lundi 7 juillet 2025
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Lady Macbeth sur ArteSamedi 11 novembre à 22h30

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Soirée opéra

Lady Macbeth de Mzensk
Version originale de 1934

Anatoli
Kotcherga (Boris), Ludovit Ludha (Zinovi), Eva-Maria Westbroek
(Katerina), Christopher Ventris (Sergei), Carole Wilson (Aksinya/une
bagnarde), Nikita Storojev (Commissaire de police), Alexander Vassiliev
(Pope/Surveillant), Lani Poulson (Sonietka), Vladimir Vaneev (Vieux
bagnard)…
Koninklijk Concertgebouworkest,
Koor van De Nederlandse Opera,
Mariss Jansons (direction musicale)

Martin Kusej (mise en scène),
Martin Zehetgruber (décor),
Heide Kastler (costumes)

Réalisation : Thomas Grimm
Captation filmée en juin 2006 à l’Opéra d’Amsterdam

La
production diffusée sur Arte est d’autant plus intéressante qu’elle est
dirigée par un Chostakovien de longue date, Mariss Jansons lui-même
disciple du créateur de bon nombre de Symphonies du compositeur,
Evgueni Mravinsky. Mariss Jansons vient de publier l’intégrale des Symphonies de Chostakovitch chez Emi,
l’un des cycles récents les plus convaincants. Gageons qu’en lecteur
familier des climats chostakoviens, ambivalents, cyniques, ironiques,
aussi d’une pure poésie crépusculaire, le chef letton saura porter la
richesse de l’oeuvre dans toute sa flamboyante plasticité.

Saison lyrique 2006/2007
Le mois de mars 2007 concentre l’ensemble des productions de la partition de Chostakovitch.

Katerina Izmailova (1963)
Théâtre du Châtelet, version de concert
Du 8 au 10 mars

Lady Macbeth de Mzensk
Opéra de Massy
Du 15 au 18 mars

Lady Macbeth de Mzensk
Opéra de Genève
Du 8 au 18 mars

Approfondir
Lire aussi notre dossier « Lady Macbeth de Mzensk »

Crédits photographique
Production de l’Opéra d’Amsterdam (DR)

Mozart, les Noces de Figaro (1786)

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La première oeuvre née de la collaboration de Mozart et de Da Ponte, fut créée le 1er mai 1786 au Burgtheater de Vienne. La partition succède de près de deux ans à la première de la pièce de Beaumarchais (Le Mariage de Figaro, créé le 27 avril 1784). Ce que l’on sait moins, c’est qu’après la mort de Mozart, l’opéra fut créé à Paris le 20 mars 1793, salle de la Porte Saint-Martin, dans une adaptation française de… Beaumarchais.

A l’affiche
La fin de l’année 2006 ressemble à une apothéose : Les Noces de Figaro poursuivent leur splendide carrière sur les scènes lyriques. C’est assurément l’un des ouvrages les plus joués pour la saison lyrique 2006 / 2007. L’opéra de Mozart est à l’affiche des opéras d’Angers, Nantes et Caen :

Angers-Nantes opéra
Du 28 novembre au 19 décembre 2006

Opéra théâtre de Caen
Du 19 au 23 décembre

Opéra de Besançon
Du 24 au 28 janvier 2007

Dvd
René Jacobs vient de publier chez Bel Air classiques, en novembre 2006, Les noces de Figaro de Mozart, après avoir enregistré les deux autres ouvrages que le compositeur conçut avec le librettiste Lorenzo Da Ponte, Cosi et Don Giovanni, postérieurs. La production ainsi filmée est celle présentée au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, en juin 2004. Lire notre critique du dvd, Les noces de Figaro de Mozart par René Jacobs.

Musique et politique
La musique est politique. Mozart serait-il en cela le précurseur de Beethoven et de Verdi? Plus qu’un intuitif, qui aurait senti et recueilli mais de loin, le souffle de la Révolution française, Mozart, peintre du coeur, est aussi, un formidable portraitiste de la pensée politique de son temps. Homme libre, homme auto affranchi, il dispose de son destin hors des contraintes des conventions sociales. Il le montre lorsqu’il démissionne de son poste auprès de Coloredo ; il l’écrit surtout sans réserve : « …; et valet ou comte, du moment qu’il m’insulte, c’est une canaille« , écrit-il en 1781. Peu lui importent les avantages abusifs, le rang acquis par la naissance ; ce qui l’attache et l’émeut, c’est la noblesse d’âme, le coeur loyal et droit. Compositeur engagée certainement. Mais aussi, homme et musicien du coeur. L’un n’empêche pas l’autre.

Contrairement à ce que l’on dit, le génie de Mozart, s’il est inné et en apparence, aussi déconcertant que naturel, n’a pas empêché le compositeur de travailler, toujours, constamment, sans relâche. Aucune de ses oeuvres ne fut conçue avec légèreté mais au contraire comme l’aboutissement d’une réflexion et d’une analyse approfondie des effets et des procédés utilisés. En cela, les affirmations de Wagner sont infondées : Mozart n’a jamais sacrifié la qualité de ses livrets. Il s’est montré de plus en plus intraitable dans l’écriture des textes. Exigeant un peu plus, chaque année, de ses librettistes. Musicien « pur »: quelle incompréhension ! Autant musicien que dramaturge ! C’est d’ailleurs à l’aune de cette exigence exemplaire que l’on réévalue aujourd’hui, avec raison, la perfection de la Clemenza di Tito, son dernier seria, écrit au même moment que le Requiem et que la Flûte (août/septembre 1791).

La réussite des Noces, c’est, tout en respectant l’interdit impérial qui autorisait de lire la pièce de Beaumarchais mais non de la représenter, sa réalisation cohérente sur la scène lyrique, qui en dépit de la censure, n’a en rien édulcoré la portée séditieuse du texte. Et même, au final, la comparaison des deux textes, entre la pièce et le livret de l’opéra, entre le Mariage et Les noces, montre la radicalité voire l’insolence permanente des vers chantés par les interprètes de Mozart. La dernière entrevue de Mozart et de son employeur, l’infâme Coloredo, a été très violente. Démissionaire en mai 1781, Mozart se voit jeté à la rue avec violence par le comte Arco, chef des cuisines de l’Archevèque. Coloredo qui voulait avoir le dernier mot, chasse Mozart à coup de pieds, par traîtrise, comme le dernier des serviteurs. Comment ne pas considérer les mots de Figaro à l’endroit du comte, comme la revanche du musicien contre les nobles, scélérats et imposteurs?

La cavatine de Figaro (Acte I, scène3 : » Se vuol ballare, signor contino ») est un menuet parodique : le menuet, danse de la noblesse, est ici étranglé par la langue musicale de Mozart, réorchestré contre les convenances. Au final, la conjonction des mots de Beaumarchais et de la musique de Mozart, égale les pointes de Beaumarchais, même s’il a fallu couper dans le texte de la pièce : la scène du procès et les déclarations féministes de Marcelline, surtout le monologue de Figaro à l’acte V.

L’opéra des femmes
Mais, davantage qu’un registre acide, Mozart choisit la vérité du coeur, celle des femmes pour dénoncer la barbarie de l’ordre social de l’Ancien Régime : la Comtesse demande à ses domestiques de punir son époux. C’est par la voix des femmes que la vérité et le propos politique de l’oeuvre se réalisent. La finesse de Mozart est là. Contre l’ordre phalocratique, contre le système machiste : Figaro lui-même perd pied face à l’intelligence de Suzanne. Mozart a choisi délibéremment d’être du côté de ses héroïnes. Qu’imaginer d’autre d’ailleurs, lorsque l’on sait les sentiments qu’éprouvait le jeune compositeur pour Nancy Storage, la délicieuse soprano anglaise qui créa le rôle de Suzanne?
A la finesse du propos politique, correspond tout autant, le portrait des sensibilités, surtout féminines qui dans dans Les Noces, est plus ouvragé qu’ailleurs. La Comtesse, Suzanne, Barberine (celle-ci, ne serait-elle pas la victime de l’incontinent Comte? D’où son air si désespéré au début de l’Acte IV…), et Marcelline décrivent chacune, non seulement une indivudualité propre à leur âge, à leur expérience de la vie, mais aussi un rapport particulier au Comte qui renvoie à la peinture sociale de l’opéra. En définitive, pour Mozart, la satire sociale passe par la voix des femmes. Les Noces, opéra des femmes, certes oui!

Illustrations
Madame Vigée-Lebrun, autoportrait et deux portraits de jeunes femmes (DR)
A la Une du dossier : Watteau, Gilles (Paris, musée du Louvre)

Serge Prokofiev (1891-1953),L’Amour des trois oranges (1921)France 2, le 24 décembre 2006 vers minuit



Le 24 décembre vers minuit

Fuyant la Révolution russe, Prokofiev imagine un opéra bouffe dans l’esprit des napolitains, qui sera créé à Chicago en 1921. Anti romantique, l’oeuvre cite avec facétie, l’univers subtil de la farce italienne… dans le style de Jommelli et de Pergolèse.

Le rire médecin,
le rire souverain : pouvons-nous être sauvés par le rire? Au royaume des cartes à jouer, le prince ne peut être guéri que s’il rit…. Lorsque Prokofiev revisite en 1921, la commedia dell’arte sur un livret qu’il a lui-même adapté d’après Gozzi, le compositeur touche ce qui a fait les délices de l’opéra buffa de Pergolèse, Rossini à Donizetti. C’est qu’il atteint cette exquise légèreté qui fait la séduction des comédies sur tréteaux les plus réussies. D’ailleurs, l’écriture de Pulcinella le confirme : Prokofiev apprécie la langue néoclassique, et cette relecture des maîtres anciens, éminents dramaturges italiens, lui donne prétexte à traiter avec génie, la vitalité des effets musicaux, parfaitement dosée, en particulier cette ponctuation rythmique, parfois âpre, qui est l’élément pulsionnel moteur de ses oeuvres. La pulsation, c’est le nerf, comique et sarcastique. L’oeuvre fut dès sa genèse, écrite en français.
A Paris, le spectacle de l’Opéra Bastille, qui ravira les plus jeunes, se distingue grâce à la performance de quelques chanteurs très inspirés : brillent en particulier, Charles Workman (Le Prince) et Barry Banks (Trouffaldino).

Distribution
Opéra en un prologue
et quatre actes (1921)
Livret du compositeur
d’après la pièce de Carlo Gozzi,
« L’Amore delle tre melarance »
En langue française

Le Roi de Trèfle, Philippe Rouillon
Le Prince, Charles Workman
La Princesse, Clarice Patricia Fernandez
Léandre, Guillaume Antoine
Trouffaldino, Barry Banks
Pantalon, Jean-Luc Ballestra
Tchélio, Alain Vernhes
Fata Morgana, Béatrice Uria-Manzon
Linette, Letitia Singleton
Nicolette, Natacha Constantin
Ninette, Aleksandra Zamojska
La Cuisinière, Victor von Halem
Farfarello, Antoine Garcin
Sméraldine, Lucia Cirillo

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Direction musicale, Sylvain Cambreling

Mise en scène, Gilbert Deflo
Décors et costumes, William Orlandi
Chorégraphie, Marta Ferri
Lumières, Joël Hourbeigt
Chef des Choeurs, Peter Burian

Approfondir
L’amour des trois oranges est conçu par Prokofiev au moment de sa fuite, hors de la Russie révolutionnaire, en 1918. Lors d’un périple qui le mène du Japon aux Etats-Unis, il échafaude le plan de son opéra post-napolitain, et en propose la création à l’Opéra de Chicago. La création a lieu le 31 décembre 1921 devant un parterre plutôt enthousiaste. Mais lors de la reprise de l’ouvrage à New York, l’audience se montre plutôt froide. Plus tard, comme à son habitude, le compositeur recycle la substance expressive de son opéra, en une suite pour orchestre qui restera un grand succès au concert.
Prokofiev prend prétexte de la drôlerie délirante et bouffe du texte de Gozzi pour traiter la palette des caractères, dans toute l’étendue de la gamme émotionnelle : lyrique, grotesque, pathétique, tragique, sentimentale (duo amoureux du dernier acte)… le compositeur emporte l’ensemble des épisodes avec une dextérité expressive qui cible son objectif car il n’est jamais pesant : plutôt léger, inventif, suggestif. Un prince hypcondriaque, un ministre voué au mal, deux entités magiciennes rivales : Fata Morgana/le mage Tchelio. Le monde du conte est révisité avec une saveur parfois sarcastique et Prokofiev déploie une invention débridée pour chaque tableau.

La production diffusée par France 2

Dans la mise en scène de Gilbert Deflo, chanteurs (et nombreux figurants) expriment le délire buffa et tragique de cette rêverie revistée avec ironie voire cynisme par un Prokofiev inventif. Dans la fosse, la direction et Sylvain Cambreling est nette et précise. Un spectacle pour toute la famille : les personnages de la comédie italienne raviront les plus jeunes, l’ironie décallée des situations satisferont leurs parents. Un régal.

DVD
Kent Nagano, 1989.
« L’Amour des trois oranges » de Serge Prokofiev. Solistes : Gabriel Bacquier, Jean-Luc Viala, Vincent Le Texier, Didier Henry, Georges Gautier, Gregory Reinhart, Michèle Lagrange, Béatrice Uria-Monzon, Jules Bastin, Hélène Perraguin, Catherine Dubosc, Consuelo Caroli, Brigitte Fournier. Orchestre et chœurs de l’Opéra national de Lyon. Direction : Kent Nagano. Mise en scène : Louis Erlo. Production de l’Opéra national de Lyon (1989). Environ 1 heure 45 minutes. DVD Arthaus 100 404.
Un enregistrement exceptionnel sur le plan interprétatif, en outre la réalisation vidéo est spécialement conçue pour l’objet audiovisuel : ni plan fixe ni bruit de salle. Le réalisateur tourne autour des comédiens, suit l’action dans la proximité des acteurs.

Illustration
Tiepolo, Pulcinella

Cycle BrahmsAnvers, deSingel. Du 17 novembre au 12 janvier

De novembre à janvier, deSingel, incontournable centre d’art anversois, présente un cycle de musique de chambre dédié essentiellement à Johannes Brahms. Cinq concerts durant lesquels le Artis Quartett Wien et le Altenberg Trio Wien entourés de quelques amis, présenteront, en géométrie variable, une anthologie des trios, quatuors et quintettes du maître de Hambourg.

Brahms entre admiration et incompréhension
Dès ses débuts Brahms (né à Hambourg en 1833, mort à Vienne en 1897) fut adulé par les uns, au premier rang desquels Schumann qui le célèbre dans sa Neue Zeitschrift für Muzik, alors que d’autres, adeptes de la « Musique de l’Avenir », n’auront de cesse de le rejetter. Sa musique, aux antipodes de celle des wagnériens et lisztiens, fut souvent considérée comme conventionnelle et académique. Heureusement, à l’heure actuelle plus personne ne se hasarderait à en contester l’originalité et l’universalité. Car chez Brahms, les formes issues du classicisme se voient parées de mélodies fluides, de rythmes souples et de couleurs, souvent automnales, au charme particulier, qui font entrer sa musique de plein pied dans le romantisme le plus riche. Une mélancolie qui n’appartient qu’à Brahms se dégage de son oeuvre symphonique, de sa musique de piano, et bien sûr, de sa musique de chambre, à l’honneur à deSingel cette saison.

La musique de chambre
a accompagné Brahms tout au long de sa carrière, du premier Trio pour piano Op. 8 (1854) aux deux Sonates pour piano et clarinette Op. 120 (1894). Vingt-quatre opus, tous aussi aboutis les uns que les autres et formant l’ensemble de musique de chambre le plus vaste et le plus cohérent de la deuxième moitié du XIXe siècle.
Les oeuvres présentées à deSingel ont été composées entre 1868 (le Trio pour cor, violon et piano Op. 40) et 1891 (le Quintette pour clarinette Op. 115). Outre ces deux oeuvres, l’une rarissime, l’autre célèbrissime, le programme présentera deux des trois trios avec piano et l’intégrale des quatuors avec piano. Pour interpréter cette musique, mélange de rigueur germanique et de nostalgie embrumée, deSingel a convié le Artis Quartett Wien et le Altenberg Trio Wien, entourés, en fonction des programmes, de quelques amis. Ces deux ensembles viennois sont des habitués du Singel. Le Quatuor Artis, fondé il y a quelques vingt-cinq ans, est parmi les « jeunes » quatuors l’un des plus anciens déjà. Ses membres, tous les quatre autrichiens, sont professeurs à Vienne ou à Graz. Leur vaste répertoire va de Mozart aux compositeurs autrichiens de nos jours. Depuis 2003, ils jouent volontiers debout, plutôt qu’assis. Le Trio Altenberg, créé en 1994, est « Trio en Résidence » au Musikverein de Vienne. Son pianiste est viennois, son violoniste d’origine uruguayenne, son violoncelliste né à Varsovie. En dehors de la quasi-totalité des oeuvres classiques, son répertoire explore très largement la musique contemporaine.

Programme
vendredi 17 novembre à 20h:
Artis Quartett Wien, Gertrude Rossbacher (alto): Johann Sebastian Bach / Wolfgang Amadeus Mozart: Quatre fugues du Clavecin bien tempéré avec introductions de Mozart Felix Mendelssohn-Bartholdy: Quatuor à cordes n° 6 en fa mineur Op. 80 Johannes Brahms: Quintette à cordes n° 2 en sol majeur Op. 111

samedi 18 novembre à 20h:
Artis Quartett Wien, Sharon Kam (clarinette): Wolfgang Amadeus Mozart: Quatuor à cordes en sol majeur K. 387 Egon Wellesz: Quatuor à cordes n° 6 Johannes Brahms: Quintette avec clarinette Op. 115


jeudi 14 décembre à 20h
:
Altenberg Trio Wien, Herbert Kefer (alto): Johannes Brahms: Quatuor avec piano n° 1 en sol mineur Op. 25 Quatuor avec piano n° 2 en la majeur Op. 26

samedi 16 décembre à 20h:

Altenberg Trio Wien, Herbert Kefer (alto): Johannes Brahms: Trio avec piano n° 2 en ut majeur Op. 87 Trio avec piano n° 3 en ut mineur Op. 101 Quatuor avec piano n° 3 en ut mineur Op. 60

vendredi 12 janvier à 20 h:
Marie-Luise Neunecker (cor), Antje Weithaas (violon), Silke Avenhaus (piano): Charles Koechlin: Quatre petite pièces pour cor, violon et piano Op. 32 Robert Schumann: Adagio et Allegro pour cor et piano Op. 70 Maurice Ravel: Sonate pour violon et piano en sol majeur Volker David Kirchner: Lamento d’Orfeo pour cor et piano Johannes Brahms: Trio pour cor, violon et piano en mi bémol majeur Op. 40

Approfondir
La présentation détaillée des programmes et les informations pratiques (en néerlandais, français et anglais) sur www.desingel.be

Illustrations
Portrait de Johannes Brahms
Altenberg Trio Wien (DR)
Artis Quartett Wien (DR)

Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) Fra Diavolo, 1830Du 12 au 28 novembre

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Auber n’est plus guère joué de nos jours, ormis « La Muette de Portici » (1828) mais sur la scène de la Monnaie de Bruxelles, et pour des raisons historiques, puisque l’oeuvre joua un rôle fondamental, lors de la Révolution Belge de 1830.
Il reste pourtant de nombreux autres ouvrages d’un catalogue riche en réussites théâtrales dont ce Fra Diavolo de 1830, contemporain de l’Elisir d’Amore de Donizetti, qui, lui, a mieux passé le temps, en continuant de susciter nouvelles productions et reprises.

Fra Diavolo est le surnom de Michele Pezza (1771-1806), l’un des chefs de l’insurrection calabraise. Sévissant à Naples et dans toute la Calabre, recherché par la police napolitaine, il finira, après l’avènement de Joseph Bonaparte, condamné à mort puis pendu en 1806.
Dans l’opéra de Scribe et Auber, le héros vole les riches pour donner aux pauvres. La figure du brigand sans scrupule s’est adoucie en un Robin des Bois à l’italienne, plus conforme au genre de l’opéra comique.

Fra Diavolo
ou l’Hôtellerie de la Terracine

Opéra comique en trois actes
Livret d’Eugène Scribe
Créé à l’Opéra-Comique de Paris,
le 28 janvier 1830

Théâtre Impérial de Compiègne
Dimanche 12 Novembre à 17h30
Dimanche 19 Novembre à 17h30
Durée : 3h20 avec 2 entractes

Lire la fiche de la production sur le site
du théâtre impérial de Compiègne
(livret téléchargeable)

Opéra théâtre de Metz
Vendredi 24 novembre à 20h30
Dimanche 26 novembre à 15h
Mardi 28 novembre à 20h30

Lire la fiche de la production sur le site
de l’Opéra théâtre de Metz

Le Rossini Français
La production d’Auber couvre la première moitié du XIX ème siècle. Il accompagne la diversité de la création lyrique à Paris. Son offrande sur la scène, principalement dans le registre de l’opéra comique, s’achève en 1869 avec Le Rêve d’Amour à l’Opéra-Comique.
Aux côtés des partitions théâtrales (près d’un cinquantaine), il a laissé un corpus important comprenant de la musique de chambre, des concertos, des mélodies, de nombreuses pièces sacrées conçues pour la Chapelle du Louvre après 1852.
Auber fut couvert d’honneurs par les régimes monarchistes. Sous Louis X, il est académicien, en 1829. Il succède sous Louis-Philippe, à Chérubini pour diriger le Conservatoire. Napoléon III le nommera même en 1852, directeur de la Chapelle Impériale.
Il apprend le piano, le violon, chante comme baryton. Mais c’est le théâtre qui le fascine : Julie (1805) est sa première oeuvre. A cette époque, il rencontre Ingres avec lequel il restera en contact. Cherubini devient son professeur privé.
Ses premiers succès remontent aux années 1820 : La Bergère châtelaine, et l’année suivante (1821), Emma, l’imposent peu à peu sur les planches, avant que ne commence sa collaboration avec Scribe.
En 1825, Le Maçon recueille un triomphe : en 1828, même accueil avec La Muette de Portici dont le héros est un pantomine.
Auber, aux côtés de Meyerbeer et de Guillaume Tell incarne l’essor du grand opéra français.
Le Théâtre Impérial de Compiègne poursuit la redécouverte des oeuvres lyriques du « Rossini Français » : après Manon Lescaut (1990), Gustave III (1991), Le Domino Noir (1995), Les Diamants de la Couronne (1999), Haÿdée (2004), voici donc Fra Diavolo.

