La nouvelle saison 2024 – 2025 d’ANGERS NANTES OPÉRA affiche une éclatante richesse ; elle sait être remarquablement équilibrée, affichant parmi les œuvres du répertoire, deux incontournables inusables (La Traviata et La Flûte Enchantée) et une création française (évoquant l’histoire nantaise) « Il Piccolo Marat », perle méconnue du vériste Mascagni (1921) ; sans omettre 3 créations (La Falaise des lendemains ; Baubo ou l’Art de ne pas mourir ; Messe pour une planète fragile). Fidèle à ses premiers engagements, Alain SURRANS, directeur général, œuvre pour cette « démocratie culturelle » où chacun, – enfant, parent, ou grand-parent, mélomane ou néophyte – … participe, s’implique, … devient artiste. Les sessions ouvertes à tous (« Ça va mieux en chantant », avec la collaboration active du formidable Chœur d’Angers Nantes Opéra), les actions vers les jeunes publics et les scolaires, de nombreux partenariats avec les acteurs du territoire nantais et angevin, entre autres, donnent corps à cette aventure collective et sociétale qui profite à tous… Alain Surrans présente le nouveau cycle dans sa globalité et sa spécificité, à la fois artistique et économique.
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Portrait d’ALAIN SURRANS © Benjamin Lachenal
Les illustrations de la nouvelle saison 2024 – 2025 d’Angers Nantes Opéra ont été conçues par l’artiste japonaise Makiko Furuichi qui vit et travaille en France depuis 2009 / Lauréate du Prix des arts visuels de la Ville de Nantes 2028…
Diversité, curiosité, création
CLASSIQUENEWS : Quel est la ligne artistique de cette nouvelle saison 2024-2025 ? Quelles en sont les œuvres phares ?
ALAIN SURRANS : Je ne développe jamais de thématique fédératrice. Notre programmation s’articule autour de la diversité, de la curiosité et de la création. Sans omettre bien sûr, tout ce qui a trait à la VOIX à travers une multitude d’actions et de propositions tout au long de la saison : j’y reviendrai spécifiquement.
Pour cette saison, nous proposons deux opéras du répertoire, LA TRAVIATA et LA FLÛTE ENCHANTÉE. Il s’agit de mesurer de quelle façon chaque ouvrage continue de nous parler, de quelle façon ils ont des choses à nous dire, grâce à la vision spécifique des metteurs en scène d’aujourd’hui. Silvia Paoli et Mathieu Bauer sont des figures nouvelles dans le paysage des metteurs en scène actuels ; d’ailleurs ils ont réalisé leur première mise en scène d’opéra avec nous. Tous deux soignent particulièrement la direction d’acteurs, ce qui rend leur approche d’autant plus intéressante.
Dans le cas de LA TRAVIATA (18 janv > 18 mars 2025), le regard d’une femme sur une héroïne d’opéra aussi célèbre et abordée à juste titre, promet d’être captivant. Silvia Paoli souligne la solitude de Violetta Valéry en montrant combien elle est rejetée par la société ; et les deux Germont, père et fils, participent à cette relégation.
