lundi 24 mars 2025

ENTRETIEN avec François BOU, à propos de sa nomination à la direction artistique de la Casa da Música à Porto (Portugal)

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Directeur de l’Orchestre National de Lille jusqu’en janvier 2025, François Bou inaugure en février une nouvelle page de sa formidable trajectoire, comme directeur artistique de la CASA DA MÚSICA à PORTO. L’occasion est belle de lui demander ce qu’il retient de son travail au sein de l’ON LILLE et aussi ce qu’il souhaite développer au Portugal… à l’aube de nouveaux défis prometteurs (portrait de François Bou © S. Pruvost)
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CLASSIQUENEWS :  Avec le recul quel est votre regard sur vos années passées au sein de l’ONLILLE / Orchestre National de Lille ? Quel est votre bilan ?

François BOU : Évidemment tout cela a pu se réaliser grâce à un formidable travail d’équipe, avec l’ensemble des équipes de direction, artistique, technique et administrative. Avec le recul, je dirai que nous avons réussi à accompagner l’après Jean-Claude Casadesus. Ce fut une période de transition délicate.

En ce sens je suis très heureux d’avoir pu recommander et faire choisir à sa succession Alexandre Bloch ; puis 8 années après, Joshua Weilerstein qui vient de prendre ses fonctions depuis septembre 2024. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec Alexandre ; nous avons innové en termes d’offres et de formats, comme le nouveau festival d’opéra, « Les Nuits d’été » chaque juillet ; en termes de communication avec les publics aussi, à l’attention desquels nous avons multiplié des propositions de plus en plus créatives… Joshua ira encore plus loin probablement en relation avec sa personnalité.

L’autre point important de notre travail à Lille demeure le développement de l’audiovisuel et de la politique d’enregistrement. Nous avons investi dans un studio numérique autonome qui a permis d’enregistrer nos propres programmes. Cela a permis de créer des partenariats avec les labels, en particulier Alpha classics. En 10 ans, l’Orchestre a enregistré  20 cd, en majorité réalisés sous la direction d’Alexandre Bloch. Nous avons aussi développé des partenariats avec les chaînes de télévision telles que Mezzo, Arte, France Télévisions…

Cela a permis également le développement de notre propre chaîne youtube, avec « l’Audio 2.0 » en particulier pendant la pandémie ; l’Orchestre a pu ainsi proposer un cycle ininterrompu de streamings, maintenir son activité, préserver sa pratique, jouer de façon ininterrompue, partager avec son public, malgré le confinement.
Dans le contexte actuel, c’est à dire aujourd’hui plus qu’hier, il faut préserver coûte que coûte la visibilité, l’adaptabilité, la réactivité. Avec comme corollaire essentiel et non négociable, l’exigence artistique la plus haute. Comme d’ailleurs aussi, d’une façon générale, il ne faut jamais sacrifier l’ambition artistique, en interne et vis-à-vis des partenaires

Un autre point important concerne les ressources propres que sont la billetterie et le mécénat. Ils n’ont cessé de se développer jusqu’à la pandémie ; et cela repart aujourd’hui. L’image de l’Orchestre comme entité collective forte a permis de tracer un autre sillon après ses 40 premières années sous la direction de son fondateur Jean-Claude Casadesus. L’Orchestre s’est construit une identité propre, comme acteur important du territoire. Ainsi nos mécènes et tous nos partenaires nous ont suivis. Tout cela a profité à son image hexagonale comme internationale.

 

CLASSIQUENEWS :  Quelles sont les spécificités de la Casa da Música à Porto ?

François BOU : Officiellement je prendrai mes fonctions au fur et à mesure de l’année 2025 et signerai ma première saison en 2026. Au Portugal, chaque saison musicale suit l’année civile. La Casa da Música est d’abord un extraordinaire objet architectural qui attire les visiteurs du monde entier. Son auteur Rem Koolhaas qui a conçu aussi le Palais des congrès de Lille, signe à Porto, un écrin qui s’inscrit dans la modernité la plus créative. Son architecture appelle une programmation spécifique ; elle est déjà une déclaration d’intention. Y inscrire une programmation routinière serait impensable. Par ailleurs, la Casa da Música est l’une des rares institutions culturelles en Europe à intégrer plusieurs phalanges, complémentaires les unes aux autres : un orchestre symphonique, un orchestre baroque, un orchestre dédié au contemporain (« Remix »), un chœur professionnel, un chœur d’enfants. Elle est également dotée d’un important service éducatif. La programmation est large et particulièrement diversifiée : songez que les musiques populaires : jazz, musiques du monde, fado, variété représentent près de 30% de la programmation globale. Prenant la suite d’Antonio Pacheco, mon rôle principal sera de coordonner tout cela, d’insuffler une énergie, de tracer des perspectives, en particulier dans le sens de la transversalité entre les différentes phalanges. Il s’agira aussi de renforcer l’image de la Casa comme institution musicale de premier plan, sur le plan national et international, en s’appuyant entre autres sur le réseau européen des grandes institutions de musique (ECHO). Je souhaite imprimer ma pâte en particulier en prenant appui sur les ensembles en résidence, en renforçant aussi l’ouverture de la programmation vers la modernité (ce qui est l’ADN de la Casa da Música, en liaison avec sa très forte identité architecturale), en privilégiant aussi les artistes portugais, la création et les musiques contemporaines, la diversité des esthétiques ; certes en confirmant la place du répertoire mais aussi en invitant des chefs.fes d’orchestre au tempérament réellement captivant ; une nouvelle génération se révèle actuellement et promet bien des découvertes. L’offre au public sera aussi étoffée, diversifiée, renforcée ; comme les actions éducatives… (La Casa de Música à Porto – DR).

 

CLASSIQUENEWS :  Quels sont les équipements propres à la Casa et de quelle façon peuvent-elles aussi interférer dans la conception de l’offre musicale ?

François BOU : La Casa da Música met à disposition une multiplicité de salles et de lieux événementiels en plus des lieux conçus pour la musique : la grande salle de concert, la plus petite, sans omettre les espaces investis par les nombreuses actions du service éducatif. Mon ambition est de créer ici une activité continue dans l’esprit d’une « ruche » afin que les visiteurs venus d’abord voir l’objet architectural dessiné par Rem Koolhaas, découvrent aussi tous les lieux de musique et la très riche offre artistique qu’il contient.

 

CLASSIQUENEWS : Quelle serait pour vous, selon vos goûts personnels, une programmation idéale ?

François BOU : C’est une question d’équilibre. Entre les piliers du grand répertoire symphonique évidemment, la création, les découvertes. J’ai dans la tête plusieurs pistes ; favoriser la redécouverte des compositeurs portugais ; mais aussi développer la transversalité comme je l’ai dit précédemment. A travers des thématiques non pas trop intellectuelles mais larges, ouvertes, compréhensibles qui encouragent la circulation des idées et expriment le mouvement des influences au delà des questions de styles. Je pense par exemple à Villa-Lobos qui s’est beaucoup intéressé aux musiques populaires et les a intégrées dans ses propres partitions. Ce ne sont que quelques pistes car il y en a tellement …

 

Propos recueillis en janvier 2025

 

 

Visitez le site de La Casa de Música à PORTO : https://casadamusica.com/

Visitez le site de l’Orchestre National de Lille / ON LILLE : https://onlille.com/

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