Fra Diavolo, perle des opéras comiques
Auber apprécie les passions tragiques rehaussées par les scènes collectives ; mais il affectionne comme Rossini, l’exquise veine comique. Fra Diavolo est la huitième oeuvre en collaboration avec Scribe. Au total, leur travail engendrera presque 40 opéras !
En pur amateur du registre fin et élégant, léger mais non superficiel, Auber réaborde la figure du bandit Michele Pezza dit Fra Diavolo : l’assassin populaire, ennemi de Napoléon, est ici traité avec la liberté d’une pure invention. Auber et Scribe refabriquent un héros dont l’essence favorise les effets de théâtre pour mieux perdre le spectateur, du moins le tenir e haleine, du début à la fin.
Auprès de Fra Diavolo, les auteurs imaginent les amours de Zerline, la fille de l’aubergiste (Auberge de Terracine) et du carabinier Lorenzo qui rêve d’arrêter Fra Diavolo pour empocher la récompense.Toute l’action se concentre sur l’identité réelle du bandit recherché. Qui est Fra Diavolo?
L’oeuvre remporte un succès immédiat grâce à l’intelligence de sa dramaturgie. Le compositeur ajoutera après la création de 1830, de nouveaux airs comme la cavatine chantée par Zerline et contribue à la qualité et à l’intérêt du rôle.
Mélodiste et subtil orchestrateur, Auber souffre encore de mauvais commentaires sur son oeuvre. Une réévalutation s’impose à son sujet. Et sa contribution exemplaire dans le domaine de l’opéra et de l’opéra comique, montre l’influence qu’il exerça même sur Rossini.

Synopsis
Acte I. Lorenzo aimerait encaisser la récompense offerte à celui qui fera prisonnier le bandit Fra Diavolo : pauvre devenu riche, il aurait davantage de poid pour demander la main de Zerline, fille de l’aubergiste Matteo, qui l’aime en retour.,
Un couple d’anglais, Lord Cockburn et sa femme Pamela ont été détroussés par le bandit qui paraît dans l’auberge sous les traits du marquis de San Marco que Pamela ne laisse pas indifférent. San Marco n’est autre que Fra Diavolo.
Lorenzo a récupéré les bijoux dérobés, et empoche même 10 000 francs en récompense, de la main de Cockburn. Tout cela aiguise la sagacité de Fra Diavolo.

Acte II. Lorenzo démasque le faux marquis et provoque Fra Diavolo en duel.

Acte III. Zerline aimerait épouser Lorenzo mais son père lui impose Francesco, un riche parti. Lorenzo parvient à piéger Fra Diavolo qui est arrêté. Les deux amoureux, Zerline et le valeureux Lorenzo, peuvent se marier.

Ilustrations
David Téniers II, scènes d’auberge vers 1635.

Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871)

Elève en 1805 de Cherubini, Auber n’obtient pas immédiatement le succès lyrique qu’il escomptait. Grâce à son maître, il peut rencontrer le librettiste Planard qui lui écrit les livrets de « la Bergère châtelaine » (1820), puis Emma (1821), deux opéras-comiques qui lui apportent reconnaissance et honneurs. Il a 29 ans.
C’est alors qu’il entreprend avec Scribe une longue et célèbre collaboration, semée de succès fulgurants. Encore sous l’emprise de Rossini, Auber n’atteint sa pleine maturité stylistique qu’avec « Léocadie » (1824), qu’il intitule « opéra français », surtout, « le Maçon » (1825), au moment où en peinture, les partisans du romantisme avec Delacroix s’opposent à l’orthodoxie néo-classique de Monsieur Ingres (salon de 1824).
Italien, Auber l’est dans la séduction des mélodies et du chant virtuose. Mais il ajoute cette touche proprement française dans son inspiration qui même, grâce et lyrisme. Ainsi en témoignent : « Fiorella » (1826), « la Fiancée » (1827), son chef-d’oeuvre, « Fra Diavolo » (1830). C’est l’époque où, Bellini triomphe à Milan avec la sonnambula, et Donizetti, L’Elisir d’amore, qui est l’étape antérieure à son Don Pasquale de 1843.
Suivent alors des oeuvres subtiles et équilibrées, qui offrent la contrepartie française de l’opéra comique et romantique italien, tel qu’il est illustrés par Rossini, Bellini et Donizetti. Emploi ciselé de soprano suraigu, écriture orchestrale astucieuse et très efficace, vitalité des enchaînements : Auber s’affirme sur la scène comme un génie de la dramaturgie enlevée, souple. « Gustave III » (1833) est une partition à ce titre parfaitement réussie, comme « les Diamants de la couronne » (1841) qui montre l’activité créative de son inspiration, virtuose dans le renouvellement mélodique et rythmique (nombreux mouvements de danses).
Mais Auber n’a pas uniquement montré l’étendu de son talent sur le mode comique. Avec « La Muette de Portici » (1828), il traite le genre sérieux, héroïque et politique : le sujet illustre la révolte de Masaniello à Naples en 1647. Avec « La Muette », Auber aborde la grande machine, comprenant foules, grands tableaux, numéros de solistes, le tout architecturé avec élégance et sans lourdeur. Le duo patriotique, « Amour sacré » servit d’air de ralliement pour les révolutionnaires belges de 1830, assurant la victoire des insurgés à Bruxelles où l’oeuvre connaissait un triomphe. Dès lors, oeuvre pleinement au diapason des espoirs d’une époque, La Muette éleva derechef son auteur dans l’estime européen. Non seulement social et politique, le rayonnement d’Auber fut encore, et surtout, musical : sa « Muette » servit de modèle dans le genre du grand opéra à la française, pour Rossini, Meyerbeer, Halévy.
Même Wagner lui vouait une admiration sincère et sut reprendre à son tour quelques effets et tours, pour son opéra romantique, « Lohengrin ».
Rossini qui avait sur la scène comme en ville l’esprit facétieux aimait railler la petite taille de son confrère : « piccolo musico, ma grande musicista » c’est à dire, petit musicien mais grand créateur de musique. Auber, il est vrai, était de fort petite taille, ce qui ne l’empêcha non plus de diriger le Conservatoire, de 1842 à sa mort.

Concours Long-Thibaud, gala des lauréats Salle Pleyel, le 17 novembre 2006 à 20h

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Pour son 63ème anniversaire, le Concours Long-Thibaud s’offre un concert de gala réunissant les lauréats des dernières années. L’événement est diffusé en direct sur France musique et sur internet : www.francemusique.com. Concert retransmis ensuite, sur France 3, le 15 décembre en soirée.

Programme du concert de Gala
Accompagnés par l’Orchestre Philharmonique de Radio-France (direction : Ion Marin), huit solistes (cinq garçons et trois filles) originaires de sept pays différents offriront aux auditeurs et spectateurs, l’étendue de leurs talents prometteurs.

Mendelssohn,
Concerto pour piano, violon et orchestre en ré mineur,

2e et 3e mouvements
Ilia Rachkovski, piano
Akiko Yamada, violon.

Franck,
Variations symphoniques

Alberto Nosé, piano.

Bruch,
Concerto pour violon et orchestre n° 1

Frederieke Saeijs, violon.

Chausson,
Poème pour violon et orchestre

Shion Minami, violon.

Nicolas Bacri,
Divertimento pour piano, violon et orchestre

Bertrand Chamayou, piano
Svetlin Roussev, violon.

Ravel
Concerto pour la main gauche

Siheng Song, piano.

Orchestre philharmonique de Radio France,
Ion Marin, direction

Un concours né pendant la guerre (1943)
La musique et le soutien aux jeunes talents contre la barbarie de la guerre : en 1943, aux heures sombres des conflits qui ensanglantent l’Europe, Marguerite Long et Jacques Thibaud créent un concours destiné à encourager les instrumentistes les plus doués de la jeune génération. Les lauréats sont d’abord français, pression des événements de guerre oblige. Le pianiste Samson François et la violoniste, Michèle Auclair sont les premiers talents couronnés par le Concours, en 1943. Mais dès 1946, les fondateurs voient leur projet se réaliser : l’ouverture des candidatures à l’international. Plus de soixante ans après sa fondation, le Concours continue d’occuper une place prépondérante, faisant de Paris, une étape décisive dans la reconnaissance du talent des plus jeunes musiciens, originaires du monde entier.
Le Concours s’articule en trois chapitres : un concours de piano, puis de violon, l’année suivante; enfin, la troisième année permet d’organiser une soirée de gala où les derniers lauréats sont invités à jouer les oeuvres du répertoire et celles des compositeurs contemporains.

Marguerite Long
Originaire de Nîmes, la créatrice du Concerto en sol de Maurice Ravel fut une pianiste sensible, généreuse qui joua les oeuvres des compositeurs de son temps. Gabriel Fauré est son témoin de mariage quand elle épouse le musicologue Joseph de Marliave. Ce dernier sera tué au front en août 1914, et c’est Claude Debussy qui encourage la pianiste endeuillée à vaincre la douleur du chagrin. Professeur au Conservatoire de Paris, Marguerite Long mena une carrière internationale comme concertiste.

Jacques Thibaud
Né à Bordeaux, le jeune violoniste à onze ans, n’était pas qu’exceptionnellement doué : il savait déjà émouvoir jusqu’aux larmes. Edouard Colonne l’engage dans son orchestre ayant remarqué son jeu personnel et affirmé. Remplaçant au pied levé le violon solo indisposé (Guillaume Rémy), le violoniste époustoufle par son aisance, sa justesse musicale et sa liberté de jeu, l’auditoire du concert du 20 novembre 1898, en particulier dans le prélude du Déluge de Camille Saint-Saëns (douze rappels). A l’aube du XX ème siècle, il incarne l’excellence du goût et de la grâce française. A partir de 1903, il débute une carrière de concertiste, sillonnant le monde et multipliant les tournées. Il est aussi membre du Trio Cortot, Thibaud, Casals, une phalange célébrée partout en Europe, aux Etats-Unis et en Russie. Blessé gravement en 1915, il est réformé. Le Gouvernement lui demande alors d’être l’ambassadeur auprès des Etats-Unis afin que la nation américaine redouble ses efforts de guerre et participe à la résolution de la Première guerre mondiale. Jacques Thibaud effectue alors une nouvelle tournée aux Etats-Unis. A son retour, il enseigne aux côtés de Marguerite Long, auprès des élèves de l’Ecole normale de musique.
Pendant le second conflit mondial, il perd son fils aîné, Roger, mort à Sedan. Il poursuit en 1941, ses cours à la nouvelle Ecole de musique de Marguerite Long. Deux années après, le Concours qui porte leur nom, voyait le jour. Jusqu’au 1er septembre 1953, date de l’accident d’avion qui lui sera fatal, l’homme et l’artiste n’ont cessé de diffuser l’oeuvre pacificatrice et transcendante de la musique.

Quelques lauréats
Les pianistes Paul Badura-Skoda (1949), Aldo Ciccolini (1949), Bruno Gelber (1961), Brigitte Engerer (1969), Cédric Tiberghien (1998), … ; mais aussi, les violonistes Christian Ferras (1949), Jean-Jacques Kantorow (1967), Olivier Charlier (1981), Laurent Korcia (1984), Svetlin Roussev (1999), Deborah Nemtanu (2002), … ont été, entre autres, lauréats du Concours Long-Thibaud.

Approfondir
Toutes les infos sur le site du Concours : www.concours-long-thibaud.org

Concours 2007
Le Concours de piano 2007 se tiendra du 20 octobre au 30 octobre 2007 avec le concours de l’Orchestre national de France, direction : Kurt Masur. Les deux finales auront lieu les 27 octobre (récital, salle Gaveau) et 28 octobre (concerto, salle Pleyel). La remise des prix et le concert de gala se tiendront salle Pleyel, le mardi 30 octobre 2007.

Concours 2008
Le Concours de violon 2008 se tiendra quant à lui, du 7 au 17 novembre 2008, avec la participation de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, directeur musical : Myung-Whun Chung.

Jean Sibelius (1865-1957), Finlandia (1899)Salle Pleyel, les 29 et 30 novembre à 20h

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Esa-Pekka Salonen
dirige
Sibelius

Dernière minute : Esa-Pekka Salonen annule pour raison de santé sa direction pour ce concert. C’est l’Israélien Ilan Volkov, 30 ans, chef permanent de l’Orchestre symphonique écossais de la BBC, qui le remplacera.

Salle Pleyel
mercredi 29 novembre, à 20h
jeudi 30 novembre, à 20h

Un poème symphonique initialement prévu dans un cycle de « tableaux historiques » mais qui devint, sans que son auteur l’est voulu, l’hymne de la Finlande nationaliste, contre l’impérialisme russe. « Finlandia », créé le 4 novembre 1899 à Helsinki, était à l’origine le sixième tableau d’un ensemble symphonique plus vaste, au sujet poétique, en rien politique. Or lorsqu’en 1900, l’Orchestre national d’Helsinki joua la partition à l’Exposition Universelle de Paris, les spectateurs l’entendirent comme le cri de révolte d’un état occupé par les russes. Sibelius, qui avait 35 ans, devint du jour au lendemain, la figure internationale de l’autonomie finlandaise, et son oeuvre, un second hymne national.

Si le premier mouvement – andante sostenuto-, peint avec grandeur et lyrisme, la beauté des paysages de Finlande, ses vastes forêts et les miroirs étincelants de ses lacs légendaires, le second mouvement fait retentit une marche haletante et triomphale dont l’apothéose a suscité l’enthousiasme de l’audience finlandaise, et le ralliement des sympathisants de l’indépendance finlandaise. Le pays ne se libérera du joug russe qu’en 1917.

Au programme également des concerts de la Salle Pleyel, le Mandarin Merveilleux de Bartok dont Sibelius était un fervent admirateur.

Finlandia, opus 26


Orchestre de Paris
Esa-Pekka Salonen
, direction

Autres oeuvres au programme de ce concert :

Bela Bartok,
La Mandarin merveilleux
(suite)

Hector Berlioz
Roméo et Juliette,
(extraits symphoniques)

Esa-Pekka Salonen en téléchargement
A partir du 30 octobre, DG rend disponible, uniquement en téléchargement, dans le cadre de son offre, Global Concert Hall, un concert enregistré en live où Esa-Pekka Salonen dirige l’Orchestre Philharmonique de Los Angeles dans Beethoven (Symphonies n°7 et 8) et Anders Hillborg (né en 1954. « eleven gates »). Lire notre critique des symphonies n°7 et n°8 de Beethoven par Esa-Pekka Salonen, en accès 100% digital, uniquement disponible en téléchargement.

Gaetano Donizetti (1797-1848), L’elisir d’amore (1832)

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Un buffa superficiel?
Donizetti, musique facile, un tantinet superficielle, au dramatisme creux et aux ficelles remâchées ? Le jugment est facile. Or rien de moins vrai s’agissant d’un génie de la scène lyrique italienne. Talent vite oublié et minoré après Rossini, avant Verdi, rival douloureux de Bellini, son cadet de quatre ans. Autant dire son incontournable contemporain.
Sa Lucia di Lammermoor (1835) continue d’être jouée : logique pour une partition qui reste le chef d’oeuvre de l’opéra romantique italien. Pendant un bref séjour à l’été 1832, Berlioz se révèle un témoin imprévu. Arrivé à Milan, il témoigne de sa découverte à l’opéra, de cet Elisir d’Amore. Témoin furtif, finalement étranger à sa séduction buffa, car le bruit de la salle, dont les loges bruyantes où les spectateurs dînaient au mépris du spectacle qui se jouait dans leur dos, empêchait d’écouter la musique et les chanteurs ! Notre Hector, touriste français dans la capitale du bel canto, se retira illico.
Comment mesurer la valeur de cette partition comique, aussi légère que séditieuse, dont la composition fut « bâclée » en l’espace de quelques semaines?

Genèse
Alessandro Lanari demande à Donizetti qui vient pourtant d’essuyer un échec cuisant à La Scala avec Ugo, conte di Parigi, demande à Donizetti, pour son théâtre du Cannobiana, un nouvel opéra pour la saison 1832. Donizetti s’attèle avec joie, d’autant que pour librettiste, il bénéficie des vers du plus grands versificateurs de l’heure, résidant à Milan lui aussi, Felice Romani. Donizetti a 34 ans et déjà le même cota d’opéras composés (en vérité 36!). Il s’est imposé sur la scène lyrique mais dans la veine tragique, grâce à Anna Bolena, créé en décembre 1830, au Teatro Carcano de Milan.
Donizetti souffre de la rivalité croissante du jeune Bellini qui vient de triompher avec sa Sonnambula (1831, avec la Pasta dans le rôle-titre!). Romani signait le livret.
Romani adapte le livret préexistant du Philtre d’Auber, rédigé par Scribe. D’ailleurs, la basse française dont dispose Donizetti pour son Elisir, Henri-Bernard Dabadie, a chanté dans le Philtre. Le librettiste regarde aussi, du côté d‘Il filtro de Malaperta. L’action se passe également en pays basque. Mais, les noms des quatre protagonistes ont changé.
Bien que caractériel et bourru, Romani rédige un texte élégant et inventif, deux adjectifs qui peuvent être avancés pour la musique de Donizetti. En génie de l’imagination fluide, Donizetti imposa contre l’avis de Romani, l’air de Nemorino, « Una furtiva lagrima« , l’un des plus beaux airs pour ténor de l’époque.

Un elisir tendre
Comparé aux autres ouvrages Donizettiens dans la veine comique, l’Elisir se révèle plus tendre et gracieux, comme adouci. La veine est d’une essence plus diluée que le futur Don Pasquale, chef d’oeuvre d’esprit rossinien, aussi cruel que Cosi fan tutte de Mozart. Le personnage de Nemorino qui est la proie du faux elixir à l’efficacité plus que douteuse, conduit l’action. Tendre et sincère, en rien ridicule ni grotesque, il exige de l’interprète de la subtilité, y compris dans les épisodes comiques dont le tableau où sous l’action du philtre d’amour (en fait, un vin de Bordeaux), Nemorino devient ivre. Adina quant à elle, dévoile cette même profondeur psychologique : elle comprend que seule la constance paie. A leurs côtés, Donizetti et Romani ajoutent deux rôles comiques : le charlattan et le matamore. Les deux rôles qui proviennent directement de la commedia dell’arte tentent chacun des deux amoureux, du moins les écarte-t-il symboliquement l’un de l’autre ; il les conduisent à éprouver en définitive la valeur de leur attachement. En les séparant, il permet qu’ils se retrouvent définitivement. C’est une école amoureuse de caractère napolitaine et buffa, mais au cynisme et au sarcasme beaucoup moins persistant que Cosi.

Réception
A sa création, l’ouvrage suscita quoiqu’en dise Berlioz, finalement peu attiré par les vocalises italiennes, un franc succès. Le génie de Donizetti, en digne héritier de Rossini, manie la légèreté avec profondeur. La sincérité des sentiments succèdent souvent aux tableaux de pur buffa. En deux actes, efficace et accessible, séduisant et émouvant, l’ouvrage reste l’une des meilleures partitions du Donizetti plein de verve et d’humanité, précuseur du futur Don Pasquale (créé à Paris, à l’Opéra-Comique, le 3 janvier 1843).

Discographie
Richard Bonynge, 1970
Joan Sutherland (Adina), Luciano Pavarotti (Nemorino)… Ambrosian opera chorus, English Chamber Orchestra. Difficile de rester insensible à la qualité superlative de cet enregistrement qui fait partie des meilleures réalisations de Dame Joan. Le timbre idéalement tendre et fragile accomplit le personnage d’Adina. A ses côtés, le feu et l’éclat solaire de Pavarotti sont tout simplement époustouflants : sa vitalité brûle les planches. Coffret Decca, réédité en novembre 2006, dans le cadre de l’édition Decca des 80 ans de Dame Joan Sutherland.

Illustrations
Portrait de Gaetano Donizetti (DR)
Watteau, Pierrot et les comédiens italiens (Paris, musée du Louvre)

Richard Wagner, LohengrinFrance musique, le 25 novembre à 19h

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Samedi 25 novembre à 19h

Richard Wagner, Lohengrin
opéra enregistré à l’Opéra national de Lyon,
les 14 et 19 octobre 2006

Anvers, X ème siècle. Elsa von Brabant est accusée d’avoir fait disparaître son jeune frère, Godefroy, pour monter sur le trône. Mais surgit son Sauveur, un chevalier inconnu qui prend sa défense contre ses accusateurs. La princesse convole en justes noces avec son chevalier miraculeux et se destine à un avenir glorieux… mais c’était compter sans les agissements du couple de conspirateurs, Telramund et Ortrud, qui distille dans le coeur d’Elsa, le poison du doute et du soupçon. En demandant au héros, son identité, malgré le voeu qu’elle avait prononcé, Elisabeth rompt le lien qui l’unissait au Chevalier Lohengrin.