Pour LA FLÛTE ENCHANTÉE (24 mai > 18 juin 2025), nous avons choisi avec Matthieu Riezler, directeur de l’Opéra de Rennes, le metteur en scène Mathieu Bauer ; sa lecture du Rake’s progress de Stravinsky nous avait beaucoup convaincus ; malgré le thème plutôt grave du pacte faustien, il avait su rester dans l’univers du conte et de la fantaisie, tout en travaillant sur le burlesque et l’absurde, autant sur le pan théâtral que musical. Pour LA FLÛTE ENCHANTÉE, il sera probablement question de féerie et de légèreté, une approche qui semble d’autant plus juste s’agissant des personnages de Papageno et même de Monostatos. L’opéra sera d’ailleurs structuré en deux parties ; l’une joyeuse et légère ; la seconde totalement différente avec un Papageno moins insouciant, suicidaire même, acculé au désespoir ; sans omettre le personnage de Zarastro qui vraisemblablement devrait paraître dès le début de l’opéra…
Côté perle inédite (2, 3 et 5 oct 2024), nous proposons en création française, l’opéra de MASCAGNI, « IL PICCOLO MARAT », créé en 1921 à Rome et plus récemment en 2021, pour le centenaire de la partition à Livourne (la ville natale de Mascagni). Le sujet évoque un volet très sombre de l’Histoire nantaise : l’action du ministre Carrier dépêché par la Convention à Nantes, seule enclave républicaine en Vendée demeurée en majorité, monarchiste. Carrier a décidé et organisé le massacre par noyades de vendéens fidèles à l’ancien régime (religieux réfractaires, nobles…) pour vider les prisons de quantité de personnes ainsi arrêtées. Carrier a eu l’idée de s’en débarrasser en les menant dans de grandes barques sur la Loire, puis en les coulant noyant les prisonniers tous ligotés… Mascagni déploie l’esthétique vériste comme Puccini dans Il Tabarro ; dans un souci de réalisme psychologique qui reste aussi abstrait et universel ; Nantes par exemple n’est pas identifiée en tant que tel dans l’opéra.
Une armée répressive s’est constituée, plutôt des milices que l’on a appelées des « Marat ». Mascagni aux côtés de la figure du boucher Carrier (L’Orco dans le drame), ajoute une histoire dans l’Histoire à des fins dramatiques évidemment : ainsi le petit Marat (« Il piccolo Marat ») qui est un jeune garçon enrôlé, et qui va sauver sa propre mère … qui est noble.
L’intérêt de l’œuvre est dans son écriture, de bout en bout éblouissante ; elle laisse la part belle au chœur, très présent (dès le début avec le chœur des prisonniers), et aussi à l’orchestre ; tout en dénonçant la barbarie, la partition regorge de mélodies irrésistibles et d’effets symphoniques. Le public sera comme nous, subjugué par la création française de cet opéra oublié ; de surcroît dans la production que j’ai découverte à Livourne en 2021 : il s’agit du même chef et des mêmes chanteurs qu’à Livourne, à quelques exceptions près.
3 créations
CLASSIQUENEWS : La nouvelle saison 2024 – 2025 réserve une place de choix à la création. De quels ouvrages s’agit-il ?
ALAIN SURRANS : Notre volet « créations » comprend 3 productions. D’abord, la commande de Rennes et d’Angers Nantes Opéra à Jean-Marie Machado qui a proposé l’idée d’écrire un opéra : LA FALAISE DES LENDEMAINS (26 fev > 24 avril 2025). Le livret assez étonnant est de son complice Jean-Marc Fdida, un peu vériste d’ailleurs. L’action se passe à Roscoff ; son ambiance est bretonne (avec même l’apparition d’une fée tout à fait bretonne) ; le sujet met en scène des bateleurs qui viennent d’Angleterre ; c’est une histoire de jalousie avec un personnage très violent… Jean-Marie Machado est un véritable improvisateur et un musicien de jazz. Tout en mêlant des éléments de la musique contemporaine, il est influencé par les influences latino (Amérique du Sud, Espagne, Portugal…) et passionné par la Bretagne. Le livret est trilingue (en français, en anglais et en breton). La distribution manifeste l’ouverture artistique à laquelle nous sommes attachés ; il s’agit de chanteurs à la fois trad, jazz et classiques. Simultanément nous avons fait appel au metteur en scène Jean Lacornerie, lui aussi familier des mélanges de styles et d’univers différents pour avoir abordé la comédie musicale américaine, tout en connaissant parfaitement le travail des chanteurs lyriques…
Le second spectacle « BAUBO, ou L’ART DE NE PAS MOURIR » relève du genre « Théâtre musical » (11, 13, 14, 15 mars 2025). Il est signé Jeanne Candel. Je l’ai découvert il y a 6 mois. Son univers théâtral est très intéressant ; il laisse peu de place à la parole mais favorise le mouvement et la musique. Le sujet se concentre sur la figure de Demeter, aborde les thèmes du deuil et de la renaissance. La mère endeuillée (Demeter), qui a perdu sa fille (Perséphone) croise le chemin d’une vieille femme, à la fois sorcière, vieille nymphe (« Baubo ») ; celle-ci tente de la dérider et voudrait la guérir… Les interprètes réunis autour de la chanteuse, sont tous instrumentistes et jouent les musiques de Buxtehude, surtout de Schütz, sur leur instruments modernes (banjo, violoncelle, saxophone, percus…).
