samedi 10 mai 2025
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CRITIQUE, opéra. LILLE, Opéra de Lille, le 8 octobre 2024. PORPORA : Polifemo. K. J. Kim, M. Lys, P. A. Bénos-Djian, J. Coca Loza… Bruno Ravella / Emmanuelle Haïm.

 

Nous sommes à l’Opéra de Lille pour la très prometteuse création lilloise de Polifemo de Nicola Porpora, en coproduction avec l’Opéra national du Rhin. Produit pour la première fois en France en début d’année, le casting est quelque peu revisité, avec désormais le fabuleux Kangmin Justin Kim dans le rôle virtuose d’Acis et la pétillante Marie Lys dans le rôle de Galatée, dirigés par la formidable Emmanuelle Haïm à la tête de son orchestre résident à l’Opéra, Le Concert d’Astrée.

 

Crédit photographique © Frédéric Iovino

 

Opera seria ma non troppo

 

Dernier opéra londonien de Nicola Porpora, rival modeste mais pompier de Haendel, l’ouvrage s’inspire très librement de deux épisodes de l’Antiquité en relation avec le cyclope Polyphème (dont le nom grec veut dire, entre autres, « bavard » et « renommé ») : l’amour maudit d’Acis et Galatée et la rencontre avec Ulysse prisonnier sur son île et qui finit par l’aveugler. Les divergences vis à vis sources originales de l’Antiquité (Ovide et Homère) ont vraisemblablement une volonté narrative dramatique : épaissir les personnages poétiques et constituer une intrigue plus dans le goût du lieu et de l’époque.

Dans ce sens, le metteur en scène Bruno Ravella paraît vouloir essayer de faire de même avec sa transposition pragmatique de l’intrigue sur le tournage d’un péplum à Cinecittà dans les années 60. L’œuvre interprétée dans une œuvre jouée dans une œuvre imaginée est une solution tout à fait convenable et efficace face aux nombreuses difficultés théâtrales que pose le genre de l’opera seria, où il est question avant tout de l’expression virtuose des affects par une succession d’airs merveilleux. Les décors et costumes fabuleux d’Annemarie Woods participent à l’allègement global des aspects trop sérieux voire moralisateurs de l’opus, mais nous nous demandons s’ils ont un effet aussi positif sur l’aspect musical, notamment en ce qui concerne le plateau.

Le personnage d’Acis (créé par le fameux Farinelli en 1735) est interprété glorieusement par le contreténor Kangmin Justin Kim, en peintre-décorateur du décor dans le décor, fortement épris, mais pas trop, de la Galatée de la soprano Marie Lys, en vedette du cinéma. Gâté d’airs connus et souvent pyrotechniques, le contreténor campe le rôle avec une aisance confondante. Il est bouleversant d’héroïsme et de bravoure dans l’incroyable « Nell’attendere il mio bene » de l’acte II, où il régale l’auditoire avec les vocalises les plus virtuoses qui soient, autant qu’il est terriblement émouvant dans l’archiconnu « Alto giove » de l’acte III, avec son incarnation exquise de gratitude fervente et de joie. Marie Lys en Galatée évolue dignement au cours des trois heures de représentation. Elle est parfois touchante et fragile, mais très souvent piquante et agile, voire tout en même temps, comme dans son magnifique air du premier acte « Se al campo e al rio soggiorna ». Avec une partition moins virtuose mais pour autant pas moins présent, le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian incarne un Ulysse à la fois grave et rigolo, avec une présence scénique correspondante et un superbe tonus vocal. La Calypso de Delphine Galou comme la Nérée de Florie Valiquette, moins présentes, proposent néanmoins de jolies caractérisations musicales, notamment la dernière avec un air pyrotechnique ravissant qui ouvre la deuxième partie de la représentation. Le Polifemo de José Coca Loza est tout à fait menaçant avec ses graves profonds et la tonicité vocale exigeante de la partition, notamment pour une voix basse. En outre, il s’agît du personnage le plus dramatique et le plus développé du livret, qui explore la plus large palette des sentiments. Le parti-pris de la mise en scène empêche malheureusement une expression théâtrale concordante, et mise avant tout sur le comique, qu’il réussit néanmoins. 

Le Concert d’Astrée sous la direction d’Emmanuelle Haïm est pur dynamisme musical et propose une prestation remarquable à tous niveaux, avec ses vents délicieux très souvent sollicités et un sens de la rythmique fantastique. Un festin baroque comme on les aime. Un spectacle à consommer sans modération, à l’affiche à l’Opéra de Lille jusqu’au 16 octobre 2024 !

 

 

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CRITIQUE, opéra. LILLE, Opéra de Lille, le 8 octobre 2024. PORPORA : Polifemo. K. J. Kim, M. lys, P. A. Bénos-Djian, J. Coca Loza… Bruno Ravella / Emmanuelle Haïm. Photos © Frédéric Iovino.

 

VIDEO : Teaser de « Polifemo » de Nicola Porpora selon Bruno Ravella à l’Opéra de Lille

 

CRITIQUE, festival. Festival (d’automne) de Glyndebourne, Glyndebourne Opera House, le 12 octobre 2024. ROSSINI : Il Turco in Italia. I. Demenkova, R. Ramgobin, A. Gomez, M. Mofidian…Mariame Clément / Olivia Clarke.

 

Pour la première fois était reprise – au Festival (d’automne) de Glyndebourne -, la production d’“Il Turco in Italia” de Gioacchino Rossini, imaginée par la metteure en scène française Mariame Clément pour le festival anglais en 2001. Une production vraiment divertissante et très amusante. Le propos de la comédie repose ici sur un écrivain contemporain, Prosdocimo, en panne d’inspiration et qui feuillette un magazine de voyage, et qui se met à créer toutes sortes de personnages et de situations à partir  de celui-ci. Installé à son bureau, il écrit, tandis que les mots apparaissent derrière lui sur un immense tableau. Au fur et à mesure qu’il apporte des modifications, celles-ci se reflètent sur le tableau. Mais sa partenaire Fiorilla intervient également, apportant des changements qui semblent provenir d’une perspective féminine plutôt que masculine. Avec ingéniosité, les personnages, les décors et les accessoires se transforment au fur et à mesure de ces ajustements. Le rôle de Prosdocimo est interprété avec beaucoup d’humour et une certaine naïveté par le baryton britannique Ross Ramgobin, en pleine ascension.

 

Crédit photographique © Tristram Kenton

 

Dès l’ouverture, cette idée est introduite lors d’une séance de dédicaces par l’auteur. Il est accompagné d’une petite amie séductrice et en quête d’attention (en fait Zaïda), qu’il abandonne au profit d’une assistante plus raisonnable. Lorsque le rideau se lève, l’auteur est à son bureau et l’assistante devient sa compagne, celle qui modifiera constamment l’histoire. La première moitié de la production se déroule dans le bureau de l’auteur, où les personnages apparaissent au fur et à mesure qu’il écrit son roman. Cela signifie également que la scénographie (comme des roulottes de gitans, une pièce du 19e siècle, puis une station-service du 21e siècle) apparaissent sur scène depuis les coulisses sur un tapis roulant, puis disparaissent de l’autre côté. Les personnages doivent aussi constamment se métamorphoser en fonction des changements dans le roman. Ainsi, le Turc passe d’un costume traditionnel à un jeans et un blouson en cuir, tandis que la femme séductrice troque ses vêtements du 19e siècle contre une tenue des années 1950, et ainsi de suite…

La soprano russe Inna Demenkova semblait avoir été vraiment surprise par la chaleur de l’accueil du public de Glyndebourne. Elle n’aurait pourtant pas dû l’être, car elle interprète le rôle de Fiorilla avec non seulement beaucoup de charme, mais aussi beaucoup d’à-propos dans les exigences vocales de Rossini, avec en plus un jeu scénique particulièrement séduisant. Cela est également vrai pour son mari, Don Geronio, interprété par le baryton italien Fabio Capitanucci, ainsi que pour le séduisant, superbement timbré et magnifiquement vocalisant, Selim chanté ici par la basse écossaise Michael Mofidian

Ces trois chanteurs ne cessent de ravir le public tout au long de la soirée, surmontant par ailleurs avec aisance toutes les exigences dramatiques, y compris les chorégraphies complexes. On a également droit aux moments de chants pétillants dus à Grace Durham dans le rôle de Zaïda, personnage terre-à-terre et en quête de l’affections du séduisant Turc. Sa scène avec la boule de cristal, par exemple, et le « combat de chats » avec Fiorilla et Zaida, sont ainsi pleines d’esprit et très amusantes. Enfin, le rôle de l’amoureux atypique est joué par un jeune homme, Don Narciso, interprété avec ferveur par le tenorino argentin Agustín Gómez.

En fosse, la cheffe d’orchestre Olivia Clarke maintient un rythme éclatant tout au long de la partition vive de Rossini, imprégnée de nombreuses influences mozartiennes. Tout cela est traité avec tant d’humour qu’il n’y a guère de risque que des stéréotypes raciaux ou culturels puissent venir offenser qui que ce soit. C’est avant tout une comédie sur les rapports entre les sexes, mettant en scène divers archétypes masculins et féminins. Du moins, c’est ainsi que l’on pourrait le justifier !

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Critique, festival. Festival (d’automne) de Glyndebourne, Glyndebourne Opera House, le 12 octobre 2024.ROSSINI : Il Turco in Italia. I. Demenkova, R. Ramgobin, A. Gomez, M. Mofidian… Mariame Clément / Olivia Clarke. Photos © Tristram Kenton.

 

VIDEO : Trailer de « Il Turco in Italia » de Rossini selon Mariame Clément au Festival de Glyndebourne

 

OPÉRA NICE CÔTE D’AZUR. PUCCINI : EDGAR, 8, 10, 12 nov 2024, création française de la version originale en 4 actes (1888). Stefano La Colla, Ekaterina Bakanova, Valentina Boi, Dalibor Jenis… Nicola Raab / Giuliano Carella.

Que dit-on d’un homme qui a disparu ? Tiraillé entre deux femmes amoureuses, laquelle va-t-il choisir ? Hésitant entre deux femmes, Fidelia et Tigrana, Edgar décide de s’enrôler dans l’armée, où il meurt au combat. Déclaré mort, les deux femmes se déchirent : Fidelia défend sa mémoire, Tigrana le diabolise… Mais Edgar est-il réellement mort ?…

 

Inspiré de Musset (La Coupe et les lèvres, poème dramatique, 1832), le livret du 2ème opéra de Puccini se rapproche du Tannhäuser de Wagner : comme le chevalier dépressif et hésitant, tergiverse entre l’irrésistible et lascive Vénus et la lumineuse, loyale mais un peu sage Elisabeth, le bel Edgar de son côté est tiraillé entre la tendre et bienveillante Fidelia et le dragon Tigrana.

 

L’Opéra de Nice réalise la création française
d’EDGAR, dans sa version originale de 1888.
Edgar, tiraillé entre Fidelia et Tigrana

 

In fine, comme Tannhäuser (alors devenu pèlerin à Rome), Edgar les fuira toutes deux avant de revenir, déguisé en moine, implorer le pardon. La pièce de théâtre de Musset (jamais destinée pour être mise en scène) invite Puccini à approfondir la personnalité de chaque personnage ; le sujet interroge les motivations profondes des caractères : outre Fidelia, Edgar aime aussi Tigrana, l’ancienne maîtresse de son ami Franck qui est le frère de Fidelia. La tempête des passions emporte la raison de ces cœurs éprouvés : en instaurant peu à peu une situation de non retour, Tigrana finalement trahie, assassine Fidelia qui la première, avait reconnue Edgar bel et bien vivant à ses propres obsèques…
4 ans ont été nécessaires pour Puccini afin qu’il achève son 2ème opus lyrique (version originale de 1888). Malheureusement, Edgar depuis l’échec de sa création, reste méconnu, écarté des salles d’opéras. L’Opéra de Nice et son directeur Bertrand Rossi, amorceraient-ils le retour en grâce d’un authentique chef d’œuvre de jeunesse? ; nouveau miroir des affres d’un cœur amoureux, comme l’a également traité à sa façon le premier opéra Le Villi ? Dans ce premier opus, Puccini aborde le mythe vengeur des Villi, en une danse fantastique fatale pour le fiancé d’Anna, Roberto… celui ci se séparant d’elle, l’avait même trahie en s’éprenant d’une voluptueuse Sirène, à Mayence… (1884).

 

2024 qui marque le centenaire de la mort de Puccini méritait bien que l’on s’intéresse enfin à Edgar, dont quelques représentations mais souvent en version de concert, avaient indiqué la valeur. L’anniversaire 2024 permettrait-il de ré-estimer les premiers ouvrages de Puccini?

Pour l’Opéra de Nice Côte d’Azur, Nicola Raab et Giuliano Carella ressuscitent la version originale en quatre actes, (Puccini l’ayant par la suite réduit à trois actes). La nouvelle production de l’Opéra de Nice réalise ainsi la création française de la partition en version scénique ; elle réunit une équipe très prometteuse, avec entre autres Stefano La Colla (Edgar), Ekaterina Bakanova (Fidelia) et Valentine Boi (Tigrana)…

 

PUCCINI : Edgar
Création française de la version intégrale scénique
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3 représentations à l’Opéra NICE Côtes d’Azur
8 nov. 2024  à  20:00
10 nov. 2024  à  15:00
12 nov. 2024  à  20:00
Durée : 3h avec entracte

Réservez vos places directement sur le site de l’Opéra Nice Côte d’Azur : https://www.opera-nice.org/fr/evenement/1169/edgar

 

Spectacle en italien, surtitré en français et anglais

Face à face
Rencontre avec Giuliano Carella, directeur musical, et Nicola Raab, metteur en scène de cette nouvelle production
Jeudi 7 novembre à 18h : 
A l’Artistique, 27 bd Dubouchage, Nice /
Entrée libre

 

 

EDGAR de Giacomo PUCCINI
Nouvelle production
À l’occasion du centième anniversaire de la mort de PUCCINI (1858-1924)
 – Coproduction Opéra Nice Côte d’Azur, Fondazione Teatro Regio de Turin
et Opéra National de Lorraine
Création scénique française de la version en quatre actes de 1889.
 Dramma lirico en quatre actes de Giacomo Puccini sur un livret de Ferdinando Fontana d’après Alfred de Musset. 
Création au Teatro alla Scala le 21 avril 1889.

Direction musicale:  Giuliano Carella
Mise en scène : Nicola Raab
Assistant à la mise en scène : Jean-Michel Criqui
Décors & costumes : Georges Souglides
Lumières : Giuseppe Di Iorio
Assistant lumières : Manuel Garzetta

Edgar : Stefano La Colla
Gualtiero : Giovanni Furlanetto
Frank : Dalibor Jenis
Fidelia : Ekaterina Bakanova
Tigrana : Valentina Boi

Orchestre Philharmonique de Nice
Chœur de l’Opéra de Nice
Chœur d’enfants de l’Opéra de Nice

OPÉRA DE RENNES. Du 7 au 10 nov 2024. Jean-Marie MACHADO : La Falaise des lendemains / Diskan Jazz Opéra, création mondiale

Un musicien et compositeur contemporain face au souffle de l’histoire et des légendes bretonnes qu’inspire aussi la savant métissage des formes et des genres… L’ouvrage présenté en création mondiale à l’Opéra de RENNES créée l’événement de cette rentrée lyrique 2024. Pianiste et compositeur au parcours atypique, au carrefour de la scène jazz comme classique, Jean-Marie Machado aime la voix. Sans chapelle, grand orfèvre des métissages, il compose pour le chant traditionnel, la chanson, la musique de chambre et la danse. Avec La Falaise des lendemains qui réunit sur scène pas moins de 26 artistes, musiciens et chanteurs lyriques, il signe son premier opéra. L’ouvrage est l’un des événements de la nouvelle saison 2024 – 2025 de l’Opéra de Rennes.

 

 

Présentation
La Falaise des lendemains mêle passion et violences amoureuses sur les côtes bretonnes, de Roscoff à Guernesey. Sous la forme d’un conte réaliste, l’action est une épopée qui traverse le terrible conflit de la Grande Guerre. Entre deux mondes, mêlant poésie et réel, le librettiste Jean-Jacques Fdida mêle aspects fantastiques et légendaires.
Sur le plateau, à part égale avec les chanteurs, l’orchestre Danzas et sa polyphonie de timbres composent le paysage de l’opéra et occupent le décor dans la mise en scène de Jean Lacornerie. Un événement lyrique qui fait de l’opéra, un flamboyant manifeste qui mélange brillamment les langues : le français, le breton, l’anglais. Une Babylone nouvelle qui ose dessiner de nouvelles formes, de nouveaux horizons… entre les temps historiques et légendaires. A l’amorce du projet, Jean-Marie Machado a proposé à Alain Surrans, directeur d’Angers Nantes Opéra, l’idée de produire un nouvel opéra de sa composition. Nouvelle production créée à l’Opéra de Rennes, présentée en coproduction avec Angers Nantes Opéra.

 

 

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Jean-Marie MACHADO : La falaise des lendemains
Opéra en trois époques de Jean-Marie Machado. Composition et arrangements : Jean-Marie Machado / Livret : Jean-Jacques Fdida / Création mondiale à l’Opéra de Rennes le 7 nov 2024

4 représentations à l’Opéra de Rennes
Jeudi 7 novembre 2024 à 20h
Vendredi 8 novembre 2024 à 20h
Samedi 9 novembre 2024 à 18h
Dimanche 10 novembre 2024 à 16h

Infos & réservations directement sur le site l’Opéra de Rennes : https://opera-rennes.fr/fr/evenement/la-falaise-des-lendemains-diskan-jazz-opera

 

 

Opéra chanté en français, anglais et breton, surtitré en français – Durée 1h45 sans entracte
Dès 12 ans

SYNOPSIS : La Falaise des lendemains (Tornaod an antronoz) est le lieu où les amoureux, Lisbeth une jeune soignante et Chris un marionnettiste anglais doivent se retrouver. Le terrible, jaloux et bien nommé Dragon, chef des dockers de la côte, manipulera leurs destins avec violence et cruauté. Une véritable tragédie où les héros ne perdent jamais espoir.

« La Falaise des lendemains développe des situations dont l’intensité ne peut s’exprimer que par la musique et le chant. Jean-Marie Machado s’empare de ces situations extrêmes sans en exacerber la violence mais en dépliant l’émotion dans une temporalité nouvelle faite d’atmosphères et de paysages »  précise Jean Lacornerie, metteur en scène
LIVE STREAMING & DIFFUSION : Opéra filmé par le CRÉA – Centre de ressources et d’études audiovisuelles de l’Université Rennes 2 – retransmis en direct sur le site web de l’Opéra de Rennes et en rediffusion sur le site de L’Aire d’U le vendredi 8 novembre ; plus d’infos : https://opera-rennes.fr/fr/evenement/la-falaise-des-lendemains-diskan-jazz-opera

 

 

entretien

ENTRETIEN avec Jean-Marie Machado à propos de son nouvel opéra La Falaise des lendemains, création mondiale à l’affiche de l’Opéra de Rennes, du 7 au 10 novembre 2024…

 

 

 

 

Distribution

Jean-Charles Richard : direction musicale
Jean Lacornerie : mise en scène
Lisa Navarro : scénographie
Marion Benagès costumes
Raphaël Cottin : chorégraphie
Kevin Briard : création lumières
Orchestre Danzas

Avec
Karine Sérafin : Alys
Gilles Bugeaud : Don
Florian Bisbrouck : Dragon
Nolwenn Korbell : Maureen
Florent Baffi : Malo
Cécile Achille : Yuna et la nurse
Yete Queiroz : Lisbeth
Vincent Heden : Chris

Orchestre Danzas
Cécile Grenier, Séverine Morfin, Gwenola Morin : Alto
Clara Zaoui, Guillaume Martigné : Violoncelle
Sébastien Boisseau, Contrebasse
Élodie Pasquier, Clarinettes
Stéphane Guillaume, Flûtes et saxophone ténor
Renan Richard, Saxophones et flûte traditionnelle
Tom Caudelle, Saxhorn
François Thuillier, Tuba
Jean-Marie Machado, Piano
Aubérie Dimpre, Vibraphone glockenspiel
Marion Frétigny, Marimba glockenspiel
Ze Luis Nascimento, Percussions
Didier Ithursarry, Accordéon
Joachim Machado, Guitare, banjo

 

 

autres événements autour de La Falaise des lendemains

RÉPÉTITION PUBLIQUE
Samedi 26 octobre 2024 à 14h30

BORD DE SCÈNE
Samedi 9 novembre 2024 à l’issue de la représentation

TEMPS FORT AU COEUR DES LÉGENDES BRETONNES
CONCERT
Les Lavandières de la nuit
Jeudi 7 et vendredi 8 novembre 2024 à 18h

REBONDS
Visite Musée des beaux-arts | AUTOUR DE LA FALAISE DES LENDEMAINS
Jeudi 7 novembre à 12h30 et samedi 9 novembre 2024 à 17h
Visite Musée de Bretagne | LA GRANDE-GUERRE CÔTÉ BZH
Samedi 9 et dimanche 10 novembre à 14h30

 

Opéra contemporain repris à
NANTES, du 26 février au 1er mars 2025
ANGERS, le 24 avril 2025
TOURCOING, le 18 janvier 2025
CRÉTEIL, le 24 janvier 2025

 

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ONPL, Orchestre des Pays de la Loire. Festival BEETHOVEN : 5, 6 et 7 nov 2024. Avec Veronika Eberle, violon / François Dumont, piano… Sascha Goetzel, directio.

A Angers et à Nantes, l’ONPL / ORCHESTRE NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE célèbre le génie beethovénien, autant dans la forme orchestrale que dans le cadre plus intimiste de la musique de chambre… Quintette, Septuor, Concerto ou symphonie, Beethoven réinvente la musique, lui offre une dimension, un souffle, une âme… jamais envisagés (sauf peut-être par JS Bach et Mozart avant lui…). Solitaire, misanthrope, mais compositeur génial au destin hors du commun, Beethoven, impérial et tragique, a laissé quantité de chefs-d’oeuvres pour l’humanité, force éruptive forgeant son propre son dans le silence de sa surdité.

 

 

En novembre 2024, – et en 3 dates, les 5, 6 et 7 nov 2024, l’Orchestre National des Pays de la Loire célèbre le grand Ludwig, poète révolté, nouveau démiurge, apôtre d’un monde renouvelé, lumineux, conquérant, dont toute l’oeuvre, portant l’idéal des Lumières, et de la Révolution, tend vers l’espoir d’une humanité fraternelle, comme elle salue les beautés du monde.

 

NANTES, Théâtre Graslin
5 nov 2024, 20h
Concert intimiste pour découvrir Beethoven
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Septuor pour cordes et vents
Quintette pour piano et vents
Ensembles de musique de chambre de musiciens de l’ONPL

Déjà romantique dans leur caractère et la liberté de leur écriture, le Septuor et le Quintette rappellent les divertimentos ou sérénades de Mozart et Haydn. A parts égales, chaque instrument dialogue, comme chaque acteur d’une conversation musicale passionnée, concertante… Les instrumentistes de l’ONPL en éclairent le chambrisme inspiré.

Avec les musiciens de l’ONPL :
Kitbi Lee, violon • Bertrand Naboulet, alto • Anaïs Maignan, violoncelle
 / Andrès Subiela-Fernandez, contrebasse • Ignacio Echepare, basson
 / Maguy Giraud, clarinette • Pierre-Yves Bens, cor
 / Alexandre Mège, hautbois • Isabelle Vieille, piano

 

Réservation & information : https://onpl.fr/concert/festival-beethoven-1-un-concert-intimiste-pour-decouvrir-beethoven-autrement/

 

 

ANGERS, Centre de Congrès, le 5 nov 2024, 20h
NANTES, Théâtre Graslin, le 7 nov 2024, 20h
Ludwig van Beethoven ( 1770-1827)
Concerto pour violon : Veronika Eberle, violon
Symphonie n°3 « Héroïque »
Sascha Goetzel, direction

Réputé difficile pour le soliste, l’unique Concerto pour violon de Beethoven, interprété par Veronika Eberle, est d’une fluidité harmonieuse, assez éloignée de l’image en coups de poing du compositeur révolutionnaire. Bien loin de la grandiose et monumentale Symphonie n°3 dite « Héroïque » où Beethoven fait imploser le cadre symphonique et délivre une forge musicale inédite entre épopée et conquête, joie et passion… « Un sommet de la démesure » dirigé, ciselé, emporté par Sascha Goetzel.