Wagner n’en est pas à son premier opéra chevaleresque. Avant Lohengrin (1848), Tannhäuser (1845) peint aussi l’impossibilité d’un amour maudit. Certes, il y a bien métamorphose dans le coeur de Tannhäuser mais il est trop tard pour qu’il retrouve Elisabeth. Dans Lohengrin, le compositeur qui poursuit son travail pour la définition d’un nouvel opéra germanique, après Weber, affine encore sa propre conception du théâtre, et produit un opéra non pas historique mais romantique, où le sujet met en relief la passion du sentiment, la trame des pensées contradictoires et maladives, l’activité des sortilèges et des envoûtements secrets qui inspire à l’orchestre, un flot de plus en plus foisonnant.


En dépit de l’extase romantique
qui insuffle à Elsa, ses visions et ses aspirations, la conclusion de l’opéra est sans appel : la princesse meurt d’avoir douté, et Lohengrin s’en retourne d’où il est venu. L’amour maudit chez Wagner prendra encore une forme renouvelée avec Tristan, qui est l’expression suspendue, extatique d’un sentiment d’échec et de profonde névrose. La fusion de deux êtres ne peut se réaliser sur cette terre. L’écriture musicale cependant atteint une élévation féerique et d’exaltation lyrique qui culmine déjà dans l’ouverture dont les cimes éthérées ont enthousiasmé Baudelaire.
Composé la même année (Dresde, 1848) que l’unique opéra de Schumann, Genoveva, Lohengrin précise une esthétique et une vision du couple, tout à fait différente que l’opus Schumannien. Lire notre dossier Genoveva de Robert Schumann.

Lohengrin
Opéra en trois actes
Livret du compositeur
Créé à Weimar, Hoftheater,
le 28 août 1850

Distribution
Hans Sotin, Le roi Henri
Hugh Smith, Lohengrin
Inga Nielsen, Elsa
Tom Fox, Telramund
Evelyn Herlitzius, Ortrud
Brett Polegato, le héraut du roi

Orchestre et choeur
de l’Opéra national de Lyon
Lothar Koenings, direction

Illustrations
Ingres, Roger délivrant Angélique (DR)

Berlioz, Les TroyensFrance musique, le 4 novembre à 18hEn direct de l’Opéra national de Paris

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Berlioz, Les Troyens
En direct de l’Opéra national de Paris
Samedi 4 novembre à 18h

En octobre et novembre 2006, Les Troyens de Berlioz font un retour remarqué sur la scène lyrique. A l’affiche des Opéra de Paris et du Rhin, la grande machine berliozienne, nous parle de gloire irrépressible, de joutes guerrières irrésistibles, de la passion tragique de deux héros que pourtant tout incitait à réunir. Grandeur de la fresque, intensité des passions humaines (le vrai sujet de l’opéra), Les Troyens, sous leur armures, savent aussi faire parler les élans du coeur : certes, Hector en lecteur de Virgile se laisse transporter par le souffle de l’épopée antique, mais il s’intéresse surtout au chant et à l’extase de deux âmes amoureuses, en particulier, ceux de Didon et d’Enée…
France musique diffuse en direct de l’Opéra national de Paris, la production que Gérard Mortier a choisi d’offrir aux parisiens et qui avait été présentée pour le Festival de Salzbourg en 2000 dans la mise en scène d’Herbert Wernicke, décédé en 2002.

Distribution

Opéra en cinq actes et neuf tableaux (1863)
Livret d’Hector Berlioz d’après L’Enéide de Virgile


La prise de Troie
Cassandre, Deborah Polaski
Ascagne, Gaële Le Roi
Hécube, Anne Salvan
Enée, Jon Villars
Chorèbe, Franck Ferrari
Panthée, Nicolas Testé
Le fantôme d’Hector, Philippe Fourcade
Priam, Nikolai Didenko
Un capitaine grec, Frédéric Caton
Helenus, Bernard Richter
Andromaque, Dörte Lyssewski
Polyxène, Carole Noizet

Les Troyens à Carthage
Didon, Deborah Polaski
Anna, Elena Zaremba
Ascagne, Gaële Le Roi
Enée, Jon Villars
Iopas, Eric Cutler
Hylas, Bernard Richter
Narbal, Kwangchul Youn
Panthée, Nicolas Testé
Deux capitaines troyens, Nikolai Didenko, Frédéric Caton
Mercure, Nicolas Testé

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine/Choeur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Direction musicale, Sylvain Cambreling
Mise en scène, Herbert Wernicke réalisée par Tine Buyse
Décors, Herbert Wernicke réalisés par Joachim Janner
Chef des Choeurs, Peter Burian

Illustrations
Pierre Narcisse Guérin, Vénus et Adonis, Clytemenestre (DR)

Mozart, Don GiovanniFrance musique, les 18 et 20 novembre

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Mozart, Don Giovanni
par René Jacobs

Samedi 18 novembre à 19h30
(version de Prague)

Lundi 20 novembre à 20h
(version de Vienne)

Opéras en concert enregistrés à la Salle Pleyel,
les 28 et 29 octobre 2006

L’actualité de « Don Giovanni » reste permanente. Davantage que Carmen, les dernières années ont multiplié le nombre des productions de l’ouvrage de Mozart et Da Ponte. L’année Mozart en est certainement responsable. Pour l’heure, prétexte à notre dossier sur l’oeuvre, sa genèse et ses enjeux, la version défendue sur la scène de la salle Pleyel à Paris, à la fin d’octobre, par le chef baroqueux, René Jacobs, est l’une des plus intéressantes offres du second semestre 2006. C’est qu’en plus d’une relecture du mythe littéraire et métaphysique de l’ouvrage, Jacobs nous offre en un cycle de deux soirées, les deux versions historiquement successives de la partition, d’abord la création Praguoise, ensuite, sa reprise à Vienne, avec chanteurs et aménagements différents.

René Jacobs qui a renouvelé la perception du théâtre mozartien, avec ses lectures de Cosi, des Noces et plus récemment de la Clémence de Titus, (parue au premier semestre 2006 chez Harmonia mundi), poursuit ses relectures sur instruments d’époque, dans le style articulé et ciselé qui le distingue désormais. Il manquait à son palmarès, « l’opéra des opéras » : Don Giovanni, deuxième opéra que Mozart compose en complicité avec l’écrivain Da Ponte. L’œuvre maîtresse de la scène lyrique, qui est aussi le volet central de la Trilogie Mozart/da Ponte, fut composé en octobre 1787 pour le Nationaltheater de Prague, avant d’être réadapté pour le Burgtheater de Vienne au printemps 1788.

D’après Tirso da Molina, après Molière, suivant la trame de Bertati, Da Ponte excelle à souligner le souffle fantastique du mythe. Le séducteur dévoré par un feu intérieur, érotique et séditieux, anticipe les brûlures révolutionnaires qui vont bientôt s’abattre sur l’Europe des monarchies. Caractérisation des couples protagonistes selon leur registre respectif, entre l’héroïque « seria » et le comique « buffa », Jacobs s’intéresse à exprimer l’identité des individus même si, ici, aucun des portraits ne reste figé. Entre la tragédie et le délire parodique, tout vacille. Mozart brouille les conventions comme le fait son héros : bouffe et héroïque, pluriel, insaisissable et inconstant, comme le Chevalier Don Giovanni.
Si d’une première approche, Zerlina, Masetto et Leporello appartiennent au tiers-état, si a contrario, au sommet de la pyramide sociale, Anna, Elvira et Ottavio incarnent les sujets « nobles » de l’histoire, Don Giovanni se délecte à interchanger les points de vues et « inventer » de nouveaux rapports sociaux. Le travestissement qui lui permet de prendre la place de son valet, et réciproquement, indique la pulsion alternative et ambivalente du héros.
Sur le plan de la forme, l’opéra suit la même diversité inventive, dans la fulgurance et le foisonnement. Plus rien n’est fixe car tout est appelé à changer.

Distribution
Johannes Weisser, Don Giovanni
Lorenzo Regazzo, Leporello
Svetlana Doneva, Donna Anna
Alexandrina Pendatchanska, Donna Elvira
Werner Güra, Don Ottavio
Sunhae Im, Zerlina
Nikolay Borchev, Masetto
Le Jeune chœur de Paris
Freiburger Barockorchester,
Direction, René Jacobs

Illustrations
Fussli, Don Giovanni (DR)

Crédit photographique
René Jacobs, DR

John Casken, Golem (1989)Opéra de Rennes, Théâtre de QuimperLes 6, 7, 9 et 15 novembre

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Créé en 1989, au Théâtre Almeida de Londres, Golem du compositeur contemporain John Casken cristallise les espoirs démesurés d’un peuple apeuré en un être supérieur, la figure d’un sauveur qui peut s’avérer dangereuse.
Opéra allégorique, Golem prend dans le contexte de barbarie menaçante qui nous est propre, la valeur d’un avertissement : l’homme ne peut trouver les réponses qu’en lui-même. A ses criantes angoisses, à ses peurs récurrentes, contre la menace de l’autre, il n’est qu’un remède, l’accomplissement de la parole humaine, celle du dialogue. « Elle avertit aussi que l’homme aurait tort de vouloir chercher à découvrir ailleurs qu’en soi, en dépit de soit, la solution à ses problèmes« , précise l’auteur.
L’oeuvre est une poésie philosophique qui puise à diverses sources : le Kabbalah, l’Arbre de vie, le mysticisme juif. D’après la légende datée du XVI ème siècle, le Maharal, rabin de Prague aurait façonné une créature supérieure afin de protéger la communauté juive de toute menace. Or à vouloir jouer les apprentis sorciers, une âme pourtant bien intentionnée, se livre à la pire des créations, celle qui au départ inespérée, se révèle destructrice contre ceux qu’elle était censée protéger.
Elève de Lutoslawski, Casken, né en 1949, cultive une sobriété du langage musical, propre à peindre chaque tableau de la légende avec économie et poésie. Au carrefour des arts, Casken a un temps hésité entre musique et peinture. Il a gardé pour les arts visuels un attachement viscéral, comme en témoigne son oeuvre pour orchestre, « Tableaux des Trois ages » d’après Gustave Moreau (1977). Il en résulte dans Golem, une imagination fascinante, propice à plonger dans un conte d’ancienne mémoire, où le temps dilué, prend valeur de champs incantatoire. Golem demeure l’oeuvre la plus jouée du compositeur, avec peut-être, Orion over Farne, To Fields We do not Know, Darting the Skiff, autant de partitions qui sont traversées par l’ enracinement du musicien dans sa terre natale, le Yorkshire.

John Casken
Golem

Londres, 1989
Opéra de chambre en deux actes
Livret de Pierre Audi et John Casken

Les 6, 7 et 9 novembre
Opéra de Rennes

Le 15 novembre
Théâtre de Cornouailles, Quimper

Maharal, Armando Noguera
Golem, Jean-Loup Pagésy
Miriam, Helen Kearns
Ometh, Tim Mead
Stoikus, Christopher Lemmings
Jadek, Richard Burkhard
Stump, Stuart Patterson
Gerty, Georgia Ellis-Filice

Ars nova
Direction musicale, Philippe Nahon
Mise en scène, Jean Boillot

Illustration
Goya, le colosse

Jules Massenet, Esclarmonde (1889)

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En quatre actes spectaculaires, par leur dimension narrative et aussi par l’ampleur des ressources musicales, dont un orchestre wagnérien, Esclarmonde reste l’un des ouvrages les plus ambitieux de Massenet. Et d’autant plus injouable que le rôle titre exige une tessiture coloratoure exceptionnellement étendue.
Le compositeur comme il le précise à son éditeur Hartmann, avait trouvé en Sybill Sanderson, l’interprète idéale : actrice et chanteuse, douée d’une agilité et d’une amplitude vocale, époustouflante. En 1975, Joan Sutherland renouvelle l’exploit en chantant et enregistrant l’opéra, permettant l’exhumation de l’ouvrage grâce au miracle d’une voix taillée pour le rôle.

L’oeuvre suit la création de Manon Lescaut (janvier 1884). C’est une période extrêmement féconde qui en 1885 inspire à Massenet, Le Cid puis Werther. Mais subjugué par le talent de son égérie, Sybill Sanderson, il réécrit le rôle de Manon Lescaut en 1887, et surtout s’attèle à Esclarmonde, l’opéra qui mettra en valeur le talent unique de la chanteuse. La cantatrice inspira encore Thaïs d’après Anatole France (créé en mars 1894). Il s’agit donc d’une rare collaboration entre un compositeur et son interprète, à la façon du peintre et de son modèle. Sybill Sanderson mourra d’une grippe en mai 1903.

Le sujet
comme Lohengrin de Wagner, se concentre sur le voeu du chevalier Roland à la mystérieuse Esclarmonde, un voeu par lequel il s’engage à ne jamais chercher à connaître l’identité de sa belle fiancée. Comme Lohengrin demande à Elsa de ne pas lui demander qui il est. L’amour doit être un don, la promesse d’une confiance absolue, inaltérable.
Pourtant si Roland se parjure et trahit la promesse, sous la pression de l’Evèque de Blois (Acte III), les auteurs d’Esclarmonde, sauront conclure l’histoire sur une note positive, en permettant aux deux amants de se retrouver à la fin de la partition, résolution heureuse, absente chez Wagner.

Même si l’oeuvre a été conçue pour une interprète, l’ouvrage n’est pas qu’un prétexte : les autres rôles masculins, dont Roland, l’Evèque ou l’Empereur donnent du corps à l’ensemble et s’ils sont bien chantés, restitue à l’opéra romanesque, sa fascination féerique et épique. Dans la musique, opulente et parfois grandiloquente mais à dessein, l’antique puissance de Byzance est ressuscitée. Mais une Byzance filtrée par l’imaginaire parisien de la fin des années 1880 : le goût de l’orientalisme et du Moyen-Age, de la féerie et du fantastique se mêlent, offrant au genre lyrique, un cadre fécond pour de riches évocations musicales.

Esclarmonde
Opéra romanesque en quatre actes
Livret de Alfred Blau et Louis de Gramont
Créé à l’Opéra-Comique, à Paris, le 14 mai 1889.

Approfondir
Lire notre notule sur l’enregistrement Decca de 1975 dans lequel Joan Sutherland chante Esclarmonde.
Réédition réalisée pour les 80 ans de la cantatrice australienne.

Illustrations
L’Impératrice Theodora, mosaïques de Ravenne
La soprano Sybill Sanders dans le rôle d’Esclarmonde

Ludwig van Beethoven, les neuf Symphonies(1799-1824)

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Neuf chapitres
pour une oeuvre inclassable

Un monument encore largement célébré, joué, analysé et qui prolonge comme nul autre, l’héritage de la symphonie haydnienne, son énergie, ses contrastes de dynamiques, son rythme. Mais avec un orchestre décuplé, véhément, et même rugissant tant il porte les idéaux politiques et philosophiques de son temps : les neuf symphonies de Beethoven expriment peu à peu l’émergence d’une pensée musicale et même, l’essor d’une conscience orchestrale comme volonté et affirmation de l’individu. C’est la manifestation d’une ambition jamais exprimée jusque là.

L’intégrale Beethoven par Sir Simon Rattle
L’actualité discographique de novembre 2006 met à l’honneur les symphonies de Beethoven : un chef au tempérament exceptionnel navigue ici avec un sens supérieur de la direction ; il est vrai qu’il dispose d’une équipe remarquable : Sir Simon Rattle aborde le cycle avec les musiciens de la Philharmonie de Vienne. Emi classics réédite, en novembre 2006, les enregistrements captés sur le vif, à Vienne, en mai 2002.

Genèse
De 1799 (Première Symphonie) à 1824 (création de la Neuvième), la genèse de l’écriture orchestrale Beethovénienne, couvre deux décennies, décisives pour le style romantique comme capitales, sur le plan des idées et des événements de l’histoire européenne.
Tout en reprenant le cadre de la sonate classique, Beethoven crée du neuf dont par exemple, le scherzo qui, ancien menuet de l’époque galante, s’émancipe et devient autonome, réoxygéné en quelque sorte. D’ailleurs, seules les Deuxième et Troisième indiquent le nom de scherzo, quand pour les autres, Beethoven préfère signaler un tempo. La volonté d’embrasser toutes les formes à sa disposition à la mesure de son génie, conduit le compositeur au grand oeuvre, la Neuvième qui élargit l’horizon de cette conscience musicale, qui rehausse la vie humaine, au diapason de la Nature, à l’échelle du cosmos. La dernière symphonie exprime aussi la maturation spirituelle du Beethoven humaniste, qui choisit de conclure son chant orchestral en mettant en musique l’hymne fraternel, l’ode à la joie de Friedrich Von Schiller. Voici une brève présentation du massif beethovénien, brossant en neuf cimes, un paysage de plus en plus grandiose.

Sommaire

Symphonie n°1
Symphonie n°2
Symphonie n°3

Symphonie n°4
Symphonie n°5

Par Jean-Marc Goossens

Symphonie n°6

Par Hugo Papbst

Symphonie n°7
Symphonie n°8
Symphonie n°9

Par Alexandre Pham

Approfondir
Vous aimez l’écriture symphonique ? Consultez aussi notre grand dossier « Gustav Mahler, les symphonies »

Piano à Lyon, saison 2006 / 2007 (20 octobre 2006 – 20 avril 2007)

Lyon, capitale du piano? Le projet semblerait ambitieux voire irréalisable. C’est compter sans la détermination et l’intuition musicale de Jérôme Chabannes, directeur artistique, qui reprend pour sa deuxième saison, le projet pianistique né en 2005 : inviter les jeunes pianistes et les figures vénérées, imaginer des concerts thématiques mettant à l’honneur le temps d’un week-end, un compositeur particulièrement inspiré et généreux pour le divin clavier.
Au total ce sont 9 concerts d’exception pour des instants forts de découvertes et d’émotions musicales. Point d’orgue de la nouvelle saison de « Piano à Lyon », le week-end « Hommage à Frédéric Chopin », les 16 et 17 mars 2007.

Bruno Leonardo Gelber, Franck Braley et Eric Lesage, Nicholas Angelich, Lise de la Salle, Nelson Goerner, David Bismuth, Bertrand Chamayou et Jean-Marc Luisada marqueront ce festival lyonnais du piano qui débute le 20 octobre 2006 et s’achève le 20 avril 2007. Le violoncelle est présent aussi cette saison grâce au duo composé le temps d’un concert (24 novembre 2006), par Gabriela Monteiro (piano) et Gautier Capuçon (violoncelle).

Approfondir
Tous les concerts, les informations pratiques et les programmes sur le site de Piano à Lyon

Piano à Lyon édite avec Sony Bmg, le premier album de Bertrand Chamayou consacré à Liszt.
Chronique à venir.

Crédit photographique
La salle Molière à Lyon qui accueille chaque concert de la saison « Piano à Lyon »
© CC

La Querelle des Bouffons (1752)France musique, le 4 novembre à 18h

La Querelle des Bouffons
magazine

Samedi 4 novembre à 18h

La France a toujours aimé les querelles, ces joutes esthétiques cristallisant les accès du goût. Les querelles donnent la mesure d’une question continûment débattue depuis les XVI ème et XVII ème siècles, à propos des styles italiens et français, et qui au milieu du XVIII ème siècle, au moment où dans l’histoire de la musique, le baroque cède la place au goût classique, l’antagonisme des clans semble rejaillir de façon radicale.
Entre 1752 et 1754, Paris vit une révolution fondamentale qui au-delà de l’anecdote, interroge la signification des genres. L’Italie incarne pour les tenants d’une sensibilité moderne, celles des Philosophes, Rousseau en tête, la vérité et la naturel au théâtre. L’art Français, et sa grande machine lyrique, défendue par les amis de Rameau, doivent être à la mesure de son prestige, l’incarnation de l’idéal vertueux représenté par la tragédie lyrique.
Intellectuels d’un côté ; musiciens, de l’autre. Rousseau contre Rameau. Modernes contre anciens. C’est aussi sur le plan des idées et de la politique, deux visions du monde qui s’opposent. D’un côté, les défenseurs d’une nouvelle société éprise d’égalité sociale ; de l’autre, les partisans d’un ordre monarchique, l’opéra à la française étant depuis son origine assimilé à la gloire du Roi : n’oublions pas qu’en 1673, Lully invente la tragédie lyrique pour donner à la Cour de Louis XIV, un spectacle digne de son éclat et conforme à sa propagande absolutiste. Ici, les domestiques et les servantes maîtresses. Là, l’action des héros et des demi dieux. Le tablier contre l’épée.