La troisième création est « MESSE POUR UNE PLANETE FRAGILE » (25, 26 juin 2025) sur le texte de la poétesse sud africaine Antjie Krog. Sous une forme liturgique et très lyrique, le spectacle présenté au Théâtre Graslin de Nantes, évoque notre planète que nous sommes en train de saccager ; le dispositif respecte la forme d’une messe et aura recours à la vidéo. Le spectacle est le sujet d’une action spécifique dirigée vers les jeunes. Il y a 2 ans le spectacle » Les Sauvages », conte de quartier (avec des jeunes de quartier qui ont participé à l’écriture du livret), avait réuni la même équipe artistique, que nous retrouvons ici : Guillaume Hazebrouck compositeur, Guillaume Gatteau, metteur en scène ; Guillaume Careau, scénographe.
Les collégiens qui ont constitué un petit chœur pour Les Sauvages, forment, pour ce nouveau projet, une petite troupe de théâtre : ils vont participer à la mise en scène ; de la même manière 3 collèges des quartiers prioritaires de Nantes vont être impliqués (Doulon-Bottière et Dervallières) ; les collégiens vont chanter accompagnés par leur mentors qui ont vécu l’expérience des Sauvages, grâce aussi à 3 chefs de chœur qui se déplacent dans les établissements scolaires pour faire travailler les élèves.
Chaque classe est ainsi sensibilisée selon un parcours plus ou moins long. L’important pour nous est d’avoir des relais dans les établissements et dans les quartiers ; chaque relai permet de développer une action dans la saison. Au total, ce nouveau projet aura permis de travailler avec les jeunes pendant 2 saisons, le résultat étant révélé en juin 2025.
Ainsi 3 chorales de 30 collégiens sont associées à la création (en plus des jeunes déjà familiarisés à nos actions, par l‘expérience précédente des Sauvages).
Autour de la voix…
Session » Ça va mieux en chantant » , avec le Chœur d’Angers Nantes Opéra [c] Garance Wester
CLASSIQUENEWS : Parlez-nous de vos actions autour de la VOIX ? De quelle façon impliquez-vous les publics ? De quels publics s’agit-il ?
ALAIN SURRANS : Depuis mon arrivée, ANGERS NANTES OPÉRA développe son projet culturel autour de la VOIX. Nous avons tous une voix. A nous de la faire entendre, de la faire résonner ; pratiqué ensemble, le chant est un formidable vecteur social. C’est pourquoi nous développons tout au long de la saison plusieurs activités spécifiquement dédiées à la voix et au chant.
La pratique du chant à travers des ateliers participatifs qui en impliquant toutes les générations, assure aussi une mission de transmission («ÇA VA MIEUX EN CHANTANT» / « les concerts du chœur », 2 jui 2024 > 1er avril 2025) ; tous les participants, de 7 à 87 ans et au-delà, les parents et leurs enfants participent activement. Ces rendez-vous rencontrent un succès constant.
Ils sont destinés à un public populaire et familial. Deux programmes sont proposés ; l’un aux moins de 30 ans, donc aux jeunes ; l’autre aux ados, aux collèges et aux primaires. Le principe est à terme de travailler ensemble pour réaliser un concert qui fait chanter toute la salle, chanteurs participants et public.
Ce sont aussi LES VOIX DU MONDE. Très soucieux des « droits culturels », nous sommes à l’écoute de ce que chacun a vécu par rapport à sa propre culture ; cela nous permet d’inviter un nouveau public, de le sensibiliser à travers sa propre culture. C’est la raison pour laquelle dans les concerts « ça va mieux en chantant », on ne chante pas seulement de l’opéra mais aussi du cross over ; et cela marche très bien. L’idée est de partager cette culture commune qui nous relie les uns aux autres… les enfants viennent avec leurs parents, leurs grands-parents et inversement ; c’est un public idéal pour nous : mixte, où toutes les générations sont représentées.
