Après le programme “Destins” (avec notamment la 5ème symphonie de Tchaïkovski), donné il y a deux semaines sous la direction de leur directrice musicale Débora Waldman, l’Orchestre National Avignon Provence s’attaque cette fois à un programme nommé “Héros” (quelle bonne idée d’intituler ainsi chaque concert, en unifiant les divers programmes…), placé sous la battue du chef américain Case Scaglione, directeur musicale de l’Orchestre National d’Île de France (depuis 2019). Il dirige, dans les murs du superbe Opéra Grand Avignon, des œuvres de Milhaud, Bernstein et Beethoven, avec la violoniste allemande Carolin Widmann comme soliste.

 

En guise de mise en bouche, c’est la rare (et courte) Symphonie de chambre “Le Printemps” de Darius Milhaud qui est donné à entendre, composée et créée à Rio de Janeiro en 1918, et qui a la particularité d’exposer des thèmes, mais sans prendre le temps de les développer. L’ouvrage qui suit est plus “roboratif”, mais malheureusement tout aussi rare, alors qu’elle est l’un des chefs-d’œuvre de son auteur : la Sérénade d’après le Banquet de Platon pour violon solo et orchestre de chambre de Leonard Bernstein. Malgré son titre, la Sérénade (1954) de Bernstein s’avère plus ambitieuse qu’il n’y paraît, ne serait-ce que parce qu’elle est inspirée du Banquet de Platon. On y dénote peu de morceaux jazzy, sinon dans le mouvement final, mais un concerto “néoclassique” servi par le violon chaleureux et coloré de Carolin Widmann. L’accompagnement se révèle sans faille, traduisant une grande confiance en soi et dans la direction du chef américain. Malgré les nombreux, la violoniste n’offrira pas le bis pourtant réclamé par un public plein d’enthousiasme…

En seconde partie de soirée, place à la célébrissime et indémodable 6ème Symphonie (dite “Pastorale”) de Ludwig van Beethoven. Le premier mouvement est bondissant et étincelant, d’une clarté de ligne remarquable, qui permet d’entendre une palette d’effets et de nuances très large, ainsi que la suprématie d’un lumineux pupitre de premiers violons qui sont les inspirateurs de tout l’orchestre. L’Andante est phrasé avec une douceur extrême, offrant un admirable moment de contemplation calme et poétique. On revient ensuite à des impressions plus terrestres avec un troisième mouvement enjoué et allègre, dont le léger déhanchement évoque l’enivrement des danseurs après avoir bu quelques rasades de vin généreux. L’orage est le moment le plus mémorable de la symphonie : l’atmosphère est chargé d’électricité, le timbalier est en pleine forme, énergique à souhait, et la tension ne se relâche que lorsque les nuages s’éloignent, pour un dernier mouvement tonique, acmé d’une joie simple et naturelle.

C’est merveille d’entendre les progrès que l’ONAP a fait depuis que l’excellente cheffe brésilienne est arrivée à sa tête (en 2020), le hissant à une envergure de premier plan – et n’ayant pas à rougir devant des formations plus prestigieuses (comme l’OPS ou l’ONPL en France)… alors félicitations à tous les formidables instrumentistes de l’Orchestre National Avignon Provence !

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CRITIQUE, concert. AVIGNON, Opéra Grand Avignon, le 6 décembre 2024. MILHAUD / BERNSTEIN / BEETHOVEN. Orchestre National Avignon Provence / Carolin Widmann (violon) / Case Scaglione (direction). Photo (c) Emmanuel Andrieu

 

VIDEO : Carolin Widmann interprète la « Polonaise » pour violon et orchestre de Schubert

 

CRITIQUE, opéra. AMSTERDAM, De Nationale Opera & Ballet, le 5 Décembre 2024. J. STRAUSS : Die Fledermaus. H. Sabirova, B. Bürger, S. Mancasola, M. Viotti… Barrie Kosky / Lorenzo Viotti.

En ce mois de décembre, le Nationale Opera & Ballet d’Amsterdam nous fait l’immense plaisir de donner l’opérette de fêtes par excellence : Die Fledermaus de Johann Strauss (fils). Valses, paillettes, intrigues, danseurs, comique et même claquettes : tout ici est réuni pour ressortir de la salle joyeux, réchauffé et assoiffé de champagne ! Barrie Kosky utilise le très haut potentiel comique d’une distribution de choix avec finesse (ou non… mais c’est alors volontaire et très réussi). Une mise en scène pleine de burlesque et de brillant qui fait du bien alors que les températures sont particulièrement basses au-dehors.

 

Sur une Ouverture à laquelle Lorenzo Viotti ne fait pas tout à fait honneur, le metteur en scène australien nous propose un ballet comique d’une dizaine de chauve-souris qui fait bien plaisir ! La direction musicale est trop gracieuse et élégante, avec des tempi trop lents qui empêchent de donner à ce célèbre morceau toute l’énergie rebondissante, pétillante et croustillante qui lui est due. Mais cela est vite oublié tant les costumes et les décors nous emportent dans leur féérie burlesque.

 

L’allemande Hulkar Sabirova est une Rosalinde de caractère, voluptueuse à l’image de sa voix, en plus d’une actrice assurée. Sa Czardas de l’acte II accompagnée de moult danseurs est un succès ! La voix est libre, agile, profonde et notre actrice ne manque pas d’humour. Elle doit supporter son très pénible amant Alfred, mais dont la superbe voix de ténor la fait tomber en pâmoison. C’est l’américain Miles Mykkanen qui tient ce rôle d’amant benêt, ici extrêmement comique. Et pour ce qui est de sa voix, on comprend le goût de Rosalinde ! Le metteur en scène lui fait d’ailleurs interpréter ça-et-là de petits extraits des plus célèbres airs de ténor au gré des dialogues, qu’il interprète parfaitement et avec une facilité déconcertante.

 

Le mari de Rosalinde, Gabriel van Eisenstein, ici Björn Bürger doit être mis en prison pour avoir insulté un officier de police. Sérieux d’abord, il se déchaîne au fur et à mesure de l’œuvre jusqu’à finir suspendu au lustre en sous-vêtements à la fin de l’acte deux. Et il chante si bien qu’on en oublie justement qu’il chante ; c’est là toute l’essence de l’opérette. Diction irréprochable, timbre chaud et naturel, toutes les qualités d’un très bon Eisenstein sont réunies. Même constat chez son ami docteur Falke interprété malicieusement par le hollandais Thomas Oliemans. Malgré une projection vocale discrète, il se saisit avec beaucoup de finesse de l’intrigue qu’il mène comme dans un théâtre de marionnettes. Car c’est lui la chauve-souris qu’Eisenstein a laissé s’endormir ivre mort déguisé comme tel sur un banc du centre viennois. Il décide alors de se venger en inventant la petite farce que nous raconte l’opérette.

 

Leur servante Adele, interprétée par Sydney Mancasola, capte toute l’attention du public dès son arrivée en scène, déjà hilarante avant de briller dans ses deux airs dont « Mein herr Marquis » toujours très attendu. Là aussi, tout paraît facile, le chant est naturel et la diction au rendez-vous. Eisenstein et Falke partis faire la fête, arrive Franck le directeur de la prison pour arrêter Eisenstein. Il trouve à sa place (c’est-à-dire dans son peignoir et ses pantoufles) Alfred venu dîner avec sa maîtresse et l’arrête. Le hollandais Frederik Bergman est hilarant dans ce rôle et tout particulièrement au troisième acte, revenu dans sa prison ivre lui aussi et en slip argenté. S’il n’a pas énormément à chanter, il donne à la perfection chacune de ses notes notamment dans les nombreux ensembles, avec le naturel évoqué plus haut chez ses collègues.

Au second acte, nous arrivons chez le comte Orlofsky, ici interprété par une Marina Viotti en folie ! Drôle et pétillante, aux allures parfois de Liza Minelli, et qui ne cache pas son accent français (langue d’élégance en 1874). Plumes, manteau de fourrure et barbe pailletée sont tout son apparat. Et de même pour un chœur de Drag Queens inspiré du groupe des années 70 The Cockettes. Le Chœur de l’Opéra d’Amsterdam est toujours aussi brillant et précis, à n’en point douter un des meilleurs chœurs d’Europe. C’est aussi à cet acte qu’apparaît l’hilarante sœur d’Adele : Ida, interprétée par l’allemande Tabea Tatan. Elles parlent d’ailleurs le hollandais entre elles, ce qui accentue avec beaucoup d’humour leur complicité et leur condition sociale différente des bourgeois viennois.
Enfin, il faut évoquer quelqu’un qui s’avère être un rôle mineur dans la partition, mais qui est particulièrement remarquable ici. Le premier garde de prison nous a donné au début de l’acte trois un numéro de claquette clownesque absolument inoubliable. Il s’agit de l’autrichien Max Pollak, petit homme d’une habileté fascinante, jouant avec le rythme viennois comme avec celui des meilleures comédies musicales américaines tout en chantant !

Vous l’aurez compris, le liant qui crée la magie puissante de ce spectacle est le talent de Barrie Kosky et son équipe. Cette mise en scène de La Chauve-Souris a déjà été donnée à Munich en 2023. La direction de Lorenzo Viotti ne suit malheureusement pas cette énergie. On ne peut pas dire que cela gâche le spectacle, loin de là, mais enfin la musique de Johann Strauss aurait pu être servie avec plus de verve et de dynamisme. Pour sa quatrième production de la saison, la maison Amstellodamoise nous donne encore un spectacle merveilleux qui confirme la grande qualité de cette maison – qui fait un sans faute depuis septembre.

 

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CRITIQUE, opéra. AMSTERDAM , Nationale opera en ballet, le 5 Décembre 2024. STRAUSS Jr. : Die Fledermaus .H. Sabirova, B. Bürger, S. Mancasola, M. Viotti… Barrie Kosky / Lorenzo Viotti. Toutes les photos © Bart Grietens

 

VIDEO : Trailer de « Die Fledermaus » de Johann Strauss à l’Opéra d’Amsterdam

 

ANGERS NANTES OPERA, les 18 et 19 déc 2024. FALVETTI : Il Nabucco, dialogue à 6 voix. Mariana Flores, Valerio Contaldo… Capella Mediterranea, Leonardo Garcia Alarcon

Génie palermitain, redécouvert par la Capella Mediterranea, Michelangelo Falvetti implante, en Sicile, l’oratorio tel qu’on le pratiquait à Rome, dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Son Nabucco, chef-d’œuvre de 1683 retrouve vie grâce à Leonardo García-Alarcón, engagé plus que tout autre par le genre oratorio.

 

Le Roi de Babylone Nabucco force les Chaldéens à adorer sa statue… pouvoir autocratique, soumission d’un peuple opprimé… Falvetti compose une partition aussi spirituelle et inspirée que dramatique et expressive ; c’est un véritable opéra sacré dans le sillon de Giacomo Carissimi et Alessandro Stradella. La confrontation entre le tyran et les trois enfants protégés par Dieu est saisissante dans le traitement des voix, mais aussi des instruments qui les accompagnent avec ferveur. L’oratorio fait suite à la formidable découverte du précédent oratorio du même Falvetti, décidément le compositeur emblématique du défrichement mené par le chef Leonardo Garcia Alarcon : Il Diluvio, pour lequel la troupe de la Capella mediterranea s’est engagée avec la passion et l’expressivité que nous lui connaissons. A Angers et à Nantes, les heureux spectateurs pourront applaudir des solistes de premier plan : Mariana Flores (Azaria / Idolatria), Valerio Contaldo (Nabucco)… somptueux caractères d’une écriture flamboyante, entre sensualité et éclairs dramatiques…

 

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FALVETTI : Il Nabucco
Infos & Réservations directement sur le site d’ANGERS NANTES OPÉRA : https://www.angers-nantes-opera.com/il-nabucco-dialogue-a-six-voix

ANGERS – LE QUAI
Mercredi 18 décembre 2024 – 20h

NANTES – LA CITÉ DES CONGRÈS
Jeudi 19 décembre 2014 – 20h

 

Spectacle naturellement accessible au public aveugle et malvoyant – Oratorio en italien, surtitré en français – durée : 1h20, sans entracte

 

 

Distribution
Livret de Vincenzo Giattini

Nabucco : Valerio Contaldo
Azaria / Idolatria : Mariana Flores
Misaele : Lucía Martín-Cartón
Anania / Superbia : Ana Quintans
Arioco : Nicolò Balducci
Daniele : Rafael Galaz Ramirez
Eufrate : Matteo Bellotto

Chœur de Chambre de Namur
Cappella Mediterranea

Direction musicale : Leonardo García-Alarcón

 

CRITIQUE, comédie musicale. PARIS, Théâtre du Lido, le 5 décembre 2024. HERMAN : Hello, Dolly ! C. O’Connor, P. Polycarpou, M. Young, C. Au… Orchestre du Théâtre du Lido, Benjamin Pras (direction)

Le 28 novembre 2024, la grande actrice mexicaine Silvia Pinal décédait à Mexico, à l’âge de 93 ans. Cette comédienne a été une des muses du réalisateur Luis Buñuel (Viridiana, El Angel exterminador, Simon del desierto…), et a été la pionnière du théâtre musical au Mexique et en Amérique latine. En 1995, elle incarne le rôle de Dolly Levi à Mexico et son interprétation est restée dans les mémoires des hispanophones comme l’une des plus mémorables. Si d’aucuns lui préféreront naturellement Barbra Streisand, Bette Midler, Libertad Lamarque, Annie Cordy ou bien entendu la créatrice du rôle Carol Channing, Silvia Pinal a donné à l’entremetteuse Dolly un semblant picaresque inoubliable. La création d’une production parisienne de Hello, Dolly ! au cœur de l’iconique Théâtre du Lido est un événement à marquer d’une pierre blanche. C’est aussi l’occasion de rendre un hommage à Silvia Pinal, à quelques jours de son trépas.