Le prétexte : une histoire de Bouffons
Comment éclate la Querelle? A première vue, la représentation de la Serva Padrona de Pergolèse, sur la scène de l’Académie Royale, par la troupe des Bouffons italiens, le 1er août 1752, déclencha la Querelle. Les encyclopédistes, Diderot, Grimm, Rousseau se passionnèrent pour l’italianisme de l’oeuvre : un vent nouveau semblait enfin correspondre à leurs attentes. Ils fustigèrent par réaction, l’artifice poussiéreux de la grande machine théâtrale française, pointant du doigt, et sans ambiguïté, son meilleur représentant, Rameau. « La lettre sur la musique française » de novembre 1753, rédigée par Rousseau, déclarant presque définitivement que « les Français n’ont point de musique », fut le point d’orgue de la bataille esthétique.
A partir de cet événements, la critique de la tragédie lyrique sera constante et l’engouement des compositeurs pour l’opéra comique, croissant. Au demeurant, l’enjeu véritable des oppositions dépasse la question strictement musicale.
En fait, c’est l’opéra français qui est vertement pris à partie. La contestation commence avec Omphale de Destouches, en janvier 1752, qui représente alors la meilleure expression de l’héritage lyrique post-lullyste. Grimm critique violemment un ouvrage obsolète et conservateur.

Les philosophes contre les musiciens
D’ailleurs, les philosophes attaquent plus le genre que son contenu. Rameau dans les joutes qui l’opposent à Rousseau, se montre supérieur dans sa connaissance de la musique.
Rousseau s’attaque à l’une des créations spécifiques de la tragédie de Lully, le récitatif français : le monologue d’Armide est déconstruit : son artifice dénoncé. Quoiqu’en en disent les « anciens », lullyste d’hier ou ramistes d’aujourd’hui, l’opéra français est une sophistication anti-naturelle.
Rousseau prône une musique du coeur, naturel, vraie, mélodique ; quand Rameau apparaît comme l’illustre représentant d’un art érudit et pédant, sophistiqué et abstrait. D’ailleurs, pendant la saison 1752/1753, l’Académie royale à Paris ne présente plus que des ouvrages italiens (à quelques rares exceptions près) : le peuple a suivi les philosophes, tandis que les opéras de Rameau ne sont joués qu’à la Cour.
Quand Rameau se défend : il sert des vues purement théoriques et musicales ; quand Rousseau attaque, il vise un ordre, une société, un régime politique. Quand le philosophe conspue les oeuvres de Rameau, il veut faire la caricature de l’opéra du Roi : un spectacle arrogant et honni. Compositeur, Rousseau, après la représentation de son « Devin du Village », refuse d’être présenté au Roi Louis XV.

Un nouvel opéra : après Rameau, Gluck
Rameau qui s’est senti personnellement attaqué, aura coeur de se défendre en adressant à l’attention de Rousseau, des lettres argumentées dont l’ultime relève les fautes commises par les encyclopédistes : « Réponse à MM. les éditeurs de l’Encyclopédie » (1757).
Pourtant, aussi faible Rousseau fut-il par rapport à Rameau, sur la question musicale, le philosophe infléchit le goût de son époque : il ouvre la voie à l’opéra préromantique, à l’essor du sentiment sur la loi et l’ordre : Gluck pourra bientôt réaliser en profondeur, et en musicien, la réforme du grand genre que l’on attendait. Auparavant, Dauvergne créait ses « Troqueurs » (juillet 1753) à la Foire : le chef d’oeuvre de l’opéra comique français du XVIII ème siècle.
Des intellectuels soucieux de réformer la société ; un musicien expert, et certainement le plus grand génie musical français de son temps, attaqué et polémiste. Jamais une querelle n’aura déclenché de telles passions, tout en ciblant selon les partis, des buts tout à fait différents.

Illustration
Jean-Jacques Rousseau, portrait
Jean-Philippe Rameau, portrait par Aved

Jean-Sébastien Bach, Messe en siArte, samedi 4 novembre à 22h30

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Arte
Le 4 novembre à 22h30

La Messe en si à la Cathédrale Notre-Dame de Paris
Olivier
Simonnet scénographie ce concert de l’EOP placé sous la direction de
son chef, John Nelson, en associant plans d’artistes et vues sur
l’architecture de Notre-Dame. Le réalisateur a également conçu de
nombreux autres films de musique classique dont « la Petite musique de Marie-Antoinette« , et « Marc-Antoine Charpentier« . Comme dans ce concert filmé, il s’agit d’abord d’accorder musique et architecture.

Ruth Ziesak, soprano
Joyce DiDonato, mezzo
Daniel Ténor, haute-contre
Paul Agnew, ténor
Dietrich Henschel, baryton

Maîtrise de Notre-Dame de Paris
Ensemble Orchestral de Paris,
John Nelson
, direction

L’oeuvre
Si les quatre messes « brèves » (bwv 233 à 236) sont indiscutablement luthériennes, le cas de la « grande » Messe en si mineur (bwv 232) laisse une imprécision confessionnelle qui accrédite son universalisme.
Il s’agit aussi d’un monument, une sorte de « grand œuvre »
dans la carrière de Bach, qui parviendra à achever la partition telle
que nous la connaissons, après moultes avatars, reprises, ajouts,
réassemblages. Une œuvre plusieurs fois mise sur le métier et de
sources diverses, comme à son habitude. Car le compositeur aimait
reprendre et réadapter des compositions antérieures.
Il semble que
le début du processus créatif remonte à 1733 (l’année où Rameau à Paris
fait sa révolution sur la scène lyrique avec son « Hyppolite et Aricie »,
créé le 1er octobre à l’Académie Royale de musique). Le 27 juillet
précisément, Bach qui avait 48 ans, adresse les 21 parties formant la Missa (Kyrie et Gloria) à l’Electeur de Saxe, Friedrich August II, nouvellement couronné Roi de Pologne sous le nom d’Auguste III. Kyrie et Gloria, premiers jalons vers la Messe en Si, devaient lui permettre, du moins l’espérait-il, d’obtenir un poste à la Cour du Souverain.
Par la suite, Bach ajoute, associe diverses pièces composées en particulier, vers 1747/1749…. ou avant 1733, comme le Sanctus probablement écrit dès 1724, et joué à la Noël de cette année. Aucune ne source n’indique précisément si les éléments de cette Missa première furent joués pour les cérémonies du couronnement.

L’universalisme de l’oeuvre est aussi attestée par la pensée
musicale à l’oeuvre dans la partition. Sans qu’il n’ait jamais voyagé
hors des pays germaniques, Bach, humaniste universel, démontre une
connaissance quasi encyclopédique de la musique, avant lui, à son
époque : le Kyrie eleison est clairement inspiré du colla parte des suiveurs de Josquin des Prés, le laudamaus te
puise chez les italiens, sa structure tripartire ABA’, le double choeur
de l’Osanna, se souvient du dispositif poychoral en provenance de
Venise…

Donc, luthérienne ou catholique ? Certainement les
deux. Car Auguste en tant que Prince-électeur était luthérien, mais
aussi comme Roi de Pologne, catholique. Et sa Cour, sise à Dresde,
comportait bien deux chapelles. Voilà qui positionne la Grande Messe
de Bach, outre ses qualités musicales, comme un monument sacré dont la
portée œcuménique demeure son meilleur argument historique. En tant que
tel, Bach ne connut pas de son vivant le cycle que nous avons coutume
d’écouter aujourd’hui : le titre de Messe en Si n’apparaît qu’en 1845, à l’initiative de l’éditeur Nägeli et Simrok de Bonn.

Illustrations
Masaccio : fresque de la chapelle Brancacci, Florence.

50 millions de pianistes chinoisArte, le 26 novembre à 19h

Sur les 50 millions d’enfants chinois apprenant le piano, combien au juste, parviendront-ils à passer le cap des concours et devenir des interprètes célèbres ? Style Yundi Li (vainqueur du Premier Prix au Concours Chopin en octobre 2004) ou Lang Lang, (notre photo), élève du Curtis Institute et qu’on ne présente plus autrement que comme un « phénomène »? C’est que la musique n’est pas qu’une histoire de performance technicienne ou d’exécution mécanique. Il y a encore et toujours, (surtout) ce supplément d’âme, cette compréhension intuitive des partitions qui font les grands interprètes.
Sans poser en profondeur les problématiques du sujet, le documentaire ouvre plus de portes qu’il n’apporte de réponses. C’est une évocation d’un épisode que l’on dit imminent mais qui tarde encore à venir. Y-aura-t-il réellement une déferlante de virtuoses chinois dans les années à venir ?
Le film suit le parcours du jeune Lang Lang et recueille surtout les commentaires du pionnier en la matière, Fuo Ts’ong, qui remporta le concours Chopin en 1955.
Dans un pays qui compte ses habitants en milliards d’individus, où le niveau de vie s’est élevé, où un couple n’a plus qu’un enfant (en moyenne) et célèbre sa progéniture comme un jeune dragon pour lequel rien ne serait trop bien, le phénomène musical dont on nous parle, semble encore embryonnaire. La présence chinoise, dans les concours internationaux, reste modérée : tout au moins, égale-t-elle, à peine, la présence des jeunes interprètes japonais ou coréens. Nul doute que s’il devrait se passer quelques choses du côté des jeunes dragons chinois, les premiers événements paraîtront dans la décennie à venir.

Documentaire. Réalisation : Katarzyna W. Chambenoit, 2003. 42 mn
Rediffusion du 25 janvier 2004

Juan Diego Florez, ténorArte, le 19 novembre à 19h

Un premier récital à Paris, c’est comme un nouveau baptême pour un artiste à la jeune renommée. Ténor léger, bel cantiste, au timbre tendre et clair, au style élégant et intense, le péruvien Juan Diego Florez aborde le centre de son répertoire : Bellini, Donizetti, mais aussi les airs espagnols à succès (Augustin Lara, Granada). C’est dans Donizetti que le chanteur donne le meilleur de lui-même : l’articulation brillante, le sens de la mesure lissent une musicalité aboutie qui s’est imposée au théâtre.

L’actualité du ténor est d’ailleurs importante en octobre 2006 : Decca fait paraître deux oeuvres auxquelles a participé l’artiste : au disque, un opéra peu connu de Rossini, « Matilde de Shabran » (avec Annick Massis dans le rôle-titre, direction Riccardo Frizza. Live du festival de Pesaro d’août 2004 soit la même année que le récital parisien); en dvd, « La fille du régiment » de Donizetti (avec Patricia Ciofi, direction : Riccardo Frizza).

Donizetti
Una lagrima furtiva (L’elisir d’amore)
Allegro lo son (Rita)
Ah, mes amis (La fille du régiment)

Verdi
La Donna è mobile (Rigoletto)

Lara
Granada

Choeur de Radio France,
Orchestre national de France
Enrique Mazzola
, direction

Maestro. Concert. Réalisation : Roberto-Maria Grassi, 2004. 42 mn.

Néron, empereur

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Les Historiens comme à leur habitude ont au cours des siècles, déformé et réécrit l’histoire des hommes. Rien de plus fondé au sujet de Néron dont la tradition populaire, relayée par les commentaires des scientifiques, et quelques bon films hollywoodiens (Quo Vadis) ont fait la figure de la barbarie et de la folie, incendiaire de Rome, persécuteur des chrétiens. Or rien de plus faux aujourd’hui : l’empereur julio-claudien qui accède au trône à l’âgede 17 ans, n’a jamais incendié la cité antique : bien au contraire, on sait aujourd’hui qu’il ouvrit les jardins de ses palais pour accueillir les victimes des flammes. Le feu aurait gagné une échelle colossale à cause d’un été particulièrement chaud et venté… Quand aux « chrétiens » qu’il aurait sciemment massacrés, l’appellation à son époque est tronquée. Sous le règne de Néron, il s’agit encore de dissidents du judaïsme, qui compte plusieurs dizaines voire quelques centaines d’âmes réunies en sectes. Rien de plus improbable que de parler de tueries ciblées et organisées.

Les textes et sources historiques, rédigées un siècle plus tard par Suétone et Tacite, ont réarrangé les faits à une époque où il fallait noircir la réputation des empereurs julio-claudiens et Néron devint un barbare que les pères de l’Eglise firent ensuite bourreau et boucher des premiers chrétiens.
Or historiquement, Marc-Aurèle, l’empereur philosophe, a réellement tué davantage de chrétiens. Réévaluons donc nos sources et nos croyances.
En revanche, Néron, est comme tout ses prédécesseurs mégalomanes (les empereurs de Rome sont des dieux vivants), généreux et fastueux, un politique flamboyant qui avait la passion de l’art. Chanteur et poète, il écrivait des mélodies et des drames.

Son goût vient de l’éducation très raffinée qu’il reçoit pendant sa jeunesse. Une jeunesse solitaire, certainement dans le fond malheureuse ; Agrippina, sa mère, calculatrice froide et sans scrupule, lui offre un modèle de perversité et de manipulation rare. D’ailleurs, s’il la fait tuer, c’est pour éviter un soulèvement populaire, tant celle qui n’eut jamais réellement d’instinct maternel sinon dicté par l’intérêt, était devenu impopulaire et honnie.
En Empereur prestigieux, il a voulu imiter Caligula, plus mégalomaniaque que lui : ce dernier avait en effet décrêté que sa statue devait paraître dans le temple de Jérusalem, acte fou qui faillit bien déclencher une guerre avec la Judée.

En définitive, le tableau néronien doit être réécrit. Politique et artiste, calculateur et intriguant, comme tous les empereurs de Rome, Néron incarne au début de l’histoire Impériale, un règne riche et complexe que la croyance a honteusement schématisé.
D’ailleurs, l’homme ne manque pas de noblesse puisqu’il se suicide dans la tradition inculquée par Sénèque, le 9 juin 68.

Mozart, La clemenza di Tito (1791)Programme de l’Opéra national de Paris(Production présentée à l’Opéra Garnier,du 11 septembre au 2 octobre 2006)

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Cette production mozartienne, déjà présentée à Paris, en mai 2005, a été créée à La Monnaie en 1982 puis présentée en 1992, à Salzbourg. Il s’agit donc d’une mise en scène qui certes a évolué, mais dont la pérennité et l’approche indémodable signée par le couple des scénographes Herrmann, se révèlent profitables pour la réévaluation du dernier seria de Mozart, en 2006, année du 350ème anniversaire de la naissance du compositeur.

1.
Geoffrey Layton dans « un giorno di dolor » souligne dans Titus, le dévoilement des passions et leurs conflits destructeurs. Opera seria à l’issue heureuse certes, mais surtout peinture des solitudes tragiques. Antagonisme homme/femme pour la suprématie : la lutte Titus/Vitellia s’avère funeste pour celui qui est pris en étau, Sextus. Présentation des protagonistes. En définitive, le propos philosophique et moral scelle la destruction des trois personnages.

2.
Dans un texte qui remonte à la première production belge de 1982, le chef Sylvain Cambreling analyse la signification psychologique de l’échelle harmonique dans Titus. Portrait et construction en miroir de l’amitié tuée entre Titus/Sextus.

3.
Dans « la clémence d’Amadeus« , l’écrivain Max Genève, qui vient de signer un roman chez Zulma (Mozart, c’est moi!), récapitule le dernier été de Mozart dans la Vienne où le nouvel Empereur Leopold a changé le goût dominant, exit Salieri, vivat Cimarosa et Eybler. C’est un miracle que Mozart ait été nommé pour composer l’opera seria de son couronnement comme roi de Bohème. Comme nous l’auteur affirme sans réserve : »certains musicologues d’imagination limitée ont cru percevoir quelques défaillances dans l’inspiration orchestrale… Disons-le tout net : La Clemenza di Tito est une oeuvre sublime de part en part qui montre à quel point Mozart est incapable, quand il accepte une commande, de ne pas s’y investir à fond. »

4.
Ce que dit Suétone de l’empereur Titus, dans Vie des Douze Césars
Un soldat méritant dont l’avidité du pouvoir le rendit selon une « mauvaise renommée », impitoyable, calculateur, cruel, débauché. En fait, « on ne découvrit en lui aucun vice »…

5.
Dans un texte d’une rare pertinence, le philosophe Alain-Patrick Olivier, quant à lui, évoque « la voix de la minorité » : l’opéra Titus ne fait en vérité que réactualiser le « sermon philosophique adressé à l’Empereur », comme Sénèque le fit pour le jeune Néron, exaltant dans De Clementia, la vertu d’Auguste qui sut pardonner à ses assassins. De même Titus porte les espoirs et les craintes d’une époque où la monarchie française a été renversé par l’élan révolutionnaire, où le principe des Lumières, du prince éclairé, est sérieusement égratigné. L’auteur montre combien Mozart s’est exprimé à demi mots mais sans ambiguité sur le sens du couronnement d’un empereur, la signification de cette célébration et de son symbole politique dans l’Europe des révolutions antiroyalistes. Importance du tableau incendiaire concluant l’acte I ; importance de l’instrument soliste (cor de basset/clarinette) double et compagnon de la voix : cette intervention nouvelle d’un instrument qui jusque là n’était pas convié, n’est ce pas donner « la parole à ceux qui en sont privés, qui ne sont pas dignes d’en exprimer une dans la tradition aristocratique. » Mozart, révolutionnaire masqué, chantre d’une minorité jusque tenue muette?

En complément, cahier iconographique de la mise en scène d’Ursel et Karl-Ernst Herrmann, présentée en mai 2005 sur la scène de l’Opéra Garnier.

Hector Berlioz, Les TroyensProgramme de l’Opéra national de Paris,(production présentée à l’Opéra Bastille, du 11 octobre au 14 novembre 2006)

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Sept articles de fond, explorent les diverses clés d’entrée de la partition berliozienne.

1.
Un homme soucieux, passionné de baroque : le portrait que dresse Michel Berreti, son ami depuis leur rencontre en 1978, du metteur en scène Herbert Wernicke (1946-2002), rend hommage à celui qui est à l’honneur lors de cette production présentée à Paris. Gérard Mortier avait demandé cette mise en scène à Wernicke pour le festival de Salzbourg en 2000. Wernicke devait mourir en 2002. Le spectacle parisien honore ainsi une grand figure du théâtre qui nous a quitté trop tôt. Mais Les Troyens qui reviennent à Bastille, légitimement, puisqu’ils avaient inauguré le nouveau théâtre en 1989 sous la baguette de Myun Whun Chung, sont un prélude à la reprise du spectacle programmé sur la même scène, à partir du 2 décembre 2006, le Chevalier à la rose de Richard Strauss, dans l’une de ses plus belles mises en scène, signée… Wernicke.
Falstaff à Aix en Provence, Actus Tragicus d’après six cantates de Bach, … : Beretti trace la vérité d’un homme dont la critique sociale transparaissait dans son approche des oeuvres : « Dans le théâtre de Wernicke, il n’y a pas de place pour l’illusion de l’innocence« . Scène engagée mais non dénuée de pure féérie, comme sa Calisto de Cavalli en a témoigné, l’oeuvre de Wernicke partageait avec la vision de Gérard Mortier, le souci de faire avancer le débat d’idées sur notre civilisation et ses dérives, sur les planches du théâtre lyrique.

2.

Pierre-René Serna souligne dans « un sujet grandiose pour un vaste opéra », combien Les Troyens illustrent les idées les plus ambitieuses de Berlioz quant à la notion d’opéra. Retour sur la genèse d’une oeuvre à rebondissement qui occupe l’esprit du compositeur, de 1856 à 1861.

3.
Le même rédacteur interroge le chef Sylvain Cambreling sur une partition qu’il a dirigé à Salzbourg dès 2000, mais qu’il défend depuis…1980. Débat sur « la » version définitive ; importance des ballets ; inspiration grecque ; filiation avec Gluck ; inévitables ou regrettables coupures…

4.
Xavier Zuber évoque les « paysages de naufrage » et souligne combien Berlioz a peut-être moins traité le genre du « grand opéra » que réalisé son désir de « mettre en musique des pages de la grande littérature« . En particulier, la lecture de toute une vie, L’Enéide de Virgile. La mort des femmes, de Cassandre à Didon, y revêt le signal d’un échec. Portrait d’Enée, un héros, étranger à l’amour. Influence de l’opéra romantique dans les nombreux « tableaux de rêves et de visions« .

5.

Gérard Condé parle des « paradoxes de Berlioz« . Il y a l’instinct des architectures harmoniques expérimentales, l’activité du professeur et théoricien qui à défaut de chaire, explique magistralement ses idées dans les colonnes du Journal des Débats, dès 1834. Désir de renouveler l’art musical de sont temps, mais ambition de coller aussi à son époque et d’adorer Napoléon III, alors qu’il écrivait dans un Journal d’opposition…

6.
Alain Patrick Olivier voit dans le spectre d’Hector, un appel à la domination, la source du colonialisme. De fait, dans l’Enéide, Virgile glorifie la politique impérialiste d’Auguste. Comme Les Troyens sont composés au moment où Napoléon III commence de mettre en oeuvre sa politique conquérante en Afrique…

7.
Enfin, Ulrich Schindel, dans « perspectives extra-temporelles », montre (après Sainte-Beuve, fin analyste de l’Enéide), comment Virgile détourne la signification de la Mythologie pour accréditer et glorifier l’histoire romaine. Ainsi Enée anticipe Auguste. Analyse des points de ce détournement dans le texte de l’Enéide. De son côté, Berlioz écarte le monde des dieux, pour ne s’intéresser qu’à l’action des héros et des hommes.
Plutôt que le projet politique romain, le compositeur, en dramaturge lyrique, focalise sur les destinées individuelles, celle de Cassandre (La Prise de Troie), celle de Didon et d’Enée, amants tragiques. L’impérialisme qui est le sujet principal chez Virgile, devient « secondaire » dans l’opéra de Berlioz.

En complément au fonds rédactionnel, deux cahiers iconographiques (La prise de Troie/Les Troyens à Carthage), présentent le travail scénique de Wernicke.

100 pages. En vente aux comptoirs commerciaux de l’Opéra national de Paris.