Car ce qui manque le plus dans nos salles sont LES PARENTS ENTRE 30 ET 50 ANS qui sont en train d’élever leurs enfants. Ils sont absents du public : l’opéra ne fait pas partie de leur premier choix de sorties familiales. Les concerts « ça va mieux en chantant » s’adressent justement à eux. A 5 euros la place, le spectacle revient à 20 euros pour une famille de 4 personnes, les deux parents et les deux enfants. C’est l’occasion pour les parents de faire découvrir à leurs enfants, ce qu’ils connaissent, les airs et les chansons qu’ils ont en tête ; qui ont marqué leur jeunesse.
Parmi les deux programmes que nous proposons, l’un s’appelle « Rhapsodie bohémienne » (pour les moins de 30 ans / 15 et 16 oct 2024) qui comprend les chansons du groupe QUEEN, couplées avec tout ce que l’opéra compte d’airs bohémiens, et il y a ce qu’il faut ! De Carmen à Aleko, sans omettre Le Trouvère et quantité d’airs gitans… tous très populaires. Les participants chanteront ainsi Bohemian Rhapsody, une chanson pas si facile à monter, dont les difficultés de mise en place sont au moins identiques à celle de l’opéra.
De la même manière, notre 2ème programme destiné aux scolaires, s’appelle « So British », excellente occasion de faire chanter les élèves en anglais. La prochaine saison, le programme pour les enfants s’appelle « les enfants de Mozart ».
Je reviens sur les parents avec enfants : nous les incitons à venir à l’Opéra en famille. Pendant le spectacle, notre service de garderie permet d’occuper les plus jeunes ; ce qui permet aux parents d’assister à l’opéra avec les plus grands. C’est fondamental. De cette façon les parents transmettent le goût de l’opéra à leurs enfants. La culture opératique n’est pas enseignée dans les écoles. Tout est donc à faire sur cette question.
Pour une démocratie culturelle…
CLASSIQUENEWS : Vous aimez parler de « démocratie culturelle » où l’art et donc la pratique de la musique sont moteurs pour la cohésion sociale ?
ALAIN SURRANS : Oui je parle bien de démocratie culturelle et non de démocratisation. Le terme de démocratisation ne convient pas car il suppose que l’on est dans l’idée de quelque chose qui descend ; ce n’est pas cela. C’est à dire que l’on part d’une forme élitiste qu’il faudrait ainsi « démocratiser » … vers la base. Je parle plutôt d’un partage égalitaire. Cela signifie que dans une société idéale, tout le monde pratique une activité artistique. A Bali, tout le monde est artiste : le joueur de gamelan, le créateur de marionnettes, celui qui les anime et les met en mouvement, le peintre, le danseur… on danse beaucoup à Bali. Ne pas être artiste, c’est ne pas être tout à fait vivant. Cet aspect de la civilisation indonésienne me plaît beaucoup.
On retrouve cette idée en Italie, où l’opéra appartient à tout le monde. Cela ne se discute même pas. A contrario en France, on souffre de cette analyse marxiste selon laquelle l’opéra est une invention réservée à la bourgeoisie qui fréquente l’Opéra-Comique où l‘on arrangeait les mariages…
C’est faux ; il y a toujours eu des places pour les moins riches ; et l’opéra a toujours bénéficié d’une grande popularité parmi le peuple. Ma grand-mère qui était fille de mineur, dans le Nord-Pas de Calais, me chantait Carmen, Faust… elle me chantait aussi Louise ; c’était un opéra très important dans le milieu ouvrier français parce que Charpentier racontait une histoire d’amour libre ; c’était une histoire populaire. Il y a donc une vraie histoire de l’opéra, en dehors de toute catégorisation sociale. Cette analyse marxiste, au même titre que l’analyse bourdésienne de la distinction forment un écran placé devant la réalité.
