vendredi 9 mai 2025
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ORCHESTRE LAMOUREUX. Ven 15 et dim 17 nov 2024. Mozart : Requiem. Fanny Soyer, Chloé Briot… Adrien Perruchon, direction

Grand concert Mozart les 15 puis 17 nov 2024 dans la Capitale : l’Orchestre Lamoureux propose son programme « MOZART PARISIEN », dirigé par Adrien Perruchon. Évocation musicale du dernier séjour de Mozart à Paris avec des œuvres phares comme le Concerto pour flûte et orchestre, et le sublime Requiem, pour lequel les instrumentistes de l’orchestre sont rejoints par un quatuor vocal prometteur et le Chœur Vittoria d’Île-de-France. Mort pendant la composition qu’il laisse inachevée, Mozart a fait de sa partition, son propre testament spirituel.

 

Visuel © Orchestre Lamoureux 2024

 

 

Sur le métier, en particulier une fugue qui devait achever le Lacrimosa, Mozart s’éteint dans la nuit du 4 au 5 déc 1791. A sa mort, 95% du Requiem sont achevés, jusqu’à l’Offertorium (Domine Jesu et Hostias) dont sont précisées les voix, la basse continue et partie de l’orchestration. Le service funèbre du 10 déc suivant sa mort, utilise tout le matériau du Requiem grâce au paiement de Shikaneder, le librettiste de La Flûte Enchantée. Pour livrer au comte Walsegg, la partition complète du Requiem et toucher les 123 florins restant dus, la veuve de Mozart, Constance, demande à Freystädler, Eybler, enfin Süsmayer de terminer l’œuvre sur la base des indications laissées par Wolfgang mourant. Süsmayer remit à la veuve le manuscrit achevé ainsi fin février 1792. Le commanditaire Walsegg paya.

Puis Constance vendit la partition qui fut créée en public en janvier 1793 à Vienne, grâce au soutien du Baron van Swieten (futur librettiste de la Création de Haydn). Constance organisa ensuite plusieurs autres créations, à Leipzig (avril 1796), puis Paris le 21 déc 1804 (dirigé par Cherubini et en présence de la veuve Mozart). Dans le Concerto pour flûte et harpe, Mozart compose une partition de salon (au sens le plus noble du terme), pour des amateurs éclairés (un noble flûtiste et sa fille prodigieusement douée pour la harpe), l’inspiration du compositeur salzbourgeois s’y renouvelle constamment, en particulier dans les deux premiers mouvements : l’élégance et la grâce y fusionnent avec un charme typiquement parisien.

 

 

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MOZART PARISIEN
Vendredi 15 novembre à 20h30 à l’Eglise Saint-Eustache
Dimanche 17 novembre à 18h à la Salle Gaveau
INFOS & RÉSERVATIONS sur le site de l’Orchestre Lamoureux : https://orchestrelamoureux.com/concerts/mozart-parisien-2/

 

Concerto pour flûte et harpe en Ut majeur (KV 299)
Air de concert Vorrei spiegarvi, O Dio, pour flûte et orchestre
Transcription et Arrangement : Sergio Menozzi/Jean Christophe Maltot

Julien Beaudiment, flûte
Anaïs Gaudemard, harpe

Requiem en ré mineur (KV 626)
Fanny Soyer, soprano
Chloé Briot, mezzo-soprano
Pascal Bourgeois (15.11) / Julien Behr (17.11), ténor
Dong-Hwan Lee, basse
Choeur Vittoria d’Île-de-France

ORCHESTRE LAMOUREUX
Adrien Perruchon, direction

 

Les 2 concerts marquent la sortie du disque du flûtiste Julien Beaudiment ; son album, intitulé Mozart, a été réalisé en collaboration avec l’Auditorium-Orchestre national de Lyon, aux côtés de la harpiste Anaïs Gaudemard et du chef Philippe Bernold. Une rencontre et un temps de signatures avec les solistes aura lieu à l’issue de la représentation du 17 novembre, Salle Gaveau.

 

VERSAILLES, Chapelle Royale. Les 23 et 24 nov 2024. MOZART : Requiem. Orchestre de l’Opéra Royal, Théotime Langlois de Swarte (direction)

La profondeur et la vérité du Requiem de Mozart semble inépuisable. Chaque interprétation semble toucher à son unité sans jamais l’épuiser vraiment. Chef-d’œuvre inachevé, testament musical, composition sacrée intemporelle, dépassant le cadre liturgique, l’œuvre transmet et contient l’expérience musicale et spirituelle la plus aboutie de son auteur.

À sa mort, le 5 décembre 1791, le Mozart avait achevé entièrement l’Introït et le Kyrie, et défini pour une bonne part le contenu des cinq parties suivantes, du Dies Irae au Confutatis. L’œuvre a depuis suscité mille hypothèses, de nombreuses versions des pages inachevées, de splendides interprétations surtout : elle magnétise l’auditeur comme l’interprète, et s’impose finalement presque intégralement dans la forme qu’a laissée Mozart.

Pour cette nouvelle lecture, Théotime Langlois de Swarte retrouve les instrumentistes de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles dans une partition parmi les plus envoûtantes léguées par le Siècle des Lumières, déjà romantique.

 

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VERSAILLES, Chapelle Royale
Samedi 23 novembre 2024, 19h
Dimanche 24 novembre 2024, 15h

INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site de Château de Versailles spectacles : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/mozart-requiem/

Durée : 2h entracte inclus

 

 

Distribution
Marie Perbost, Soprano
Mathilde Ortscheidt, Mezzo
Bastien Rimondi, Ténor
Edwin Fardini, Basse
José-Antonio Salar-Verdu, clarinette
Orchestre de l’Opéra Royal
Théotime Langlois de Swarte, direction

 

Programme
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour clarinette en la majeur, K. 622
I – Allegro
II – Adagio
III – Rondo allegro

Requiem
I – Introitus
II – Kyrie
III – Sequentia
IV – Offertorium
V – Sanctus
VI – Agnus dei
VII – Communio

CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 23 octobre 2024. DONIZETTI : La fille du régiment. J. Fuchs, L. Brownlee, S. Graham, L. Lhote, F. Lott… Laurent Pelly / Evelino Pidò.

C’était une soirée claire suite à une belle journée aux couleurs estivales. On appelle ça d’ordinaire l’été indien outre-Atlantique, est-ce le basculement dans une réalité différente ou la torpeur qui s’installe avant l’hiver. La caresse bleutée du crépuscule passe sa main sur la façade miroitante de l’Opéra Bastille qui contemple impassible le cœur trépidant de Paris.

 

Crédit photographique © Elisa Haberer

Éloquence du lieu et de l’action, c’est la fougueuse Marie, enfant trouvée et adoptée par un régiment napoléonien dans le Tyrol occupé d’Andreas Hofer. Outre l’intrigue rocambolesque et comique de cette farce pétillante, on a la sensation de voir un des archétypes qui vont inspirer des compositeurs et librettistes par la suite. Une des sœurs de Marie est la belle Roxy, porte-bonheur de la sélection de football hongroise dans Roxy und ihr Wunderteam de Paul Abraham. Cependant le message n’est libérateur qu’en apparence, Marie épouse Tonio, malgré la « mésalliance », elle n’est pas libre, son rôle sera domestique et maternel contrairement à un destin aventureux dans le sillage de la gloire du grand Corse.

Reprise d’une production qui fit fureur – il y a plus d’une décennie – avec Natalie Dessay et Juan Diego Florez, cette fois-ci on retrouve une distribution aux couleurs tout aussi contrastées et chatoyantes. Julie Fuchs est la digne héritière de “la” Dessay tant dans le domaine théâtral que dans l’impressionnant registre vocal. Elle se glisse naturellement dans le rôle-titre et dans la mise en scène trépidante de Laurent Pelly. Face à elle Lawrence Brownlee est un peu plus en retrait côté jeu histrionique, il n’en demeure pas moins un ténor à l’agilité stupéfiante. On goûte une rondeur dans les cadences qui fait plaisir et un legato d’une grande beauté. Le Sulpice de Lionel Lhote est une comparse drolatique et agile. Nous avons un plaisir fou de retrouver Susan Graham en Marquise de Berkenfield inénarrable et la sublime Dame Felicity Lott en Duchesse de Krakentorpf d’anthologie! Nous saluons aussi la très belle voix de Florent Mbia à suivre absolument. Les excellentes phalanges et les chœurs de l’Opéra national de Paris ont été menés par l’iconique Evelino Pidò, maître dans ce genre de répertoire. Les attaques sont franchement ciselées, ornées avec raffinement et dynamisme. Une source constante de beauté que le travail d’un tel chef dans un tel répertoire.

A l’heure des doutes qui traversent cette terre généreuse, écoutons le cri du cœur de Marie quand elle semble prêter sa voix à Gaetano Donizetti, saluons la France dans ce qu’elle a de plus beau: sa liberté et son esprit révolutionnaire !

 

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 23 octobre 2024. DONIZETTI : La fille du régiment. J. Fuchs, L. Brownlee, S. Graham, L. Lhote, F. Lott… Laurent Pelly / Evelino Pidò. Toutes les photos © Elisa Haberer

 

VIDEO :  Trailer de « La Fille du régiment » de Donizetti selon Laurent Pelly à l’Opéra Bastille

 

SAINT-CLOUD. 98ème CONCOURS INTERNATIONAL LEOPOLD BELLAN : 28 oct > 2 nov 2024

Concours international de musique et d’art dramatique, le Concours LEOPOLD BELLAN existe depuis 1926. Il n’a cessé depuis sa création de dénicher les talents les plus convaincants, les artistes et interprètes à fort potentiel. Parmi ses lauréats « historiques »… entre autres, Olivier Messiaen, Katia et Marielle Labèque, Yvonne Loriod, Michel Plasson, Augustin Dumay, Christiane Eda-Pierre, Philippe Entreront, Geneviève Joy, Roland Pidoux, Thierry Escaich…

 

 

Depuis 2013, la pianiste et professeur Hélène Berger pilote le Concours parmi les plus anciens et prestigieux en France. Chaque édition permet de déceler les futurs talents, toujours selon les valeurs d’ouverture et d’exigence qui président dès ses débuts : ouverture sociale, sans restriction d’âge, pluridisciplinarité. Au fur et à mesure des éditions, des disciplines sont rajoutées en rapport avec l’évolution culturelle de la société : musiques traditionnelles, jazz, accordéon, ensembles vocaux, composition, accompagnement au piano… Aux diplômes s’ajoutent de nombreuses récompenses qui favorisent la carrière des lauréats : bourses, concerts, invitations dans des festivals et académies internationales, passerelles avec d’autres grands concours étrangers multidisciplinaires.

En 2020 et 2021, face au COVID et ses restrictions, le concours bascule en ligne, augmentant de fait sa visibilité internationale, porteur d’espoir face aux annulations en chaîne. Chaque participant reçoit, en plus de son diplôme, des conseils personnalisés du jury. En 2021, est relancée la comédie musicale, avec Rabah Aliouane en jury (directeur de casting le Roi Lion, Cats…) en hommage à l’appellation d’origine du concours (Barbara, comme Polnareff ou Michel Legrand en sont des anciens lauréats)…

 

2024, une 98ème édition très attendue…

Précédée des incontournables sélections et finales préalables, la super finale de la 98ème édition à Saint-Cloud, s’annonce prometteuse. Grâce au nouveau partenariat officiel avec Wiener Muziksminar de l’Université de Vienne (MDW), des finalistes de haut vol rejoignent la compétition. Le Concours battra son plein ce mercredi 30 octobre 2024 avec les Finales Comédie musicale, violon ; jeudi 31 octobre 2024 avec les Finales harpe, guitare, chant soliste ; vendredi 1er novembre 2024, Finales piano, musique de chambre.
Enfin, tous attendent le concert de Gala des Lauréats le samedi 2 novembre 2024 à 18 h à Saint Cloud, Auditorium des Avelines, Conservatoire de Saint Cloud où sera proclamé le palmarès et remis chaque prix au récipiendaire concerné.e.

Plus d’infos ici : https://my.weezevent.com/concert-des-laureats-bellan-super-finale

 

 

 

DÉROULEMENT COMPLET DES FINALES
CONCOURS INTERNATIONAL LEOPOLD BELLAN
98 ème édition
 FINALES PUBLIQUES
Entrée libre

 

DISCIPLINES : Piano / Musique de Chambre / Chant / Ensembles vocaux / Cordes / Harpe / Guitare / Composition / Musique à l’image / 2 pianos 4 mains /Musiques traditionnelles /Comédie musicale (Vents, Jazz, accordéon en 2025)

DÉROULEMENT : Le concours se déroule en 2 ou 3 tours, en fonction des disciplines et du nombre de participants retenus par discipline. Le chant soliste a automatiquement lieu en 3 tours. Le 1er tour a lieu en ligne pour toutes les disciplines. Les seconds et troisièmes tours auront lieu à Paris, France, à l’exception de la composition et de la musique de film (envoi de fichiers).

 

 

MARDI 29 OCTOBRE 2024
9h-13h FINALES MUSIQUE TRADITIONNELLE
14h- 19h FINALES JAZZ

 

MERCREDI 30 OCTOBRE 2024
CONSERVATOIRE DE SAINT CLOUD
Auditorium Jardin des Avelines
92210 Saint Cloud
30 Ter Boulevard de la République ou 60 rue Gounod
ACCES : Gare SNCF de Saint Cloud, T2 Parc de Saint Cloud ou Métro Boulogne-Pont de St Cloud / ligne 10 Bus 460, 471 arrêt Pasteur/Magenta

15h – FINALE COMEDIE MUSICALE
15h BOVENSCHEN Bailey American
15H20 GÉDÉON Joséphine Française
15H40 CHENG Shengxin Chinois

16h – FINALE VIOLON
16H00 ASSANTE Louis Française
16H20 ASSANTE Melody Française
16H40 BABIAUD Odile Française/Espagnole
17H PEI Yue-Xin China
17H20 PAUSE 20MN
17H40 VIOLONCELLE
17H40 GRISÓ Matis luxembourgeoise
18H BORNANCIN GRÉGORY Français
18H40 LIANG Cuiting Chine
19H00 GONZÁLEZ BABIAUD Cristóbal Espagnole/française
19H20 DELIBERATION
20H RESULTATS
FERMETURE DES LOCAUX 20H45

 

JEUDI 31 OCTOBRE 2024
INSTRUMENTARIUM HARPE de PARIS
35 rue Fondary 75015 PARIS
Métro Emile Zola
Ligne 10 ou Bus
N12 Avenue Emile Zola
ou Bus 42 Rue Rouelle
ou Bus 80 La Motte Piquet Grenelle

10h FINALE GUITARE
10H GABRIELE imbesi italia
10H20 BESSON Paolo FRANCAISE
10h40 FINALE HARPE
10H40 VERLAIN Mireille Française
111H PLAGNOL Joséphine Française
11H20 NAMBA Mizuki Japon
11H40 ELKAIM Pauline Française
12H40 RESULTATS

 

JEUDI 31 OCTOBRE 2024
CONSERVATOIRE DE SAINT CLOUD
Auditorium Jardin des Avelines
92210 Saint Cloud
30 Ter Boulevard de la République ou 60 rue Gounod 
ACCES : Gare SNCF de Saint Cloud, T2 Parc de Saint Cloud ou Métro Boulogne-Pont de St Cloud ligne 10 Bus 460, 471 arrêt Pasteur/Magenta

15h FINALE CHANT SOLISTE
15H00 – 18H
18H30 RESULTATS

 

VENDREDI 1ER NOVEMBRE 2024
CONSERVATOIRE DE SAINT CLOUD
Auditorium Jardin des Avelines
92210 Saint Cloud 30 Ter Boulevard de la République ou 60 rue Gounod
ACCES : Gare SNCF de Saint Cloud, T2 Parc de Saint Cloud ou Métro Boulogne-Pont de St Cloud
ligne 10 Bus 460, 471 arrêt Pasteur/Magenta

9h30 FINALE PIANO
9H30 HIRABAYASHI Hiroto Japon
9H50 LOUREAUX Lionel Française
10H10 SHIMOZATO Takeshi Japan
10H30 NOZAKI Momo Japonaise
10H50 BARBRY Dinh Française
11H10 RAULINE Adrien Française
11H30 PAUSE
11H50 BLOAS-SAINTMARC Thierry Français
12H10 MICHAŁ Lis Poland
12H30 FANG Xiangzheng China
12H50 RAUCH Sebastian Allemagne
13H10 DUO ALIZÉ Camille Patau, Nathan Alizé
14H30 RESULTATS PIANO

15h FINALE MUSIQUE DE CHAMBRE
15H Duo Rouinvy-Errera Emma Errera (violon), Pierre Rouinvy (piano) Française
15H20 Duo Kappes-Ramond Vincent Kappes, Baptiste Ramond Française
15H40 Duo Elegia Claire Calligaro et Johanna Arnaud francaise
16H00 Trio Luz Lucie Boulard, Marianne Sabatier, Pauline Schlouch Française
16H20 Duo Suonamare Nina Ramousse, Pilar Benavides Campini Française
16H40 Duo Waldner/Lesjak Kathrin Waldner, Anna Lesjak Autriche
17H Sola Lea Philippe et Soyeon Kwong Française et coréenne
17H20 Minaya et Sujata Chapelain Minaya CHAPELAIN et Sujata CHAPELAIN française
18H30 RESULTATS
1
9H30 FERMETURE DES LOCAUX

 

SAMEDI 2 NOVEMBRE 2024
18h – 21h : super finale GALA, CONSERVATOIRE DE SAINT CLOUD
HONOR COMMITTEE : Christian MANEN – Pierre-Yves ARTAUD – Emmanuel PAHUD – Luigi FAIT – Xavier DELETTE – Patrice FONTANAROSA – Marielle NORDMANN – Cédric TIBERGHIEN – Max VANDERMAESBRUGGE – Micheline OSTERMEYER – Aquiles DELLE VIGNE – Alain WEBER – François-René DUCHABLE – Ricciarda BELGIOJOSO – Jean-Dominique KRYNEN –  Michel DENIS – Heyoung PARK – Thomas KREUZBERGER – Elena GORBATCHEVA – Milomir DOJCINOVIC
ARTISTIC DIRECTION : Rémi GUILLARD & Hélène BERGER

 

Déroulement de la soirée
18h : Remise des Prix
18h15 : Concert des LAURÉATS
suivi du Prix du Public, des Partenaires et d’un cocktail

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2025

Concours Junior du 1er janvier au 13 avril 2025
Concours en ligne avec Gala super-finale à Paris avec les meilleurs lauréats de chaque discipline parmi les 1ers prix. Au total, 27 DISCIPLINES : Cordes, vents, piano, jazz, instruments de musique traditionnelle… – 6 niveaux de 4 à 21 ans

Concours International du 25 au 31 Octobre

 

 

WIKIPEDIA
 https://fr.wikipedia.org/wiki/Concours_international_L%C3%A9opold_Bellan

SITE INTERNET
 http://www.concoursinternationalleopoldbellan.fr
FACEBOOK
 https://www.facebook.com/ConcoursInternationalLeopoldBellan/
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CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, le 26 octobre 2024. RATNIECE / BRUCH / TCHAÏKOVSKI. Dorota Anderszewska (violon), Orchestre national Montpellier Occitanie, Ainārs Rubiķis (direction)

L’Orchestre national de Montpellier Occitanie célèbre Dorota Anderszewska, violon solo supersoliste depuis 20 ans. En sus de sa fonction de leader, l‘interprète se mesure chaque année à un concerto du répertoire. Elle choisit le Premier Concerto pour violon de Max Bruch, romantique à souhait, pour fêter cet anniversaire avec ses partenaires de la phalange, dirigée par Ainārs Rubiķis.

 

 

Les 20 ans de la violoniste super-soliste de l’Orchestre National de Montpellier Occitanie. Instrumentiste d’origine polonaise-hongroise, Dorota Anderszewska occupe ce poste à la proue de la phalange montpelliéraine depuis 2004, période où une présence féminine était encore rare pour une telle responsabilité. Selon la violoniste, sa juste responsabilité consiste à « être le pont entre le chef et l’orchestre (…) au service de la musique, c’est dans ce service que chacun trouve sa place ». « Le violon est le prolongement de l’âme qui chante » confie-t-elle. Le public de l’ONMO en fait l’expérience depuis deux décennies lorsque ses soli des œuvres symphoniques de R. Strauss ou de G. Mahler résonnent avec expressivité et aplomb sous son archet. Ce soir, le public perçoit ce chant de l’âme dès le premier mouvement du 1er Concerto op.26 de Max Bruch. Quelques années plus tôt, le même ressenti survolait son interprétation du Concerto de Sibelius ou sa dévorante énergie dans le 1er Concerto de Prokofiev. Dès les phrases ondulantes de la Cadenza d’introduction de Bruch, l’auditeur est frappé par la plénitude du son, une sonorité qui s’étire sous son archet avant de s’entrelacer à celle des cors solistes. Dans l’Adagio central, son legato chaleureux contamine tous les pupitres avec abandon. Lorsque l’orchestre danse vigoureusement dans l’Allegro energico – quelle luxuriance symphonique ! – la soliste sur ses gardes se libère ensuite pour exalter la joie et la virtuosité. Sous les acclamations de l’auditoire, l’âme de la violoniste chante autrement dans le bis – l’Ave maria de Gounod, transcrit pour violon et harpe. Sa pure voix s’élève sobrement, enrobée par de solides arpèges de harpe (Isabelle Toutain).

Encadrant cette émouvante prestation, une œuvre de notre temps et une fantaisie de Piotr Ilitch Tchaïkovski confèrent de l’épaisseur à la célébration. “Glittering Promenad” (Promenade scintillante) est l’œuvre captivante d’une compositrice lettone, Santa Ratniece (née en 1977). Le lyrisme introverti de la pièce fait cheminer de lentes nappes sonores, striées par de scintillantes ponctuations de percussions en métal et de célesta. Le chef letton fait respirer cette subtile matière qui semble sous l’influence de l’école spectrale (T. Murail). Et tandis que les intempéries automnales sévissent au dehors, l’auditoire fait l’expérience du cocon musical qu’est l’Opéra-Comédie. Si Mer calme et heureux voyage op. 27 de Félix Mendelssohn déroule ses méandres alternativement consonants et dissonants, La Tempête op.18 de Piotr Ilitch Tchaïkovski déchaîne, elle, la fougue romantique. Après des débuts instrumentalement hésitants, la houle shakespearienne envahit le plateau de l’orchestre sous la baguette inspirée d’Ainārs Rubiķis. Soulignons le somptueux choral cuivré (excellent pupitre de trombones et tuba). Certes, l’œuvre peut désarçonner par sa construction fragmentée et rhapsodique, typique de la musique à programme. Cependant, l’orchestration berliozienne unifie la « fantaisie symphonique » en faisant surgir des paysages imaginaires, tels celui marin de l’île de Prospero, tel le réveil d’amour du jeune couple, …

Si les auditeurs souhaitent prolonger les réjouissances des 20 saisons de Dorota Anderszewska à Montpellier, rendez-vous le 27 avril à l’Opéra-Comédie avec des œuvres de Pergolese, Haydn et Szokolay !

 

 

 

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CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, le 26 octobre 2024. RATNIECE / BRUCH /TCHAÏKOVSKI. Dorota Anderszewska (violon), Orchestre national Montpellier Occitanie, Ainārs Rubiķis (direction).

 

VIDÉO : Dorota Andersweska interprète l’Ave Maria de Schubert (à l’Eglise St Roch de Montpellier)

 

PARIS, Théâtre de l’Opprimé. Le Métronome de nos errances, 6 > 9 nov 2024 (création). Babouillec, Stéphane Leach, Compagnie ArtOm, Karine Laleu…

Que produit au final « la mécanique » du partage et de l’écoute ? Quatre êtres singuliers, faisant partie d’un même Tout inconnu, se réunissent un soir et cherchent à trouver un accord. Mais leur incapacité à communiquer, érige des murs-frontières entre eux. Une seule issue : un trou noir abyssal… l’écrivaine Babouillec et le compositeur Stéphane Leach construisent une forme lyrique ouverte et critique qui questionne les enjeux du rapport à l’autre dans sa propre construction identitaire…

 

Quatre personnages se croisent dans les méandres relationnels d’une situation qui les réunit. Le doute, l’indifférence et une forme de certitude s’interrogent sur leur identité, sur le rapport au monde. « Ce voyage dans le corps de la raison pour interroger l’infini des êtres, bouscule les codes de la parole » : l’auteure a choisi une narration poétique qui a le goût du mystère des mots, cultive l’énigme des intérieurs secrets ; la narration poétique chantée qui en découle entend franchir cette muraille de l’esprit dans un grand cri du corps. « J’aime la forme de l’opéra moderne ou contemporain qui ouvre l’accès à ces deux narrations dans le bain mouvant de la déferlante sonore », complète Babouillec, auteure du livret de l’opéra Le Métronome de nos errances.