 

Hello, Dolly ! est une des œuvres les plus représentatives de la grande école de Broadway. Créée en 1963, au Fischer Theater de Detroit, cette production originale de David Merrick a été reprise depuis partout dans le monde par des professionnels et des amateurs. Hello, Dolly ! entre dans le monde du cinéma en 1969 avec Barbra Streisand, Walter Matthau et Louis Armstrong dirigés par nul autre que Gene Kelly. Hello, Dolly ! est une partition exigeante du début à la fin, les rôles montrent à tous les niveaux un talent pluriel. Il faut des qualités histrioniques, musicales et chorégraphiques assez développées pour réussir un tel spectacle. Cette production au Théâtre du Lido a investi l’espace feutré et convivial avec un équilibre entre le grand spectacle et la subtilité nécessaire à l’intrigue. Hello, Dolly ! n’est pas simplement une comédie autour d’une entremetteuse professionnelle. Dolly Levi est une veuve affable et débrouillarde malgré une solitude qui lui pèse. Horace Vandengelder est un tyran domestique, mais en réalité c’est un être solitaire également, encore blessé par la mort de son épouse. Le couple principal fait écho aux autres personnages qui, malgré leur légèreté apparente, portent toutes et tous le cœur en bandoulière avec tous les petits coups de canif du destin bien visibles.

 

Caroline O’Connor est une Dolly de légende. Dès sa première apparition on entend un timbre riche en nuances et un jeu parfait pour le rôle. Elle incarne sans difficulté à la fois l’audacieuse entremetteuse et la fragilité de la veuve en quête de renouveau avec une sincérité bouleversante. Rien que pour son interprétation cette production parisienne fera date ! Peter Polycarpou est fabuleux dans le rôle de l’opiniâtre Horace Vandengelder. Ce comédien nous livre un homme en plein doute derrière ses certitudes et son attitude d’ours mal léché. Le « demi-billionaire » se fera happer par quelque chose de bien plus fort que sa volonté et l’interprétation de M. Polycarpou est inénarrable au possible. Monique Young est touchante dans le rôle de Miss Molloy, encore une jeune veuve désolée. Avec un très beau timbre, elle a l’émotion à fleur de peau. Avec elle, Chrissie Bhima est une Minnie Fay drôle au possible. Face à elles les fantastiques Carl Au et Reece McGowan sont Cornelius et Barnaby, au comble du talent. Ce quintette de jeunes interprètes nous ravissent au possible.

Le spectacle ne saurait être total sans la troupe de fabuleuses et fabuleux danseuses et danseurs. Nous saluons aussi les excellent.e.s musicien.n.e.s de l’Orchestre du Lido et une direction idéale de Benjamin Pras. Hello, Dolly ! conquiert la plus belle avenue du monde alors qu’elle se drape de lumière. Le Lido laisse échapper de sa salle mythique toute la joie de vivre alors que le public remonte et descend les Champs-Elysées en fredonnant les plus belles mélodies de Hello, Dolly ! Nous sommes alors emportés dans un tourbillon musical qui ne nous quitte plus et nous prépare à affronter la vie avec audace et sincérité.

 

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CRITIQUE, comédie musicale. PARIS, Théâtre du Lido, le 5 décembre 2024. HERMAN : Hello, Dolly ! C. O’Connor, P. Polycarpou, M. Young, C. Au… Orchestre du Théâtre du Lido, Benjamin Pras (direction). Toutes les photos (c) Julien Benhamou

 

VIDEO : Teaser de « Hello Dolly ! » au Théâtre du Lido à Paris

 

 

SPECTACLES & CADEAUX DE NOËL 2024 : notre sélection cd, livres et spectacles… quels cd et livres offrir ? Quels spectacles ne pas manquer ? Classiquenews vous dévoile ses coups de cœur pour vivre des fêtes exceptionnelles

Pour les fêtes de fin d’année 2024, ne manquez pas les spectacles événements, mais aussi découvrez les cd, les livres, les articles à offrir, et toutes les idées et expériences à partager en famille ou entre amis. Chaque année, la Rédaction de CLASSIQUENEWS sélectionne l’essentiel pour les fêtes de Noël et du Jour de l’an.

 

Voici notre 10 coups de cœur à partager et à offrir dans chaque catégorie : cd, livres, cadeaux, spectacles… Pour lire notre présentation / critique de chaque titre, cliquez sur le visuel de couverture. Chaque titre a reçu la distinction de la Rédaction : le « CLIC » de Classiquenews.

 

 

 

10 spectacles de fêtes incontournables

 

 

10 productions événements incontournables pour vivre des fêtes mémorables et bien commencer l’an neuf, du 27 déc 2024 au 15 janvier 2025  –  Bicentenaire Johann Strauss II, Centenaire Pierre Boulez, opéras et vertiges symphoniques… voici nos 10 coups de cœur pour fêter le passage de 2024 à 2025…

 

 

1 – Opéra Royal de Versailles : Mozart, La flûte enchantée, du 27 déc 2024 jusqu’au 1er janvier 2025 :https://www.operaroyal-versailles.fr/event/mozart-la-flute-enchantee/

 

2 – Opéra Royal de Versailles. Concert du NOUVEL AN, Bicentenaire de Johann Strauss fils – lundi 30 décembre 2024  par l’Orchestre de l’Opéra Royal, Stephan Plewniak (direction):
https://www.operaroyal-versailles.fr/event/concert-du-nouvel-an-bicentenaire-johann-strauss/

 

3 – Opéra Royal de Versailles. Bizet : Carmen, dans les costumes et les décors de la création de 1875.  Du 14 au 22 janvier 2025  – Lire notre présentation de CARMEN

 

4 – VIENNE, Musikverein, CONCERT DU NOUVEL AN, mercredi 1er janvier 2025 – Orchestre Philharmonique de Vienne, Riccardo Muti : https://www.wienerphilharmoniker.at/en/newyearsconcert
En direct sur France 2

 

 

5 – Ensemble Intercontemporain. Concert de lancement du CENTENAIRE PIERRE BOULEZ 2025. Lundi 6 janvier 2025, Philharmonie de Paris : https://www.ensembleintercontemporain.com/fr/concert/eic-friends-2025-01-06-20h00-paris/  –  C’est évidemment à l’Ensemble intercontemporain, qu’il a fondé en 1976, que revient l’honneur de lancer les festivités du centenaire de la naissance de Pierre Boulez

 

6 – Orchestre Les Siècles : Boulez 2025 – Pli selon pli, Don, Improvisation…
Tourcoing, le 5 ; Gand, le 6, puis Paris, TCE le 7 janvier 2025 : https://www.lessiecles.com/

 

7 – Clermont Opéra Auvergne – Clermont-Ferrand : Médée, opéra baroque, sam 11 janvier 2025 : https://clermont-auvergne-opera.com/evenement/medee-et-jason/

 

8 – Orchestre national du Capitole de Toulouse : Symphony n°1 de Vaughan Williams « Sea symphony » (Tarmo Peltokoski, direction), samedi 11 janvier 2025. Concert événement ciselé, enfiévré sous la baguette du génie de la direction… https://www.classiquenews.com/orchestre-national-du-capitole-de-toulouse-sam-11-janv-2025-vaughan-williams-a-sea-symphony-tarmo-peltokoski-direction/

 

 

9 – VAL D’ISERE, festival CLASSICAVAL – 13-16 janvier 2025 : le premier festival de l’année propose la magie de la musique de chambre sur les cimes alpines enneigées, enchanteresses : https://www.classiquenews.com/val-disere-31eme-festival-classicaval-les-13-14-15-et-16-janvier-2025-anne-lise-gastaldi-direction-artistique/

 

 

10 – Opéra de MASSY : Le Trouvère de Verdi, les 16, 17, 18 et 19 janvier 2025. Production événement sur la scène de l’ Opéra de Massy, illustre scène lyrique qui ne cesse de surprendre et convaincre : https://www.opera-massy.com/fr/il-trovatore.html?cmp_id=77&news_id=1087&vID=3

 

 

 

 

 

NOËL 2024

10 cd & coffrets à offrir

 

OPÉRA. LA SORCIERE de CAMILLE ERLANGER… C’est l’une des excellentes surprises de cette rentrée 2024 : la recréation de l’opéra de Camille Erlanger, La Sorcière (1912), chef d’oeuvre absolu du post-romantisme lyrique et orchestral, révélé avec brio par le chef Guillaume Tourniaire pour le label b records, pour lequel le maestro avait déjà enregistré un fabuleux Ascanio de Camille Saint-Saëns (précédente révélation publiée en octobre 2018)… A partir de citations répétées dans les archives d’époque, le chef défricheur découvre un nom, une œuvre, une écriture taillée pour le théâtre et les vertiges tragiques, dignes de Verdi comme de Puccini… autant de qualités d’un tempérament singulier, aujourd’hui enfin dévoilé et ré-estimé… Premier Grand Prix de Rome en 1888, élève de Delibes, Camille Erlanger mérite absolument d’être ainsi redécouvert. Son exigence dramatique révèle une réflexion personnelle et originale sur le théâtre de Wagner comme de Massenet… Coulisses d’un enregistrement décisif et des jalons de la recherche qui lui fut préalable…

 

OPÉRA. Joachim RAFF : Samson, première mondiale. Magnus Vigilius, Samson / Olena Tokar, Delilah… / Berner Symphonieorchester, Philippe Bach (3 cd Schweizer Fonogramm, 2023) – Le compositeur suisse fusionne ainsi Wagner et le grand opéra français (le ballet du V) ; maîtrisant parfaitement l’alliage de l’intime et du collectif, il analyse la pression des peuples et de l’aspiration de l’histoire sur un couple amoureux lequel s’inscrit hors des intrigues, des calculs, de la fatalité, de la haine. Leur origine devait les séparer voire les opposer ; mais l’amour vainc tout et le Danite, Samson, héros des Israélites, est foudroyé et sauvé par la belle Dalilah, fille du roi des Philistins…

 

 

 

OPÉRA. CD événement. MOZART : Le Devoir du premier commandement / Die Schuldigkeit des Ersten Gebots (Salzbourg, 1767). Gwendoline Blondeel, Adèle Charvet, Sargsyan, Jordan Mouaissia… Il Caravaggio, Camille Delaforge (direction) – 1 cd CVS Château de Versailles Spectacles – enregistré dans la salle des croisades du Château de Versailles, juin 2023. CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2024 – On avait en tête un enregistrement marquant de l’oratorio de jeunesse « La Betulia Liberata » (partition postérieure, créée 4 ans après Le Devoir, en 1771), témoignage légendaire par sa cohérence, son élan général, dans ce qui nous semblait une caractérisation palpitante des figures et personnages (version Vittorio Negri, 1976, à l’époque chez Philips). C’était alors une captivante révélation du style éblouissant du (très) jeune Wolfgang, à peine adolescent et déjà porteur d’une hypersensibilité psychologique, orfévrant et la ligne vocale et l’écriture orchestrale, avec une subtilité inédite. A l’époque nous tenions là le son propre au jeune Wolfgang, à la fin de l’enfance, pré-adolescent…

 

 

PIANO. CD événement. JEAN-NICOLAS DIATKINE, piano : Beethoven, Liszt, Wagner… LIVE 2021 & 2023 / Récitals à Gaveau (1 cd Solo musica) – A partir de 2 récitals mémorables à Gaveau en 2021 et 2023, le pianiste Jean-Nicolas Diatkine (né en 1964) publie un programme idéal, par sa force dramatique, son imagination ciselée, sa construction poétique, soulignant les filiations ténues, organiques entre Liszt et Wagner… Le sens architectural, la finesse des phrasés, la justesse des respirations expriment, et la force des évocations et l’urgence du sentiment qui les portent, vers cette exténuation douce finale qui dévoile le Liszt conquérant, le barde et poète… Difficile d’éprouver expérience plus aboutie et juste. Jean-Nicolas Diatkine nous régale de bout en bout dans ce programme très emblématique de son art. Magistral.