Dès qu’un ténor chante… tous les spectateurs sont scotchés ; d’autant que l’opéra, grâce à la dimension spectaculaire du spectacle vivant, rejoint le cinéma : vous en avez « plein la vue » ; donc c’est populaire, intrinséquemment, sans lecture sociale. En France, à l’inverse, on a tellement répété à des tas de gens que l’opéra n’était pas pour eux… que cette opinion a fini par se répandre.
CLASSIQUENEWS : d’où la diffusion d’une production par saison sur grand écran et pour tous ?
ALAIN SURRANS : Chaque saison nous diffusons une production sur grand écran. C’est une autre manière de diffuser la magie et le spectaculaire auprès du plus grand nombre. C’est aussi permettre aux familles de venir assister à une production, avec les enfants, avec cette facilité qui est capitale : il est facile en plein air dans ces conditions de quitter les lieux si le petit dernier s’impatiente et se met à pleurer… Impossible dans une salle d’opéra.
Pour Tosca ce 8 juin 2024, la représentation depuis l’Opéra de Rennes sera retransmise en direct sur la place de l’Hôtel de Ville de Rennes, mais aussi sur la place Graslin, donc devant le théâtre Graslin à Nantes, et sur la place du Ralliement à Angers. Donc dans les 3 villes, auxquelles s’ajoute une cinquantaine de villes sur les 2 régions où la même représentation est diffusée en direct, gratuitement, dans les cinémas, des salles de spectacles, sur les télévisions régionales, sur France TV et France Musique…
Actions sur le territoire
CLASSIQUENEWS : Comment rayonner davantage sur le territoire et sensibiliser de plus en plus d’habitants ?
ALAINS SURRANS : Pour rayonner sur la Région et toucher les publics plus éloignés, nous réalisons de petits spectacles pour ce même public, rural, situé hors de centres urbains, avec la collaboration de nos artistes en résidence. Ils sont au nombre de 3 pour la saison 2024 – 2025 :
MARIE-BÉNÉDICTE SOUQUET qui a composé le nouveau spectacle en forme de conte lyrique : Le Voyage de Wolfgang qui évoque le jeune Mozart à l’attention du jeune public et des familles. Le spectacle sera donné dans les centres culturels des communes, en Vendée, dans les métropoles angevine et nantaise, etc…
C’est aussi MARC SCOFFONI dont le précédent spectacle, il y a 2 ans, « Juste une histoire de voix » a eu un très beau succès ; les jeunes spectateurs étaient impliqués dans le déroulement même du programme en remplissant un questionnaire avec pour questions : « c’est quoi votre image de l’opéra » et quels sont vos chanteurs préférés ? ». Evidemment chacun exprimait l’image que ses parents lui avaient transmis : conventionnelle et plutôt négative ; quant aux chanteurs préférés, ils étaient tous des chanteurs et chanteuses rap, ou R’n’B. A partir des réponses, Marc Scoffoni avec sa voix de baryton, a établi des ponts avec le classique et les musiques actuelles, démontrant par exemple que la virtuosité d’Eminem était semblable aux airs de Figaro dans Le Barbier de Séville …
C’est aussi le ténor CARLOS NATALE qui l’an dernier a présenté « Profession ténor » ; spectacle léger en forme de récital qui évoque son propre parcours de chanteur, depuis son Argentine natale, jusqu’à la France, en passant par l’Italie où il a fait ses premières armes.
Les 3 artistes participent également à nos concerts « ça va mieux en chantant ». Le principe est que chaque saison, l’un des 3 nous propose un spectacle léger, apte à rayonner sur le territoire. Pour cette saison 2024 – 2025, c’est Marie-Bénédicte Souquet et son conte lyrique Le Voyage de Wolfgang.
CLASSIQUENEWS : Vous ne cessez de tisser un maillage artistique fort avec les acteurs culturels locaux. De quelle façon et quels en sont les enjeux ?
ALAIN SURRANS : Il est essentiel pour nous de développer notre présence territoriale, de façon multiple et pragmatique. Il ne s’agit pas de vendre un spectacle d’opéra aux petites communes, mais de proposer des formes adaptées pour assurer un rayonnement le plus large et le plus vivant possible.
