samedi 18 janvier 2025

CRITIQUE, festival. 45e Festival d’Ambronay, Abbatiale d’Ambronay, le 4 octobre 2024. BACH : Cantates. Paul Figuier (contre-ténor), Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction).

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Sabine Teulon-Lardic
Sabine Teulon-Lardic
Critique et Musicologue : l'un nourrit l'autre et vice versa ! Sabine a écrit une Thèse sur l'opéra-comique au XIXe siècle.

Octobre, les feuilles tombent comme les températures, mais la récolte au Festival d’Ambronay (dans le Bugey) est toujours fructueuse et la chaleur du public… intacte ! Avec la thématique « la voix est libre », cette 45e édition fait la part belle à la voix humaine que compositeurs et poètes ont cultivée sous tant de facettes. De la voix soliste (Philippe Jaroussky, Lea Desandre, Adèle Charvet, Paul Figuier…) au grand chœur (Cappella Mediterranea, Spirito), en passant par le madrigal (Les Cris de Paris, La Néréide…), la cantate (Les Arts Florissants, Les Argonautes) et l’opéra (Alcina), la programmation l’explore dans tous ses éclats.

 

Crédit photo © Bertrand Pichène

 

L’engouement pour la voix de contre-ténor et la thématique de cette 45e édition – « La voix est libre » – suscitent ce programme (en ce 4 octobre 2024, quatrième et dernier week-end du festival) consacré aux airs pour voix d’alto dans les Cantates de J. S. Bach. Ainsi, Christophe Rousset, à la direction de ses Talens Lyriques, conçoit une sélection de sinfonie et d’arie de la période du Kantor de Leipzig (1723-1728), en complicité avec le jeune contre-ténor français Paul Figuier. Il s’agit de valoriser l’affect associé à cette couleur et ce registre. Selon les notes d’intention produites par le chef, « la voix de l’alto reflète toute l’ambiguïté de cette figure divine, à la fois rassurante et impressionnante, mais aussi celle de l’humanité, entre amour et souffrance. »

Une première partie explore la nature contemplative (« Was mein Herz von dir begehrt » BWV 108) ou le sommeil éternel de l’humain (« Ach schläfrige Seele ! » BWV 115), avant la sublime cantilène de hautbois de la cantate « Ich hatte viel Bekümmernis (BWV 21). L’instrumentiste Gilles Vanssons (hautbois solo) la déploie dans toute sa liberté mélodique.

La seconde partie s’extrait de l’intériorité par deux arias joyeuses, dont celle «  Gott hat alles wohlgemarcht » (« Tout ce que Dieu a fait est bien fait« , BWV 35). Sa ritournelle enjouée à l’orgue (tenu par C. Rousset) prélude aux vocalisations que Paul Figuier fait valoir avec souplesse, après avoir conduit d’amples phrasés dans la partie initiale. On peut toutefois regretter que la tessiture grave sonne faiblement, contrairement à la plénitude du médium, et que son engagement dans le domaine religieux soit moins convaincant que dans ses nombreuses prestations lyriques saluées par la critique, à l’instar de son iconoclaste incarnation d’Achille dans l’Orfeo de Sartorio, à Montpellier en 2023.

Autant le répertoire baroque et classique français distingue les Talens Lyriques au sein de la planète baroque, autant l’introspection des cantates allemandes convainc beaucoup moins. L’uniformité des tempi et du continuo, le peu de variation de l’articulation et de l’ornementation (da capo) génèrent une certaine monotonie. Contrairement à la dramaturgie d’une cantate entière de Bach – architecture de récitatifs, airs, duos et chœurs -, le montage de cette sélection procure une certaine lassitude. Elle ne se dissipe pas dans l’aria bissée « Wie Furchtsam wankte meine Schritte » (« Que mes pas étaient chancelants« , BWV 33).

En revanche, la place particulière qu’occupe la voix d’alto dans l’œuvre de Bach est magnifiée par le partenariat avec le hautbois d’amour (cantates 197, 115), au timbre grave et rond. Dans l’acoustique de l’Abbatiale d’Ambronay, leur dialogue musical approfondit la valeur spirituelle du message luthérien pour les uns, l’apaisement et l’allègement pour les autres. Ce qui conduit l’auditoire à acclamer les artistes aux saluts !

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CRITIQUE, festival. 45ème Festival d’Ambronay, Abbatiale d’Ambronay, le 4 octobre 2024. BACH : Cantates. Paul Figuier (contre-ténor), Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction). Photos © Bertrand Pichène.

 

VIDÉO : Paul Figuier l’air « In darkness, let me dwell » de John Dowland

 

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