Illustration
Pierre Narcisse Guérin, Enée raconte à Didon les mahleurs de Troie (1819, Bordeaux, musée des Beaux-Arts). Découvrez dans les textes du programme de l’Opéra national de Paris, pourquoi il ne serait pas faux de penser que le tableau de Guérin a peut-être inspiré Berlioz, pendant la composition des Troyens.

Paul Badura-Skoda, pianiste

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Héritier de la pure tradition Viennoise, nourri par l’exemple de ses illustres aînés, Edwin Fischer et Wilhelm Furtwängler, Paul Badura-Skoda incarne une trajectoire d’autant plus attachante qu’elle demeure singulière.

Il fut l’un des premiers à marier tournées et enregistrements, à une époque où ces rouages du marketing et de la promotion n’étaient pas aussi familiers que maintenant. Le pianiste a depuis longtemps utilisé le disque comme le meilleur moyen pour étendre sa notoriété et diffuser son enseignement musical. Fort de cette habitude, il doit à ses albums très populaires, de jouer à guichets fermés à Carnegie Hall.

D’où vient son style? Elève et assistant d’Edwin Fischer dans les années 1950, il ne tarde pas à devenir un concertiste renommé, jouant avec les plus grands chefs : Furtwängler, Karajan, Scherchen, Krips, Schuricht, Kubelik. Il y perfectionne cette élégance du jeu, proprement viennoise.
Mais l’interprète est aussi un fin connaisseur de la musique et conscient du nombre incalculable de partitions erronées ou « améliorées » au mépris des intentions originales de leur auteur, le pianiste se fait musicologue et entreprend l’édition critique de plusieurs cycles de partitions, celles en particulier qu’il joue au concert et pour le studio. Ses éditions « Urtext » comme des textes d’analyses ou des biographies dont l’une consacrée à Mozart, suscitent un très grand intérêt.

Le pianiste et chercheur philologue invente la notion d’instruments d’époque. En 1948, il prend conscience de la valeur émotionnelle et pas simplement historique des instruments d’époque capables de toucher l’auditeur « avec une plus grande immédiateté ». Il est devenu depuis un immense interprète, célébré pour la probité de son approche comme le souci de rendre la texture originelle des oeuvres. Couleur et clarté, nuances des registres, subtilité de la dynamique sont quelques unes des pistes de sa recherche permanente.

Mozart à Paris,France musique, le 25 novembre à 18h



Mozart à Paris

Querelle des Bouffons
magazine proposé et présenté par
Alexandre et Benoît Dratwicki
Samedi 25 novembre à 18h

A l’occasion du sujet auquel se consacre le magazine « la Querelle des Bouffons », faisons le point sur la présence de Mozart à Paris. Mozart fait trois séjours dans la Capitale.

Premier séjour
De novembre 1763 à avril 1764 : arrivée à Paris, surtout concert d’orgue à la Chapelle Royale de Versailles (1er janvier 1764); puis départ pour Londres, le 10 avril 1764. Mozart n’a que huit ans. Pour l’enfant prodige, Paris n’est qu’une étape au sein d’une tournée démonstrative, exténuante, en compagne de sa soeur Nannerl et sous la conduite de son père, Leopold. Le père et ses enfants qui sont logés à l’hôtel de Beauvais, chez le comte Van Eyck découvrent ce qui reste un objet d’étonnement et l’indice d’un raffinement prisé, le cabinet d’aisance à deux colonnes d’eau (!). A propos d’eau, Leopold laisse un témoignage terrifiant sur l’eau consommée par les parisiens, l’eau de la Seine, pestilentielle et nauséanbonde, qu’il faut bouillir puis laisser reposer pour « qu’elle devienne plus belle« . Les prouesses de l’enfant Wolfgang suscite l’admiration du Baron Grimm qui témoigne de sa capacité à improviser pendant des heures, imaginant plein d’idées savantes et libres, qu’il fait succéder « avec goût et sans confusion ». Lors de leur séjour à Versailles (24 décembre 1763 au 8 janvier 1764), les Mozart sont reçus par Louis XV et la Reine au Grand Couvert ; Wolfgang mange et parle en allemand avec la Souveraine. Concernant le goût français, Leopold exprime sa vive réprobation : trouvant le style local, « vide, glacé et misérable ». A Paris, à leur retour de Versailles, les Mozart visitent la Vieille Pompadour, « extrêmement hautaine et régente tout, actuellement encore... » : la Favorite devait s’éteindre juste avant le départ de la famille autrichienne, le 15 avril 1764. Avant de partir, Leopold prend soin de faire publier les quatre premières sonates de son fils, (K 6 à 9), dédiées à Madame Victoire et à la Comtesse de Tessé, dame de compagnie de la Dauphine.
Les Mozart donnent surtout leur premier concert public, le 10 mars 1764. Carmontelle nous laisse le souvenir de cet instant en couleurs, d’après les portraits de profil gravés par Mechel.

Second séjour (mai à juillet 1766)
Le deuxième séjour parisien est de courte durée : les Mozart reviennent de Hollande où ils ont failli périr du typhus. Un mal qui sera fatal pour leur mère. Mozart pose devant les pinceaux du peintre Ollivier, au clavecin dans la salon du Prince de Conti. Grimm laisse là encore un témoignage admiratif.

Le troisième séjour (mars à septembre 1778)
« Ma vie est ici tellement contraire à mon génie, mon plaisir, mon savoir et mon bonheur » : le constat de Mozart au cours de son dernier séjour parisien est sans appel. La France n’a pas sû reconnaître le plus grand génie de son temps, qui voulait sincèrement se fixer à Paris. Que l’on songe à l’offre du corniste Rodolphe qui obtient pour lui, le poste d’organiste à Versailles pour une pension de 2000 livres annuelles. Mais Mozart déclinera cette proposition. Il semble qu’il ne se voyait pas vivre à Versailles. La ville royale lui rappelait-elle Salzbourg?
Pourtant, tout commençait sous les meilleurs auspices.

Depuis août 1777, où il a reçu son congé de son patron, l’infâme et tyrannique archevèque Colloredo, Mozart rêve d’émancipation et de liberté : il veut conquérir l’Europe et trouver sa place. A 22 ans, accompagné de sa mère, il prend le départ vers Munich et Manheim pour rejoindre Paris, la capitale où tout semble possible. Il arrive dans la cité parisienne, le 23 mars 1778. Grimm est toujours là pour apporter son fidèle soutien. Pendant que sa mère se porte mal et se fait saigner en juin, Mozart compose le ballet « les petits riens (K 299 b), qui est joué à la suite des oeuvres des compositeurs célébrés alors, Piccinni et Anfossi.
Si sa correspondance offre une surabondance combien précieuse sur les oeuvres qu’il fait jouer – la symphonie parisienne aux Tuileries, le 18 juin-, aucune mention sur l’architecture du Palais, l’urbanisme, le style de la ville. Il se montre étonnamment muet sur le cadre des espaces traversés et fréquentés, comme d’ailleurs il le fait pour les autres cités habités, Salzbourg, Vienne ou Prague.

Avec le recul, ce troisième et dernier séjour s’avère catastrophique : le jeune adolescent s’est-il fabriqué de faux espoirs ? Il a changé. Le joli garçon est devenu impatient voire impossible. Conscient de sa valeur, celle qui fut en 1763/1764 et 1766, tant admirée et révérée, il exige et se montre d’un égocentrisme irascible : lors d’une visite à la Duchesse de Chabot (mai), Mozart indisposé, se plaint d’avoir été contraint d’attendre dans une pièce froide et glaçante pour ses doigts… Mais insoumis et sensible, l’enfant prodige souffre beaucoup.

Le Paris d’alors, où souffle la querelle des Gluckistes et des Piccinnistes, n’a que faire d’un Autrichien venu démontrer son génie. Sans appui véritable, Mozart ronge son os et n’obtient guère de poste ni de place à sa mesure. Visite capitale : il rencontre Jean-Chrétien Bach, chez le Duc de Noailles à Saint-Germain (19 août).
Mozart, comme son père, se montre d’une dureté surprenante vis-à-vis du goût de ceux dont il attendait tant : « les Français sont et restent des ânes ; ils sont incapables… » Son ambition est de composer un opéra, le seul genre qui le stimule au plus haut point, et dans lequel il a déjà montré sa valeur, dans le buffa comme dans le seria. Mais, sous le coup de la déception, il se plaint encore du Français : « si seulement cette maudite langue n’était pas si misérable pour la musique ! C’est abominable – la langue allemande semble divine en comparaison! Et puis les chanteurs et les chanteuses…(…) braillent à plein gosier, du nez et de la gorge ! ».

Sombre séjour, qui voit la mort de sa mère, le 3 juillet, décédée du typhus. Le lendemain, la dépouille d’Anna Maria Mozart est inhumée au cimétière Saint-Eustache. Mozart attend le 9 juillet pour annoncer la mort de sa mère, à son père.
Le 8 septembre au Concert Spirituel, ses deux symphonies parisiennes sont jouées (K 297 et 311 A, perdue).
Le climat parisien s’effondre : Mozart se brouille avec Grimm qui l’enjoint à partir, ce qu’il fait le 26 septembre. La ville qui l’a adulé à ses huit ans, l’a bel et bien oublié, voire trahi.

Approfondir
Mozart à Paris », catalogue de l’exposition présentée au Musée Carnavalet, à Paris (novembre 1991-février 1992), éditions Van de Velde. Contributions de H.C Robbins Landon, Brigitte Massin, Geneviève Geffray, Marc Fumaroli, Bernard de Montgolfier, …

Dame Joan Sutherland,l’édition Decca des 80 ansNovembre 2006

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10 albums indispensables
Le 7 novembre 2006, marque les 80 ans d’une voix angélique à nulle autre pareille. Quelle fut la carrière de la soprano Joan Sutherland ? Elle reste la plus grande Lucia di Lammermoor de la discographie, un rôle qui la consacra pour l’éternité le 17 février 1959, « diva assoluta ». Mais l’art de la Stupenda (la Superbe) doit à quelques rôles exhumés rien que pour elle, une consécration fulgurante : le rôle-titre d’Alcina de Haendel, lui vaut son surnom de Stupenda (Fenice, Venise). En effet, l’excellente technicienne sut aussi se perdre et nous enchanter, en dehors des sentiers du bel canto pré verdien, qui fut quoiqu’on en dise son pré carré, aidée en cela par son mari, musicologue et chef d’orchestre, Richard Bonynge. Joan Sutherland qui chanta aussi Wagner, osa des explorations aujourd’hui légendaires, dans l’opéra français : des Huguenots de Meyerbeer à Esclarmonde de Massenet.

Decca, la firme pour laquelle, Dame Sutherland enregistra l’ensemble de ses stupéfiantes prises de rôles, réédite avec raison quelques incontournables coffrets d’une carrière aussi longue qu’exceptionnelle. La sélection des bandes regroupe plusieurs réalisations lyriques majeures, pour ses 80 ans, et permettra aux spécialistes de retrouver à petits prix des compléments incontournables à leur compactothèque, comme elle permettra aux novices d’entrer par la grande porte, grâce à une immense artiste, dans l’univers tout en subtilité, du bel canto italien, de Rossini, Bellini, Donizetti à Verdi, et jusqu’au vérisme d’un Cilea. Saluons aussi Decca, de rééditer l’opéra trop méconnu, Esclarmonde de Massenet : un joyau dans une série de réalisations exemplaires.

Verdi, La Traviata (1962)
(Violetta). Orchestra e coro del Maggio Musicale Fiorentino, John Pritchard
Avec : Carlo Bergonzi, Robert Milnes…

Enregistré au Teatro della Pergola à Florence, en novembre 1962, la Violetta de Joan Sutherland captive par son humanité et l’éclat d’un chant qui respire la tendresse : à ses côtés, Carlo Bergonzi (Alfredo) et Robert Merril (Giorgio Germont) incarnent dans la même veine les deux figures viriles teintées de la même vérité. Richard Bonynge dirige avec nerf et vitalité l’Orchestre du Maggio Fiorentino : le Paris des années 1850 gagne en vraisemblance et en tension. Un remarquable enregistrement par sa cohérence artistique.

Bellini, Norma (1964)
Norma. Orchestre symphonique de Londres, Richard Bonynge
John Alexander, Marylin Horne, Richard Cross, Yvonne Minton…

En juillet 1964, la Stupenda incarne une héroïne dont elle exprime mieux que quiconque la lumière angélique et lunaire, grâce à un timbre accompli, ému, d’une blessure éclatante et digne, noble et inaltérable. Dans un répertoire qu’il a proposé à son épouse, Richard Bonynge, prépare l’orchestre et déploie le meilleur écrin qu’on puisse imaginer, soutenant la ligne vocale, éclairant les climats psychologiques, dans l’imploration, l’invective, la prière fervente de la prêtresse. L’Adalgisa de la jeune Marylin Horne stupéfie tout autant. Dommage que les chanteurs ne soient pas du même niveau.

Rossini, Semiramide (1965-1966).
Orchestre symphonique de Londres, Richard Bonynge
Avec : Marylin Horne, Joseph Rouleau, John Serge…

La veine tragique sied tout autant à la Stupenda, bien que dans cette version, Sémiramis ne meurt pas des mains de son propre fils (comme l’indique la partition originale). Certes les hommes sont réellement à la traîne, d’autant que le niveau des deux divines, Sutherland (Semiramide) et Horne (Arsace) est culminant. L’autre acteur de cette production enregistrée de décembre 1965 à janvier 1966, reste sans réserve, l’orchestre, emporté par un Bonynge, vrai complice et initiateur de cette presque exceptionnelle production.

Donizetti, L’elisir d’amore (1970)
(Adina). English chamber orchestra, Richard Bonynge
Avec : Luciano Pavarotti, Dominic Cossa, Spiro Malas…

Pour nous, « la » référence discographique : un Pavarotti épatant, d’une incandescence rare, campant un Nemorino tendre et entier, ivre et traversé par une subtile lumière ; de son côté, Sutherland affine sa conception d’Adina, avec, exquise coloration, cette blessure imperceptible du timbre. L’enregistrement vaut surtout pour les deux tempéraments d’une exceptionnelle intensité (leurs duos incarnent une perfection) mais l’orchestre de Bonynge n’est pas en reste, dans la légèreté et la finesse, il fouette les tempos enlevés et tendres, qui savent souligner combien Donizetti après Rossini, possède véritablement l’art de la comédie italienne.

Massenet, Esclarmonde (1975)
Huguette Tourangeau, Clifford Grant, Giacomo Aragall, Robert Lloyd… National Philharmonic Orchestra, direction : Richard Bonynge

Il est des réalisations demeurées d’autant plus indispensables qu’elles restent isolées, insurpassables. Déjà, la Stupenda était à son époque, la seule à pouvoir tenir le rôle, sa tessiture inhumaine dont elle restitue cependant, cohérence et crédibilité. Le sujet mi féérique mi héroïque, – il s’agit d’un opéra « romanesque »-, où la chevalerie cotoie le miraculeux, trouve en Sutherland, « son » interprète. Le reste du plateau, dont Grant (l’Empereur), Aragall (Roland) et Quilico (l’Evèque de Blois), confirme la valeur de cet opéra parfaitement oublié de Massenet. Un exhumation exceptionnelle. Qui depuis trente ans culmine elle aussi, au plus haut. De son côté, fidèle à son exigence déjà relevée, Richard Bonynge sait insuffler à l’orchestre, le sens de la grandeur et des évocations wagnériennes, le mystère de l’épopée berliozienne mais aussi les accents émerveillés d’une partition riche en superbes passages dramatiques (choeur très impliqué), en particulier dans les tableaux de l’île enchantée de l’acte II. Saluons le choix judicieux de Decca de rééditer cet enregistrement en tout point incontournable, réalisé à Londres, du 2 au 15 juillet 1975.

Donizetti, Anna Bolena (1987)
Orchestra & chorus of the Welsh national opera, Richard Bonynge
Avec : Samuel Ramey, Jerry Hadley, Susanne Mentzer…

En 1987, la soprano sexagénaire n’a certes plus l’éclat et la transparence ni l’agilité de ses aigus des années 60. En revanche, son Anna Bolena est proche de nous, tendre et humaine, blessée et délirante (dans le dernier tableau avant l’exécution). La dureté parfois déchirée du timbre donne d’autant plus d’intensité à l’essence tragique du personnage. Même le Percy de Hadley, bien que musicalement discutable ne manque pas d’implication.

Cilea, Adriana Lecouvreur (1988)
Orchestra & chorus of the Welsh national opera, Richard Bonynge
Avec : Carlo Bergonzi, Leo Nucci, Michel Sénéchal…

Decca fait aussi paraître :

Serate Musicali, mélodies (1978)
Rossini, Bellini, Donizetti, Massenet. Richard Bonynge, piano
Récital privé enregistré au domicile du couple Sutherland/Bonynge en Suisse

« The art of Joan Sutherland »
Coffret de 6 cds dont deux volumes (cds 4 et 5) consacrés à l’opéra français.

Soulignons en particulier le cd Mozart (cd 2) où le timbre blessé incarne idéalement les héroïnes tragiques et dignes : La comtesse (Porgi amor), Donna Anna, Pamina. Révélateurs : les cadences ornementées d’Il Re Pastore, et l’air de concert, Ch’io mi scordi di te : d’une élégance au souffle souverain et au piano, Richard Bonynge, maniant clavier et orchestre, en complices de la voix. La tenue du souffle et le timbre critallin émerveillent particulièrement dans ses Verdi (cd3) : Attila, Luisa Miller, prière de Desdemona (Otello). Mais le programme ajoute quelques airs wagnériens dont ceux d’Elisabeth dont la Stupenda exprime l’être damnée, la jeune femme romantique qui porte en elle le poison de la malédiction. Les autres cds, dont le premier permet d’écouter la magicienne Alcina qui l’imposa définitivement, ou encore le cd 6, où les connaisseurs retrouveront les airs de Norma et de Lucia qui l’ont rendu indépassable, sont de la même qualité. La pertinence des programmes choisis, très emblématiques des nombreux aspects d’un répertoire qui ne s’est pas limité au bel canto italien, font de ce coffret, un éblouissement. A posséder de toute urgence.

« Joan Sutherland, The Voice of the century »
édition limitée Deluxe
Livre disque de 100 pages
Duos avec Luciano Pavarotti, version inédite de Lucia, photos rares et discographie complète parue chez Decca avec la reproduction de chaque pochette.2 cds

Hector Berlioz, Roméo et Juliette (1839)Paris, le 27 octobre à 20hThéâtre des Champs Elysées

Roméo et Juliette

Joyce di Donato, mezzo
Pavol Bresilik, ténor
Kyle Ketelsen, basse
Choeur de Radio France
Orchestre national de France,
Colin Davis
, direction

Concert diffusé en diret sur

Symphonie dramatique avec choeurs, solos de chant et prologue en récitatif choral, opus 17, H 79, en sept parties
Livret d’EMile Deschamps, d’après William Shakespeare.
Créée le 24 novembre 1839, salle du conservatoire à Paris

Roméo renouvelle la fibre audacieuse, révolutionnaire et visionnaire de la Symphonie Fantastique, composée près de dix années auparavant. Berlioz aime innover et repousser toujours, les limites de l’imagination. Pour se faire, il ne cesse de créer des formes nouvelles qui réactivent l’interaction du texte, de la musique, du théâtre. Quand le compositeur lit Virgile, Shakespeare et Goethe, il pense en musique.
Après l’échec sans recours de son opéra Benvenuto Cellini, le compositeur s’oriente vers une forme symphonique intensément dramatique. Son imagination trouve de vastes formats et des associations libres pour exprimer le mythe amoureux shakespearien : il ajoute un choeur et des parties de voix solistes. L’orchestre y « représentera un opéra ».

Il se met d’autant mieux au travail que Paganini lui offre un chèque de 20 000 francs pour lui exprimer son admiration, c’est d’ailleurs à l’illustre violoniste que Berlioz dédie sa nouvelle oeuvre. Pour la création de l’oeuvre à Paris, le compositeur affine un système de répétition nouveau (en sections) qui porte ses fruits : le triomphe est total et l’auteur dirige son oeuvre, en tournée, dans les grandes villes d’Europe : Vienne, Prague, Saint-Petersbourg, Weimar, Detmold… Jusqu’en 1847, date de la publication de la partition, Berlioz a fait évoluer son concept symphonique. Son opéra orchestral avec choeur et solistes reste une oeuvre inclassable, dont la portée formelle tient à l’expérimentation. Mais une expérimentation qui frappe par la pertinence de l’alliance du poème et de la musique. Berlioz souhaitait en définitive écrire un opéra à partir de son poème symphonique… mais il ne réalisa jamais cette intention.
Comme il le précise lui-même, Roméo est une symphonie avec choeur. Ni opéra de concert, ni cantate. La voix, soliste ou chorale, prépare aux événements de l’action qui eux, sont exprimés par l’orchestre.

Plan de la partition
1. Introduction, combats, tumulte, intervention du Prince. Prologue
2. Roméo seul. Concert et bal : fête chez les Capulet
3. Nuit sereine.Jardin des Capulet. Scène d’amour
4. La Reine Mab ou la fée des songes. Scherzo
5. Convoi funèbre de Juliette
6. Roméo au tombeau des Capulet. Réveil de Juliette. Joie et désespoir. Mort des deux amants.
7. La Foule au cimetière. Rixe des Capulet et des Montagus. Air du Père Laurence. Serment de reconciliation.