Réservation & information : https://onpl.fr/concert/festival-beethoven-3-veronika-eberle-interprete-le-concerto-pour-violon/

 

 

NANTES, Théâtre Graslin
6 novembre 2024, 20h
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour piano n°4 / François Dumont, piano
Symphonie n°7
Sascha Goetzel, direction

Des cinq concertos pour piano de Beethoven, le 4ème paraît tel le plus abouti, le plus emporté, le plus profond (son sublime mouvement lent exprime la contemplation sereine d’un compositeur soudainement poète). Le pianiste français François Dumont avec lequel l’Orchestre National des Pays de la Loire collabore depuis ses débuts, interprète cette page à la grâce incomparable. Ici, tout est tendresse et liberté et le compositeur, comme exceptionnellement apaisé, ne cherche plus à combattre ses démons intérieurs, ni revendiquer avec fureur et énergie, la conquête de mondes à venir. On en dira tout autant de la lumineuse Symphonie n°7 qui boucle ce programme énergisant. Un nouveau concert époustouflant dirigé par Sascha Goetzel (après le mémorable concert d’ouverture qui a relevé tous les défis de Carmina Burana de Carl Orff)…

Réservation & information : https://onpl.fr/concert/festival-beethoven-2-francois-dumont-dans-le-concerto-pour-piano-n4/

 

 

LIRE aussi notre CRITIQUE du Concert d’ouverture de l’ONPL / Carmina Burana de Carl Orff : https://www.classiquenews.com/critique-concert-angers-les-22-26-nantes-les-24-25-c-orff-carmina-burana-l-dufy-j-asiain-t-varon-orchestre-national-des-pays-de-la-loire-choeurs-de-lonpl-et-universitai/

CRITIQUE, concert. ANGERS (les 22 & 26), NANTES (les 24 & 25). C. ORFF : Carmina Burana. L. Dufy, J. Asiain, T. Varon, Orchestre National des Pays de la Loire, Chœurs de l’ONPL et Universitaire de Nantes, Sascha Goetzel (direction).

 

 

LIRE aussi notre présentation de la nouvelle saison 2024 – 2025 de l’ONPL, Orchestre national des Pays de la Loire :https://www.classiquenews.com/orchestre-national-des-pays-de-la-loire-onpl-nouvelle-saison-2024-2025-leau-carmina-burana-de-carl-orff-festival-beethoven-la-petite-sirene-de-zemlinsky-oratorio-de-noel-de-saint/

ORCHESTRE NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE / ONPL. Nouvelle Saison 2024 – 2025 : « L’Eau » ! Carmina Burana de Carl Orff, Festival Beethoven, La Petite Sirène de Zemlinsky, Oratorio de Noël de Saint-Saëns, La Mer de Debussy, Le Ring sans paroles… Sascha Goetzel, direction musicale.

 

CRITIQUE, opéra. LAUSANNE, opéra de Lausanne (du 6 au 15 octobre 2024). ROSSINI : Guillaume Tell. J. S. Bou, O. Kulchynska, J. Dran… Bruno Ravella / Francesco Lanzillotta.

 

Pour le premier titre de son premier mandat à la tête de l’Opéra de Lausanne, le marseillais Claude Cortese (que nous avons connu successivement comme “homme de l’ombre” des directeurs des Opéras d’Angers/Nantes, de Nancy et enfin de Strasbourg…) a choisi l’opéra “suisse” par excellence, “Guillaume Tell” de Gioacchino Rossini… qui pourtant n’avait jamais été monté dans la célèbre ville helvético-lémanique ! 

 

Crédit photographique © Carole Parodi

 

Disons-le d’emblée, “coup d’essai, coup de maître”, tant le spectacle (de près de 4h, et donc avec beaucoup moins de coupures qu’habituellement – dont le superbe trio féminin au IV !…) aura convaincu dans toutes ses dimensions, à la fois scénique, musicale et vocale. Pour la partie scénique, il est allé chercher le brillant homme de théâtre italien (basé à Londres) Bruno Ravella (dont le Polifemo de Porpora nous avait ravis en février dernier à Strasbourg) qui propose ici un travail aussi simple qu’efficace. Car c’est bien la carte de la lisibilité et de la simplicité (qui va également dans le sens de l’éco-responsabilité, puisque c’est l’un des enjeux de notre époque…), et l’acte I se résume par exemple à une toile peinte alla Ferdinand Holder (l’italien avoue son admiration pour le peintre suisse dans ses notes d’intention) qui représente tout simplement… un paysage montagneux suisse. De fait, on est très loin de la (sur)charge décorative dont l’ouvrage est coutumier (et dont on peut tout à fait faire l’économie…), et la démarche de Ravella entend viser à l’essentiel. Sa Suisse constituée de quelques images simples, sans autre élément de décors que là un ponton en bois et ici quelques sièges rustiques, restitue d’une part le cadre magique de l’action, mais aussi l’austérité d’un peuple qui, quinze ans avant l’avènement de Verdi, clame son désir de révolte. Le metteur en scène parvient ainsi, avec beaucoup d’habileté, à rendre encore plus grandiose le discours de Rossini à travers la plus grande simplicité. Car la musique, ainsi libérée de tout décorum, parle un langage plus immédiat, plus franc, et plus direct. Et le plateau de l’Opéra de Lausanne, qui nous a paru si étroit en d’autres occasions, semble ce soir de dimensions normales…

La distribution vocale réunie par Claude Cortese à Lausanne se montre à la hauteur des enjeux, même si les deux rôles de Mathilde et Arnold sont distribués à des voix plus “larges” que les deux chanteurs ici retenus dans ces parties. Mais de largeur vocale, en revanche, l’excellent baryton Jean-Sébastien Bou n’en manque pas dans le rôle-titre, et il campe ainsi un Tell idéal : il en a l’ampleur et l’épaisseur, l’autorité et la conviction. De sa voix saine, large et sonore – doublée d’une diction parfaite et d’un phrasé impeccable -, il fait passer à travers ce personnage toutes les pulsations du chant romantique, en particulier dans son grand air « Sois immobile ».

Avec sa voix riche et bien timbrée sur toute l’étendue de la tessiture (mais sans être celle du “grand lyrique” associé à ce rôle…), par ailleurs parfaitement maîtrisée et contrôlée, la soprano ukrainienne Olga Kulchynska campe une très belle Mathilde, tant par ses superbes sonorités que par son bel art du souffle. Elle chante le superbe et extatique air « Sombre forêt » avec l’élégance dans le phrasé et l’émission legata que requiert son grand air. Son Arnold est le ténor bordelais Julien Dran qui fait resplendir un chant éclatant, solide et solaire (même si le rôle atteint les limites “naturelles” du chanteur), offrant un Arnold de premier plan, au legato à la fois noble et maîtrisé. 

Aux côtés des trois rôles principaux, le jeune ténor malgache Sahy Ratia est un pêcheur (Ruodi) de grand charme, la superbe basse italienne Luigi De Donato (après son saisissant Clistene (dans L’Olimpiade de Vivaldi) à Nice en mai dernier) un Gessler sonore et détestable à souhait, tandis que Frédéric Caton convainc tout autant dans le rôle de Melchtal que de Walter Furst. Enfin, Géraldine Chauvet – et plus encore la jeune soprano canadienne Elisabeth Boudreault – se taillent un beau succès : la première avec une Hedwige au timbre chaud et au chant généreux, et la seconde en campant un Jemmy plein de fraîcheur et de fougue mêlées, d’une incroyable présence scénique, dotée d’une projection vocale inouïe… surtout que l’artiste ne dépasse passe les 1m60 !…

Dernier point fort de la soirée, la superbe direction du chef italien Francesco Lanzillotta qui nous avait, de son côté, enchantés cet été dans un rare opéra de Nino Rota au Festival de Martina Franca. Placé à la tête de l’Orchestre de chambre de Lausanne, il parvient à retrouver le brio de Rossini, son panache, sa vitalité et son dynamisme – et peu se sont aperçus qu’entre la première mesure de l’Ouverture et la fin du deuxième acte, deux heures s’étaient écoulées ! Lanzillotta donne au moindre détail un poids dramatique saisissant et restitue avec beaucoup d’envergure les différentes influences de la partition – et sa place originale dans l’histoire de la musique. Car avec Guillaume Tell, son ultime opus lyrique, Rossini dévoile tous les mystères à venir et dicte une esthétique qui sera par la suite suivie par Berlioz et par Verdi, par Gounod et par Wagner. C’était bien aux autres de suivre, pas à lui de continuer…

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CRITIQUE, opéra. LAUSANNE, opéra de Lausanne (du 6 au 15 octobre 2024). ROSSINI : Guillaume Tell. J. S. Bou, O. Kulchynska, J. Dran… Bruno Ravella / Francesco Lanzillotta. Photos © Carole Parodi.

 

VIDEO : Teaser de « Guillaume Tell » de Rossini selon Bruno Ravella à l’Opéra de Lausanne

 

CRITIQUE, opéra. MONTE-CARLO, Auditorium Rainier III, le 6 octobre 2024. SAINT-SAËNS : L’Ancêtre (en version de concert). J. Holloway, J. Henric, G. Arquez, H. Carpentier… Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Kazuki Yamada (direction).

On le sait, Monte-Carlo fut – au début du XXe siècle sous l’impulsion de Raoul Gunsbourg (directeur à l’époque de l’Opéra de Monte-Carlo) et du Prince mélomane Albert 1er – un haut lieu de création lyrique, à commencer par pas moins de 5 opéras issus de la plume de Jules Massenet et 3 autres de celle de Camille Saint-Saëns. Aux côtés de Hélène (1904) et Déjanire (1911) – ressuscitée in loco il y a deux ans (déjà dans une coproduction entre l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et le Palazzetto Bru-Zane) -, L’Ancêtre (1906) est l’un des trois ouvrages, une sombre histoire de vendetta corse où une grand-mère (à demi aveugle…) tue sa petite fille en la prenant par erreur pour son ennemi juré. L’intrigue est ainsi un mélange entre le Roméo et Juliette de Gounod et Le Trouvère de Verdi…

 

Crédit photographique © Alice Blangero

 

Mais la partition est elle du pur Saint-Saëns, avec quelques pages qui retiennent l’attention, tels le quatuor de l’acte III (dans lequel le jeune couple Tebaldo / Margarita est espionné par la Vieille Nunciata et l’amante malheureuse qu’est Vanina, la soeur de Margarita que lui préfère Tebaldo…), ou les superbes soubresauts orchestraux au moment où l’Ermite Raphaël exhorte “l’Ancêtre” Nunciata à renoncer à son projet funeste. Ce même Raphaël a droit à une autre page très inspirée, “l’air des Abeilles”, évoquées par le frémissements des cordes d’un Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo particulièrement en forme et inspiré, son chef Kazuki Yamada ayant visiblement à coeur de ressusciter l’ouvrage “monégasque”, avec le talent et l’enthousiasme qu’on lui connaît.

Pour défendre la partition, on a fait appel à une équipée vocale entièrement française, hors le rôle-titre ici tenu par la mezzo américaine Jennifer Holloway, qui avait enthousiasmé dans une autre résurrection due au Palazzetto Bru-Zane : “Hulda” de César Franck.  A nouveau, la chanteuse impressionne par l’étendue de son registre, d’un grave ferme à des aigus éclatants, et par une présence scénique d’autant plus remarquable que l’on assiste à une “simple” version de concert. Le rôle de Vanina, sa (première) petite fille, amoureuse éconduite avant d’être abattue par erreur par son aïeule, est tenu ici par la sculpturale mezzo Gaëlle Arquez, qui lui offre son timbre sombre et opulent, et sa sensibilité à fleur de peau. Une qualité que possède également sa consoeur (et soeur tout court dans l’ouvrage), Hélène Carpentier, (que l’on suit de près, et que l’on avait été par exemple applaudir dans « L’Africaine » de Meyerbeer à Marseille) et qui ravit dans le rôle de Margarida, notamment dans ses envolées angéliques au début du III. Après son Heurtal (dans « Guercoeur » de Magnard) à Strasbourg en avril dernier et son Ulysse (dans « Pénélope » de Fauré) un mois plus tard à Athènes, le jeune ténor lyonnais Julien Henric confirme tous les espoirs placés en lui, en offrant au personnage de Tebaldo à la fois une voix haut placée, au timbre clair, mais d’une vaillance inébranlable et fière. De son côté, le baryton malgache Michael Arivony est une belle découverte, dans le personnage de l’Ermite Raphaël, doté d’un timbre corsé et faisant montre d’une superbe diction. Enfin, Matthieu Lécroart s’avère un intraitable Bursica, auquel il prête sa voix d’un beau métal, tandis que le Choeur Philharmonique de Tokyo remplit avec brio son contrat.

Après “Déjanire” et” L’Ancêtre”, on peut rêver que cette fructueuse collaboration entre l’OPMC et le PBZ redonne également sa chance à “Hélène” ? L’avenir nous le dira…

 

 

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CRITIQUE, opéra. MONTE-CARLO, Auditorium Rainier III, le 6 octobre 2024. SAINT-SAËNS : L’Ancêtre (en version concertante). J. Holloway, J. Henric, G. Arquez, H. Carpentier… Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Kazuki Yamada (direction). Photos © Alice Blangero.

 

 

LA SEINE MUSICALE, le 17 oct 2024. ELGAR (Concerto pour violon), Sibelius (Symphonie n°2), Deutsches Symphonie-Orchester BERLIN, Vilde Frang

Insula Orchestra et Laurence Équilbey, en résidence sur l’île Seguin, invitent tout au long de leur saison à la Seine musicale, orchestres renommés et grand solistes… Ce 17 octobre, double invitation avec le Deutsches Symphonie-Orchester BERLIN et la violoniste VILDE FRANG dont la complicité active réalisent à l’Auditorium Patrick Devejdian, un superbe programme concertant et symphonique, aussi original que puissant. Elgar et Sibelius y sont d’autant plus appréciés qu’ils sont toujours trop rares au concert.

 

Le DSO Berlin revient ainsi à la Seine musicale pour son ultime tournée avec le maestro Robin Ticciati. Sa rencontre avec Vilde Frang autour du Concerto pour violon d’Elgar promet étincelles et vertiges ; la violoniste norvégienne affirme une technique éblouissante de l’archet, un souffle rayonnant qui fait chanter comme peu son formidable instrument ; ses enregistrements sont tous salués par une pluie de récompenses.

 

 

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Jeudi 17 oct 2024, 20h
BOULOGNE-BILL., La SEINE MUSICALE
Auditorium Patrick Devedjian

RÉSERVEZ vos places directement sur le site d’INSULA ORCHESTRA / La Seine Musicale : https://www.insulaorchestra.fr/evenement/deutsches-symphonie-orchester-berlin-2/

 

Elgar
Concerto pour violon en si mineur op.61
(50 min environ)

Sibelius
Symphonie n°2 en ré majeur opus 43
(45 min. environ)

Vilde Frang, violon
Robin Ticciati, direction
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin

 

Présentation des œuvres

Entre ses 2 symphonies, Elgar, compositeur officiel, compose son Concerto pour violon qui est créé en nov 1910 par Fritz Kreisler. Son développement forme et son ampleur reflète les transports et aspirations intimes de l’auteur qui y dépose comme le portrait d’une instrumentistes affectionnée voire plus), probablement Julia H. Worthington : 6 thèmes mélodiques pour le premier mouvement (!), plutôt instable, passionné, voire troublé. Le Final de forme rhapsodique enchaîne lui aussi une série de passages harmoniques qui préparent au souffle triomphal conclusif.

 

La Symphonie n°2 de Sibelius
Composée en Italie en février-mars 1901, la Symphonie n°2 en ré majeur conclut la phase « nationaliste » de l’écriture de Sibelius. Ecrite après Finlandia, l’œuvre assez déroutante dans son développement formel, remet en cause le cadre classique de schéma sonate ; elle enclenche un phénomène de désagrégation progressive des règles symphoniques. Créée à Helsinki, le 8 mars 1902, elle suscite un enthousiasme immédiat porté par le contexte politique de la Finlande.
L’éclosion de multiples cellules rythmiques et mélodiques, la fulgurance des thèmes rapidement exposés qui passent des cordes aux bois puis aux cuivres, créent un climat d’explosion et d’activité permanent qui montre combien Sibelius s’interroge sur le sens et le devenir du développement symphonique. L’auteur semble enterrer ce romantisme national qui l’a fait connaître en Europe, tel le chantre d’une nation opprimée en conflit avec son occupant, la Russie. Dès lors, sa musique assimilée à un chant des patriotes, comme un hymne d’aspiration aux libertés fondamentales, entachera dans le même temps son style et son inspiration, de propagande nationale. Or sur le plan strictement musical, l’œuvre de Sibelius s’avère visionnaire et même avant-gardiste en bien des points. Idéalement, le chef se doit de capter derrière l’éclat lyrique, les gouffres et les vertiges d’une âme inquiète, soucieuse de son langage, prête à tout rompre pour construire l’avenir… implosion, flux énergique mais cohésion organique.
Plan : Allegretto, Andante, Vivacissimo, Finale. Durée indicative : environ 45 mn.

 

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ORCHESTRE NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE. Sam 19 oct 2024 : MOZART (Concerto pour piano n°24, Adam Laloum, piano) / BRUCKNER (Symphonie n°4), Frank Beermann (direction)

Aussi dramatique que profond, d’une sincérité désarmante même, le 24ème Concerto pour piano de Mozart (K 491) est un défi pour tout pianiste qui s’y frotte : « la condition humaine et les combats à mener pour donner un sens à sa vie » y sont clairement exprimés, dans la langue sobre, directe, franche mais d’une pudeur enchantée propre à la grâce mozartienne ; la tonalité de l’ut mineur offre une gravité intérieure à laquelle il reste difficile de résister. C’est comme un retour à une ivresse suspendue pour le soliste Adam Laloum car c’est avec ce Concerto pour piano n°24 que le pianiste toulousain avait remporté le concours Clara Haskil en 2009.

 

Autant Mozart a l’intuition juste et l’inspiration immédiate et spontanée, autant Bruckner peine à chaque opus symphonique, revenant toujours par doute et questionnement perfectionniste sur la matière de ses partitions. En témoigne la 4ème Symphonie en mi bémol majeur dite « Romantique » (A 95), composée courant 1874… toujours remaniée (nouveau Scherzo, nouveau Finale en 1880) ou reportée, elle n’est créée qu’en… 1975, post mortem (dans l’édition Nowak). Fervent, croyant sincère, Bruckner y exprime une intensité spirituelle épanouie, éperdue, inondée de lumière telle une cathédrale immense, mystique et symphonique où les cors, somptueux, enchanteurs sont particulièrement exposés et sollicités (les fameuses scènes de chasse du « Scherzo de chasse »). Les Toulousains connaissent le chef Frank Beermann qui a déjà dirigé un programme… Mozart et Bruckner avec le Capitole en 2022 (!).

Photo grand format : Adam Laloum © Julien Benhamou

 

 

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TOULOUSE, Halle aux grains
samedi 19 octobre 2024, 20h

Wolfgang Amadeus Mozart
Concerto pour piano n°24 / Adam Laloum, piano

Anton Bruckner : Symphonie n°4 « Romantique »
Orchestre National du Capitole de Toulouse
Frank Beermann, direction

RÉSERVEZ vos places directement sur le site de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse :
https://onct.toulouse.fr/agenda/frank-beermann-adam-laloum/
Durée : 2h10

CRITIQUE, concert. PARIS, Auditorium de la Maison de la Radio, le 10 octobre 2024. BUSONI : Concerto pour piano. Orchestre National de France, Kirill Gerstein (piano), Sakari Oramo (direction).

L’Orchestre National de France et son chef invité Sakari Oramo nous offre l’un des concerts les plus mémorables de ce début de saison en exhumant le rare Concerto pour piano (1896) de Ferruccio Busoni, un ouvrage dont on n’a pas fini d’appréhender la folle démesure, jusqu’à son Finale inattendu avec choeur d’hommes. Au piano, le génial Kirill Gerstein semble enfiler avec une facilité déconcertante toutes les difficultés de ce monument redouté.

 

Crédit Photographique © Radio France

 

L’Orchestre National de France a choisi de fêter le 100e anniversaire de la disparition de Ferruccio Busoni (1866-1924) en mettant à l’honneur l’un des ouvrages les plus dantesques du répertoire, d’abord par sa durée de 70 minutes (la plus longue parmi ses équivalents), puis par sa difficulté extrême pour le pianiste, sollicité tout du long. Issu d’une double ascendance allemande et italienne par ses parents, tous deux musiciens, Busoni a très tôt embrassé une carrière de pianiste prodige, avant de se consacrer à l’enseignement et à la composition. Son admiration pour Liszt s’épanouit avec force dans cet ouvrage encore imprégné des influences post-romantiques de sa première manière (à l’inverse de ses quinze dernières années, davantage tournées vers un allègement orchestral et un certain flottement tonal, comme dans son ultime chef d’oeuvre, l’opéra Doktor Faust).

Le Concerto pour piano fait entendre autant un élan brahmsien aérien au niveau de la forme, qu’un gigantisme puissamment évocateur évoquant Strauss ou Mahler. Le tempérament italien irrigue également cette pièce généreuse par sa capacité à entrecroiser les différents motifs, en un lyrisme imprévisible et toujours palpitant. Difficile à appréhender, l’ouvrage mérite mieux qu’une approche superficielle et gagne à la réécoute, tant il fourmille d’idées et d’audaces. Il fallait certainement un chef de la trempe de Sakari Oramo pour oser s’attaquer aux difficultés multiples, quasi expérimentales par endroits, et donner une telle sensation d’évidence dans les enchaînements, tous fluides. Si le Finlandais a eu la tristesse de voir disparaître le jour même l’un de ses illustres compatriotes en la personne de Leif Segerstam (1944-2024), il n’en laisse rien paraître en embarquant les forces du National en un engagement de tous les instants, entre tempi vifs et ruptures marquées. Il sait aussi s’apaiser pour révéler les passages plus apolliniens, telle que la fin touchante du premier mouvement. On aime aussi sa propension à embrasser les aspects plus dansants, notamment dans la Tarentelle, qui précède le dernier mouvement étonnamment doux, avec le chœur d’hommes. Ce chœur fait entendre un Busoni moins moderne dans ses réparties homophoniques : de quoi trahir le réemploi d’un morceau composé plus tôt dans sa carrière, pour un opéra resté inachevé.

Kirill Gerstein semble ne faire qu’un avec cette musique qu’il connaît par cœur, de bout en bout, lui qui inscrit régulièrement les pièces pour piano de Busoni à ses programmes. Autant sa technique percutante que son tempérament sont un régal de chaque instant, que l’on pourra retrouver à la réécoute sur France Musique, à moins de rejoindre Berlin (les 17 et 19 octobre) ou Londres (le 1er novembre), où Gerstein et Oramo conduiront les orchestres locaux pour le même programme. On notera toutefois que ces villes ont choisi de l’étoffer, en y adjoignant une pièce de Debussy à Berlin et une symphonie de Grażyna Bacewicz (1909-1969) à Londres. N’était-il pas possible de faire la même chose à Paris ? C’est là le seul regret de cette soirée malgré tout très réussie, qui donne envie de découvrir plus avant la musique de Busoni.

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Maison de la Radio, le 10 octobre 2024. BUSONI : Concerto pour piano. Kirill Gerstein (piano), Chœur de Radio France, Aurore Tillac (cheffe de chœur), Orchestre National de France, Sakari Oramo (direction musicale). A l’affiche de la Maison de la Radio, le 10 octobre 2024. Photo : Radio France.

