vendredi 29 mars 2024

Renée Fleming,La diva vériste

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En novembre 2006, la soprano américaine fait paraître un nouvel album chez Decca, « Homage, the age of the diva », où elle célèbre la passion lyrique des grandes héroïnes de la fin du XIX ème et du début du XX ème siècle. Projet hasardeux ou défi convaincant ?

L’époque des
divas légendaires

Mais pourquoi vouloir égaler des chanteuses légendaires, au risque de s’y briser les ailes (ou de se casser la voix), et tendre toujours à défricher de nouveaux airs?
Une diva d’aujourd’hui rend hommage à toutes celles qui l’ont précédée, en particulier les héroïnes véristes, celles qui ont chanté l’amour et la mort avec une passion dramatique inégalée. Renée Fleming, diva de charme, lady glamour des planches lyriques se penche sur les rôles que les compositeurs ont écrit spécialement à la fin du XIX ème siècle et au début du XX ème siècle pour de célèbres chanteuses, actrices autant que cantatrices : Mary Garden, Lotte Lehmann, Geraldine Farrar, Rosa Ponselle, Maria Jeritza…
La magie de l’opéra tient à la rencontre des auteurs et de leurs interprètes. Serait-ce qu’indirectement ou inconsciemment, Lady Fleming rêverait qu’un compositeur d’aujourd’hui écrive de nouveaux opéras pour elle? L’idée paraîtrait osée pourtant il n’en était rien à l’époque qui est ici célébrée.
Assistée de Yelena Kurdina, « La » Fleming a donc sélectionné un cycle d’airs d’opéras oubliés ou peu joués dont la force dramatique égale des oeuvres plus connues. Ainsi, l’air de Servilia : « Tsvetï moi! » de Rimsky Korsakov. Un air où le timbre de la soprano américaine rayonne dans le registre qui est le sien : un état de tendresse émerveillée.
Die Kathrin de Korngold, mais aussi les perles de l’opéra Tchèque telle Jenufa de Janacek ou Dalibor de Smetana, et l’opéra français, comme Cléopâtre de Massenet sont quelques unes des réussites incontestables de cet album. L’esprit des airs sélectionnés est intensément émotionnel. Et bien souvent, il s’agit d’oeuvres nouvelles à leur époque, pour lesquelles compositeur, interprètes et public s’engageaient. Conception bien différente de la nôtre où, précise Renée Fleming : « notre forme d’art est devenue une forme d’art historique« . L’opéra gagnerait-il à être davantage en phase avec notre époque ? Certainement, tant toute création d’opéra contemporain rebute encore les audiences.
Le travail de Renée Fleming s’est penché sur les sources disponibles évoquant l’art et le style des divas d’hier : redécouverte et écoute attentive des enregistrements de Mary Garden par exemple, ; analyse des photographies très travaillées de ces héroïnes posant  » à la Garbo », qui prêtaient volontiers leurs traits pour vanter une marque de cigarettes ou de parfums… ; identification des manières de l’époque : « voix plus brillantes, plus juvéniles et la diction plus claire », son des vibratos « généralement plus rapides »…

Question d’intimité
A la question, quelle est la chanteuse qui vous inspire particulièrement? Renée Fleming répond : « Magda Olivero est sûrement celle que je préfère en ce moment ; elle produit une colonne homogène de son legato, mais avec un pathos et une expressivité qui me vont droit au coeur.« 
La soprano américaine insiste encore à l’évocation des airs chantés par Magda Olivero : « il y a une intimité dans sa manière de les chanter« . Quelle étrange remarque qui parle d’intimité à l’endroit de l’opéra où tout est extraversion et théâtralité publique? C’est que tout ne réside pas uniquement dans la technique. Il y a la part du style et du caractère. De cela, comme de bien d’autres qualités, Renée Fleming n’en manque pas.
L’art suprême de l’interprète, n’est il pas justement de rendre intime et personnel, unique et singulier ce qui est donné à écouter par le plus grand nombre, grâce à cette coloration ténue qui fait les grandes chanteuses?
Un nouveau disque peut ne pas être qu’un « coup marketing » : il peut se révèler prise de risque et défi magistralement relevé. La firme Decca qui a produit les albums audacieux d’une autre divissima, Cecilia Bartoli dans des oeuvres qu’elle est la seule à défendre, récidive ici, dans une autre époque et dans un tout autre style. En témoigne ce nouveau récital où la diva Fleming non seulement nous surprend mais nous démontre que dans la veine inépuisable du vérisme vocal, elle a encore bien des choses à nous dire.

Approfondir
Lire notre critique du cd « Homage, the age of the diva », disponible début novembre 2006.

En plus de son album consacré aux héroïnes véristes, Renée Fleming fait paraître en dvd, chez le même éditeur, un récital d' »airs sacrés », enregistré le 13 novembre 2005 en la cathédrale de Mainz. Disponible début novembre 2006.

Retrouvez sur le site de Renée Fleming, l’espace dédié au projet « Homage, the age of the diva »

Découvrez en images, chanteurs et compositeurs du passé sur le site www.historicopera.com

Crédits photographiques
© Snowdon / Millington

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