 

 

SYMPHONIQUE. BEETHOVEN : Intégrale des Symphonies, vol.1 – Symphonies N° 1, 2, 4,
 Orchestre Consuelo, direction : Victor Julien-Laferrière (1 cd B-records)En deux CD, la lecture précise une compréhension captivante du massif beethovénien grâce à l’agilité des instruments requis, dans cette forge orchestrale bâtie et ciselée par un Beethoven trentenaire… qui de fait, réalise par son génie en maturation, la synthèse entre Haydn (son maître) et la grâce de Mozart… avec cette vitalité et une fougue inédite. L’enjeu de la Symphonie n°1 (composée en 1799, créée à Vienne en 1800) affirme l’équation miraculeuse entre l’éclat et le brio, l’orchestration impétueuse, surtout l’expression d’une volonté irrépressible, impérieuse, impériale. Ludwig admirateur alors de Bonaparte / Napoléon, exprime la musique de son temps, musique de la rupture, de l’énergie, de la promesse aussi. Les choix d’articulation, les respirations très justes font aussi la pertinence de …

 

 

GENEVA PIANO TRIO. TCHAIKOVSKY : Trio pour piano opus 50. Rachmaninov : Trio élégiaque n°1 (1 cd PARATY) – 3 instrumentistes d’excellence savent jouer en parfaite complicité, certainement portés par leur origine commune et une culture, comme une sensibilité, en partage… Ces qualités expliquent les évidentes affinités comme la grande cohérence de leur jeu collectif. Le programme ajoute à l’intérêt général du présent album… Tchaïkovsky et Rachmaninov dessinent une filiation parmi les plus intenses (et bouleversantes) qui soient. Le jeune Rachma ne tarissait pas d’éloges comme d’admiration profonde pour son mentor et ami. Minoré parce que partition de la jeunesse, son Premier Trio élégiaque de 1892 (Rachmaninov a 19 ans) souffre de l’ombre que lui porte le Trio n°2 (composé en hommage à Tchaïkovski justement). Pourtant – ce que les instrumentistes expriment avec évidence et franchise-, l’œuvre déploie dans la forme Sonate, une grande séduction, même si son caractère est sombre voire lugubre, proprement lisztien…

 

 

BAROQUE. LULLY : Grands Motets, VOL IV : Te Deum, Exaudiat te Dominum – Les Épopées avec les Pages et les Chantres du CMBV / Stéphane Fuget, direction (1 cd Château de Versailles Spectacles, mars 2023) – La résonance idéale de la Chapelle Royale de Versailles amplifie et magnifie ce programme aussi célébratif que fervent : grandeur et prière, pompe et dévotion étant depuis toujours l’ordinaire subtil du décorum versaillais ; aux trompettes et timbales éclatantes (remarquable arche introductive des marches des Philidor) répond la douceur caressante des cordes comme une invitation à l’intimité indissociable du faste cérémoniel (pas moins de 150 musiciens et instrumentistes ont créé le Te Deum selon les sources). La musique du Surintendant Lully, acteur principal de cette célébration de 1687 (aux Feuillants de Paris) s’accomplit ainsi avec tout le feu et l’effusion individuelle que requiert l’exercice et que maîtrisent à présent tout à fait Les Épopées, formidable collectif électrisé par leur chef et directeur musical, Stéphane Fuget.

 

 

SCHUBERT / RACHMANINOFF : VÉRONIQUE BONNECAZE, piano (1 cd PARATY). Passionnante dans ses choix de répertoire comme par son jeu investi et sensible, souvent remarquablement nuancé, la pianiste Véronique Bonnecaze propose dans son nouveau disque édité chez PARATY une captivante confrontation Schubert / Rachmaninoff dont les « 6 moments musicaux » dévoilent la passion et l’intensité, nostalgique et crépusculaire chez le Russe ; onirique, tendre, fraternel chez Franz. Le programme particulièrement prometteur permettra de redécouvrir l’imaginaire des deux compositeurs romantiques sous les doigts d’une interprète parmi les plus captivantes… Un « Moment musical » est une invitation à vivre un instant dérobé au flux du temps ; la sensation de revivre un souvenir ou de réaliser un songe, de ressusciter un rêve. Rachmaninoff apprécie l’idée d’une esquisse, rapide, fougueuse, miniature ou paysage intensément évocateur… Schubert pour lequel les réunion entre amis et personnes affectionnées étaient essentielles, y exprime la sensation d’une intimité en partage… Le viennois compose son cycle des 6 Moments musicaux en 1827, un an avant sa mort, comprenant des pages plus anciennes. EN LIRE PLUS : https://www.classiquenews.com/paris-theatre-de-latelier-9-dec-2024-recital-de-veronique-bonnecaze-piano-schubert-rachmaninoff-moment-musicaux/

 

 

William Christie – The Complete Erato Recordings (1994 – 2011 – 61 cd ERATO)  –  Ce coffret célèbre le 80ème anniversaire du chef légendaire, fondateur de son propre ensemble Les Arts Florissants, phalange si essentielle dans l’histoire de la révolution baroqueuse : William Christie. Pour la première fois, voici en 61 cd, l’intégralité des enregistrements du célèbre chef pour Erato et Virgin Classics. Un parcours artistique majeur que l’auditeur apprend à suivre pas à pas, de jalons et redécouvertes, en opéras, oratorios et programmes d’une vivifiante énergie… Voyagez au cœur de la planète baroque, alors dans son sillon le plus actif…. Claveciniste, chef d’orchestre, musicologue, écrivain, conférencier, enseignant, William Christie est l’artisan de l’une des plus remarquables aventures musicales de ces trente dernières années. Pionnier de la redécouverte de la musique baroque avec ses Arts Florissants, il a révélé à un très large public le répertoire français des XVIIe et XVIIIe siècles. Le coffret de 61 CD rassemble tous les enregistrements réalisés par William Christie pour Erato et Virgin Classics, de 1994 à 2011, une somme musicale et documentaire opportunément conçue et éditée à l’occasion de son 80e anniversaire. Œuvres de Rameau,.. avec Natalie Dessay, Véronique Gens, Renée Fleming, Philippe Jaroussy, Nathalie Stutzmann, entre autres… Y figurent nombre de compositeurs que Bill l’explorateur et conteur magicien a su servir mieux que d’autres : Lully, Charpentier, Haendel, Rameau… mais aussi Purcell, Campra, Mondonville, Couperin, Monteverdi, Landi, Mozart, Desmarets, Méhul…

 

 

John Williams in Concert (7 LP) – somptueux coffret pour les fêtes de fin d’année 2024 : la boîte cadeaux (d’autant plus événement qu’elle est publiée en édition limitée) contient 7 vinyles regroupant plusieurs programmes et concerts devenus mythiques que dirige lui-même le compositeur américain, plusieurs fois récompensés pour ses contributions majeures au cinéma. John Williams y dirige des sélections de sa propre musique avec plusieurs orchestres prestigieux, signe manifeste de la qualité voire de l’universalité de son musique ; ses musiques de film sont ainsi défendues par les Saito Kinen Orchestra, Berliner Philharmoniker, Wiener Philharmoniker, sans omettre l’enregistrement en première mondiale de son Second Concerto pour violon, avec la soliste Anne-Sophie Mutter et le Boston Symphony Orchestra (BSO). Le coffret remarquablement édité comprend un livret contenant les notes de l’album original, un nouvel essai sur Williams par le compositeur Jon Burlingame, des souvenirs de Williams lui-même, d’Anne-Sophie Mutter et de plusieurs musiciens qui ont participé aux sessions d’enregistrements. Bonus : une sélection de photos de concerts et de portraits. (Coffret de 7 vinyles 7 LP – SKU: 4865707 – Barcode: 00028948657070). Plus d’infos directement sur le site de l’éditeur discographique Deutsche Grammophon : https://store.deutschegrammophon.com/en/products/john-williams-john-williams-in-concert

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Livres

 

NOUVELLE BIOGRAPHIQUE… Olivier BAUMONT : D’une partition m’apparaissait un dessin, roman (Bleu Nuit éditeur). Partant de cette question identitaire, les chapitres cultivent pas à pas la précision d’une époque qui paraît si proche (les années 1770) tout en ne dévoilant rien de l’identité du concerné ; dans la pension qui lui sert d’écrin (et d’atelier), le lecteur lève peu à peu les voiles de son quotidien dans la ville éternelle. Ses brèves rencontres, ses séances de contemplation dans la cité si inspirante, ses choix de sujets, ses dessins, son souci du détail, sa conception de la gravure, du dessin, et cette quête constante de reconnaissance… ses justifications permanentes sur le choix existentiel qui l’a bon gré mal gré séparé de sa tribu de musiciens.

 

 

CRITIQUE, LIVRE événement. Patrick Barbier : Giovanni Battista PERGOLESI (Pergolèse) – Bleu Nuit éditeur / Collection « Horizons » n°106 –  Une adaptabilité possible en liaison avec sa grande connaissance des voix et sa proximité avec les chanteurs (ce que montre aussi récemment le film Il Boemo (réalisé par Petr Vaclav avec Vaclav Luks) s’agissant de Myslivicek, le « Mozart praguois ») : comme chez Mozart, et ses vicissitudes dans la réalisation de Lucio Silla ou Idomeneo, la relation spécifique entre compositeur et chanteur est déterminante et décisive pour la réussite de l’ouvrage… D’ailleurs, durant sa courte carrière au théâtre, Pergolesi put bénéficier des meilleurs castrats de son temps. On ignorait jusque là de la même façon sa courte percée à Rome (grâce à son opéra suivant « L’Olimpiade » créé pour le Carnaval en janvier 1735, et l’un des meilleurs livrets transmis par Metastase). Le texte permet aussi de mesurer la pertinence de Pergolesi dans la veine comique, réussissant comme nul autre dans ce genre grâce à la perfection de sa comédie « La Serva Padrona » (1733), miracle d’espièglerie spirituelle qui annonce la grâce nuancée et subtile des Mozart puis Rossini à venir.

 

 

LIVRE événement. « RAVEL BOLÉRO » – Catalogue d’exposition (Éditions La Martinière / Philharmonie de Paris) – Le livre remarquablement édité par les éditions de La Martinière, n’est pas uniquement le catalogue de l’expo qu’organise la Philharmonie de Paris pour les 150 ans de la naissance de Maurice Ravel en 1875 (mars 2025). C’est en définitive à travers les 18 entrées textuelles  [comme les 18 entrées de la partition du Boléro, « diamant à 18 facettes »] une somme complète éclairant la connaissance et la compréhension d’une œuvre devenue mythique, dès sa création le 22 novembre 1928.

 

 

LIVRE événement. Arnold Schönberg : écrits 1890-1951 (éditions Contrechamps) – Pour célébrer le 150ème anniversaire de la naissance de Schönberg, les Editions Contrechamps et la Philharmonie de Paris publient (enfin) à l’adresse du lecteur francophone toute la diversité de ses écrits : textes sur la musique, textes autobiographiques, livrets, textes de fiction, projets théoriques ou pédagogiques, textes sur la question juive, textes sur des personnalités contemporaines ou sur des compositeurs du passé… dont des aphorismes percutants.

 

CRITIQUE, livre, événement. ESTELLE REVAZ : La Saltimbanque (Editions Slatkine). Post covid et engagement politique… La pandémie a laissé les artistes démunis, au bord du gouffre, dans une situation financière terriblement affaiblie, de surcroît aggravée par l’inaction et l’ignorance des politiques en place. Les pages qui décrivent la situation matérielle de la plupart d’entre eux choquent l’entendement ; il demeure inimaginable qu’un pays aussi riche que la Suisse ait pu ainsi négliger voire maltraiter ses forces vives artistiques et culturelles. En partant de ce constat qui renouvelle l’exercice même d’une biographie ailleurs si lisse et convenue, Estelle Revaz après avoir évoqué son enfance, sa formation, ses apprentissages, raconte la rupture imposée par la pandémie et vécue comme un traumatisme, d’autant plus dans une indifférence établie. Le texte décrit surtout son quotidien post-covid. Le retour au concert, l’obligation d’honorer les engagements et les programmes s’accompagne d’épreuves et de défis nombreux, qui affectent à terme l’équilibre psychique et éprouve le corps. Tout est dit, décrit avec force détails.