LES SIECLES. PARIS, TCE, le 16 oct 2024. Schubert (Symphonie n°8), Beethoven (Symphonie n°5), « Ce moment, l’instant » de Christian-Frédéric Bloquert (création mondiale), Jakob Lehmann, direction.

Deux symphonies parmi les piliers du répertoire symphonique romantique et une création sont au programme de ce concert de l’orchestre sur instruments historiques, Les Siècles, sous la direction du jeune maestro berlinois Jakob Lehmann. En résidence au TCE (cette saison est la 3ème année de résidence de l’Orchestre), Les Siècles jouent la somptueuse Symphonie n°8 « dite inachevée » de Schubert, et la Symphonie n°5 « dite du destin » de son grand modèle, Beethoven. En complément, création mondiale de « Ce moment, l’instant » de Christian-Frédéric Bloquert (lauréat du 2ème Prix Pisar).

 

Pour le concert d’inauguration de la troisième saison en résidence des Siècles, le chef Jakob Lehmann propose une immersion dans l’imaginaire schubertien (Symphonie mythique « Inachevée », restée à l’état d’ébauche dans ses deux premiers mouvements orphelins). En deuxième partie, souffle, volonté conquérante et équilibre jupitérien du grand Ludwig (le modèle de Schubert à Vienne) sa Cinquième symphonie « Du destin ». Cordes en boyaux, cuivres timbrés, bois plus mordants, caractérisés, … les instruments historiques des Siècles (comme Insula Orchestra) rééclairent l’approche des œuvres orchestrales. Portrait du maestro Jakob Lehmann / DR.

Soit deux monuments de la grande forge symphonique romantique, couplés avec la création de la commande faite au jeune compositeur français Christian-Frédéric Bloquert, lauréat du deuxième prix Pisar initié par la Villa Albertine, la Juilliard School de New York et le Théâtre des Champs-Elysées.

 

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PARIS, TCE – Théâtre des Champs Élysées
Les Siècles
Mercredi 16 octobre 2024, 20h
Schubert : Symphonie n° 8 D. 759 « Inachevée »
Bloquert :  » ce moment, l’instant  » (Création mondiale, lauréat du 2e Prix Pisar)
Beethoven : Symphonie n° 5 op. 67 « Du destin »

RÉSERVEZ vos places directement sur le site du TCE Théâtre des Champs Elysées : https://www.theatrechampselysees.fr/saison-2024-2025/les-siecles/les-siecles-2-1

Durée / déroulement : 40mn / pause / 35 mn

 

 

ENTRETIEN VIDÉO avec le maestro berlinois Jakob Lehmann : parcours musical

FONDATION LOUIS VUITTON. Jeudi 17 oct 2024. Philip GLASS : Trilogie COCTEAU – Katia et Marielle Labèque, pianos.

Katia et Marielle Labèque à 2 pianos (en face à face comme à leur habitude) jouent plusieurs Suites d’après les 3 opéras de Philip Glass, inspirés par Cocteau. Après sa trilogie historique (Einstein, Gandhi, Akhenaton), le compositeur américain Philip Glass s’intéresse à l’œuvre de Jean Cocteau. En découle une nouvelle trilogie lyrique : Orphée, La Belle et la Bête et Les Enfants terribles, qui éclaire l’inspiration poétique, parfois énigmatique de l’écrivain et poète français.

 

La musique hypnotique, « répétitive » de Glass s’impose avec d’autant plus de force que le compositeur lui-même a adapté ses Suites pour Katia et Marielle Labèque dont découle la version présentée par la Fondation Louis Vuitton. L’expérience s’annonce d’autant plus convaincante et riche dans la scénographie imaginée par Nina Chalot et Cyril Teste et les accords parfumés signés Francis Kurkdjian (dont 3 fragrances inédites).
Katia et Marielle Labèque interprètent les suites pour deux pianos que Philip GLASS a spécialement adaptées pour elles, à partir de ses 3 opéras inspirés par Jean Cocteau
Le concert fait suite à la création du projet en mars 2024 à la Philharmonie de Paris, et la tournée internationale en cours. La Trilogie Cocteau / Philip Glass avait toute sa place à la Fondation qui permet ainsi un enrichissement du processus scénique avec une nouvelle résidence de création numérique, et donc la diffusion de trois fragrances inédites signées Francis Kurkdjian. Must absolu.

 

Photo grand format : Fondation Louis Vuitton : Gehry partners, LLP and Frank O Gehry © Iwan Baan 2014

 

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Philip GLASS : Trilogie Cocteau
Katia et Marielle Labèque, piano
PARIS, Fondation Louis Vuitton, Auditorium
jeudi 17 octobre 2024, 20h30

PLUS D’INFOS sur le site de la Fondation Louis Vuitton :
https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr/evenements/concert-katia-et-marielle-labeque

FONDATION LOUIS VUITTON
8, Avenue du Mahatma Gandhi Bois de Boulogne, 75116 Paris
Le concert événement de la nouvelle saison 2024 – 2025 de la Fondation Louis Vuitton sera retransmis en direct FLV Play (sur le site de la Fondation), et en différé sur Radio Classique.

 

 

Programme
Philip Glass, Suites pour deux pianos
Orphée
La Belle et la Bête
Les Enfants terribles

distribution
Katia Labèque : piano / 
Marielle Labèque : piano
 / Cyril Teste : direction artistique / 
Nina Chalot : scénographie
 / Mehdi Toutain-Lopez : lumières et création numérique / 
Francis Kurkdjian : création de parfums

GRAND-THÉÂTRE DE LUXEMBOURG. « La Tendresse » de Julie Berès, les 22, 23, 24 et 25 octobre 2024

Lors du TalentLAB 2019, le public luxembourgeois avait découvert le travail engagé de Julie Berès dans son spectacle « Désobéir », qui interrogeait comment des jeunes femmes issues de l’immigration se libéraient des injonctions familiales, sociales, traditionnelles. La metteure en scène nous parlait d’émancipation.

 

Au cours de la saison 22·23, le deuxième volet de son diptyque sur la déconstruction de la jeunesse, « La Tendresse », avait suscité l’enthousiasme du public du Grand-Théâtre de Luxembourg. Mettant en lumière un ensemble de jeunes hommes et leur lien au masculin et à la virilité à travers différentes sphères intimes et sociales, « La Tendresse » raconte l’histoire de ces hommes qui osent affronter les clichés du masculin, les injonctions de la société, les volontés de la tradition, les assises voire les diktats du patriarcat.

 

Dans le droit fil documentaire de Désobéir, « La Tendresse » met en lumière des parcours de vie et des témoignages où l’intime s’expose, se raconte, s’épanche confronté aux grandes questions sociétales. Quand les hommes parlent de tendresse, ils s’ouvrent à leur propre fragilité, leurs failles, leur sensibilité, l’ineffable identitié de l’être qui ne peut être contrainte à des stéréotypes… Brillante, insolente, libre, Julie Berès déploie un théâtre performatif, une scène laboratoire polyphonique et poétique, mêlant hip-hop, danse classique, récit, dans un dispositif qui dans une immersion interactive, permet une adresse intime et directe au public. Dans le cadre du focus sur l’adolescence, l’un des fils rouges du Grand Théâtre de Luxembourg, Julie Berès revient à Luxembourg dans cette reprise d’une pièce phare, empathique, lyrique, fraternelle, pleine d’espoir et hautement libératrice. L’espoir est là, dans la geste cathartique d’une jeunesse virile qui assume ses fausses, apparentes « contradictions ».

 

Photo grand format © Axelle de Russé
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La Tendresse de Julie Berès
Grand théâtre de Luxembourg
4 représentations
Mardi 22 oct 2024, 20h
Mercredi 23 oct 2024, 20h
Jeudi 24 oct 2024, 20h
Vendredi 25 oct 2024, 20h
RÉSERVEZ vos places directement sur le site des Théâtres de la Ville de Luxembourg : https://theatres.lu/fr/latendressejulieberes
Durée : 1h45 sans entracte

 

 

introduction
Introduction par Paul Rauchs : ½ heure avant chaque représentation (FR)

 

 

TEASER VIDÉO

 

 

Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg
1 Rond-point Schuman
L-2525 LUXEMBOURG

Réservations :
[email protected]
+35247963901

Adultes : 20 euros / Jeunes : 8 euros

OPERA NATIONAL DU CAPITOLE DE TOULOUSE. Francesca CACCINI : Alcina, dim 13 oct 2024. I Gemelli. Emiliano Gonzalez Toro, Alix le Saux, Lorrie Garcia, Natalie Perez…

Suite de cette « voie enchantée » à l’affiche de la nouvelle saison 2024 – 2025 de l’Opéra national du Capitole de Toulouse. Une offre qui ne cesse de convaincre et séduire un public de plus en plus large si l’on en juge les salles pleines et plutôt enthousiastes en fin de représentation. L’offre toujours aussi riche programme, ce 13 octobre, un opéra méconnu (voire inconnu) d’une compositrice dont l’activité s’inscrit au début de l’histoire lyrique, en ce XVIIème siècle, ou premier baroque, quand le chant incarné s’affirme sur la scène, grâce à une écriture musicale de plus en plus dramatique… En témoigne cette ALCINA de Francesca Caccini (1587-1641), premier ouvrage lyrique composé par un femme.

 

Le chevalier chrétien Ruggiero aborde sur l’île de la magicienne Alcina. Dans ce monde illusoire, la sorcière abuse de ses pouvoirs pour inféoder chaque guerrier qu’elle soumet à son pouvoir ou change en animal… Mais Melissa, travestie en homme, rejoint son bien-aimé ; parviendront-ils à rompre le sortilège ? Roger réussira-t-il à se libérer ? … le spectateur est en droit de se poser la question même si la réponse est dans le titre de l’opéra.
Francesca Caccini fut la musicienne la plus célèbre de son temps. Son ALCINA est un bijou méconnu du XVIIe siècle florentin qui place au premier plan deux femmes puissantes : remarquablement enchaînés, chœurs, ballets, intermèdes rythment un drame intense et bien construit qui cisèle en particulier l’art de la déclamation chantée. Emiliano Gonzalez Toro et l’ensemble I Gemelli ressuscitent un sommet du premier baroque italien. Opéra mis en espace (dispositif signé Mathilde Étienne). Illustration : Artemisia Gentileschi, autoportrait – DR

 

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FRANCESCA CACCINI
La liberazione di Ruggiero dall’isola d’Alcina
Opera comica en quatre scènes
Livret de Ferdinando Saracinelli, d’après Orlando furioso de l’Arioste – 
Créé le 3 février 1625 à la Villa di Poggio Imperiale de Florence

TOULOUSE, Théâtre national du Capitole
Dimanche 13 octobre 2024, 16h

RÉSERVEZ vos places sur le site du Théâtre national du Capitole de Toulouse : https://opera.toulouse.fr/alcina-7934169/

Photo : I Gemelli © Michal Novak

 

Distribution

Alcina : Alix le Saux
Ruggiero : Emiliano Gonzalez Toro
Melissa : Lorrie Garcia
Neptune / Astolfo : Juan Sancho
Demoiselle / Messagère : Natalie Perez
Un monstre : Nicolas Brooymans
Berger / La Vistule : Jordan Mouaissia
Sirène / Demoiselle : Mathilde Étienne, Cristina Fanelli, Pauline Sabatier
Ensemble I Gemelli

 

 

 

 

CD & CONCERT. Le pianiste russe Nikolay Khozyainov présente son nouveau programme : « Monument to Beethoven », 11 oct (cd) et 17 déc (concert au TCE, Paris)  

Au dernier trimestre 2024, l’actualité d’un nouveau géant du piano, Nikolay Khozyainov, est double. Son nouveau programme qui célèbre le génie beethovénien comme source d’inspiration, contient aussi l’une de ses propres partitions comme compositeur « Pétales de la Paix » (2022), ; le cycle produit deux événements incontournables. « Pétales de la Paix » a été commandée par les Nations Unies pour son grand Concert pour la Paix à la Salle des Droits de l’Homme en novembre 2022. Le programme sort au disque puis est le prétexte d’un concert événement ce 17 décembre…

 

Le 11 octobre 2024
NOUVEAU CD « Monument to Beethoven »,  sortie le 11 octobre 2024 chez Rondeau ; avec en bonus exclusif sur la version digitale : le Prélude en do dièse mineur, op. 45 de Chopin.

 

Le 17 décembre 2024
CONCERT. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées
Réservez vos places directement sur le site du TCE PARIS / concert : https://www.theatrechampselysees.fr/saison-2024-2025/recital-musique-de-chambre/nikolay-khozyainov-2

 

Ambassadeur pour la Paix aux Nations-Unis, le pianiste russe Nikolay Khozyainov est un phénomène, déjà célébré outre Atlantique pour sa technicité foudroyante et un style particulièrement investi, très incarné : il a ainsi été applaudi au Carnegie Hall et au Lincoln Center à New York, au Kennedy Center à Washington, sans omettre le Wigmore Hall à Londres… Paris l’accueille en décembre au TCE.

Auparavant l’artiste publie son nouvel album discographique dédié à Beethoven. Pianiste et compositeur, il sait captiver l’auditoire, ressuscitant les légendes du piano par son feu digital et son engagement expressif. Médaille d’Or de la Paix des Nations-Unies 2022, 1er prix des Concours Internationaux de Dublin et Sydney, Médaille d’or du Conservatoire Tchaïkovski de Moscou 2015, Nikolay Khozyainov a construit son nouveau programme incluant des pièces de Mendelssohn, Schumann et Liszt inspirés par le grand Ludwig : il rend ainsi hommage aux compositeurs qui ont su recueillir des fonds pour le premier monument célébrant le génie beethovénien.

 

SUR LES PAS DE LISZT, DANS L’ADMIRATION DE BEETHOVEN... Ainsi Nikolay Khozyainov suit les traces de Liszt qui dans les années 1830, avait décidé d’aider à financer le premier monument à la mémoire de L. van Beethoven pour son 75ème anniversaire. Mendelssohn (Variations Sérieuses), Schumann (Fantaisie en do majeur, op.17) participèrent à cet acte solidaire remarquable. Ainsi la première statue de Beethoven fut finalement érigée à Bonn en 1845, où elle se trouve encore aujourd’hui.

« Ce programme nous emmène à la découverte de grands chefs-d’œuvre inspirés et dédiés au génie de Beethoven, des chefs-d’œuvre plus intemporels qu’aucun monument ne pourra jamais l’être« , précise Nikolay Khozyainov.

Ainsi rien de mieux pour célébrer la puissance créatrice de Beethoven que de jouer sa musique et celle des compositeurs qui ont su lui témoigner une admiration légitime. Ainsi dans le programme  » Monument to Beethoven », Nicolay Khozyainov joue l’Allegretto de la Symphonie n°7… de Beethoven, dans la transcription pour clavier de Liszt.

 

 

BIO express… Né à Blagoveshchensk en 1992, une ville de l’Extrême-Orient russe, Nikolay Khozyainov a commencé à jouer du piano à l’âge de cinq ans et son talent musical a été découvert immédiatement. Il a déménagé dans la capitale Moscou, pour poursuivre ses études à l’École centrale de musique, et à l’âge de sept ans, il fait ses débuts avec le Concerto pour piano et orchestre de Haendel avec l’Orchestre philharmonique de Moscou. Il a continué ses études supérieures au Conservatoire P.I. Tchaïkovski dont il est sorti avec la Médaille d’Or et le prix du « Meilleur étudiant de l’année »…
Portrait de Nikolay Khozyainov / Photo © Marie Staggat / DR

 

 

Programme du cd :

Beethoven – transceiption de Franz Liszt :
Allegretto de la Symphonie nᵒ 7 en la majeur, op. 92

Schumann :
Etudes en forme de variation sur un thème de Beethoven, WoO 31

Mendelssohn :
17 Variations Sérieuses, op. 54

Beethoven – transceiption de Franz Liszt :
Nimmm sie hin denn, diese Lieder (aus: An die ferne Geliebte)

Schumann :
Fantaisie en do majeur, op. 17

Khozyainov :
Pétales de la Paix (2022)

 

Programme du concert au TCE, Paris le 17 décembre :
Schumann : Variations sur un thème de Beethoven, WoO 31
Khozyainov : Fantaisie (Première française, 2024)
Stravinsky : Trois mouvements de Petrouchka

RÉSERVEZ vos places directement sur le site du TCE Théâtre des Champs -Élysées, PARIS : https://www.theatrechampselysees.fr/saison-2024-2025/musique-de-chambre/nikolay-khozyainov-2

 

VIDÉO : Beethoven / Liszt, Allegretto de la 7ème Symphonie…

 

CRITIQUE, opéra. AMSTERDAM, De Nationale opera en ballet, le 9 octobre 2024. BRITTEN : Peter Grimes. I. Savage, J. Van Oostrum, L. Melrose… Barbora Horáková / Lorenzo Viotti.

 

La maison d’opéra amstellodamoise poursuit brillamment sa saison (après Rigoletto de Verdi en septembre) avec Peter Grimes de Benjamin Britten. Un production exaltante de force mettant au premier plan ce chef d’œuvre de l’art lyrique au XXe siècle. La noirceur de la culpabilité de Peter Grimes, imposée par le village et rongeant Grimes de l’intérieur, se fait sentir dès le lever de rideau. 

 

La metteuse en scène Barbora Horáková nous plonge immédiatement dans le sentiment de lourdeur qui pèse autour du personnage principal par une première image très frontale. Cette frontalité, avec la violence, avec la méchanceté, avec la misère, ne nous quittera pas jusqu’à la fin de l’opéra. Si l’on peut trouver cette mise en scène statique, nous pensons que c’est parfaitement en accord avec le livret et la partition. Seule la mer bouge, les hommes sont tous bornés… B. Horávoká crée des tableaux particulièrement marquants, notamment à la fin ; pour le dernier air de Grimes, où ce dernier est debout devant trois bateaux qui s’élèvent comme les trois croix sur un fond noir profond. Il faut souligner ici le travail remarquablement intelligent de Sascha Zauner aux lumières, qui contribue grandement à la beauté des images. 

Le rôle-titre, écrit pour le compagnon de Britten, Peter Pears, est ici interprété avec beaucoup de sensibilité par Issachah Savage. Le ténor américain – souffrant à la générale et la première, avait été remplacé, et chantait donc pour la première fois en cette soirée de deuxième représentation. Malgré une très belle présence scénique et une diction irréprochable, on peut encore ressentir une certaine fragilité vocale due sans doute à la maladie induisant une certaine insécurité scénique. Nous ne doutons pas que cela ira de mieux en mieux au fil des représentations. Et le chanteur paraît malheureusement d’autant plus fragile que le reste du plateau est à couper le souffle. Mais avant de parler des autres solistes, l’autre personnage principal – quand il est interprété avec autant de force – est sans nul doute le chœur. Placé sous la direction précise, incisive, énergique d’Edward-Ananian Cooper, le Koor van De Nationale Opera a encore prouvé son excellence musicale et scénique, dans un répertoire particulièrement exigeant.

 

 

 Crédit photographique © Monika Ritterhaus

 

 

Les chanteurs néerlandais, habitués de la maison, sont d’un excellent niveau, à commencer par Johanni Van Oostrum qui interprète l’institutrice Ellen Orford. L’on est subjugué par sa large palette de couleurs, allant de graves sérieux et chauds, à des aigus intensément lyriques, en passant par un médium expressif.  Également Néerlandaise, Helena Raskercampe campe une Auntie fruste et masculine, parfaitement dans le caractère qu’on attend de cette tenancière de bar. Lucas Van Lierop est un ténor touchant, au chant très naturel, passant d’une émotion scénique à l’autre, sans jamais détériorer sa voix. Il est issu du Dutch National Opera Studio, tout comme son brillant confrère Sam Carl qui est marquant sur tous les plans dans le petit rôle d’Hubson. C’est encore un néerlandais qui tient le rôle du révérend Horace Adams, le ténor Marcel Reijans, à la voix claire idéalement timbrée. Il est bon de voir tous ces chanteurs locaux d’une très grande qualité réunis sur un même plateau.  Particulièrement à l’aise dans ce répertoire, le baryton anglais Leigh Melrose (dans le rôle de Balstrode) est parfait : une voix époustouflante de puissance et d’énergie, et un sens du théâtre très développé. Également britanniques, Claire Barnett-Jones et James Platt sont de remarquables acteurs, à l’aise dans la folie typique propre à leur personnage. 

Enfin, l’Orchestre du Nederlands Philharmonisch est mené avec brio par le séduisant chef suisse Lorenzo Viotti, aussi attentif à ses chanteurs qu’à la variété de couleurs très symphoniques qu’il donne à l’orchestre dans les célèbres interludes. L’orchestre est tout à fait à l’aise dans ce répertoire difficile, ce qui prouve encore une fois la très haute qualité des musiciens de la phalange amstellodamoise. Une production idéale et très justement appréciée par l’enthousiaste public néerlandais !

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. AMSTERDAM, De Nationale opera en ballet, le 9 octobre 2024. BRITTEN : Peter Grimes. I. Savage, J. Van Oostrum, L. Melrose… Barbora Horáková / Lorenzo Viotti. Photos © Monika Ritterhaus

 

 

VIDÉO : « Behind the scenes » de Peter Grimes à l’Opéra d’Amsterdam

 

CRITIQUE, opéra. ANGERS, le 5 octobre 2024. MASCAGNI : Il Piccolo Marat. Matteo Lorenzo Pietrapiana, Stavros Mantis, Andrea Silvestrelli, Samuele Simoncini.. ONPL, Orchestre National des Pays de la Loire, Mario Menicagli (direction)

ANGERS NANTES OPÉRA frappe fort pour ce premier volet de sa nouvelle saison 2024 – 2025. Un choc comme on aime en ressentir à l’opéra : preuve qu’il existe encore des partitions superbement construites qui suscitent réflexion et analyse, tant la justesse de ce que l’on écoute et voit, reste pertinent. Glaçant mais pertinent.

 

Les admirateurs de son opéra premier aussi flamboyant qu’enivrant « Cavalleria Rusticana » (1890), pilier du vérisme le plus convaincant, pourront être désarçonnés par la rudesse, l’âpreté, la violence aussi dont Mascagni fait preuve dans « Il Piccolo Marat » (créé à Rome le 2 mai 1921). C’est que le sujet le commande ; en cela saluons le directeur d’Angers Nantes Opéra, Alain Surrans de faire [re]découvrir ainsi aux ligériens, une séquence méconnue de leur propre histoire où des crimes atroces, organisés sur la Loire ont atteint un sommet d’inhumanité totale [ce qu’exprime parfaitement, dans son agitation psychique, le personnage du charpentier réquisitionné par l’infâme L’Orco]. Les barques et leur fond commandé permettent ainsi de perpétrer un massacre cynique, une planification qui en préfigurent d’autres, dans la litanie écœurante des actes politiques barbares.

Ainsi ce qui fait ici la force de l’ouvrage, c’est moins les vertiges sentimentaux supposés de la part d’un compositeur italien au réalisme post vériste (en particulier post puccinien), qu’une réflexion quasi philosophique et même politique de son sujet : Mascagni très impliqué jusque dans la rédaction du livret, a parfaitement mesuré les enjeux d’une action qui s’inscrit sous le régime de la Terreur révolutionnaire française, ses délires et outrances, avec toutes les dommages collatéraux envisageables. Souvent au détriment du peuple malgré l’affiche des gouvernants qui en son nom proclament agir « pour son bien ». Mascagni ne suit pas l’exemple précédent de Giordano dans Andrea Chénier de 1896 : il préfère exprimer le tumulte des agissements collectifs et sanglants : un opéra digne de la peinture d’histoire, plutôt que la célébration d’un héros identifié.

