vendredi 19 avril 2024

27 ème festival d’Ambronay. Théâtre de Bourg-en-Bresse, le 28 septembre 2006. Ercole Amante de Cavalli.

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L’aventure relève d’un pari fou. Pour une oeuvre aussi ambitieuse, où les arts convoqués, chant, choeur et solistes, danse et musique se mêlent en une évocation complexe et spectaculaire, le festival d’Ambronay a choisi de mettre à l’épreuve les élèves de son Académie baroque européenne. Or justement, la production risquée doit être prise pour ce qu’elle est : le travail de jeunes artistes en devenir. Certainement pas, comme l’oeuvre de professionnels rompus aux difficiles arcanes de la machine opéra. D’autant plus riche et foisonnante ici, qu’appartenant au premier baroque, celui libre et fantaisiste de l’opéra italien, en particulier vénitien, l’ouvrage est des plus inventifs, mêlant certes comme nous l’avons dit, danses, action, chant et musique, mais surtout les registres poétiques, du cynique aigre et désespéré à la langueur la plus sensuelle. D’ailleurs, Cavalli, l’un des plus grands compositeur d’opéras après Monteverdi, aime s’alanguir : tous les airs où les héros succombent à la douleur voire au dépit suicidaire (Hyllus, Déjanire) sont les plus beaux de l’ouvrage.
Pour diriger cette entreprise risquée, Gabriel Garrido, familier du Festival pour lequel il a livré de superbes et indiscutables réalisations, s’est investi corps et âme pour relever le défi. Saluons précisément les prises de risques du Festival d’Ambronay de soutenir ainsi chaque année, depuis 1993, ce programme d’insertion professionnelle où de jeunes artistes en phase d’apprentissage et d’origine européenne diverse, se frottent non sans mal aux joies et aux souffrances du métier…
Bien sûr, la ligne des chanteurs a paru souvent déficiente et en articulation dramatique, et en technique expressive. Bien sûr, tout autant, l’orchestre manquait de chair, d’étoffe, de carrure, d’autant plus qu’Ercole Amante fut créé devant le Roi Louis XIV avec fastes et surenchères d’effets aux Tuileries. Certes, tout autant, le regard reste déconcerté par la pauvreté de la chorégraphie qui mettant en scène, le Souverain lui-même n’a ni grandeur ni ampleur. Surtout par la laideur des costumes en noir et rose pâle.
Pourtant, l’ensemble a révélé de très honnêtes tableaux, en particulier  au dernier acte des Enfers. Les ombres des âmes défuntes, victimes du héros conspirent pour sa perte : le choeur a montré une réelle profondeur. La tension qui semblait paralyser tous les interprètes s’est presque évanouie pendant les danses conclusives de Lulli…  La mise en scène de Pierre Kuentz, qui lui aussi signait un premier travail sur un opéra, s’est intéressée par une démarche déclinant tous les aspects du plissé tombant, bouffant, rompant l’unité de la scène, à la figure de l’Hercule mourant sous l’effet d’une tunique empoisonnée. Au final, on regrettera le manque de travail, l’aspect inabouti de bon nombre d’épisodes. Gageons que la cohérence du collectif s’affinera encore, au cours des représentations prévues jusqu’au 13 octobre à l’Opéra de Besançon.

L’oeuvre de Cavalli quant à elle, n’a en rien perdu de son exceptionnelle beauté. Cavalli est bien le plus grand compositeur lyrique vénitien de son époque, après son maître Monteverdi. Pour ceux qui voudraient entendre ses indicibles inventions lyriques, l’on ne saurait trop leur conseiller de se reporter à l’enregistrement de Michel Corboz, paru il y a plus de vingt ans, pour Erato. Une lecture inégalée à ce jour.

Théâtre de Bourg-en-Bresse, le 28 septembre. Ercole Amante de Cavalli. Académie baroque européenne d’Ambronay. Solistes, choeur, orchestre et danseurs. Gabriel Garrido, direction artistique et musicale. Pierre Kuentz, mise en scène. Ana Yepes, chorégraphie baroque. David Messinger, scénographie, costumes. Adèle Grépinet, lumière. Production en tournée jusqu’au 13 octobre à l’Opéra de Besançon

Approfondir
Pour de plus amples informations sur les enjeux et la signification d’un opéra fondamental dans la genèse de la tragédie lyrique française, reportez vous aussi à l’excellent ouvrage publié par le festival à l’occasion du travail sur Ercole Amante : « Ercole amante, Hercule amoureux, Cavalli / Ballets de Lully« , premier numéro des « Cahiers d’Ambronay« . Vous y trouverez un long article de Pierre Kuentz, un entretien avec Gabriel Garrido, l’ensemble du livret avec l’indication des inévitables coupures opérées pour la production d’Ambronay, plusieurs autres textes sur l’opéra italien et la musique de Cavalli. 170 pages. 6 euros.

Crédit photographique
Iole s’apprête à tuer Hercule, le meurtrier de son père, Eurytus.
© Patoch

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