 

L’auteure Babouillec et le compositeur Stéphane Leach
orchestrent un nouveau drame lyrique
où l’expérience de l’altérité
invite les individus à repenser leur identité

Les personnages du « Métronome de nos errances » est une histoire de voisinage où les individus qui se confrontent et débattent, interrogent leur rapport à la vie, à la liberté, à la politique, … Babouillec présente les personnages qui se confrontent aux individus : « Indifférence est un être de la politique réglementaire où la mesure représente la taille relationnelle. Il / Elle protège son espace dans cette pulsation de son monde. Contrôler l’ordre sans perdre ses repères passe pour lui / elle par une instrumentalisation du rapport entre les individus… Certitude Rieuse est la voisine un peu folle dingue habitée par cette énergie si précieuse de l’amour. Elle vit sur ce nuage des êtres habités de la passion. Doute Onirique est ce poète fou plein de doutes et habité de la vision intérieure du monde souterrain de l’apocalyptique imaginaire de l’amour parfait, inaccessible. Aïe aïe aïe aïe aïe…. Deux perceptions lointaines de la mesure, l’instrument de la mesure et l’unité de la mesure. Je propose d’articuler les 3 entités dans ce bain urbain de la proximité physique, de la distinction culturelle, intellectuelle, philosophique, de la vie… Ah ! ah ! Ah ! ».

 

 

 

 

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Le Métronome de nos errances (création)
Opéra – musique de Stéphane Leach
PARIS, Théâtre de l’Opprimé
mercredi 6 nov 2024, 20h30
jeudi 7 nov 2024, 20h30
vendredi 8 nov 2024, 20h30
samedi 9 nov 2024, 17h et 20h30

INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site du Théâtre de l’Opprimé : https://www.theatredelopprime.com/d-tails-et-inscription/le-metronome-de-nos-errances
Théâtre de l’Opprimé, 78 Rue du Charolais, 75012 Paris, France
Réservations : https://theatredelopprime.mapado.com/

Livret : Babouillec – Dramaturgie, Eugène Fresnel
Mise en scène, Karine Laleu
Forme opératique avec quatre personnages et deux musiciens

 

 

 

 

 

Le compositeur Stéphane Leach, en recherche d’un livret d’opéra, rencontre Hélène Babouillec. Le texte du « Métronome de nos Errances » produit un opéra théâtral, une oeuvre mixte mêlant texte parlé et chanté, différentes formes et styles musicaux : opéra, oratorio, cabaret, chansons, musiques populaires, hymnes, chants mémoriels, chansons d’enfants, mélodrame, musique de scène, opéra bouffe, commedia dell’arte, théâtre. Les personnages interroge le monde contemporain dans toute l’étendue des « chants » du possible… Les quatre personnages sont chantés par un quatuor vocal « qui peut être complété dans certaines versions par un petit choeur additionnel, composé de trois chanteurs. Les chanteurs seront aussi comédiens en tissant un langage musical de la parole au chant. Le chant devient ainsi cette parole partagée et universelle » précise le compositeur. Intimiste, accompagnant au plus près le chant des mots, l’orchestre de chambre réunit deux musiciens : pianiste (piano-toypiano-glassharmonica : instrument en verre de cristal) et accordéoniste.

 

Des individus en quête d’eux-mêmes

Responsable de la dramaturgie de l’opéra, Eugène Fresnel éclaire les enjeux de la réalisation : « Dans Le Métronome de nos errances… c’est bien d’un voyage dont il s’agit, voyage dans une langue traversée de fulgurances, voyage dans un univers où la quête initiatique des personnages nous renvoie à nos propres interrogations existentielles. Vivre oui … mais comment ? Comment faire siens « tous ces fracas de l’être et de la matière… » alors que l’on est habité par cette irréductible envie d’exister … ? Qui sont ces personnages miroirs de nos espoirs, de nos doutes, de nos désirs mais enclins surtout à nous entraîner dans des régions insoupçonnées… ? ».

 

4 personnages en errance

Les personnages compose une arène fragile, imprévisible où l’entente et la communication pourtant chaotiques, demeurent les moyens essentiels pour communiquer et se comprendre. Qui suis-je ? l’identité ne peut-elle se révéler qu’au contact de l’autre ? Et dans une situation qui favorise les bénéfices de la conversation …

Spectatrice émue, admirative de Babouillec à travers le documentaire « Dernières nouvelles du cosmos » de J. Bertuccelli, la menteuse en scène Karine Laleu (créatrice de la compagnie Art Om̐ en 2013) explique ce qui est au cœur de l’œuvre : « …ce texte porte haut et fort cette liberté :  En lutte dans leurs propres corps, dans l’étroitesse de leur bulle et dans la limitation de leur vision d’eux-mêmes, chacun des 4 personnages défend sa propre vérité… discours formaté, propagé en flux continu par cette société qui leur colle une étiquette. Chacun occupe la place qu’on a bien voulu lui donner. Son apparence, son nom, son discours et ses émotions ont également été lissés pour former une entité abstraite, parfaite et inoffensive. Cette réalité est si précise qu’ils sont persuadés de voir en elle, leur identité ».

 

Doute Onirique
« Ainsi, Doute Onirique est le poète incompris, toujours à contre-courant, inutile puisqu’improductif. Il est en lutte incessante car sa place est de ne pas en avoir ».

Certitude Rieuse
« Certitude Rieuse, la joie de vivre et l’optimisme. Pour elle tout est pour le mieux dans le meilleur
des mondes et tout le monde se doit d’être heureux ».

Indifférence
Indifférence représente la réussite sociale, le pouvoir productif, la hiérarchie, le contrôle. Tout autre est inférieur et doit rester à sa place. On ne bouscule pas l’ordre établi.

Chœur
Enfin, Choeur, est l’union, celui qui provoque la rencontre et arbitre la discussion avec écoute et bienveillance, afin d’aider ces êtres à s’accorder.

 

 

Le texte de Babouillec et la musique de Stéphane Leach

L’écriture de Babouillec … «  nous transporte ailleurs. Et quel ailleurs ! C’est beau, c’est bizarre, ça chante, ça tombe, ça enveloppe, ça éclate de rire, ça élève… Et on a envie d’y rester, de continuer à planer dans son cosmos, de se lover dans ses mots. La musique de Stéphane Leach est un bonheur pour la scène. Elle est théâtrale, en ce sens qu’elle raconte en elle-même l’histoire, tout en nous ouvrant les portes d’un monde personnel. On entre dans un magma dissonant, reflet à la fois du désaccord profond des personnages et de cet espace inconnu, abyssal, effrayant, qui les entoure. Dans ce chaos, on perçoit la couleur de chaque personnage qui évolue progressivement vers sa lumière, tout en étant projeté dans des univers très variés, du lyrisme au cabaret en passant par la comptine, chaque “scène” évoquant une nouvelle épreuve, comme dans un conte initiatique ».

 

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CRITIQUE, livre événement. François ALU : Le Prix de l’Etoile (éditions Robert Laffont)

Le texte creuse l’investissement psychique et psychologique d’un danseur hors normes pour conquérir son titre d’étoile, et la réalité de ce qu’il a vécu pour l’obtenir ; entre frustration, humiliation, solitude, épreuves et adversité, surtout souffrance multiple et permanente, celle d’un corps incontrôlable qui souvent ne suit pas la force de l’esprit. Et quel esprit !

 

Rebelle à toute forme d’autorité, de discipline, François Alu qui faisait lever des salles entières de spectateurs à l’Opéra de Paris, a cru longtemps qu’il obtiendrait enfin son étoile… en particulier quand il pense sur des rumeurs la mériter après s’être dépassé dans un solo de tous les diables (dont un manège de sauts du type « assemblées »,…) sur les planches de la Maison parisienne , arraché à force de volonté malgré blessures, déchirements et entraves physiques diverses… cet épisode fait toute la valeur du chapitre « révoltade » dont la lecture laisse pantois. On y médite la force inimaginable d’un immense tempérament d’un athlète hors pair.
Celui qui suit le cursus complet, prépare chaque concours et obtient chaque titre convoité, est en réalité un tempérament fougueux, un insoumis dont la créativité et l’imagination d’artiste suscitent incompréhension, réprobation ou vives critiques. Le moule de l’école de danse puis de l’Opéra National de Paris ne lui convient guère.

 

Le texte est ponctué, rythmé de références aux figures et mouvements de danse, aux procédés qui relèvent de la pure technique (« glissade », « 540 », « Ronds de jambe », « Assemblée », « brisé », brisé volé », « tours en l’air », « fondu » …) autant de prouesses dont beaucoup de sauts les plus divers dont il a fait sa spécialité et qu’il a absorbé ; qui constitue un vocabulaire lentement appris et maîtrisé ; chacun suscite plusieurs récits rédigés comme les souvenirs d’un apprentissage difficile et particulièrement éprouvant ; dont la dureté est compensée souvent par des poèmes de son cru, hautement cathartiques. François ALU est un hypersensible, un écorché au cœur tendre qui ici confesse ses douleurs, ses frustrations que sa détermination a transformé en source de dépassement. En témoignent une allure athlétique, une énergie bondissante hors normes qui l’ont très vite distingué de ses confrères masculins. François Alu incarne ce que l’académisme ne peut transmettre : la flamme, le caractère, le dépassement.

 

l’étoile François Alu,
un cœur tendre et rebelle

Celui qui eut la vocation de la danse en regardant à la télé danser Patrick Dupont, qui souhaitait devenir étoile, perdit peu à peu le lien et la confiance qui le reliaient à l’administration et l’institution. Seule l’ex directrice de la danse, Brigitte Lefèvre sut estimer la valeur du danseur inclassable. Quand il décroche enfin son titre d’étoile en 2022 (au terme d’une représentation de la Bayadère), il est trop tard. François Alu le dit lui-même : aucune émotion. L’attente s’est mue en lassitude. Et l’artiste songe déjà à quitter le navire parisien, pour une autre trajectoire qui compte un seul en scène… Nommé en avril 2022, il renonce à une carrière prestigieuse et devient un danseur libre de toutes contraintes en novembre suivant. Avec pour valeurs nouvelles : créativité, productivité et surtout partage, cette dernière si absente pendant ses années de formation.
A travers ce livre confession qui raconte l’itinéraire d’un danseur parmi les plus doués, – et le plus atypiques-, c’est aussi l’échec de l’Institution parisienne qui s’écrit de page en page ; échec à comprendre, mesurer, accompagner un tempérament aussi talentueux et déterminé. Milieu concurrentiel à outrance, cadre strict, disciplinaire, … chacun jugera. François Alu rappelle l’itinéraire d’une autre danseuse qui n’a pas hésité pour sa part à régler ses comptes avec l’institution et sa directrice, Marie-Agnès Gillot dans un livre écrit lui aussi à la première personne et au titre bien trouvé : « Sortir du cadre » (CLIC de CLASSIQUENEWS, mai 2016). Au terme de la lecture, la figure du danseur qui a enfin su se libérer, suscite l’admiration et l’estime fraternelle. A défaut d’avoir totalement savouré son titre d’étoile, François Alu aura cependant réussi à trouver son chemin.
Toutes les photos © couverture du livre : Le Prix de l’Etoile (240 pages / éditions Robert Laffont)

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CRITIQUE, livre événement. François ALU : Le Prix de l’Etoile (240 pages / éditions Robert Laffont)

(DORTMUND, Allemagne), LES ÉPOPÉES. MONTEVERDI : L’Orfeo. Mardi 12 nov 2024. Prégardien, Blondeel, Lefilliâtre… Stéphane Fuget (direction)

Après l’avoir enregistré et publié sous le label du Château de Versailles Spectacles (juin 2024), et l’y avoir rejoué ce 18 octobre dernier, Les Épopées présentent à Dortmund l’Orfeo, premier chef d’oeuvre de l’opéra baroque (1607), où passions, danse et prière s’embrasent à travers la trajectoire du poète de Thrace, du monde des vivants à celui des morts…

  Crédit photo © William Beaucardet

 

L’ouvrage évoque de superbes tableaux, certains spectaculaires et fantastiques : après le jardin enchanté des bergers insouciants au premier acte, Caron et sa barque sur le Styx, la descente d’Orphie aux enfers… puis son ascension aux côtés d’Apollon. Veuf inconsolable, le chanteur fait valoir son chant puissant et bouleversant qui émeut Proserpine et grâce à elle, jusqu’au dieu des enfers, l’inflexible Pluton : Orphée pourra descendre aux enfers pour y libérer son aimée, Eurydice.

Claudio Monteverdi soigne la construction du drame, compose une musique articulée, subtile qui porte le texte ; les airs d’Orfeo sont parmi les plus poignants de l’opéra italien. La distribution réunie autour de Stéphane Fuget regroupe les meilleurs chanteurs actuels, capables de réaliser entre expression et intelligibilité, ce chant dramatique proche de la parole (recitar cantando), ce premier belcanto qui permet l’incarnation et l’expression juste et naturel des passions humaines.

 

 

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L’Orfeo de Monteverdi par Les Épopées
DORTMUND, Konzerthaus
Mardi 12 novembre 2024, 19h30
Infos et réservations sur le site du Konzerthaus, Dortmund
https://www.konzerthaus-dortmund.de/de/programm/12-11-2024-monteverdi-lorfeo/

 

Opéra en cinq actes avec prologue sur un livret d’Alessandro Striggio, créé à Mantoue en 1607.

 

Distribution

Julian Prégardien, Orfeo
Gwendoline Blondeel, Euridice, La Musica
Luigi De Donato, Plutone, Pastore, Caronte
Cyril Auvity, Apollo, Pastore, Spirito
Claire Lefilliâtre, Proserpina, Ninfa
Isabelle Druet, Messagiera, La Speranza
Vlad Crosman, Eco, Pastore, Spirito
Paul Figuier, Pastore

Les Épopées
Stéphane Fuget, clavecin & direction

 

LIRE aussi notre entretien avec Stéphane FUGET à propos de la nouvelle saison 2024 – 2025 des Épopées : https://www.classiquenews.com/entretien-avec-stephane-fuget-fondateur-et-directeur-artistique-des-epopees-genese-des-epopees-premiers-accomplissements-grands-motets-de-lully-operas-de-monteverdi-nouvelle-saison-2024-2025/

CRITIQUE, opéra. ANVERS, Opera Ballet Vlaanderen, le 25 octobre 2024. GLUCK : Iphigénie en Tauride. M. Losier, K. Karagedik, R. Van Mechelen… Rafael R. Villalobos / Benjamin Bayl

Après avoir été présentée à Montpellier l’an passé, la nouvelle production d’Iphigénie en Tauride de C. W. Gluck fait halte à l’Opéra d’Anvers, avec une distribution totalement renouvelée. La mise en scène de Rafael R. Villalobos transpose le drame dans les affres contemporaines de la guerre en Ukraine, nous rappelant ainsi que la Tauride se situe dans l’actuelle Crimée.

Toutes les photos © Annemie Augustijns.

 

Le metteur en scène Rafael R. Villalobos (37 ans) s’est fait remarquer en France par plusieurs spectacles provocateurs, dont Le Barbier de Séville et Tosca, tous deux montés à Montpellier. A Anvers, le jeune trublion espagnol poursuit dans cette voie, en montrant toutes les horreurs de la guerre, notamment une scène de viol particulièrement réaliste, perpétrée par Thoas : de quoi noircir ce personnage et rendre plus crédible son assassinat en fin d’ouvrage. La principale idée de Villalobos consiste toutefois à enrichir le livret de plusieurs saynètes parlées, extraites d’Euripide et Sophocle. On y découvre en flashback les parents d’Iphigénie, Agamemnon et Clytemnestre, qui se déchirent sous les yeux de leurs enfants, encore préservés des épreuves à venir. Il est vivement recommandé de réviser au préalable l’ensemble du mythe associé à ces personnages pour bien saisir l’intérêt de ces ajouts. Enfin, Villalobos associe passé et présent en montrant une représentation théâtrale soudainement interrompue par le fracas des bombes. Ce recours au « théâtre dans le théâtre » a certes pour effet d’ajouter une distanciation sur les événements, mais peine à convaincre de sa pertinence sur la durée du spectacle.

 

Crédit photographique © Annemie Augustijns.

Face à cette mise en scène en demi-teinte, le plateau vocal emporte l’adhésion, malgré une prononciation inégale du Français selon les interprètes. Ainsi de Michèle Losier qui déçoit sur ce plan, et ce malgré ses origines québécoises. Sa technique solide sur toute la tessiture est un atout heureusement plus décisif, entre qualités de projection et rondeur du timbre. On aime aussi sa capacité à faire vivre son rôle d’une sensibilité frémissante, à l’instar d’un Kartal Karagedik touchant de bout en bout, notamment dans ses piani finement ciselés. Déjà applaudi ici-même dans Don Carlos en 2019, le baryton turc maîtrise admirablement la métronomie exigeante de l’articulation, propre à ce répertoire. Mais que dire des qualités superlatives de Reinoud Van Mechelen en ce domaine ? On reste toujours aussi admiratif de la clarté d’émission et de la force d’évidence qui émane de ses phrasés aériens, révélateurs de sa familiarité avec le baroque. Ne l’a-t-on pas entendu en début d’année dans l’autre Iphigénie en Tauride (1704), plus méconnue, de Desmarest et Campra ? Pour un peu, nous aurons peut-être un jour la chance d’apprécier son art dans l’Iphigénie (1781) quasi contemporaine de Piccinni, le grand rival de Gluck.

Quoi qu’il en soit, le chanteur flamand n’est pas le seul à se distinguer : ainsi de Wolfgang Stefan Schwaiger, superbe d’autorité en Thoas, de même que les Chœurs de l’Opera Ballet Vlaanderen. Leur cohésion et leur raffinement ne sont pas pour rien dans l’accueil chaleureux réservé par le public à l’ensemble des artistes, en fin de représentation. On aime aussi la direction engagée de Benjamin Bayl, qui privilégie des attaques franches et directes, très impressionnantes lors des parties orageuses, surtout audibles aux deux premiers actes.

 

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CRITIQUE, opéra. ANVERS, Opera Ballet Vlaanderen, le 25 octobre 2024. GLUCK : Iphigénie en Tauride. M. Losier, K. Karagedik, R. Van Mechelen… Rafael R. Villalobos / Benjamin Bayl.

 

VIDEO : Trailer de « Iphigénie en Tauride » de Gluck selon Rafael R. Villalobos à Anvers

 

CRITIQUE, opéra. LIEGE, Opéra royal de Wallonie, le 24 octobre 2024. JANACEK : Katia Kabanova. A. Hovhannisyan, A. Rositskiy, N. Surguladze, M. Vigilius, D. Cheblykov… Aurore Fattier / Michael Güttler.

Après une absence de 24 ans sur la scène liégeoise, Katia Kabanova de Leos Janacek fait son retour dans une nouvelle mise en scène confiée à la Française Aurore Fattier : une réussite quasi-parfaite, à saluer d’une pierre blanche, autour d’un plateau vocal de haut niveau.

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Katia Kabanova à l’Opéra de Liège / Toutes les photos © Jonathan Berger

 

Artiste associée au Théâtre de Liège, Aurore Fattier fait ses débuts dans le monde de l’opéra avec l’un des chefs-d’œuvre les plus parfaits de Janacek, que l’on ne se lasse pas d’entendre et réentendre. Adapté de la pièce éponyme d’Ostrovski, ce drame brûlant annonce Tchekhov par sa capacité à saisir les tourments, souvent ambivalents, d’individus pris au piège de destins tout tracés, comme du conformisme social. Janacek choisit de centrer l’action sur les états d’âme de Katia, une femme mariée tourmentée par son désir adultérin, en contradiction avec ses convictions morales et religieuses. L’incapacité de l’héroïne à sortir des schémas sociaux pré-conçus la conduit à la folie, là où son pendant plus « moderne », Varvara, choisit de s’affranchir de toute contrainte sociale en faisant le choix de la liberté, fût-ce au prix de la perte définitive de sa proche famille. Les résonances de ce double apprentissage initiatique restent indissociables du parcours biographique de Janacek, qui aima en vainc une femme mariée, de 38 ans sa cadette. On comprend dès lors combien le récit tragique des amours contrariées de Katia dut profondément émouvoir Janacek, qui se lança à corps perdu dans la composition d’une musique d’une intensité rythmique éruptive et d’une grande force émotionnelle. Il faut ainsi concevoir l’orchestre comme un personnage à part entière du récit, qui accompagne les personnages d’une palette de couleurs mouvantes, à même de décrire chacun des caractères, bien au-delà du texte lui-même.

A cet égard, une des grandes réussites de la soirée liégeoise vient précisément de la direction flamboyante du chef Michael Güttler, qui n’a pas son pareil pour embrasser le drame de ses attaques franches et de ses tempi endiablés. Le maestro allemand sait aussi s’apaiser dans les parties plus lyriques ou émouvantes, afin de bien contraster les enjeux. On regrette toutefois qu’une sonorisation un rien excessive ne vienne trop favoriser l’orchestre par rapport aux chanteurs. Fort heureusement, le plateau vocal réuni est l’un des plus enthousiasmants du moment, malgré quelques réserves sur le rôle-titre. On aurait certes aimé un aigu moins criard dans les forte d’Anush Hovhannisyan (Katia Kabanova), de même qu’une épaisseur de timbre plus prononcée. Pour autant, la soprano arménienne s’empare de son rôle en une interprétation touchante de bout en bout, très réussie dans les scènes de fragilité. Déjà entendu ici-même en début d’année dans Rusalka de Dvorak, Anton Rositskiy (Boris Grigorjevic) fait de nouveau forte impression, à la fois par sa présence scénique et sa solidité de ligne, sur toute la tessiture. La Kabanikha haute en couleurs de Nino Surguladze s’impose tout autant, même si elle ne fait pas dans la demi-mesure. Avec son tempérament volcanique et ses graves mordants, son personnage apparaît ainsi plus manichéen qu’à l’habitude, en forçant le côté sombre de la belle-mère. Tous les seconds rôles se montrent à un niveau superlatif, de la sonore Jana Kurucova (Varvara) au ténébreux Dmitry Cheblykov (Dikoj). Enfin, dans son rôle complexe de pleutre soumis à sa mère mais sincèrement amoureux de sa femme, Magnus Vigilius (Tikhon) se distingue par son éloquence sans ostentation.

Un autre motif de satisfaction revient à la mise en scène réussie d’Aurore Fattier, qui plonge les interprètes dans une pénombre mystérieuse pendant la quasi-totalité du spectacle, en revisitant son décor unique par une variété d’atmosphères et d’éclairages proprement envoûtante. On aime aussi l’utilisation de la vidéo pour montrer les visages en gros plans et aider d’emblée à définir les caractères des personnages, par quelques mimiques ou détails d’accoutrement. A plusieurs moments-clés du récit, la vidéo sait aussi insister sur les éléments décisifs, tels que la clé qui ouvre la porte des désirs refoulés ou le panneau d’interdiction de baignade, dont l’ironie annonce cruellement le drame à venir. C’est plus particulièrement le destin tragique de l’héroïne qui intéresse Aurore Fattier, qui ajoute plusieurs figurants sur le plateau, des enfants au double adolescent de Kat’a : de quoi figurer l’innocence encore préservée des choix, parfois cornéliens, induits par la ronde ensorcelante du désir amoureux.

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. LIEGE, Opéra royal de Wallonie, le 24 octobre 2024. JANACEK : Kat’a Kabanova. A. Hovhannisyan, A. Rositskiy, N. Surguladze, M. Vigilius, D. Cheblykov… Aurore Fattier / Michael Güttler. Photos © Jonathan Berger

 

VIDÉO : TEASER de « Katia Kabanova » selon Aurore Fattier à l’Opéra Royal de Wallonie

 

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BORDEAUX. L’Esprit du piano, festival du 18 au 28 novembre 2024 : Chopin. Yulianna Avdeeva, Kenny Barron, Francesco Tristano, Ivo Pogorelich, Arcadi Volodos…

La 15ème édition du Festival « L’esprit du piano », co-réalisé avec l’Opéra National de Bordeaux met l’accent sur l’étonnante et stimulante diversité des sensibilités pianistiques ; autant de virtuoses voire de poètes du clavier qui quelque soit les générations, enrichissent cette automne encore, la foisonnante programmation artistique, …

 

Laquelle est d’autant plus inspirée / inspirante probablement que le fil conducteur de cette édition en est … Frédéric Chopin : « un compositeur-pianiste qui a su devenir éternel en plaçant son haut niveau d’inspiration sur un plan européen. Polonais d’origine, français d’adoption, fasciné par le belcanto italien : il a su faire la synthèse d’une Europe romantique qui saura servir de modèle pour l’avenir » précise Emmanuel Hondré, Directeur de l’Opéra National de Bordeaux. Voilà qui est dit et promet plusieurs récitals et concerts des plus enivrants… Le spectre est large ; le plateau artistique témoigne comme on a dit d’univers et d’imaginaires les plus variés : ainsi, Kenny Barron et Francesco Tristano (le 23 nov / « Bach & Beyond ») amplifient le souffle du classique vers le minimalisme et le jazz. Ivo Pogorelich, de retour sur scène, affirme un tempérament d’acier, d’une inaltérable éloquence, en particulier au service de … Chopin justement, comme en témoigne son récent album (concert du 20 nov, Mazurkas, Sonate pour piano n°2.)…

Autres interprètes chopiniens à suivre absolument durant cette 15è édition : Yulianna Avdeeva (18 nov / Mazurkas, Barcarolle, Andante spianato et Grande Polonaise brillante, …), Salome Jordania (21 nov / Variations brillantes, Nocturnes…), Lukas Geniusas (22 nov / 12 Études opus 10, et opus 25)… A noter aussi, la présence de Can Cakmur (25 nov / Schumann, Schubert, Chopin…), celle d’Arcadi Volodos (26 nov / Schubert, Schumann, Liszt…) ; enfin ne manquez pas l’univers poétique, souvent planant, hors temps, du pianiste et compositeur Thomas Valverde (le 28 nov / programme « Polka »).