Illustrations
Ingres, Raphaël et la Fornarina

Ingres, Francesca da Rimini

Beethoven, Missa SolemnisFrance musique, le 29 octobre à 12h

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Dimanche 29 octobre à 12h

Un seul oratorio, deux messes. La contribution de Beethoven au genre
sacré, reste mince. Mais ici, la rareté de l’offrande est compensée par
un travail particulièrement approfondi. En 1802, dans son testament d’Heiligenstadt (daté du 6 octobre), le compositeur déclare : « Divinité,
tu vois d’en haut au fond de moi, tu le peux, tu sais que l’amour de
l’humanité et le désir de faire du bien m’habitent
». Fidèle à
cette amour compassionnel pour l’humanité, pour le bien des hommes, ses
frères, le compositeur exprime dans son oratorio, Le Christ au mont des oliviers
de 1803, le conflit déchirant qui agite l’esprit du Sauveur : en son
âme sacrifiée, se déploient les dernières angoisses, brûlées par le
sentiment final de la bonté et de générosité, comme aboutissement
absolu de l’être. Officiellement, la Missa Solemnis est née de
la commande reçue par le musicien, en juin 1819, pour célébrer la
nomination de l’Archiduc Rodolphe d’Autriche au siège épiscopal
d’Olmütz. En vérité, la nécessité de réformer l’écriture religieuse, le
besoin de trouver enfin une forme musicale digne du texte sacré,
hantaient Beethoven depuis plusieurs années. Le Gloria, puis le Credo et le Sanctus, enfin le reste de la partition sont échafaudées peu à peu dans le courant 1819 et 1820. Interrompue par la composition des Diabelli, la Missa Solemnis est achevée en mars 1823.
Exigeant,
et même radical par sa ferveur pasionnelle, Beethoven qui remet sa
copie trois années après la date de l’intronisation, écrit en tête de
sa messe : « Venue du cœur, puisse-t-elle de même retourner aux cœurs ».
Durant
ses années de réflexion intense et de composition, Palestrina et le
chant grégorien ont été des modèles soigneusement analysés. La musique
y respecte l’intelligibilité des textes, tout en respectant la
signification théologique. Par les figuralismes et les tonalités,
Beethoven trouvent des correspondances justes : la tonalité générale de
l’œuvre, ré majeur, souligne la place première du Père, tandis par
exemple que le rapport tonal de tierce majeur signifie la trinité et
exprime la relation du Père au Fils. D’ailleurs, la tierce s’affirme
comme le symbole du Christ. Le plan des solistes ne cesse ici
d’interroger le sens de la Passion et du Sacrifice. Confrontés au
Mystère du Christ, les voix incarnent la ferveur et la compassion la
plus sincère. Les chœurs quant à eux sont capables de bâtir de
puissantes doxologies comme en témoignent les fugues vertigineuses du Gloria et du Credo.
Enfin, la partie de l’orchestre se fait chant, propre à dire ce que ni
les chœurs ni les voix solistes ne peuvent prononcer : ainsi, l’incarnatus est, est-il signifié par un solo de flûte et le miracle de la transsubstantation par le prélude en lévitation qui relie le Benedictus au Sanctus.
Acte de foi personnel, la Missa Solemnis est surtout une prière ouverte à tous. Pour la communion du plus grand nombre.

Ludwig van Beethoven,
Missa Solemnis
(1823).

Camilla Nylund, soprano
Birgit Remmert, mezzo
Charles Workman, ténor
Franz Josef Selig, basse
Orchestre de la Suisse Romande
Choeur de la Radio de Berlin,
Marek Janowski
, direction

Concert enregistré le 19 septembre 2006
au Théâtre des Champs Elysées à Paris

Illustration
Hans Memling, Ange (Paris, musée du Louvre)

Marco Marazzoli,La Vita HumanaFrance musique, le 25 octobre à 10h

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Mercredi 25 octobre à 10h
Concert enregistré
au Festival d’Ambronay,
le 15 septembre 2006
en l’abbatiale d’Ambronay

Marco Marazzoli
La vita humana,
1656
Rome, Palazzo Barberini

Claire Lefilliâtre, la vie humaine
Camille Poul, l’Innocence
Isabelle Druet, la Faute
Jean-François Lombard, la Raison
Arnaud Marzorati, le Plaisir
Le Poème Harmonique
Vincent Dumestre, direction

Comme ce fut le cas de leur spectacle triomphal, le Bourgois Gentilhomme de Lully et Molière, le directeur du Poème Harmonique et le metteur en scène Benjamin Lazar, propose en abordant l’oratorio de Marazzoli, « La vita humana« , un nouveau travail fondé sur la rhétorique.
Cette volonté d’expliquer et de rendre vivant, grâce à un ensemble de signes et de figures agissantes, est d’autant plus pertinente que l’oeuvre a été conçue dans l’Italie de premier Baroque (XVII ème siècle ou Seicento en Italien), dans le contexte de la Contre-Réforme, où l’église avait besoin de « remplir les lieux de culte » souligne Vincent Dumestre. Une musique exclamative et spectaculaire, expressive et gestuelle, était alors à la mode.

La Vita Humana est une partition au carrefour de l’opéra et de l’action sacrée : son dramatisme permet de relier chant et geste. Et les interprètes ont articulé leur approche sur l’éloquence et l’amplitude spatiale de l’oeuvre. Ainsi, en 1656, la partition, sans avoir les dimensions d’un véritable opéra qui met en scène de nombreux personnages, offre un huit-clos de 5 protagonistes dont chacun est superbement caractérisé : les airs et les récitatifs sont équilibrés. L’invention et la liberté de l’écriture musicale empêche tout temps mort.
L’apport du compositeur est d’autant plus intéressante, que harpiste de formation, il s’ingénie à enrichir la texture et les effets du discours musical, et pensait « de manière contrapuntique plutôt qu’harmonique » précise Vincent Dumestre.
Le point de vue des auteurs, Marazzoli et son librettiste Giulio Rospigliosi, est humain : même s’il s’agit d’allégories, chaque incarnation est intensément vécue et leur texte d’une grande simplicité dont la vérité renvoie à l’opéra vénitien qui à l’époque, recueille la leçon du génie Montéverdien.

La Vita Humana interroge le fond de l’âme : c’est bien le parcours d’une existence qui est ici « décortiquée », pour reprendre le terme des interprètes. Comme les leçons d’anatomie, illustrée par exemple par Rembrandt, le parcours de l’âme est analysé, le poids de ses vertus et de ses fautes, évalué et disséqué à mesure qu’elle est confrontée aux grandes tentations de la vie :celle du Plaisir en particulier.
Pour rendre palpitant une leçon de morale chrétienne, Marazzoli emprunte à l’opéra ses ficelles dramatiques, comme le sommeil de la Raison à l’acte III, prise au piège car elle boit un breuvage qui la fait dormir. La limite avec l’opéra est d’autant moins évidente que l’oeuvre fut représentée au Teatro Barberini, haut lieu de l’art lyrique et des déploiements fastueux de la Rome baroque.
Séduire et enchanter, exprimer la divine sensualité et l’expression languissante pour mieux captiver, informer, édifier, évangéliser.
Les illusions vertigineuses du théâtre baroque sont ici synthétisées. Si l’expérience du spectacle et de la musique s’avère troublante et captivante, le but final n’en est pas pour autant écarté : il s’agit toujours d’élever l’âme.

Approfondir
Découvrez notre entretien avec le baryton français, Arnaud Marzorati qui chante le rôle du Plaisir dans la Vita Humana. Nous avions rencontré l’inteprète en juin 2006 après un concert au théâtre de Poissy.

Illustrations
Guido Reni, l’union de la couleur et du dessin (Paris, musée du Louvre)
Caravage, La Madeleine Pénitente (Rome, Palazzo Doria Pamphili)

Richard Wagner, Parsifal (1882)Le 3 décembre à 15hGrimaldi Forum, Monaco

Richard Wagner, Parsifal (1882)
en version de concert
Dimanche 3 décembre à 15h
Grimaldi Forum, Monaco

Concert événement
150 ans de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

Création
Après avoir inauguré la première saison du Ring à Bayreuth en 1876, Wagner commence Parsifal, l’année suivante : le prélude est achevé à l’été 1877. Les ébauches de chaque acte se pousuivirent en 1879 et l’orchestration pleinement accomplie en janvier 1882. Au cours de ses nombreux voyages en Italie, le compositeur rencontre le décorateur Paul Von Joukovsky qui élabore les références du premier Parsifal à l’Italie : le temple du Graal s’inspire de la cathédrale de Sienne, et le Castel magique, du Palazzo Rufalo à Ravello. L’opéra est créé le 26 juillet 1882 à Bayreuth, seul espace scénique autorisé par le musicien à représenter sa dernière oeuvre.

Religion de la remémoration et des réminiscences
Nietzche a violemment critiqué l’oeuvre, non pas tant sur le plan musical qu’à l’endroit de son sujet, véritable blasphème théâtral vis-à-vis de ses citations et de son ambition chrétiennes et spirituelles. Que Parsifal ait une portée sacrilège, voilà qui ne dérange pas certains de ses admirateurs, toujours enclins aujourd’hui, à ne pas applaudir entre les actes, tenant l’action wagnérienne telle une liturgie lyrique. Et Bayreuth, le temple d’une nouvelle religion. Or il s’agit bien selon Wagner d’une oeuvre théâtrale, et précisément selon son manifeste esthétique, écrit en 1850, « Opéra et drame », d’une « remémorisation ». Ici, tous les souvenirs activés par la musique, y compris par le principe permanent des leit-motiv, innervent la texture de l’orchestre, et rendent à l’action présente son écoulement irrépressible qui tend vers le miracle du Salut et de la Rédemption. Tout l’opéra s’écoule ainsi jusqu’à sa conclusion : de la malédiction au pardon. De l’ombre à la lumière.
La profonde unité du drame de Parsifal fait entendre et voir comme des réminiscences, les aspects les plus sacrés du rituel chrétien comme la Cène. Il s’agit moins de transférer l’action liturgique sur la scène que de donner forme à des images remémorées et d’activer leur signification profonde, magnifiée par le commentaire incessant de la musique. Wagner qui comme Balzac, tisse des liens entre ses oeuvres a laissé entendre, par l’intermédiaire du journal de son épouse Cosima qui notait leur conversations, en 1878 par exemple, que Titurel était une manifestation de Wotan, que Klingsor partageait ce même désir au dépassement d’Albérich : de la laideur à la beauté. Et Amfortas recueillerait l’intense douleur du Tristan au troisième acte de l’opéra, Tristan und Isolde. Mythe germanique et mythe chrétien se mêlent pour n’en former qu’un seul dans la vaste imagination de Wagner. Le propre du compositeur est d’ouvrir le sujet de ses drames, d’élargir leur signification profonde pour composer une cosmogonie propre. Ainsi, Parsifal comme la Tétralogie semble absorber toutes les narrations, toutes les époques. Chacune, réactive le cycle atemporel de la dramaturgie humaine.

Des âmes en quête de salut
En définitive, l’action de Parsifal est une succession de tableaux statiques qui chacun tend au rituel : présentation du Graal, exposition du roi, exorcisme de Kundry par Klingsor ; où le récit, davantage que l’action proprement dite, tient une importance capitale. Par la narration de faits passés, Gurnemanz occupe une place centrale dans le dénouement du drame. Chacun ne dialogue par véritablement avec l’autre : il s’agit de confrontation entre des âmes solitaires, souvent sourdes à l’autre, étrangères les unes vis-à-vis des autres. En définitive, en proie au poison de la malédiction, l’action est figée, et le moment de la représentation permet d’en susciter la résolution.

La résoluton passe par la figure centrale de Kundry dont Wagner lui-même a relevé la contradiction fascinante. Elle est à la fois, ange démoniaque et annonciatrice du Salut : « créature étrange, femme miraculeuse et démon humain (la messagère du Graal) ». Elle a bafoué le Christ mais aussi souhaite racheté cette faute première. Kundry est une manifestation de la Madeleine : âme pêcheresse et repentante.
Amfortas, lui aussi, est rongé par le remords : il est une plaie béante, foudroyée par l’idée de la faute, habité par le sentiment de la culpabilité. Or sa conscience entâchée le rend inapte à accomplir le Saint Office. Prètre terrassé, comme Kundry : une âme maudite en quête d’un trop incertain salut.
Sauveur du monde, Parsifal ne brille d’aucune lumière. Wagner a choisi d’associer Parsi (chaste) et Fal (fol), deux présupposés arabes, afin de souligner l’importance du personnage central. C’est cependant lorsque Kundry sous son apparence séductrice et démoniaque l’embrasse qu’il a la clairvoyance de ce qui a suscité le déclin d’Amfortas. Le baiser de Kundry est l’acte qui déclare Parsifal, sauveur et rédempteur : lucide, il connaît désormais la source des souffrances d’Amfortas. La source de la malédiction environnante lui est révélé. Tout l’opéra est conduit par le sentiment de compassion progressivement conscient, qu’éprouve le jeune homme pour ce roi malade et accablé.

Principe compassionnel
Nous tenons là un principe moteur dans l’action dramaturgique de la scène lyrique. Le principe compassionnel est l’un des acteurs de l’action, et le plus fulgurant. Il précipite et interrompt le poison de la catastrophe. Pour résoudre le réseau des tensions de « la Clémence de Titus », Mozart imagine pour Vitellia, princesse au sang froid, calculatrice et manipulatrice, ce moment capital où, après la prière de Servillia, elle prend conscience des souffrances qu’elle inflige : son air « Non più di fiori » fait écho à ses remords naissants et le sentiment de culpabilité qui coule désormais dans ses veines. Après Wagner, Strauss imagine avec Hofmannsthal, le livret de « la Femme sans ombre » : l’impératrice dérobe l’ombre d’une mortelle mais découvre le propre de la condition humaine, la tragédie de la souffrance et des peines, le sort du Teinturier l’émeut. L’impératrice aussi en faisant l’expérience de la compassion, achève sa métamorphose. D’idée en quête d’une ombre, elle devient humaine. Compatissante.
Sur la scène de Parsifal, Kundry, Amfortas, tous les personnages retrouvent leur humanité, grâce à la fonction salvatrice du jeune Parsifal, instrument compassionnel, mais qui, en retour, n’aurait pu éprouver de pitié sans avoir cotoyé ceux qui lui permettent d’être à son destin. C’est pourquoi, le drame musical que défend Wagner n’est pas un « opéra » au sens d’une succession d’intrigues et d’événements. Chaque tableau du drame pénètre dans l’âme des acteurs : la musique incessante renforce l’émergence de leur métamorphose. Pour en comprendre le processus, chacun ne cesse de se raconter : sans cesse, dit Claudel : «  l’histoire qui se développe est continuellement une annexion du présent par le passé ». D’où l’importance du récit de Gurnemanz qui prend de ce fait un relief saisissant.
Debussy retiendra la leçon. Dans son opéra, Pelléas et Mélisande, sa Mélisande est aussi un personnage en quête de lui-même. En devenir : inconsciente à elle-même. Elle ne sait d’où elle vient, ignore qui elle est… Mahler puis, Webern, comprendront la portée de l’esthétique wagnérienne, particulièrement élaborée et explicite dans Parsifal. Comme Tristan, Parsifal est une interrogation, y compris dans sa forme. Wagner y laisse souvent irrésolu, le tissu des dissonances. Son oeuvre nous trouble pour mieux nous captiver. Parsifal distille u
n enchantement dont l’enseignement clé désigne l’humain, rien que l’humain.

Distribution
Robert-Dean Smith, Parsifal
Konrad Jarnot, Amfortas
Eike Wilm Schulte, Klingsor
Kristinn Sigmundsson, Gurnemanz
James Creswell, Titurel
Petra Lang, Kundry

Rundfunkchor Berlin
Michaël Gläser, chef de choeur

Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
Marek Janowski
, direction

Approfondir
Voir la fiche de production sur le site de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
Lire notre critique du disque que l’Orchestre et son chef, Marek Janowski, ont fait paraître en septembre 2006, « le château de Barbe-Bleue » de Belà Bartok

illustrations
Odilon Redon, « Vitrail médiéval » et « Bouddha » (Paris, musée d’Orsay)

Renée Fleming,La diva vériste

En novembre 2006, la soprano américaine fait paraître un nouvel album chez Decca, « Homage, the age of the diva », où elle célèbre la passion lyrique des grandes héroïnes de la fin du XIX ème et du début du XX ème siècle. Projet hasardeux ou défi convaincant ?

L’époque des
divas légendaires

Mais pourquoi vouloir égaler des chanteuses légendaires, au risque de s’y briser les ailes (ou de se casser la voix), et tendre toujours à défricher de nouveaux airs?
Une diva d’aujourd’hui rend hommage à toutes celles qui l’ont précédée, en particulier les héroïnes véristes, celles qui ont chanté l’amour et la mort avec une passion dramatique inégalée. Renée Fleming, diva de charme, lady glamour des planches lyriques se penche sur les rôles que les compositeurs ont écrit spécialement à la fin du XIX ème siècle et au début du XX ème siècle pour de célèbres chanteuses, actrices autant que cantatrices : Mary Garden, Lotte Lehmann, Geraldine Farrar, Rosa Ponselle, Maria Jeritza…
La magie de l’opéra tient à la rencontre des auteurs et de leurs interprètes. Serait-ce qu’indirectement ou inconsciemment, Lady Fleming rêverait qu’un compositeur d’aujourd’hui écrive de nouveaux opéras pour elle? L’idée paraîtrait osée pourtant il n’en était rien à l’époque qui est ici célébrée.
Assistée de Yelena Kurdina, « La » Fleming a donc sélectionné un cycle d’airs d’opéras oubliés ou peu joués dont la force dramatique égale des oeuvres plus connues. Ainsi, l’air de Servilia : « Tsvetï moi! » de Rimsky Korsakov. Un air où le timbre de la soprano américaine rayonne dans le registre qui est le sien : un état de tendresse émerveillée.
Die Kathrin de Korngold, mais aussi les perles de l’opéra Tchèque telle Jenufa de Janacek ou Dalibor de Smetana, et l’opéra français, comme Cléopâtre de Massenet sont quelques unes des réussites incontestables de cet album. L’esprit des airs sélectionnés est intensément émotionnel. Et bien souvent, il s’agit d’oeuvres nouvelles à leur époque, pour lesquelles compositeur, interprètes et public s’engageaient. Conception bien différente de la nôtre où, précise Renée Fleming : « notre forme d’art est devenue une forme d’art historique« . L’opéra gagnerait-il à être davantage en phase avec notre époque ? Certainement, tant toute création d’opéra contemporain rebute encore les audiences.
Le travail de Renée Fleming s’est penché sur les sources disponibles évoquant l’art et le style des divas d’hier : redécouverte et écoute attentive des enregistrements de Mary Garden par exemple, ; analyse des photographies très travaillées de ces héroïnes posant  » à la Garbo », qui prêtaient volontiers leurs traits pour vanter une marque de cigarettes ou de parfums… ; identification des manières de l’époque : « voix plus brillantes, plus juvéniles et la diction plus claire », son des vibratos « généralement plus rapides »…

Question d’intimité
A la question, quelle est la chanteuse qui vous inspire particulièrement? Renée Fleming répond : « Magda Olivero est sûrement celle que je préfère en ce moment ; elle produit une colonne homogène de son legato, mais avec un pathos et une expressivité qui me vont droit au coeur.« 
La soprano américaine insiste encore à l’évocation des airs chantés par Magda Olivero : « il y a une intimité dans sa manière de les chanter« . Quelle étrange remarque qui parle d’intimité à l’endroit de l’opéra où tout est extraversion et théâtralité publique? C’est que tout ne réside pas uniquement dans la technique. Il y a la part du style et du caractère. De cela, comme de bien d’autres qualités, Renée Fleming n’en manque pas.
L’art suprême de l’interprète, n’est il pas justement de rendre intime et personnel, unique et singulier ce qui est donné à écouter par le plus grand nombre, grâce à cette coloration ténue qui fait les grandes chanteuses?
Un nouveau disque peut ne pas être qu’un « coup marketing » : il peut se révèler prise de risque et défi magistralement relevé. La firme Decca qui a produit les albums audacieux d’une autre divissima, Cecilia Bartoli dans des oeuvres qu’elle est la seule à défendre, récidive ici, dans une autre époque et dans un tout autre style. En témoigne ce nouveau récital où la diva Fleming non seulement nous surprend mais nous démontre que dans la veine inépuisable du vérisme vocal, elle a encore bien des choses à nous dire.

Approfondir
Lire notre critique du cd « Homage, the age of the diva », disponible début novembre 2006.

En plus de son album consacré aux héroïnes véristes, Renée Fleming fait paraître en dvd, chez le même éditeur, un récital d' »airs sacrés », enregistré le 13 novembre 2005 en la cathédrale de Mainz. Disponible début novembre 2006.

Retrouvez sur le site de Renée Fleming, l’espace dédié au projet « Homage, the age of the diva »

Découvrez en images, chanteurs et compositeurs du passé sur le site www.historicopera.com

Crédits photographiques
© Snowdon / Millington

Titien, Vénus avec un organiste

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Pour la gloire de Charles Quint
En décembre 1847, Titien travaille à Rome pour apprendre des Antiquités. L’étude de la sculpture et des monuments de l’antique capitale impériale lui permet de perfectionner son art, déjà grand. Pour le peintre, fidèle serviteur de la gloire des Habsbourg, rien ne saurait être suffisant pour peindre les mérites du plus grand souverain de l’heure.
Titien imagine pour Charles Quint un nouveau sujet, « une figure de Vénus » dont les divines proportions sauront glorifier le prestige de celui à qui elle est destinée. De fait, le nouveau tableau doit être prêt quand l’Empereur, présidera à Ausgbourg, la Diète réunie en grand apparat, après la victoire remportée à Mühlberg le 18 janvier 1547, sur les troupes protestantes de la ligue de Smalkalde.