Le premier tableau est sans ambiguïté : tout sentimentalisme en est banni et le spectateur est immergé dans les remous d’une foule hystérisée par la faim, prête à tout débordement pour satisfaire ici des besoins primaires. L’ampleur et même la sauvagerie du chœur soulignent la franchise d’un Mascagni hautement dramatique qui sert avant toute séduction mélodique, l’expressivité et la vérité d’une scène de folie collective.
Quel contraste avec le premier chœur d’ouverture qui implore la protection de Marie pour une mort sereine… Rien de tel en vérité pour les noyés de la Loire auxquels est précisément réservée la pire des tortures mortelles : l’assassinat collectif par noyade.  Ayant rappelé ce préliminaire saisissant, l’action peut donc dérouler son horreur indépassable.

La production qui se suffit parfaitement d’une mise en espace provient du Teatro Goldoni de Livourne sous la direction efficace du chef Mario Menicagli, particulièrement impliqué par la recréation de l’ouvrage ; sa direction renforce et l’expression sourde et diffuse d’une angoisse progressive à mesure que les tableaux s’enchaînent, et la cruauté directe, crue, répétée qui se réalise sur les planches. Le mal absolu incarné par le personnage de L’Orco s’impose à chacun des protagonistes ; la basse Andrea Silvestrelli a la profondeur vocale et la présence physique d’un rôle parmi les plus démoniaques de l’opéra : plus infect encore que le Scarpia de Puccini. Chacun affronte ce tyran ivrogne, manipulateur, abonné au larcin et à la torture.
Mascagni a construit le drame en clarifiant progressivement la relation amoureuse entre la nièce (martyrisée de L’Orco, Mariella) et le Petit Marat, duo complice dès le départ (pour l’affaire du panier et ses prétendues victuailles) puis de plus en plus fusionnel, au moment où les deux cœurs soudés entravent L’Orco, avant que le Charpentier (excellent Stavros Mantis) ne lui assène le dernier coup, fatal.

 

Le soldat contre L’Orco

Mariella, Le Petit Marat, L’Orco à l’acte III © Garance Wester pour Angers Nantes Opéra

 

Un personnage revêt contre toute attente une épaisseur dramatique et psychologique de première importance  : le soldat. Il est vrai que le chant solide, lumineux, droit de l’impeccable Matteo Lorenzo Pietrapiana (qui chante aussi Germont père dans La Traviata) contribue largement à la crédibilité impressionnante de ce rôle axial : voix de la vérité, présence idéale, à la fois fragile et ferme [il est aussi le plus convaincant et le plus juste de la distribution], le soldat fustige les manipulations et les abus, comme les discours mensongers ; glaive splendide de la justice et de l’équité, il accuse directement l’Assassin d’Arras : Robespierre, et à travers lui, les exactions iniques de L’Orco ; il dénonce, dévoile et révèle l’ignominie d’un pouvoir abusif ; il est la voix de la liberté et des valeurs humanistes les plus admirables, un archange célébrant l’amour et la fraternité. Mais la foule manipulable se montre sourde à son exhortation vertueuse et préfère suivre aveuglément les propos infects du tyran, expert dans l’art de retourner la foule en sa faveur. Le soldat se fait donc massacrer, sur une table, sans autre forme de procès.

Pour autant sa mort n’aura pas été inutile car les valeurs qu’il incarne (et qu’il a proclamé en début d’acte), se concrétisent à l’acte III, – le plus terrifiant, dans le combat des deux amants Mariella et Le Petit Marat, contre L’Orco. Dans ces deux derniers rôles Rachele Schinasi et le ténor Samuele Simoncini ne manquent pas de décibels ni de résilience face au démon…

Sur le plan du sujet, Mascagni opère comme une reprise actualisée du Fidelio de Beethoven : le Petit Marat, révolutionnaire zélé, acquis à la cause des partisans républicains, et récente recrue de L’Orco, est en réalité le fils de la princesse de Fleury, soit le prince Jean-Charles de Fleury dont le seul but est de libérer des griffes du despote, sa mère incarcérée avec d’autres nobles et comme eux, humiliée, dépouillée, condamnée à la noyade dans la Loire). Marat serait comme Fidelio, un agent de la vengeance et aussi une figure admirable de courage, approchant au plus près le démon pour mieux le tromper et libérer la personne séquestrée, promise à la mort.

L’Acte III est une course infernale, un cauchemar où la terreur le dispute à la barbarie active, dominée par la figure diabolique de L’Orco dont la bestialité s’exprime sans limite, tel un bourreau omnipotent… Toute la construction de l’opéra développe en tableaux noirs voire écœurants, un drame qui dénonce la brutalité barbare d’un pouvoir aussi autoritaire qu’il est mensonger. Scène de terreur et de harcèlement, scène d’assassinat, scène de folie collective comme il a été dit précédemment ; tout conspire pour créer peu à peu un climat anxiogène et étouffant jusqu’à la scène ultime, libératrice.

 

 

L’Orchestre national des Pays de la Loire porte la partition à son incandescence, sa perversité noire (en particulier au début de l’action, dans les scènes chorales déchaînées) ; comme il sait aussi étirer une soie plus enveloppante et subtilement mélodieuse à la première apparition du soldat… Un rayon éclatant et soudain dans un tunnel sombre et lugubre. Le Chœur d’Angers Nantes Opéra est plus qu’engagé : percutant.

Saluons Angers Nantes Opéra pour cette découverte spectaculaire dévoilant l’un des derniers ouvrages de Mascagni dont l’intelligence et la force dramatique éclairent un pan terrifiant de l’histoire nantaise. Car au delà de l’épisode historique, le compositeur a conçu un hymne d’amour et de fraternité contre le despotisme.

 

Toutes les photos © Garance Wester pour Angers Nantes Opéra

 

 

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CRITIQUE, opéra. ANGERS, le 5 octobre 2024. MASCAGNI : Il Piccolo Marat. Matteo Lorenzo Pietrapiana, Stavros Mantis, Andrea Silvestrelli, Samuele Simoncini.. ONPL, Orchestre National des Pays de la Loire, Mario Menicagli (direction)

 

 

LIRE aussi notre présentation d’Il Piccolo Marat de Mascagni à l’affiche d’Angers Nantes Opéra : https://www.classiquenews.com/angers-nantes-opera-mascagni-il-piccolo-marat-creation-francaise-nantes-les-2-3-oct-angers-le-5-oct-2024-samuele-simoncini-mario-menicagli-sarah-schinasi/

ANGERS NANTES OPÉRA. MASCAGNI : Il Piccolo Marat (création française). NANTES les 2 & 3 oct – ANGERS, le 5 oct 2024 – Mario Menicagli / Sarah Schinasi

 

 

 

Prochains événements

Prochains événements à ne pas manquer à ANGERS NANTES OPÉRA : Ballet CLOSE UP de Noé Soulier, du 9 octobre 2024 au 26 janvier 2025 – « Rhapsodie Bohémienne / ça va mieux en le chantant », atelier de chant ouvert à tous, les 15 et 16 octobre 2024 – PLUS D’INFOS sur le site d’ANGERS NANTES OPÉRA saison 2024 – 2025 : https://www.angers-nantes-opera.com/

 

Entretien

LIRE aussi notre ENTRETIEN avec Alain SURRANS, directeur général d’ANGERS NANTES OPÉRA, à propos de la saison 2024 – 2025, temps forts, productions nouvelles et en création, place du chant, « démocratie culturelle », … : https://www.classiquenews.com/entretien-avec-alain-surrans-directeur-general-dangers-nantes-opera-a-propos-de-la-nouvelle-saison-2024-2025/

 

ENTRETIEN avec Alain SURRANS, directeur général d’ANGERS NANTES OPÉRA, à propos de la nouvelle saison 2024 – 2025.

 

 

 

 

PHILHARMONIE DE LUXEMBOURG. Festival RAINY DAYS 2024 : « EXTRÊMES », les 20, 21, 22, 23 et 24 novembre 2024. 5 jours dédiés aux musiques « extrêmes »

A Luxembourg, «Extrêmes» est le slogan des Rainy days 2024. Au Théâtre des Capucins, à la spectaculaire Philharmonie, le Festival RAINY DAYS, rendez-vous incontournable de chaque rentrée, affiche les « extrêmes » : « beaucoup de choses peuvent être considérées comme extrêmes et l’art, de tout temps, a toujours constitué un terrain de jeu et d’expérimentations pour les extrêmes de toutes sortes, autant qu’un espace propice à repousser les limites ».

 

 

La 2ème édition du festival élaborée par la compositrice luxembourgeoise Catherine Kontz présente les extrêmes les plus divers, sources d’une invention sans limites. La plupart des partitions et des disciplines présentées ont été scandaleuses… Des « classiques modernes » tels John Cage, Morton Feldman sans omettre leur pionnier français Erik Satie … dialoguent le temps du Festival avec plusieurs œuvres nouvelles. Les œuvres scandaleuses d’hier sont-elles toujours choquantes ?

« De l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg au grand complet avec des solistes d’un côté, à l’interprète invisible d’un nouveau concerto pour piano sans pianiste de Liam Dougherty de l’autre, de 17 guitares électriques à une harpe solo « … sans omettre le théâtre Nô en français adapté à la tragédie Médée de Sénèque, la harpe audacieuse, excentrique du sorcier Rhodri Davies interprète et compositeur… voilà ce que réservent ces extrêmes à l’affiche du Festival Rainy days.
La programmation favorise aussi les échanges transgénérationnels, des très professionnels et célèbres instrumentistes du Quatuor Arditti aux jeunes participants du workshop de composition pour enfants…

 

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FESTIVAL RAINY DAYS 2024 « Extrêmes »
INFORMATIONS & BILLETTERIE : Achetez le PASS FESTIVAL pour les 5 jours :
https://ticket.philharmonie.lu/phoenix/webticket/flexpackagedetails?eventId=-75

 

 

TEASER VIDÉO

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CRITIQUE, opéra. LYON, opéra de Lyon (du 2 au 14 octobre 2024). BERG : Wozzeck. S. Degout, A. Braid, R. Watson… Richard Brunel / Daniele Rustioni.

 

Chef-d’œuvre du 20e siècle, Wozzeck d’Alban Berg (1885 – 1935) est de retour après de longues années d’absence à l’Opéra de Lyon. Avec Anton Webern et leur maître Arnold Schönberg, Berg fait partie de l’auto-proclamée Seconde École (musicale) de Vienne. Bien que la première école de Vienne de Haydn, Mozart, Beethoven et Schubert fut théorisée a posteriori, la seconde est un mouvement du début du 20e siècle témoignant d’un parcours au départ post-romantique qui finit dans le sérialisme sévère de Webern, d’après le dodécaphonisme de Schönberg, qui a inspiré lui-même le sérialisme avant-garde de Pierre Boulez. Wozzeck, premier opéra de Berg, est riche de la science, des idées et idéaux musicaux de cette école. Il représente un exemple extraordinaire de modernité et d’audace. Tout cela sans avoir recours à l’usage traditionnel de la tonalité occidentale et sa dichotomie majeur/mineur : une musique atonale au grand impact émotionnel, ce dont précisément la pièce fragmentée de Georg Büchner « Woyzeck » avait besoin pour devenir ensuite une œuvre lyrique universelle et intemporelle, d’une actualité manifeste indéniable.

 

Crédit photographique © Jean-Louis Fernandez.

 

Le livret signé par Berg lui-même (d’après le drame homonyme de Büchner), raconte l’histoire de Wozzeck, pauvre soldat-barbier, follement amoureux de Marie, avec qui il a eu un enfant en dehors des conventions sociales. Il finit par assassiner sa maîtresse en pleine rue, rongé par l’idée de son infidélité. En réalité, il s’agit d’une tragédie à la fois réaliste, naturaliste, et expressionniste. Wozzeck se sait condamné par sa position sociale, son incapacité de devenir maître sa vie ; une impuissance qui est directement liée à sa disposition mentale, que d’autres personnages remarquent froidement mais que personne ne souhaite ni envisage à l’aider. En se résignant et en s’abandonnant à une folie produite par des troubles socio-somatiques (et économiques !) de son époque, Wozzeck, le dépourvu, l’amoral, le fou, vit l’illusion temporaire d’appartenance, avant la tragédie ultime.

Le Maître des lieux Richard Brunel en livre une vision sans concession, transposée à notre époque, où Wozzeck s’est proposé comme cobaye dans un hôpital pour fuir temporairement sa misère. Pour mieux appuyer sur sa détresse morale et psychique, toute l’action se déroule entre les quatre murs de l’espace froid de la clinique (scénographie signée par Etienne Pluss), le mobil home qui lui sert de lieu de vie avec Marie s’y intégrant sans trop de heurt. Dans l’un ou l’autre, il est en permanence scanné et suivi par une caméra-robot placée au bout d’un bras articulé, jusque dans son misérable lieu de vie… doté lui aussi d’une caméra de surveillance. Les lumières blafardes de Laurent Castaingt participent du climat de malaise dans lequel sont plongés les spectateurs pendant l’heure et demie que dure le spectacle, donné sans entracte (comme le veut la coutume), afin de ne leur laisser aucun moment de répit dans cette progressive descente aux enfers, ponctuée par l’assassinat à l’arme blanche de Marie, que Wozzeck retourne contre lui peu après, dans l’indifférence de leur enfant qui retourne s’abreuver de dessins animés sur l’écran plat (devant lequel il est rivé pendant presque toute l’action).

Dans le rôle-titre, le baryton lyonnais Stéphane Degout (qui a débuté dans ce rôle au Théâtre du Capitole en 2021) se montre magistrale de vérité dramatique, en offrant un mémorable portrait du soldat fou, dont chaque note et chaque geste sont habités. Les passages de sprechgesang sont rendus avec une précision d’intonation saisissante, mais dans les moments les plus lyriques, la voix retrouve toute sa luminosité et son éclat pour rendre encore plus éloquente la souffrance de cet être écrasé de toute part. A ses côtés, la chanteuse canadienne Ambur Braidentendue sur cette même scène la saison passée dans La Femme sans ombre de Richard Strauss – s’investit sans retenue en Marie : son soprano, tour à tour tranchant et moelleux, donne corps à une sensualité oppressée, prête à éclater au grand jour. Le Tambour-Major aux rodomontades extraverties de Robert Watson, le Capitaine à l’extrême aigu abordé aux limites de la voix de fausset de Thomas Ebenstein et le Docteur à la basse acérée de Thomas Faulkner forment un terrifiant trio de tortionnaires. Les autres comprimari – sans oublier l’Enfant d’Ivan Declinand, à la fabuleuse présence, complètent de manière exemplaire cette distribution d’une formidable homogénéité.

Le dernier bonheur de la soirée provient de la fosse, et c’est bien l’orchestre qui entame le déroulement du spectacle, en l’espèce l’Orchestre National de Lyon et ses formidables instrumentistes, que nous ne quitterons plus jusqu’à la dernière note, sous la superbe battue du chef italien Daniele Rustioni, actuel directeur musical de l’institution lyonnaise,  qui travaille ici sur la transparence et la fluidité de couleurs admirablement ciselées et rendues. Admirable !

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CRITIQUE, opéra. LYON, opéra de Lyon (du 2 au 14 octobre 2024). BERG : Wozzeck. S. Degout, A. Braid, R. Watson… Daniele Rustioni / Richard Brunel. Photos © Jean-Louis Fernandez.

 

VIDEO : Extrait de « Wozzeck » de Berg selon Richard Brunel à l’Opéra de Lyon

 

CRITIQUE, opéra. LONDRES, Coliseum, le 5 octobre 2024. PUCCINI : La Bohème. M. Boreham, J. Blue, C. Rice… Jonathan Miller / Clelia Cafiero.

 

Clelia Cafiero, qui ne cesse de nous enchanter, officie actuellement à la tête de l’Orchestre de l’English National Opera pour une série de représentation de La Bohème de Puccini, en anglais dans le texte, comme tous les ouvrages programmés dans cette maison. Et une fois de plus, la jeune cheffe a restitué toute son essence profonde à un répertoire hâtivement jugé facile, mais dont elle connaît toute la complexité harmonique sur le bout des doigts. Et sa direction vaut à elle seul que l’on entende cette Bohème.

 

              Crédit photographique © Clelia Cafiero

 

Clelia Cafiero dans les pas de Pappano

 

Il convient, en effet, de se délecter des subtilités que Clelia Cafiero tire d’un orchestre de rang modeste, lequel grâce à sa direction inspirée, passe de l’ombre à la lumière. Une fois de plus, la cheffe, qui marche incontestablement dans les pas d’Antonio Pappano, révèle son talent pour saisir toute la dimension d’une partition que l’on imaginait rebattue et qui se fait ici entendre dans un drapé de nuances inattendues. Coloriste hors pair, Clelia Cafiero sait mettre en valeur toute une orchestration qui prouve une fois de plus que Puccini était à l’écoute attentive de ce qui se composait ailleurs à son époque. Son travail minutieux, avec chaque section de l’orchestre, est quasi cinématographique, tant il fait naître des images avant même que celle-ci ne surgissent sur le plateau (Ah ce glissando de cordes donnant le frisson précédant l’entrée en scène d’une Mimi mourante !). L’orchestre ici n’accompagne pas l’émotion, il la peint au regard du spectateur dans un modèle du genre. Clelia Cafiero impulse une formidable énergie qui se propage au plateau, rehaussant incontestablement l’interprétation de chacun des chanteurs.

Tous sont, en effet, à l’unisson dans un bel engagement collectif : Joshua Blue offre un Rodolfo un tantinet uniforme, mais capable de belles couleurs dans l’expression du texte. Madeleine Boreham, remplaçant au pied levé, en ce 3 octobre, Nadine Benjamin souffrante, n’est pas la plus séduisante des Mimi, mais sa technique et musicalité lui permettent une juste émotion sans affliction. Le Marcello de Charles Rice volerait presque la vedette à Rodolfo par son abattage et ses qualités vocales : l’émission est facile et le chant plaisant par son naturel. La voix de Vuvu Mpofu ne brille pas par sa puissance, mais elle campe superbement une Musetta, plus libre que frivole, donnant ainsi au personnage une profondeur inattendue. Patrick Alexander Keefe livre quant à lui un Schaunard bien en voix.  Et le Colline de Dingle Yandell, plus baryton que basse, à la voix claire, affiche la présente discrète des êtres humbles.

Quant à la parure servant d’écrin à ces jeunes voix en devenir, il s’agit de la mise de Jonathan Miller, qu’on ne présente plus, et reprise ici avec brio, par Crispin Lord, avec ses décors modulaires dévoilant au regard les coulisses du drame, qui se joue autant dans la mansarde que dans les escaliers où les jeunes bohèmes à l’âme potache chahutent et épanchent, plus tard, leur peine au crépuscule de la vie de Mimi.

Cette représentation qui, sur le papier, ne payait pas nécessairement de mine, se révèle une heureuse surprise par ce bel équilibre d’ensemble maintenu de main de Maître par Clelia Cafiero.

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CRITIQUE, opéra. LONDRES, Coliseum, le 5 octobre 2024. PUCCINI : La Bohème. M. Boreham, J. Blue, C. Rice… Jonathan Miller / Clelia Cafiero. Photo principale © Robert Workman.

 

VIDEO : « La Bohème » selon Jonathan Miller à l’English National Opera de Londres

 

CHÂTEAU DE VERSAILLES SPECTACLES. PURCELL : Didon & Énée. Sonya Yoncheva, les 18, 19 et 20 oct 2024. Chœur, Orchestre de l’Opéra Royal / Stefan Plewniak (direction).

Parmi les premières perles de l’opéra baroque présentées par Château de Versailles Spectacles : Didon & Énée de Purcell … avant L’Orfeo de Monteverdi par Les Épopées (le 25 nov). La production de cette nouvelle DIDON s’impose comme un premier événement incontournable, par la présence de la soprano sensuelle et virtuose SONYA YONCHEVA dans le rôle de la reine de Carthage. Avec autour de la diva sublime, les chanteurs de l’Académie de l’Opéra Royal.

 

Opéra mis en scène (par Cécile Roussat et Julien Lubek), Didon & Énée est le chef d’œuvre de Henry Purcell et un sommet dans l’histoire de l’opéra britannique. Il est en 3 actes sur un livret de Nahum Tate, créé à Londres en 1689.
Ici sensualité, tragédie, fantastique et magie fusionnent pour un théâtre hautement contrasté : Enée aborde à Carthage et tombe amoureux de la Reine Didon. Mais Sorcières et Esprits assassinent cette idylle, poussant Enée à reprendre la mer pour fonder Rome. Abandonnée, trahie, Didon meurt dans l’un des lamenti les plus saisissants de l’opéra baroque… inoubliable. Avec autour de la Didon magicienne de la soprano bulgare Sonya Yoncheva, les chanteurs de l’Académie de l’Opéra Royal, et Sarah Charles en Belinda, Halidou Nombre en Énée, Attila Varga-Tóth en Sorcière et Marin, Pauline Gaillard en Deuxième Sorcière… Le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra Royal sont dirigés par Stefan Plewniak. La production est assurément l’un des premiers temps fort de la saison 2024 – 2025 de Château de Versailles Spectacles.

Durée : 1h15 sans entracte – Infos et réservations : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/purcell-didon-et-enee-2/

 

Clés & présentation

Purcell, génie du baroque britannique, dit aussi l’Orpheus Britannicus ne cesse de captiver grâce en particulier au petit opéra qu’il a composé entre 1684 et 1689 : Dido & Eneas / Didon et Énée, soit 5 années inscrites dans la dernière partie de sa courte vie (il meurt en 1695) : sur le thème des amours tragiques et funèbres même, de la reine de Carthage, Dido / Didon. Le compositeur s’inspire de L’Énéïde de Virgile. Les peintres ont abondamment traité le sujet emprunté à l’histoire troyenne, celle du héros Enée qui après la chute de Troie, fuit vers l’Italie, et avant de fonder Rome, passe par Carthage (actuelle Tunisie) où il vit une passion (hélas éphémère) avec la belle Didon, reine de Carthage. L’histoire (et les peintres) ont surtout célébré le don total d’une souveraine amoureuse qui offre tout à cette passion qui la consume : devoir, responsabilité sont écartés en faveur de son amour pour Enée le troyen qui, lui, ne fait pas le même choix, obligé à son destin qui est de quitter la reine, traverser la Méditerranée pour rejoindre la péninsule italienne et donc fonder Rome.

En fin d’action, Didon abandonnée (comme une autre figure tragique de l’amour, Arianne) s’effondre et se suicide, se destinant à un vaste bucher. Purcell traite et développe la facette douloureuse de Didon dont il fait une double victime : proie de la jalouse haine de la magicienne au II – entité noire et ténébreuse qui est chantée soit par une mezzo-alto, soit un contre-ténor ; victime surtout de la trop coupable lâcheté de son amant Enée, qui n’hésite pas à la quitter pour réaliser son devoir : fonder Rome plutôt que d’aimer Didon.
Les deux temps forts de l’opéra de Purcell, ne concernent pas les duos, très rapides entre les deux amants, mais plutôt, l’invocation infernale de la magicienne, arbitre du destin de Didon et sa meilleure ennemie ; puis, le dernier tableau, celui lacrymal et tragique de la Reine, son lamento puissant et profond, véritable sommet du baroque anglais et du lyrique tout court, qui conclut l’ouvrage.