Et comme une fête populaire, elle aussi ouverte et généreuse, le festival varier les écrins (Auditorium de Bordeaux, Théâtre La Pergola, Théâtre Femina…) ; il sait s’exporter hors de Bordeaux, dans de nouveaux lieux, entre autres, sur le campus universitaire, au Rocher de Palmer à Cenon…

 

TOUTES les infos, les programmes, les artistes invités, la billetterie en ligne … directement sur le site du Festival L’ESPRIT DU PIANO 2024 :
https://www.espritdupiano.fr/

 

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STREAMING opéra, ce soir 25 oct (et jusqu’au 25 avr 2025). PUCCINI : La Bohème (Opéra Orchestre National Montpellier Occitanie). Orpha Phelan / Roderick Cox

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Ce soir, OperaVision diffuse La Bohème de Puccini – titre opportun pour célébrer le centenaire de la disparition du compositeur italien, décédé en 1924. Pour fêter aussi la Journée mondiale de l’Opéra – et son thème cette année « Benvenuti all’Opera » -, le choix d’OperaVision s’est porté sur cette production filmée en juin 2024 à l’Opéra Orchestre National Montpellier Occitanie, qui donne vie à une mosaïque de personnages plus vrais que nature demeurant, quelque 120 ans plus tard, proches de nos cœurs…

 

Le poète Rodolfo, épris de la jeune et fragile couturière Mimi… Sous les combles parisiens, au Quartier Latin, les artistes survivent, célébrant leur propre jeunesse en dépit des souffrances, privations, misère… dont malheureusement Mimi sera une victime inéluctable. Dans La Bohème, Puccini signe plusieurs duos d’amour parmi les plus bouleversants de son catalogue ; il brosse également une peinture vivante du Paris post romantique, celui du fameux Café Momus, cadre et décor de l’acte II, où l’on retrouve le couple amoureux Rodolfo et Mimi, ainsi que leurs amis, le peintre Marcello et sa maîtresse Musetta dont la relation bruyante et chaotique mais sincère contraste par sa légèreté aux amours tendres et tragiques de Mimi et Rodolfo… Mise en scène : Orpha Phelan / Direction musicale : Roderick Cox.

 

STREAMING opéra, ce soir jusqu’au 2025. PUCCINI : La Bohème (Opéra de Montpellier). Ven 25 oct 2024, 19h :
https://operavision.eu/fr/performance/la-boheme-2?utm_source=OperaVision&utm_campaign=bb8caf5d05-vestale_2024_fr_COPY_01&utm_medium=email&utm_term=0_be53dc455e-bb8caf5d05-100559298s

Enregistré et filmé le 26 mai 2024 à l’Opéra de Montpellier
Diffusion le 25 octobre 2024, 19h
En REPLAY, jusqu’au 25 avril 2025

 

 

 

distribution

Mimi, Adriana Ferfecka
Musetta, Julia Muzychenko
Rodolfo, Long Long
Marcello, Mikolaj Trabka…

 

 

CRITIQUE, concert lyrique. NICE, Foyer de l’Opéra, le 23 octobre 2024. Airs et Duos d’opéras. Héloïse Poulet (soprano), Juliette Mey (mezzo), Rodolphe Lospied (piano)

Parmi les nombreuses initiatives et innovations mises en place par Bertrand Rossi, depuis son arrivée à la tête de l’Opéra de Nice, il y a ces concerts “After Work”, débutant à 19h et d’une durée d’une heure, qui permettent aux mélomanes d’aller dîner en ville ensuite (ou tout simplement chez eux, à un horaire “raisonnable”). Celui du 23 octobre permettait d’entendre – en partenariat avec Génération Opéra (dont elles sont issues…) – deux de nos meilleurs espoirs lyriques féminins : la soprano Héloïse Poulet et la mezzo Juliette Mey – cette dernière ayant justement été Lauréate dans la catégorie “Révélation lyrique de l’année” aux dernières « Victoire de la Musique Classique ».

 

Crédit photographique © Emmanuel Andrieu

 

Après une présentation très circonstanciée et enthousiaste du maître des lieux des deux jeunes artistes et du projet “Génération Opéra”, dans le charmant cadre du Foyer de l’Opéra de Nice où se déroule la soirée, les deux chanteuses apparaissent aux côtés de leur accompagnateur du soir, le jeune pianiste Rodolphe Lospied. C’est la soprano qui débute le bal avec le célèbre “Air de la folie” tirée de Platée de Rameau, dont elle en livre une exécution étincelante, avec un médium charnu et un aigu scintillant. Sa consoeur se lance elle, dans le non moins fameux air de Rosine “Una voce poco fa” (Il Barbiere di Siviglia), qu’elle délivre avec une technique vocale déjà consommée, et une virtuosité sans faille, livrant de splendides variations de sa belle voix de velours. C’est en duo qu’on l’est retrouve ensuite, pour deux airs du divin Mozart : “Sull’aria” extrait des Noces de Figaro et “Ah perdona al primo affetto” tiré de La Clémence de Titus. C’est merveilleux d’entendre à quel point les deux voix se marient à la perfection (elles ont eu l’occasion de rôder leur “duo” dans d’autres salles…), les actrices n’étant pas en reste pour minauder dans le premier air, et nous émouvoir dans le second.

Pour permettre aux chanteuses de reposer un peu leur voix, leur attentif accompagnateur prend le relais en exécutant une très tendre version de « Rêverie” de Robert Schumann (souvent donné en bis des récitals pianistiques), ce qui permet de goûter au toucher délicat du jeune pianiste Rodolphe Lospied, en dehors des cadences souvent infernales des transcriptions pour piano des airs d’opéras qui auront précédé. Un peu plus tard, il charmera encore avec une “Improvisation n°15” de Francis Poulenc, dans la sombre tonalité d’ut mineur, mettant en valeur la mélodie très expressive de cet « Hommage à Edith Piaf ».

Requinquées, nos deux chanteuses entonnent un duo extrait de “La Fille de Madame Angot” que la maison azuréenne vient justement de mettre à son affiche (alors que Edgar de Giacomo Puccini est en préparation, “l’événement lyrique de la saison de l’Opéra de Nice” assure Bertrand Rossi, et nous lui emboîterions bien le pas pour en parler comme d’un événement national, voire international, tant l’ouvrage puccinien n’est quasi jamais donné, même en Italie !…). Elles s’y montrent mutines à souhait, et voilà également une œuvre qui mériterait d’être plus souvent jouée. Après d’autres airs soli (comme l’air de Lazuli (L’Etoile) pour la mezzo, ou celui de Leïla (Les Pêcheurs de perles) pour la seconde), on les retrouve – pour conclure la soirée – dans un nouveau duo, celui dit “des Fleurs” extrait de Lakmé (“Sous le dôme épais”), dans lequel les voix se marient à nouveau à la perfection pour offrir aux nombreux spectateurs entassés dans l’espace réduit du Foyer de l’opéra, un moment de pure émotion, couronné par de longues et bruyantes ovations. Deux talents (et même 3) à suivre !…

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CRITIQUE, concert lyrique. NICE, Foyer de l’Opéra, le 23 octobre 2024. Airs et Duos d’opéras. Héloïse Poulet (soprano), Juliette Mey (mezzo), Rodolphe Lospied (piano). Photos (c) Emmanuel Andrieu.

 

VIDEO : Juliette Mey chante l’aria « Tanti affetti » dans La Donna del Lago de Rossini

 

CHÂTEAU DE VERSAILLES, 16 nov 2024. MOZART : Le Devoir du premier commandement (1767). Il Caravaggio / Camille Delaforge

Il Caravaggio réalise l’opéra d’un Mozart de 11 ans, Le Devoir du premier commandement, son premier ouvrage lyrique, et celui ci, sacré. Le goût est encore celui de la Cour de Salzbourg, dirigée par Colloredo. Camille Delaforge, claveciniste et fondatrice de son ensemble Il Caravaggio, sur instruments d’époque, poursuit son travail au service des œuvres lyriques baroques et classiques.

Simultanément à un récent Pygmalion de Rameau (présenté entre autres au festival baroque de Pontoise, ce 19 oct), la cheffe et son éloquente troupe, déjà remarquée par plusieurs cd convaincants distingués par CLASSIQUENEWS, – dont les programmes  » Héroïnes  » et aussi  » les Génies  » de Mademoiselle Duval, recréés et enregistrés à Versailles en 2023- présente en 2024, également au Festival baroque de Pontoise, et à Versailles, Le Devoir du Premier Commandement, premier opéra d’un Mozart de onze ans.  Adolescent surdoué, Mozart compose l’acte qui lui revient, au sein d’une commande du Prince Archevêque de Salzbourg (Colloredo) qui comprenait 3 actes, – les 2 autres, réalisés aux côtés du prodige, par Michael Haydn et Anton Cajetan Adlgasser… (aujourd’hui perdus).
Le sujet met en musique dans le respect du texte, les allégories du christianisme : il aborde aussi les thèmes de la justice divine et de la rédemption, thème essentielle de la croyance chrétienne. Wolfgang en réalise la musique en 1767, avec son père Léopold : déjà l’adolescent outrepasse une simple œuvre de commande (commande du Prince-Archevêque pour Pâques 1767) ; il maîtrise l’écriture orchestrale et vocale, assurant ainsi le passage du baroque au premier classicisme.
L’acuité et la profondeur psychologiques des personnages allégoriques, la finesse du regard mozartien sur l’intensité des passions voire des sentiments préfigurent le Mozart, mûr, accompli des opéras majeurs : Les Noces de Figaro, Don Giovanni, Cosi fan tutti… « Die Schuldigkeit des ersten Gebotes » réunit une distribution de premier plan : Gwendoline Blondeel,  Julien Behr, Mathilde Ortscheidt, Jordan Mouaïssia. Le disque de l’opéra est annoncé sous le label CVS Château de Versailles Spectacles en mai 2024. Il permet d’approfondir encore notre connaissance du premier Mozart, garçonnet saisissant par sa clairvoyance sur la psyché humaine comme source d’inspiration musicale et lyrique.

 

 

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VERSAILLES, Chapelle Royale
Samedi 16 nov 2024, 19h
MOZART : Le Devoir du premier commandement
« Die Schuldigkeit des ersten Gebotes » (Pâques 1767)

 

 

INFOS et RÉSERVATIONS directement sur le site de l’Opéra royal de Versailles / Château de Versailles Spectacles : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/mozart-le-devoir-du-premier-commandement/

 

Durée : 1h30 sans entracte
W.A. Mozart / K. 35 / Créé en 1767, Salzbourg – Geistisches Singspiel – Librettiste, Ignatz Anton von Weiser

 

Gwendoline Blondeel : L’esprit de la Justice, L’esprit du monde
Mathilde Ortscheidt : La Miséricorde
Julien Behr : L’Esprit du christianisme
Jordan Mouaïssia : Le Chrétien
Ensemble Il Caravaggio
Camille Delaforge, direction

 

 

Extrême onction, les 7 sacrements de Nicolas Poussin (DR)

 

 

approfondir

vidéos Die Schuldigkeit des ersten Gebotes / Le devoir du premier commandement, sur le site Il Caravaggio :
https://www.ensembleilcaravaggio.com/mozart-die-schuldigkeit

 

 

CRITIQUE CD événement. Mademoiselle DUVAL : Les Génies ou les Caractères de l’Amour. Il Caravaggio / Camille Delaforge (2 CD Château de Versailles Spectacles – mars 2023).

 

 

CRITIQUE CD événement. Héroïnes : Ensemble Il Caravaggio / Camille Delaforge – 1 CD Château de Versailles Spectacles

 

ORCHESTRE NATIONAL AVIGNON PROVENCE (ONAP). Jeu 7 nov 2024 : Noëmi WAYSFELD chante BARBARA à la Scala Provence (Avignon). ONAP / Débora Waldman (direction).

Voix chaude, grain rauque, musicalité sensuelle et inflexions troublantes… le chant de Noëmi Waysfeld emprunte des chemins de traverse au carrefour des genres : musique classique, jazz, chanson, musiques traditionnelles… De mélodies oniriques en textes filigranés, la chanteuse enivre nos sens, envisage des mondes parallèles entre songe, drame, invocation.

 

 

« Dis quand reviendras-tu?, La dame brune, Ma plus belle histoire d’amour, Göttingen »… Avec la complicité de l’Orchestre National Avignon Provence, Noëmi Waysfeld sillonne et explore l’imaginaire de Barbara, dans un cycle de chansons soigneusement choisies et toutes réorchestrées par Fabien Cali. Depuis longtemps inspirée par Barbara, son chant envoûtant, énigmatique, sa « brisure » répératrice, sa poésie secrète, intime, souvent bouleversante, Noëmi Waysfeld revisite les champs oniriques de son modèle, elle interprète entre autres, enveloppée et portée par la parure de l’orchestre avignonais dans un récital très attendu, « La dame brune », avec Maxime Le Forestier pour le plus grand bonheur du public. Simultanément au concert, Noëmi Waysfeld faire paraître l’album de ce programme chez Sony classical (parution annoncée le 8 nov) – Il a été enregistré à La Scala Provence en novembre 2023. L’Orchestre National Avignon Provence réalise ainsi une nouvelle ligne artistique, au croisement des styles, à la faveur de nouvelles collaborations artistiques.

 

« Tout ce que contient la vie,
sans le dire trop fort, ni trop violemment… »

« Je l’ai toujours écoutée. Le vinyle “Barbara chante Barbara” tournait en boucle à la maison, parmi les Sonatinas de Schubert et les chants de prisonniers sibériens », évoque Noëmi Waysfeld. « Je savais qu’un jour ce serait un disque entier – je ne savais pas que ce serait dans la foulée de mon dernier album « Le temps de rêver », et cela aujourd’hui me semble si cohérent : le français, ma langue maternelle qui prend définitivement sa place dans mon espace vocal, et après avoir chanté la mélodie française et la grande chanson du début du siècle, c’était le moment de Barbara » poursuit la chanteuse. « Sa brisure me parle, me console, recoud mes plaies, celle de l’absence géante de celle qui m’a quittée trop vite, ma soeur. Barbara sait dire cela. Elle sait chanter tout ce que contient la vie, sans le dire trop fort, ni trop violemment, et jamais le soupçon de l’espoir ne disparaît complètement. Mais à quoi ça tient, cette émotion intacte à chaque écoute, la justesse de ses mots, elle nous pique à vif, à coeur, Barbara »…

 

 

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La Scala Provence | AVIGNON
Jeudi 7 novembre 2024, 20h
INFOS & RÉSERVATIONS sur le site de l’Orchestre National Avignon Provence :https://www.orchestre-avignon.com/concerts/noemi-waysfeld-chante-barbara/?gad_source=1&gclid=EAIaIQobChMI8LHHg6CpiQMVavF5BB2BViOUEAAYASAAEgKdUfD_BwE

Chant, Noëmi Waysfeld
Arrangements, Fabien Cali
Avec la participation exceptionnelle de Maxime Leforestier

Orchestre national Avignon-Provence
Débora Waldman, direction musicale

 

 

Tarifs : de 10 à 30 euros / Réservations à LA SCALA PROVENCE,
sur place au 3 rue Pourquery de Boisserin,
du mardi au vendredi de 14h à 17h
et 1h avant chaque représentation.
https://lascala-provence.fr/programmation/noemi-waysfeld-chante-barbara/

Réservations par téléphone
du mardi au vendredi de 14h à 17h,
au 04 65 00 00 90

 

 

VIDÉOS

Noëmi Waysfeld et l’Orchestre National Avignon Provence
Sessions d’enregistrement pour le cd à paraître chez Sony classical

 

 

 

Noëmi Waysfeld : Septembre de Barbara ((Noëmi Waysfeld/Juliette Salmona et Louis Rodde)

 

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CRITIQUE, opéra (chinois). BORDEAUX, Grand-Théâtre, le 17 octobre 2024. T. XIANZU : Le Pavillon aux Pivoines. Luo Chenxue, Hu Weilu, Zhou Yimin, Tan Xiao… Shanghai Kunqu Opera Troupe / Nin Guangjin (mise en scène).

 

Oublier ce que l’on connaît. Accepter un autre univers. Entendre. Voir. Découvrir. Venu du 17ème siècle, ce Pavillon aux pivoines de Tang Xianzu n’est en rien l’opéra « exotique » que nos oreilles occidentales imaginent. Pas de Pays du sourire ni de Turandot ici. Nous voici face à une tradition finalement peu connue en Europe, bien que vieille de plusieurs siècles. Ainsi, les origines de l »opéra kunqu« , genre auquel appartient Le pavillon aux pivoines (1598), sont situées au milieu du 16 e siècle, dans la ville de Kunshan. Il se développe durant la Dynastie Ming, répondant aux aspirations de l’élite d’alors, avant d’inspirer l’opéra de Pékin, autre genre, d’une certaine manière plus populaire. 

 

Crédit photographique © Pierre Planchenault

 

Le « kunqu » se caractérise par une mélodie spécifique (kunqiang), une structure dynamique, son inspiration littéraire et son goût pour les intrigues fleuves : certaines œuvres comprennent quarante à cinquante actes ! De fait, pour ses représentations en France, Le Pavillon aux pivoines est donné dans une version abrégée, en six tableaux. L’on y suit les amours hésitantes de Du Liniang et de Liu Mengmei. Recluse, Du Liniang rencontre son amant dans un rêve puis, revenue au monde réel, finit par mourir de chagrin. La voici aux Enfers : le juge Hu lui rend la vie, comprenant que son destin est lié à celui du jeune Liu Mengmei. Ce dernier est entre temps tombé amoureux d’un portait de jeune femme, qu’il finit par rencontrer en la personne de Du Liniang. 

Ces marivaudages « orphiques », que l’on nous pardonne ce double anachronisme, sont prétexte à de douces rêveries, épanchements du cœur mais aussi contemplation admirative de la nature au printemps ou vision nocturnes fantomatiques. Mise en scène contemplative, costumes soyeux, masques grimaçants… : c’est toute une tradition qui se révèle et dont on discerne progressivement les codes et conventions. Les chanteurs minaudent, se déplacent en ondulant, esquissent des pas de danse, agitent des éventails ou se mirent dans une glace.

Certains tableaux, tel celui « des Enfers, » s’enrichissent d’acrobaties, ce qui ajoute au caractère spectaculaire de cette représentation. La troupe nationale d’opéra traditionnel de la Shanghaï Kunqu Opera Troupe y fait forte impression. Le chant, longues et lancinantes mélodies, courant dans les aigus avec force ornementations, peut avoir quelque chose de lancinant pour une oreille qui le découvre, mais les prestations et l’engagement des solistes balayent vite cette réserve : le charme opère et la beauté de l’œuvre s’impose.

Assuré par une quinzaine de solistes, l’accompagnement musical se caractérise d’abord par ses sonorités typiquement chinoises, qui créent une atmosphère envoûtante, parfois joyeuse, souvent mélancolique voire lancinante. Ou alors tonitruante, par la force des cymbales. Pour la plupart absents voire inconnus des orchestres occidentaux, les instruments utilisés, du guzheng au gong en passant par l’erhu, ajoutent à cette étrangeté.

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CRITIQUE, opéra (chinois). BORDEAUX, Grand-Théâtre, le 17 octobre 2024. T. Xianzu : Le Pavillon aux Pivoines. L. Chenxue, H. Weilu, Z. Yimin, T. Xiao… Shanghai Kunqu Opera Troupe / Nin Guangjin (mise en scène). Photos © Pierre Planchenault

 

VIDEO : Teaser du « Pavillon aux Pivoines » de Tan Xianzu au Grand-Théâtre de Bordeaux

 

LES SIECLES. PARIS, TCE, ven 8 nov 2024. RAVEL : Daphnis & Chloé, ballet intégral. SAINT-SAËNS : Danse macabre op. 40, Concerto pour violoncelle n° 1 (soliste et direction : Sol Gabetta)

Les Siècles poursuivent leur résidence au TCE, confirmant de réelles affinités avec Saint-Saëns et Ravel, avec l’éclat, la sensibilité (et la connaissance) de la violoncelliste Sol Gabetta (ce soir soliste attendue, appréciée et aussi directrice musicale !), … Après un enregistrement mémorable, Les Siècles reprennent ainsi la partition du ballet de Daphnis et Chloé, ce soir dans la version intégrale et évidemment sur instruments d’époque… Maurice Ravel compose pour Serge Diaghilev et sa compagnie des Ballets russes, l’œuvre, la plus longue de son catalogue, et la plus aboutie sur le plan poétique et orchestral. Les couleurs et l’imaginaire que développe le compositeur, égalent la puissance de l’intrigue héritée de la mythologie… l’itinéraire fragile des deux bergers Daphnis amoureux de Chloé… L’ouvrage offre même l’une des partitions les plus expressive et évocatrice, visiblement inspirée par les enjeux propres à un ballet. L’ivresse et la puissance des paysages climatiques (le lever du soleil est l’une des pages symphoniques françaises les plus subtiles jamais écrites, véritable miracle d’orchestration française), le mystère de la Nature, l’ombre de Pan, le couple amoureux… autant d’éléments qui nourrissent le rêve de Ravel bercé par le fantasme d’une Antiquité autant voluptueuse que délicieusement primitive. En somme, l’équivalent de Debussy et de son ineffable et irrésistible Après midi l’un Faune…

Saint-Saëns ouvre le programme : sa célèbre Danse macabre, l’un de ses quatre poèmes symphoniques, suivi par son premier Concerto pour violoncelle, joué / dirigé par l’incandescente violoncelliste Sol Gabetta qui connaît bien la partition pour l’avoir enregistrée à l’amorce de son parcours discographique et qui l’a abordé à nouveau tout récemment (avec Les Siècles).

Trentenaire, la cheffe Ustina Dubitsky fut membre du chœur d’enfants de l’Opéra de Munich, s’engagea dans l’apprentissage du violon avant de convaincre dans la direction d’orchestre. En témoigne son succès au concours « La Maestra » ; en 2022, elle rejoint Les Siècles en étant l’assistante de François-Xavier Roth sur la production de Lohengrin à Munich puis celle de La Flûte enchantée ici-même.

 

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Vend 8 nov 2024, 20h
PARIS, TCE Théâtre des Champs Elysées

Les Siècles  / Ustina Dubitsky, direction / 
Sol Gabetta, violoncelle et direction
INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site du TCE, Paris : https://www.theatrechampselysees.fr/saison-2024-2025/les-siecles/les-siecles-gabetta

 

programme

Saint-Saëns : Danse macabre op. 40, Concerto pour violoncelle n° 1
Ravel : Daphnis & Chloé, ballet intégral

 

 

 

 

 

entretien

ENTRETIEN avec la maestria USTINA DUBITSKY qui dirige à partir du 8 nov, l’Orchestre Les Siècles.

La cheffe invitée par Les Siècles, USTINA DUBITSKY, explique et commente son travail avec les instrumentistes de l’Orchestre français sur instruments anciens. Répétitions puis concert… quels sont les enjeux de chaque étape avant le dévoilement orchestral aux spectateurs ? Présentation du programme où brille l’orchestration de Ravel, à travers entre autres, le ballet intégral Daphnis et Chloé…
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CLASSIQUENEWS : Selon quelles sont les qualités principales de l’Orchestre Les Siècles ? Qu’apportent les instruments d’époque ?

USTINA DUBITSKY : J’aime beaucoup travailler avec Les Siècles pour plusieurs raisons. Ce sont des musicien.nes très attentif.ve.s, très à l’écoute, très intéressé.es à toute la complexité musicale et historique. Jouer le répertoire sur des instruments d’époque est très intéressant. Déjà, beaucoup de « problèmes » de la partition n’existent (presque) plus, par exemple des problèmes d’équilibre. Par ailleurs, les vents et cordes en boyaux sont tellement plus riches dans leur couleurs de son ; grâce à eux, la musique brille d’une autre façon que dans les orchestres avec instruments modernes. Aussi, je trouve très intéressant d’entendre la version sonore que les compositeurs ont pu écouter après avoir écrit leurs œuvres.

 

CLASSIQUENEWS : Sur quels points particuliers travaillez-vous en répétition, puis au moment du concert ?

USTINA DUBITSKY : Dans les répétitions c’est très important de travailler sur tous les détails de l’œuvre, de régler des passages compliqués, de donner une sécurité avec les pièces jouées pour qu’on se sente à l’aise. Au moment du concert, c’est la musique, l’atmosphère de la pièce,  l’histoire qu’on a envie de raconter, qui comptent.

 

CLASSIQUENEWS : Pouvez-vous nous présenter le concert du 8 nov ? Quels en sont les défis ?

USTINA DUBITSKY : Le programme du concert le 8 novembre contient la Danse Macabre et le 1er concerto pour violoncelle de Camille Saint-Saëns, et dans sa deuxième partie, le ballet intégrale Daphnis et Chloé de Maurice Ravel. L’orchestre a beaucoup joué et enregistré ces œuvres ; il les connaît très bien. Pour moi la difficulté était de diriger le ballet Daphnis et Chloé dans intégralité, – une pièce très longue (50 min), sans mouvements séparés, qui contient une multitude de courtes séquences, de thèmes et de danses différentes. Comme on le joue sans les danseurs sur scène qui racontent la belle histoire d’amour de Daphnis et Chloé, c’est à nous musiciens, d’investir la musique seule, si vivante, pour que le public puisse profiter amplement de la partition, « juste » avec ses oreilles. Daphnis est difficile à diriger car il y a plein de pièges à chaque mesure, donc on ne peut presque jamais se laisser porter par la musique. Cela exige une concentration totale, de la première jusqu’à la dernière note. Mais j’aime beaucoup les challenges, et c’est un tel plaisir de pouvoir faire ce programme avec cet orchestre, en plus en tournée !