Dans les faits, nous sommes subventionnés par 2 métropoles et non pas par 2 villes. Notre mission n’est pas seulement de travailler dans nos villes centres où sont nos deux théâtres, à Angers et à Nantes, mais de développer des partenariats avec les communes et sur tout le territoire ; ainsi la coopération avec Rezé (en banlieue nantaise) sur les musiques du monde en particulier ; nous réalisons alors une proposition artistique conjointe…
Idem avec Trélazé, Avrillé … Nous travaillons aussi avec le Chœur du Conservatoire d’Angers…et de nombreuses Maîtrises. Dans Tosca, actuellement à l’affiche, participe la maîtrise des Pays de la Loire.
Il en va de même avec les festivals à Angers et à Nantes : ainsi le Festival du cinéma espagnol et des 3 continents à Nantes pour lequel nous proposons une soirée de flamenco… ; ou le Festival « Cinéma d’Afrique » à Angers auxquels nous proposons des concerts en lien avec ses propres thématiques. La saison prochaine nous invitons justement en ouverture du festival, une chanteuse éthiopienne… cela permet d’attirer outre notre public d’opéra, les publics communautaires. De la même façon nous invitons la famille Shemirani qui regroupe plusieurs artistes iraniens, une chanteuse et ses deux frères, tous deux instrumentistes. Ils sont en exil car en Iran, les femmes n’ont plus le droit de chanter en public…
A Nantes, nous travaillons avec le CCNN Centre Chorégraphique National de Nantes, sur son festival participatif « TRAJECTOIRES », d’où notre engagement sur le prochain ballet de Noé Soulier, directeur du Centre National de Danse Contemporaine d’Angers, CLOSE UP (9 oct 2024 > 26 janv 2025).
Pour ouvrir notre saison à la danse, nous collaborons, à Nantes, avec le CCNN / Centre Chorégraphique National de Nantes à l’occasion de son festival participatif « TRAJECTOIRES ». C’est dans ce cadre que nous présenterons la création de Noé Soulier, directeur du Centre National de la Danse Contemporaine d’Angers, Close Up dans lequel Maud Gratton et son ensemble interprèteront des pièces de Bach. Le travail de Noé Soulier est très écrit, dans le sillon de Trisha Brown, d’Anna Teresa de Keersmaeker.
C’est aussi un spectacle qui s’inscrit dans notre programmation de musique baroque que nous développons conjointement avec d’autres lieux comme la Cité des congrès, La Soufflerie, les Concerts de la Cathédrale à Nantes…
A la Cité des Congrès, nous proposons au moins un grand événement si cela n’est pas deux par saison ; précédemment, c’était Le Retour d’Ulysse dans sa patrie de Monteverdi avec Gonzalez Toro et son ensemble Il Gemelli ; la Passion selon saint-Matthieu avec Le Banquet Céleste et Damien Guillon ; cette saison nous reprendrons le splendide oratorio Il Nabucco de Falvetti par La Cappella Mediterranea et son chef Leonardo Garcìa-Alarcón.
De même l’ONPL, Orchestre des Pays de la Loire est un autre partenaire majeur : avec l’ONPL, nous venons de réaliser un superbe ciné-concert avec chanteurs de flamenco sur le film de Pablo Berger qui aborde l’histoire de Blanche-Neige. Pareillement nous avions précédemment travaillé sur un autre ciné-concert pour lequel nous avions reconstitué la musique du film à partir de musiques de Maurice Ohana et de Louise de Pablo…
Nous cherchons toujours de nouvelles idées. Plus récemment nous avons réalisé des concerts avec l’orgue hybride de l’Auditorium du Centre de Congrès à Angers, c’est à dire plusieurs concerts avec le Chœur d’Angers Nantes Opéra, intitulés « Opéras en prière », le programme regroupe des scènes d’opéras montrant le peuple en prière… C’est un programme que nous aimons faire tourner (car l’orgue est mobile), comme avant la covid, à Châteauneuf-sur-Sarthe…
Nous concevons des spectacles sur mesure, formatés pour toutes les communes, souvent des programmes choraux car le Chœur d’Angers Nantes Opéra est pour nous, un remarquable ambassadeur. Il va d’ailleurs chanter dans quelques jours au Festival de Saint-Florent-le-Vieil…
Subventions & santé financière
CLASSIQUENEWS : Comment concevez-vous la programmation de la saison entre Angers et Nantes ?