 

CRITIQUE, livre événement. François ALU : Le Prix de l’Etoile (éditions Robert Laffont) – Rebelle à toute forme d’autorité, de discipline, François Alu qui faisait lever des salles entières de spectateurs à l’Opéra de Paris, a cru longtemps qu’il obtiendrait enfin son étoile… en particulier quand il pense sur des rumeurs la mériter après s’être dépassé dans un solo de tous les diables (dont un manège de sauts du type « assemblées »,…) sur les planches de la Maison parisienne , arraché à force de volonté malgré blessures, déchirements et entraves physiques diverses… cet épisode fait toute la valeur du chapitre « révoltade » dont la lecture laisse pantois. On y médite la force inimaginable d’un immense tempérament d’un athlète hors pair. Celui qui suit le cursus complet, prépare chaque concours et obtient chaque titre convoité, est en réalité un tempérament fougueux, un insoumis dont la créativité et l’imagination d’artiste suscitent incompréhension, réprobation ou vives critiques. Le moule de l’école de danse puis de l’Opéra National de Paris ne lui convient guère.

 

 

LÉON BAKST, le magicien de la couleur par Mathias Auclair et Stéphane Barsacq (éditions Gourcuff Gradenigo) – Peintre de la cour impériale russe, Léon Bakst fonde avec Sergueï Diaghilev à Saint-Pétersbourg, la revue Mir Iskusstva (« Le Monde de l’Art ») en 1899. Il crée ses premiers décors en 1900, d’abord au théâtre de la cour du palais de l’Ermitage puis pour les théâtres impériaux. En 1906, Bakst se rend à Paris et commence à travailler comme décorateur et costumier pour la compagnie des Ballets russes que Diaghilev vient de créer ; il réalise ainsi les décors de Cléopâtre (1909), le premier ballet de Diaghilev.
Le peintre devient le décorateur en chef des Ballets russes, créant l’essor visuel des créations mémorables qui s’enchaînent, tout en nourrissant le mythe de Paris, capitale des arts du spectacles à la Belle Époque. Bakst travaille sur les ballets Schéhérazade et Carnaval (1910), Le Spectre de la rose et Narcisse (1911), L’Après-midi d’un faune et Daphnis et Chloé (1912), Les Papillons (1914). A la fois sensuel et primitif, flamboyant et hyper élégant, son dessin et ses couleurs rehaussent davantage les musiques avant-gardistes signées Debussy, Ravel, Stravinsky, Richard Strauss… Imprégnés d’influences orientales, les décors et les costumes de Bakst assument pleinement leurs formes audacieuses, leurs couleurs somptueuses ; un souci inné du détail… il atteint une renommée internationale avec ses créations qui ont révolutionné l’art théâtral…

 

 

Dominique Huybrechts : LES ALPES ET LES COMPOSITEURS (éditions du Mont-Blanc) – Le beau-livre édité par les éditions du Mont-Blanc propose un remarquable tour d’horizon des compositeurs, des franco-flamands et Muffat aux plus modernes de Poulenc à Zulawski… (soit de 1400 à 1953) qu’inspirent puissamment les cimes alpestres. En grand format, l’édition est un somptueux cadeau à glisser sous le sapin pour Noël 2024. La présentation chronologique met surtout l’accent sur les sites et les parcours suivis, éprouvés par les musiciens sur le motif ; peu de portraits des auteurs, sinon une brève biographie pour chacun d’eux, mais de nombreuses cartes et les itinéraires renseignés de chaque excursion voire ascension préparé, qui récapitulent le cheminement des explorateurs, et des artistes grimpeurs dans les montagnes… Evidemment Wagner qui hôte et réfugié bien accueilli en Suisse. EN LIRE PLUS : https://www.classiquenews.com/critique-livre-evenement-dominique-huybrechts-les-alpes-et-les-compositeurs-editions-du-mont-blanc/

 

 

 

 

 

D’autres coups de cœur sont à venir. Page régulièrement enrichie…

 

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CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Eglise Saint Jérôme, le 3 décembre 2024. W.A. MOZART, J. FIALA, J.C. BACH. Il Gardellino / Thomas Bloch (direction)

Les Arts Renaissants, à Toulouse, cherchent à la fois à proposer des concerts très originaux et de grande qualité. Ce soir l’Eglise Saint Jérôme était comble à l’appel de la découverte d’un instrument rare : l’harmonica de verre. Dans sa forme actuelle il a été construit par Benjamin Franklin. Mozart avide de nouveauté a composé quelques pièces pour cet instrument aux sonorités magiques. Ainsi un Adagio pour l’instrument seul, puis un Adagio et Rondo pour flûte, hautbois, alto, violon, violoncelle et harmonica de verre.

 

Les musiciens d’Il Gardellino ont rajouté à ce programme un Quatuor pour hautbois, violon, alto et violoncelle de Joseph Fiala, le Quatuor pour flûte en ré majeur de W. A. Mozart et un Quintette de Johann Christian Bach. La diversité des instruments et l’engagement amical des musiciens ont permis au public de déguster ce programme particulièrement homogène. C’est d’ailleurs un petit écueil. Ce style galant, classique et élégant, sans cette variété instrumentale et la qualité de l’interprétation, aurait pu être lassant. La grande qualité des instrumentistes a permis aux spectateurs de se délasser et de déguster une bulle de bonheur, de calme et de pureté, avec une pointe de magie par la présence de cet instrument si inclassable et merveilleux : l’Harmonica de verre. Il faut dire qu’à l’instar des musiciens flamants d’Il Gardellino, l’harmoniciste Thomas Bloch est un virtuose sidérant. Un des rares musicien à jouer de cet instrument si singulier. Ce concert restera dans les mémoires comme un moment rare et précieux !

 

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CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Eglise Saint Jérôme, le 3 décembre 2024. W.A. MOZART, J. FIALA, J.C. BACH. Il Gardinello / Thomas Bloch (direction)

 

 

Concours International de Belcanto Vincenzo Bellini – 13ème édition – Palmarès final : Luiza Willert (Brésil) 1er grand Prix 2024

Samedi 7 décembre dernier, depuis la ville de Vendôme (Campus Monceau), le prestigieux Concours International de Bel Canto Vincenzo Bellini a proclamé son palmarès 2024, à l’issue de la soirée de la Finale où ont concouru les 8 finalistes. En remettant le Premier Prix 2024, le Concours a renoué avec ses grandes heures quand la Compétition avait avant tout autre concours, discerné (entre autres) le talent des sœur Yende, Pretty puis Nembullelo… Au cours de la Finale du 7 décembre dernier, l’air bellinien interprété par la soprano brésilienne LUIZA WILLERT (25 ans) a suscité le même choc qu’ont pu provoqué avant elle, Pretty Yende et sa sœur cadette Nembullelo, alors à l’amorce de leur carrière respective… C’est cette magie vocale que sont venus vivre les spectateurs venus nombreux pour applaudir les jeunes talents lyriques en lice. La finale peut être visionnée sur la chaîne YouTube du Concours BELLINI. La Chaîne YouTube du Concours BELLINI comprend plusieurs archives à présent légendaires dont les débuts de Pretty Yende à l’Espace Cardin en nov 2011, récital tremplin produit par le Concours Bellini…

 

 

Palmarès 2024 / Winner List
Palmarès de la 13ème édition /  / Competition Team is very pleased to announce the Winner List of this 13th edition:

1er Grand Prix Vincenzo Bellini
/ 1st Prize – Grand Prix Vincenzo Bellini :
Luiza WILLERT (Soprano/Brésil)

Prix Spécial Voix Féminine
/ Special Prize for Female Voice :
Annie FASSEA (Soprano, Grèce/Royaume-Uni)

Prix Spécial Voix Masculine
/ Special Prize Male voice:
Vitalii LASHKO (Baryton, Ukraine)

Prix Spécial pour la meilleur interprétation d’un air en Français
/ Special Prize for the best interpretation of an aria in French:
Clémence HICKS (Mezzo-Soprano, France)

Prix Spécial de la ville de Vendôme
/ Special Prize of the Vendôme City:
SoJin YANG (Baryton, Corée du Sud)

Prix Spécial du Public / Special Audience Award:
Annie FASSEA (Soprano, Grèce/Royaume-Uni)

Prix Spécial du Rotary e-club Paris International
/ Special prize from the Rotary e-club Paris International:
Hakyeul LEE (Baryton, Corée du Sud)

 

Les lauréats 2024 et le jury du Concours International de Bel Canto Vincenzo Bellini (DR / © Concours Bellini 2024)

 

Revivez LA FINALE du CONCOURS BELLINI 2024 sur la chaîne YouTube du CONCOURS international de Bel Canto VINCENZO BELLINI : https://www.youtube.com/@concoursinternationaldebel9806

 

 

 

Sélection 2024 / 2024 Selection
Candidats de la demi-finale du 6 décembre 2024:

Mira DOZIO (Soprano, Italie)


Annie FASSEA (Soprano, Grèce/Royaume-Uni)


Clémence HICKS (Mezzo-Soprano, France)

Polina IRELAND (Soprano, Russie)

Vitalii LASHKO (Baryton, Ukraine)

Amandine LAVANDIER (Mezzo-Soprano, France)

Camille LE BAIL (Mezzo-Soprano, France)

Hakyeul LEE (Baryton, Corée du Sud)


Ninon MASSERY (Soprano, France)

Maria-Eunju PARK (Soprano, Allemagne)

Ji-hae RYU (Soprano, Corée du Sud )

Ahhyun SUNG (Soprano, Corée du Sud)

Luiza WILLERT (Soprano, Brésil)

SoJin YANG (Baryton, Corée du Sud )

Zhiyi ZHU (Baryton , Chine)

CRITIQUE, concert. MARSEILLE, Opéra municipal, le 3 décembre 2024. Grand gala lyrique pour les 100 ans de l’Opéra de Marseille. P. Ciofi, C. Boross, K. Deshayes, E. Scala, M. Barrard, J.J. Rodriguez, N. Courjal / Choeur et Orchestre de l’Opéra de Marseille / Michele Spotti (direction)

Cinq ans après l’incendie qui le ravagea, en 1919, l’Opéra de Marseille renaissait de ses cendres (tiens, dans le même délai que Notre-Dame hier…), le 3 décembre 1924, avec Sigurd de Reyer à son affiche (titre bientôt repris in loco…), et surtout un bâtiment Art déco qui fait encore aujourd’hui la fierté des mélomanes marseillais (et pas seulement des mélomanes…). 100 ans après, jour pour jour, Maurice Xiberras et ses équipes ont convié les grands « gosiers » les plus fidèles à l’institution phocéenne, ceux que l’on a entendu tant de fois ces dernières saisons entre ses murs, à l’instar de Patrizia Ciofi, Marc Barrard, Nicolas Courjal, Karine Deshayes, Enea Scala, Juan Jésus Rodriguez, et de manière moins fréquente (mais néanmoins notable !), la soprano hongroise Csilla Boross. Bien évidemment, c’est le nouveau directeur de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, le sémillant et jeune chef italien Michele Spotti qui dirigeait les Forces vives de la maison massilienne, avec l’enthousiasme et la probité qu’on lui connaît. 

 

De manière tout aussi évidente, une telle soirée ne pouvait faire l’économie d’un discours, le micro passant tour à tour du maître des lieux, Maurice Xiberras, au Maire de la Ville, Mr Benoît Payan, pour finir dans les mains de Michele Spotti. Avec beaucoup d’à-propos et d’émotion sincère, tous ont dit leur attachement à cette maison, Mr Payan évoquant ses jeunes ans où il assistait aux spectacles depuis le Paradis (avec sa grand-mère), et des remerciements ont été également été adressé à l’ancien directeur musical de la phalange marseillaise, Lawrence Foster, présent dans la salle. Conscient des enjeux de la soirée, le choeur et l’orchestre se sont surpassés comme jamais, donnant le meilleur d’eux-mêmes sous la baguette toujours aussi vive et enthousiaste, scrupuleuse et d’une absolue finesse, de Michele Spotti – comme on peut le constater dès la première page retenue, l’Ouverture de La Force du destin de Verdi, aux plans sonores superbement étagés, tout en explosant de couleurs !