Du nu féminin
Charles Quint ne goûta guère les charmes de la belle alanguie, lui préférant l' »Ecce homo » (aujourd’hui au Prado) que le peintre lui offre en même temps. En réalité, Titien fut plus fidèle à lui-même qu’au goût de son impérial patron : le thème du nu féminin accompagne toute sa carrière. Depuis la Vénus de Dresde, peinte en collaboration avec son confrère Giorgione, celle dite d’Urbin (1538), jusqu’à sa Danée (1550, également au Prado). La brosse semble interroger l’architecture du corps féminin comme une illustration de l’harmonie divine. Cet idéal des proportions renvoyant contradictoirement à sa plasticité sensuelle, à une contemplation d’ordre mystique et spirituel. Le beau corps suscite méditation et contemplation sur la Nature, de même qu’accordé à la musique, soit un organiste soit, comme dans d’autres versions du thème, un luthiste, le sujet exprime l’accord spirituel qui unit les figures représentées.
On sait que la résonance musicale a été utilisée par Titien pour exprimer de façon allusive, le thème d’une secrète complicité (Triple portrait ou concert).
Si l’Empereur Habsbourg délaisse volontiers les sujets profanes et érotiques, une riche clientèle se fait bientôt connaître qui se délecte dans la contemplation des nus avec musiciens. Le nombre des versions sur ce thème, aujourd’hui connues, révèle l’engouement du sujet mi sensuel mi spirituel, aux références néoplatoniciennes et humanistes très complexes. D’ailleurs le peintre aura l’occasion d’approfondir encore sa fibre érotique lorsqu’après l’abdication de Charles Quint, il travaillera pour son fils, Philippe II.

L’art d’accorder musique et peinture
Même s’il est aidé par de nombreux aides et assistants, le peintre façonne une composition très élaborée qui porte la marque de son génie : paysage déjà romantique au fond, parfaitement mis en perspective avec son rideau d’arbres scrupuleusement alignés ; jardin d’amour et sa fontaine ; parapet séparant la scène principale : un jeune organiste commente en musique l’objet de sa contemplation. Il s’agit donc d’une fusion des modes perceptifs. Tous les sens sont ici suggérés : vue, ouïe, et presque toucher, tant, toute la science de la brosse et du chromatisme appelle la caresse…, le contact comme la proximité du pied de la femme avec le jeune homme tend à rompre la distanciation entre un simple mortel et Vénus.

La signification amoureuse et érotique est d ‘autant plus évidente que la belle, ici étendue, semble recueillir les conseils de Cupidon, lui-même amoureusement enlacé à l’épaule de la déesse. Le corps mûr à peine idéalisé de la femme, est une symphonie de courbes et de contre courbes, encore haussée par l’éclat et le bouillonnement des drapés, du lit et de la tenture qui enveloppe ce corps convoité.
Le paysage lui-même exprime un état harmonique, celui d’une nature idyllique d’essence arcadienne : âne ou faon paissant, fontaine au satyre au vase jaillissant, cerf couché, et même couple enlacé … Le mouvement de l’organiste symbolise ce vertige de la langueur qui semble emporter tout le tableau.
Vision romantique et d’une incitation sensuelle à laquelle répond l’expertise de la palette des couleurs : tons chauds et profonds, ocres et ors, rouges carminés, lumineux et chatoyants. Voici la grande leçon picturale de Titien, divin accordeur de la musique et de la peinture. Les tuyaux de l’instrument répondent en écho à la rangée des arbres. Sous l’emprise des sens galvanisés par la beauté de Vénus, se cache un ordre parfait. Cette harmonie, à la fois musique et contemplation, est rendue explicite par l’art d’un peintre exceptionnel.
Après lui, Rubens et Watteau sauront recueillir l’enseignement de leur « maître ».

Illustrations
Titien, Vénus avec un organiste et cupidon (Madrid, musée du Prado)

Titien,peintre symphoniste

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Le musée du Luxembourg célèbre, jusqu’au 21 janvier 2007, l’art du Titien portraitiste. Or vénitien, successeur du style de Bellini et de son codisciple Giorgione, le peintre qui demeure le plus grand artiste de son temps, trouve sa manière propre grâce à une palette chromatique exceptionnelle. Un peintre symphoniste, en quelque sorte, précisément chambriste dont nous analysons la sensibilité dans l’une de ses toiles, à la fois portrait et scène de genre, au sujet musical…

Préliminaires
Le Luxembourg accueille jusqu’au 21 janvier 2007, une rétrospective exceptionnelle : plusieurs toiles, la plupart des portraits, du plus grand peintre du XVI ème siècle. Un artiste dont le renom de son vivant, proche des princes, qui tutoyait Charles Quint, tient à la maestrià de son pinceau et de sa palette. Prince des peintres, Titien (1488 ou 1490-1576) le fut inconstestablement. L’histoire de l’art en a fait un représentant du beau coloris, à l’égal de ses cadets, Véronèse et Tintoret, tous plus habiles à manier la couleur et la tonalité qu’à parfaire la ligne du dessin. Eternelle opposition des écoles : ici, la somptueuse étoffe du colorisme vénitien ; là, la précision angélique de la ligne qui s’est imposée de Florence à Rome grâce au talent non moins indiscutable du contemporain de Titien, Michel-Ange. C’est d’ailleurs ce dernier qui aurait regretté que son confrère ne maîtrisât pas suffisamment le dessin, suscitant ainsi une polémique esthétique encore active.
Quoiqu’il en soit, Titien demeure le prince des peintres. Sa brosse ne fait pas qu’illustrer la vie, elle l’exprime sous l’épiderme de la matière picturale. Ses modèles palpitent et respirent ; sous le poids des costumes, derrière la dignité des charges et les insignes du pouvoir, ces princes, sous le regard de leur serviteur, sont des hommes, des individualités saisies sur le vif. Ainsi en-est-il par exemple de la toile conservée au Palais Pitti à Florence et qui représente, vers 1511 – alors que le jeune artiste n’est âgé que de 21 ans-, trois hommes qui sont de toute évidence des musiciens…

Une secrète entente…
Longtemps la toile fut attribuée au codiscisple de Titien dans l’atelier de Giovanni Bellini, Giorgione. Fond noir d’où émergent les figures à mi corps. La composition en frise focalise sur les individus qui sont des portraits. Associés en une scène de genre vivante, les trois hommes se retrouvent ainsi lors d’une répétition ou d’un concert, ils sont saisis avec un naturel qui n’appartient qu’au plus grand artiste. Simplicité et grandeur de leur pose. Rien ne vient troubler la présence de chacun d’eux vis-à-vis du spectateur. L’oeil entretient avec chacun un rapport d’intimité, de chaleureuse fraternité, de connivence : ainsi, le plus jeune, empanaché, nous regarde-t-il, comme pour mieux nous inviter à pénétrer dans leur activité.
Visiblement, ceux là s’entendent à merveille : le plus âgé, tient dans la main gauche sa viole ; il pose sa main droite sur l’épaule du joueur d’épinette au centre, lequel se retourne vers son partenaire. Complicité, secrète entente, jamais tableau, à la limite ténue entre portrait et scène de genre, n’a mieux exprimé l’harmonie des âmes. De sorte que beaucoup tiennent l’oeuvre pour une allégorie de l’action affective de la musique : musique d’enchantement qui, plus qu’adoucir les moeurs, les fusionne et les fait vibrer à l’unisson… Titien se souviendrait-il du tableau de son contemporain, Giorgione sur un thème identique : « les trois âges de l’homme » où trois figures de génération différente, s’intéressent à déchiffrer une partition… L’oeuvre est également conservée au Palazzo Pitti à Florence et date entre 1500 et 1505.

Qui sont-ils?
Au centre de la toile, le musicien français Philippe Delouges, né vers 1480 (comme Titien), appelé Verdelot, qui fut un madrigaliste de renom, mort vers 1538 ou 39. Il officia à Florence comme chanteur et maître de chapelle du baptistère San Giovanni, célébré au sein de la Cour des Médicis. Comme joueur d’épinette, il porte ici la cape de chant (cappa choralis) que les laïcs portaient dans le choeur, auprès des ecclésiastiques.
A droite, figure le plus âgé, Jacob Obrecht, né en 1453, grand compositeur polyphonique avec Josquin des Prés, mort de la peste à Ferrare à l’été 1505. Prêtre (il est entré dans les ordres à Louvain), il porte la petite cape de choeur et tient sa viole de gambe de la main droite.
A gauche, comme à l’écart de l’union silencieuse qui relie les deux plus âgés, un jeune chanteur apprêté, portant chapeau et panache de plumes d’autruche blanches, nous fixe : c’est lui qui rétablit le lien entre l’espace représenté et l’espace du spectateur. En nous regardant, il rééquilibre la distanciation produite par notre regard : à son invitation, nous entrons dans la toile.

Explications
Si l’on suit la datation de l’oeuvre de Titien, soit 1511, Obrecht était mort depuis 6 ans. Il s’agirait donc d’une représentation posthume, souhaitée par son jeune confrère, Verdelot. Hommage d’un musicien à un aîné. En jouant de son épinette, le claviériste semble susciter l’image vivante du disparu avec lequel il semble entretenir une relation artistique en parfaite complicité. La présence du jeune chanteur indique la fonction de maître de chapelle et directeur des vocalistes, qui était la sienne à Forence.
Fidèle à l’esthétique morale et spirituelle de Giorgione, le jeune Titien pourrait aussi, outre exécuter un triple portrait, illustrer les trois âges de la vie. Adolescence, splendide et presque insolente puisqu’elle nous toise ; maturité et sensibilité ; vieillesse et renoncement (Obrecht ne joue plus). De toute évidence, la musique joue ici un rôle essentiel : Titien, dont la culture et l’éducation étaient particulièrement élevées, ne souhaite-t-il pas nous indiquer que la musique est une nécessité vitale, accompagnant chacune des étapes de la vie du Cortegiano, de cet homme bien né.
Au-delà des intentions visibles, l’oeuvre du Titien exprime l’indicible et le caché (un comble pour un tableau), l’impénétrable et le mystère de l’humain. Le vrai sujet du tableau ne serait-il pas justement la musique et l’état affectif qu’elle cultive? En définitive, nous aurions là, non pas le portrait d’individus qui se sont connus et se sont retrouvés dans la musique, leur métier, mais, allégorie suprême, l’expression directe et tangible d’une connivence spirituelle. Quand Verdelot joue l’épinette, il active par sympathie et résonance musicale, le souvenir d’une amitié partagée avec un musicien qui s’est éteint.

Agenda
« Titien, le pouvoir en face ». Musée du Luxembourg, Paris. Du 13 septembre au 21 janvier 2007. www.museeduluxembourg.fr
Au XVI ème siècle, l’image est le propre des grands. Les peintres offrent aux princes et souverains narcissiques, la possibilité de satisfaire leur désir de grandeur et la volonté de contempler la représentation tangible de leur pouvoir. L’exposition distingue deux groupes de portraits : les « politiques » d’un côté (princes, monarques, pape, empereur…) ; leurs contemporains, de l’autre. Tous sont animés par une soif insatiable de puissance.

Prolonger


Découvrez une autre oeuvre de Titien sur un sujet musical, la Vénus avec un organiste (Madrid, musée du Prado)

Illustrations
Titien, Concert (Florence, Palazzo Pitti, 1505-1511)
Giorgione, les trois âges de la vie (Florence, Palazzo Pitti, 1500-1505)

Armin Jordan,Hommage

Un colosse aux yeux et à la sensibilité d’un enfant. Armin Jordan nous a quitté le 19 septembre 2006, alors qu’il s’apprêtait à faire répéter l’Orchestre de Paris dans un programme de musique française, dans le nouveau volume de la Salle Pleyel.
Le public parisien devait retrouver l’artiste de 74 ans dans des oeuvres de Debussy, Ravel et Dutilleux.
Hélas le sort en a décidé autrement, emportant vers d’autres cieux, cet homme de culture, dont la sensibilité et le goût le portaient vers la musique française et les partitions germaniques.

De Ravel et Debussy à Wagner, il a démontré sa quête faite de transparence et d’exigence, révélant une direction fluide et cohérente. De 1973 à 1985, Armin Jordan fait de l’Orchestre de chambre de
Lausanne, l’un des meilleurs d’Europe. Il prend ensuite, la direction
de l’orchestre de la Suisse Romande à partir de 1985, une phalange avec
laquelle il travaillera à l’opéra de Genève. Aussi à l’aise à la tête
d’un ensemble de chambre que dans la fosse d’une maison d’opéra, il
s’est montré tout autant attaché à la France : Louis Erlo l’invite à diriger au festival d’Aix en Provence, surtout il reprend les destinées de l’Ensemble Orchestral de Paris (1986-1993) qu’il hisse au plus haut et dont il assure la pérennité.
Son fils, Philippe, suit aujourd’hui le sillon tracé par son père. Armin Jordan nous laisse aussi l’image d’Amfortas (dans le film de Syberberg) qu’il incarna pour les besoins de cette adaptation cinématographique du « Parsifal » de Wagner, tout en dirigeant la partie orchestrale.

Parmi les réalisations récentes auxquelles le chef suisse a participé, citons la remarquable production de « Tristan und Isolde » de Wagner, présentée à Genève en 2005 et fort judicieusement enregistrée pour le dvd (par l’éditeur Bel Air classiques). Si l’on a beaucoup souligné le travail du metteur en scène Olivier Py, la réussite de cette lecture magistrale doit tout autant à la direction discrète et d’un chambrisme inspiré autant que ciselé de Maître Jordan. Un témoignage qui se révèle aujourd’hui, incontournable.

Archives
Découvrez Armin Jordan le 11 novembre 1997 à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, alors qu’il répète avec ses musiciens avant un concert au Victoria Hall de Genève (archives de la Télévision Suisse Romande)

Crédit photographique (DR)

Richard Strauss, Le Chevalier à la rose, 1911

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Au seuil de la Première Guerre Mondiale, l’opéra de Richard Strauss incarne un aboutissement musical. Son sujet néobaroque dont le cadre est la Vienne impériale à l’époque de Marie-Thérèse, illustre une société aussi raffinée que décadente qui était vouée au déclin. Les options du compositeur, -comme l’introduction de la valse dans un opéra ou les nombreux épisodes licencieux du livret d’Hofmannsthal-, d’autant plus vraisemblables que les auteurs se sont parfaitement documentés sur le rituel de l’art de vivre aristocratique, ont choqué les critiques et la bonne société à Vienne, à Berlin, à Milan. Mais le public depuis sa création à Dresde en 1911 se presse pour voir et écouter le divin spectacle.

Nous sommes nés l’un pour l’autre
Quels sont les ingrédients du succès de ce Chevalier qui ne semble guère qu’un pastiche bouffon des opéras du XVIII ème siècle et du XIX ème siècle? L’intrigue des amants renvoie ici au Mozart des Noces ; quant à la truculence bouffe du Baron Ochs, c’est le Falstaff de Verdi que Strauss cite tout autant. Reconnaissons par ailleurs, la réussite d’une partition foisonnante, nourrie de valses viennoises, génial anachronisme, ou encore le trio des sopranos protagonistes : Strauss écrit pour la même tessiture, les rôles de la Maréchale, Sophie et d’Octavian qui est aujourd’hui plutôt tenu par une mezzo.
L’invention est à l’origine du succès de l’opéra : Strauss et son librettiste qui recomposent le duo génial Mozart/Da Ponte, inventent la remise de la rose d’argent à la promise… tradition de polichinelle qui pourtant revêt dans l’artifice féerique de la partition sa vraisemblable importance. La collaboration des deux hommes, plus idéale que beaucoup l’ont dit, débute en 1906, autour de l’adaptation en opéra, de l’Elektra, pièce dramatique de Hofmannsthal. Strauss avait 41 ans, Hofmmansthal, 32.

Strauss écrit : « Nous sommes nés l’un pour l’autre et accomplirons certainement de belles choses ».
Hofmannsthal, aidé de son ami, le Comte Harry Von Kessler, imagine un opéra bouffe français, dont l’action qui se déroule au XVIII ème siècle, permet de traiter les personnages de la Commedia dell’arte. Portraits charge du bouffon, du barbon, de l’ingénue, etc… au final, ils choisissent avec l’assentiment de Strauss, pour décor, la Vienne de Marie-Thérèse. Hofmannsthal suggère l’introduction de quelques valses viennoises pour envelopper le tout… il songe en particulier à … »une valse viennoise surannée, tendre et impudente, qui doit hanter tout le dernier acte« . Au final, les mouvements de valses innervent l’ensemble de la partition.
Strauss compose à Garmish dès 1909. Il reprend certaines scènes, souhaite du comique afin que la tension ne s’amollisse pas. Stimule son librettiste pour créer des situations vraiment cocasses, en prenant certes appui sur le texte mais aussi sur la musique. Jamais leur entente ne fut plus complémentaire. « J’ai appris en cette occurence quelque chose de fondamental sur le travail de l’opéra et la musique, et je ne l’oublierai pas ». En mai 1910, Strauss attaque l’acte III. En septembre, les auteurs décident du titre de leur nouvel ouvrage.

Les personnages
Strauss et Hofmannsthal parlent de leur créatures comme s’ils les avaient rencontrées et bien connues. Indications inestimables pour comprendre la psychologie subtile qui est le sujet véritable de l’opéra. La Maréchale est une femme de trente ans qui éprouve la nostalgie et l’angoisse du temps qui passe quand elle est confrontée au dix-sept ans de son Quinquin, amoureux et volage.
Octavian pourra se lasser de la belle mais ordinaire Sophie et revenir vers sa première maîtresse, Marie-Thérèse, dont la grâce et la culture font la différence.
Ochs de Lercheneau a lui aussi la trentaine mais si la naissance et le rang de sa lignée sont pareils à ceux de sa cousine, la Maréchale, il ne partage ni l’éducation ni le raffinement de cette dernière : « c’est un beau donjuanesque de trente cinq ans, toujours noble (même s’il est un peu paysan) qui sait se tenir dans le salon de la Maréchale… Intérieurement, c’est un goujat mais en surface il est suffisamment présentable… » Il est né Viennois non Berlinois. Voilà une différence capitale qui contredit souvent les chanteurs incarnant le Baron, plus falstaffiens que Don Juan.
Hofmannsthal rêvait d’un acteur/chanteur italien pour ce rôle plus délicat qu’il n’y paraît : il pensait au fameux Pini-Corsi qui chantait Leporello. Voilà une piste nouvelle pour les Ochs du XXI ème siècle.

La musique, plus loin qu’Elektra
Ni pâtisserie dégoulinante, ni régression dans son oeuvre musicale, le Chevalier ne marque pas comme on l’écrit habituellement, un retour en arrière dans l’inspiration du compositeur. Le progressisme d’Elektra, son radicalisme expressionniste, est absorbé avec un même souci d’efficacité, une même élévation esthétique. Il y a derrière le bon teint de ce tableau néo-baroque, une gravité amère voire sarcastique : le duo des anges, Octavian/Sophie, est plein de subtile ironie, ; son apparente séduction cible l’évanescence d’un rêve d’amour, la durée éphémère par essence, de leur passion réciproque… le fond de l’opéra exprime la nostalgie et la mélancolie, l’impuissance des hommes à infléchir le cours de leur destinée, à susciter l’opportunité d’un bonheur terrestre. L’idéalisme romantique est un miroir aux allouettes. Strauss élabore une langue musicale, c’est là son invention la plus géniale. Grâce à un librettiste des plus attentionnés, le compositeur redéfinit totalement le rapport du texte et de la musique, relation permanente et sujet à problématiques, depuis la naissance de l’opéra. Pourtant de Monteverdi à Strauss, se précise la ligne jamais perdue d’une alliance entre verbe et note. De ce point de vue, le Chevalier ne serait qu’une étape menant à l’aboutissement qu’est l’opéra à venir et l’ultime, Capriccio (1942) : discussion en musique dont le cadre français XVIII ème siècle, offre aux protagonistes de discuter sans le résoudre finalement, le difficile problème de la prééminence du texte ou de la musique… Mais pour illustrer ce chapitre, Hofmannsthal était mort et Strauss composa lui-même son livret, idée de Clemens Krauss.

Illustrations
William Hogarth, autoportrait, 1745 (Londres, Tate Gallery)
Karl Bauer, portrait de Hugo Van Hofmannsthal, vers 1900 (DR)
Hugo Von Hofmannsthal à la rédaction du livret du Chevalier à la rose (DR)
William Hogarth, série de scènes domestiques : « un mariage à la mode ». Hoffmannsthal s’est inspiré de ce cycle pictural pour élaborer la trame de son livret.

Beethoven, Symphonies n°7 et n°8Hillborg, « Eleven gates »Los Angeles Philharmonic, Esa-Pekka Salonen, direction

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Esa-Pekka Salonen poursuit une éblouissante carrière disque après disque. Cet enregistrement live uniquement disponible en téléchargement, à partir du 30 octobre 2006, devrait suivre le standard jubilatoire des précédentes réalisations du chef. En témoigne par exemple sa dernière lecture du Sacre du Printemps, paru à la rentrée 2006 chez DG : vision mordante, acérée mais aussi d’un luxe de couleurs proprement inouï. Dans Beethoven comme dans les Onze Portes de Hillborg, ici gravées lors de leur création mondiale en mai 2006, le chef et son formidable orchestre devraient relever le défi et nous en mettre plein les oreilles… Il s’agit du quatrième titre de la série des concerts live du Los Angeles Philharmonic, au sein de la collection digitale « Global concert hall » de DG et Decca.

