lundi 24 mars 2025

CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie, les 11 et 12 janvier 2025. MAHLER : Symphonie n°3… Orchestre Symphonique Simón Bolívar, Gustavo Dudamel.

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Les 11 et 12 janvier derniers, la Philharmonie de Paris célébrait son dixième anniversaire. Une décennie au cours de laquelle ce lieu est devenu un symbole incontournable de la scène culturelle mondiale, accueillant les plus grandes formations et les artistes les plus captivants, tout en restant fidèle à sa mission publique pour la démocratisation musicale. Saluons également les concerts au sein du Musée de la Musique, où le niveau a été de tout premier plan. Pour commémorer cette première décennie, la plus emblématique des formations latino-américaines, l’Orchestre Symphonique Simón Bolívar, était l’invité d’honneur sous la baguette de Gustavo Dudamel, son maestro vedette. Photos : Gustavo Dudamel © C. Herouville

 

 

Sa venue à la Philharmonie était particulièrement chargée de symboles, dans un moment où le contexte politique et social du Venezuela reste délicat. Pourtant, loin du tumulte, ce qui s’est déroulé sur le plateau a été une démonstration magistrale d’engagement artistique et humain. Dès l’entrée des musiciens – plus de cent, en une formation imposante –, une énergie rare et palpable envahit la salle. Le programme s’ouvrait avec une œuvre chorale du regretté maestro José Antonio Abreu, fondateur du « Sistema », ce projet visionnaire qui a changé des milliers de vies par la musique.

 

L’exécution, partagée avec le Choeur et les jeunes chanteurs de l’Orchestre de Paris, était d’une justesse et d’une maîtrise à couper le souffle. Puis, l’immense Symphonie n°3 de Mahler a pris le relais, monument du répertoire où l’Orchestre Simón Bolívar déploie toute sa palette expressive. Un bel hommage au fondateur du Sistema, connu pour sa passion pour la musique de Mahler. Sous la baguette de Gustavo Dudamel, précédé par l’immense travail de préparation au sein du Sistema, du brillant maestro Andrés David Ascanio, l’orchestre a su cultiver une énergie flamboyante, très communicative.

 

Les 10 ans de la Philharmonie de Paris
la leçon de musique, venue de Caracas

 

 

Le public français, éloigné de la réalité de Caracas, ne peut probablement mesurer à quel point la musique représente pour ces jeunes artistes une arme de résilience. Cette compréhension du contexte extra-musical nous aide à apprécier le concert à sa juste valeur.

Parmi les moments les plus saisissants, le pupitre de trombones s’est démarqué par sa profondeur sonore et une précision époustouflantes. Le soliste, envoûtant, expressif, a littéralement transcendé son instrument, à tel point que chaque phrase musicale semblait suspendre le temps et transformer une grande partie de cette symphonie en un concerto pour l’instrument. De son côté, la clarinette solo était tout aussi remarquable : phrasé naturel, souplesse et articulation d’une délicatesse infinie ont magnifié les passages mahlériens, rendant l’émotion palpable.

Chaque phrasé était sculpté avec souplesse et variété, et les emprunts folkloriques intégrés par Mahler dans son orchestration prenaient une dimension plus rythmique et dansante que d’ordinaire. La texture créée par les instruments d’accompagnement, notamment les altos, donnait à chaque mesure de la monumentale symphonie une importance particulière, les élevant presque au rang de pièce maîtresse du discours musical.

Mais au-delà de la technique, c’est l’âme collective du Bolívar qui rayonnait : une passion et une intensité capables d’emporter l’auditoire dans une expérience sensorielle inoubliable.

Cela aurait été largement suffisant pour rendre cette soirée mémorable, mais quelque chose d’autre, bien plus sensoriel happait et exposait à une réalité sonore qui ne peut être perceptible que lorsque les musiciens ont un engagement total. Les Boss de Caracas, ces jeunes musiciens, savent condenser dans leur musique des valeurs universelles telles que le partage, le dépassement de soi, la réussite par le collectif, et la sublimation de toutes les difficultés par le beau.

Cette soirée a été une leçon de musique et de vie. Dans une période où les politiques culturelles sont guidées par des logiques économiques, l’exemple du « Sistema » montre que la culture n’est pas un luxe, mais une nécessité. Elle est un moteur de résilience, de cohésion sociale, un levier d’éducation. Ces jeunes musiciens prouvent que la musique peut transcender les difficultés, devenant un vecteur de transformation et d’espoir. Une émotion universelle nous rappelle pourquoi l’humain doit prévaloir.

Cette expérience a montré que nous vivons une période où les subventions culturelles sont souvent supprimées, réduisant notre société à une logique de rentabilité et de maîtrise budgétaire. Une telle approche risque d’être néfaste. Ne serait-il pas temps, à l’exemple de ces jeunes du Sistema, de promouvoir une vision forte et réfléchie sur le rôle de la musique dans la société et les moyens d’assurer son rayonnement ?

 

Critique rédigée par Bruno Procopio, claveciniste & chef d’orchestre.

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