 

Dido & Eneas de Purcell en tournée :

ESPAGNE, MADRID, le 24 octobre 2024 / Auditorio Nacional de Música
ESPAGNE, OVIEDO, le 26 octobre 2024

 

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CONCOURS INTERNATIONAL DE BEL CANTO VINCENZO BELLINI 2024. NEUILLY SUR SEINE, le 25 oct 2024 : dernières auditions de sélection des candidats

Le 13ème Concours International de Belcanto Vincenzo Bellini 2024 aura lieu les 6 et 7 décembre 2024 à Vendôme. Il organise les auditions des candidats à :

Neuilly sur Seine, Théâtre
vendredi 25 octobre 2024

Candidatures ouvertes jusqu’au 19 octobre 2024

Bulletins d’inscriptions de participation à ces auditions à demander par mail avec l’envoi d’un court CV à :
[email protected] 

Limite d’âge : 35 ans (voix féminines) / 38 ans (voix masculines)
Répertoire belcantiste

Attention : les places sont très limitées et enregistrées par ordre d’arrivée

 

Plus d’infos :
https://www.bellinibelcanto-internationalcompetition.com/copie-de-le-concours

CRITIQUE, récital. RENNES, opéra de Rennes, le 4 oct 2024. « Romances d’Empire » : Maïlys de Villoutreys, soprano / Clara Izambert-Jarry, harpe. Romances de Sophie Gail (1775-1819), Antoine Romagnesi (1781-1850), Louis-Emmanuel Jadin (1768-1853), Zoë de La Rue (ca. 1770-1832), Isabella Colbran (1785-1845) …

La soprano MAÏLYS DE VILLOUTREYS reprend ce soir le programme qu’elle a enregistré sous le label de Château de Versailles Spectacles, offrant un éclairage somptueux et excellemment conçu sur un genre encore peu connu : la romance d’Empire, source vocale à laquelle les Berlioz, Liszt s’abreuveront avec le génie que l’on sait. Avant eux, une compositrice des plus inspirées a marqué l’histoire du genre et même connu une célébrité remarquable aux côtés de ses opéras comiques tels « Les deux jaloux » et donc « La Sérénade » de 1818 (vu et écouté la veille), ouvrage central du cycle que l’Opéra de Rennes dédie à Sophie Gail et qu’il a judicieusement intitulé « femmes compositrices », premier cycle événement de sa nouvelle saison 2024-2025.

 

La cantatrice aborde avec une exigence sobre l’éventail des textes qui sont d’une variété de ton et de climats aussi divers que subtils. La justesse des phrasés, le souci d’exprimer le sous texte, et la couleur souterraine de chaque épisode s’avèrent particulièrement aboutis. Tout en vivant chaque situation, il s’agit aussi d’en exprimer le caractère et la couleur générale. Passer de l’ivresse incarnée [« l’heure du soir » de Sophie Gail] à l’émotion de l’enfant qui pleure au tombeau de sa mère [« Maman ne s’éveille pas » de Romagnesi], puis des plus dramatiques [« quoi tu doutes » de Zoë de La Rue ou « L’espérance n’est qu’un beau songe » d’Isabella Colbran, muse de Rossini] relève de la gageure. Un défi pourtant assumé avec beaucoup de finesse et de sensibilité par la soprano Maïlys de Villoutreys et sa complice la harpiste, Clara Izambert-Jarry.

Comme chauffée par les pièces qui ont précédé, la voix est au plein de sa maîtrise (legato, souffle, expression, intonation…) en particulier dans les 4 dernières romances de Sophie Gail, plus graves qui partagent un dramatisme intense dans la mélodie, complément judicieux et lui aussi épuré, tragique de la mort de Werther du génial Louis-Emmanuel Jardin, fauché trop tôt comme son héros…

Le boléro et son somptueux accompagnement instrumental, dansant, noble, voire grave évoque l’épopée de Sophie Gail en Espagne où elle réussit à vivre de son art ; la coupe, le rythme soulignent encore le tempérament efficace, subtilement dramatique de la compositrice qui préfigure les Delibes ou Bizet à venir. De sorte que l’on comprend dans les faits et comme l’a expliqué la soprano au démarrage, comment la romance est ce chaînon manquant entre l’air de cour baroque et la mélodie romantique. Si le romantisme musical marque l’essor du sentiment [après le règne des passions à l’époque baroque], la romance en est déjà le véhicule le plus accompli. Pas facile de capter l’attention et de relancer le flux dramatique ; pourtant les deux artistes savent contraster et même toucher, en particulier dans le choix des pièces qui évoquent la mort [du chevalier :  « il faut mourir « ],  ajoutant à ce tour de chant très convaincant, une touche fantastique et surnaturelle celle d’un jeune amant, astucieux, déroutant qui singe la mort pour devenir « revenant » et réussit à enlever la femme mariée dont il est épris. Le récit haletant, enlevé est à ce titre saisissant [« Le chanoine de Milan »].

Même la harpe souveraine au cours de ce récital où l’instrumentiste joue en soliste trois épisodes purement instrumentaux [transcriptions et variations d’après Gail et Naderman dont le fameux « plaisir d’amour »] est idéalement mise en avant, sonore, expressive datant de l’époque impériale et de la Restauration soit l’époque où Sophie Gail connaît la célébrité. Clara Izambert-Jarry explique, présente, contextualise chaque pièce ainsi exhumée, pour le bénéfice des spectateurs qui mesurent ainsi combien l’instrument est familier alors dans les salons et les cercles aristocratiques, plus répandus que le pianoforte ; le modèle joué ce soir est pourvu d’une pédale qui permet d’altérer les notes et donc d’élargir encore palette expressive et toutes les nuances d’une répertoire qui s’inscrit dans l’intime et l’émotionnel.
D’ailleurs pour réaliser les dernières romances de Sophie Gail et de Jadin justement (sur le thème de la mort), la harpiste doit accorder différemment l’instrument.

Le volume sonore de l’instrument saisit immédiatement, comme ses qualités de caractérisation. Le jeu souple et articulé de la harpiste en parfaite complicité avec la soprano, éclaire le goût particulier des amateurs prêts à se délecter de chaque nuance et image du texte ainsi commenté et éclairé par la parure musicale ; comparée à ses contemporains, dont Romagnesi, Adam, Naderman, l’intelligence dramatique, le sens de la construction dramatique et la finesse mélodique distinguent Sophie Gail, rendant d’autant plus légitime ce focus réalisé par l’Opéra de Rennes. La finesse est le maître mot de la compositrice qui sait nuancer chaque sentiment amoureux, en particulier le désir, la frustration, la souffrance blessée, la clairvoyance sans espoir…. Autant de dépits justes et assumés qui n’empêchent pas l’élan voire l’extase intime, secrète [« L’heure du soir  déjà citée].

Les deux complices concluent le récital par une chanson de caractère signée Martini avec accent et tics linguistiques locaux qui prêtent à rire car le texte est celui d’un pauvre garçon [probablement de ferme] pris dans les rets de la souffrance amoureuse [que lui inflige Pérette : « Oh les filles, c’est toujours changeuses / c’est ça qui cause mon chagrin« ]. Entre naïveté et sincérité, dépit et désespoir, la romance pittoresque explore surtout sur le plan vocal des intervalles aussi acrobatiques que dramatiques et expressionnistes. Entre la tragédie et le comique. Conclusion très originale pour un récital des plus captivants.

 

Toutes les photos © classiquenews 2024

 

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CRITIQUE, récital. Opéra de Rennes, le 4 oct 2024. « Romances d’Empire » : Maïlys de Villoutreys, soprano / Clara Izambert-Jarry, harpe. Romances signées :
Sophie Gail (1775-1819)
Antoine Romagnesi (1781-1850)
Jean-Louis Adam (1758-1848)
Zoë de La Rue (ca. 1770-1832)
Isabella Colbran (1785-1845)
François-Joseph Naderman (1781-1835)
Louis-Emmanuel Jadin (1768-1853)

 

LIRE aussi notre critique de l’opéra « La Sérénade » de Sophie Gail, vu et écouté la veille à l’Opéra de Renne, le 3 oct 2024 : https://www.classiquenews.com/critique-opera-rennes-opera-le-3-oct-2024-sophie-gail-la-serenade-thomas-dolie-orchestre-national-de-bretagne-jean-lacornerie/

CRITIQUE, opéra. RENNES, Opéra, le 3 oct 2024. Sophie GAIL : La Sérénade. Thomas Dolié, Elodie Kimmel, Pierre Derhet, Julie Mossay… Orchestre National de Bretagne, Jean Lacornerie (direction).

 

OPÉRA GRAND AVIGNON, saison 2024 – 2025 : « FEMMES ! ». Présentation, temps forts, thématiques, artistes invité(e)s… La Traviata, Les mamelles de Tiresias, Zaïde, Alice, Turandot, Amérique, Martin Harriague…

L’OPÉRA GRAND AVIGNON poursuit pour cette nouvelle saison 2024 – 2025 son ouverture vers tous les publics, diffusant partout où elle doit l’être, une culture généreuse et engagée, destinée à « découvrir et redécouvrir, se rencontrer, partager, s’émouvoir, s’émerveiller, rire… ». La saison qui est aussi celle du bicentenaire de l’Opéra avignonnais, célèbre les FEMMES : hommage aux femmes d’art et d’histoires dont les sensibilités enfin réestimées, portées à juste titre comme jamais auparavant, enrichissent avec passion l’aventure culturelle et artistique.

 

 

Pour preuve cette saison, nombre d’artistes femmes comme d’héroïnes sur la scène lyrique dont le tempérament et l’engagement sauront émerveiller davantage une programmation particulièrement prometteuse… La Traviata (en ouverture : les 11, 13 et 15 oct), l’opéra baroque « La Giuditta di Cambridge » d’Alessandro Scarlatti (20 oct), Simone Veil (qui sera incarnée par la comédienne Cristiana Reali dans « Simone Veil, les combats d’une effrontée », 8 janvier 2025), La Petite Sirène (7 février 2025), Mimi dans La Bohème (les 28 fév puis 2 et 4 mars 2025), la soprano Patricia Petibon (« Destins de Reines », le 9 mars 2025), Zaïde de Mozart (les 26 et 27 avril 2025), … sans omettre la direction passionnée, détaillée de la cheffe Débora Waldmann, directrice musicale de l’Orchestre National Avignon Provence, phalange qui assure en fosse toutes les représentations lyriques de la Maison Avignonnaise… Débora Waldmann, baguette parmi les plus passionnantes, dirigera ainsi plusieurs grand rendez-vous symphoniques dont entre autres, le dernier grand programme de cette saison avec la trompettiste française tout aussi engagée Lucienne Renaudin-Vary (le 20 juin, au programme : symphonies de Haydn et Mozart, Concertos pour trompette de Neruda et JS Bach…) … autant de spectacles et événements qui entre autres illustrent ce nouveau cycle concocté par Frédéric Roels, directeur général d’Opéra Grand Avignon.

Quelle place pour les femmes ?

Tout en proposant une saison festive et riche, l’Opéra Grand Avignon pose les bonne questions à l’heure où l’on proclame l’égalité / l’équité entre les sexes, «  où le genre est questionné, invitation à sortir d’une vision binaire de l’humanité ? »
Les opéras et ouvrages à l’affiche de cette saison permettent de reconsidérer la place de la femme dans la société. Du moins celle qui souligne et dénonce le genre opéra depuis ses origines. C’est le propre d’une programmation lyrique, divertir tout en suscitant le débat et l’esprit critique : « Cette saison n’est pas une saison féministe. Ce n’est pas non plus son contraire. Elle interroge simplement sur la place des femmes et leurs combats envers et contre tout, au prisme de l’art musical et théâtral. Dans La Traviata, la metteuse en scène Chloé Lechat raconte l’histoire de la courtisane sous l’angle féminin. Dans Les Mamelles de Tirésias (les 6 et 8 juin 2025), c’est le personnage de Thérèse qui décide de changer temporairement de sexe. Dans Alice (les 29 et 30 mars 2025), Matteo Franceschini raconte la fausse naïveté d’une petite fille face aux contradictions de l’imaginaire. Dans La Fille de Madame Angot (27, 29 et 31 déc 2024), ce sont les femmes qui prennent une forme de pouvoir, dans un contexte transposé à la fin des années soixante. La Petite Sirène, opéra de chambre de Régis Campo (le 7 fév 2025), nous parle de la cruauté de la mutilation d’un personnage amoureux. Et l’on verra ailleurs d’autres figures lyriques féminines : Turandot, Mimi de La Bohème, Zaide. Mais aussi dans la catégorie théâtre, Colette, Simone Veil ou Hedwig, chanteur transgenre au destin tragique (le 1er mars 2025) » précise Frédéric Roels dans introduction à la nouvelle saison.

 

 

 

 

AMÉRIQUE
Simultanément une autre thématique émerge : l’Amérique. Le nouveau directeur de la danse, Martin Harriague, rebondit face à l’actualité aux USA et présente une chorégraphie pour le Ballet en évoquant la course à la Maison Blanche, actualité brûlante Outre-Atlantique (« America », les 30 nov et 1er déc 2024) ; il invite dans une autre soirée plusieurs chorégraphes américains parmi les plus passionnants (« United Dances of America », les 17 et 18 mai 2025).
C’est aussi le spectacle « Broadway Rhapsody » avec Cyrille Dubois (9 nov), qui célèbre l’univers de la comédie musicale new-yorkaise, également illustré par le concert « Echoes of America » (vibrant hommage à Leonard Bernstein, par Dulci Jubilo, L’Autre Big Band, 2 avril 2025).

 

FOLIES AMOUREUSES POUR UN BICENTENAIRE
2025 est aussi une date importante : elle marque le bicentenaire de la création du premier Opéra sur la place de l’Horloge à Avignon. En 1825, la municipalité avignonnaise « décidait d’investir dans un outil majeur dédié au théâtre et à l’opéra. C’était un geste fort, jamais démenti depuis. Nous célébrerons cela à travers un spectacle inédit : « Les Folies amoureuses », délicieux opéra bouffon qui avait été présenté à Avignon dans les semaines d’ouverture et qui s’appuie sur des musiques de Rossini, Mozart, Cimarosa et autres…. », complète Frédéric Roels / Les Folies amoureuses sur le livret de Castil-Blaze, le 1er février 2025.

 

LUCHINI, VARGAS, THARAUD…
Les délices annoncés ne s’arrêtent pas là ; à noter bien d’autres découvertes et rencontres mémorables en compagnie du Chœur, du Ballet et de la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon, de l’Orchestre national Avignon-Provence … et aussi avec les talentueux Fabrice Luchini (« La Fontaine et le confinement, 26 oct), Stéphane Freiss, Yvan Attal… sans oublier, l’un des plus grands ténors de sa génération : Ramón Vargas (19 oct), ni le récital de son confrère, ténor lui aussi, Enguerrand de Hys (et Paul Beynet, piano), le 14 déc 2024, ou le concert du pianiste Alexandre Tharaud, interprète d’une trilogie poétique enchanteresse : JS Bach, Ravel, Dukas (transcription pour piano de l’Apprenti sorcier, le 13 avril 2025)…

 

 

PLUSIEURS RVS BAROQUES…
Les amateurs de musique baroque ne seront pas déçus, enthousiasmés même grâce à plusieurs perles programmées ( en partenariat avec Musique Baroque en Avignon : outre La Giuditta di Cambridge en oct, déjà citée, ne manquez pas en effet, le programme défendu / incarné par le contre-ténor Léopold Gilloots (concert virtuose, acrobatique d’un très grand interprète qui chante le contemporain comme le baroque avec la même percutante justesse, la même subtile intensité « Haendel vs Farinelli », le 24 nov), « Mater Dolorosa » (le 26 janvier 2025 : Vivaldi et Pergolèse avec le sopraniste Bruno de Sá et le contre-ténor Paul Figuier), le récital du claveciniste Skip Sempé (16 mars 2025), …

En musique de chambre, succombez comme nous au geste audacieux, transcendant du Quatuor Tchalik, singulière fratrie de musiciens passionnants à la sonorité hypnotique (Quatuors de Mozart et Schubert, avec « Les voix de l’indicible » de Fabien Waksman, création 2024, le 6 avril 2025).

 

VOUS AVEZ DIT IMMERSIF ?
Enfin après le succès de « La Flûte enchantée – le souffle de la paix »
la saison dernière, lOpéra Grand Avignon propose un nouvel opéra participatif, pour un très large public « Turandot – énigme au musée », d’après l’opéra Turandot de Puccini (18 et 19 janvier 2025) ; une immersion qui donne l’occasion à tous de chanter à nouveau avec les artistes sur scène. Une expérience et une aventure exceptionnelle pour partager et vivre le spectacle vivant, ensemble. Superbe geste collectif !

 

 

 

TOUS LES PROGRAMMES, la billetterie en ligne, le détail des spectacles et des concerts, les artistes à l’affiche, sur le site de l’Opéra Grand Avignon, saison 2024 – 2025 : https://www.operagrandavignon.fr/

 

 

 

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ENTRETIEN avec Stéphane FUGET, fondateur et directeur artistique des Épopées. Genèse des Épopées, premiers accomplissements, Grands Motets de Lully, opéras de Monteverdi… Cycles de la Nouvelle saison 2024 – 2025.

En l’espace de quelques années, Les Épopées créées en 2018, sont devenu un acteur majeur du paysage baroque en France et dans le monde (jusqu’en Chine !). Cette fulgurante ascension est portée par une sensibilité pour la recherche, l’excellence enseignée auprès des jeunes musiciens, et aussi la suprême liberté de l’improvisation, autant de valeurs que le fondateur, chef et claveciniste, Stéphane Fuget ne cesse de cultiver, partager, transmettre… Lully, Monteverdi, Haendel sont les premières bornes d’une approche généreuse, engagée des répertoires qu’inspirent toujours le plaisir, le partage et un questionnement continu. Le geste de Stéphane Fuget ouvre de nouveaux horizons interprétatifs dont témoignent les prochains projets dans salles et festivals avec lesquels il a tissé des liens, mais aussi le Festival et l’Académie d’été qu’il a fondés dans l’Yonne…

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                      Crédit photo © William Beaucardet

 

Classiquenews : qu’est-ce qui fait aujourd’hui la singularité de votre ensemble Les Épopées ? A la fois son répertoire, sa sonorité propre, son fonctionnement… Et pourquoi le nom “Les Épopées” ?

Stéphane Fuget : Nous sommes maintenant à la troisième ou quatrième génération de baroqueux, de musiciens “historiquement informés”. On pourrait croire qu’il suffirait de jouer en suivant les indications d’un professeur dans un conservatoire, d’un “maître”. Mais l’esprit “musique ancienne” est de continuer à chercher, d’interroger les partitions, les modes de jeu, la facture instrumentale, etc. Le nom des Épopées est venu de cette idée qu’il fallait continuer de questionner le geste interprétatif, avançant ainsi vers des mondes nouveaux. Je crois que le propre même d’une “épopée” est de se dire : on part pour une aventure, on interroge les choses et puis on avance tous ensemble sur ce chemin.

Concrètement, les spécificités des Épopées sont d’un côté un travail original sur l’ornementation qui vient faire miroiter la musique comme le soleil dans la Galerie des glaces de Versailles ou à travers les vitraux d’une église, et de l’autre sur le rapport parlé /chanté dans l’opéra venant ainsi libérer l’émotion du texte rendu plus proche de nous. Ce que je n’avais absolument pas prévu au départ, c’est que ça deviendrait une véritable épopée, non pas musicale mais une épopée… de vie. Je m’explique… On a créé l’ensemble en 2018, et en 2020 est arrivé le Covid, puis la crise économique actuelle. C’est vraiment devenu une épopée ! (rires)

Pour en revenir à votre question, une des spécificités des Épopées, c’est le mélange de jeunes artistes et d’artistes confirmés de renommée internationale. Je rencontre les jeunes dans des formations que je fais dans différents stages ou master classes, mais aussi au Conservatoire de Paris (CRR) ou j’enseigne depuis treize ans. J’y ai une classe d’opéra baroque dans laquelle nous faisons en moyenne deux à trois opéras par an ; cela permet de repérer des artistes avec qui on a envie de travailler, et qui ont aussi pris l’habitude de travailler avec moi.

Pour moi, le conservatoire est un lieu de recherche continuelle, une sorte de laboratoire. Les Épopées sont comme une version à un niveau professionnel de cette recherche. Quand on est comme nous sur un geste très singulier, il faut travailler avec des musiciens qui soient ouverts à cette nouveauté, et prendre le temps, productions après productions, d’approfondir ce geste, de le questionner ensemble, de s’habituer à le questionner ensemble, d’y répondre ensemble, d’en faire une interprétation collective. C’est ainsi qu’on crée une matière sonore et interprétative commune propre, unique, reconnaissable.

 

Classiquenews : Comment et pourquoi vous vous êtes associés à l’Opéra Royal de Versailles, notamment pour un cycle des Grands Motets de Lully dont le quatrième et dernier disque est paru au printemps dernier chez le Label Château de Versailles Spectacles et L‘Orfeo de Monteverdi en juin ?

Stéphane Fuget : En 2018, nous avons donné au festival des Riches Heures de La Réole, le Dies Irae et le Te Deum de Lully. Or, Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles, cherche constamment des chefs et des ensembles qu’il puisse inviter à Versailles. Après le concert de La Réole, auquel il n’a pas assisté mais dont il a vu un extrait vidéo, il m’a proposé de faire l’intégrale des Grands Motets de Lully. J’ai bien évidemment accepté avec joie. Laurent sait prendre des risques avec de jeunes ensembles : il l’a fait avec nous, comme il l’a fait avec beaucoup d’autres… On a enregistré le premier volume en juillet 2020, en pleine période de Covid, donc sans public, mais avec la présence des caméras d’Arte. C’est ça qui a fait connaître les Épopées. Presque personne à cette période-là ne faisait déjà ce genre de choses, et ça nous a donné une visibilité phénoménale immédiatement. Je serais presque tenté de dire que le Covid aura été une “chance” pour nous.

Nous avons également enregistré à Versailles les trois opéras de Monteverdi, des Airs de cour de Charpentier, et l’Alceste de Lully qui va paraître en début d’année prochaine. Il y a deux autres lieux qui nous ont accompagnés très vite depuis le départ. Le Festival de Beaune tout d’abord. Quand j’ai créé les Épopées, Anne Blanchard et Kader Assissi, qui dirigeaient le festival, m’ont tout de suite invité. Nous y avons donné les trois opéras de Monteverdi de 2021 à 2023, et cet été Alcina de Haendel. Et puis l’Académie Bach d’Arques-la-Bataille, où Jean-Paul Combet nous a invité pour des stages et des concerts chaque année, autour des airs de cours et des Madrigaux italiens.

 

Crédit photo © William Beaucardet

 

Classiquenews : Mais vous savez aussi parfois sortir de la musique baroque ?

Stéphane Fuget : Bien sûr ! Par exemple un programme autour de “L’amour et la vie d’une femme” de Schumann et l’Ariane à Naxos de Haydn – dans lesquels les héroïnes parlent à la première personne. On donne également un programme piano et chant pour les enfants, “En sortant de l’école” ; avec des compositeurs comme Kosma, Ravel, Debussy, Poulenc, ou bien encore des programmes de romances du début du XIXème siècle… Et quelquefois, nous faisons des incursions dans la musique contemporaine. On travaille en particulier avec le compositeur Jean-Pierre Seyvos, tout simplement parce qu’il travaille en création partagée, avec des consignes, faisant évoluer l’œuvre ensemble par nos interactions, improvisant en permanence, sans jamais écrire une note.

Cela rejoint quelque chose qui me fascinait quand j’étais adolescent : la liberté d’improvisation qu’avaient les pianistes au XIXe siècle, et qui a été beaucoup perdue durant la deuxième moitié du XXe siècle. J’aimais improviser “alla” Liszt des paraphrases sur des opéras. C’est cette liberté que j’ai retrouvée au clavecin, et qui constitue évidemment une très grande partie de l’interprétation de la musique baroque : improviser la basse continue, rajouter des ornements, ne jamais jouer deux fois la même chose. Voilà une chose que j’aime beaucoup !

 

Classiquenews : Depuis la révolution baroque, il y a 50 ans, comment, selon vous, a évolué l’approche « historiquement informée » ? Quel est votre regard sur le sujet et comment aborder le répertoire baroque aujourd’hui ?

Stéphane Fuget : La question centrale est celle du va-et-vient entre transmission et recherche. Il y a eu d’abord ceux qui ont cherché, puisqu’il fallait retrouver ce qui avait été perdu – instruments, modes de jeux, etc. Maintenant, ayant recréé une sorte de tradition nouvelle, on reçoit un enseignement qui transmet un savoir-faire. Mais en même temps, il faut continuer à questionner les pratiques des époques passées. Le champ des possibles est immense. On est en perpétuelle redécouverte de sources qui remettent en cause des choses qu’on pensait vraies et qui ne l’étaient peut-être pas… Autant de champs de recherche : tenue des instruments à cordes, épaisseur des cordes en boyaux, facture des vents, taille des anches, connaissance des instrumentations en redécouvrant les parties séparées de l’époque, questionnement de ce fameux parlé/chanté, place et quantité des ornements, etc.

