mercredi 12 février 2025

CRITIQUE, opéra. Opéra de Massy, le 19 janvier 2025. VERDI : Le Trouvère. David Banos (Manrico), Irina Stopina (Leonora), Jiujie Jin (Azucena), Nicola Ziccardi (Luna), … Orchestre de l’Opéra de Massy, Constantin Rouits / Aquiles Machado

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A l’Opéra de Massy, une production passionnante du Trouvère de Verdi. En invitant à nouveau la compagnie Opéra 2001, Philippe Bellot, directeur de l’Opéra massicois, – après une Norma la saison dernière plus que convaincante (avril 2024)-, affichait pour 3 dates Le Trouvère, drame familial tragique dont l’essence terrifique embrase littéralement les planches. Moins par la mise en scène conforme que pour la sélection vocale. Ce soir les spectateurs bénéficient de deux solistes électrisés, percutants dans les rôles centraux du couple amoureux, Manrico (le Trouvère) et son aimée Leonora. Avant les Mario et Tosca de Puccini, Verdi brosse un portrait incandescent de deux amants, d’une insolence conquérante et dont la résilience malgré les épreuves tout du long, saisit par sa lumière continue.

 

La production tout en pénombre et éclairages crépusculaires illustre cette idée d’un labyrinthe asphyxiant qui éprouve jusqu’à le détruire, chaque individu pris dans la spirale de la haine et de la vengeance. Aucun n’en réchappe : ni la mère gitane de Manrico (dévastée par ses visions) : Azucena ; ni Manrico lui-même qui sera brûlé ; ni Leonora qui n’hésitera pas à se sacrifier tout en s’empoisonnant. Face à eux, l’esprit du mal total, débordant d’une jalousie destructrice, le Comte de Luna dont la perversité manipulatrice s’oppose aux deux figures de l’amour. Las, ce soir, le baryton (Nicola Ziccardi) ne semble pas saisir la toxicité terrifiante du personnage… chant trop lisse, manque d’engagement dramatique, débit difficile… A contrario, le couple Manrico / Leonora embrase littéralement les planches ; leur ardeur, leur intensité, le style et la couleur de chaque timbre font mouche ce soir ; d’autant que Verdi a le génie des trios et surtout des duos ; du trio avec Luna qui conclue l’acte I ; aux duos sublimes des deux derniers actes, Le Trouvère et son aimée, affichent une détermination amoureuse, ardente, impérieuse, sans jamais fléchir.

 

Les deux solistes incarnent cette ardeur, une jeunesse volontaire que le ténor David Banos (Manrico) et la soprano Irina Stopina (Leonora) partagent sans faiblir. Ce Trouvère a fier allure, impétueux, conquérant, d’une très belle intensité scénique et vocale. Même enthousiasme pour Leonora : la finesse et les somptueuses couleurs du timbre d’Irina Stopina affirme une jeune femme, déterminée, vaillante, capable d’élégance grâce à des sons filés et une attention au texte qui se bonifient en cours de représentation. Des interprètes aussi impliqués et justes enrichissent considérablement le profil psychologique et dramatique de leur personnage. A ce titre, le dernier duo entre Manrico et sa mère Azucena, dans la geôle qui les retient prisonniers, affirme une tendresse tendue qui s’avère passionnante : le ténor assure crânement tous ses aigus, dans une émission franche, une justesse sûre, des couleurs et parfois des phrasés de toute beauté. On reste moins convaincus par le chant uniforme et peu articulé de Jiujie Jin (Azucena) dont la dernière réplique, dévoile la clé de toute l’intrigue. Dans cette production qui file d’acte en acte, grâce à la baguette très efficace du chef Constantin Rouits, la musique tient sa place, les chœurs aussi, magnifiques, convaincants ; soulignons l’équilibre somptueux de l’orchestre en fosse : à la fois détaillé et motorique. Le Trouvère fait partie de la trilogie géniale verdienne, précédant Rigoletto puis La Traviata : expressionniste, contrastée, fantastique voire terrifiante, la partition enchaîne les tubes, précipite l’action, n’épargne rien ni aux spectateurs ni aux interprètes.

 

Le maestro réussit particulièrement la seconde partie quand les personnages s’exacerbent, dans une succession de tableaux spectaculaires qui exposent la détermination de Manrico, sa relation lumineuse, radicale avec Leonora, mais aussi sa relation bouleversante à sa mère Azucena… laquelle se montre submergée par l’image de sa propre mère brûlée vive. Torches vivantes, âmes éprouvées, exacerbées, situations radicales, flux orchestral lui aussi à l’impérieuse urgence… rien ne manque ce soir pour le plus grand plaisir du public qui a répondu à cette affiche : les artistes jouent à guichet fermé. Saluons l’Opéra de Massy de poursuivre ainsi une programmation parmi les plus réussies, populaire, accessible, artistiquement passionnante. Photo : © classiquenews 2024

 

 

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CRITIQUE, opéra. Opéra de Massy, le 19 janvier 2025. VERDI : Le Trouvère. David Banos (Manrico), Irina Stopina (Leonora), Jiujie Jin (Azucena), Nicola Ziccardi (Luna), … Orchestre de l’Opéra de Massy, Constantin Rouits (direction) / Aquiles Machado, mise en scène.

 

 

Prochaine production événement à l’Opéra de Massy : spectacle de danse, soirée hommage à Rudolf Noureev : dimanche 26 janvier 2025, 16h (avec 6 danseurs de l’Opéra de Paris). https://www.opera-massy.com/fr/soiree-rudolf-noureev.html?cmp_id=77&news_id=1095&vID=80

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