 

La tension ne faiblira pas – et chaque morceau symphonique, air ou choeur, seront suivis d’applaudissements frénétiques et de hourras. Et s’il y a bien une certitude, c’est que le public lyrico-phocéen est bien le plus démonstratif de l’Hexagone (dans un sens comme dans l’autre, mais ce soir uniquement dans celui de la joie et de l’enthousiasme exacerbés), l’on peut nous croire sur parole ! Et il y avait de quoi manifester bruyamment sa satisfaction, tant les “piliers” vocaux de l’Opéra de Marseille réunis ici se sont également montrés à la hauteur de leur tâche… Et c’est à Csilla Boross que revient l’honneur de débuter le marathon lyrique (plus de 3 heures de musique, avec un court entracte…), avec le célèbre air “Ritorna vincitor”, extrait d‘Aïda de Verdi. Grand soprano dramatique, elle n’en négocie pas moins les notes filées avec honneur et probité, et enthousiasme plus encore dans les envolées de Leonora dans La Force du destin, un peu plus tard, avec une voix homogène sur toute la tessiture, des extrêmes aigus parfaitement négociés et des graves percutants. L’autre soprano de la soirée est la chanteuse italienne Patrizia Ciofi qui, après un inattendu “Caro nome” (Rigoletto) auquel l’artiste fait pourtant un sort, bouleverse dans un “Addio del passato » (La Traviata) d’anthologie, plongeant notre voisin de fauteuil dans une série de sanglots qu’il mettra beaucoup de temps à faire tarir – tandis que certains spectateurs se mettent déjà debout pour saluer la performance et remercier « la » Ciofi !

 

La mezzo de la soirée n’est autre que Karine Deshayes, que nous avons entendue moult fois sur ces mêmes planches, et qui est à Marseille comme chez elle, à l’instar de son partenaire régulier (ici, comme sur de nombreuses autres scènes lyriques françaises et internationales), le ténor sicilien Enea Scala, enfant chéri du public marseillais. La première interprète d’abord le célébrissime “Casta diva” de Bellini, délivré de manière extatique et habité, puis l’air de Balkis dans la plus rare Reine de Saba de Gounod, dans lequel sa parfaite diction et son tempérament de feu font merveille. Son “alter ego” italien ne fait lui aussi qu’une bouchée de ses deux airs, “Quando le sere al placido” (tiré de Luisa Miller) et “Ah lèves-toi soleil” (dans Roméo et Juliette de Gounod), dans lesquels on savoure la même netteté et clarté de la langue de Molière, mais avec un éclat et une puissance toujours plus phénoménales (le premier air n’en demandait peut-être pas tant…), et son dernier aigu émis tutta forza – et sur un souffle qui paraît un temps comme infini – cloue littéralement sur leur fauteuil les spectateurs, avant de manifester bruyamment leur admiration pour leur héros !

 

 

Chez les hommes, il y a également le baryton nîmois Marc Barrard, invité régulier de la scène phocéenne depuis plus de 20 ans, et dont l’organe affiche toujours la même excellente santé vocale, avec un timbre inimitable et par ailleurs flatteur, ce qu’il démontre dans les deux airs qui lui sont dévolus. Après avoir fait fi du chant sillabato dans l’air “A un dottor della mia sorte” (Barbier de Séville), il émeut jusqu’aux larmes dans l’air de Sancho tiré de Don Quichotte de Massenet. De son côté, le merveilleux baryton espagnol Juan Jésus Rodriguez parvient sans peine à mettre toute sa rage puis son humanité dans l’aria de Rigoletto, “Cortigiani, vil razza”, avant d’offrir une véritable leçon de chant, soutenu par un legato de violoncelle et un timbre d’une rare beauté, dans l’air “Il balen del suo sorriso” (Il Trovatore). Enfin, autre chanteur “chouchou” de l’Opéra de Marseille, où Maurice Xiberras lui a fait toujours confiance en lui permettant de faire ses débuts dans tous les grands rôles liés à sa tessiture, la basse française Nicolas Courjal (Boris Godounov, Philippe II…) enthousiasme une énième fois, d’abord dans Simon Boccanegra (“A te l’estremo addo”), qu’il emplit d’une souveraine émotion et humanité, puis dans l’air de Phanuel (extrait de Hérodiade de Jules Massenet), dont il parvient à traduire idéalement la sagesse souveraine du devin chaldéen.

 

 

Mais l’autre grand triomphateur de la soirée, aux côtés de tous ces merveilleux solistes, est indubitablement le Chœur de l’Opéra de Marseille, excellemment préparé par son nouveau chef, Florent Mayet, et qui brille de mille feux dans des pages comme le toujours excitant choeur des gitans dans Le Trouvère, le grandiose “Gloria all’Egitto” dans Aïda, ou encore le débridé “Vin ou bière, bière ou vin” extrait de Faust. Mais il y avait aussi – on le dira jamais assez aussi – un Orchestre de l’Opéra de Marseille qui se transcende ce soir, porté au plus haut par l’amour du beau son du jeune chef milanais, avec en premier lieu des cuivres infaillibles et des cordes infiniment soyeuses. Tous ces merveilleux instrumentistes nous ont bercés d’une ivresse sonore qui n’a pas échappé au public phocéen (dont une grande partie debout), les joignant dans l’indescriptible triomphe qu’il a adressé à l’ensemble de l’équipe artistique juste après les derniers accords du sublime finale de Guillaume Tell,Tout change et grandit en ces lieux”, l’une des plus belles pages de toute l’histoire de la musique occidentale.

Une soirée mémorable que l’on n’est pas près d’oublier !…

 

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CRITIQUE, concert. MARSEILLE, Opéra municipal, le 3 décembre 2024. Gala lyrique pour les 100 ans de l’Opéra de Marseille. P. Ciofi, C. Boross, K. Deshayes, E. Scala, M. Barrard, J. J. Rodriguez, N. Courjal / Choeur et Orchestre de l’Opéra de Marseille / Michele Spotti (direction). Toutes les photos (c) ACP-VDM

ENTRETIEN avec le chef Guillaume TOURNIAIRE à propos de l’opéra La Sorcière de Camille Erlanger (recréation événement éditée par le label suisse b records)

C’est l’une des excellentes surprises de cette rentrée 2024 : la recréation de l’opéra de Camille Erlanger, La Sorcière (1912), chef d’oeuvre absolu du post-romantisme lyrique et orchestral, révélé avec brio par le chef Guillaume Tourniaire pour le label b records, pour lequel le maestro avait déjà enregistré un fabuleux Ascanio de Camille Saint-Saëns (précédente révélation publiée en octobre 2018)… A partir de citations répétées dans les archives d’époque, le chef défricheur découvre un nom, une œuvre, une écriture taillée pour le théâtre et les vertiges tragiques, dignes de Verdi comme de Puccini… autant de qualités d’un tempérament singulier, aujourd’hui enfin dévoilé et ré-estimé… Premier Grand Prix de Rome en 1888, élève de Delibes, Camille Erlanger mérite absolument d’être ainsi redécouvert. Son exigence dramatique révèle une réflexion personnelle et originale sur le théâtre de Wagner comme de Massenet… Coulisses d’un enregistrement décisif et des jalons de la recherche qui lui fut préalable…

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CLASSIQUENEWS : Comment êtes-vous venu à choisir cet ouvrage pour l’enregistrer ?

GUILLAUME TOURNIAIRE : Depuis de nombreuses années déjà, en lisant des biographies, des lettres ou des témoignages de musiciens ayant vécu au tournant du XXe siècle, un nom assez mystérieux – celui de Camille Erlanger – m’apparut à plusieurs reprises. Cherchant des informations à son sujet, je fus d’abord étonné, en apprenant qu’il obtint le Premier Grand Prix de Rome en 1888 pour sa cantate Velléda, en devançant au palmarès Paul Dukas qui ne fut nommé que deuxième… Je découvris ensuite qu’il connut plusieurs succès notoires, pour des œuvres créés à l’Opéra-Comique et au Palais Garnier. Mais une chose me rendit particulièrement attentif à son sujet : Gustav Mahler ayant entendu à l’Opéra-Comique une reprise de son opéra Le Juif Polonais, décida de mettre l’ouvrage au répertoire de l’Opéra de Vienne !… Photo du chef Guillaume Tourniaire © Carole Parodi.

J’ai donc cherché à me procurer quelques-unes de ses partitions, et quelle ne fut pas ma surprise en découvrant sa musique ! J’ai immédiatement été happé par son originalité, sa force et sa théâtralité. Concernant plus particulièrement La Sorcière, il m’a suffi de jouer au piano quelques minutes du premier acte pour me rendre compte de sa puissance évocatrice, mais aussi de sa poésie (la page orchestrale suggérant l’arrivée de Zoraya est merveilleuse de délicatesse avec ses solos de harpes, de flûte et de violon). Après avoir étudié l’ensemble de la partition et m’être fait une idée plus précise d’elle, je l’ai laissée de côté quelque temps avant de la retrouver, comme pour m’assurer que mon admiration ne provenait pas d’une simple curiosité suscitée par le sentiment de découverte. Durant cette période, j’ai aussi joué et rejoué d’autres ouvrages du compositeur, qui m’ont à leur tour beaucoup impressionné (C’est d’ailleurs à cette même époque que j’ai proposé au Festival de Wexford de programmer L’Aube Rouge)… C’est donc ainsi que, petit à petit, une envie irrépressible de redonner vie à La Sorcière s’est imposée, et que j’ai souhaité pouvoir l’enregistrer.

 

CLASSIQUENEWS : Comment s’inscrit La Sorcière dans son époque ? Quelles qualités révèle-t-elle de son auteur ?

GUILLAUME TOURNIAIRE : Les rares éléments biographiques dont nous disposons nous informent que Camille Erlanger suivit les cours de composition de Léo Delibes au Conservatoire. Le contraste parait saisissant entre l’esthétique de son professeur et la sienne, notamment concernant la légèreté des livrets souvent choisis par Delibes et la noirceur de ceux qu’il mit lui-même en musique… mais l’élève saura toutefois se souvenir de ses cours, par la théâtralité de son écriture, et, en moments opportuns, par de saisissantes transparences orchestrales. Faisant preuve d’une grande indépendance autant que de courage, il n’a jamais caché sa fascination pour Wagner, et s’est exprimé clairement au sujet du traitement de ses « Sujets musicaux » proches des Leitmotivs du Maître de Bayreuth. La plupart de ses œuvres témoignent également d’une filiation évidente avec le lyrisme et les couleurs orchestrales de Massenet, mais son système harmonique comme ses préoccupations stylistiques sont pleinement ancrés en ce début du XXe siècle : il réussit de façon très personnelle une sorte de synthèse entre la musique française d’alors et un vérisme de bon ton, ce qui ne manqua pas de désarçonner certains de ses confrères comme une partie de la critique parisienne. Son instinct théâtral époustouflant fit l’admiration de Tito Ricordi qui publia son Rêve lyrique Hannele Mattern en 1911. On pourrait aussi ajouter que, comme Puccini ou Janáček, Erlanger eut un sens particulièrement aigu et moderne du choix de ses livrets. Ainsi, dans L’Aube Rouge, il n’hésita pas à mettre en musique un fait divers retentissant qui venait tout juste de se produire (l’assassinat en 1905 à Moscou du Grand-Duc de Russie par des nihilistes), ou dans Forfaiture, à s’inspirer (ce fut une première à l’opéra!), d’un film de Cecil B. DeMille (The Cheat – 1915).

 

CLASSIQUENEWS : Selon vous quel est le sens de cette action ? Que met-elle en avant sur le plan poétique et dramatique ? 

GUILLAUME TOURNIAIRE : Cette action évoquant à la fois un sujet historique (les atrocités commises à Tolède par l’église catholique au temps de l’Inquisition) et un sujet sociétal (la différence de traitement réservée aux femmes et aux hommes) résonne aujourd’hui avec une saisissante actualité. On peut même déplorer qu’elle nous parle de deux des problèmes les plus aigus auxquels nous sommes hélas encore confrontés : l’aveuglement des intégrismes religieux et les violences sexistes. Enrique (chrétien) et Zoraya (musulmane) vivent une passion amoureuse jugée « impure », les condamnant tous deux au châtiment… mais pour disculper le chrétien, on accusera son amante de l’avoir ensorcelé. En matière de brutalité, le Tableau du Tribunal de l’Inquisition, avec ses sept prélats (dont six basses!) s’acharnant sur trois pauvres femmes pour les contraindre à faire de faux témoignages, pourrait être étudié comme un cas d’école – Et doit-on rappeler que l’écrasante majorité des « sorciers » brûlés au moyen-âge furent des sorcières?…

Mais au milieu de ce déferlement d’obscurantisme et de haine, il y a aussi et surtout la magie d’une passion amoureuse. Celle-ci va donner au compositeur l’occasion de pages musicales d’une grâce infinie pour décrire la beauté de Zoraya, d’un lyrisme ardent pour évoquer l’enivrement des amants, ou d’une tragédie bouleversante pour incarner leur détresse.

En brillant alchimiste, Camille Erlanger construit ses trois premiers actes (offrant à chaque fois aux deux protagonistes l’occasion de duos aussi inspirés que savamment développés) comme une marche inexorable vers l’effroyable Tribunal : à la poésie délicate et frémissante de leur rencontre (acte 1), succèdent les élans fiévreux de leur passion (acte 2), avant que les éclats joyeux de la fête du mariage ne contrastent avec les accents douloureux des amants pris aux pièges des carcans de la société (acte 3).

