lundi 24 mars 2025

CRITIQUE, concert. METZ, Cité Musicale de Metz / Salle de l’Arsenal, le 7 février 2024. CAMPRA : Requiem (et oeuvres d’autres Maîtres de Notre-Dame de Paris). Ensemble Correspondances, Sébastien Daucé (direction)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

A la Cité Musicale de Metz, Sébastien Daucé et son ensemble Correspondances soulignent la vitalité des compositeurs de Notre-Dame de Paris, entendue comme l’épicentre de la musique sacrée depuis la fondation de la cathédrale, en particulier au 17ème siècle, quand la Chapelle Royale y puise ses talents les mieux inspirés. Avec, au cœur de ce programme, le Requiem d’André Campra, chef-d’œuvre de la musique sacrée du Grand Siècle.

 

NOTRE-DAME de PARIS affirme une activité continue dont le XVIIème profite : cet essor de la musique sacrée et liturgique est le sujet de ce concert. Artisans de ce patrimoine musical dont on mesure grâce aux interprètes, la diversité comme l’ampleur : Pierre Robert, Jean Veillot, François Cosset ainsi réhabilités. Leurs Motets inédits constituent comme un préambule hautement inspiré au Requiem d’André Campra (1660-1744), l’une des partitions à la fois les plus abouties et populaires de son auteur, car elle envisage la mort sous un angle pacifié et serein, non pas l’épreuve doloriste et endeuillée, mais un passage menant vers une libération enviable…

 

L’implication des musiciens dans la Grande Salle de l’Arsenal de Metz est totale, produisant une sonorité cohérente, qui éclaire la force et la ferveur intérieure des différentes partitions. Jouer les « précurseurs » de Campra, surtout Robert et Cosset, dévoile le niveau musical parisien à la fin du XVIIème siècle. Un creuset artistique qui fera l’admiration d’un J.S. Bach… Et la place de Campra est d’autant plus légitime ici, qu’à son arrivé à Paris dès 1694 depuis son Aix-en-Provence natale, il compose de la musique sacrée comme Maître de musique à Notre-Dame (1698), bien avant d’écrire son singulier Requiem (1722)… Composé probablement pour un service à la mémoire de l’archevêque de Paris, François de Harlay, le Requiem est une partition pleinement aboutie. La complexité de sa polyphonie y est aussi expressive que les airs des solistes, préfigurant le goût de Campra pour l’opéra et la dramatisation. Campra commence alors l’écriture de L’Europe galante, fleuron lyrique avant les opus de Rameau.

 

Ici manquent le Dies irae et le Libera me, sections certainement destinées au plain chant. Dès l’Introït se dévoile le charme du compositeur provençal, auteur galant, amoureux de la couleur, qui sait tisser une écriture émouvante. Sous la battue de son chef Sébastien Daucé, l’Ensemble Correspondances s’ingénie avec conviction à caractériser chaque épisode de la Messe des Morts : gravité du Kyrie, énergie rythmique du Graduel marqué par le jaillissement final de la lumière céleste, l’opéra n’est jamais loin comme en témoigne dans l’Offertoire, après le recueillement endeuillé de son début, l’évocation très dramatique des enfers (sur les mots « Ne absorbeat ») à laquelle succède la claire référence au salut tant espéré. Optimiste et de plus en plus léger, le caractère du Sanctus s’impose dans un très beau dialogue entre le petit chœur des voix aiguës et le grand chœur plus dramatique ; et après l’Agnus Dei, aimable lui aussi (solo du dessus), s’affirmant comme la conclusion ultime, la majesté de la Communion où rayonne le chant de la basse bien timbrée, joyeuse et lumineuse, qui exulte à l’énoncé de l’éternité promise.

 

 

Dans ce raffinement qui mêle sentiment et caractère, prière et théâtre, chef et musiciens montrent combien Campra s’affirme ici comme un auteur majeur du Baroque français, bientôt nommé par le Régent à la Chapelle Royale à Versailles (en 1723) où il composera encore plus de quarante Grands Motets, dans la tradition spectaculaire et fervente du fondateur du genre.. Jean-Baptiste Lully. A la fois dansant, mystique et subtilement virtuose (dans la vocalité toute opératique des solos des chanteurs), le Requiem édifie une manière de chorégraphie sublimée où sentiment d’impuissance, de perte ou de crainte, est définitivement abolie…

 

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CRITIQUE, concert. METZ, Cité Musicale de Metz / Salle de l’Arsenal, le 7 février 2024. CAMPRA : Requiem (et oeuvres d’autres Maîtres de Notre-Dame de Paris). Ensemble Correspondances, Sébastien Daucé (direction). Toutes les photos © Michel Aguilar

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