ALAIN SURRANS : D’une façon générale, il est important d’équilibrer l’offre de concerts entre Angers et Nantes, afin de proposer dans les deux villes, une véritable saison, la plus complète et la plus diversifiée possible. Tout en prenant en compte que Nantes donne 5 millions d’euros et Angers, 1 million.
Actuellement, la subvention d’Angers Métropole augmente sensiblement à 1,3 millions. Si l’on se tenait au respect de la proportionnalité, la saison à Angers serait moindre évidemment. C’est la raison pour laquelle, je diversifie les propositions en réinventant les formes, les dispositifs, les effectifs ; c’est le cas des concerts « ça va mieux en chantant » à 5 euros la place et un plateau artistique qui reste très raisonnable financièrement.
CLASSIQUENEWS : Comment vous portez-vous dans ce contexte géopolitique et économique plutôt tendu ?
ALAIN SURRANS : En 2024, la Métropole d’Angers a augmenté sa dotation de 200 000 euros ; Nantes augmente sa part à hauteur de 100 000 euros. Sans compter le coup de pouce de la Région (15 000 euros), et 200 000 euros de la DRAC. Angers Nantes Opéra est dans le contexte que nous connaissons, un privilégié.
C’est probablement le fruit de la reconnaissance de notre travail à l’échelle du territoire ; il est vrai aussi que notre partenariat avec l’Opéra de Rennes a démontré ses indiscutables bénéfices en nous permettant de mutualiser nos coûts de production et de multiplier les représentations.
Actuellement, pour chaque saison, nous coproduisons 2 opéras avec Rennes ; pour la prochaine saison 2024 – 2025, il s’agit de La Traviata et de La Flûte Enchantée, soit 12 représentations pour chacun. Aucune maison d’opéra ne peut afficher un tel nombre. Décors, costumes, tous les matériaux de production, les rémunérations des maîtres d’œuvre (metteurs en scène, décorateurs, costumiers, …) sont ainsi mutualisés. Il en est de même pour les répétitions car on joue en enchaînement ; leur coût est ainsi divisé par deux ! Nous avions l’habitude de travailler ainsi entre Nantes et Angers ; il a suffit de l’étendre à Rennes. Les économies réalisées sont loin d’être marginales. Soit en moyenne, une économie de 300 000 euros par saison, et pour l’Opéra de Rennes, un peu plus si l’on tient compte du fait que nous mettons à disposition notre Chœur d’Angers Nantes Opéra, gratuitement.
Il y a d’autres spectacles sur lesquels Rennes et Angers Nantes Opéra sont coproducteurs, sans en être le maître d’œuvre ou le producteur délégué. Par exemple LA FALAISE DES LENDEMAINS est portée par la Compagnie elle-même mais nous coproduisons aussi le spectacle.
Nous sommes aussi coproducteurs de la pièce du chorégraphe Noé Soulier, « CLOSE UP », coproduction d’Angers Nantes Opéra et du CNDC dont j’ai déjà parlé.
Avec Rennes, il arrive régulièrement que nous coproduisions les opéras proposés par la Co[Opéra]tive ; c’était le cas des Ailes du désir, spectacle somptueux ; la saison prochaine, il s’agira du CARNAVAL DE VENISE de Campra (les 5 et 6 avril 2025).
Propos recueillis en mai 2024
Découvrez ici la saison 2024 – 2025
d’ANGERS NANTES OPÉRA :
https://www.angers-nantes-opera.com/programmation
Consultez aussi toute la brochure de la saison 2024 – 2025 en ligne ici : https://www.calameo.com/read/0077109579182d0bedf4d
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