 

CLASSIQUENEWS : De prochains projets avec Les Siècles? Pour quelles œuvres ?

USTINA DUBITSKY : Une deuxième version de ce projet part en tournée en Suisse dès la semaine prochaine, avec Les Siècles.
Xavier Phillips sera le soliste pour le concerto pour violoncelle n°1 de Saint-Saëns ; la deuxième suite de Daphnis et Chloé se substitue au ballet intégral, mais nous ajoutons le ballet de Ma Mère l’Oye, pour lequel les illustrations en direct de Grégoire Pont prendront vie et illustreront ce superbe conte de Ravel.

 

Propos recueillis en novembre 2024

 

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OPÉRA DE NICE. PUCCINI DAYS : 5, 7, 8 et 9 nov 2024. Avant-première étudiante, rencontre, conférence, chorale géante… autour du centenaire PUCCINI 2024

En écho à la production de l’opéra Edgar de Giacomo Puccini, présenté pour la première fois en France dans son intégralité (et dans sa version française…),les 8, 10 et 12 novembre, l’Opéra de Nice Côte d’Azur organise plusieurs événements annexes, pour un cycle festif intitulé les « Puccini Days » afin de souligner l’événement de cette création et aussi le centenaire de la mort de PUCCINI 2024. Festival d’événements gratuits et inédits pour célébrer le génie lyrique disparu en 1924…

 

 

Avant-première étudiante
5 nov. à 20h

Avant-première gratuite de l’opéra Edgar réservée aux étudiants !
Sur présentation d’un justificatif

 

Face à Face
7 nov. à 18h à l’Artistique

Rencontrez Giuliano Carella (directeur musical) et Nicola Raab (metteur en scène) les artisans de la création française d’EDGAR : débat autour des coulisses de la production « Edgar »…

 

Conférence
8 nov. à 17h
« Puccini autrement » par Gabriella Ravenni, Présidente du Centre d’études de Giacomo Puccini – Accès libre, dans la limite des places disponibles.

 

Chorale géante
9 nov. à 11h
Sous la direction des chefs de chœur de l’Opéra de Nice, unissons nos voix dans une chorale géante, ouverte à tous ! Au sein de la grande salle de l’Opéra, petits et grands pourront apprendre le célèbre « Chœur à bouche fermée » de Madama Butterfly. Accès libre, dans la limite des places disponibles

 

Le « Café Momus »
Pendant ces Puccini Days, le bar de l’Opéra se transforme en célèbre « Café Momus », cadre et décor de l’acte II de La Bohème de Puccini. Venez y déguster boissons et gourmandises.

 

 

TOUTES LES INFOS «  les PUCCINI DAYS », sur le site de l’Opéra de Nice Côte d’Azur, saison 2024 – 2025 : https://www.opera-nice.org/fr/evenement/1263/puccini-days

Opéra Nice Côte d’Azur
4-6 rue Saint François de Paule
06364 Nice CEDEX 4

 

 

RAPPEL : EDGAR de PUCCINI, à l’affiche de l’Opéra de Nice, pour 3 représentations événements, les 8, 10 et 12 novembre 2024. LIRE aussi notre présentation d’EDGAR de Puccini à l’Opéra de Nice : https://www.classiquenews.com/opera-nice-cote-dazur-puccini-edgar-creation-francaise-de-la-version-originale-en-4-actes-1888-stefano-la-colla-ekaterina-bakanova-valentina-boi-dalibor-jenis-nicola-raab/

 

 

OPÉRA NICE CÔTE D’AZUR. PUCCINI : EDGAR, 8, 10, 12 nov 2024, création française de la version originale en 4 actes (1888). Stefano La Colla, Ekaterina Bakanova, Valentina Boi, Dalibor Jenis… Nicola Raab / Giuliano Carella.

 

 

CRITIQUE, opéra. MILAN, Teatro alla Scala, le 19 octobre 2024. STRAUSS : Le Chevalier à la rose. K. Stoyanova, G. Groissböck, S. Devieilhe, K. Lindsey… Harry Kupfer / Kirill Petrenko.

Dix ans après sa création à Salzbourg, puis Milan en 2016, la production du Chevalier à la rose de Richard Strauss imaginée par Harry Kupfer triomphe au Teatro alla Scala de Milan : un plateau vocal d’un luxe inouï accompagne les débuts très attendus du chef russe Kirill Petrenko, comme un poisson dans l’eau dans ce répertoire. Un succès accueilli par un public évidemment dithyrambique, qui invite à utiliser tous les superlatifs.

 

Crédit photographique © Brescia e Amisano / Teatro alla Scala

 

On a beau avoir parcouru de nombreux théâtres dans le monde entier, pénétrer pour la première fois à la Scala reste un moment inoubliable, comme un pèlerinage enfin accompli. Ce ne sont pas tant les proportions monumentales des six rangées de loge en hauteur qui impressionnent durablement, mais bien l’impression de faire partie d’un chaudron en ébullition, prêt à accueillir les chanteurs d’une bronca sans précédent. Il faut dire que la salle de 2000 places affiche complet pour la reprise attendue du Chevalier à la rose (1911) de Richard Strauss, dans une production intemporelle de Harry Kupfer. Disparu voilà déjà cinq ans, le metteur en scène allemand place d’emblée les interprètes dans un écrin visuel superbe, entre plateau épuré constitué de quelques éléments de décors revisités à vue, le tout admirablement distancié par d’immenses photos en arrière-scène de la Vienne début de siècle, où se situe l’action. Les éclairages très crus baignent le plateau d’une élégance froide qui impose la concentration sur le texte, tandis que la direction d’acteurs impressionne par la finesse de la gestuelle et des regards, adaptée à chaque caractère et toujours en lien avec la moindre inflexion musicale. Le seul motif d’agacement revient au plateau tournant, dont le mécanisme légèrement bruyant et pourtant utilisé avec parcimonie, se fait entendre.

On retrouve les deux interprètes principaux entendus à Salzbourg voilà dix ans, dont l’art interprétatif reste au firmament : ainsi de Krassimira Stoyanova (La Maréchale), dont l’élégance sans ostentation donne une vérité théâtrale touchante à son rôle, ne lassant d’impressionner par ses moyens intacts, entre souplesse d’émission sur toute la tessiture et ligne de chant toujours nuancée. Son monologue crépusculaire qui conclut le I est bien évidemment l’un des moments les plus émouvants de la soirée, qui justifierait à lui seul sa présence à la Scala. Que dire, aussi, de son comparse Günther Groissböck (Ochs), dont Stoyanova accompagne la balourdise de son œil tantôt réprobateur, tantôt attendri ? La basse autrichienne ne force jamais le trait du comique, en lorgnant davantage vers un rustre impétueux et bon enfant. Le timbre a certes perdu de sa splendeur, mais l’interprète reste toujours de grande classe, à l’instar d’une Kate Lindsey magnifique de ferveur en Octavian. La chanteuse américaine est certainement l’une des grandes révélations de la soirée, autant par son engagement que sa fraîcheur vocale. On aime aussi le chant raffiné et aérien de Sabine Devieilhe (Sophie), dont l’aigu divin compense un léger manque de puissance dans le médium. Tous les seconds rôles se montrent à un niveau exceptionnel, à l’instar de l’impayable Michael Kraus (Faninal), en barbon finalement attendri par la sincérité de sa fille. Bastian-Thomas Kohl (le Commissaire de police) complète le tableau par son émission bien projetée, au caractère affirmé.

On ne saurait imaginer une soirée réussie du Chevalier à la rose sans un chef à la hauteur de l’événement, tant l’orchestre de Strauss constitue un personnage à part entière, tout au long de l’ouvrage : c’est peu dire que Kirill Petrenko réussit ses débuts à la Scala, en montrant dès l’ouverture toute son affinité avec ce répertoire qu’il connaît dans chaque recoin, après son mandat de directeur musical à l’Opéra de Munich (2013-2019). On doit à Dominique Meyer, actuel directeur de la Scala, de l’avoir accueilli ici, ce qui n’est pas la moindre de ses réussites. Autant l’allègement de la pâte orchestrale que l’irisation des couleurs sans vibrato, exacerbés par les contrastes de tempi parfois dantesques, font de cette direction une référence de haut vol, que l’on n’est pas près d’oublier.

 

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CRITIQUE, opéra. MILAN, Teatro alla Scala, le 19 octobre 2024. STRAUSS : Le Chevalier à la rose. K. Stoynavo, G. Groissböck, S. Devieilhe, K. Lindsey… Harry Kupfer / Kirill Petrenko. Photos © Brescia e Amisano / Teatro alla Scala.

 

VIDEO : Trailer de « Der Rosenkavalier » selon Harry Kupfer au Teatro alla Scala de Milan

 

(ALLEMAGNE) THEATER RUDOLSTADT. Benjamin PRINS met en scène Roméo et Juliette de Gounod (les 2, 10 et 12 nov 2024).

L’opéra romantique français reste très apprécié du public et des théâtres allemands. C’est probablement parce que le chef-d’œuvre de Charles Gounod (avec Faust), Roméo et Juliette, applaudi dès sa création en 1867, ne se réduit pas à quelques beaux duos suaves et inspirés : le traitement que réserve Gounod au mythe de Roméo et de Juliette affiche un tempérament original (harmoniquement), une construction dramatique progressive qui suit essentiellement le souffle tragique de l’action, avec issue implacable, la mort des deux jeunes amants.

Que donnera cette nouvelle production du Roméo et Juliette de Gounod, partition romantique et tragique par excellence ? Le Théâtre de Rudolstadt (en Thuringe) propose la version de 1876 dans la mise en scène du metteur en scène français Benjamin PRINS. Le drame de Gounod insiste sur l’antagonisme viscéral entre Capulets et Montaigus. Les haines ancestrales broient comme un machine l’espoir de deux cœurs amoureux… L’action s’ouvre sur le bal chez les Capulets : Juliette y est promise au comte Pâris. L’accent sombre et tragique à l’énoncé des vrais sentiments de Roméo, (Montaigu rival des Capulets), pour la belle Juliette, est adouci par l’humeur légère de Mercutio (double de Roméo), qui évoque avec une facétie géniale la reine Mab… la force de l’opéra revient au choix de Gounod : au moment de l’action, les deux jeunes gens que tout sépare et oppose même, tombent éperdument amoureux l’un de l’autre (scène du jardin des Capulets, II). Pourtant mariés, porteurs d’une chance de réconciliation entre le deux clans, Roméo et Juliette ne peuvent empêcher une série de meurtres: Mercutio est blessé mortellement par Tybalt le Capulet, lequel est tué par Roméo (III). Grâce à Frère Laurent, Juliette qui a bu un puissant narcotique, feint la mort au moment de son mariage avec Pâris: consternation et choc: elle est conduite au tombeau (IV). Le dernier acte met en scène la tragédie inéluctable du mythe légué par Shakespeare: Roméo n’a pas été mis dans la confidence et quand le jeune amant détruit pénètre dans le tombeau de Juliette inanimée, croyant à la mort de son aimée, se donne la mort. Juliette s’éveille et se poignarde pour rejoindre son aimé en un duo funèbre particulièrement poignant.

En 1867, à l’époque où Verdi fait créer son Don Carlos (avec un « s », donc en français), Charles Gounod livre l’un des sommets de sa carrière lyrique, Roméo et Juliette d’après Shakespeare, couronnant un parcours tenace et flamboyant en particulier sur la scène du Théâtre Lyrique. Opéra orchestral autant que vocal, le Roméo de Gounod est d’abord sombre et tragique, revisite l’opéra romantique à sa source berliozienne (le chœur d’introduction qui explique le contexte); l’ivresse et l’extase amoureuse se développent librement surtout dans les 4 duos d’amour entre les deux adolescents, dont la scène de la chambre à coucher où ils se donnent l’un à l’autre, marque le point d’accomplissement… Juliette a très vite la prémonition de sa mort et même Roméo semble ne s’adresser qu’à la faucheuse dans la dernière partie de l’action. Deux âme pures sont vouées à la mort comme si l’issue fatale ne pouvait, ne devait que s’accomplir pour réaliser leur union au-delà de la vie, au-delà des haines fratricides qui enchaînent le destin de leurs familles respectives, Capulet contre Montaigus…
Ici, l’équilibre des rôles aux côtés des deux amants magnifiques ceux de Tybalt et de Mercutio, promet un grand opéra tragique où chacun mesure le meurtre de l’humanité quand l’amour est sacrifié…


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Theater Rudolstadt / Thüringer Symphoniker
Saalfeld-Rudolstadt
Roméo et Juliette de Gounod

Sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré,
Opéra créé à Paris, le 27 avril 1867.

Première le 2 nov 2024, 19h30
10 nov 2024, 15h
12 nov 2024, 15h

Direction musicale : Oliver Weder
Metteur en scène : Benjamin Prins

 

RÉSERVEZ vos places directement sur le site du Theater Rudolstatdt : https://theater-rudolstadt.de/stueck/romeo-et-juliette/

 

 

 

Roméo et Juliette de Gounod par Benjamin Prins © Clemens Heidrich

entretien avec Benjamin PRINS

COURT ENTRETIEN… Nous avons demandé à Benjamin PRINS de nous éclairer sur sa propre vision de l’opéra de Gounod…

 

La force révolutionnaire de l’amour

Ce qui me fascine dans Roméo et Juliette, c’est l’idée que l’amour est une force révolutionnaire. Shakespeare nous montre que l’amour peut bouleverser l’ordre établi, et c’est aussi le cas chez Gounod. L’amour entre Roméo et Juliette n’est pas qu’une romance adolescente, c’est un acte politique. Ils cherchent inconsciemment à mettre fin à cette guerre absurde entre leurs familles.

Autant de portée politique chez Gounod que chez Shakespeare

Gounod n’est pas moins politique que Shakespeare. L’opéra suit la même trame de fond, mais prend plus de temps pour explorer les duos amoureux. La puissance anarchique de l’amour reste centrale. Il est clair, par exemple, que chez Gounod, les Capulets dominent alors que les Montaigus sont opprimés, ce qui reflète une forme de lutte de classes. Ce n’est pas qu’une querelle familiale, c’est une opposition bien plus profonde.

 

« L’amour entre Roméo et Juliette
n’est pas qu’une romance adolescente,
c’est un acte politique »

 

Une transposition dans un cadre contemporain ?

Nous avons voulu ancrer l’histoire dans une époque imaginaire, mais contemporaine, afin de rendre les enjeux plus proches du public actuel. Vérone devient ici une ville en proie à une guerre civile, symbole universel des conflits qui divisent notre monde. Ce choix nous permet de rendre le drame plus accessible, tout en conservant une certaine distance “exotique”.

 

Une approche réaliste et filmique

Avec Bernhard Bruchhard et Alma Terrasse, nous avons cherché à instaurer un réalisme très fort, que ce soit dans le jeu des acteurs ou dans le décor. Le public doit pouvoir comprendre l’histoire même sans le texte. Les transitions entre les scènes, par exemple, sont très fluides, comme dans un film, où chaque ouverture de rideau dévoile un nouveau tableau.

 

 

Le rôle des personnages secondaires comme Mercutio ou Tybalt

Chaque personnage fait face à ses propres tourments. Pour Roméo et Juliette, l’amour est un échappatoire, une façon de survivre. Mercutio, lui, choisit la violence, et Tybalt, la vengeance. Le sacrifice de Mercutio est crucial dans cette histoire : bien qu’il ne soit pas un Montaigu, il meurt par amour pour Roméo, un geste qui montre la singularité de leur amitié.

 

Si Roméo et Juliette avaient survécu, auraient-ils été heureux ?

Comme dans l’histoire d’Admira et Boško, les véritables “Roméo et Juliette de Sarajevo”, je pense que leur seule chance aurait été de fuir. Le monde dans lequel ils vivent ne leur aurait pas permis d’être heureux autrement. La fuite ou la mort sont les seuls chemins qui leur sont ouverts.

 

Propos recueillis en octobre 2024

 

 

 

Romeo und Julia TN LOS Nordhausen

Roméo et Juliette de Gounod par Benjamin Prins © Clemens Heidrich

 

 

ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE. Les 6 et 7 nov 2024 : Jean-Claude CASADESUS dirige BIZET (Symphonie en Ut), et SAINT-SAËNS (Concerto pour piano n°5. Jonathan Fournel, piano

Premier grand concert du fondateur de L’ON LILLE Orchestre National de Lille, JEAN-CLAUDE CASADESUS propose un programme qui souligne son attachement à la musique Romantique française. Concerto virtuose et passionné Saint-Saëns voluptueux et profond, d’autant plus éloquent qu’il était lui-même excellent pianiste… Puis, symphonique bouillonnant porté par une energie juvenile impérieuse, conquérante, irrésistible d’un Bizet qui semble inspiré par l’esprit de Mendelssohn, son feu, sa joie, son bonheur… 

Portait Jean-Claude Casadesus © Ugo Ponte /ON LILLE

 

 

Écrite durant ses études au conservatoire, la Symphonie en Ut de Bizet est une pièce élégante et lumineuse. Ménageant une superbe variété de climats, l’œuvre évoque déjà le goût pour l’exotisme de l’auteur des futurs Pêcheurs de perles et de Carmen.

Ce coup de maître symphonique est précédé par le magistral Concerto n°5, « L’Égyptien » de Camille Saint-Saëns, merveilleuse évocation orientalisabte où charme le chant d’un batelier nubien sur le Nil. Fin, d’une sensibilité arachneenne, le pianiste vainqueur du Concours Reine Elisabeth de Bruxelles 2021, Jonathan Fournel, éclaire chez SAINT-SAËNS l’ivresse émotionnelle et aussi la grâce mozartienne 

 

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LILLE, Auditorium – Nouveau Siècle
Mercredi 6 novembre 2024 – 20h
Jeudi 7 novembre 2024 – 20h

INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site de l’ON LILLE ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE : https://onlille.com/choisir-un-concert/categories/bizet-par-jean-claude-casadesus

Concert « Bizet par Jean-Claude Casadesus »
Saint-Saëns, Concerto pour piano n°5, « L’Égyptien » ;
Bizet, Symphonie en Ut

Tarif : 6€ – 49€
1h25 avec entracte

 

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Autour du concert

19h – Conférence
par Sophie Gaillot-Miczka

À l’entracte
Séance de dédicace avec Jonathan Fournel

À l’issue du concert – Bord de scène
Rencontre avec les artistes

 

Portrait Jonathan FOURNEL © Alexei Kostromin

 

Programme repris à
Aulnoye-Aymeries, Théâtre Léo Ferré 
/ le 8 novembre 2024 – 20h

Oye-Plage, Salle Jacques De Rette 
/ le 9 novembre 2024 – 20h

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 18 octobre 2024. GIORDANO : Andrea Chénier. R. Massi, A. Pirozzi, A. Enkhbat… Choeurs et Orchestre de l’Opéra de Lyon / Daniele Rustioni.

A l’heure des temps barbares, la première chose à disparaître est la poésie. Les révoltes, révolutions et autres guerres civiles ont toujours dévoré les artistes dans un fracas de plomb et un flot de sang. Des bûchers des vanités de Savonarole aux fleurs de sang de Garcia Lorca ou de Miguel Hernandez, tout poète s’expose au trépas et sa lyre n’est jamais un rempart contre la mitraille. Né en 1762, André Chénier fut fauché à la fleur de l’âge par la dernière rodomontade des robespierristes en 1794. Ce poète au lyrisme étonnant pour une époque qui préférait les élans “patriotards” a préfiguré le romantisme et devient, par son destin brisé, un héros romantique lui-même. Chénier est aujourd’hui une plume à redécouvrir, il est important qu’il ne fasse pas partie de ceux qui ne sont plus que pour avoir péri, pour gloser Louis Aragon. 

André Chénier est entré dans le roman de sa vie sur la scène italienne avec le récit inventé de ses derniers jours dans la musique d’Umberto Giordano. Parangon de l’écriture vériste, Andrea Chénier est une fresque grandiose de cette époque chaotique de la fin de la Terreur. Giordano écrit un opéra qui se rapproche davantage du Puccini des grandes heures que de Mascagni. On sent une recherche émotionnelle dans les lignes, une élégance dans la construction harmonique qui se retrouve tout autant dans son insigne Fedora. Andrea Chénier a eu un succès mondial dès sa création à la Scala en 1896 avec des reprises multiples qui se comptent jusqu’à nos jours. 

Cet opéra est né alors qu’une vague sans précédent d’attentats anarchistes secouait la planète. En 1894, le président français Sadi Carnot succombait sous le poignard de Sante Geronimo Caserio à Lyon ; en 1898, l’impératrice d’Autriche, Elisabeth, la célèbre Sissi, tombait à son tour du coup de stylet de Lucheni, et en 1900 c’est au tour du roi Humbert Ier d’Italie et en 1901 etc. Une vague de terreur qui s’attaquait aux têtes couronnées et autres puissants dont la déferlante sera un des déclencheurs de la Première Guerre mondiale en 1914. Andréa Chenier surgit comme un témoignage d’une époque de remous sociaux et de confrontations avec l’espoir infime de la survie de la beauté. 

Nous nous réjouissons de l’idée géniale de Michel Franck de programmer tour à tour l’Adriana Lecouvreur de Cilea et cet Andrea Chénier de Giordano avec les excellentes forces de l’Opéra de Lyon. Avec une telle équipe, on redécouvre l’esprit de cette œuvre magnifique sous toutes ses nuances. 

Parlons d’emblée de la direction iconique du maestro Daniele Rustioni. On a du mal à imaginer quelqu’un d’autre dans ce répertoire depuis le Cilea de la saison dernière. Sa maîtrise du langage, de la puissance expressive et des couleurs du style est inégalable. Parfois la balance est inégale selon les chanteurs mais sans doute cela est dû à la configuration du plateau. Maestro Rustioni nous passionne pour cette musique que d’aucuns caricaturent parfois et la rend indispensable, fraîche et fougueuse. Nous espérons qu’il nous permettra de réentendre Fedora, ou, rêve ultime, le Sly d’Ermanno Wolf-Ferrar i! 

Les Choeurs et Orchestre de l’Opéra de Lyon ont l’énergie des grandes phalanges. On est saisi par la volupté des lignes mélodiques, les attaques précises à la perfection et des couleurs chatoyantes. Nous avons l’impression de découvrir un bijou débarrassé des poussières du temps. Bravo à ces immenses musiciennes et musiciens. 

Côté plateau, la distribution est équilibrée et spectaculaire. Déjà dans Adriana Lecouvreur, nous avons été transis face aux talents déployés par l’Opéra de Lyon dans le choix des solistes. Ici le trio principal surpasse toutes les distributions passées, incluant Jonas Kaufmann à la Royal Opera House. Riccardo Massi est fabuleux en Andrea Chénier. Avec une ligne vocale puissante et ronde, un sens parfait du style et de l’ornementation nous sommes emportés avec subtilité dans une interprétation à marquer d’une pierre blanche. Tout dans ce ténor respire la musique, rien ne manque et nous espérons le retrouver sur toutes les scènes pour continuer à redécouvrir avec lui la poésie dans des musiques que l’on croyait connaître. 

Madeleine est dévolue à la soprano italienne Anna Pirozzi dont l’abattage vocal n’est pas à nier outre parfois des moments où la projection fait défaut. Cependant, elle nous révèle des trésors inattendus dans cette partition : son air « La mamma morta » restera pour les annales de l’histoire de l’opéra. Anna Pirozzi a rendu à Madeleine toutes les nuances de cette femme souvent reléguée au second plan. 

Véritable découverte de la soirée, le Charles Gérard du baryton mongol Amartuvshin Enkhbat. Quel talent ! Quelle puissance et quelle beauté vocale ! S’il fallait retenir une interprétation de cette soirée, c’est celle de M. Enkhbat ! Gérard peut parfois sombrer dans la caricature “scarpiesque” du méchant, avec ce baryton nous découvrons sous le semblant retors, une sensibilité profonde. Cette sincérité interprétative fait d’Amartuvshin Enkhbat un soliste complet et indispensable. 

Parmi les autres membres de la distribution, nous avons adoré la bouleversante Madelon de Sophie Pondjiclis, la magnifique voix de Thandiswa Mbongwana. Aussi, nous avons remarqué les très belles incarnations d’Alexander de Jong et d’Hugo Santos dont la tessiture aux sublimes couleurs nous font espérer de les retrouver bientôt dans des rôles sur scène à l’avenir. 

Après ce retour de l’André Chénier immortalisé sur les planches de l’Avenue Montaigne. De la tombe anonyme d’André Chénier s’élève la plainte du poète : « L’innocente victime, au terrestre séjour, n’a vu que le printemps qui lui donna le jour. Rien n’est resté de lui qu’un nom, un vain nuage, un souvenir, un songe, une invisible image. » Espérons que dans le silence anonyme du cimetière de Picpus, son silence verra fleurir un printemps nouveau bercé par la musique des astres qu’il contemple désormais dans l’ineffable empyrée.