 

Classiquenews : Vous avez fondé une Académie et un festival qui ont lieu l’été dans l’Yonne, vers Sens, où vous vivez… Pouvez-vous nous en parler ?

Stéphane Fuget  : L’Académie et le Festival sont nés conjointement en 2021, dès que ça a été possible, après la période du Covid. Nous venons de connaître notre 4ème édition cet été. Pendant 10 jours, nous enseignons (Claire Lefilliâtre et moi-même le chant, Odile Edouard le violon, Christophe Coin le violoncelle et la basse de viole, Nicolas Bucher la musique de chambre, Gudrun Skamletz la danse baroque). Et tous les soirs, nous allons tous, professeurs et stagiaires, aux concerts du festival. C’est assez extraordinaire comme les concerts nourrissent les cours ! Chaque concert est dans un lieu différent, mettant en valeur le patrimoine magnifique de notre région, et la rencontre avec ses différents habitants. Là aussi on tisse des liens et on tend des passerelles entre public, stagiaires, et artistes. Pas de thème particulier pour notre festival, mais on y retrouve toujours un concert par un jeune ensemble, un concert de ma classe d’opéra du CRR, un programme stylistiquement cross-over, un récital… et on finit toujours par un bal tous ensemble ! C’est plutôt sympa, vous ne trouvez pas ? (rires)

 

Classiquenews : Quels sont vos projets pour cet automne 2024 ?

Stéphane Fuget : Nous sommes très heureux de tourner en concert à Dortmund et Versailles, notre Orfeo de Monteverdi, avec une distribution magnifique : Julian Prégardien en Orfeo, si sensible et humain, Isabelle Druet, Claire Lefilliâtre, Cyril Auvity, Luigi De Donato, Gwendoline Blondeel, Paul Figuier... Et puis nous allons pour la première fois en Chine pour six concerts et une masterclass, à Shenzhen, Shanghai et Jingdezhen, en petite formation orchestrale (7 musiciens) et trois chanteuses. C’est un magnifique projet autour de Haendel et Bach. Puis la saison continuera l’année prochaine (2025) avec des opéras en concert. Une fabuleuse Alcina de Haendel à Versailles avec notamment Lisette Oropesa, Gaëlle Arquez et Teresa Iervolino dans les principaux rôles ! Une Médée de Charpentier à Singapour ! Puis une Morte d’Orfeo de Stefano Landi enregistrée et donnée en concert également à Versailles, avec Juan Sancho dans le rôle-titre. Et à Sens, dans l’Yonne, un énorme projet de musique espagnole autour de l’année 1600, avec plus d’une centaine de participants … Bref, l’aventure continue !

 

Propos recueillis par Emmanuel Andrieu en septembre 2024

 

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Crédit photo © Orianne Pascal

 

 

Approfondir : Lire notre critique de « Alcina » de Haendel par Stéphane Fuget / Les Epopées au Festival de Beaune en juillet 2024  :

 

CRITIQUE, festival. BEAUNE, 42ème Festival International d’Opéra Baroque et Romantique (Cour des Hospices), le 19 juillet 2024. HAENDEL : Alcina. A. M. Labin, A. Bré, F. Hasler, S. Marino… Les Epopées / Stéphane Fuget.

CRITIQUE, opéra. RENNES, Opéra, le 3 oct 2024. Sophie GAIL : La Sérénade. Thomas Dolié, Elodie Kimmel, Pierre Derhet, Julie Mossay… Orchestre National de Bretagne, Jean Lacornerie (direction).

Ce soir la verve et la très grande séduction musicale du génie féminin est à l’honneur grâce à la récréation de l’opéra comique La Sérénade des  » deux Sophie » : Sophie Gay pour le texte et Sophie Gail pour la musique. Les deux complices adaptent ainsi pour la scène lyrique la pièce du dramaturge Regnard [1694] particulièrement en octosyllabes [plus dynamiques] ; il en découle un joyau musical et théâtral qui passe comme… une comédie musicale ; grâce à la mise en scène allégée, badine, bien rythmée de Jean Lacornerie, les deux auteures brillent par leur intelligence, leur compréhension des ressorts dramatiques de la source baroque [entre la commedia dell’arte et surtout Molière], en en démontant la mécanique théâtrale pour dénoncer allusivement la barbarie d’une société phallocratique à travers l’indignité des mariages arrangés.

 

L’action déroule sur la scène une succession de seynètes savoureuses empruntant beaucoup, comme pour la musique, à Rossini [et son fameux Barbier de Séville, créé 2 ans avant La Sérénade]. La thématique résonne dans la vie de la compositrice elle-même car Sophie Gail fut mariée contre son gré à une homme de 20 ans plus vieux qu’elle…. Ce qui ne l’empêchera pas ensuite d’affirmer sa liberté, farouche personnalité désormais emblématique d’une émancipation plutôt exceptionnelle à son époque. Comme en atteste le leitmotiv de la partition, manifeste moderne lui aussi, avant tout autre, « l’amour doit décider du choix« .

 

contre le mariage forcée,
une délicieuse sérénade
néo-mozartienne, néo-rossinienne…

 

 

Théâtre dans le théâtre, la musique est le sujet même de l’action et Scapin devenu musicien amuseur divertit et expose ici ses fabuleuses aptitudes face au vieux barbon, dans une série d’airs qui parodient tous les styles : entre autres, des airs alla Zingarelli [composés par Sophie Gail et Manuel Garcia probablement], alla Mozart, alla
Gluck, à la Jean-Philippe Rameau [dont le génie dramaturge, spectaculaire s’invite dans ce festival éclectique]… Et même du JS BACH  dans la première mélodie collective.
Sans omettre ROSSINI déjà cité, en particulier dans l’énergie des sextuors [dont celui trépidant qui fait suite à la rencontre entre le vieil avare et la jeune beauté convoitée].

La production créée à l’Opéra Grand Avignon en 2022, s’est rodée depuis ; ce qui s’entend dans la continuité de ce soir ; le jeu des acteurs chanteurs paraît naturel dans l’illusion d’une improvisation feinte. La mise en-scène ne lâche rien et enchaîne tous les tableaux en un continuum comique qui allie facétie et finesse, incluant aussi le récit moderne du comédien Gilles Vajou [qui devient aussi Champagne, l’ivrogne prêteur à gages] lequel nous permet d’en apprendre davantage sur le contexte de création en 1818. Période où la Restauration, après l’Empire, renforce le retour de la Monarchie, artistiquement en se replongeant dans l’esprit et le caractère du XVIIème…

Vocalement tous les rôles tiennent leur partie, unité et cohésion qui scellent la réussite des multiples scènes à rebondissements ; y compris depuis l’amorce où la troupe propose au public de dévoiler à la façon d’une répétition ouverte, comment jeu d’acteur, répliques, chant se mettent en place. Il est aussi question de cocher chaque phrase du texte quand elle exprime un propos misogyne. De quoi souligner davantage la portée critique du spectacle.

La figure de Scapin, valet plein d’astuces se distingue nettement dramatiquement autant que vocalement ; dans le texte, il est le pilier du drame, permettant à son jeune maître Valère, plutôt ingrat et narcissique de triompher car ce dernier aime celle [Léonore] que veut épouser son vieux père [griffon].

Ainsi sur le plan vocal, le plateau brille par sa cohérence et son homogénéité, favorisant toujours l’émergence et le déploiement de la séduction comique. De fait le Scapin de Thomas Dolié est bien chantant et idéalement naturel ; et ses partenaires masculins, Vincent Billier et Pierre Derhet, semblablement convaincants ; même Jean-François Baron (Monsieur Matthieu) est très plausible. Le trio des femmes, moins exposé et développé que le personnage de Scapin, soit Elodie Kimmel, Julie Mossay et Carine Séchaye est piquant et facétieux. Percutante, la voix d’Elodie Kimmel aussi mordante que puissante, se distingue.

En fosse, le chef Rémi Durupt, et les instrumentistes de l’Orchestre national de Bretagne détaillent, offrent une palette pétillante et enjouée, propre à exprimer toute la légèreté comique d’une partition qui semble faire la synthèse entre Haydn, Mozart et Rossini. L’Opéra de Rennes régale l’audience qui est invitée à participer concrètement en chantant la mélodie finale, savoureux hymne à l’amour.  Saluons le choix d’avoir ainsi programmer un spectacle qui divertit autant qu’il fait réfléchir. Réjouissant.

 

 

Toutes les photos © Laurent Guizard et © Cédric Delestrade

 

approfondir
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LIRE aussi notre présentation de l’opéra La Sérénade de Sophie Gail : https://www.classiquenews.com/opera-de-rennes-sophie-gail-la-serenade-1818-du-30-sept-au-5-oct-2024-thomas-dolie-elodie-kimmel-orchestre-national-de-bretagne-remi-durupt-jean-lacornerie/

LIRE aussi la critique de l’opéra La Sérénade de Sophie Gail, présenté à l’Opéra Grand Avignon en déc 2022 : https://www.classiquenews.com/critique-opera-avignon-le-30-dec-2022-sophie-gail-la-serenade-debora-waldman-jean-lacornerie/

 

 

 

CRITIQUE, opéra. LONDRES, Royal Opera House, le 7 octobre 2024. TCHAÏKOVSKY : Eugène Onéguine. G. Bintner, K. Mkhitaryan, L. Avetysian… Ted Huffman / Henryk Nanasi.

Cela faisait neuf ans que Eugène Onéguine de Tchaïkovsky n’avait pas été programmé à la Royal Opera House de Londres, et il n’a pas galvaudé de dire que cette nouvelle production était particulièrement attendue. Et le résultat n’en est que plus décevant. On ne peut toutefois pas reprocher à la Royal Opera House de ne pas avoir fait preuve d’audace et d’ambition en confiant la mise en scène au réalisateur américain Ted Huffman, connu pour ses productions épurées et percutantes. Mais le choix d’un grand nom ne suffit certes pas pour faire un grand spectacle…

 

Soyeux à l’écoute, austère au regard

 

Crédit photographique © Tristram Kenton

 

Ted Huffman, et le scénographe Hyemi Shin, ont réduit Eugène Onéguine à un minimalisme en clair-obscur, dans un jeu étudié d’ombre et de lumière, conférant un visage austère à l’œuvre. La scène est vierge de décors, et seuls quelques accessoires viennent l’agrémenter : tables, chaises, et ballons pour la fête de Tatiana. Décontextualisée par un décor dépouillé, la grande célébration de la fête des récoltes n’est plus ici qu’un ballet chorégraphique, certes minutieusement réglé, mais dépourvu de sens. De nombreuses autres incongruités viennent également ponctuer la mise en scène notamment dans la scène du duel où Onéguine ne tue pas du tout Lensky : il dépose à terre son pistolet dont ce dernier se saisit pour se tirer une balle dans la tête. Huffman cherche t-il par là même à décharger Onéguine d’une quelconque culpabilité pour en faire davantage une victime qu’un bourreau ? On demeure toutefois perplexe face à cette mise en scène qui fait ce qu’elle veut avec l’œuvre sans qu’il n’y ait de réels justificatifs à une telle lecture. Heureusement, Huffman avance diverses autres propositions scéniques plus pertinentes. Ainsi dans la dernière partie de l’opéra, nous voyons Tatiana jouer avec les enfants d’Olga pendant que le fantôme de Lensky les regarde, ce qui donne une réponse poignante aux réflexions de ce dernier sur la façon dont on se souviendra de lui.

Mais s’il existe des points critiques, Il y a aussi beaucoup à aimer dans cette production, à commencer le sublime Lensky du ténor arménien Liparit Avetisyan, qui nous a offert la performance vocale exceptionnelle de la soirée, avec l’air « Kuda, Kuda« . La voix à l’aigu lumineux confère un crépuscule en forme d’aube à ce Lensky introspectif et poignant. Sa compatriote Kristina Mkhitaryan chante magnifiquement Tatiana, avec un phrasé sincère, un timbre crémeux et des notes de tête d’une grande clarté. Et il y a le chœur, tout aussi superbe que l’éloquence musicale avec laquelle l’orchestre, sous la direction d’Henrik Nánási, a restitué la partition sublime de Tchaïkovsky. Nous nous sommes littéralement délectés de la splendeur du rendu orchestrale, et notamment à l’écoute du grand thème de Tatiana pétri de cordes d’une grande finesse et de bois plaintifs. On se dit qu’avec tous ces atouts, cet Onéguine aurait pu être une production  réussie, mais encore fallait-il, outre une mise en scène cohérente, que le rôle-titre tienne toutes ses promesses. Or Gordon Bintner déçoit. Bien que possédant une voix de baryton agréable et élégante, le baryton-basse canadien s’est heurté à des problèmes de justesse, et à une tension vocale de plus en plus présente au fil de la représentation.

On attendait beaucoup de cette nouvelle production, sans doute trop, finalement…

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CRITIQUE, opéra. LONDRES, Royal Opera House, le 7 octobre 2024. TCHAÏKOVSKY : Eugène Onéguine. G. Bintner, K. Mkhitaryan, L. Avetisyan… Ted Huffman / Henryk Nanasi. Photos © Tristram Kenton.

 

VIDEO : Trailer de « Eugène Onéguine » selon Ted Huffman à la ROH de Londres

 

RADIO CLASSIQUE, en direct jeudi 10 oct 2024, 20h30. Invalides : concert d’ouverture de la saison musicale 2024-2025. Symphonie n°5 de BEETHOVEN, Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer.

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Radio Classique diffuse en direct le concert d’ouverture de la Saison musicale des Invalides ce jeudi 10 octobre 2024 à 20h30.

Jérémie Rhorer et son orchestre sur instruments historiques, Le Cercle de l’Harmonie, ouvrent la nouvelle Saison musicale des Invalides, sous la nef de la Cathédrale Saint-Louis. Au programme, Ludwig van Beethoven
D’abord le Concerto pour piano n°1 avec la pianiste japonaise Mari Kodama. Cette œuvre de jeunesse commencée à 25 ans en 1795 est achevée en 1798. Beethoven s’y révèle déjà maître de son inspiration, conquérant, virtuose, alliant la grâce de Mozart et l’équilibre souverain de son maître Haydn.
Puis essor et vertige symphoniques, avec la célébrissime Symphonie n°5 (1808), amorcée par ses premières quatre notes, affirmation, exclamation répétée dont l’auteur a déclaré : « Ainsi le destin frappe à la porte. » Même Goethe auditeur déconcerté mais admiratif, fut surpris par sa démesure, sa grandeur, son souffle inédit, précurseur d’un nouveau monde…

 

RADIO CLASSIQUE, jeudi 10 octobre 2024, 20h – Concert Beethoven : Concerto pour piano n°1, Symphonie n°5 – Le Cercle de l’Harmonie – Jérémie Rhorer, direction.

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LIRE aussi notre présentation du concert d’ouverture de la saison musicale des Invalides 2024 – 2025 : https://www.classiquenews.com/invalides-10-oct-2024-concert-douverture-beethoven-symphonie-n5-concerto-pour-piano-n1-mari-kodama-le-cercle-de-lharmonie-jeremie-rhorer-direction/

 

LIRE aussi notre entretien avec Christine DANA-HELFRICH, conservateur en chef du patrimoine, chef de la mission musique et responsable artistique de la Saison Musicale du Musée de l’Armée aux Invalides – à propos de la saison 2024-2025 : https://www.classiquenews.com/entretien-avec-christine-dana-helfrich-conservateur-en-chef-du-patrimoine-chef-de-la-mission-musique-et-responsable-artistique-de-la-saison-musicale-du-musee-de-larmee-aux-invalides-a-propos-de/

 

 

CRITIQUE, opéra. ROUEN, Théâtre des Arts (du 29 septembre au 5 octobre 2024). VERDI : Aïda. J. El-Khoury, A. Smith, A. Kolosova, N. Lagvilava… Philipp Himmelmann / Pierre Bleuse.

Nous sommes à l’Opéra de Rouen Normandie pour la troisième représentation d’Aïda de Giuseppe Verdi, signée Philippe Himmelmann. En fosse, le maestro Pierre Bleuse réalise une direction convaincante, bénéficiant d’une distribution rayonnante dont la fabuleuse soprano libano-canadienne Joyce El-Khoury dans le rôle-titre. Une production à la fois flamboyante et intimiste, d’une richesse musicale indéniable.

 

 

Aïda ou l’intégrité qui dérange

 

Crédit Photo © Fred Margueron

 

Beaucoup d’encre a coulé autour des origines de cet opéra, avec bien des légendes associées à sa composition. En fait, l’œuvre n’a été écrite ni pour l’inauguration du canal de Suez, ni pour celle de l’Opéra du Caire. Elle résulte d’une commande faite à Verdi en 1870 par le Khédive d’Égypte, Ismaïl Pacha. L’opéra est créé avec près d’une année de retard, car les décors et les costumes devaient arriver de Paris et la capitale française était assiégée par les Prussiens. Dans l’intrigue, Radamès, général égyptien victorieux, s’éprend d’Aïda, une esclave qui n’est autre que la fille du roi éthiopien vaincu. Il lui dévoile un secret militaire, puis tombe sous le coup de la loi et finit par se confronter à la mort, … rejoint par Aïda ; Amnéris, la fille de Pharaon, à qui on l’avait fiancé, est le témoin triste de leur sort. Le sujet fait visiblement appel aux valeurs de prédilection du compositeur : amour, patriotisme, dévouement, fidélité, courage. Verdi peut à nouveau démontrer la variété de ses talents, passant des grandioses scènes d’ensemble aux personnages isolés, des passions collectives au drame intime. Le compositeur est ainsi amené à soigner tout particulièrement l’enchaînement des scènes d’atmosphères très diverses, et à exiger des interprètes une étroite complicité pour donner à l’opéra, une unité d’esprit malgré sa complexité. 

Dans ce sens, la direction du chef Pierre Bleuse – à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen et de l’Orchestre Régional de Normandie – se révèle remarquable. Sa battue est un heureux mélange de finesse et d’intelligence, avec une attention particulière au contrepoint hardi d’une partition à la riche couleur orchestrale. Ainsi, la scène nocturne sur les rives du Nil est un moment fort, atmosphérique à souhait, où les magnifiques cordes tombent entièrement sous le charme antiquisant d’une flûte solo, excellente. Cette musique sublime coexiste avec la plus célèbre musique martiale du compositeur, l’iconique marche triomphale du 2ème acte, où les cuivres incarnent la solennité et la rigueur d’un rituel collectif. 

Les performances vocales des chanteurs se distinguent davantage en partie grâce à la mise en scène intimiste, mais flamboyante, de Philipp Himmelmann. Ici, la scène est unique et épurée ; elle est continuellement éclairée par les murs, composés de lampes mobiles qui peuvent s’interpréter comme des yeux qui regardent la distribution. Un effet parfois troublant ; ses yeux-lanternes parlent aussi du récit par les regards détournés ainsi que par l’absence du regard. La soprano Joyce El-Khoury en Aïda est tout simplement superlative ; son interprétation aussi sensible qu’assurée d’un rôle redoutable; elle forme un très beau couple avec le ténor Adam Smith dans le rôle de Radamès. Ce dernier est bouleversant d’humanité dans l’air du premier acte, « Celeste Aïda », qui est superbement accompagné par trompettes et  trombones, mais chanté de façon expressive, douce et enthousiaste en même temps ! Les deux rayonnent d’un lyrisme tragique dans leur ultime duo à la fin de l’opéra « O terra, addio ». La mezzo-soprano Alisa Kolosova dans le rôle d’Amnéris est parfaite dans l’interprétation de ce personnage complexe : elle y est à la fois piquante et émouvante sur scène. Idem pour le baryton géorgien Nikoloz Lagvilava dans le rôle d’Amonasro, roi d’Éthiopie, qui s’impose par sa présence et son chant plein de brio. De même, la Grande-Prêtresse de la soprano Iryna Kyshliaruk touche l’auditoire par la beauté du timbre et son chant cristallin. Enfin, le Chœur Accentus / Opéra de Rouen Normandie, fréquemment sollicités, se montre fabuleusement dynamique dans l’incarnation de la ferveur, à la fois religieuse et militaire. Une Aïda intimiste, ma non troppo, qui touche par sa grande beauté et intégrité !

 

 

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CRITIQUE, opéra. ROUEN, Théâtre des Arts (du 29 septembre au 5 octobre 2024). VERDI : Aïda. J. El-Khoury, A. Smith, A. Kolosova, N. Lagvilava… Philipp Himmelmann / Pierre Bleuse. Photos © Fred Margueron.

VIDEO : Trailer de « Aïda » de Verdi à l’Opéra de Rouen Normandie

 

 

ORCHESTRE CONSUELO, Victor JULIEN-LAFERRIERE (direction). Saison 2024 – 2025 : Intégrale des Symphonies de Beethoven, premier cd Tchaikovsky, Liya Petrova…

Depuis sa création en 2021 à l’initiative du violoncelliste Victor Julien-Laferrière, l’Orchestre CONSUELO ne cesse d’affirmer sa personnalité artistique, un son, un geste interprétatif bien à lui, qui s’avèrent très convaincants dans l’exploration des piliers du répertoire ou dans le dévoilement de pièces moins connues. Baptisé du nom de Consuelo, référence à l’héroïne musicienne du roman de George Sand, le collectif réuni autour du chef violoncelliste, a d’emblée marqué les esprits par un fonctionnement renouvelé, – comme entité collective constituée de plusieurs sensibilités (dont plusieurs solistes aguerris), et une lecture globale, particulièrement pertinents. Consuelo nuance notre perception d’un orchestre, il est autant une aventure artistique qu’humaine.

Toutes les photos : © Jean-Baptiste Millot

L’Orchestre Consuelo
Victor Julien-Laferrière (direction)

Ferveur chambriste, vertiges symphoniques

 

 

BEETHOVEN … Ce n’est pas le récent coffret comprenant les Symphonies 1, 2 et 4 de Beethoven (2 cd b-records), paru en ce mois de septembre 2024 qui démentira cette formidable percée. En 3 ans, Consuelo n’a cessé de séduire, convaincre, exalter. Le coffret discographique révèle et confirme d’étonnantes aptitudes ; Victor Julien-Laferrière poursuit sa carrière de soliste avec Ludwig depuis déjà très longtemps. Il en a mesuré la puissance, l’inventivité, l’essence conquérante et jupitérienne, … tous les défis. Orchestre et chef ont choisi la superbe acoustique de l’Abbatiale de la Chaise Dieu pour mener à bien ce qui s’annonce comme une nouvelle intégrale passionnante : les 9 symphonies de Beethoven, soit un vaste projet sur 4 années. Les volumes suivants sont déjà planifiés (Symphonies n°5, 6 et 8, enregistrées cet été 2024 à La Chaise Dieu donc et annoncées courant 2025). La réalisation si particulière des tempi, l’effectif aussi, spécifique, en particulier concernant les cordes, et cette proposition idéale entre musique de chambre et souffle orchestral… en sont désormais les éléments probateurs.

 

TCHAÏKOVSKI… Un tout autre défi est déjà annoncé, celui-là dédié à Tchaïkovsky avec à la clé un enregistrement également (annoncé le 31 janvier 2025, chez Mirare), ainsi qu’un concert de lancement à la Philharmonie de Paris le 12 février suivant. Au programme de ce premier cd dédié au compositeur russe, ses 4 Suites pour orchestre (n°1 et n°2), partitions de maturité pourtant rares au concert mais remarquables à plus d’un titre. « On retrouve à la fois une écriture savante, très précise et aussi des moments de légèreté avec des passages courts, des valses et des évocations de l’enfance » précise Victor Julien-Laferrière. Les Suites pour orchestre ont été enregistrées début 2024 à La Seine Musicale (Boulogne-Billancourt).

