lundi 24 mars 2025

CRITIQUE, concert. ORLÉANS, le 8 février 2025. PÉPIN, LISZT, JOUBERT, WAGNER… Orchestre symphonique d’Orléans. Marius Stieghorst, direction

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L’écoute de œuvres de la compositrice contemporaine CAMILLE PÉPIN continue de produire ses indiscutables délices ; preuve est faite si l’on en doutait encore que partitions contemporaines et plaisir auditif sont compatibles ; « les eaux célestes » (2023) relèvent le défi de leur titre en forme d’oxymore…

 

L’immatérialité céleste (justifiée par la légende chinoise qui est le prétexte littéraire de la partition) fusionne ici avec la texture liquide en un précipité alchimique, orchestralement passionnant à suivre ; c’est un scintillement ravélien dont l’hypersensibilité de l’écriture s’inscrit dans le sillon de la grande école française, celle que l’on aime absolument : créative, vibratoire, hautement suggestive ; filigranée et subtile, pointillisme et impressionniste… Le chef soigne chaque phrase de cette parure instrumentale qui joue sur la transparence ; il déduit de la matière des nuages en question, ce chant tout en ondes et vibrations particulières dont les apports les plus significatifs sont produits par les nombreuses percussions dans le sens d’un ruissellement et d’un scintillement continus [les claviers : célesta, marimba, vibraphone,…], sans omettre l’éclat tout aussi ciselé des teintes métalliques [cloches, gongs,…]. L’orchestre de Camille Pépin qui s’éveille ainsi et murmure, exprimant l’impérieuse activité de l’intime, produit le meilleur lever de rideau d’un programme très habilement conçu. Et qui va crescendo pour le plus grand plaisir du public.

 

Avec LISZT, l’Orchestre symphonique d’Orléans montre combien il est chauffé à blanc pour Promethée [poème symphonique de 1855], évocation spectaculaire et vertigineuse de la geste du titan audacieux, traître aux dieux, qui déroba donc le feu divin pour l’offrir aux hommes) … Les instrumentistes façonnent en tensions et coups de force, cette montagne symphonique, âpre et convulsive dont les secousses expriment la lutte effrénée, radicale, l’endurance de Prométhée. Cordes acérées, cuivres rageuses, bois électriques…L’élévation espérée de Promothée, jamais réalisée est refusée par Zeus lui-même. Et le déroulement qui se referme et se répète traduit le supplice qu’inflige pour l’éternité le dieu juge, au demi dieu rebelle. Précis et véhément, l’Orchestre rugit en vagues denses, vives ; chef et instrumentistes soulignent tous les accents de la palette lisztéenne, sa furieuse efficacité dramatique, sachant aussi éclairer d’étonnantes couleurs wagnériennes ; comme des harmonies proprement Franckistes…

S’y condensent la forge éruptive et volcanique, toutes les secousses liés à la colère jupitérienne et aux morsures infligées à celui qui a fait le choix des hommes plutôt que des dieux : haine et souffrance composent un tableau orchestral des plus tendus et contrastés avec cependant des séquences de pur hédonisme instrumental ; Liszt ciselant la couleur pour davantage d’expressivité. Dans ce combat de tous les diables, l’espoir et la résilience de Promethée sont les vrais sujets. Les instrumentistes réussissent plusieurs séquences dont la somptueuse partie née de l’alliance cor de basset / violoncelles, et ensuite la réitération du motif de Prométhée, exposé par le cor solo.

 

En seconde partie place à la création de JULIEN JOUBERT [orléanais né en 1973], « La boîte de Pandore » jouée en création. C’est une musique très séduisante et efficace dont l’orchestration [Clément Joubert] sert idéalement le sujet de Promethée [introduit par Liszt auparavant] puis de Pandore grâce à l’appui d’un très bon texte dit [et écrit] par le récitant [ Hugo Zermati] et une enfant (Emma Benseddik, élève du CRD d’Orléans). Malgré un problème d’équilibrage du son car les tutti de l’Orchestre couvrent systématiquement les deux acteurs récitants [au point de rendre inaudible alors leur dialogue], saluons la qualité du texte et l’articulation du récitant, apte à raconter le duel Jupiter / Prométhée, la sanction du Dieu surpuissant qui s’appuyant sur le désir et la curiosité, parvient sans mal à punir l’humanité en présentant à Prométhée et son frère, Epiméthée, la sublime Pandore, l’agent de tous les maux de la terre.

L’espérance qu’elle fait surgir de la jarre promet une échappée à la fatalité, ce qui permet ensuite d’enchaîner avec le sublime poème de Victor Hugo [L’avenir / L’année terrible écrit en 1872], dit depuis le praticable du chef : où de la barbarie générale surgit dans la gueule du lion de la guerre, le chant divin d’un rouge-gorge, porteur d’espoir.
La partition développe en particulier le désarroi et la souffrance de Promothée, puis dans un tango séducteur fait surgir la beauté fatale de Pandore, enfin dans un ultime élan mélodique, la puissante image de l’espoir qui structure le rayonnant final :  » par l’art, l’intelligence peut vaincre. Un espoir est possible » ainsi que le texte le précise [par la voix de l’enfant].

Le programme symphonique tenait la promesse d’une gradation à la fois spectaculaire et poétique… La conception programmatique, exemplaire, a produit ses fruits : Pépin, Liszt, puis Joubert ; et enfin, apothéose attendue [et dessert délectable] WAGNER, le plus suggestif et le mieux conçu, l’ultime scène de son opéra parmi les plus subtils sur le plan orchestral : La Walkyrie. L’Orchestre Symphonique d’Orléans relève les défis multiples d’une séquence redoutable dont le sujet est le mur de flammes suscité par Wotan, père aimant qui exile sa fille, mais en lui garantissant une protection flamboyante (au sens strict) ; aux instrumentistes revient le défi d’exprimer la muraille de flammes dansantes et crépitantes, mais aussi les déchirants adieux du père à sa fille chérie, la Walkyrie trop compatissante, et qui s’éveillera à l’amour [de Siegfried] devenue désormais Brünnhilde la mortelle. Marius Stieghorst se saisit de la partition avec une énergie redoublée… défendant une conception expressive et dramatique qui recrée pour les spectateurs d’Orléans, la forge primitive, ce flamboiement à la fois soyeux et scintillant dont Wagner a le secret (et l’éloquente maîtrise) pour chaque final de ses opéras : puissance et vitalité des cuivres, bois souverains en totale fusion avec la soie voluptueuse des cordes, le grand sorcier Wagner s’impose en fin de soirée, déversant des torrents de prodiges instrumentaux. Superbe soirée symphonique à Orléans.

 

L’Orchestre Symphonique d’Orléans crée La Boîte de Pandore de Julien Joubert, création, commande de l’Orchestre © classiquenews 2025

 

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CRITIQUE, concert. ORLÉANS, le 8 février 2025. PÉPIN, LISZT, JOUBERT, WAGNER… Orchestre symphonique d’Orléans. Marius Stieghorst, direction

 

agenda

PROCHAIN CONCERT événement de l’orchestre symphonique d’Orléans : les Sam 26 et Dim 27 avril : latin-jazz Symphonic, ou la fusion heureuse, réjouissante des rythmes et mélodies Latino jazz au format Symphonique, avec le trio de jazz mené par le pianiste Dominique Fillon et les instrumentistes de l’Orchestre symphonique d’Orléans – PLUS D’INFOS et réservations directement sur le site de l’orchestre symphonique d’Orléans : https://www.orchestre-orleans.com/concert/latin-jazz-symphonic/
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