Lorsqu’éclate le thème effrayant de l’Inquisition au début du quatrième acte (ce dernier est un véritable chef-d’œuvre), tous les ingrédients sont réunis pour que l’auditeur ressente la cruauté absolue qui va s’abattre sur Zoraya, puis frapper les deux amants.

 

CLASSIQUENEWS : L’orchestre et l’écriture musicale favorisent-ils certains personnages, certaines situations ?

GUILLAUME TOURNIAIRE : De toute évidence, le compositeur est tombé lui aussi sous le charme de Zoraya, à laquelle il confie un rôle d’une richesse et d’une longueur exceptionnelles. Pour ce faire, il sollicite l’orchestre en coloriste et dramaturge accompli. Maurice Ravel qui assista à la générale fut aussi séduit par « l’apparition de Zoraya au clair de lune et la scène qui suit » (son premier duo avec Enrique, dont la Barcarole « Dans la demeure… »), puis par « le prélude et le début du deuxième tableau, où la voix vient se mêler harmonieusement au son des cloches« . Il souligna aussi « l’atmosphère espagnole et orientale » de la partition, dont la suavité des harmonies (par exemple dans la Romance du troisième acte « Dans le calme des nuits« ), ou les couleurs désespérées (dans l’Air du quatrième acte « Toutes les douleurs« ), donnent à Zoraya des accents bouleversants.

Comme je l’ai déjà souligné plus haut, Camille Erlanger a un sens extraordinaire du théâtre, et l’un de ses atouts les plus significatifs est son habileté à souligner des tensions ou exacerber des coups de théâtre. Ainsi, dès l’entrée d’Afrida (la scène fit grande impression à la création), l’orchestre semble lui aussi saisi de rictus inquiétants, de spasmes, de ruptures rythmiques, notamment par l’emploi d’effets de percussions en tous genres ou d’intervalles « diaboliques », puis au fil du discours délirant de la pauvre femme et de ses évocations des nuits de Sabbat, tous les instruments contribuent à l’embrasement musical général. Cette scène de quelques minutes est si spectaculaire que je ne comprends pas comment elle n’est pas restée au répertoire… ne serait-ce que comme pièce de genre, dans des programmes de concert!

Nous pourrions aussi évoquer (entre autres exemples remarquables) les couleurs proprement terrifiantes de chaque intervention du Cardinal Ximénès, le diabolisme de la Morisque du tableau final, ou les effets orchestraux suggérant la sidération (la nouvelle apportée par Zaguir à la tombée du rideau du deuxième acte), l’effroi (l’irruption de Cardenos), ou la diversion (les musiciens de rue jouant une sérénade espagnole).

 

CLASSIQUENEWS : Quels seraient les deux passages qui vous ont particulièrement convaincu ? Pourquoi ?

GUILLAUME TOURNIAIRE : La scène du Tribunal de l’Inquisition est un chef-d’œuvre de bout en bout, depuis les répétitions fracassantes du motif de l’Inquisition, en passant par les entrées successives des Inquisiteurs (dont celle particulièrement malsaine de Ximénès), l’arrivée noble et douloureuse de Zoraya, les dépositions délirantes ou tragiques d’Afrida et de Manuela, la confrontation entre le Grand Inquisiteur et son accusée (dont le sublime Air « Toutes les douleurs »), jusqu’à la sentence démoniaque finale (« Nous la brûlerons après vêpres! »). Il est rarissime de rencontrer un acte aussi théâtral, d’une telle puissance, d’une telle richesse musicale, écrit dans toute sa durée avec une telle tension, une telle progression dramatique, et sans aucune chute d’intensité ou moment de faiblesse.

Pour contraster avec la noirceur et l’ampleur de la scène du Tribunal, je pourrais évoquer l’un des moments de grâce vécus par Don Enrique et Zoraya. Cette page aussi brève que délicate m’a profondément ému dès ma toute première lecture de la partition… À la fin du premier acte, alors que Zoraya est libérée par Don Enrique, celui-ci, cherchant à cacher son émotion, lui enjoint de ne plus jamais se retrouver sur son chemin. La belle mauresque s’éloigne alors très lentement, lui lançant avec sensualité l’énigme suivante : « Nul être au monde… n’a vu le jour… de demain !… ». Si ne pouvons plus (hélas!), qu’imaginer comment l’immense Sarah Bernhardt prononçait au théâtre cette envoutante réplique de Victorien Sardou, nous pouvons aujourd’hui savourer comment Camille Erlanger a réussi à suggérer la magie de ce moment… La langueur avec laquelle est susurrée l’incantation de la jeune fille, ponctuée de trois sublimes envolées lyriques du violon solo accompagné des harpes, a que quoi désarmer le plus valeureux des archers de la Ville…

 

CLASSIQUENEWS : Comment s’inscrit ce nouvel enregistrement parmi les précédents réalisés ? En particulier ceux réalisés chez b-records ?

GUILLAUME TOURNIAIRE : Depuis toujours, j’ai adoré me mettre au piano et déchiffrer des partitions inconnues. Cette curiosité m’a naturellement amené à comprendre pourquoi certaines œuvres se sont imposées dans le répertoire ou en ont été exclues, mais aussi à m’interroger sur les raisons pour lesquelles des pages pourtant admirables ont pu être mises de côté puis oubliées.

Je me souviens comme si c’était hier, du moment où j’ai lu pour la première fois La Ballade du Désespéré, ou encore, Les Djinns, de Louis Vierne. Tout, dans ces partitions, semblait me sauter au visage, comme autant de génies sortant de la lampe d’Aladin, me suppliant de leur redonner vie ! Je me souviens aussi de chacune de mes relectures, qui bien loin d’émousser l’excitation première de la découverte, venait renforcer l’attrait qu’exerçaient sur moi ces œuvres.

De même, le premier contact avec Ascanio de Camille Saint-Saëns me laissa dans une impression d’étourdissement. Comment une fresque aussi théâtrale, et d’une telle qualité musicale avait pu être délaissée de la sorte… alors que l’on connaissait l’immense estime que le compositeur avait lui-même pour cette œuvre?

Je pourrais multiplier les exemples, et il serait sans doute trop long ici de justifier par le détail, les raisons de ces oublis aussi malheureux qu’injustes. Cependant, on pourrait brièvement avancer que, dans le cas de Louis Vierne, à l’exception de ses Symphonies pour orgue pour lesquelles il fut son propre interprète, son état de santé et sa cécité ne lui permirent certainement pas de promouvoir aisément ses œuvres orchestrales. Dans le cas d’Ascanio, nous savons aujourd’hui que plusieurs circonstances malheureuses, lors des répétitions précédant la création, ont entaché la qualité de l’exécution musicale, à tel point que le compositeur refusa d’assister à la première!…

En ce qui concerne Camille Erlanger, son cas est encore plus étonnant, puisque alors même qu’il fut joué sur les principales scènes parisiennes durant toute la première décennie du XXe siècle, non seulement ses œuvres ont totalement disparu du répertoire, mais son nom même est désormais inconnu! Sans doute, son indépendance d’esprit et ses origines familiales donnèrent-elles à l’époque de nombreux arguments à ses détracteurs pour clamer leur incompréhension ou déverser leur haine (deux articles de presse publiés au lendemain de la création de La Sorcière sont reproduits dans le livre accompagnant notre enregistrement, et sont éclairants à ce sujet). Fort heureusement, avec plus d’un siècle de recul, nous pouvons enfin apprécier son talent à sa juste valeur !

Grâce à l’aide de très chers amis mélomanes et à la Haute École Musique de Genève qui ont rendu possible notre concert genevois, La Sorcière a pu enfin revoir le jour. Grâce à la captation « live » réalisée par le label b-records, j’espère qu’elle touchera un public nombreux, ainsi que des metteurs en scène et des directeurs d’Opéras puis retrouvera enfin la place qu’elle mérite dans le répertoire lyrique…

Quant aux suites à donner aux enregistrements d’Ascanio et de La Sorcière, j’ose espérer que la collection « Genève Live » chez b-records s’enrichira d’autres redécouvertes… car d’autres pépites ont déjà illuminé mes lectures…

Propos recueillis en décembre 2024

 

 

CD

LIRE aussi notre présentation du cd événement La Sorcière de Camille ERLANGER par Guillaume Tourniaire (livre cd B records) : https://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-camille-erlanger-la-sorciere-1912-recreation-choeur-et-orchestre-de-la-haute-ecole-de-geneve-andreea-soare-jean-francois-borras-3-cd-b-records-2023/

 

CD événement, annonce. CAMILLE ERLANGER : La Sorcière (1912), recréation, Choeur et Orchestre de la Haute École de Genève, Andreea Soare, Jean-François Borras… (3 cd b.records, 2023)

 

 

 

CD, événement, critique. SAINT-SAËNS : Ascanio, 1890 (Tourniaire, 3 cd B records, / Genève, 2017)

 

​VENDÔME & LIVE STREAMING : 13ème édition du CONCOURS BELLINI 2024 ce soir, sam 7 déc 2024, 20h

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Le concours Bellini a été créé en 2010 par Youra Nymoff-Simonetti et le chef Marco Guidarini : il est produit par l’Association MusicArte. Compétition exceptionnelle à suivre sur place ce soir à Vendôme ou en livre streaming à partir de 20h.

 

A l’issue des demi finales qui se sont tenues hier [vendredi 6 déc 2024], les 8 chanteurs sélectionnés concourent lors de la FINALE ce soir pour décrocher entre autres, le premier Prix mais aussi le Prix du public…

 

Sur les 8 finalistes, 3 sont coréens. La France ne compte qu’une seule candidate à ce stade. Chacun des finalistes interprète 2 airs belcantistes dont l’un en français.

 

 

 

Les 8 chanteurs finalistes en lice :

Mira DOZIO, Soprano [Italie]
Annie FASSEA, Soprano [Grèce / Royaume uni]
Clémence HICKS, mezzo soprano [France]
Vitali LASHKO, Baryton [Ukraine]
Hakyeul LEE, Baryton [Corée du Sud]
Ahhyun SUNG, Soprano [Corée du Sud]
Luiza WILLERT, soprano [Brésil]
Sojin YANG, Baryton [Corée du Sud]

 

 

Le public pourra applaudir chacun des 8 candidats demi finalistes et voter pour son préféré pour le Prix du Public.

Un événement international à ne pas manquer, à 40 minutes seulement de Paris (TGV direct – la billetterie est d’ores et déjà ouverte [les spectateurs sur place peuvent bénéficier d’un forfait : concert + dîner à l’issue, en présence des chanteurs].

 

 

Live streaming

VISIONNEZ LE DIRECT STREAMING de la finale du 13e édition du CONCOURS INTERNATIONAL DE BEL CANTO VINCENZO BELLINI 2024 depuis l’auditorium du Campus Montceau assurances à Vendôme :

https://www.bellinibelcanto-internationalcompetition.com/bellinibbellini : https://www.youtube.com/watch?v=nSDmq0PMVDk&t=3s

 

 

LIRE aussi notre présentation du Concours international de belcanto Vincenzo Bellini 2024 : https://www.classiquenews.com/vendome-13eme-concours-international-de-belcanto-vincenzo-bellini-2024-6-et-7-dec-2024-liste-des-15-candidats-tes-2024/

La compétition a lieu à l’auditorium du campus Monceau de Vendôme : 1 avenue des Cités unies de l’Europe – 41 100 Vendôme – Gare TGV: Vendôme/Villiers sur Loir.

VENDÔME. 13ème Concours International de Belcanto Vincenzo Bellini 2024 (6 et 7 déc 2024). Liste des 15 candidat(e)s 2024

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 6 décembre 2024. POULENC : Dialogues des Carmélites. V. Santoni, M. Lamaison, S. Koch, V. Gens, P. Petibon… Olivier Py / Karina Canellakis

La reprise de Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc dans la mise en scène d’Olivier Py au Théâtre des Champs Elysées, montre à quel point sa saisissante approche traverse le temps avec un succès sans cesse renouvelé. L’on a pu en effet, en ce vendredi 6 décembre, mesurer tout l’impact émotionnel du spectacle dans l’intensité du religieux silence avec lequel le public a accueilli chaque tableau, presque pictural, de cette fresque grandeur nature.