Qu’il soit en formation de chambre ou au service des grandes œuvres symphoniques, l’Orchestre Consuelo réunit les instrumentistes les plus engagés que le souci de l’excellence et de l’approfondissement de chaque partition portent et unissent davantage. On le constate à l’écoute : dirigé par un soliste exigeant et perfectionniste, l’Orchestre surprend par sa cohésion; il allie comme peu souplesse, flexibilité, intensité et personnalité. Autant de qualités qui se déploient en concert et qui ainsi, dans ses premiers Beethoven pour le disque, ont immédiatement séduit.

 

LA RENCONTRE AVEC LES GRANDS SOLISTES… Victor Julien-Laferrière veille aussi à diriger son orchestre en complicité avec les grands solistes d’aujourd’hui comme ce sera le cas pour la soirée des Diapasons d’or (2024) au TCE à Paris le mercredi 13 nov prochain, où l’Orchestre Consuelo et son chef accompagneront pour ce gala unique qui célèbre le talent, chanteurs et instrumentistes alors mis à l’honneur : entre autres,la soprano Julia Lezhneva, le ténor Pene Pati, le violoncelliste Sheku Kanneh-Mason, le pianiste Leif Ove Andsnes. Tous se produiront dans un répertoire varié, allant du baroque à la musique du XXe siècle, de l’opéra à la musique concertante…

Même entente et partage de sensibilités avec la violoniste bulgare Liya Petrova, à La Coursive, scène nationale, à La Rochelle, le 7 février 2025. Les 53 instrumentistes de Consuelo joueront le sublime (et unique) Concerto pour violon en ré majeur de Beethoven (avec Liya Petrova), puis Le silence de la forêt de Dvorak (soliste : Victor Julien-Laferrière), ainsi que la Suite n°2 en ut majeur opus 53 « caractéristique » de Tchaïkovski, une œuvre au programme du disque à paraître au même moment.

 

 

Toutes les photos : © Jean-Baptiste Millot

 

 

TOUTES LES INFOS de la nouvelle saison 2024 – 2025 de l’Orchestre CONSUELOVictor JULIEN-LAFERRIERE, direction :
https://www.orchestreconsuelo.com/

 

VIDÉOS Orchestre CONSUELO / Victor Julien Laferrière, direction

Concert du dimanche matin au TCE…

 

 

SCHUBERT : Symphonie n°5 – Ouverture Rosamunde, …

 

 

Sérénades de Brahms – Julien-Laferrière raconte l’origine de l’orchestre, ses particularités et ses ambitions (fév 2023)

 

CRITIQUE, concert. LYON, Auditorium Maurice Ravel, les 3 et 5 octobre 2024. Mc Tee / Chostakovitch / Copland. Orchestre National de Lyon, Sheku Kanneh-Mason (violoncelle), Leonard Slatkin (direction).

 

Avant de fêter, en 2025, le cinquantenaire de l’Auditorium Maurice Ravel de Lyon, l’Orchestre National de Lyon a tenu à célébrer les 80 ans de son directeur musical honoraire, Leonard Slatkin, en poste comme directeur musical de l’institution lyonnaise entre 2011 et 2020, les rênes ayant été reprises la même année par le chef et violoniste danois Nikolaj Szeps-Znaider (dont le mandat vient d’être prolongé de 3 années supplémentaires, jusqu’en septembre 2027). Et comme invité d’honneur à ce concert donné les 3 et 5 octobre, le jeune violoncelliste britannique Sheku Kanneh-Mason, placé sous les feux des projecteurs depuis son triomphe en 2016 au prix BBC du jeune musicien de l’année (et accessoirement par sa performance lors du mariage du Prince Harry et de Meghan Markle en 2018).

 

Crédit photographique © Emmanuel Andrieu

 

La soirée débute par l’exécution d’un ouvrage composé en 2000 par… l’épouse du chef, la texane Cindy McTee (née en 53), une pièce intitulée “Timepiece” et créée par et pour l’Orchestre de Dallas (pour son centenaire en 2001)? C’est une œuvre qui se veut une réflexion sur le temps qui passe, mais plutôt heureuse, avec ses références joyeuses au jazz, mais aussi des passages emplis de mystères, dans laquelle les percussions ont une place prépondérante. Présente, elle vient saluer le public aux côtés de son époux. 

Suit le Concerto n° 2 en sol mineur op. 126 de Dmitri Chostakovitch qui fut, comme le premier, dédié à Mstislav Rostropovitch qui en fit la création en septembre 1966 à Moscou dans la grande salle du conservatoire sous la direction d’Evgueni Svetlanov. Cette œuvre marque une évolution dans le style du compositeur, se dirigeant de plus en plus vers une écriture post-symphonique. Le concerto comporte trois mouvements dont un Largo initial très introspectif dans lequel s’instaure peu à peu un dialogue entre le soliste et l’orchestre. Le mouvement suivant Allegretto est basé sur un rythme de danse évoquant l’Europe centrale. Pour finir, Chostakovitch offre quelques contrastes lyriques, souvent exubérants, l’œuvre se terminant cependant dans le calme, au moyen d’un carillon extatique et céleste. 

L’approche du jeune violoncelliste anglais s’avère d’emblée passionnante. Le violoncelliste se met à distance de cet énorme héritage historique. On ne ressent pas l’ambition d’une écrasante présence du soliste par rapport à l’orchestre mais bien plutôt d’une symbiose plus marquée entre le violoncelliste et la conduite d’une formation partenaire, selon une volonté bien dosée de la part du vétéran américain Leonard Slatkin. Malgré la sonorité puissante et fruitée de Sheku Kanneh-Mason, il y a ce soir une compréhension affirmée des affects de la musique en un dialogue subtil et complice, avec la phalange et son chef.

Après l’entracte, place à la très “yankee” Symphonie n°3 d’Aaron Copland, sans nul doute l’œuvre américaine la plus populaire du répertoire symphonique, dépassée seulement par la Symphonie n° 1 de Samuel Barber en termes de fréquence d’exécution. Bien que des accords suggérant les grands espaces du paysage américain sont entendus dans le début de l’œuvre de Copland, la Symphonie n° 3 est pour l’essentiel une proposition classique sans réelle influence du jazz et de la musique populaire, styles musicaux qui contribuèrent à la réputation du compositeur étasunien. Ce soir, les deux premiers mouvements sont les plus réussis. Grand spécialiste et défenseur de ce répertoire, Leonard Slatkin veille à ce que la ligne lyrique du premier mouvement garde une présence suffisante pour relier les différentes sections entre elles. Sous sa direction, l’écriture des cuivres de Copland, qui peut parfois flirter avec la stridence, se révèle intense et chaleureuse. Le deuxième mouvement est très drôle avec ses bégaiements ludiques, tandis que le troisième, qui se montre quelque peu sinueux, avance juste comme il faut. La célèbre fanfare du dernier mouvement est à la fois entraînante et stimulante, au point en tout cas de susciter de la part du public lyonnais une immense ovation (certains spectateurs applaudissent même debout !). Après deux ou trois allers-retours vers les coulisses, la phalange lyonnaise entonne un “Happy birthday” pour célébrer les 80 printemps de leur ancien directeur musical, ce qui ne manque pas de l’émouvoir… et nous aussi !

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CRITIQUE, concert. LYON, Auditorium Maurice Ravel, les 3 et 5 octobre 2024. Mc Tee / Chostakovitch / Copland. Orchestre National de Lyon, Sheku Kanneh-Mason (violoncelle), Leonard Slatkin (direction). Photos © Emmanuel Andrieu

 

VIDEO : Leonard Slatkin dirige « La Symphonie fantastique » de Berlioz à la tête de l’Orchestre national de Lyon

 

POLITIQUE. FRANCE FESTIVALS : la Fédération exprime sa forte inquiétude sur la situation des acteurs culturels en France, dans une lettre ouverte adressée à la Ministre de la Culture

Le secteur des Festivals de musique classique profitera-t-il de la reconduction de la ministre de la culture au sein du nouveau gouvernement Barnier ? Dans une lettre ouverte à Madame Rachida Dati, ministre de la Culture, signée Maria-Carmela Mini et Nathalie Rappaport, coprésidentes, et publiée le 4 octobre 2024, la Fédération FRANCE FESTIVALS alerte la Ministre sur la situation précaire des principaux festivals en France, au moment où elle est reconduite au sein du nouveau gouvernement Barnier. A l’heure du plan « culture et ruralité », le bilan 2024 reste préoccupant pour l’ensemble des acteurs qui portent l’écosystème culturel dans l’Hexagone…

Dans sa lettre ouverte, la Fédération souligne souligne la précarisation des acteurs culturels en France. Les acteurs festivaliers ont subi depuis la Covid de nombreuses crises qui ne cessent de fragiliser le secteur culturel, pénalisant précisément la billetterie : outre les « aléas climatiques », les causes des difficultés sont « l’inflation, la crise de l’emploi, le recul du mécénat, les réglementations de plus en plus contraignantes, les conséquences directes des jeux olympiques et des élections législatives »…

Ces contraintes répétées voire aggravées d’année en année, fragilisent une situation qui se révèle préoccupante : premier diffuseur de la création artistique, « les 7 300 festivals français sont pourtant essentiels à l’écosystème culturel. Ils sont présents au plus près des populations et dans tous les territoires. Ils sont souvent les seuls à assurer une présence des artistes dans les milieux ruraux et participent à l’équité territoriale d’accès à la culture qui vous est chère. De plus, ils sont de véritables laboratoires d’innovation en matière de citoyenneté, d’inclusivité et d’aménagement culturel et économique du territoire. Une plus forte affirmation de l’importance du fait festivalier dans le discours politique nous semble à ce titre nécessaire. »

La Fédération entend être un «  partenaire exigeant pour lutter contre l’invisibilisation du rôle indispensable des festivals et (pour) accompagner les bouleversements qui traversent notre secteur. »

En particulier pour le déploiement et les moyens concernant le plan culture et ruralité, chantier défendu par la Ministre et qui a été dévoilé en juillet 2024.

Soucieux d’obtenir des avancées et des engagement budgétaires dans ce sens, la Fédération donne rendez vous à la Ministre les 13 et 14 mars 2025 à la Comédie de Reims pour la première édition du Forum National des Festivals qu’elle organise. Il s’agit de construire le futur souhaitable des festivals, autour de grands axes : les transformations économiques en cours, les conditions de travail en évolution, et les transitions écologiques et sociales nécessaires … « Ce Forum sera un moment clé pour dresser un bilan mais aussi pour présenter votre vision de renforcement de la politique de l’État à destination des festivals en concertation avec les collectivités territoriales. »

LIRE la lettre ouverte du 4 octobre 2024 de FRANCE FESTIVALS ici :
https://www.francefestivals.com/media/francefestival/189240-20241004_lettreouverte-2.pdf

CRITIQUE, festival. 45e FESTIVAL D’AMBRONAY, Abbatiale d’Ambronay, le 5 octobre 2024. « Les 4 Saisons » de B. Marcello (à 14h30), Ensemble L’Assemblée (Marie van Rhijn, direction) / « Passacalle de la Folile » (à 21h) / Ensemble L’Arpeggiata, Philippe Jaroussky, Cristina Pluhar (direction).

 

Au lendemain d’un concert mettant en exergue les Cantates pour Alto de J. S. Bach (avec le jeune contre-ténor Paul Figuier et Les Talens lyriques, dirigés par leur chef Christophe Rousset), le Festival d’Ambronay permettait à son public de découvrir un rare oratorio de Benedetto Marcello (1686-1739) faisant dialoguer Les Quatre saisons. L’œuvre est atypique à plus d’un titre, et quasi inconnue en France, en dépit d’un enregistrement épuisé de 2015 (ensemble Lorenzo da Ponte, label Fra Bernado).

 

Crédit photographique © Bertrand Pichène

 

En 1731, Il pianto e il riso delle quattro stagioni (« Pleurs et rires des quatre saisons ») est un oratorio volgare (en langue italienne) dont le livret est attribué à Giulio Vitteleschi. Les allégories des frères et sœurs saisons, personnifiées par une voix soliste, convoquent les éléments – Air, Ciel, Terre, Mer – autour de la défunte Marie dans une cosmogonie où les plantes, vents et affetti (déploration, colère, allégresse lors de l’Assomption de Marie) s’entrecroisent. Par ailleurs, la rhétorique baroque (le compositeur était aussi avocat !) scelle ces composantes sous le sceau d’une musique en perpétuelle invention. Le dynamisme, insufflé dès la Sinfonia d’ouverture se ramifie : liberté du récitatif (dont celui accompagnato), nervosité rythmique des ritournelles introduisant l’aria da capo, variété des tempi et des métriques. Tout rend compte d’un espace-temps en mouvement, quitte à inclure quelques figuralismes en rebond des vers chantés. Ainsi, les cordes « rient » avec la PrimaveraRidi, su ridi ingrato »), l’Estate mène une gigue pour figurer « Il contento e il dolore » (consentement et douleur) et l’Inverno fait crépiter la glace (« Ghiacci terni »).

Du côté des interprètes, l’exubérance du compositeur vénitien, formé par F. Gasparini, bénéficie du dynamisme de L’Assemblée, ensemble fougueusement dirigé par Marie van Rhijn depuis le banc de l’orgue-clavecin. Huit excellents instrumentistes, au jeu réactif et virtuose, entourent les quatre chanteurs solistes, également requis pour de rares chœurs (ce concert restitue une exécution partielle de cet immense oratorio). La rivalité ou la réconciliation des sœurs Saisons s’expriment par leurs airs interposés au fil de chacune des deux parties de l’oratorio. La soprano Camille Poul (l’Été) brille par son timbre riche en harmoniques et sa projection( quelques soucis avec la langue italienne) tandis que le ténor Cyril Auvity (Automne), pleinement investi, séduit par la souplesse du legato. Moins aguerris, la mezzo-soprano Marielou Jacquard (le Printemps) et le jeune baryton basse Thierry Cartier (l’Hiver) incarnent plus timidement leur rôle. Les rares ponctuations chorales sont soit percutantes (« E viva e viva »), soit d’une apesanteur angélique pour célébrer l’Immaculée Conception. Le public de l’abbatiale fait une ovation à cet oratorio, ressuscité par L’Assemblée, nouvel ensemble promu par le Centre culturel de rencontre d’Ambronay.

 

   Crédit photographique © Bertrand Pichène

 

Quelques heure plus tard, toujours dans l’Abbatiale d’Ambronay, résonnait un autre concert : « Passacalle de la Follie » avec Philippe Jaroussky, et l’ensemble L’Arpeggiata dirigée par Christina Pluhar – après avoir sorti un album homonyme. Le parcours du baroque européen au début du XVIIe siècle est savamment distillé par le contre-ténor et la cheffe Christina Pluhar dont la complicité est scellée depuis 20 ans ! Du baroque italien et français aux variations jazzy : une même virtuosité Airs de cour, Madrigaux et Danses forment le creuset du récital consacré à un XVIIe siècle plutôt méconnu, hormis des auditeurs ayant acquis l’album des artistes, paru en 2023. La thématique amoureuse relie les goûts italien, français et anglais pour les pièces vocales, tandis qu’un principe d’écriture cher au baroque (basso ostinato) rassemble les pièces instrumentales : passacaille, ciacona, passamezzo. A l’écoute, les différences entre les traditions musicales s’estompent. Elles paraissent plus le fait d’une sensibilité créatrice, ou bien d’une poésie, que celui d’un style délimitant la sphère italienne de celle française, réputée « raisonnée » à l’époque de Descartes. Or, si Luigi Rossi, actif à Naples et à Rome, fut invité à la cour de France par le cardinal Mazarin, si l’occitan Estienne Moulinié fut contaminé par l’influence italienne, le ballet de cour accueillait, de son côté, des airs dans la langue de Cervantès. Du premier (Rossi), la saynète italienne « Dormite begl’occhi » (Dormez, beaux yeux) devient l’occasion d’improvisations fantasques des instrumentistes : du baroque au jazz, avec clins d’œil (La Marche turque, La panthère rose) glissés par le facétieux cornet à bouquin. Du second (Moulinié), le Concert des différents oiseaux déroule un émouvant cantabile. Les ornements chanté y déploient la nature de leurs « voix plus divines qu’humaines ; Qui tiennent les soucis charmés » : une véritable métaphore du langage musical. Quant à la langue espagnole, acclimatée par Henry de Bailly dans “Yo Soy la Locura”, son hispanisme est appuyé par les percussions avec humour.

Du côté des poèmes, les émois de bergers et bergères forment un ensemble français diversifié grâce aux compositions de Michel Lambert et de Pierre Guédron. Quant aux passions exprimées par les madrigaux et extraits d’opéra italien, elles génèrent une expressivité tourmentée, voire pathétique (« Lasciate Averno » de Luigi Rossi) que l’instrumentarium de L’Arpeggiata fait miroiter. Les musiciens de cet octuor sont excellents sous la houlette de Christina Pluhar, au théorbe. Signalons la virtuosité du cornet à bouquin (Doron Sherwin), du luthiste et guitariste (Miguel Rincon) et les improvisations du claveciniste (Dani Espasa). Quant aux danses instrumentales de Lorenzo Allegri et de Cazzati, elles accueillent l’exubérance de chorus, à l’instar d’une formation jazz.

Le talent scénique acquis sur les scènes d’opéra et le charisme de Philippe Jaroussky sont de puissants atouts, en sus d’un timbre de contre-ténor toujours clair de contre-ténor, l’élégance de la prosodie, la finition de chaque pièce (résonance filée). Quant à la souplesse vocalique, elle fait briller l’unique pièce de Henry Purcell (« Music for a while« ) qui célèbre opportunément la puissance réparatrice de la musique en final. Ces atouts s’appuient sur la complicité de chaque instrumentiste de L’Arpeggiata. En effet, les virtuoses tissent de subtils enchaînements entre les pièces. Le tout construit peu à peu une architecture musicale qui tient le public en émoi durant 90 minutes. Sous les acclamations du public, les deux bis sont l’occasion d’intégrer au Grand Siècle deux chansons iconiques de notre temps. Avec le même raffinement qu’un air de cour, Besame mucho (Consuelo Velazquez), chanté en tandem vocal avec la gambiste Lixiana Fernandez, puis Déshabillez-moi (Juliette Greco) enflamment l’auditoire. 

Ce concert est à retrouver sur France.tv/Culturebox.

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CRITIQUE, festival. 45ème Festival d’Ambronay, Abbatiale d’Ambronay, le 5 octobre 2024. MARCELLO : « Les 4 Saisons » (à 14h30), Ensemble L’Assemblée (Marie van Rhijn, direction) / « Passacalle de la Folile » (à 21h) / Ensemble L’Arpeggiata, Philippe Jaroussky, Cristina Pluhar (direction). Photos © Bertrand Pichène.

 

 

ONPL. Rêveries Slaves / DVORAK (Concerto pour violoncelle), RACHMANINOV (Danses symphoniques). Nantes / Angers, du 9 au 13 oct 2024. Marcin Zdunik, violoncelle / Andrey Boreyko, direction.

Programme lyrique, hautement romantique qui permet à l’ONPL / Orchestre National des Pays de la Loire, au grand complet de faire valoir ses somptueuses couleurs et des accents nuancés des plus inspirés, au service de deux œuvres d’une somptueuse mélancolie. D’abord, le violoncelliste polonais Marcin Zdunik interprète le célèbre Concerto pour violoncelle d’Antonin Dvorak (1895) qui exprime probablement son amour de jeunesse dans des vertiges émotionnels insoupçonnés qui ont suscité l’admiration de Brahms… Composé à New York, le Concerto pour violoncelle est profondément tchèque. Chant d’exil et chant d’adieu à Josefina, son premier amour, l’oeuvre entière est empreinte de nostalgie, de regrets, d’une tendresse sensuelle à peine voilée (mouvement central : « Adagio ma non troppo ») et aussi d’un bouillonnement exalté qui inspire selon les mots de l’auteur, le « tumulte » du finale, passionné, entre détresse et victoire.

 

Photo grand format ci-dessus : Marcin Zdunik (DR)

 

Expatrié lui aussi, Sergueï Rachmaninov rejoint les États-Unis où au soir de sa vie, il compose les Danses Symphoniques (1941) dont l’énergie se révèle elle aussi profondément nostalgique. La partition en trois parties explore et sollicite toutes les ressources expressives de l’orchestre. En néo classique, et post romantique assumé, accompli, Rachmaninov célèbre la force et la permanence de ses racines russes. Les sous titres finalement abandonnés (Jour, Crépuscule, Minuit) donnent la clé du cycle tripartite. Les couleurs fantasques / tiques de la première danse (Non allegro – lento – tempo primo) exprime une flux rythmique irrépressible, obsessionnel où rayonne le timbre somptueux du saxo. La deuxième danse affirme un imaginaire plus labyrinthique, plus agité, en déséquilibre auquel un tempo di valse superbement nostalgique déploie des couleurs non moins séduisantes avec un solo de violon digne des partitions les plus chatoyantes et suggestives de Rimski-Korsakov. Enfin les carrures dissonantes de la 3ème danse assume totalement ses délires et vertiges expressives, dignes d’un embrasement rhapsodique, alors que la citation du Dies Irae, insuffle un sentiment grandiose, profond où s’inscrit comme l’adieu du compositeur à la vie. Comme sa première symphonie qui lui valut une sérieuse dépression en raison de son insuccès, Les Danses Symphoniques ont déconcertés l’audience à la création. Mais à 70 ans, Rachmaninov avait le cuir plus tenace, d’autant plus résilient qu’il livrait alors une œuvre des plus personnelles, proche des tourments de son cœur, comme son testament musical et spirituel. Le maestro russe Andrey Boreyko, qui a déjà joué avec le violoncelliste, dirige deux œuvres parmi le plus inspirées du répertoire romantique.

 

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Programme Rêveries slaves – Concerto pour violoncelle de Dvorak
Couplé avec les Danses symphoniques de Sergueï Rachmaninov (1873-1943)

Nantes, La Cité, le 9 octobre 2024, 20h
Nantes, La Cité, le 10 octobre 2024, 20h

Angers, Centre de Congrès, le 12 octobre 2024, 20h
Angers, Centre de Congrès, le 13 octobre 2024, 17h

Durée : 40 mn (Dvorak) + 35 mn (Rachmaninov)
Marcin Zdunik, violoncelle ● Andrey Boreyko, direction

INFOS et RESERVATIONS directement sur le site de l’ONPL Orchestre National des Pays de la Loire :
https://onpl.fr/concert/reveries-slaves-concerto-pour-violoncelle-de-dvorak/

 

 

TARIFS spéciaux sur ce concert événement : « découvrez l’orchestre dès 10 euros », Poussez les portes de la Cité des Congrès de Nantes ou du Centre de Congrès d’Angers et découvrez l’univers de la musique symphonique ! Partagez avec votre entourage le concert Rêveries slaves pour 10€ EN SECONDE CATÉGORIE OU 15€ EN CATÉGORIE AVANTAGE ET PREMIÈRE CATÉGORIE et aussi des tarifs exclusifs à + de 60% de réduction.

 

ANTON DVOŘÁK 1841-1904
Concerto pour violoncelle – 40′
Marcin Zdunik, violoncelle

SERGE RACHMANINOV 1873-1943
Danses symphoniques – 35′

ONPL ORCHESTRE NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE
Andrey Boreyko, direction

 

LIRE le programme complet du concert Rêveries Slaves :
https://onpl.fr/wp-content/uploads/2024/09/REVERIESSLAVES.pdf

 

VIDÉO – présentation du concert « Rêveries slaves » par Guillaume Llamas, directeur général de l’ONPL – Orchestre National des Pays de la Loire :

 

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CLERMONT AUVERGNE OPERA, saison 2024 – 2025 : Le Trouvère, Tosca, 28ème Concours de chant de Clermont-Ferrand, Acis & Galatée, Coup de roulis…

La nouvelle saison 2024 – 2025 de CLERMONT AUVERGNE OPÉRA débute avec La Belle Hélène (12 et 13 oct) et un récital-événement, celui dédié aux Mélodies françaises avec Véronique Gens et la pianiste Susan Manoff (7 nov). Opérettes et comédies légères, ouvrages contemporains et piliers du répertoire (Le Trouvère, Tosca…) mais aussi joyaux baroques (Médée et Jason, Acis & Galatée…) sans omettre la 28ème édition du Concours de chant de Clermont-Ferrand en avril 2025, la nouvelle saison de Clermont Auvergne Opéra offre un équilibre idéal et une diversité artistique réjouissante…

 

Parmi les rendez-vous lyriques incontournables où brûlures et vertiges des passions se déploient sur la scène, vous ne manquerez pas en janvier (Médée et Jason, le 11/11, par Les Surprises et L-N. Bestion de Camboulas, direction), puis Il Trovatore de Verdi (les 31 janv et 1er février 2025) ; c’est l’une des partitions les plus impressionnantes de Verdi, mêlant fantastique, passion, et terreur finale, soit un cocktail hautement dramatique que la musique de Giuseppe Verdi embrase et accompagne avec l’intensité requise (Compagnie lyrique Opera 2001, Aquilès Machado, mise en scène / Martin Mázik, direction musicale).