 

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 18 octobre 2024. GIORDANO : Andrea Chénier. R. Massi, A. Pirozzi, A. Enkhbat… Choeurs et Orchestre de l’Opéra de Lyon / Daniele Rustioni.  Crédit photographique © Blandine Soulages.

CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, Opéra Comédie, le 18 octobre 2024. HAYDN / SCHUBERT / SCHUMANN. Anastasia Kobekina (violoncelliste), ONMO, Thomas Rösner (direction)

Ce 18 octobre, dans l’acoustique chaleureuse de l’Opéra Comédie, le concert de l’Opéra Orchestre National Montpellier Occitanie transporte le public vers la Vienne de 1800 et les réjouissances rhénanes selon Robert Schumann. Au cœur du programme, la violoncelliste Anastasia Kobekina enflamme la salle par la vivacité de son jeu.

 

Crédit photographique © OONM

 

Ce Voyage musical au pays du passé devient parfaitement vivant dans l’Opéra-Comédie. Grâce à l’acoustique de proximité de cette salle aux boiseries dorées, les instruments vibrent d’une manière chaleureuse pour tous les rangs de l’auditoire. Thomas Rösner, chef autrichien révèle l’expressivité du répertoire germano-autrichien par des élans et thésis appropriés.

Sans conteste, la vedette de la soirée est la violoncelle russe Anastasia Kobekina qui séduit dans le Concerto n° 1 Hob.VIIb.1 de Joseph Haydn. Bardée de récompenses internationales (Concours international Tchaïkovski, Révélation OpusKlassik 2024), elle excelle tant dans le phrasé du classicisme viennois (1er mouvement) que dans la virtuosité étincelante, celle d’une rythmicienne aguerrie (Allegro molto). Le miroitement des nuances et des couleurs – graves boisés, legato caressant de l’Adagio – sert en permanence une jovialité spirituelle, propre à Haydn. Cette connivence entre l’artiste et son instrument, un Stradivarius daté de 1698, se poursuit dans le bis : une danse pour violoncelle et tambourin signée par Vladimir Kobekine (son père). La frénésie de rythmes endiablés, partagée par la soliste et le percussionniste de l’ONMO (Pascal Martin), déclenche une ovation !

Si la mélancolie indicible de la Fantaisie en fa mineur D. 940 de Franz Schubert n’est pas au rendez-vous, l’auditeur s’empresse d’oublier cette introduction du concert. Car dans cette récente orchestration de Richard Dünser, seul le thème initial diffuse la Sehnsucht idiomatique du monde germanique, en circulant entre les bois solistes. La suite ne convainc pas faute de choix stylistique posé : trop de virages romantiques, postromantiques ou même néo-classiques (à la manière de Prokofiev dans la Symphonie classique). Nous préférons donc écouter la Fantaisie dans sa version originale, un quatre mains intime conçu pour les Schubertiades viennoises.

En revanche, la fougue romantique habite la Symphonie n° 3 op. 97 dite « Rhénane » de Robert Schumann, composée durant la période heureuse de sa vie avec Clara. Les pupitres de cordes et des cors font caracoler les syncopes du mouvement Lebhaft (vivant) avant de danser dans le Scherzo. Introduit par un superbe conduit religieux aux trombones (une inspiration corrélée à sa visite de la cathédrale de Cologne), le 4e mouvement résonne avec plénitude. Si les attaques sont parfois imprécises (Finale), l’architecture orchestrale et la splendeur polyphonique s’animent joyeusement au fil des cinq mouvements enchaînés.

 

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CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, Opéra Comédie, le 18 octobre 2024. HAYDN / SCHUBERT / SCHUMANN. Anastasia Kobekina (violoncelliste), ONMO, Thomas Rösner (direction). Photos © Marc OONM

 

VIDEO : Anastasia Kobekina interprète les « Variations Rococo » de Tchaïkovski

 

CRITIQUE, ballet. GENEVE, BFM, le 19 octobre 2024. FRANK MARTIN : Die Blaue Blume / La Fleur Bleue (1936), création mondiale. Mourad Merzouki / Thierry Fischer

Création mondiale événement à Genève, dans la salle du BFM Bâtiment des Forces Motrices. Les Genevois ont enfin pu découvrir l’inspiration flamboyante du compositeur natif de Genève, FRANK MARTIN, alors en 1936, compositeur pour un ballet au thème sauvage et amoureux. La partition ne fut jamais créée sur la scène, jugée difficile à danser, elle fut mise au placard, archivée, conservée, oubliée ensuite dans la maison du compositeur à Naarden (Pays-Bas). Ce n’est qu’en 2021, quand les descendants de l’auteur se sont plongés dans les documents et autographes déposés dans la demeure, que la partition de « Die Blaue Blume » fut (re)découverte… elle est en octobre 2024, ainsi ressuscitée, nouveau jalon de l’Odyssée Frank Martin, vaste cycle d’événements et de concerts qui vise à jouer et faire connaître l’intégralité des œuvres du compositeur décédé en 1974.

Toutes les photos © Alexandre Favez / Die Blaue Blume / Cycle l’Odyssée Frank Martin

 

 

Ce soir, le spectacle offre un dispositif complet, entrelaçant de façon inédite déplacements des danseurs et instrumentistes de l’orchestre : les danseurs évoluent sur un praticable qui traverse tout le plateau, séparant les pupitres des percussions (vents et bois), des cordes placées au centre de la scène. Le chorégraphe Mourad Merzouki à qui l’on doit déjà la réussite du ballet Folia, a relevé le défi de cette partition réputée non dansable… De fait, son langage sert les rebonds de l’action, exprime l’ardeur de scènes au lyrisme souvent radical. L’esprit de la breakdance, des battles et des solos acrobatiques, viriles et testostéronés, s’acclimatent parfaitement à toutes les séquences qui évoquent le groupe des gitans, majoritairement masculins ; comme autour d’un feu de camp, assis sur des tabourets, les membres du clan imposent et nourrissent la loi de la confrontation compétitive, des défis, d’une violence familière, viscérale, organique qui répètent l’énergie sauvage d’individus qui pour vivre, doivent constamment se battre. Le contraste avec les tableaux nocturnes poétiques des lucioles et des gobelins, à l’écoute d’une nature qui se déploie mystérieuse voire envoûtante [grâce à la musique très efficace de Martin] est saisissant ; d’une façon générale, enjeu majeur du spectacle, le hip-hop montre ici qu’il sait s’enrichir d’élans, de postures en groupe et de figures collectives qui montre sa maturité acquise, un redéploiement expressif [d’ailleurs encouragé et même promu par le chorégraphe Mourad Merzouki] que suscite sa confrontation à une partition symphonique particulièrement flamboyante dont le jeu dans l’éclectisme des influences et des styles, est le fil conducteur, de surcroît parfaitement maîtrisé ; Frank Martin le suisse protestant cultive une sensibilité propre pour les folklores, l’énergie rythmique, la densité de texture, … la motricité des Stravinsky, Prokofiev, voire Chostakovitch [tous trois symphonistes de premier plan pour le genre chorégraphique]. Le tout articulé avec une intelligence du drame et de l’action, évidente. En cela, le chef Thierry Fischer, grand connaisseur de l’œuvre martinienne, déploie une énergie fédératrice, révélant plus qu’une partition oubliée, secondaire : une fresque foisonnante en climats très contrastés et en tableaux poétiques.

 

 

 

Le hip-hop de Mourad Merzouki
à l’épreuve de l’Orchestre de Frank Martin

Du reste même si le spectacle est la création mondiale en version orchestrale du ballet de 1936, on en connaissait déjà deux séquences [orchestrées par Martin], les deux volets du  » « temps de la peur », lesquels dans le continuum dramatique, approfondissent davantage le souffle narratif et le porte vers un recul plus lyrique et poétique.  Certes nous ne sommes pas confrontés au vertige tragique et spirituel du « Roméo et Juliette » de Prokofiev [composé dès 1935 / première en 1938, dont la trame est proche de « Die Blaue Blume »] mais plusieurs tableaux purement orchestraux sont ici particulièrement convaincants : le surgissement du monde de la nuit comme on a dit, surtout les séquences finales, allusivement amoureuses, bien que trop courtes (ou pas assez développées chorégraphiquement à notre goût), duo entre le Citadin battu, laissé pour mort, et la jeune gitane dite  » Die Blaue Blume » / La fleur Bleue… qui donne son titre au ballet.

 

La force de la partition de Frank Martin tient à cet éclectisme idéalement dosé, la science des contrastes, et une disposition égale pour l’allusif et le caractère mystérieux voire énigmatique des scènes en particulier la scène finale, qui conclut le ballet dans l’ombre et une question posée en guise de fin… Ces deux êtres un temps fusionnés, probablement bercés par la magie d’un amour foudroyant, reviennent finalement à leur milieu originel, l’aube venue ; une séparation en guise de final, qui paraîtrait amère et triste si la beauté de la musique alors ne laissait supposer une autre conception dans l’acceptation du renoncement et dans la célébration d’une fusion certes fugace mais sincèrement partagée.
C’est du moins le choix de la gitane, qui rejoint à la fin le clan des gitans qui sont ses frères et son seul véritable foyer. La puissance inflexible de la tribu plus forte que l’absolu de l’amour… Au moins comparé au mythe Shakespearien, Martin de son côté a choisi, creusant davantage l’ambiguïté et la fragilité d’une rencontre suspendue ; laquelle malgré son intensité miraculeuse demeure… épisodique. Tout au moins dans le cœur de la jeune femme, semble-t-il.

 

Musicalement, l’engagement de l’Orchestre spécialement constitué pour l’événement, suscite l’enthousiasme : réunissant élèves musiciens de la HEM / Haute École de musique de Genève, la partition orchestrée par Nicolas Bolens, scintille de tous ses feux ; sous la baguette inspirée, analytique du chef Thierry Fischer, grand ordonnateur du cycle pour la redécouverte de Frank Martin à Genève, l’Orchestre ce soir, rugit, murmure, suggère ; avec aussi le premier violon de Pierre Fouchenneret qui réalise plusieurs solos dans la partition, particulièrement expressifs.

L’ouvrage dès son début confirme le talent du Martin conteur et narrateur, voire paysagiste inspiré, capable d’exprimer au plus juste, l’esprit comme les enjeux des pas moins de 30 tableaux… Reste qu’il est difficile de tout absorber un soir de première, et d’une seule écoute ; mais la suractivité foisonnante de l’Orchestre, cette faculté à caractériser chaque séquence, intensifiant toujours le flux dramatique de l’action, témoignent de l’ambition de Martin à réussir sur la scène chorégraphique.

La participation des jeunes danseurs du Conservatoire populaire (cursus professionnel) de musique réalisant un tableau collectif plutôt convaincant, intégré à la chorégraphie des 10 danseurs de la compagnie de Mourad Merzouki [käfig] éclaire un autre volet de la production, sa valeur pédagogique, son rôle manifeste pour la transmission, immergeant concrètement de jeunes artistes dans une production professionnelle, de surcroît artistiquement ambitieuse. Création réussie.

 

 

 

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La diffusion du ballet intégral  et des extraits vidéo de cet événement musical et chorégraphique suivront prochainement car les caméras de la RTS étaient présentes lors de cette première mondiale.

La création s’inscrit dans un volet plus vaste [intitulé  » l’Odyssée Frank Martin », qui ambitionne de jouer à terme l’intégrale des œuvres du Genevois Frank Martin, soit environ 40 concert sur 3 ans. Un temps fort sera assurément son Requiem, programmé le 21 nov prochain pour le cinquentenaire de la mort du compositeur en 1974 [Cathédrale de Genève]. Plus d’infos sur le site de l’Odyssée Frank Martin : https://odysseefrankmartin.ch/

Présentation de la création mondiale du ballet Die Bleue Blume de Frank Martin au BFM, Genève, le 19 oct 2024 : https://www.classiquenews.com/geneve-hem-frank-martin-die-blaue-blume-creation-mondiale-sam-19-oct-2024-pia-et-pino-mlakar-mourad-merzouki-thierry-fischer/

 

Toutes les photos © Alexandre Favez / Die Blaue Blume / Cycle l’Odyssée Frank Martin

 

 

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OPÉRA DE DIJON, les 7, 8, 9 nov 2024. Baldassare GALUPPI : L’Uomo Femina. Eva Zaïcik, Victor Sicard… Le Poème Harmonique, Vincent Dumestre / Agnès Jaoui

Deux naufragés échouent sur une île gouvernée par les femmes, où les hommes sont dociles, coquets voire craintifs. Agnès Jaoui, metteuse en scène pour cette partition aussi inclassable que juste et pertinente, s’empare avec jubilation de cette fable du XVIIIe siècle étonnamment moderne qui donne à méditer sur les rôles et l’image que la société attribue au masculin et au féminin.

 

En souveraine omnipotente, Cretidea règne sans partage sur ses sujets. Elle dirige les armées, collectionne les amants, rassure son favori, qui craint d’être un jour délaissé si sa mise ne convenait plus. L’amour surgit et bouleverse cet ordre établi. La princesse tombe éperdument amoureuse de Roberto, l’un des deux naufragés qui refuse de se soumettre aux lois de l’île. S’ouvre alors un débat animé porté par la musique flamboyante de Galuppi : qui doit se soumettre ? Qui doit gouverner ? qui est le sexe faible ? Après avoir exprimé la puissante Armide de Lully, Vincent Dumestre et Le Poème Harmonique reviennent à l’Opéra de Dijon dans une partition fantaisiste, sulfureuse et satirique pour laquelle est annoncée une distribution de haute volée, que met en scène l’actrice et réalisatrice Agnès Jaoui que l’on attendait pas à l’opéra…

 

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GALUPPI : L’Uomo Femina
Auditorium / Opéra de Dijon
3 représentations
7 novembre 2024, 20h
8 novembre 2024, 20h
9 novembre 2024, 20h

INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site de l’Opéra de Dijon : https://opera-dijon.fr/fr/au-programme/calendrier/saison-24-25/l-uomo-femina/

Durée : 2h30 avec entracte

Autour des représentations

Avant-scène : samedi 9 novembre 2024 à 18h30 avec Jean-François Lattarico, professeur des universités en études italiennes (durée 1h)

pour la représentation du jeudi 7 novembre

 

 

distribution

Livret de Pietro Chiari

Vincent Dumestre, direction
Le Poème Harmonique

Mise en scène : Agnès Jaoui
Décors  : Alban Ho Van
Lumières : Dominique Bruguière
Costumes : Pierre-Jean Larroque

Cretidea,  Eva Zaïcik
Ramira,  Lucile Richardot
Cassandra,  Victoire Bunel
Roberto,  Victor Sicard
Giannino,  François Rougier
Gelsomino Anas Séguin

Nouvelle production de l’Opéra de Dijon
Coproduction Le Poème Harmonique, Château de Versailles Spectacles, Théâtre de Caen
Décors et costumes réalisés par les ateliers de l’Opéra de Dijon

« Quelle est la place, la fonction, le rôle que la société alloue à chacun des genres ? GALUPPI bouleverse les traditions et la culture sociale ; il inverse pour mieux les dénoncer comportement et rôle prédéterminés… Ici les femmes sont viriles et les hommes féminins.
Incroyable livret qui s’avère d’une actualité saisissante dans le contexte actuel où la question du genre et l’identité qu’il véhicule, sont particulièrement interrogés… »

CLERMONT AUVERGNE OPÉRA. Clermont-Ferrand, Jeu 7 novembre 2024 – 20h. Récital Véronique Gens. Mélodies françaises

Retrouvailles à Clermont-Ferrand entre la soprano Véronique Gens, interprète majeure de la Mélodie française, et Susan Manoff, pianiste au jeu sensible, idéalement complice du chant ciselé, articulé de la cantatrice. Plus qu’une accompagnatrice, la pianiste est une partenaire de choix, auteure d’atmosphères et de couleurs psychologiques en phase avec la voix. Leur duo a déjà réalisé plusieurs programmes et enregistrements particulièrement convaincants.

 

Avec son timbre fin et rond, et sa voix taillée comme une gemme, Véronique Gens convainc en particulier dans les rôles lyriques de langue française, qu’il s’agisse d’incarner les passions baroques, ou les héroïnes du théâtre classique et déjà romantique… Son sens du texte lui permet aussi d’explorer des œuvres plus contemporaines encore comme sa récente et émouvante incarnation d’Elle dans La Voix humaine de Poulenc… avec l’Orchestre national de Lille [Alexandre Bloch, direction].

 

À Clermont-Ferrand, Véronique Gens aborde l’art subtil et redoutable de la Mélodie française, un art majeur dans lequel la cantatrice fait valoir toutes ses qualités de chanteuse comme d’interprète en phase avec les situations dramatiques et psychologiques de chaque poème. Les deux artistes ont enregistré ce programme intitulé alors « Néère » chez Alpha Classics.

 

 

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CLERMONT AUVERGNE OPÉRA

Opéra-Théâtre
Jeu 7 novembre 2024 – 20h.
Récital Véronique Gens, soprano
Susan Manoff, piano
Mélodies françaises

INFOS & RÉSERVATIONS directement sur le site de Clermont Auvergne Opéra : https://clermont-auvergne-opera.com/evenement/recital-veronique-gens-susan-manoff/

1h environ sans entracte
de 12 à 50 €

CRITIQUE, théâtre musical. PARIS, Théâtre de l’Athénée-Louis-Jouvet, le 16 octobre 2024. JARRY / TERRASSE : Ubu roi. P. Jeanson, S. Espeche, J.L. Coulloc’h, N. Bigorre, M. Laskar, E. de Ereno… Pascal Neyron / Les Frivolités parisiennes.

Quand un miroir nous est tendu, tout ce que nous cachons explose en un instant. L’évidence cruelle nous ôte les oripeaux que nous croyons porter et la vérité du reflet nous agrippe comme une griffe glacée. L’art dans sa multitude de formes peut être cruel dans sa monstration continue des vérités et de nos travers. Ces défauts qui nous sont touchants ou ridicules à souhait, selon les perspectives. Ubu est une entité, une sorte d’ectoplasme qui hante tout être un tant soit peu ambitieux. De l’infamie d’un Pinochet à la gloriole communicante des ministres de passage, Ubu est un masque qui colle à toute personne qui oublie qu’être au pouvoir expose au ridicule, surtout quand on se prend trop au sérieux. N’est-ce pas cela qui fait le fond de cette fable sans âge? Conçue d’abord comme une « private joke » de lycéens en réaction au professeur Hébert, l’intrigue polonaise d’Ubu roi épouse parfaitement les codes des plus violentes satires du pouvoir et des tragédies anti-héroïques. Alfred Jarry, paladin de la pataphysique et visionnaire génial, s’est lancé à corps perdu dans cette pièce au vitriol où tout le monde passe à la « trappe ». 

 

Crédit photographique © Christophe Raynaud Delage

 

Créée en 1896 sous forme de marionnettes dans l’atelier de Claude Terrasse, rue Ballu (Paris), cet Ubu roi est l’héritier d’une tradition théâtrale malgré sa fraîcheur insolente. Dans le décor lointain d’une Pologne « inexistante » (en effet la Pologne était une province russe à l’époque), Ubu semble répondre à un autre grand anti-héros du passé histrionique : Segismundo. Le célèbre protagoniste de la Vida es sueño de Pedro Calderon de la Barca est aussi excessif que le médiocre Ubu. Tous les deux partagent ce sublime qui gît dans l’excès, cet « anti-héroïsme » qui anoblit même les pleutres, les lâches ou les névrosés. 

Les fantastiques Frivolités parisiennes nous restituent enfin Ubu roi dans son intégralité, notamment avec la musique de scène que Claude Terrasse a si bien composée pour ajouter des couleurs chatoyantes au texte insolent d’Alfred Jarry. Ce spectacle est un régal absolu avec une mise en scène parfaite en tous points. Du décor aux tubes de soufflerie « pendouillantes » comme autant de trompes ou de gigantesques asticots d’un noir de jais. Pascal Neyron n’a aucune difficulté à nous tendre le miroir terrible d’Ubu et nous le rendre sympathique malgré sa nature méprisable et suffisante. Dans cette mise en scène, il est question de nous et de ceux qui proclament nous gouverner. Dans les mains géniales de Pascal Neyron, l’intrigue, les comédiennes et comédiens forment un matériau qu’il façonne et sertit comme un orfèvre dans des dynamiques et des tableaux dignes des plus grands metteurs en scène. 

Côté plateau, la distribution est incroyable. Ubu est incarné par un Paul Jeanson plus vrai que nature, à la justesse parfaite. La truculente Mère Ubu est campée par Sol Espeche, qui nous avait déjà émerveillés avec sa mise en scène de Coup de roulis d’André Messager : elle est ici fabuleuse, extraordinaire d’humour, et d’un naturel désarmant. Manu Laskar est un Général Bordure désopilant et calculateur, avec un luxe de subtilité dans l’expression. Le Roi, la Reine, le Tsar et la tsarine sont dévolus à Jean-Louis Coulloc’h et Nathalie Bigorre divins. Le Bougrelas d’Elisabeth de Ereño est touchant dans son rôle de jeune vengeur, à l’image du Sesto du Giulio Cesare de Haendel. a distribution est complétée par les musiciennes et musiciens des Frivolités parisiennes dont on remarque l’immense talent comique. Mention spéciale pour Benjamin El Arbi, qui nous ravit avec un solo de guitare électrique, comme un interlude magnifique. 

Les Frivolités parisiennes nous livrent une interprétation équilibrée mais dynamique de la musique de Claude Terrasse. L’exercice de la musique de scène est souvent complexe, ici elle reprend toute sa place grâce à l’excellence des musiciennes et musiciens d’une des compagnies les plus passionnantes de France. 

Dans notre ère de grande « transparence », où la réussite d’un quart d’heure claironne tel un triomphe romain, il est temps que nous regardions bien ce que nous reflète l’écran noir de nos smartphones. Peut-être y verrons-nous dans notre regard hagard qu’il est temps de rester à notre place, et savoir apprécier le mérite acquis par l’effort. Naïf espoir face au hasard qui rabat sans cesse les cartes et souffle ses bourrasques sur la roue de la Fortune dont l’essieu ne cesse jamais de tourner.

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CRITIQUE, théâtre musical. PARIS, Théâtre de l’Athénée-Louis-Jouvet, le 16 octobre 2024. JARRY / TERRASSE : Ubu roi. P. Jeanson, S. Espeche, J.L. Coulloc’h, N. Bigorre, M. Laskar, E. de Ereno… Pascal Neyron / Les Frivolités parisiennes.

 

CRITIQUE, opéra. ISTANBUL, Opéra Süreyya, le 15 octobre 2024. MOZART : L’Enlèvement au Sérail. F. Aslan, A. S. Etyemez, B. Dalkilic, U. Tingür… Caner Akin / Zdravko Lazarov.

 

Après avoir eu la chance, en mai dernier, d’assister à un concert symphonique au fameux Atatürk Cultural Center – vaste complexe culturel (qui inclut un somptueux opéra d’une capacité de 2200 places) construit en 2021 sur la fameuse Place Taksim, le cœur névralgique de la mégalopole de 17 millions d’habitants qu’est Istanbul -, c’est de l’autre côté du Bosphore, à Kadiköy, quartier plutôt chic et tranquille de la plus grande ville de Turquie que nous avons pu assister à un opéra. Et quel maison d’opéra ! Un magnifique bâtiment Art Déco – l’Opéra Süreyya – construit dans les années 20 sur le modèle de notre Théâtre des Champs-Elysées parisien, et qui est donc la deuxième salle que possède l’Opéra Ballet National d’Istanbul, les deux structures étant placées sous la férule du fringant baryton turc Caner Akgün (qui dirige également le Festival d’Opéra et de Ballet d’Istanbul, qui se déroule en juin : nous y étions pour une version chorégraphique des « Carmina Burana » de Carl Orff). Selon ses propres dires, l’AKM est plutôt dévolu à l’Opéra du XIXème (Verdi, Rossini et Wagner en tête) et au grands Ballets, tandis que l’Opéra Süreyya est surtout le temple de Mozart (et les compositeurs qui l’ont précédé), de la musique “légère” (opérette européenne ou turque), ainsi que celui de la musique contemporaine et de la création, et enfin celui requérant de petits effectifs (comme la musique de chambre et les récitals lyriques). 

