dimanche 19 janvier 2025

SCHUBERT. Maurizio et Daniele Pollini, pianos (1 cd DG Deutsche Grammophon, juin 2022)

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Deutsche Grammophon publie le dernier enregistrement du pianiste italien qui fut l’un des porte drapeaux de sa marque prestigieuse, Maurizio Pollini. C’est surtout un album réalisé à deux, en famille…

 

Le père tout d’abord, Maurizio Pollini qui depuis l’enregistrement de ce disque (juin 2022) nous a quitté en mars 2024, sait faire crépiter toute la pensée fluide d’un Schubert abandonné à ses rêveries intérieures. Le pianiste offre ici son dernier enregistrement édité par DG Deutsche Grammophon, dans le jaillissement sonore, miraculeux du premier « Molto moderato » qui ouvre la Sonate D 894 de 1826 ; bientôt contredit par le discours plus heurté et contrasté de l’ »Andante » où là encore, la volubilité comme suspendue, aérienne du pianiste enchante et fait émerger dans une liquidité onirique, le dessin de mélodies intactes qui semblent venir de l’enfance.

 

Puis le fils, Daniele, emboîte le pas de l’astre paternel dans les 6 « Moments musicaux » de Schubert (1823 – 1828) avec une pudeur finement cultivée qui s’avère tout autant nuancée et idéalement rêveuse dans les mouvements intercalaires plus lents (dès l’Andantino n°2 – le mouvement suspendu le plus développé-, où se clarifie l’activité de la vie souterraine, secrète et comme mystérieuse)… énoncée, vécue comme un rituel intime d’une éloquence assumée jusque dans ses moindres accents et nuances – beau contraste avec l’Allegro moderato qui lui succède (n°3). Tout le cycle des 6 moments prépare l’accomplissement du dernier épisode « Allegretto » n°6, – de plus de 8 mn, donc le plus développé, où Schubert exprime un tout autre sentiment : de plénitude et de profondeur, à la fois ample et intime où le pianiste en complicité ténue avec le compositeur, maîtrise l’amplitude que produit les deux dimensions, macro / micro ; il plonge ainsi dans un monde introspectif de plus en plus ouvert et large, sombre mais rassurant. Enfin les deux interprètes jouent le quatre mains le plus bouleversant de Schubert, la Fantaisie D 940 (1828) dont ils savent suggérer le chant de l’indicible (y compris dans le – très bref-« largo ») ; et pour chaque variation comme chaque modulation harmonique, les deux funambules relèvent le défi du passage entre inquiétude et impérieuse nécessité, avec un don prodigieux dans l’émergence et le déploiement de chaque motif ; ils en réalisent le jeu architecturé du contrepoint ; la clarté bondissante de la polyphonie, en particulier dans la réexposition « tempo I » qui permet à la fois d’élargir encore la conscience et de refermer le cheminement ainsi jalonné de points de partage et de compréhension qui vont au delà des notes.

 

Qu’il ait été gravement inspiré par son amour impossible pour la comtesse Caroline Esterházy, Schubert dans la continuité du flux musical fait éprouver toute une expérience sonore et sensitive qui traverse les mondes et les états de conscience grâce au jeu poétique, complice et complémentaire des deux pianistes, père et fils. De sorte que nous tenons là, un superbe accomplissement musical, l’acte émouvant d’une transmission exemplaire.

 

 

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SCHUBERT. Maurizio et Daniele Pollini, pianos. 1 cd DG Deutsche Grammophon – enregistré à Munich (Herkulessaal), juin 2022. CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2024

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