 

En mars, place à la lumineuse loyauté de la cantatrice Tosca, amoureuse passionnée et douée d’une force irréductible (le 30 mars à l’Opéra de Vichy : navette gratuite au départ de Clermont-Ferrand, avec réduction de 10 euros sur le prix de la place…) : les forces artistiques de l’Opéra de Limoges et une distribution prometteuse se transcendent dans l’opéra le plus fulgurant de Puccini, de surcroît servie, éclaircies par une mise en scène parmi les plus spectaculaires. Retrouvez le cynisme criminel et barbare du baron Scarpia, le préfet de Rome, bourreau du couple d’artistes lumineux, libertaires : Mario le peintre et Floria, la cantatrice… (Silvia Paoli, mise en scène / Pavel Baleff, direction).

 

Le mois d’avril est celui de la voix et des jeunes tempéraments : du 8 au 12 avril, le 28è Concours de chant de Clermont-Ferrand est à l’affiche ; rendez-vous et compétition incontournable pour le public et les jeunes chanteurs candidats… Finale samedi 12 avril à 15h. Au programme, œuvres et répertoire imposés pour les épreuves sélectives : Didon et Énée de Purcell, Le Messie de Haendel et un duo piano / voix autour des Lieder et des Mélodies françaises… Puis, Sophie Lacaze dévoile son dernier opéra de chambre inspiré de la culture des Aborigènes d’Australie : « L’étoffe inépuisable du rêve », le 17 avril 2025 (Jeanne Debout, mise en scène / Bruno Mantovani, direction musicale).

Enfin pour la fin de la saison, Acis & Galatée (le 13 mai / Version Chandos 1718 par l’ensemble MASQUES et Olivier Fortin, avec Rachel Redmond et Hugo Hymas)… une production musicalement passionnante que classiquenews avait remarquée / distinguée lors du dernier Festival Musique et Mémoire 2024.

Ultime lever de rideau théâtral de la saison 2024 – 2025, l’opérette de Messager, « Coup de roulis », ou … comme un chien dans un jeu de quilles, ou plutôt comme un fonctionnaire du Puy-de-Dôme sur un bateau… Par-delà la farce, ce sont les trois âges de l’amour que cette opérette célèbre, entre situations invraisemblables, personnages truculents ; le 25 mai 2025 (Sol Espèce, mise en scène / Alexandra Cravero, direction).

 

N’hésitez pas à parcourir la saison 2024 – 2025 de Clermont Auvergne Opéra : il y a certainement un événement qui vous ressemble… entre autres ne manquez pas les masterclasses « Vive l’opérette » pilotée par le ténor Florent Laconi pour les élèves du Conservatoire Emmanuel Chabrier (4 déc / 1h réservation recommandée) ; le récital d’Airs et mélodies de Tchaïkovski, Rubinstein, Rachmaninov, Glinka, Dvořák… par Anne Derouard et Alexey Birkus (sam 8 février 2025), … sans omettre les spectacles jeune public (dont  » Le petit Barbier « , le 21 février 2025 ; ou « Mes petits opéras », mer 26 mars 2025…).

 

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TOUTES LES INFOS, le détail des programmes, les artistes invités sur le site de CLERMONT AUVERGNE OPÉRA : https://clermont-auvergne-opera.com/evenement/mes-petits-operas/

 

 

D’autres articles CLERMONT AUVERGNE OPÉRA saison 2024 – 2025 :

 

CLERMONT AUVERGNE OPÉRA. Clermont-Ferrand, Jeu 7 novembre 2024 – 20h. Récital Véronique Gens. Mélodies françaises

 

CLERMONT AUVERGNE OPÉRA. OFFENBACH : La Belle Hélène, sam 12 et dim 13 oct 2024. Gaspard Brécourt / Olivier Desbordes.

 

 

GENEVE / Haute Ecole de Musique. Frank MARTIN : DIE BLAUE BLUME, création mondiale, sam 19 oct 2024. Pia et Pino Mlakar, Mourad Merzouki, Thierry Fischer…

UN BALLET DE FRANK MARTIN INÉDIT… Nouveau volet de l’intégrale Frank Martin en cours, le ballet « Die Blaue Blume » ressuscité à Genève dans la nouvelle chorégraphie de Mourad Merzouki, chorégraphe lyonnais et figure renommée du mouvement hip-hop. Le regard réactualise une musique composée il y a près d’un siècle ; il permet de l’entendre ainsi en première mondiale. Au centre de l’action s’inscrivent des situations plurielles, contrastées, hautement dramatiques (amour impossible, rixes, etc.), soit ce mélange des genres, des époques et des publics qui nourrissent un métissage très inspirant.

 

Dans la fosse, maître de l’accomplissement musical, le chef (et initiateur de l’intégrale en cours, intitulée « L’Odyssée de Frank Martin »), Thierry Fischer veille à restituer l’intensité poétique de l’écriture : composée par Frank Martin en 1936 sur un scénario de Pia et Pino Mlakar, la partition du ballet Die Blaue Blume n’a encore jamais été jouée. Thierry Fischer en assure ainsi à l’automne 2024, la première mondiale à Genève. Nicolas Bolens a orchestré chacun des 30 tableaux (la partition originale parvenue est pour piano seul). L’orchestre devrait exprimer à juste titre « la sensualité des danses tziganes, les couleurs évocatrices des mondes féériques, les mouvements dramatiques des réalités urbaines décrites dans le scénario », précise
Lydie Lane, directrice du projet L’Odyssée de Frank Martin. Le spectacle a lieu au Bâtiment des Forces Motrices à Genève.

 

 

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GENEVE, HEM. Frank MARTIN : DIE BLAUE BLUME
création mondiale,
Bâtiment des Forces Motrices / BFM
sam 19 oct 2024 à 20h

 

D’après une idée de Pia et Pino Mlakar
Musique de Frank Martin
Arrangée par Nicolas Bolens

Bâtiment des Forces Motrices (BFM)
Pl. des Volontaires 2, 1204 Genève

 

 

INFORMATIONS / RÉSERVEZ vos places directement sur le site de la Haute Ecole de Musique de Genève :
https://www.hesge.ch/hem/evenements/die-blaue-blume

 

et aussi sur le site concert / Die Blaue Blume de Frank Martin
https://infomaniak.events/fr-ch/concerts/die-blaue-blume/7lDWkGE5NVi5cAGhmH6f3v1MKd4h

 


ORCHESTRE DE LA HAUTE ÉCOLE DE MUSIQUE DE GENÈVE
NICOLAS BOLENS, orchestration
THIERRY FISCHER, direction
PIERRE FOUCHENNERET, violon solo
LOÏC VALLAEYS ET ARTHUR NOËL, pianos

MOURAD MERZOUKI, mise en scène et chorégraphie

KADER BELMOKTAR, assistant du chorégraphe

DANSEURS DE LA COMPAGNIE KÄFIG
Avec la participation des élèves danseurs et danseuses du cursus préprofessionnel
du Conservatoire populaire de Musique de Genève

YOAN TIVOLI, lumières
BENJAMIN LEBRETON, scénographie

 

OPÉRA GRAND AVIGNON. La TRAVIATA sur Grand Écran à Avignon, le ven 11 oct 2024, 20h

SOIR DE FÊTE / OPÉRA EN PLEIN AIR…  pour l’Opéra Grand Avignon : dans le cadre de son bicentenaire 1825 / 2025 et à l’occasion de l’ouverture de sa nouvelle saison lyrique 2024 – 2025, intitulée « FEMMES ! », l’Opéra Grand Avignon donne rendez-vous à tous les avignonnais ce vendredi : le célèbre opéra de Giuseppe Verdi La TRAVIATA sera filmé et retransmis le vendredi 11 octobre 2024 à 20h, Place Saint-Didier – Avignon. L’événement lyrique est gratuit et s’adresse à tous les publics.

LA TRAVIATA affichant “complet” les 11, 13 et 15 octobre, c’est l’occasion de découvrir ce chef d’œuvre en même temps que le public de l’Opéra mais en plein air ! Plus d’infos sur le site de l’Opéra Grand Avignon.

Photos et illustrations © Isabelle Chapuis

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LIRE aussi notre présentation de LA TRAVIATA à l’affiche de l’Opéra Grand Avignon, mis en scène par Chloé Lechat : https://www.classiquenews.com/opera-grand-avignon-verdi-la-traviata-les-11-13-15-oct-2024-federico-santi-chloe-lechat/

CRITIQUE, opéra. MARSEILLE, opéra municipal (du 26 septembre au 3 octobre 2024). BELLINI : Norma. K. Deshayes, E. Scala, S. Jicia, P. Bolleire… Anne Delbée / Michele Spotti.

Ouvrir la nouvelle saison 24/25 de l’Opéra de Marseille avec Norma de Vincenzo Bellini est une excellente idée qu’a eu Maurice Xiberras. Salle comble, public subjugué, succès total. Une sainte trilogie que tout directeur de théâtre rêve pour la salle dont il a la charge. Et il en faut du courage pour monter Norma, et trouver deux cantatrices capables de faire honneur à la fois au rôle-titre et à celui d’Adalgise. 

 

Crédit photo © Christian Dresse

 

Après son nombreux triomphes in loco dans le répertoire belcantiste (Semiramide, Armide etc.), Karine Deshayes ne fait qu’une bouchée de ce rôle de rêve, immortalisé notamment par la Callas. Nous nous délectons à nouveau de la douceur de son timbre, de la délicatesse de ses phrasés, de la longueur de son souffle, autant de qualités qu’appelle le rôle. La rondeur du timbre donne beaucoup de lumière dans le duo final, lorsque la bonté et le sacrifice de Norma trouvent des accents sublimes. Norma, la déesse céleste, trouve dans l’incarnation de La Deshayes une beauté douce et lumineuse, d’une grande émotion, mais parvient également à incarner son personnage dans toutes ses dimensions, c’est à dire dans sa cruauté et sa violence, et aussi sa grande noblesse quand les passages chantés l’exigent. Grande tragédienne, son art scénique est également tout à fait convainquant : sa Norma sait inspirer la terreur, l’amour ou la pitié. Karine Deshayes est une grande Norma, sachant révéler toutes les facettes vocales et scéniques de ce personnage inoubliable. 

Grande chanteuse belcantiste aussi, Salomé Jicia prête à Adalgisa une voix d’une beauté à couper le souffle sur toute la tessiture, avec des phrasés belcantistes d’une infinie délicatesse, et des nuances et couleurs en constante évolution. Le chant de  la soprano géorgienne est d’une perfection totale, et son jeu d’une vérité très émouvante. Les duos avec Norma offrent les moments de grâce attendus, notamment dans un ”Mira o Norma” à faire pleurer les pierres. En Pollione, le ténor sicilien Enea Scala – presque chez lui à Marseille où il se produit chaque saison depuis de longues années maintenant – s’impose avec la superbe qu’on lui connaît. La voix puissante est celle du héros attendu et le jeu de l’acteur est assez habile dans le final pour donner de l’épaisseur au Consul, ce qui le rend émouvant. Le timbre est toujours aussi splendide (même si sa “nasalité” rebute certains…), et si le chant paraît souvent plus robuste que toujours subtil, l’effet est totalement réussi. En Oroveso, la basse belge Patrick Bolleire fait le “job”, véritable druide autoritaire dont le retournement final fait grand effet, tandis que les comprimariLaurence Janot en Clotilde et Marc Larcher en Flavio – remplissent avec efficacité leur office. 

Il faut dire que la direction du directeur musical “maison”, le jeune chef italien Michele Spotti est absolument remarquable. Il vit cette partition de l’intérieur, et la dirige avec amour. Il en révèle le drame poignant dans des gestes d’une beauté rare, et avec une précision d’orfèvre et une finesse dans le rubato tout à fait féline. Il ose des forte terribles et des pianissimi lunaires. Dans les duos des dames, il atteint au génie en sachant magnifier le chant sublime des deux divas. Le rêve romantique a repris vie ce soir, et Bellini a été magnifié par la symbiose entre les musiciens, le chef et les solistes. Le Chœur de l’Opéra de Marseille est également très présent, avec un chant généreux et engagé.

Enfin, et par bonheur, la tristesse et la « pauvreté » de la mise en scène – dévolue à Anne Delbée – ne sont pas arrivées à gâcher le plaisir des spectateurs. Pourtant quelle indigence scénographique, et surtout quelle ineptie de faire dire un texte « oiseux » (en français) sur la sublime musique de Bellini, avec la voix d’un acteur possédant celle du père Fouras… Pas la moindre poésie dans les décors, du métal froid, des pendillons fragiles, des costumes d’une banalité regrettable. Mais qu’importe également cette scène finale sans grandeur, ces chœurs et ces personnages visibles sans raison – puisque la musique et le chant ont tout rattrapé ce soir…

 

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CRITIQUE, opéra. MARSEILLE, opéra municipal (du 26 septembre au 3 octobre 2024). BELLINI : Norma. K. Deshayes, E. Scala, S. Jicia, P. Bolleire… Anne Delbée / Michele Spotti. Photos © Christian Dresse.

 

VIDEO : Trailer de « Norma » de Bellini selon Anne Delbée à l’Opéra de Marseille

 

 

CRITIQUE, festival. 45e Festival d’Ambronay, Abbatiale d’Ambronay, le 4 octobre 2024. BACH : Cantates. Paul Figuier (contre-ténor), Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction).

Octobre, les feuilles tombent comme les températures, mais la récolte au Festival d’Ambronay (dans le Bugey) est toujours fructueuse et la chaleur du public… intacte ! Avec la thématique « la voix est libre », cette 45e édition fait la part belle à la voix humaine que compositeurs et poètes ont cultivée sous tant de facettes. De la voix soliste (Philippe Jaroussky, Lea Desandre, Adèle Charvet, Paul Figuier…) au grand chœur (Cappella Mediterranea, Spirito), en passant par le madrigal (Les Cris de Paris, La Néréide…), la cantate (Les Arts Florissants, Les Argonautes) et l’opéra (Alcina), la programmation l’explore dans tous ses éclats.

 

Crédit photo © Bertrand Pichène

 

L’engouement pour la voix de contre-ténor et la thématique de cette 45e édition – « La voix est libre » – suscitent ce programme (en ce 4 octobre 2024, quatrième et dernier week-end du festival) consacré aux airs pour voix d’alto dans les Cantates de J. S. Bach. Ainsi, Christophe Rousset, à la direction de ses Talens Lyriques, conçoit une sélection de sinfonie et d’arie de la période du Kantor de Leipzig (1723-1728), en complicité avec le jeune contre-ténor français Paul Figuier. Il s’agit de valoriser l’affect associé à cette couleur et ce registre. Selon les notes d’intention produites par le chef, « la voix de l’alto reflète toute l’ambiguïté de cette figure divine, à la fois rassurante et impressionnante, mais aussi celle de l’humanité, entre amour et souffrance. »

Une première partie explore la nature contemplative (« Was mein Herz von dir begehrt » BWV 108) ou le sommeil éternel de l’humain (« Ach schläfrige Seele ! » BWV 115), avant la sublime cantilène de hautbois de la cantate « Ich hatte viel Bekümmernis (BWV 21). L’instrumentiste Gilles Vanssons (hautbois solo) la déploie dans toute sa liberté mélodique.

La seconde partie s’extrait de l’intériorité par deux arias joyeuses, dont celle «  Gott hat alles wohlgemarcht » (« Tout ce que Dieu a fait est bien fait« , BWV 35). Sa ritournelle enjouée à l’orgue (tenu par C. Rousset) prélude aux vocalisations que Paul Figuier fait valoir avec souplesse, après avoir conduit d’amples phrasés dans la partie initiale. On peut toutefois regretter que la tessiture grave sonne faiblement, contrairement à la plénitude du médium, et que son engagement dans le domaine religieux soit moins convaincant que dans ses nombreuses prestations lyriques saluées par la critique, à l’instar de son iconoclaste incarnation d’Achille dans l’Orfeo de Sartorio, à Montpellier en 2023.

Autant le répertoire baroque et classique français distingue les Talens Lyriques au sein de la planète baroque, autant l’introspection des cantates allemandes convainc beaucoup moins. L’uniformité des tempi et du continuo, le peu de variation de l’articulation et de l’ornementation (da capo) génèrent une certaine monotonie. Contrairement à la dramaturgie d’une cantate entière de Bach – architecture de récitatifs, airs, duos et chœurs -, le montage de cette sélection procure une certaine lassitude. Elle ne se dissipe pas dans l’aria bissée « Wie Furchtsam wankte meine Schritte » (« Que mes pas étaient chancelants« , BWV 33).

En revanche, la place particulière qu’occupe la voix d’alto dans l’œuvre de Bach est magnifiée par le partenariat avec le hautbois d’amour (cantates 197, 115), au timbre grave et rond. Dans l’acoustique de l’Abbatiale d’Ambronay, leur dialogue musical approfondit la valeur spirituelle du message luthérien pour les uns, l’apaisement et l’allègement pour les autres. Ce qui conduit l’auditoire à acclamer les artistes aux saluts !

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CRITIQUE, festival. 45ème Festival d’Ambronay, Abbatiale d’Ambronay, le 4 octobre 2024. BACH : Cantates. Paul Figuier (contre-ténor), Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction). Photos © Bertrand Pichène.

 

VIDÉO : Paul Figuier l’air « In darkness, let me dwell » de John Dowland

 

CRITIQUE, festival. 4ème Festival International de Musique de BRAGANCE, Théâtre municipal, le 1er octobre 2024. Ana Samuil (soprano), Tatiana Samouil (violon), Matthias Samuil (piano).

La 4ème édition du Festival International de Musique de Bragance a débuté le 1er octobre (et se poursuit jusqu’au 12), dans la ville d’art et d’histoire de Bragance (Bragança en portugais), cité patrimoniale exceptionnelle dans le nord-est du Portugal, tout proche de la frontière espagnole. Sous la direction artistique de Filipe Pinto-Ribeiro, le pianiste portugais a toujours autant à cœur d’associer de superbes lieux historiques à des programmes musicaux de haute qualité. De grands solistes et ensembles instrumentaux vont ainsi s’y succéder (soulignant l’ampleur internationale de l’événement) – comme le violoncelliste Victor Julien-Laferrière (qui viendra également comme chef d’orchestre avec son fameux Orchestre Consuelo), l’Ensemble DSCH Shostakovich, I solisti Veneti dirigé par son chef Giuliano Carella (en clôture du festival, le 12)…

 

Crédit photo © Andreia Carvalho

 

Le concert d’ouverture du 1er octobre mettait sous les projecteurs la “sororie” Samuil : Anna au chant, et sa soeur Tatiana au violon… tandis que le mari de la première, Matthias Samuil, était au piano. Les deux femmes ont enregistré ensemble un CD sous le Label Cyprès, en 2021, dans lequel les deux artistes proposaient un programme très varié (allant de Bach à Richard Strauss…), pour orchestre de chambre, soprano et violon. C’est quasi ce même programme qu’elles viennent interpréter, ici à Bragance, à ceci près que c’est le berlinois Matthias Samuil qui les accompagne au piano, en lieu et place de l’Orchestre de Chambre de Wallonie sur l’enregistrement discographique. 

La soirée débute par l’air de Susanna “Deh, vieni non tardar”, extrait des Noces de Figaro de Mozart. Ce n’est peut-être pas un choix judicieux (il n’apparaît d’ailleurs pas sur le CD…), pour la grande voix lyrique de Mme Samuil, et l’air de la Comtesse aurait paru plus adapté, surtout que ce genre de tessiture met toujours du temps à “se chauffer”. Le registre grave requis par le bouleversant “Erbarme dich” (tiré de la Passion selon St Matthieu de Bach) la met ainsi plus en valeur, surtout porté par le violon douloureux de sa sœur et le piano attentif de son mari. Le pianiste reste seul pour les Lieder de Richard Strauss qui suivent (“Allerseelen” Op. 10 No. 8, “Cäcilie!” Op. 27 No. 2 et “Morgen!” Op. 27 No. 4), dans lesquels la soprano russe fait face au contrôle périlleux du souffle qu’ils exigent. Puis c’est un moment de pause pour la chanteuse, et Matthias et Tatiana délivrent une superbe “Introduction et Rondo Capriccioso » de Camille Saint-Saëns, emmenée avec détermination par la soliste, sans partition, et un pianiste en totale osmose. 

Nous ne ferons pas toute la liste des oeuvres jouées, mais citons néanmoins l’air de Francesco Cilea, extrait de son opéra Adriana Lecouvreur : “Io son l’umile ancella”, qui convient à la voix d’Anna Samuil. Elle y apporte une technique impeccable, des pianissimi enjôleurs, et des messe di voce – de même que le sens des tourments et le vague à l’âme  requis par cette aria. Citons également, parce qu’intéressants – et somme toute assez rares au concert -, les “Airs bohémiens” (1878) de Pablo de Sarasate (pour piano et violon), délivrés de manière hautement poétique par la violoniste qui parvient notamment à faire ressortir, sans jamais larmoyer, le caractère expressif de la première partie. Et la soirée se termine par l’air de concert “Infelice” op. 94 de Felix Mendelssohn. Dès les premières mesures, Anna Samuil y met beaucoup d’expressivité ; dans le récitatif d’ouverture, qui raconte la douleur de l’abandon, tout le corps de la chanteuse semble trembler de concert, l’artiste vivant ce qu’elle chante avec une intensité de chaque instant. On ressent du bonheur à entendre une cantatrice aussi authentiquement honnête, et on se laisse aller au charme de l’interprétation, jusqu’au questionnement final où, dans les ultimes notes de son “Queste son le speranze et l’ore liete”, la chanteuse lance un aigu si déchirant que l’on se sent subitement submergé par une grande émotion. L’espace d’une courte minute, la communion d’une musique, d’un violon, et d’une voix jaillissent dans un moment d’intense grâce artistique. Le public – venu en nombre pour une salle comble – ne s’y trompe pas, et fait une standing ovation aux trois artistes, qui les remercie avec avec un bis inattendu… le « Besame mucho » de la pianiste mexicaine Consuelo Velazquez !

Le Festival International de Musique de Bragance est loin d’être fini, et ce soir 5 octobre (au Théâtre Municpal), c’est le français Victor Julien-Laferrière qui se produit dans la cité médiévale portugaise avec son Orchestre Consuelo pour une interprétation des Symphonies N°6 et 8 de Ludwig van Beethoven. Il se produira ensuite, comme violoncelliste, aux côtés de Filipe Pinto-Ribeiro (au piano), dans des oeuvres de Beethoven et Chostakovitch, le 8 (à 21h, Eglise Santa Maria). A ne pas manquer non plus, le concert de clôture du 12 octobre qui affichera le célèbre ensemble baroque “I Solisti veneti”, dirigé par Giuliano Carella, dans leur répertoire de prédilection… Antonio Vivaldi bien sûr !

 

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CRITIQUE, festival. 4ème Festival International de BRAGANCE, Théâtre municipal, le 1er octobre 2024. Ana Samuil (soprano), Tatiana Samouil (violon), Matthias Samuil (piano). Photos © Andreia Carvalho.