Beethoven/Hillborg
Beethoven : Symphonies n°7 et n°8
Hillborg : les Onze Portes (création mondiale)

Los Angeles Philharmonic
Esa-Pekka Salonen
Live from Walt Disney Concert Hall, les 4 et 12 mai 2006

Voici un programme qui mérite pleinement d’avoir été gravé et d’être accessible en téléchargement : la vitalité oxygénée du Los Angeles Philharmonic rend justice à l’énergie des symphonies de Beethoven. Comme à son habitude, la baguette de Salonen se montre aussi affûtée et mordante, que lyrique et tendre. Tous les pupitres s’engagent avec une belle ardeur, d’autant que la prise de son détaille dans cette capatation live, réalisée au Walt Disney concert hall de Los Angeles, chaque plan.
Pour ce quatrième volume avec le Los Angeles, uniquement disponible rappelons-le, en téléchargement, Salonen intercale entre les symphonies Beethovéniennes, la partition du compositeur suédois, Anders Hillborg, né en 1954 à Stockholm, « Eleven Gates » , commande de l’Orchestre de Los Angeles et composé en 2006. Ce sont 20 minutes d’interrogation cosmique dans laquelle les instrumentistes dévoilent grâce à leur chef tout en finesse, un art de la subtilité et de l’allusif. C’est une aspiration à la contemplation étoilée, un passage vécu par l’orchestre comme une fenêtre ouverte sur l’étendu de la galaxie, avec des glissandi ascensionnels qui permettent d’atteindre plusieurs étapes de conscience. Bois et vents pointés, tremolos murmurés : l’orchestre semble recueillir les pulsations extraterrestres… en un halo, une brume à la fois inquiète mais aussi traversée par la sensation des prémices et des découvertes, de révélation imminente avec un climat d’inquiétude, surtout d’étrangeté ; d’ailleurs, le compositeur cite la mélodie principale de « Rencontre du Troisième type » de Spielberg, mais de façon très allusive aux cuivres : la texture détaillée, mordante là aussi, voire même humoristique, souligne l’opulence caractérisée de la partition. Maître des tonalités et de la texture, chef et orchestre se montrent exceptionnellement inspirés dans cette pièce dont la conclusion laisse perplexe : sans résolution précise, sur un tutti énigmatique d’anéantissement ou de libération… Le geste de Salonen ajoute cette touche de poésie, cette science de la progression et du détail, qui convainc totalement.

Approfondir
Visitez le site officiel en anglais d’Anders Hillborg où vous pourrez découvrir entre autres, la fiche conscrée à « Eleven gates »

27 ème festival d’Ambronay. Théâtre de Bourg-en-Bresse, le 28 septembre 2006. Ercole Amante de Cavalli.

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L’aventure relève d’un pari fou. Pour une oeuvre aussi ambitieuse, où les arts convoqués, chant, choeur et solistes, danse et musique se mêlent en une évocation complexe et spectaculaire, le festival d’Ambronay a choisi de mettre à l’épreuve les élèves de son Académie baroque européenne. Or justement, la production risquée doit être prise pour ce qu’elle est : le travail de jeunes artistes en devenir. Certainement pas, comme l’oeuvre de professionnels rompus aux difficiles arcanes de la machine opéra. D’autant plus riche et foisonnante ici, qu’appartenant au premier baroque, celui libre et fantaisiste de l’opéra italien, en particulier vénitien, l’ouvrage est des plus inventifs, mêlant certes comme nous l’avons dit, danses, action, chant et musique, mais surtout les registres poétiques, du cynique aigre et désespéré à la langueur la plus sensuelle. D’ailleurs, Cavalli, l’un des plus grands compositeur d’opéras après Monteverdi, aime s’alanguir : tous les airs où les héros succombent à la douleur voire au dépit suicidaire (Hyllus, Déjanire) sont les plus beaux de l’ouvrage.
Pour diriger cette entreprise risquée, Gabriel Garrido, familier du Festival pour lequel il a livré de superbes et indiscutables réalisations, s’est investi corps et âme pour relever le défi. Saluons précisément les prises de risques du Festival d’Ambronay de soutenir ainsi chaque année, depuis 1993, ce programme d’insertion professionnelle où de jeunes artistes en phase d’apprentissage et d’origine européenne diverse, se frottent non sans mal aux joies et aux souffrances du métier…
Bien sûr, la ligne des chanteurs a paru souvent déficiente et en articulation dramatique, et en technique expressive. Bien sûr, tout autant, l’orchestre manquait de chair, d’étoffe, de carrure, d’autant plus qu’Ercole Amante fut créé devant le Roi Louis XIV avec fastes et surenchères d’effets aux Tuileries. Certes, tout autant, le regard reste déconcerté par la pauvreté de la chorégraphie qui mettant en scène, le Souverain lui-même n’a ni grandeur ni ampleur. Surtout par la laideur des costumes en noir et rose pâle.
Pourtant, l’ensemble a révélé de très honnêtes tableaux, en particulier  au dernier acte des Enfers. Les ombres des âmes défuntes, victimes du héros conspirent pour sa perte : le choeur a montré une réelle profondeur. La tension qui semblait paralyser tous les interprètes s’est presque évanouie pendant les danses conclusives de Lulli…  La mise en scène de Pierre Kuentz, qui lui aussi signait un premier travail sur un opéra, s’est intéressée par une démarche déclinant tous les aspects du plissé tombant, bouffant, rompant l’unité de la scène, à la figure de l’Hercule mourant sous l’effet d’une tunique empoisonnée. Au final, on regrettera le manque de travail, l’aspect inabouti de bon nombre d’épisodes. Gageons que la cohérence du collectif s’affinera encore, au cours des représentations prévues jusqu’au 13 octobre à l’Opéra de Besançon.

L’oeuvre de Cavalli quant à elle, n’a en rien perdu de son exceptionnelle beauté. Cavalli est bien le plus grand compositeur lyrique vénitien de son époque, après son maître Monteverdi. Pour ceux qui voudraient entendre ses indicibles inventions lyriques, l’on ne saurait trop leur conseiller de se reporter à l’enregistrement de Michel Corboz, paru il y a plus de vingt ans, pour Erato. Une lecture inégalée à ce jour.

Théâtre de Bourg-en-Bresse, le 28 septembre. Ercole Amante de Cavalli. Académie baroque européenne d’Ambronay. Solistes, choeur, orchestre et danseurs. Gabriel Garrido, direction artistique et musicale. Pierre Kuentz, mise en scène. Ana Yepes, chorégraphie baroque. David Messinger, scénographie, costumes. Adèle Grépinet, lumière. Production en tournée jusqu’au 13 octobre à l’Opéra de Besançon

Approfondir
Pour de plus amples informations sur les enjeux et la signification d’un opéra fondamental dans la genèse de la tragédie lyrique française, reportez vous aussi à l’excellent ouvrage publié par le festival à l’occasion du travail sur Ercole Amante : « Ercole amante, Hercule amoureux, Cavalli / Ballets de Lully« , premier numéro des « Cahiers d’Ambronay« . Vous y trouverez un long article de Pierre Kuentz, un entretien avec Gabriel Garrido, l’ensemble du livret avec l’indication des inévitables coupures opérées pour la production d’Ambronay, plusieurs autres textes sur l’opéra italien et la musique de Cavalli. 170 pages. 6 euros.

Crédit photographique
Iole s’apprête à tuer Hercule, le meurtrier de son père, Eurytus.
© Patoch

Johann Nepomuk Hummel,France musique, le 28 octobre à 18h


Samedi 28 octobre à 18h

La Querelle des Bouffons
Magazine

L’élève de Mozart et l’ami de Beethoven naît en 1778 et meurt en 1837.
En son temps, il fut l’une des personnalités du monde musical les plus estimées, les plus adulées en tant que pianiste, chef d’orchestre et compositeur. Hummel fait parti aujourd’hui de ceux que l’histoire de la musique a un peut-être un peu trop négligés. L’artiste qui fut l’élève privilégié de Mozart et l’ami de Beethoven, exerça pourtant à son époque et sur les générations suivantes une influence non négligeable sur les plus grands pianistes compositeurs. Sa méthode de piano entre autre, fut la plus importante dans la première moitié du XIXe siècle.

Hummel naît à Presbourg en novembre 1778. Enfant prodige, c’est son père qui lui donne ses premières leçons de musique. Il rencontre Mozart à Vienne qui, tellement touché et impressionné par l’enfant, demande qu’il lui soit confié. Ainsi le génie autrichien hébergera chez lui, le jeune Hummel âgé de huit ans et c’est aussi grâce à lui que le jeune prodige donne en 1787, son premier concert. Il quitte la famille Mozart en 1788 pour entreprendre une longue tournée avec son père qui le mène en Allemagne du Nord, à Copenhague, en Ecosse, à Londres (prenant au passage des leçons avec Clementi) et de nouveau en Allemagne. Il revient à Vienne, seulement en 1793 et prend des leçons avec Haydn, Albrechtsberger et Salieri, tous réputés comme les plus grands professeurs de Vienne (Beethoven, aura les mêmes professeurs, ils seront même condisciples). Il figure dejà parmi les pianistes les plus réputés d’Europe. De cette époque date aussi son amitié avec Beethoven, qui malgré quelques bas (ils furent malgré eux à certains moments rivaux, surtout en tant que pianistes), ne se démentira pas jusqu’à la mort de ce dernier. En 1804, il est nommé concertmeister, à la suite de Haydn, chez le prince Esterházy jusqu’en 1811. Puis il reprend sa carrière de pianiste en 1814 et devient de 1816 à 1818, maître de chapelle à Stuttgart, et de 1819 à sa mort, occupe le même poste à Weimar. En 1827, il passe à Vienne, visite une dernière fois son ami Beethoven alors mourant. Hummel s’éteint dix ans plus tard, le 17 octobre 1837 à Weimar.

On compte parmi ses élèves Czerny, F. Hiller, F. Mendelssohn et S. Thalberg, tous pianistes aguerris. La majeure partie de son œuvre est redevable d’un enseignement classique dans la lignée de Haydn et Mozart, contournant l’art beethovénien auquel il refuse de se mesurer. Ces dernières œuvres quant à elles, annoncent la génération romantique. Bien que son instrument privilégié soit le piano, Hummel s’initia à tous les genres. On peut compter parmi ses œuvres : 5 messes, 5 opéras, 6 ballets et diverses œuvres instrumentales (dont un concerto pour trompette) et sans omettre les pièces vocales. Pour le piano, il composa cinq concertos, qui connurent beaucoup de succès, mais qui restent très peu joués aujourd’hui. C’est dans ses sonates qu’il mit le meilleur de lui-même. Sa musique malgré tout tomba rapidement dans l’oubli, bien qu’il eut une influence directe sur Chopin, Liszt ou Schumann.

Richard Strauss, La femme sans ombre (1919)France musique, le 28 octobre à 19h

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La femme sans ombre (1919)


Samedi 28 octobre à 19h07

enregistrement effectué
les 6, 12 et 18 octobre 2006
au Capitole de Toulouse


Après
avoir créé plusieurs opéras pastiches néobaroque (Ariadne auf Naxos) ou
néo classique (Le Chevalier à La rose), Strauss et le poète
Hofmannsthal marqués par la Première Guerre mondiale qui entraîne aussi
la chute de l’Empire Habsbourg, plongent dans le mythe mozartien de la
Flûte Enchantée. Ils produisent un opéra sur la compassion
confraternelle : la femme sans ombre est une intrigue orientalisante
qui mêle les registres de l’onirisme, du fantastique et du tragique
pour mieux éclairer la portée d’un message hautement humaniste. Le sort
de tous les hommes est indéfectiblement lié. Il s’agit moins comme on
l’a dit souvent, de l’apothéose des valeurs conjugales qu’une apologie
de la fraternité et
de la compassion salvatrice. Composé aux heures les plus sombres de la
Première Guerre Mondiale, la Femme sans ombre exprime comme nul opéra
avant lui, l’œuvre de la barbarie tout en imaginant pour l’humanité
endeuillée, une issue positive. Le miracle humain reste possible tant
qu’un seul être saura s’émouvoir du sort d’un autre.

L’impératrice
n’a pas d’ombre. Objet fantasmatique de l’Empereur, elle aspire à
prendre forme humaine et pour se faire, accepte de souffrir, d’éprouver
la tragédie d’une existence comptée. Elle découvre la femme du
Teinturier Barak, harpie domestique qui brave son fidèle époux. D’une
situation malsaine où la femme accepte de vendre son âme pour que
l’Impératrice puisse obtenir cette ombre tant convoitée, l’action
s’inverse quand l’Impératrice éprouve le miracle de la compassion
vis-à-vis de Barak.
L’opéra de Strauss et de Hofmannsthal interroge
la notion d’identité, de compassion, d’humanité. Que sont les êtres
dépourvus de sensibilité humaine ? Au sortir de la première guerre
mondiale, l’ouvrage est l’une des partitions les plus bouleversantes du
théâtre lyrique. Le chant de l’espoir et l’expression de la tragédie la
plus brute, s’y mèlent.

Opéra en trois actes
Créé le 10 octobre 1919 à l’Opéra de Vienne
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Opéra du Capitole de Toulouse
Direction musicale : Pinchas Steinberg
Mise-en-scène : Nicolas Joel
Nouvelle production
Consultez la fiche de la production toulousaine sur le site du théâtre du Capitole


Cd
Bohm, 1977.

Sur la scène du théâtre où a été créé l’opéra, Böhm qui a cotoyé
Strauss, officie dans cette captation enregistrée en direct, avec un
sens lyrique et tragique d’une tendresse humaine absolument
indiscutable. Enregistré sur le vif, cette lecture de légende s’impose
naturellement, en particulier parce que portés par l’orchestre de
l’Opéra de Vienne, somptueux et énigmatique, les chanteurs s’embrasent
littéralement. James King (l’empereur), Leonie Rysanek (l’Impératrice),
Walter Berry (Barak), Birgit Nilsson (la femme du teinturier). 3 cds
Deutsche Grammophon 1985. Livret complet : texte intégral avec notice
argumentée.

Solti, 1989/91.
Deux décennies
et quelques mois après Böhm, la machine infernale électrisée par Solti,
à la tête d’un orchestre que n’aurait pas renié Strauss lui-même, le
philharmonique de Vienne, assène ses accents percussifs, ses
déflagrations fantastiques. La baguette du chef d’origine hongroise est
affûtée, d’un implacable sens tragique. Si les voix ne sont pas celle
que réunissait en 1985, un Böhm mythique, le plateau vocal convoqué par
Solti est plus qu’honnête en rendant l’étoffe humaine et tendre d’un
sujet complexe : Placido Domingo (l’empereur), Julia Varady
(l’impératrice), José Van Dam (Barak), Hildegard Berhens (son épouse).
3 cd Decca. Livret complet : texte intégral et notice documentée.

Approfondir
Lire aussi la biographie du compositeur
Lire aussi notre dossier « Elektra »
Lire aussi notre dossier « La femme sans ombre, opéra humaniste »

Crédits photographiques
Füssli, Lady Macbeth (Paris, musée du Louvre)
Richard Strauss au travail (à l’époque de la femme silencieuse, 1935)
(DR)

Gustavo Dudamel, chef d’orchestreArte, le 7 octobre à 22h30

« Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas« , disait Malraux. Ajoutons de notre côté que la musique au XXI ème siècle sera humaniste et solidaire, pacifiste et engagée, ou ne sera pas. Barenboim sur les traces de l’universel Goethe, en fondant son « West-Eastern divan orchestra » nous indique un chemin à suivre, celui de la fraternité et du dialogue contre l’opposition stérile des communautés ennemies. Son message est pacifiste. Qui pourrait l’en blâmer ?
A 25 ans, la réussite du jeune chef Vénézuélien, Gustavo Dudamel incarne une voie tout autant exceptionnelle, celle où la musique classique offre le moyen aux plus jeunes citoyens de s’émanciper, de rompre avec la fatalité de la misère et de la délinquance.

Le Vénézuela développe depuis de nombreuses années un plan social qui place l’éducation musicale, l’apprentissage et la pratique d’un instrument, au premier plan. Il s’agit d’un système pédagogique révolutionnaire : la « Fundacion del Estado para el Sistema de Orquestra Juvenil e Infantil de Venezuela« . Une inititative d’état à laquelle est liée l’oeuvre visionnaire de José Antonio Abreu qui a créé le « Simon Bolivar Youth Orchestre of Venezuela » en proposant aux plus démunis et à tous les autres, dès l’âge de deux ans, la pratique de la musique classique. Abreu fut aussi le professeur de direction d’orchestre du jeune Gustavo Dudamel qui a rejoint les classes du Sistema, à l’âge de 10 ans.
Sensibilisés à la musique, les enfants de la rue prennent conscience de leur condition, envisagent un avenir, s’impliquent par la musique, dans une perspective positive semée d’émotions et de découvertes, d’espoir et de rencontres, d’esprit de travail et de réalisation. Musique sociale et citoyenne : musique de l’avenir. Dans le cas du jeune Gustavo, qui fut initié à la musique par son père, tromboniste, le classique est une passion précoce : à six ans, il reçoit de sa tante la partition de la Cinquième Symphonie de Beethoven qui devient sa bible. Décortiquant, analysant, commentant chaque mouvement, il dirigeait devant ses parents, un orchestre imaginaire car la direction d’orchestre était déjà inscrite dans ses gênes.

Le classique, facteur de progrès social
Comme de nombreux élèves du Sistema, Gustavo Dudamel ne pensait pas être emporté par le classique. Lui aussi, est issu des quartiers les plus défavorisés, et rien ne lui indiquait qu’il ferait carrière dans ce domaine. Une recontre est décisive alors, celle avec José Antonio Abreu dont l’humanisme et la volonté d’imposer la musique classique comme facteur de progrès social, se révèle déterminante dans la maturation du jeune musicien : « La musique a changé ma vie. Lorsque je regarde ce que sont devenus les garçons de mon âge, je constate que beaucoup ont sombré dans la drogue et le crime. Mais pas ceux qui faisaient de la musique », précise-t-il.
Il est né en 1981 à Barquisimento, capitale de l’état de Lara, au nord du Vénézuela, l’une des zones les plus pauvres du pays. Pour réponse à ce qui aurait pu être une fatalité sociale, l’activité des 125 orchestres de jeunes, des 57 orchestres d’enfants, des 30 orchestres professionnels, à l’échelle d’un pays de 22 millions d’habitants, relève le défi contre l’enfer de la drogue et de la criminalité. Appartenir à un orchestre et jouer coûte que coûte Schumann, Schubert, Beethoven, surtout Beethoven, sont aujourd’hui une alternative salutaire. Ce sentiment du péril permanent, cette urgence aussi à vouloir s’en sortir, expliquent certainement les résultats musicaux atteints, en particulier par l’Orchestre des jeunes Simon Bolivar du Vénézuela, une phalange incroyablement mûre, d’une attractivité indicutable par son énergie et son engagement, dirigée depuis 1999, par le jeune chef Gustavo Dudamel.

Doué, façonné par et fait pour la musique, le jeune homme a remporté le premier Concours de direction Gustav Mahler de l’Orchestre Symphonique de Bamberg (2004), signé un contrat d’exclusivité avec Deutsche Grammophon (2005). 2006 lui ouvre de nouveaux horizons : L’elisir d’amore à l’Opéra de Berlin et Don Giovanni à La Scala de Milan. Il a été aussi nommé en avril 2006, chef principal de l’Orchestre symphonique de Göteborg (Suède) à partir de la saison 2007/2008.

Simon Rattle qui a répondu à l’invitation du jeune chef pour diriger son « Orchestre Simon Bolivar » au Vénézuela, a souligné la personnalité exceptionnelle du jeune homme : « le chef le plus étonnament doué que j’ai rencontré« . Rattle a compris aussi l’importance du phénomène vénézuélien : « ce qui se passe (au Vénézuela) est la chose la plus importante au monde dans le domaine de la musique classique ». Car ce programme musical, s’il est aujourd’hui défendu par les instances gouvernementales, en montrant qu’il apportait une réponse concrète à la misère et la fatalité, permet d’abord, de sauver des enfants.
A ce jour, près de 250 000 garçons et filles fréquentent les écoles de musique liées à l’activités des orchestres de jeunes. 90% d’entre eux, sont originaires de milieux socio-économiques défavorisés.
La culture et la musique pour un autre monde… et l’on se dit que la France qui a tant de retard dans l’éducation musicale à l’école, devrait méditer, comme tous les autres états du vieux continent, sur l’exemple qu’offe ce pays où les enfants ont pris leur destin en mains… en choisissant la musique classique comme rempart à la fatalité.

L’actualité de Gustavo Dudamel

Le 7 octobre à 22h30,
Musica
Caracas classique

Documentaire de Kirsten Esch, 2002. L’orchestre national des Jeunes du Vénézuela est le sujet de ce film qui met en lumière l’activité d’un orchestre de très jeunes musiciens, emportés par le charisme de leur non moins jeune chef, pendant ses répétitions à Caracas, puis au cours d’une tournée en Allemagne.

Nouveauté cd
Beethoven, symphonies n°5 et n°7.
Orchestre des Jeunes « Simon Bolivar » du Vénézuela,
Gustavo Dudamel, direction
. 1 cd deutsche Grammophon.

Crédit photographique
© Matthias Bothor