 

Crédit photographique © Istanbul Devlet Opera ve Balesi

 

C’est donc avec toute l’évidence possible que nous avons pu y assister à une représentation de “L’Enlèvement au sérail de W. A. Mozart, puisque entre autres avec Maometto II de Rossini (qui sera à l’affiche de l’AKM du 28 novembre au 26 décembre 2024, et dont nous rendrons compte dans ces colonnes à cette occasion…), il est l’un des ouvrages emblématiques “turques” (enfin se déroulant en Turquie…). La production – signée par Caner Akin – a été étrennée à l’été 2020 dans les Jardins du Musée archéologique d’Istanbul, avant d’être reprise l’année dans ceux du fabuleux “décor naturel” du sublime Palais de Topkapi, la résidence officielle des Sultans Ottomans pendant des siècles (et elle sera reprise très bientôt dans la ville de Mersin, au sud-est du pays, en l’occurrence l’une des 6 villes de Turquie à posséder un opéra labellisé “National” (“Devlet”) – et donc financé par l’Etat (les autres villes possédant un opéra étiqueté « national » sont Ankara, Izmir, Samsun et Antalya). Avec l’aide de son scénographe (et costumier) Olcay Engin Kaymaz, c’est bien dans un décor digne des 1001 nuits, celui d’un sérail tel qu’ils existaient à l’époque du librettiste J. G. Stephanie, que l’homme de théâtre turc plonge les spectateurs : moucharabiehs, larges fauteuils en osier, et grands coussins en satin… rien ne manque au luxe dont bénéficiaient les intérieurs privés des Sultans. Par souci de clarté – pour une production destinée surtout à un public de touristes (potentiellement “néophytes”) lors de sa création en plein air (c’est en fait la première fois qu’elle était donnée dans un bâtiment “en dur”, et en l’occurrence dans l’écrin formidable du Süreyya Operasi) -, le metteur en scène (“rejisör” en turc) s’est contenté de suivre le livret et rendre l’action la plus lisible possible, avec un petit “plus” à la fin du III où apparaît un enfant, en fait une incarnation de Selim Pacha à l’âge tendre. Le Sultan a ainsi conservé sa bienveillance et sa tolérance d’enfant à l’âge adulte (notamment à l’égard de ses prisonniers), et a gardé cet humanisme et cette magnanimité qui lui avaient été enseignés dans sa jeunesse, une belle idée qui renvoie aussi à la “Clémence de Titus” du même Mozart…

 

Crédit photographique © Istanbul Devlet Opera ve Balesi

 

Côté chant, la verve et la truculence d’Osmin sont superbement interprétées par la basse turque Umut Tingür, à qui le Pedrillo de Berk Dalkilic donne une réplique pleine de charme et de fraîcheur. La superbe soprano Aysenur Ayyildiz Haksoy campe une ravissante Blöndchen, à la voix habilement conduite, et un registre aigu aussi infaillible que délicieusement suave, en plus d’un jeu fin et spirituel. A ces trois « légers » parfaitement cadrés dans le décor, le couple Belmonte / Konstanz oppose une densité musicale et psychologique bien adaptée. Le jeune ténor Fuat Kilic Aslan (Belmonte) sait utiliser un timbre franc et joliment coloré pour conférer à son personnage un style parfait et une intelligence qui donne son sens à chaque phrase. Face à lui, la soprano Anna Sirel Y. Etyemez est une Konstanz ardente et concernée, chez qui le chant (parfois un peu “étroit” cependant…) vient comme en surplus, portée par une musicalité véritablement intériorisée : et c’est sans doute la plus grande difficulté de ces arie si ardues dans l’escalade des vocalises et qui cependant doivent rester rêveuses et hallucinées. Enfin, l’acteur Selim Borak incarne le rôle de Selim Pacha, auquel il confère une vraie humanité.

Placé sous la direction de Zdravko Georgiev Lazarov, l’Orchestre de l’Opéra Ballet National d’Istanbul se révèle un des grands triomphateurs de la soirée. Le chef bulgare marie avec un art consommé l’approche symphonique d’une formation traditionnelle aux impératifs d’une relecture à l’ancienne. Magnifique de souplesse, de présence et de relief sonore, une telle lecture donne à la partition un sérieux coup de jeune, car elle en souligne les nombreuses audaces instrumentales qui annoncent celles des réussites postérieures.

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CRITIQUE, opéra. ISTANBUL, Opéra Süreyya, le 15 octobre 2024. MOZART : L’Enlèvement au Sérail. F. Aslan, A. S. Etyemez, B. Dalkilic, U. Tingür… Caner Akin / Zdravko Lazarov. Photos © Istanbul Devlet Opera ve Balesi

 

 

JUSTICE. PROCÈS JEAN TUBÉRY: Rebondissements et nouveaux éléments. En décidant de faire appel, le chef fondateur de l’ensemble La Fenice relance la machine judiciaire

L’affaire Jean Tubéry est loin d’être close… sa décision de faire aujourd’hui appel relance le dossier, et permettra probablement de réexaminer la nature des accusations à son encontre comme la classification des faits. Pour en savoir davantage, nous avons rencontré le chef flûtiste et cornettiste, fondateur de son propre ensemble La Fenice, et de son émanation récente La Fenice aVenire.

 

Condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis pour harcèlement sexuel en juin dernier au Palais de justice de Sens, le chef Jean Tubéry a fait appel de ce jugement. L’appel relance la machine judiciaire, et la condamnation contestée ne sera pas revêtue de l’autorité de chose jugée. La présomption d’innocence est donc rétablie à son encontre.
C’est un homme résolu et convaincu de son bon droit que nous avons rencontré, fermement décidé à prouver son innocence et à rétablir son honneur.
En amont du procès, Jean Tubéry avait porté plainte contre x pour diffamation en novembre 2022, suite à la rumeur de son exclusion provisoire du CNSMD de Lyon pour « harcèlement sexuel », motif diffusé alors sans fondement car ce n’était pas le cas (à ce sujet, les écrits de la direction du CNSMD de Lyon ont fait foi).  Jean Tubéry a fait par ailleurs l’objet de 4 enquêtes successives dont celle d’un cabinet extérieur, mandaté par le CNSMD de Lyon : sa conclusion (juin 2023) n’a pas retenu la classification de harcèlement sexuel. De son côté l’enquête décidée par la Mairie de Paris a pour sa part émis sa conclusion en décembre 2023 : les enquêteurs de la Ville de Paris ont conclu qu’aucun fait de harcèlement n’était établi à l’encontre de Mr Tubéry sur plus de 30 ans d’enseignement.
Au cours de notre rencontre, Jean Tubéry évoque les propos des deux plaignantes, deux anciennes élèves de la même promotion qui ont suivi ensemble son enseignement au CNSMD de Lyon, et qui ont depuis, co-fondé leur propre ensemble de musique ancienne, spécialisé dans la musique du XVIIème siècle.

 

« Les deux plaignantes sont deux anciennes étudiantes qui ont suivi certains de mes cours d’ensemble au Conservatoire, ou en projet extra-muros. Elles n’ont jamais apporté pour témoignage à leurs accusations que celui de l’une pour l’autre. Contrairement à la règle qui prévaut en matière de justice, elles n’ont jamais dû fournir de preuves de leurs dires : c’est à moi qu’il a été demandé lors de l’audience de juin 2024 de fournir la preuve en tant qu’accusé de l’inexactitude de leurs accusations ; à ce jeu de « parole contre parole », la mienne, celle d’un professeur ayant une certaine notoriété dans notre milieu professionnel, n’avait aucun poids dans le contexte actuel par rapport à celui de deux jeunes femmes étudiantes portant des accusations de harcèlement sexuel. Il est à préciser ici que 4 enquêtes (internes et externes) au sein des Conservatoires de Lyon et de Paris ont confirmé l’absence totale de harcèlement de ma part, et ce sur plus de 30 ans de carrière en tant qu’enseignant. Des compliments vestimentaires que j’ai pu faire autour de tenues de concert se sont alors transformés en « preuves irréfutables » de harcèlement ; il a aussi été prétendu que ces étudiantes craignaient de mauvaises notations de ma part, alors que je n’ai jamais eu à les noter de toute leur scolarité, aucune des deux n’ayant été étudiantes dans ma classe de cornet à bouquin : elles participaient librement et sans enjeu aux cours et projets d’ensemble du conservatoire » précise Jean Tubéry.

 

CONTEXTE… Le « contexte actuel » évoqué par le prévenu est bien évidemment une référence au mouvement de libération de la parole sur les faits de violences et harcèlements sexuels désigné comme le mouvement #MeToo, qui s’est développé sur les réseaux sociaux à compter de l’année 2017. Ce mouvement a permis de lever l’omerta qui existait sur ces comportements, comme il a permis une meilleure prise en compte de la parole des femmes victimes. Un certain nombre de voix se sont également faites entendre pour souligner les risques que ce mouvement soit instrumentalisé dans « une logique de vengeance justicière, [pour] livrer des hommes à la vindicte populaire »  (Éditorial du Canard Enchaîné du 18 octobre 2017). Plus récemment, la journaliste Caroline Fourest, dans son livre paru à la rentrée 2024 (« Le vertige Me Too », éditions Grasset), déplore qu’au nom d’une idéologie, des personnes mises en cause soient sacrifiées, et que leur cas soit déjà fixé avant tout contradictoire. Dans le cas présent, certains titres de presse et les réseaux sociaux se sont faits l’écho des accusations portées contre le professeur avant toute décision de justice sur sa culpabilité, jetant l’opprobre sur sa personne, entraînant sa mise à l’écart et celle de de son ensemble, La Fenice, par la grande majorité de ses partenaires.
On a malheureusement souvent constaté que le tribunal médiatique et l’opinion publique s’invitaient systématiquement à ce sujet ; qu’il avait, hors des débats au sein du prétoire, une regrettable tendance à accuser, condamner, et à s’acharner en dehors de toute raison, allant parfois jusqu’à l’hystérie et au déferlement de haine.
Or chaque cas est unique et mérite d’être examiné au cas par cas, détail par détail. Il mérite au regard des enjeux humains que toute l’attention nécessaire soit accordée pour établir la vérité. Aujourd’hui le professeur et musicien conteste plus que jamais les faits qui lui sont reprochés ; des propos qu’il estime sortis de leur contexte, et des accusations de gestes déplacés qu’il qualifie de mensongères et calomnieuses.

 

« Ces 2 anciennes étudiantes avaient été entendues suite à leur plainte en interne au Conservatoire (début 2022). Certains propos et gestes ont alors été qualifiés par la direction de « familiarités », reproche que je peux entendre ; mais aussi de « gestes à connotation sexuelle », ce que je conteste. Par exemple, il m’est reproché d’avoir mis une tête de flûte dans ma poche de pantalon, pour la réchauffer afin d’en éviter la condensation – ce que je fais régulièrement encore de nos jours en concert et qui est une pratique partagée par beaucoup de mes confrères professionnels. Ce geste banal pour un flûtiste à bec est devenu une description de geste obscène lors de la déposition au commissariat en 2023, geste mimé par l’avocate de la partie civile lors du procès en public, devant des dizaines de témoins au tribunal de Sens…
D’autres propos ont été tout à fait sortis de leur contexte et se sont vus donner une intention qui n’était pas la mienne. On m’a reproché par exemple d’avoir dit « bière brune ou bière ambrée ? » à l’une des 2 plaignantes, alors que nous étions attablés à un café après un concert d’élèves… question qui a été interprétée comme des propos de séduction voire de harcèlement sexuel.
Au cours d’une leçon d’ensemble, j’ai saisi un téléphone portable prêt à tomber de la poche de l’autre plaignante, jouant alors assise de son instrument ; ce geste a été transformé et reformulé en « agression sexuelle »… La même personne a également prétendu que je lui aurais dit après un concert « Ton rouge à lèvre va bien avec Ma veste rouge »… alors que je n’ai jamais porté de veste rouge de ma vie ! Tout cela m’a été reproché par le Tribunal qui a donc considéré que ces propos et gestes créaient une situation « intimidante, hostile ou offensante », me condamnant à une peine de prison avec sursis pour des propos répréhensibles que je n’ai pas tenus, et des gestes déplacés que je n’ai pas commis ».

 

Puis Jean Tubéry souligne les conséquences que l’affaire n’a pas manqué de produire à son encontre dans sa vie et dans la continuité de son activité artistique.

« Aujourd’hui, ma carrière est anéantie, la vie qui était la mienne est détruite… tout cela à cause de situations parfaitement anodines lorsqu’elles ne sont pas purement imaginaires, qui ont fait de moi un individu infréquentable, musicien que les organisateurs ne souhaitent pas ou n’osent pas programmer dans le contexte actuel, par peur de représailles sur les réseaux sociaux ou de leurs tutelles d’état. J’ai donc décidé de faire appel de ce jugement que je considère inique et aberrant dans sa sévérité, pour des faits et des gestes que je récuse, afin d’être définitivement lavé des accusations diffamatoires portées à mon encontre ».

 

Aujourd’hui, Jean Tubéry, plus déterminé que jamais, attend la tenue d’un nouveau procès.

A suivre…

 

 

Photo : © La Fenice aVenire 2024

CHÂTEAU DE VERSAILLES SPECTACLES. Lundi 4 nov 2024, Récital Marina Viotti (Purcell, Vivaldi, Porpora, Porta), Orchestre de l’Opéra Royal, Andrés Gabetta (direction).

Trajectoire fulgurante et répertoire éclectique qui révèlent un talent aussi curieux qu’exigeant, généreux que perfectionniste… le tempérament de la mezzo-soprano franco-suisse Marina Viotti (née à Lausanne en 1986) ne laisse pas indifférent ; on l’a vu récemment lors de la cérémonie d’ouverture des JO, au pied de la Conciergerie chanter l’amour, celui libre et conquérant de Carmen, sur la proue d’un navire emblématiquement parisien (la fameuse caravelle qui est l’emblème de la Ville : fluctuat nec mergitur)…

 

La sublime diva dardait ses aigus soyeux tels des accents pyrotechniques en une incarnation pleine de feu et de panache. Ayant d’abord étudié la flûte, expérimenté le jazz, le gospel ainsi que le heavy metal et obtenu un master en philosophie et littérature, elle est devenu l’une des chanteuses lyriques les plus en vue et les plus recherchées de sa génération.

Sacrée Artiste Lyrique de l’année aux Victoires de la Musique 2023, Marina Viotti a choisi Versailles pour y créer un nouveau récital, prochain album enregistré par le Label Château de Versailles Spectacles. Les grands compositeurs baroques, de Purcell et Porta, aux flamboyants napolitains et vénitiens, Vivaldi et Porpora à si affectionnés s’incarnent, touchent et bouleversent… grâce à sa voix de mezzo-soprano puissante et chaude, délicieusement articulée, au style délicat et fin. Andrés Gabetta à la tête de l’Orchestre de l’Opéra Royal en complice d’une soirée de virtuosité baroque XXL , apporte les timbres spécifiques des instruments d’époque : nerf, caractère, nuances… que demander de plus ?

 

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Récital Marina VIOTTI
Lundi 4 novembre 2024, 20h
Château de Versailles, grande salle des Croisades

RÉSERVEZ vos places directement sur le site de Château de Versailles Spectacles : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/recital-marina-viotti/

Durée : 1h20

Avec les instrumentistes de l’Orchestre de l’Opéra Royal (sous la direction d’Andrés Gabetta)

 

Programme

Henry Purcell (1659-1695)
Timon of Athen : « The curtain tune »

Giovanni Porta (1675-1755)
Motet Volate gentes

Antonio Vivaldi (1678-1741)
Concerto pour violon « Grosso Mogul » RV 208
I. Allegro
II. Recitative : grave
III. Allegro

Nicolas Porpora (1686-1768)
Salve Regina en fa majeur

 

Le programme est enregistré en CD à paraître pour le label Château de Versailles Spectacles

BOIS COLOMBES (92). TAC, sam 9 nov 2024. Julien Blanc / Pierre Stordeur : « PULSIONS », concert de lancement, lecture, performance… (entrée libre)

Le label Nowlands propose samedi 9 nov 2024, au TAC / Territoire Art et Création à Bois Colombes (92), le programme du dernier cd de Julien Blanc et Pierre Stordeur, « PULSIONS » présentant en première plusieurs pièces conçues entre musique, poésie, peinture contemporaine… Le concert de lancement associe musique, lecture, performance. Avec Julien Blanc, piano (instrumentiste principal) ; Arsène Caens, coordinateur artistique, récitant ; Pierre Stordeur, compositeur, récitant ; Jacques Jouet, poète, récitant ; Samuel Deshayes, poète, récitant.

 

 

PRÉSENTATION... Le choix musical dessine un parcours d’écoute qui met en perspective des œuvres du 20e et du 21e siècles. Les parcelles entre les esthétiques préservent toujours un dénominateur commun : « la question du timbre et de son déploiement raffiné ». Puis le compositeur Pierre Sordeur complète la présentation du programme choisi : « Le disque s’inscrit donc dans la continuité de la tradition pianistique telle que menée par Pollini ou Grimaud, par exemple. Il ne s’agit en aucun cas d’une monographie, mais bien plutôt d’un disque axé sur le plaisir de l’écoute. Certaines pistes devraient normalement retenir l’attention des critiques car elles proposent des versions tout à fait personnelles de pièces du répertoire. Comme par exemple la piste 7 « Der Zauberlehrling » de Ligeti jouée de façon rapide et crépitante, inédite à mon sens. Les Caprices de Ohana bénéficient quant à eux d’un son très pur qui tranche avec les enregistrements précédents (notamment la version de Jean-Claude Pennetier). Julien Blanc a d’ailleurs obtenu le prix Maurice Ohana au Concours d’Orléans en 2018. Bien sûr, mes pièces sont enregistrées en première et témoigneront de mon travail de compositeur ».

 

MUSIQUE POLYMORPHE
AU CARREFOUR DE LA POÉSIE
ET DE LA PEINTURE CONTEMPORAINE

« Au delà de la question musicale, j’ai pris la décision de créer une synergie très forte autour de ce projet et de la sortie du disque. Le livret propose de manière tout à fait originale une création contemporaine poétique. Celle-ci se substitue aux traditionnelles présentations musicologiques et introduit les pièces du disque. Elle est menée par cinq poètes affilés au groupe de L’Oulipo (fondé par Le Lionnais et Raymond Queneau). Nous avons eu le plaisir de travailler avec Jacques Jouet, membre emblématique du groupe depuis 1983. Notre travail trouvera donc un écho très fort au sein du monde de la poésie actuelle. 
Enfin, j’ai fait participer l’artiste plastique chinoise Shuxian Liang, dont les œuvres stochastiques de très grands formats trouvent une résonance dans ma musique. Avec elle, nous avons déterminé l’œuvre de son catalogue qui élargirait notre travail et nous l’avons intégrée de manière dialectique au visuel de la pochette (le jets noirs en arrière plan des photos portraits, la pochette du livret et l’intérieur du disque). La sortie trouvera donc un écho dans la monde de l’art contemporain également. 

En parallèle (…), j’ai enregistré trois podcasts avec des gagnants du premier prix du concours d’Orléans : Maroussia Gentet, Mikhaïl Bouzine et Toros Can ont chacun enregistré l’un de mes préludes (aussi enregistrés sur le disque) et en miroir le prélude originel. A cela s’ajoute une interview d’une quinzaine de minutes avec moi et le sociologue de l’art Arsène Caens » explique Pierre Sordeur.

Vidéos, d’une vingtaine de minutes au total, visionnables sur le site : https://cadrans.org/

 

 

PULSIONS
Concert / Lecture / Performance

TAC / Territoire Art et Création
4, rue Marie Laure
92 270 BOIS COLOMBES
Samedi 9 novembre 2024, 19h30
Entrée libre

Renseignements : 01 47 81 37 97
[email protected]

TAC / Territoire Art et Création
4, rue Marie Laure
92 270 BOIS COLOMBES

PLUS D’INFOS sur le site du TAC :
https://www.tac92.com/

 

Le concert performance entre parole et musique est le miroir du cd « Pulsions » dont le programme est né des conversations entre le pianiste Julien Blanc (lauréat du concours international d’Orléans) et le compositeur Pierre Stordeur (né en 1980)…

 

 

Programme (les pièces du cd PULSIONS)

PIERRE STORDEUR
Trois études pour piano – 1. Collisions 06:46
Trois études pour piano – 2. Masse 09:45
Trois études pour piano – 3. Pulsions 07:16
Trois Caprices – 1. Enterrar y callar 04:36
Trois Caprices – 2. Hommage à Luis Milan 03:57
Trois Caprices – 3. Paso 05:22
Études pour piano – 10. L’apprenti sorcier 02:18
Études pour piano – 11. En suspens 02:27
Études pour piano – 13. L’escalier du diable 05:13
Les Préludes d’après… – 1. L’exil (Chopin) 02:26
Les Préludes d’après… – 3. Constellations (Crumb) 02:29
Les Préludes d’après… – 2. Le miroir (Bach) 01:52
Trois Études op. 65 – 1. Allegro fantastico 03:13
Trois Études op. 65 – 2. Allegretto 01:52
Et aussi Maurice Ohana, György Ligeti, Alexandre Scriabine

 

Plus d’infos sur le sur le site du label NOWLANDS / Musique & sons d’aujourd’hui : https://www.nowlands.fr/
CD « Pulsions » :
Livret original conçu par Arsène Caens (poète et linguiste), avec la participation de Jacques Jouet (poète), Antoine Ouvrard (pianiste), Guillaume Marie (poète), Samuel Deshayes (poète) et Ewen Blain (illustrateur).

 

 

CRITIQUE, opéra. GENEVE, Grand-Théâtre, le 16 octobre 2024. MOZART : La Clémence de Titus. B. Richter, S. Farnocchia, M. Kataeva… Milo Rau / Tomáš Netopil.

On connaissait la Vénus de Milo… eh bien voici le Titus de Milo ! C’est l’étourdissant spectacle de La Clémence de Titus imaginé par l’homme de théâtre suisse Milo Rau, actuellement à l’affiche du Grand-Théâtre de Genève. L’homme de théâtre avait précédemment mis en scène, ici même en déc 2023, l’opéra tout aussi fort et militant « JUSTICE  » d’Hector Para. Malgré les chamboulements infligés à son opéra, Mozart résiste ! Sa musique apparaît plus belle que jamais, servie par un très bonne distribution d’où émerge la mezzo russe Maria Kataeva

 

 

 Le Titus de Milo

 

 Crédit photographique © Carole Parodi

 

Étourdissant spectacle, en effet ! Dérangeant et fascinant à la fois. On vous raconte… Au début, un représentant du personnel du théâtre prend la parole au micro, façon syndicaliste, en annonçant une grève. Sans qu’on ne lui demande rien, il commence à nous raconter sa vie personnelle jusqu’à ce que des personnages lui arrachent (fictivement!) son coeur. L’organe sanguinolent ainsi obtenu passera de mains en mains, d’un personnage à l’autre, tout au long de la soirée, comme une patate chaude. L’opéra commence alors… mais par la fin ! On entend d’abord l’air final de Titus pardonnant à Sextus d’avoir fomenté un attentat contre lui. 

Deux décors alternent : l’un d’un ghetto misérable où la police tabasse à tout va et où une statue de Mozart est détruite, l’autre d’un musée où les bourgeois admirent les tableaux représentant la misère du ghetto. Dans tout cela, Titus, d’empereur romain est devenu un peintre désabusé qui peint le malheur des autres sans leur tendre la main. « Kunst ist macht » (« L’art, c’est le pouvoir ») proclame une banderole. Milo Rau poursuit ici son œuvre de militant sociologique. A la fin du premier acte, Sextus tue Titus. Un coup de poignard et Titus est à terre ! Deuxième acte : après qu’un immigré soit venu nous raconter au micro que la guerre l’a chassé de son pays, l’opéra reprend. Et là, on imagine l’angoisse du metteur en scène : « Mince, j’ai tué Titus au premier acte, mais il a encore des airs à chanter ! Vite ressuscitons le ! » Il convoque alors une sorcière chamane qui lui redonne vie à Titus. Ouf, le spectacle est sauvé ! L’opéra peut reprendre… mais pas jusqu’à la fin puisque la fin a été entendue au début ! A la fin, à la place de Mozart, Milo Rau fera entendre des chants d’oiseaux. Peut-être est-ce cela, l’avenir du monde, au-delà de l’humanité…

On ne peut pas nier la force formidable de ce spectacle. C’est un spectacle d’un genre nouveau qui mélange opéra, théâtre, cinéma et télé. On y voit des scènes de violence et même une pendaison particulièrement réaliste. On voit deux beaux tableaux vivants reproduisant la « Liberté guidant le peuple » et du « Radeau de la Méduse ». On voit un écran sur lequel défilent des séquences filmées et… des commentaires du metteur en scène sur l’opéra de Mozart ! On y voit aussi des reportages sur… la vie personnelle des protagonistes du spectacle pendant que ceux-ci se produisent sur scène (leur vie familiale, leurs loisirs, leur travail, leur état d’âme, leurs maladies, etc… !)

Et pendant que ces biopics passent sur l’écran, les chanteurs chantent. Et chantent bien ! Nous l’avons déjà dit, Maria Kataeva se détache, dans le rôle de Sextus, avec sa voix ronde, musicale, bien équilibrée. Le ténor genevois Bernard Richter a belle allure dans son personnage d’empereur barbouilleur, avec une voix robuste, bien projetée, quelque peu tiraillée dans les aigus cependant. Serena Farnocchia a du caractère, une voix sonore, tranchante, un peu forcée par moments. On aime bien le timbre de Giuseppina Bridelli et on apprécie beaucoup les débuts de Yulia Zasimova, l’Ukrainienne issue du “Jeune ensemble de l’Opéra de Genève”.

Le Choeur du Grand-Théâtre de Genève et l’Orchestre de la Suisse Romande ne méritent que des éloges sous la direction du chef tchèque Tomas Nepotil. Grâce à eux, Mozart remonte dans toute sa splendeur sur le piédestal que Milo Rau, sans clémence, a brisé.

 

 

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CRITIQUE, opéra. GENEVE, Grand-Théâtre, le 16 octobre 2024. MOZART : La Clémence de Titus. B. Richter, S. Farnocchia, M. Kataeva… Milo Rau / Tomáš Netopil.