 

L’on sait la puissance de l’esthétisme en clair-obscur de la proposition scénique d’Olivier Py, de ce noir criant dans la lumière aveuglante, exprimant la noirceur glaçante de la peur avant que la mort ne blanchisse les cadavres. Sans oublier ces mots inscrits à la craie sur les murs qui portent la force évocatrice de la mise en scène à son paroxysme. Dans ce ballet d’ombre et de lumière, Olivier Py met aussi en lumière la face obscure des personnages qui se sont longtemps cherchés ici-bas et trouvent leur raison d’être dans l’ultime sacrifice de leur vie. La succession de tableaux d’une sombre luminosité expose à nos regards toute l’abomination d’une situation désespérée dans une époque chaotique de l’Histoire qui fait et défait les destins. Certaines scènes ont été travaillées au cordeau sur le plan dramaturgique, comme celle de la longue agonie de Madame de Croissy, un plan en contre-plongée très cinématographique, d’un réalisme saisissant qui glace le spectateur d’effroi. Tout comme la scène finale, évocation à la fois violente et poétique de la montée au ciel des quinze carmélites sacrifiées sur l’autel de la Terreur, au son pétrifiant du couperet de la guillotine qui résonne en écho dans la salle.

 

Quant à la caractérisation des personnages, on est ici loin des standards de l’enregistrement de Pierre Dervaux, servis par les interprètes de la création de 1958. Sur la scène du Théâtre des Champs Elysées en 2024, chacune des interprètes semble réinventer son personnage à l’aune de son tempérament, ce qui peut d’emblée surprendre, mais qui n’est pas pour déplaire, et amène une inspiration nouvelle à ces Carmélites dans la tourmente. Vannina Santoni confère à Blanche une force décuplée qui rend hommage à son patronyme mais qui diffère sensiblement de l’image habituelle du personnage par essence craintive. Avec une voix à l’aisance absolue et une présence lumineuse, la soprano corse, à l’évidence transcendée par le destin de son personnage, délivre un portrait tourmenté mais pétri de convictions. Par des aigus faciles, et un léger et charmant vibrato, Manon Lamaison donne ici une certaine étoffe à Sœur Constance, moins candide qu’à l’habitude. Patricia Petibon interprète une Mère Marie plus fébrile que Blanche ne l’est ici, ce qui est paradoxale tant elle est censée tempérer les angoisses de la jeune sœur. Elle ne semble pas particulièrement à l’aise dans ces habits de chef de communauté, ce qui se sent dans l’émission de la voix parfois tendue et des aigus manquant d’arrondi. Véronique Gens campe une Lidoine à la digne posture qui enrobe à merveille, par une voix souple, une bienveillance qu’elle tente de dissimuler. Loin de jouer les seconds couteaux, Sophie Koch habite pleinement Madame de Croissy avec une santé vocale, et une énergie qui redonne couleurs et vie à un personnage pourtant à l’article de la mort !

 

Côté masculin, Alexandre Duhamel en Marquis de La Force se distingue par la noblesse du timbre et une exceptionnelle présence scénique dans le premier tableau. L’aigu n’a toutefois pas dans ce répertoire l’éclat ni la vaillance auxquels le baryton nous a habitués. La révélation de la soirée est sans nul doute Sahy Ratia, ténor au style Mozartien, qui délivre une leçon de chant, par un phrasé impeccable, une ligne d’une grande pureté, et une diction exemplaire. Une virtuosité qui atteint son point d’orgue dans le duo du parloir avec Blanche, où les deux voix s’étreignent dans un émouvant ballet. Une mention spéciale sera délivrée à l’Aumônier de Loïc Felix qui, par son bel instrument, a fait entrer la lumière dans le couvent des Carmélites.

 

 

Découverte dans un programme Wagner au festival de Saint Denis un soir de juillet 2021, la cheffe Karina Canellakis avait retenu toute notre attention par un travail minutieux sur les lignes mélodiques. Ce soir, dans Dialogues des Carmélites, se gardant de toute lecture éthérée de la partition, elle épouse le parti d’une lecture alerte dont l’efficacité dramatique se déploie en subtile harmonie avec la dimension spirituelle de la partition. Elle sait trouver les lignes de tension et porter l’orchestre dans des crescendos d’une grande intensité notamment dans les trois points culminants de l’œuvre que sont La mort de la Prieure, le duo du parloir entre Blanche et son frère et le « Salve Regina » d’une grande puissance grâce à un Chœur Unikanti ici à son meilleur.

 

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 6 décembre 2024. POULENC : Dialogues des Carmélites. V. Santoni, M. Lamaison, S. Koch, V. Gens, P. Petibon… Olivier Py / Karina Canellakis. Toutes les photos © Vincent Pontet

LES SIECLES. Paris, TCE, mardi 7 janvier 2024. Centenaire Boulez 2025 (Pli selon pli), Debussy (La Mer)… Franck Ollu, direction

Grand concert symphonique et français, faisant dialoguer deux mondes emblématiques : celui de Boulez (à la fête en 2025 pour son centenaire, le 26 mars précisément) et celui du souffle évocateur de Debussy dont La Mer est l’un des fleurons du répertoire de l’orchestre Les Siècles… une partition emblématique de son approche des répertoires et qui a été le sujet d’un enregistrement décisif, édité en 2023…

 

Pli selon Pli de Boulez ouvre ainsi l’année 2025, celle du centenaire Boulez ; et ici, La Mer de Debussy complète un programme en forme de manifeste musical et poétique. En effet, Boulez aurait eu 100 ans en 2025 ! Les Siècles et Franck Ollu ouvrent le bal des réjouissances de cette année anniversaire en s’attaquant à un sommet de l’œuvre du compositeur, Pli selon Pli. Ils s’associent à la soprano Sarah Aristidou, qui interprète la partition représentative des recherches du « premier Boulez ». Pour ce faire, pas moins d’une centaine de percussionnistes…  La filiation avec Debussy s’invite et se confirme : Boulez chef d’orchestre a défendu son confrère ; les deux compositeurs avaient aussi en commun une même fascination pour la poésie suggestive parfois énigmatique de Stéphane Mallarmé. Le poète, chantre de la modernité poétique, est la source inspiratrice de ce programme qui marque un temps fort de la saison 2024 – 2025 de l’orchestre Les Siècles.

 

Les Siècles ont publié en mars 2023, un excellent enregistrement de La Mer de Debussy : une lecture qui relève du miracle tant l’approche des instrumentistes historiquement informés renouvelle la compréhension de la partition… « Quel aboutissement avec La Mer. Le triptyque, aussi insolent et réformateur que peuvent l’être Les Demoiselles d’Avignon de Picasso à la même époque (en fait de 1907 quand Debussy pionnier et antérieur compose La Mer en 1905) gagne une vivacité régénérée grâce à la richesse des timbres associés dont on se délecte à identifier chaque acteur sonore : hautbois et cor anglais (Jeux de vagues), cuivres époustouflants dont des cors magiciens, surtout cordes (de boyaux) idéalement associés aux vents… Si l’on perd en puissance sonore (instruments d’époque oblige, avec leurs perces plus fines), l’écoute y décèle des mariages instrumentaux aux nuances inouïes dont le relief des alliages s’en trouve renforcé, percutant, frissonnant même : toute l’approche historique sur instruments d’époque se justifie avec une évidence immédiate. L’âpreté mordante des timbres ciselés, leurs combinaisons tour à tour confondantes de finesse suggestive, l’intelligence d’une orchestration éloquente révèlent un Debussy ivre et sensuel, d’une prodigieuse invention sonore et organologique… il est évident que le compositeur-expérimentateur connaissait les avancées de la facture de son époque: il en a même suscité les progrès. Jamais un orchestre n’aura étincelé de cette façon… »
LIRE notre critique du cd Claude Debussy: Première Suite d’orchestre, La MerLes Siècles, François-Xavier Roth (1 cd Les Siècles Live) : https://www.classiquenews.com/claude-debussy-premire-suite-dorchestre-la-merles-sicles-franois-xavier-roth-1-cd-les-sicles-live/

 

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PARIS, TCE – Mardi 7 janvier 2024, 20h
Orchestre Les Siècles
Centenaire BOULEZ 2025 – La Mer de DEBUSSY
Infos & réservations directement sur le site du TCE Théâtre des Champs Élysées, Paris : https://www.lessiecles.com/events/boulez25-TCE/

 

 

 

PROGRAMME

Pierre BOULEZ (1925-2016) : Pli selon Pli, portrait de Mallarmé
Don
Improvisation I (Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui)
Improvisation II (Une dentelle s’abolit)
Improvisation III (A la nue accablante tu)
Tombeau

Claude DEBUSSY (1862-1918)
Trois Poèmes de Mallarmé [arr. Heinz HOLLIGER]
Soupir
Placet futile
Éventail
La Mer

Concert sur instruments français du début du 20e siècle
(Debussy)
et instruments modernes (Boulez).

DISTRIBUTION
Sarah ARISTIDOU, soprano
Les Siècles
 / Franck OLLU, direction

 

 

LIRE aussi notre critique du cd LA MER de DEBUSSY par Les Siècles : https://www.classiquenews.com/claude-debussy-premire-suite-dorchestre-la-merles-sicles-franois-xavier-roth-1-cd-les-sicles-live/

OPÉRA DE DIJON, 14 déc 2024. Orchestre Dijon Bourgogne, Orchestre Symphonique de Mâcon. Dukas : L’Apprenti sorcier / André Popp : Symphonie écologique

Envie d’une promenade dans des paysages sonores remarquables ? L’Orchestre Dijon Bourgogne et l’Orchestre Symphonique de Mâcon, unissant talents et pupitres, proposent un format inédit de concerts en famille, ouverts aux petits comme aux grands.

 

Le chef David Hurpeau pilote une expérience musicale et orchestrale prometteuse ; il dirige ainsi les deux orchestres, en compagnie du récitant Thierry Weber, guide d’un univers sonore tissé d’enchantements. La proposition permet de mesurer comment l’orchestre sait exprimer enchanter, suggérer, imaginer… comment certains instruments sont plus aptes à rugir et fasciner, se transformant dans la magie des timbres et des accents, en tornade ou tempête ; comment d’autres sont adaptés pour ciseler et déployer motifs floraux et boisés, d’autres encore plus aquatiques ou plus aériens, plus mystérieux ou plus gazouillants… L’Apprenti sorcier est le poème symphonique emblématique de Paul Dukas, créé en 1897 ; une partition géniale, en forme de scherzo, qui est le sommet de l’écriture orchestrale, à la fois dramatique et narrative de l’extrême fin du XIXè. Fleuron de la Société nationale de musique, l’œuvre incarne un âge d’or de l’orchestration française à l’époque du dernier romantisme. Un jeune sorcier profite de l’absence de son maître pour jouer au grand enchanteur, quitte à se laisser dépasser par ce qu’il produit ; un balai enchanté qui déraille, se démultiplie, et le submerge littéralement…

 

La force poétique du sujet vient directement d’un texte du géant germanique Goethe (ballade Der Zauberlehrling) Fantasia de Walt Disney exploite la puissance expressive de la partition dans un dessin animé depuis devenu légendaire. L’Opéra de Dijon permet de revivre le vertige d’une partition irrésistible où l’orchestre raconte les tentatives vaines du petit sorcier à contrôler son enchantement et l’inondation… inéluctable. La partition est un enchantement sur le plan des timbres et des couleurs de l’orchestre ; elle est écrite grand orchestre avec piccolo, clarinette basse, trois bassons et un contrebasson en plus des bois « ordinaires » ; les cuivres comprennent les trompettes renforcées de deux cornets à pistons.

 

La grande aventure orchestrale
par André Popp

La Symphonie écologique d’André Popp, est tout autant bien connue grâce à « Piccolo, Saxo and Cie », une fresque orchestrale (qui est aussi un conte musical, créé en 1956), tout aussi inspirée, qui permet à l’orchestre de déployer d’étonnantes aptitudes oniriques et féeriques où la musique « dit la terre, les éléments, le fracas des hommes et la renaissance des fleurs au printemps », tout le cycle d’une vie terrestre condensé en une partition. André Popp imagine un orchestre où aucun instrument ne s’entend avec les autres, jusqu’à ce que tous comprennent qu’ils ne sont rien sans complicité, entente, écoute collective… ainsi les cordes apprennent à découvrir et apprécier les saxophones ; ensemble ils partent à la découverte des autres familles d’instruments (les bois, les tambours, les cuivres, mais aussi la guitare et le piano). Une grande famille fraternelle et nouvelle révèle enfin la puissance de l’orchestre réuni, ressoudé… Le programme parlera à tous.

