lundi 24 mars 2025

CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, Opéra Berlioz, vendredi 31 janvier 2025. « Traversées » : Ravel, Barber, Tchaïkovski. Orchestre national Montpellier Occitanie, Roderick Cox (direction)

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Sabine Teulon-Lardic
Sabine Teulon-Lardic
Critique et Musicologue : l'un nourrit l'autre et vice versa ! Sabine a écrit une Thèse sur l'opéra-comique au XIXe siècle.

Sur la nef Opéra Berlioz, la traversée entre l’Europe et l’Amérique du nord s’effectue avec splendeur sous la direction de Roderick Cox, directeur musical de l’Orchestre national Montpellier Occitanie depuis septembre dernier. De la Pavane de Maurice Ravel aux Symphonies de Samuel Barber et de Piotr Illitch Tchaïkovski, les gradations sonores gagnent en profondeur. Lors de son interview sur France Musique, le 9 décembre dernier, le chef d’orchestre Roderick Cox confiait : « Je suis chez moi à Montpellier, cela me permet d’être dans l’esprit d’équipe et de créer quelque chose sur la scène internationale ». 

 

S’il est un domaine où les frontières s’effacent, plus encore que celui sportif, c’est bien celui musical qui enjambe les frontières, tout en conservant les identités. Le programme de cette soirée l’illustre parfaitement, déjà par le programme sélectionnant tour à tour la subtile orchestration ravélienne, les orgues monumentaux de Barber avant de remonter le temps avec la fougue romantique de Tchaïkovski. Mais la stature charismatique du chef nord-américain illustre tout autant cet effacement des frontières. L’accueil enthousiaste que lui réserve le public montpelliérain remplissant l’Opéra Berlioz (2.000 places) dévoile une fière appropriation du « chef de son orchestre ». Tel était déjà le cas lors de l’arrivée du chef danois, Michael Schønwandt, en 2015.

 

Avec sa 1ère Symphonie, le jeune compositeur Samuel Barber (27 ans) fait le pari d’unifier les mouvements traditionnels en une seule entité, comme Schönberg le tentait avec sa Symphonie de chambre op. 9. Mais chez le nord-américain, le registre est celui de l’épopée, à l’instar d’un Sibelius ou d’un Honegger. D’emblée, le brasier symphonique brasse flux et reflux incessants d’une immense formation post-romantique. Si quatre tempi (ou phases) se dégagent pleinement, chacun est porteur d’une grandiloquence, de secousses et de ruptures qui se répercutent… jusqu’au pont supérieur de la nef Opéra Berlioz. L’ambitus des registres (de l’excellent tuba jusqu’aux violons) et les alliances de timbres génèrent une densité souvent monolithique. Cette densité s’accommode même d’une construction finale variée (une passacaille) qui amplifie le thème initial, sans atteindre la subtilité du final de la 4ème Symphonie de Johannes Brahms. Auparavant, l’interprétation soigne l’unique épisode Vivace. Ici, le motif (évoquant celui straussien de Till l’espiègle) caracole de pupitres en pupitres de manière quasi cinématographique.

 

Dirigée par cœur par Roderick Cox, la 4ème Symphonie op. 36 de Piotr Illitch Tchaïkovski soulève les passions conflictuelles au fil de mouvements suggérant les aléas d’une destinée. Le thème initial, désigné par le compositeur comme celui du « Destin », résonne avec une parfaite stéréophonie entre trompettes et cors, alors que la suite manque de rebond dans les syncopes qui creusent habituellement le climat d’incertitude. Si la mélancolie nimbe l’Andantino central par la grâce d’une canzone qui circule souplement à l’orchestre, la virtuosité du Scherzo fait valoir les piques bondissantes émises par chaque famille – pizzicati des cordes, staccato des bois et accelerando des cuivres. L’Allegro con fuoco éclaire la soirée par son joyeux bouillonnement qui dénoue librement les thèmes récurrents.

 

Sur le podium, la gestuelle d’une force maîtrisée du chef insuffle une énergie qui irrigue tous les rangs de la phalange. Et révèle également la qualité optimale de solistes sollicités par ces œuvres, notamment le corniste (S. Carboni) défiant la Pavane sur son cor naturel (et non à pistons), le hautbois solo (Y. Chang Jung), rêveur poétique de l’Andante tranquillo chez Barber, le basson solo (R. Bernard) déroulant les déhanchés syncopés de la symphonie romantique. Aussi, aux saluts, le public trépignant acclame autant le collectif de l’orchestre que les pupitres que le chef fait lever un par un. On ne peut que souhaiter de longues traversées à l’équipage de Roderick Cox à l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie.

 

 

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CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, Opéra Berlioz, vendredi 31 janvier 2025. « Traversées » : Ravel, Barber, Tchaïkovski. Orchestre national Montpellier Occitanie, Roderick Cox (direction). Toutes les photos © Marc Ginot

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