 

 

VIDÉO : Trailer de « La Clemenza di Tito » selon Milo Rau au Grand-Théâtre de Genève

 

CRITIQUE, concert. AMSTERDAM, Concertgebouw, le 11 octobre 2024. BACH / HAENDEL. Andreas Wolf (basse), Koninklijk Concertgebouworkest, Leonardo Garcia Alarcon (direction).

Un événement assez rare s’est produit dans la superbe Salle du Concertgebouw d’Amsterdam, ce vendredi 11 octobre 2024 : un concert complet de musique ancienne interprété par un orchestre moderne, à savoir l’excellent Orchestre Royal du Concertgebouw. Encore plus rare, à sa tête, un chef on-ne-peut-plus baroque : Leonardo Garcia Alarcon. Un échange fascinant qui en dit long sur les mondes (trop) séparés du baroque et des musiciens modernes. Ce n’est toutefois pas une rencontre puisque le chef argentin était déjà venu diriger (en 2022) Acis et Galatée de Haendel, dans sa version orchestrée par Mozart (pour le Baron Van Swieten).

 

Crédit photographique © François de Maleissy

 

Le programme concocté par Alarcon mélangeait les œuvres orchestrales de J. S Bach et G. F. Haendel, avec des airs extraits de Cantates à la manière des concerts donnés par Bach au fameux Café Zimmermann à partir de 1729. Alarcon explique dans le livret de salle vouloir prouver que Bach et Haendel ne sont pas si éloignés qu’on a tendance à le penser, et que Bach – bien au-delà du musicien d’église sérieux et luthérien – était, comme Haendel, également un bon vivant. Toutefois, ce souhait ne s’est pas ressenti sur la scène du Concertgebouw…

L’Ouverture et l’air (célèbre) de la Suite pour orchestre en Ré Majeur de Bach qui introduisent le programme sont joués de manière à la fois très belle et très sage. Les musiciens du Concertgebouw sont incontestablement exceptionnels sur le plan technique : le son est plein, égal, solide sans jamais être lourd (comme pouvaient l’être les orchestres des années 50 / 60). Alarcon dit lui-même que, lors de la production d’Acis et Galatée, un orchestre baroque ne lui manquait pas. Mais pour autant, l’ambiance de fête n’est pas au rendez-vous. La phalange amstellodamoise nous montre une très belle cohésion, et L.G. Alarcon semble s’amuser avec les couleurs, certainement inhabituelles pour lui, de cet orchestre merveilleux. Mais force est de constater qu’il en oublie un peu son discours…

Les deux airs de la Cantate BWV201, connue sous le nom de Cantate “de Pan et Phoebus”, sont interprétés par Andreas Wolf, qui souffre du même constat. Si belle soit l’acoustique de la mythique salle amstellodamoise, elle n’est pas vraiment adaptée à la voix. De sorte que, si beau que soit le timbre, la voix du baryton-basse allemand ne “passe” pas l’orchestre, et les deux instrumentistes solistes du premier air (une flûte et un hautbois) sont également fondus dans la masse des cordes. Excellent chanteur d’opéra, on sent le chanteur moins à l’aise dans le répertoire des Cantates, le nez dans sa partition, et manquant malheureusement de consonnes dans sa propre langue… Le deuxième air se fait plus dansant, délivré avec plus d’humour, ce qui rafraîchit nos oreilles avec délices.

La deuxième partie du concert fait entrer Haendel – et sa “Music for the royal fireworks”. L’orchestre se réveille, sa cohésion est soudain beaucoup plus adaptée, et l’on s’en donne à cœur joie ! Haendel tel qu’on aime l’entendre. Ferait-il moins peur aux musiciens de l’orchestre que la sainte figure de Bach ? Les spécificités de chaque mouvement de la Suite de Haendel sont parfaitement caractérisées et jouées avec toute la finesse propre à l’Orchestre Royal du Concertgebouw. S’il l’on relève quelques défauts dans le répertoire, les orchestres baroques devraient regarder de plus près la technique impeccable de ces musiciens.

Au final, un concert très intéressant, plein de surprises, où tous les enjeux n’ont pas été atteints, mais où on a pu entendre un son exceptionnel au service de la musique ancienne !

 

 

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CRITIQUE, concert. AMSTERDAM, Concertgebouw, le 11 octobre 2024. BACH / HAENDEL. Andreas Wolf (basse), Koninklijk Concertgebouworkest, Leonardo Garcia Alarcon (direction).

 

 

CD événement, annonce. CAMILLE ERLANGER : La Sorcière (1912), recréation, Choeur et Orchestre de la Haute École de Genève, Andreea Soare, Jean-François Borras… (3 cd b.records, 2023)

Orchestre flamboyant, d’une surexpresivité vénéneuse qui exhale un parfum passionnel continu, chant enivré aux couleurs d’un orientalisme capiteux, drame noir et post romantique, éminemment tragique voire violent, l’opéra de Camille Erlanger (1863 – 1919) : La Sorcière, créé à l’Opéra-Comique en déc 1912, a tout pour séduire voire enchanter l’auditeur. L’éditeur b.records est bien inspiré d’en éditer cet automne l’enregistrement live de déc 2023.

 

Le livret d’André Sardou suit sans en dénaturer la vérité criante la pièce de théâtre éponyme de Victorien Sardou, avec ses rebonds dramatiques et un équilibre ajusté entre duos d’amour, de plus en plus embrasés, tableaux collectifs, et machine politique (surtout religieuse) tout à fait glaçants : la foule y est insatiable et a soif de sang, comme de châtiment, et l’Inquisition fait son office : terrifier et brûler chaque hérétique, opposé à son idéologie.

Dans la Tolède de 1507, alors en pleine reconquista chrétienne, soit au sommet du fanatisme religieux, que peut l’amour partagé des deux amants magnifiques, Enrique, commandant des archers, et la sulfureuse et libre Zoraya dite « La Sorcière » ? Quand ces deux là se rencontrent, l’aimantation d’une passion amoureuse se réalise, contre le devoir et l’ordre socialo-religieux ; leur force, leur droiture dans l’accomplissement des sentiments éprouvés l’un pour l’autre, dépasse toute convenance ; leur sort est désormais scellé et seule la mort saura à la fois les unir et les accomplir.

 

 

Guillaume Tourniaire réussit la récréation de La Sorcière d’Erlanger

Flamboyance amoureuse et tragique
de Zoraya et d’Enrique

Erlanger et Sardou offrent en 1912 un portrait littéralement flamboyant d’une passion qui outrepasse les conflits politico religieux ; en cela séditieuse et dangereuse ; libertaire et puissante, donc éminemment condamnable. Sous la direction très inspirée du chef Guillaume Tourniaire, les effectifs requis (Choeur et Orchestre de la Haute École de Genève) accomplissent un véritable miracle sonore qui rend justice à une partition aux multiples qualités : dramatiques, musicales, poétiques… wagnériennes, car Erlanger sait construire l’architecture musicale à partir de thèmes et motifs conducteurs très habilement développés et réitérés dont il produit une soie orchestrale somptueuse et opulente. Dans les deux rôles protagonistes, la soprano au timbre tendre et claire Andreea Soare (La Sorcière) et Jean-François Borras (Don Enrique) expriment avec justesse la tendresse enivrée, hallucinée de ses deux héros passionnels qui ont la force et la sincérité des grands héros de l’opéra comme du théâtre romantique : Roméo et Juliette, Tristan und Ysolde, Radamès et Aida…

 

Cette résurrection de La Sorcière, jamais reprise depuis sa création en 1912, comme le Samson de Joachim Raff, ressuscité par les éditions Schweiser Fonogramm, également à l’automne 2024, fixe le concert donné au Victoria Hall de Genève le 12 décembre 2023 réunissant alors les 24 rôles et l’Orchestre et le Chœur de la Haute Ecole de Musique de Genève. Le chef Guillaume Tourniaire rencontré lors des Pêcheurs de Perles à l’Opéra de Saint-Étienne (fév 2023), et qui à l’automne 2023, dirigeait L’Aube rouge (du même Erlanger) au Wexford Festival Opera (WFO), avec déjà Andreea Soare, confirme sa forte appétence pour l’opéra français, romantique et post romantique. Une maîtrise indiscutable qui a fait la réussite de son précédent enregistrement lyrique chez b.records, ASCANIO, opéra révélé de Saint-Saëns, également CLIC de CLASSIQUENEWS (oct 2018). – Prochaine critique de La Sorcière de Camille Erlanger – coffret de 3 cd Live, à suivre sur CLASSIQUENEWS.

 

 

TEASER VIDÉO La Sorcière de Camille Erlanger (1912) / Guillaume Tourniaire (3 cd B.records)

 

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CRITIQUE, danse. NICE, Théâtre de l’Opéra, le 15 octobre 2024. Coppélia : Delibes / chorégraphie : Éric Vu an. Ballet Nice Méditerranée, Orchestre Philharmonique de Nice, Léonard Ganvert (direction)

Ce soir marque un grand moment pour les danseurs du Ballet Nice Méditerranée… C’est la dernière après 4 dates précédentes où la Compagnie niçoise, au grand complet, rend hommage à son directeur de la danse et chorégraphe depuis 15 ans, Eric Vu An, lequel s’est éteint le 8 juin dernier. L’Opéra de Nice et Bertrand Rossi, son directeur général, sont bien inspirés d’afficher l’un des ballets que le danseur et directeur de la danse a chorégraphié (dès 2015) : un sommet romantique, l’inusable Coppélia [1870], emblème spectaculaire de la danse française à la fin du Second Empire.

Coppélia par le Ballet Nice Méditerranée à l’Opéra de Nice © Dominique Jaussein

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La production est même devenue une œuvre phare du Ballet niçois car les spectateurs l’ont déjà vue entre autres, en décembre 2022 (avec 8 dates alors pour les fêtes de fin d’année). La dernière d’une production est toujours plus émouvante car l’expérience semble plus irréversible encore que de coutume : l’évidence que l’on ne verra pas de sitôt tel accomplissement dansé, s’impose au spectateur en cours de représentation ; ce constat lui fait regretter que l’action se réalise aussi vite…

 

LA FINESSE D’UN CONTEUR… Comme Noureev revitalise les piliers du répertoire romantique, n’hésitant pas à équilibrer les rôles solistes masculins et féminins, comme à renforcer le réalisme du Corps de ballet, Eric Vu An enrichit lui aussi l’ouvrage transmis par Charles Nuitter et Arthur Saint-Léon, mis en musique par Delibes (créé en mai 1870 à l’Opéra de Paris).
Il sait en ré éclairer l’action avec la finesse d’un conteur, inventant 1001 détails qui renforcent la poésie voire ré enchantent la portée du conte : de la nouvelle fantastique inspirée de ETA Hoffman [L’homme au sable] quasi contemporaine du Frankenstein de Mary Shelley, Eric Vu An souligne moins le terrifique et le surnaturel que la tendresse et l’intelligence du génie féminin, mais avec beaucoup d’élégance et de légèreté, incarné par le personnage central de Swanilda, pleine d’astuces et déterminée à reconquérir le cœur de son fiancé, le beau et volage Frantz. Même fiancé, Frantz n’a d’yeux que pour la beauté mystérieuse et impassible qui s’expose à la fenêtre de la maison de Coppelius.

 

UN BALLET QUI A COMME SUJET, LA DANSE ELLE MÊME… Y triomphe surtout la beauté troublante de la danse elle-même qui est le sujet même de l’acte II dans l’atelier des automates du paternel et un peu grotesque Coppelius ; le chorégraphe se joue des niveaux narratifs simultanés en particulier quand Swanilda, vraie danseuse, actrice de son destin [quand Frantz se soumet hypnotisé), prenant la place de la poupée idéale, trompe son monde, en particulier l’inventeur Coppelius qui pense ainsi donner vie à son automate. Le tableau est le plus significatif du ballet, également emblématique de cet humour si subtilement présent, d’une fantaisie qui tisse à propos une seconde action, complémentaire de l’action principale ; ainsi la personnalité des 6 danseuses qui accompagnent Swanilda dans son périple de reconquête.
Ce qui oppose la machine à l’homme est assurément ce supplément émotionnel, qu’on le nomme âme ou amour. Valeurs et qualités distinctives que personnifie Swanilda dans cette chorégraphie lumineuse et terriblement attachante.

 

Reprise hommage à l’Opéra de Nice
L’inusable et féerique Coppélia d’Éric Vu An

 

RÉALISME FOLKLORIQUE… L’activité continue en second plan qui anime le corps de ballet en fond de scène renforce la vérité des tableaux collectifs, d’autant que la musique, du meilleur Delibes, indique fortement la tentation de réalisme folklorique, dans les thèmes musicaux et aussi dans la danse de caractère qui rend toute la première partie active, contrastée, très vivante, ancrée dans une campagne très Europe Centrale. Le pittoresque, le rustique élaboré inspirent Delibes qui tisse l’une des musiques de ballet parmi les plus enivrantes, au symphonisme assumé, au colorisme décuplé souvent flamboyant.

Dès l’ouverture, l’Orchestre Philharmonique de Nice sonne somptueux et détaillé, grâce à la direction précise et sans épaisseur du chef Léonard Ganvert qui pour avoir précédemment dirigé le spectacle, connaît la partition plus que tout autre. D’un bout à l’autre, il trouve un point d’équilibre entre élégance et caractère, flamboyance et entrain parfois martial d’un orchestre gorgé d’énergie conquérante. Qualités doubles et complémentaires qui fondent la grande séduction de la partition conçue par Delibes en 1870.

La chorégraphie d’Éric Vu An exploite avec beaucoup d’intelligence les ressources de la pantomime, sachant jouer sur le registre de l’humour et de la finesse, telles les 6 ballerines qui accompagnent Swanilda, comme indiqué précédemment. Elle prend appui sur la vitalité constante de la musique qui relance toujours l’action et les contrastes entre les séquences dansées.

Ce soir le couple protagoniste est incarné par deux excellents solistes Ekaterina Oleynik (Swanilda) et Luis Valle (Frantz).  L’acte II dans l’antre du magicien est le plus captivant car il développe la figure de la poupée magnifiquement campée incarnée par Swanilda et surtout le personnage de Coppelius, dans la caractérisation d’Eric Vu An qui ainsi s’est réservé un rôle au profil finement dessiné : il exprime en particulier, avec justesse, l’admiration du scientifique épris et ravi par sa propre créature,  [Pygmalion romantique en quelque sorte], d’autant plus émouvant qu’il est trompé lui-même (impeccable Shigeyuki Kondo et son allure de vétéran à la fois tyrannique et ému).

Le vrai sujet est l’astuce de la jeune fille qui rétablit dans ce monde d’hommes qui s’égarent en fantasmant sur une poupée idéale, la vraie place des femmes. Sujet ô combien actuel et qui tout en sachant séduire, dénonce la phallocratie de la société du Second Empire, son regard dominateur et manipulateur sur le corps et l’esprit de la femme. La scène où Swanilda qui feint d’être Coppélia s’animant miraculeusement, est à ce titre toujours aussi spectaculaire et ce soir très juste. Actrice d’une magie supposée et parfaite dominatrice dans ce jeu de dupes…

Le dernier tableau développe les danses folkloriques qui met en avant le Corps de ballet dans une apothéose collective qui célèbre le triomphe de l’amour. Tout prépare au duo musicalement voluptueux et toujours plein de finesse du couple enfin réuni, de Frantz et de Swanilda, que la chorégraphie d’Éric Vu An inscrit là encore, dans la finesse et l’élégance, comme un songe amoureux suspendu. depuis son début, les danseurs du Ballet Nice Méditerranée se montrent à la hauteur d’une partition aussi exigeante et ambitieuse.

En fin de spectacle, après les premiers saluts, des cintres descend un immense et superbe portait noir et blanc d’Eric Vu An, incarnation de la grâce, à qui un hommage post mortem est rendu, lui qui aura dirigé pendant 15 ans le Ballet Nice Méditerranée pour l’accompagner au niveau que l’on constate ce soir. Spectacle aussi magistral qu’émouvant.

 

Coppélia par le Ballet Nice Méditerranée à l’Opéra de Nice © Dominique Jaussein

 

 

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CRITIQUE, danse. OPÉRA DE NICE, le 15 octobre 2024. Coppélia : Delibes / chorégraphie : Éric Vu an. Ballet Nice Méditerranée, Orchestre Philharmonique de Nice, Léonard Ganvert (direction).

CRITIQUE, festival. 4ème Festival International de Musique de BRAGANCE (Portugal), Théâtre municipal de Bragance, le 12 octobre 2024. VIVALDI : Concertos et Ouvertures. I Solisti Veneti / Giuliano CARELLA (direction).

Après le succès rencontré par son concert d’ouverture (le 1er octobre dernier), dans cette même salle du Théâtre Municipal de Bragance, la 4ème édition du Festival International de Musique de Bragance (Bragança ClassicFest) s’est achevée (le 12 octobre) par un autre retentissant triomphe – et c’est une salle archi-remplie qui s’est levée comme un seul homme à l’issue du concert donné par les fameux “I Solisti Veneti”, pour une soirée entièrement consacrée au “Prete rosso”, alias Antonio Vivaldi !

 

Crédit photographique © Andreia Carvalho

 

Fondée en 1959 par Claudio Scimone (décédé en 2019), la phalange vénitienne a été reprise par le chef véronais Giuliano Carella, qui est bien sûr à leur tête ce soir, avec les fidèles Luciano Dugani comme violon solo et Giuseppe Barrutti comme violoncelliste solo (ils auront droit chacun à un concerto dédié à leur instrument dans la vaste littérature vivaldienne pour violon et violoncelle…).

Le concert débute cependant par un Concerto rassemblant tout l’orchestre (pour cordes sans solistes..), le fameux “Alla rustica” (RV 151), nommé ainsi en raison de son côté quelque peu “râpeux” et “terrien”, dans lequel la phalange vénitienne montre toute l’étendue de sa profondeur et virtuosité. Deux qualités que l’on peut aisément goûter également dans les deux Ouvertures d’opéra qui sont interprétées ce soir, celle de “L’Olimpiade” et de “Arsilda, Regina di Ponto”, qui ravissent par leur entrain ou la générosité de ses sons, mais également une profonde musicalité due à la sensibilité à fleur de peau que l’on connaît de la part de Maestro Carella. 

Les deux solistes ont de leur côté l’occasion de briller ou d’émouvoir dans les deux concertos qui leur sont dévolus, le RV 419 pour le violoncelliste et le RV 208 – dit “Grosso Mogul” – pour le violoniste ; un surnom qui reste encore un peu mystérieux même s’il semble qu’on l’ait ainsi désigné pour rendre hommage à sa brillance, pareille à celle du diamant “Il Grosso Mogul”, découvert au XVIIe siècle et qui pesait, paraît-il, 280 carats (et dont le grand J.S Bach n’oubliera pas d’en faire une somptueuse transcription pour l’orgue : le Concerto BWV 594) ! Il y a quelque chose de magique dans cette œuvre où le soliste (Luciano Dugani) doit se montrer héroïque, en affrontant mille et une difficultés d’exécution au service d’une complète liberté et d’une fantaisie complètement assumée. Le mouvement central en forme de récitatif nous porte loin dans des tonalités éloignées et des élans proches de la musique tzigane. Le long finale n’en finit pas d’offrir des multitudes de guirlandes printanières et crépitantes. Quant à son collègue Giuseppe Barrutti, au violoncelle, il rend bien les contrastes du concerto qui lui est dévolu, c’est-à-dire éblouissant dans les passages virtuoses dont il semble se jouer, mais aussi capable d’une grande retenue dans les passages plus lents ou expressifs. Il a un vrai sens de la danse, si important dans les ouvrages de Vivaldi, et du dialogue avec l’ensemble musical. On a souvent l’impression que la musique sort de lui pour passer directement dans son instrument, et cela séduit grandement le public lusitanien qui manifeste, comme nous l’avons déjà écrit, avec beaucoup de ferveur son enthousiasme… récompensé par 3 bis : La Fugue en Ré mineur de Corelli, un autre mouvement des multiples concertos de Vivaldi, et enfin une superbe Fugue due à la plume du très vénitien Tomaso Albinoni !

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CRITIQUE, festival. 4ème Festival International de Musique de BRAGANCE, Théâtre municipal, le 12 octobre 2024. VIVALDI : Concertos et Ouvertures. I Solisti Veneti / Giuliano CARELLA (direction). Photos © Andreia Carvalho

 

VIDEO : Giuliano Carella dirige « I Solisti Veniti » (en concert à Padoue) 

 

 

ENTRETIEN avec Éric BLANC DE LA NAULTE, directeur général et artistique de l’Opéra de Saint-Étienne, à propos de la nouvelle saison 2024-2025

Lieu de vie, accessible à tous, – stéphanois, métropolitains, ligériens -, l’Opéra de Saint-Étienne ouvre grand ses portes pour cette nouvelle saison 2024 – 2025. Son slogan « La scène est tienne » souligne cette identité généreuse et accueillante ; Éric Blanc de la Naulte, directeur général et artistique de la Maison stéphanoise, présente les fondamentaux d’une saison riche et accessible où chacun peut faire l’expérience inoubliable du spectacle vivant, quel que soit le genre qui le passionne : opéra, danse, symphonique, récital, musique de chambre, jazz et accordéon, théâtre musical, spectacles Jeunes publics… La musique française et bien sûr Massenet dont il porte le nom, s’invite dans ce grand tour prometteur : avec deux opéras hexagonaux, Thaïs de Massenet et Samson et Dalila de Saint-Saëns, aux côtés de Mozart, Mascagni, Leoncavallo…

Portrait grand format Éric Blanc de la Naulte © Denis Meynard

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CLASSIQUENEWS : Quelle est la couleur générale de cette nouvelle saison ?

ERIC BLANC DE LA NAULTE : Comme chaque saison, notre action n’a qu’un seul objectif : démontrer que l’opéra est populaire ; qu’il s’adresse à tous et qu’il est pour tous ; l’accès y est facile, la programmation, ouverte et diversifiée. Notre slogan (avec un jeu de mot savoureux dont je remercie notre agence de communication de nous l’avoir proposé) : « La scène est tienne », s’adresse directement à chaque stéphanois ; l’opéra vous concerne ; il est fait pour chacun de vous.
La programmation de cette saison le montre clairement, elle intègre des œuvres phares du répertoire, des titres porteurs qui parlent à tous, mais aussi des œuvres moins immédiatement repérées ou connues. Nous souhaitons à la fois présenter les œuvres attendues, complétées par des découvertes. C’est comme dans un tour de chant : les spectateurs aiment retrouver leur vedette favorite et chanter avec lui / elle, les tubes que tout le monde connaît, et aussi se laisser surprendre par ses titres moins connus.

 

CLASSIQUENEWS : Comment renforcez-vous la proximité avec le public ?

ERIC BLANC DE LA NAULTE : Sur le plan tarifaire, nous sommes le théâtre lyrique le moins cher de France, c’est à dire précisément, s’agissant des meilleures places, au centre de la grande salle, le fauteuil n’excède pas 62 euros, soit une offre qui descend jusqu’à 5 euros la place pour les étudiants. Comparé aux spectacles du Zénith, l’opéra apparaît comme une « sortie » raisonnable et tout à fait accessible.

« … nous sommes le théâtre lyrique
le moins cher de France… »

Sur le plan de la programmation, je veille à l’équilibre entre découvertes (ou œuvres moins connues) et « gros titres » ; en cela je réponds à la demande et aux attentes de notre public. Dans ce sens il était important de finir la saison dernière 2023-2024 avec La Bohème de Puccini ; comme il est important pour cette nouvelle saison 2024 – 2025 de conclure avec l’Enlèvement au Sérail de Mozart. Il demeure essentiel de programmer les œuvres piliers du répertoire ; d’autant plus cette année où nous présentons des opéras déjà joués et connus des spectateurs : Thaïs, Le Messie, Cavalleria Rusticana (couplé avec I Pagliacci), Samson et Dalila, L’Enlèvement au sérail… Même dans le cas des ouvrages moins connus que nous avons recréés ici même comme Lancelot ou Dante, le sujet, l’histoire et les personnages parlent aux spectateurs. Pour ma part, il est essentiel de proposer ainsi des clés d’entrée à notre public ; des repères dans la programmation qui suscitent l’adhésion et l’envie de venir, puis de découvrir à leurs côtés, les autres spectacles moins immédiatement repérés.

Nous proposons cette année 5 spectacles lyriques dont 3 nouvelles productions. J’insiste sur cet aspect car il s’agit pour chacun d’un regard nouveau sur l’ouvrage en question, et dans une nouvelle réalisation aussi, de surcroît « maison », puisque décors et costumes sont fabriqués ici même, dans les ateliers de l’Opéra de Saint-Étienne.

 

CLASSIQUENEWS : Quels sont les éléments que vous prolongez de saison et saison ?