 

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Opéra de Dijon – Auditorium
Samedi 14 déc 2024, 17h
Durée : 1h sans entracte
INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site de l’Opéra de Dijon, saison musicale 2024 – 2025 : https://opera-dijon.fr/fr/au-programme/calendrier/saison-24-25/orchestre-dijon-bourgogne-et-orchestre-symphonique-de-macon/

distribution
Direction musicale : David Hurpeau
Orchestre Dijon Bourgogne
Orchestre Symphonique de Mâcon
Récitant : Christophe Lacassagne
Illustrations : Emmanuelle Ayrton
Modération : Thierry Weber

 

 

programme

Paul Dukas : 
L’Apprenti sorcier

André Popp : Piccolo, Saxo et Cie 
Symphonie écologique

 

 

VIDÉOS

 

André Popp : Piccolo, Saxo et Cie 
Symphonie écologique

 

 

Paul Dukas : l’Apprenti sorcier par Mikko Franck et l’orchestre Phillh de Radio France

INSULA ORCHESTRA. Musiques baroques et classiques au cinéma, les 13, 14, 17 déc 2024. Vivaldi, Purcell, Bach, Haendel, Mozart… David Fray, Justin Taylor, Julien Martineau, Pierre Génisson, Carlo Vistoli… Laurence Équilbey, direction

Insula Orchestra rend hommage aux plus grands tubes de la musique baroque et classique, à leur utilisation et à leur impact décisif au cinéma comme élément majeur de la créativité cinématographique.

 

Autant d’instants miraculeux où les instruments de l’orchestre portent le jeu des acteurs, intensifient la charge émotionnelle des situations au grand écran. Que serait « 2001 l’Odyssée de l’espace » sans Ainsi Parla Zarousthra de Richard Strauss ? Et « Le Patient anglais » sans JS Bach, « Barry Lindon » sans Haendel, ou « Out of Africa » sans le Concerto pour clarinette du divin Wolfgang ?

 

« Le cinéma de Stanley Kubrick vous fascine, les comédies romantiques vous bouleversent ? La fine fleur des musiciens classiques leur rend hommage avec Vivaldi, Purcell, Haendel, Bach ou Mozart… ». Autant d’airs classiques qui sont désormais indissociables des grandes réussites au 7è art. Laurence Equilbey réunit une génération d’artistes talentueux et partage son amour du cinéma et fait de ces « B.O. baroques », une soirée cinéphile et musicale. Pendant le concert, sur un grand écran, de somptueuses scènes mythiques sont restituées où la musique classique tient le premier rôle ! Un mariage parfait entre musique et 7ème art.

 

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La Seine Musicale
Auditorium Patrick Devedjian

Insula Orchestra : B.O BAROQUES / musique classique au cinéma
Vendredi 13 décembre 2024, 20h
Samedi 14 décembre 2024, 18h
Mardi 17 décembre 2024, 20h
Durée : 1h30 avec entracte

INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site d’INSULA ORCHESTRA / La Seine Musicale : https://www.insulaorchestra.fr/evenement/musiques-de-cinema/

 

Vivaldi, Purcell, Bach, Haendel, Mozart

Distribution
David Fray, piano
Justin Taylor, clavecin
Julien Martineau, mandoline
Rossmery Rangel, mandoline
Pierre Génisson (13 déc.) / Vincenzo Casale (14 déc.), clarinette
Carlo Vistoli (13 & 14 déc.), contre-ténor
Fernando Escalona (17 déc.), contre-ténor

Insula orchestra
Laurence Equilbey, direction
Thomas Baronnet, présentation et vidéo
Caroline Barbier de Reulle, collaboration à l’écriture
Concert est interprété sur instruments anciens

 

 

SOIRÉE DE GALA À LA SEINE MUSICALE
À l’occasion de la première de Musiques de cinéma, B.O. baroques, Insula orchestra vous convie à une soirée de Gala à La Seine Musicale. Une occasion de prolonger la magie du concert, mais aussi de découvrir et soutenir nos futurs projets artistiques.
 Avec la participation exceptionnelle de Julie Gayet, Marraine de l’événement.

Offre spéciale Gala du vendredi 13 déc 2024
PROGRAMME DE LA SOIRÉE, VENDREDI 13 DÉCEMBRE 2024
19h : Cocktail
20h : Première de Musiques de cinéma, B.O. baroques, la nouvelle création visuelle et commentée d’Insula orchestra dirigée par Laurence Equilbey autour de scènes mythiques du cinéma
21h30 : Dîner en compagnie des artistes
Réservations et informations à l’adresse [email protected] ou par téléphone au 01 42 46 67 88.
À partir de 300 € pour une participation individuelle (inclut un don de 150 € déductible de vos impôts).
À partir de 2000 € pour une table de 8 personnes (inclut un don de 800 € déductible de vos impôts)

CRITIQUE CD événement. La naissance de Versailles (Louis XIII). Chœur de l’Opéra Royal, Consort Musica Vera. Jean-Baptiste Nicolas, direction (1 cd CVS Château de Versailles Spectacles)

Grandioses, solennels, en effectif engagé comme une humanité rassemblée, fervente, à l’élan doxologique indiscutable, les chanteurs du collectif rassemblé ici, ne manquent pas d’attraits, dans l’intensité comme dans la sincérité du geste vocal.

 

Le chef Jean-Baptiste Nicolas reconstitue ce qui pourrait être la première messe circonstancielle à Versailles ; il rassemble le Chœur de l’Opéra Royal et le Chœur de la Maîtrise de Paris – CRR pour, entre autres, chanter la gloire du premier Bourbon dans la place, soit Louis XIII, qu’il s’agisse de la prière conquérante d’un Nicolas Formé (Kyrie de sa Messe si atypique), du très opératique « Ex Ore Infantium » à double chœur d’un Guillaume Bouzignac tout aussi affirmatif et d’une opulence manifeste… Les deux compositeurs concentrent d’ailleurs la matière captivante de ce programme qui précise le faste monarchique de Louis XIII et évoque l’ambiance du premier Versailles (1623).

 

La pompe versaillaise si spectaculaire et raffinée à l’époque du fils (Louis XIV) prend sa source ici même, ponctuée de séquences plus méditatives réalisées à l’orgue à partir de pièces de Jean Titelouze, – de quoi explorer le principe de liturgie royale versaillaise sise dans cet enregistrement à la Chapelle Royale de Versailles (même si orgue et chapelle ne furent jamais connus de Louis XIII).
Mais le principe d’une messe de consécration se justifie absolument ; qu’elle ait été réalisée selon le vœu de Louis XIII qui apprit à aimer un site de plus en plus emblématique, importe peu car le prétexte avéré ou non, offre l’occasion de restituer le decorum propre à son règne ; comment pouvait sonner une célébration royale dans les années 1620, l’autorité du Roi se manifestant évidemment à travers son château (pour l’heure, le premier Versailles est un pavillon de moyenne grandeur avec surtout son domaine de chasse) et tout l’arsenal de sa musique officielle, ainsi déclinée sous tous ses aspects (essentiellement ici, musiciens de la Chapelle et de l’Écurie), empruntant au sacré (textes liturgiques et orgue) comme au profane circonstanciel et militaire, d’essence prestigieuse et solennelle (effectifs opportuns : cornets, sacqueboutes, trompettes, percussions…, textes citant jusqu’au souverain lui-même, comme c’est le cas du motet « Ex Ore », déjà cité).

Fastes de la Chapelle et de l’Écurie
à l’époque du premier Versailles

Le chef Jean-Baptiste Nicolas qui dirige son ensemble Consort Musica Vera fait sonner un riche éventail de couleurs et de timbres, révélant la riche texture sonore propre à édifier le mythe du roi puissant et vainqueur, celui des protestants (à La Rochelle), ses noces avec Anne d’Autriche (1615) grâce aux musiques réunies par les Philidor (Passe Meze des grands hautbois)…
Déjà la Cour élabore des cérémonies fastueuses qui célèbrent essentiellement l’autorité royale comprenant chorégraphie équestre, pyrotechnie, sonneries diverses…
Aux côtés des motets de Bouzignac, aussi spectaculaires que dramatiques (opposant une voix soliste d’imprécation à la masse dense des deux chœurs et de l’orchestre), s’affirme tout autant la doxologie active de Nicolas Formé dont la Messe à double chœur (avec sa spécificité française : l’un aigu, l’autre grave), est un cas unique qui n’a rien à envier aux vertiges polychoraux italiens. Les interprètes à travers ses 6 épisodes, ponctués des pièces complémentaires, en expriment le souffle, le dynamisme, l’éloquence à la fois diverse et complexe (échos, réponses, spatialité, rupture rythmique incessante…) : une révélation à ce stade. Même sens du défi réussi pour la restitution supplémentaire du Te Deum de la Sainte-Chapelle, hymne glorieux par excellence, ici reconstitué par le compositeur contemporain Pierre Chépélov et avec le concours des enfants de la Maîtrise de Paris qui chantent en monodie avec l’orgue, les versets impairs. Majestueux et enivrant.

 

 

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CRITIQUE CD événement. La naissance de Versailles (Louis XIII). Chœur de l’Opéra Royal, Consort Musica Vera. Jean-Baptiste Nicolas, direction (1 cd CVS Château de Versailles Spectacles) – CD n° CVS140 – enregistré à la Chapelle Royale de Versailles en oct 2023. Plus d’infos sur le site de la boutique Château de Versailles Spectacles : https://tickets.chateauversailles-spectacles.fr/en/product/1877/cvs140_cd_la_naissance_de_versailles

 

TEASER VIDÉO

La Naissance de Versailles – Chœur de l’Opéra Royal, Consort Musica Vera – Jean-Baptiste Nicolas

 

En 1607, Louis XIII découvre Versailles avec son père Henri IV et y fait construire un relai de chasse en 1623. Jean-Baptiste Nicolas imagine une cérémonie religieuse pour marquer ce moment, réunissant la grande Messe de Formé, des Motets, des fanfares éclatantes et des chœurs pour une célébration musicale grandiose …
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SCHUBERT. Maurizio et Daniele Pollini, pianos (1 cd DG Deutsche Grammophon, juin 2022)

Deutsche Grammophon publie le dernier enregistrement du pianiste italien qui fut l’un des porte drapeaux de sa marque prestigieuse, Maurizio Pollini. C’est surtout un album réalisé à deux, en famille…

 

Le père tout d’abord, Maurizio Pollini qui depuis l’enregistrement de ce disque (juin 2022) nous a quitté en mars 2024, sait faire crépiter toute la pensée fluide d’un Schubert abandonné à ses rêveries intérieures. Le pianiste offre ici son dernier enregistrement édité par DG Deutsche Grammophon, dans le jaillissement sonore, miraculeux du premier « Molto moderato » qui ouvre la Sonate D 894 de 1826 ; bientôt contredit par le discours plus heurté et contrasté de l’ »Andante » où là encore, la volubilité comme suspendue, aérienne du pianiste enchante et fait émerger dans une liquidité onirique, le dessin de mélodies intactes qui semblent venir de l’enfance.

 

Puis le fils, Daniele, emboîte le pas de l’astre paternel dans les 6 « Moments musicaux » de Schubert (1823 – 1828) avec une pudeur finement cultivée qui s’avère tout autant nuancée et idéalement rêveuse dans les mouvements intercalaires plus lents (dès l’Andantino n°2 – le mouvement suspendu le plus développé-, où se clarifie l’activité de la vie souterraine, secrète et comme mystérieuse)… énoncée, vécue comme un rituel intime d’une éloquence assumée jusque dans ses moindres accents et nuances – beau contraste avec l’Allegro moderato qui lui succède (n°3). Tout le cycle des 6 moments prépare l’accomplissement du dernier épisode « Allegretto » n°6, – de plus de 8 mn, donc le plus développé, où Schubert exprime un tout autre sentiment : de plénitude et de profondeur, à la fois ample et intime où le pianiste en complicité ténue avec le compositeur, maîtrise l’amplitude que produit les deux dimensions, macro / micro ; il plonge ainsi dans un monde introspectif de plus en plus ouvert et large, sombre mais rassurant. Enfin les deux interprètes jouent le quatre mains le plus bouleversant de Schubert, la Fantaisie D 940 (1828) dont ils savent suggérer le chant de l’indicible (y compris dans le – très bref-« largo ») ; et pour chaque variation comme chaque modulation harmonique, les deux funambules relèvent le défi du passage entre inquiétude et impérieuse nécessité, avec un don prodigieux dans l’émergence et le déploiement de chaque motif ; ils en réalisent le jeu architecturé du contrepoint ; la clarté bondissante de la polyphonie, en particulier dans la réexposition « tempo I » qui permet à la fois d’élargir encore la conscience et de refermer le cheminement ainsi jalonné de points de partage et de compréhension qui vont au delà des notes.

 

Qu’il ait été gravement inspiré par son amour impossible pour la comtesse Caroline Esterházy, Schubert dans la continuité du flux musical fait éprouver toute une expérience sonore et sensitive qui traverse les mondes et les états de conscience grâce au jeu poétique, complice et complémentaire des deux pianistes, père et fils. De sorte que nous tenons là, un superbe accomplissement musical, l’acte émouvant d’une transmission exemplaire.

 

 

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SCHUBERT. Maurizio et Daniele Pollini, pianos. 1 cd DG Deutsche Grammophon – enregistré à Munich (Herkulessaal), juin 2022. CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2024