ERIC BLANC DE LA NAULTE : Nous poursuivons notre défense de la musique française ; c’est même l’ADN de notre maison. Le Grand Théâtre porte le nom de Jules Massenet… ce n’est pas pour rien. J’en veux pour preuve le cycle qui s’est écoulé sur plusieurs années et qui a permis de produire la quasi intégralité de ses opéras. De la même façon, nous veillons aussi à engager les artistes français ; ce dans tous les genres ; évidemment pour notre offre lyrique (cette année Thaïs de Massenet, Samson et Dalila de Saint-Saëns), mais cela est valable pour nos concerts symphoniques, pour les récitals de piano, la musique de chambre…

Nous poursuivons également une collaboration particulièrement fructueuse avec nos 2 ensembles en résidence : l’Ensemble Orchestral Contemporain (EOC) et Canticum Novum. Leur travail permet d’élargir encore notre offre en terme de musique contemporaine, de création et de musique ancienne. Nous leur offrons une carte blanche, leur laissant toute liberté dans les choix artistiques. Parmi les temps forts de l’EOC, le concert du 10 décembre (« Dérives ») en hommage à Pierre Boulez que le chef Daniel Kawka, qui en fut le directeur musical, a particulièrement joué…
En février, nous proposons un ciné concert « surréaliste » , sosu a direction de Bruno Mantovani, son actuel directeur musical, avec la participation des élèves du Conservatoire Jules Massenet (1er avril 2025)… De son côté, Canticum Novum, présente en déc, un nouveau programme pour les 25 ans des Rencontres Musicales interculturelles (« Oyat – Arbre de vie », le 19 déc) ; puis une création en avril sur le thème de la métamorphose et de l’envol…(« Envol(s) – Métamorphose, création 2025, le 17 avril 2025).

 

CLASSIQUENEWS : Y-a-t-il des nouveautés ou de nouvelles expériences musicales ?

ERIC BLANC DE LA NAULTE : La venue de la production de ce Samson et Dalila (9, 11, 13 mai 2025) en provenance de Kiel (Allemagne) est en soi un événement (mise en scène : Immo Karaman / direction : Guillaume Tourniaire).
Dans le genre symphonique, nous aimons mêler les genres ; ainsi en ouverture, le nouveau programme «  Un soir à Buenos Aires », concocté par Richard Galliano avec son confrère accordéoniste Félicien Brut (récemment mis à l’honneur lors des cérémonies olympiques), le 28 septembre prochain ; sans omettre Le songe d’une nuit d’été avec Lambert Wilson en récitant (en fin de saison, le 24 juin 2025). En janvier, nous affichons un spectacle tout aussi prometteur « Wonderfull World » (23 janvier 2025) par le Quintette de l’Orchestre de Paris, textes de Julie Depardieu et les images d’Yann Arthus-Bertrand (avec le violoncelliste Christian-Pierre La Marca)…
Nous pouvons aussi évoquer le concert Vivaldi qui évoque Venise (« Vivaldi, l’âge d’or », Le Concert idéal / Marianne Piketty, le 8 janvier 2025) ; ou celui intitulé « Saveurs cuivrées » car il s’agit d’une formation rare à 5 instrumentistes (le quintette de cuivres de l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire, le 14 janvier 2025)… Vous voyez, dans le cas de Lambert Wilson, Julie Depardieu, Vivaldi… voici des « clés d’entrée » compréhensibles par un très large public.

 

CLASSIQUENEWS : Malgré la crise internationale, et les tensions budgétaires qui pèsent sur l’activité des maisons d’opéras, quelle est la situation de l’Opéra de Saint-Étienne ?

ERIC BLANC DE LA NAULTE : Nous sommes évidemment concernés par la crise ; vous pensez bien que chauffer 36 000 m2 représente un coût important, d’autant plus depuis l’augmentation du prix de l’énergie. Fort heureusement nous sommes soutenu par la Ville ; ce qui permet de proposer aux stéphanois et aux habitants du territoire, une saison honorable avec cette saison 5 opéras, 5 concerts dont 1 avec chœur, et 7 ballet, 13 concerts de musique… Sans omettre nos spectacles Jeune Public, notamment les matinées scolaires sur les ballets ou les concerts symphoniques, et une série de spectacles Jeunes publics (une cinquantaine par saison). D’une façon générale, nous devons concilier contraintes budgétaires et richesse de l’offre artistique. Outre la programmation proprement dite, nous réalisons aussi de très nombreuses actions dans les maisons d’arrêts, dans les crèches, dans les écoles, les hôpitaux… auprès des publics empêchés.

J’aimerai aussi souligner notre offre en matière de danse. Pas moins de 7 spectacles pour cette saison 2024 – 2025. Il y a un vrai public pour le ballet : chacun de nos spectacles fait le plein. Notre programmation semble être reconnue sur tout le territoire ligérien, pour sa richesse, son éclectisme, la grande diversité des styles chorégraphiques : nous accueillons cette saison, et pour la 3è fois, le chorégraphe Mourad Merzouki (« Phénix », en clôture de saison les 5 et 6 juin 2025) ; ce sont ainsi le Groupe Grenade et Josette Baïz qui fait danser et avec quelle sensibilité, enfants et les ados (ouverture de saison avec « Demain, c’est loin ! », le 5 oct) ; « Ukiyo-e » le nouveau ballet de Sidi Larbi Cherkaoui pour 22 danseurs (inspiré par le monde flottant japonais d’où son titre) en provenance du Grand Théâtre Genève : le spectacle est d’autant plus prometteur qu’il réunit aux côtés des danseurs, des musiciens sur scène (18 déc) ; bien sûr le Malandain Ballet Biarritz dont notre public sait qu’il va chaque saison, découvrir la nouvelle production (« Mosaïque », le 16 janvier 2025) ; nous accueillons aussi le dernier spectacle de Christophe Garcia, d’après les « Nuits d’été » de Berlioz…(4 fév 2025) ; l’étonnante « Alice » par la compagnie taiwanaise B.DANCE (27 mars 2025) et « Giselle(s) par Le Théâtre du corps de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault, ballet contemporain de 2023 pour 17 danseurs, relecture contemporaine du mythe romantique où Marie-Claude Pietragalla incarne la reine des Willis (10 avril 2025)…

 

Propos recueillis en septembre 2024

 

 

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5 temps forts lyriques de la saison 2024 – 2025
de l’Opéra de Saint-Étienne

 

Thaïs (15, 17, 19 nov 2024)
Nous continuons de célébrer l’enfant du pays Jules Massenet. La mise en scène est signée Pierre-Emmanuel Rousseau qui avait précédemment proposé un superbe Barbier de Séville. Nous accueillons pour la première fois le chef Victorien Vanoosten et autre argument de choc, les spectateurs retrouvent Ruth Iniesta dans le rôle-titre de Thaïs. La soprano nous avait particulièrement éblouis en 2022 dans La Traviata de Verdi. A ses côtés, Jérôme Boutillier chante Athanaël. INFOS sur le site de l’Opéra de Saint-Étienne / Grand Théâtre Massenet : https://opera.saint-etienne.fr/otse/saison-24-25-1/spectacles//type-lyrique/thais/s-796/

 

 

Le Messie (11 février 2025)
L’Opéra de Saint-Étienne propose la version de Wolfgang Amadeus Mozart qui la découvre en 1777 à Mannheim, réorchestrant la partition avec ajout des hautbois, flûtes, cors et trombones… C’est un défi pour l’Orchestre et le Choeur de l’Opéra de Saint-Étienne, opportunément dirigé par le ténor et chef britannique Paul Agnew, co directeur des Arts Florissants et grand spécialiste de Haendel. Avec parmi les solistes, entre autres, le ténor français Enguerrand de Hys… INFOS sur le site de l’Opéra de Saint-Étienne / Grand Théâtre Massenet : https://opera.saint-etienne.fr/otse/saison-24-25-1/spectacles//type-lyrique/le-messie/s-797/

 

 

Samson et Dalila (9, 11, 13 mai 2025)
Créée à Weimar en 1877, l’ouvrage n’a été représenté en France qu’en 1890. Le public retrouve pour cette production en provenance de Kiel (Allemagne) le chef Guillaume Tourniaire (qui la saison dernière avait dirigé Les Pêcheurs de perles de Bizet). La distribution est très prometteuse là encore avec le Samson de Florian Laconi, la Dalila de Marie Gautrot, le Grand Prêtre de Dagon d’Armando Noguera (Mise en scène : Immo Karaman). L’importance du chœur mettra en avant les qualités de notre choeur maison : le Chœur lyrique Saint-Étienne Loire (direction : Laurent Touche). INFOS sur le site de l’Opéra de Saint-Étienne / Grand Théâtre Massenet : https://opera.saint-etienne.fr/otse/saison-24-25-1/spectacles//type-lyrique/samson-et-dalila/s-800/

 

 

Cavalleria Rusticana / I Pagliacci (9, 11, 13 mars 2025)
Nous avions dès 2020 programmé cette production… qui devait être représentée jusqu’à ce que l’épidémie de covid interdise toute performance publique. Je me souviens encore du moment où les artistes étaient en pleine générale… quand l’interdiction est tombée. La production est donc d’autant plus attendue : elle a été créée à l’Opéra de Metz. Les Stéphanois ont découvert le travail du metteur en scène Nicola Berloffa dans au moins deux spectacles précédents : Hamlet et Les Contes d’Hoffmann. Avec Julie Robard-Gendre (Santuzza / Cavalleria Rusticana) et le ténor Tadeusz Szlenkier (Turiddu/ Cavalleria Rusticana et Canio / I Pagliacci)… INFOS sur le site de l’Opéra de Saint-Étienne / Grand Théâtre Massenet : https://opera.saint-etienne.fr/otse/saison-24-25-1/spectacles//type-lyrique/cavalleria-rusticana-i-pagliacci/s-799/

 

 

L’Enlèvement au Sérail (13, 15, 17 juin 2025)
Nous clôturons notre saison avec Mozart dirigé par notre directeur musical Giuseppe Grazioli. La mise en scène est signée Jean-Christophe Mast qui avait présenté son Nabucco ici même en 2016. Ruth Iniesta qui ouvrait la saison lyrique en Thaïs, revient ainsi en… Konstanze. L’opéra est chanté en allemand avec les dialogues en français. INFOS sur le site de l’Opéra de Saint-Étienne / Grand Théâtre Massenet : https://opera.saint-etienne.fr/otse/saison-24-25-1/spectacles//type-lyrique/l-enlevement-au-serail/s-801/

 

 

 

 

 

 

TOUTES LES INFOS, le détail des programmes, les artistes invités, les ensembles en résidence sur le site de l’Opéra de Saint-Étienne, Grand Théâtre Massenet, saison 2024 – 2025 : https://opera.saint-etienne.fr/otse/saison-24-25-1/spectacles//type-lyrique/le-messie/s-797/

 

Téléchargez et découvrez ici la BROCHURE de l’Opéra de Saint-Étienne / Grand Théâtre Massenet, saison 2024 – 2025 : https://drive.google.com/file/d/1KogyFqys6pf_E5oQ6jiZm7P7pNFayY7X/view

 

 

 

 

présentation saison 2024 – 2025

LIRE aussi notre présentation de la nouvelle saison 2024 – 2025 de l’Opéra de Saint Étienne / Grand Théâtre Massenet : https://www.classiquenews.com/opera-de-saint-etienne-nouvelle-saison-2024-2025-la-scene-est-tienne-temps-forts-et-productions-maison-thais-cavalleria-rusticana-i-pagliacci-lenle/

 

OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE. Nouvelle saison 2024 – 2025 : « La Scène est tienne ! »… Temps forts et productions maison (Thaïs, Cavalleria Rusticana / I Pagliacci, L’Enlèvement au Sérail, Samson et Dalila…), Créations (Un soir à Buenos Aires / Richard Galliano, Canticum Novum…), événements et rendez-vous publics…

 

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ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN. PARIS, ven 8 nov 2024. Rebecca SAUNDERS : Skin / Scar / Skull (création française), Pierre Bleuse (direction)

L’Ensemble intercontemporain propose un nouveau portrait musical, occasion unique de s’immerger dans l’imaginaire, la quête et le geste d’une auteure Rebecca Saunders (née en 1967). Inlassablement, la compositrice britannique (installée à Berlin) aborde la thématique du corps, de la voix, de la peau dont elle déduit une langue musicale spécifique. En a découlé récemment, son triptyque Skin (2016), Scar  (2019), Skull  (2023), ici joué dans son intégralité : Rebecca Saunders y déploie cette fascination intime, créative qui interroge « la qualité physique et oragnique du son », tout en révélant « l’impact physique et charnel que la musique peut exercer sur l’auditeur ».

Photo portrait grand format : Rebecca Saunders © Camille Blake

 

A propos de « Skin », pour soprano et 13 instruments, composée en 2015-2016 (durée circa 25 mn), Rebecca Saunders écrit « J’ai été frappée par l’enregistrement d’une des premières productions de la pièce télévisuelle de Samuel Beckett, Ghost Trio (« le Trio des Esprits », écrite en 1975 et diffusée pour la première fois en 1977), et ce texte, dit par le narrateur à l’acte I, a été le catalyseur premier de cette partition : « …this is the room’s essence not being / now look closer / mere dust / dust is the skin of a room / history is a skin / the older it gets the more impressions are left on its surface / look again… ». Le texte principal de Skin est de ma plume, il s’est graduellement matérialisé au cours du long processus compositionnel, et a été partiellement nourri par les sessions de travail collaboratif avec la chanteuse Juliet Fraser. Un passage d’Ulysse de James Joyce, extrait du monologue de Molly Bloom, est également cité dans la partition.

Il s’agit de réaliser « l’extraction des sons en deçà de la surface du silence ». L’écriture invite à une géographie psychique, une géographie mouvante que convoque un parcours puissant et personnel, de la cicatrice (Scar) qui  « s’inscrit sur la surface de la peau (Skin) », au « trauma de la blessure ». Le crâne (Skull) referme le triptyque comme une apothéose spectaculaire car il renvoie à « la tête sans son enveloppe charnelle », l’état du squelette sans chair ni muscle, où c’est « l’esprit qui a quitté le corps »…
L’Ensemble Intercontemporain a déjà abordé l’œuvre de Rebecca Saunders dont il a créé en France, « Wound » (en juin 2023) avec la National de France (partition avatar d’après « Scar »)… Et dès 2019, l’EIC jouait « Scar » qui saisit l’auditeur par sa palette sonore, timbrale. La recherche de la compositrice propose une immersion profonde sur et sous la surface du son, dans sa chair sonore ainsi révélée, à la fois miroitante et mystérieuse, tendue et hypnotique, étrange et mouvante… / Photo portrait ci dessus : Rebecca Saunders © Camille Blake.

 

Pierre Bleuse , directeur musical de l’Ensemble intercontemporain, s’exprime sur les champs onriques et musicaux de Rebecca Saunders: … « S’agissant de REBECCA SAUNDERSje connais sa musique depuis plus longtemps encore. Ce qui me fascine c’est son rapport à la voix, son travail particulier sur le chant. Également son univers et son imagination qui sont très poétiques. Pour l’interprète et le chef que je suis, il y a une infinité de possibilités pour en exprimer la texture ; l’écriture permet une variété immense d’accents, d’articulations ; tout un champs dynamique d’une infinie subtilité, cela dans une séquence très courte «  > Portrait REBECCA SAUNDERS, ven 8 nov 2024 : https://www.ensembleintercontemporain.com/fr/concert/skin-skar-skull-2024-11-08-20h00-paris/

 

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SKIN / SCAR / SKULL – Portrait Rebecca Saunders
VENDREDI 08 NOVEMBRE 2024, 20h
PARIS, Cité de la musique – Salle des concerts

RÉSERVEZ vos places directement sur le site de l’Ensemble intercontemporain : https://www.ensembleintercontemporain.com/fr/concert/skin-skar-skull-2024-11-08-20h00-paris/

 

DISTRIBUTION
Juliet Fraser, soprano
Ensemble intercontemporain
Pierre Bleuse, direction
Julien Aléonard, ingénieur du son

Avant-concert à 18h45 : rencontre avec Rebecca Saunders, compositrice
Amphithéâtre, Cité de la musique 
Entrée libre

 

 

PROGRAMME
Rebecca SAUNDERS
Skin / peau, pour soprano et treize instruments
Scar / cicatrice, pour quinze solistes et chef d’orchestre
Skull / crâne, pour quatorze instruments et chef d’orchestre
Création française

Tarif : 20€

 

VIDÉO : Pierre Bleuse présente l’intérêt du triptyque SKIN / SCAR / SKUR

 

 

 

VIDÉO Rebecca SAUNDERS : SKULL (2023)

 

 

VIDÉO Rebecca Saunders : MOUTH (2020) avec Juliet Fraser

CRITIQUE CD. CORINNE KLOSKA, piano. Brahms (7 fantaisies), Schumann (Humoreske) – [1 cd Soupir éditions, 2020, 2022]

La prééminence chronologique voudrait que l’on écoute d’abord Schumann puis Brahms, ce dernier étant le disciple admiratif du premier. Mais écouter ainsi les 7 fantaisies [1892] de Johannes puis Humoreske de Schumann dans un continuité sonore aboutie relève d’un parcours très juste, où la finesse introspective comme les vertiges intimes entre blessures et resignation, désir et exaltation ne laissent pas de captiver. L’enchaînement produit sonne comme un re examen probant, éclairant la fabuleuse filiation Schumann / Brahms.
D’un compositeur à l’autre, s’écoule une même couleur du sentiment, une même expressivité sensible dont l’essor formel cible au plus juste l’ardente forge émotionnelle, en une vibration versatile qui capte les plus infimes sentiments.


D’autant que le développement formel pour en exprimer la matière jaillissante sollicite une technicité virtuose qui est l’autre défi de l’interprète pianiste. Dans la forme brève, comme Schubert avant lui, Brahms qui s’était tu pendant 10 années au piano [1867 – 1877], cisèle ici des pièces aussi concentrées que profondes… En témoignent les 7 épisodes de l’opus 116 qui manifestent la prévalence de la pièce fugace de caractère sur la forme sonate… révolue, obsolète [définitivement attachée aux grands virtuoses du premier XIXème.
Ces miniatures fourmillent d’une vie intérieure qui paraissent ici spontanée et vivante, dans la variété de leur intitulé [ballades, intermizzi, capricci, fantaisies, romances, rhapsodies]. CORINNE KLOSKA en préserve l’esprit coulant et comme spontané… Articulant chaque arête vive d’une imagination foisonnante.
Ce Jaillissement parfois fiévreux et même impérieux, aux retraits intimistes très fugaces, prend sa source chez le mentor tant admiré et qui fut un protecteur paternel, Robert Schumann.  L’évidente filiation s’impose ici dans la continuité du jeu : en particulier dans l’essor maîtrisé, poétique des fameuses anapestes si emblématiques des deux démiurges ; cellule syncopée qui relance constamment le flux émotionnel, la palpitation de deux cœurs hypersensibles et frères.
On retrouve évidemment les deux pans structurels de cet épanchement pianisitique chez Robert, feu et passion, retrait et renoncement, ivresse extatique et repli enchanté [sa double identité d’Eusebius et Florestan] … SCHUMANN le grand a tout exprimé au clavier dans cette fluidité volubile d’une écriture particulièrement versatile et surtout jaillissante. La pianiste maîtrise cet art double, quasi schizophrénique, en cela emblématique du bouillonnement schumannien, entre l’humour et la facétie, l’exaltation primitive et aussi, à ne jamais négliger l’impérieuse joie.
C’est à dire tout ce que contient le vocable  germanique d’Humoreske. Beaucoup de pianistes pourtant soit inspirés, soit techniquement doués, oublient [sciemment?], l’élan facétieux, la liberté du rire dans le flot schumannien, au risque d’alourdir ou de densifier.
Rien de tel sous les doigts de CORINNE KLOSKA qui se saisit des ruptures, syncopes, brisures apparentes et dans le même temps, renforce la continuité du chant musical. Pour versatile et apparemment heurtée, l’onde schumannienne s’inscrit dans une seule et unique respiration qui court et circule de pièce en pièce, au final, jamais véritablement rompue. Équilibre des déséquilibres, unité dans la césure et la vibration émotionnelle, unité et force dans la rupture… Tout est présent sous des doigts aussi cohérents et architecturés. Du flot impétueux, jaillit l’esprit de la musique, présence suspendue, axiale, la formidable facétie qui apporte une respiration communicative. Ultime nuance ici si délectable sous des doigts aussi éloquents, de surcroît dans une prise de son orfévrée signée Joël Perrot.



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CRITIQUE CD. CORINNE KOSKA, piano. Brahms, Schumann [1 cd Soupir éditions] – enregistré en 2020 et 2022. CLIC de Classiquenews / automne 2024.

CRITIQUE, danse. BORDEAUX, Grand-Théâtre (du 1er au 11 octobre 2024). A. PRELJOCAJ : « Mythologies » par le Ballet du Grand-Théâtre de Bordeaux.

 

Créé en 2022, ici-même au Grand-Théâtre, par le Ballet Preljocaj et le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux, « Mythologies » est une chorégraphie d’Angelin Preljocaj pour 20 danseurs, reprise en ce mois d’octobre 2024. « Mythologies » rassemblait alors 10 danseurs du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux et 10 danseurs du Ballet Preljocaj, mais pour cette reprise ce sont 20 membres de la seule troupe du ballet bordelais qui réactivent la pièce – dans laquelle le chorégraphe albanais explore les rituels contemporains et les mythes fondateurs qui façonnent l’imaginaire collectif : « La danse, art de lʼindicible par excellence, nʼest-elle pas la plus à même de mettre à nu nos peurs, nos angoisses, nos espoirs ? Elle stigmatise nos rituels, révèle lʼincongruité de nos postures, quʼelles soient dʼordre social, religieuses ou païennes » explique le chorégraphe. 

 

 

Rituels contemporains et mythes fondateurs

 

Crédit photographique © Jean-Claude Carbonne

 

La chorégraphie a tourné depuis 2022, et s’est ainsi enrichie au cours de ses 37 dates depuis sa création sur cette même scène du Grand Théâtre de Bordeaux dont la compagnie de Ballet s’est déjà confrontée à l’écriture d’Angelin Preljocaj en performant plusieurs ouvrages précédents : « Blanche-Neige », « La Stravaganza », « Ghost »
Grâce à la préparation des danseurs assurée par Youri van den Bosch, l’assistant d’Angelin Preljocaj, les 20 interprètes expriment tous les enjeux de chaque séquence depuis l’éveil des corps au début, ensuite électrisés par les vagues de plus en plus dynamiques et contrastées de la bande sonore composée pour le ballet par Thomas Bangalter (ex membre des Daft-Punk).

Le langage est particulièrement diversifié jouant sur les effets de symétrie en groupes dédoublés qui se répondent, ou en soulignant les effets de contrastes distinguant plusieurs solos, pas de deux… Tout œuvre pour donner vie aux héros et dieux de la mythologie : fières Amazones, naïades voluptueuses… divinités plus qu’humanisées, tels Zeus ou Aphrodite ; et, à l’inverse, figures mortelles ou fantastiques comme « héroïsées » (superbe duo Ariane / le Minotaure !…), d’autant plus sublimées sous la lumière millimétrée qui détache et sculpte chaque corps affronté. Comment ne pas faire le parallèle alors entre la scène du prédateur mi-homme mi-animal, violentant l’amoureuse de Thésée, avec les victimes de viols et de harcèlement sexuel dont la parole victimaire s’est libérée grâce au mouvement Metoo ? L’approche est d’autant plus troublante que l’interprète d’Ariane, présente depuis la création du ballet, Vanessa Feuillatte, envisage une conception de plus en plus dominatrice du personnage : beau renversement qui semble réécrire la tragédie d’Ariane.

Que l’on soit dieux ou héros, la scène en expose tensions et vertiges, l’engrenage persistant et la fatalité des violences, de sorte que toujours c’est le collectif et ses convulsions organiques qui semblent broyer chaque destin individuel, sauf peut être celui, solaire, d’Alexandre le Grand auquel Riku Ota, jeune prodige de la troupe, apporte une crédibilité saisissante (en duo avec l’impeccable Thalestris d’Anna Guého).

Anecdotique et un peu décalée dans cette fresque qui convoque les rituels ancestraux, la lutte des catcheurs au début manque de lien avec le tout. Porté par son sujet qui l’inscrit dans le souffle épique de l’histoire, entre imaginaire des légendes et guerres contemporaines, « Mythologies » exacerbe avec vitalité la radicalité physique des mouvements, assurant la cohésion organique des tableaux collectifs. Les derniers conflits qui ruinent l’équilibre de notre monde s’invitent même avec des références à l’Ukraine en guerre, ou au conflit Israëlo-palestinien, ajoutées dans cette reprise pour l’actualiser d’autant plus. Pour autant, la diversité réelle et puissante de chaque épisode a du mal à faire corps et lien avec ce qui précède et ce qui suit ; l’architecture d’ensemble peine à émerger comme une totalité, clairement structurée, qui avance et qui peu à peu fait sens.
Mais l’esthétisme et comme une sauvagerie primitive et forte, souvent admirablement composée, laissent une impression visuellement positive.

On pourra regretter également que la musique composée par Thomas Bangalter ne soit cette fois pas jouée en “live”, mais transmise par des enceintes. D’autant que la partition s’avère puissante et évocatrice, interrogeant ce qui se love dans les replis de nos existences, à travers nos idéaux et nos croyances, venant ainsi faire dialoguer les mythologies antiques avec celles de notre temps…

 

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CRITIQUE, danse. BORDEAUX, Grand-Théâtre (du 1er au 11 octobre 2024). A. PRELJOCAJ : « Mythologies«  par le Ballet du Grand-Théâtre de Bordeaux. Photos © Jean-Claude Carbonne.

 

VIDEO : Teaser de « Mythologies » d’Angelin Preljocaj par le Ballet du Grand-Théâtre de Bordeaux