dimanche 27 avril 2025
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30 ans de la mort de Benjamin Britten (1913-1976)

Il fut l’un des compositeurs anglais du XX ème siècle les plus originaux. La force des œuvres de Benjamin Britten, en particulier ses opéras, se révèlent à chaque fois davantage au moment des représentations : solitude de l’homme, marginalisé par un ordre social intolérant ; désillusion et cynisme, mal-être et désenchantement, autant de motifs récurrents qui imposent le regard moderne d’une œuvre qui pourtant sait préserver sa part de poésie. Le constat d’un monde perdu et maudit n’est-il pas a contrario un appel pour une civilisation à bâtir… où, ce qui est tenu caché et mystérieux, pourrait enfin renaître et s’épanouir?

Robert Schumann: (8 juin 1810 – 28 juillet 1856)

28 juillet 2006 marque le 250 ème anniversaire de sa mort
La valeur d’un artiste, ne se révèlerait-elle pas dans sa faculté à produire d’apparentes contradictions ? L’être créateur, hypersensible dans le cas de Robert Schumann, se dérobe à toute schématisation. Schumann lui-même sut-il vraiment et immédiatement la voie qui devait être la sienne ? Tant entre la littérature – son père traducteur de Byron était libraire-, et la musique, son cœur a souvent balancé. Il se rêvait pianiste, l’égal de son épouse Clara, immense concertiste, adulée et reconnue. Il devint compositeur. L’énigme de Schumann tient en deux mots : cime ou abîme. Tenté par le suicide, succombant à maintes reprises à de profondes crises mélancoliques, il ne cessa cependant de rompre la trame de la fatalité. Vivre pour aimer, aimer pour composer. Sa vie s’est inversée grâce à la détermination du compositeur. Il nous laisse une œuvre marquée par le sceau de l’énergie et de la lumière.

Nous avons choisi d’aborder son œuvre par épisodes afin de souligner certains aspects de l’œuvre comme autant de thématiques révélatrices de son génie, autant dans la grande forme (symphonies, oratorios et opéra) que dans les cycles plus intimistes du lied et de la musique de chambre.

Vivaldi (1687-1741), l’épopée lyrique

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Vivaldi, l’épopée lyrique

Pourquoi un dossier sur les opéras de Vivaldi ? Les théâtres sont encore trop rares à le programmer. C’est le disque qui demeure la voie de sa revanche. Vivaldi à l’opéra ? C’est l’acrobatie vocale et l’énergie rythmique, le raffinement d’un orchestre qui palpite au diapason du cœur, le dévoilement récent d’un génie de la scène lyrique : un peintre de la déraison des sentiments, apte à brosser et transmettre sur les planches, vertiges et poésie des passions humaines.

La Rédaction de classiquenews.com vous invite à découvrir pas à pas, en reconstituant la carrière à la lumière de chaque nouvel opéra ressuscité par le disque, l’épopée lyrique du Pretre Rosso dans la première moitié du XVIII ème siècle.

Glenn Gould, au delà du temps (Bruno Monsaingeon, 2006). Arte, le 13 mai à 22h30

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Qui est Glenn Gould ? Comment expliquer la fascination que l’interprète mais aussi l’homme ont suscité auprès d’un public qu’il a décidé, en 1964, de mettre à distance ? Bruno Monsaingeon avec lequel le pianiste canadien a coréalisé plusieurs films essentiels pour comprendre son approche interprétative, nous offre au travers de regards multiples, grâce aux témoignages surtout de ses « fans », un portrait de l’homme.

Par la voix du comédien Mathieu Amalric, Gould se raconte : sa famille, sa mère organiste, ses premiers concerts, son travail surtout. Homme de la nuit, homme du montage et de l’enregistrement, il n’aura cessé en définitive de revenir toujours sur la perfection de son jeu. Sous l’oreille attentive du micro (réglé par la firme CBS) : multiplier les options, n’en trouver qu’une viable ; explorer le mystère de l’œuvre ; s’identifier au compositeur et par un phénomène d’identification qui confine à la transe, ne faire qu’un avec la pensée de l’auteur, Bach en particulier, et transmuer l’approche de l’interprète en acte de composition.

On ne saurait rassembler ailleurs, documents d’archives et témoignages aussi complets et même émouvants : chacun raconte son rapport à la musique grâce à Gould. Une expérience dont chaque individu ne sort pas indemne : héritage actuel que l’artiste n’aurait certainement pas renié tant son « art » ne s’adresse pas à la foule (phénomène collectif qu’il détestait) mais à l’individu. Rapport intime et d’introspection partagée qui atteste de sa quête originale qui, au-delà de l’exigence technicienne et technologique, -combien de temps passé à penser la musique, à exercer ses doigts sur le piano, puis à monter et démonter les bandes enregistrées ?- pour obtenir du sens.

L’homme qui a fait de l’enregistrement en studio une seconde langue musicale, n’espérait qu’un résultat : l’approfondissement et la réalisation d’un travail spirituel sur la matière musicale. Lui-même convaincu de l’au-delà, tentait d’approcher cette idée d’absolu, ce qui confère à son travail, sa signification quasi mystique. Ses entretiens filmés, son approche en particulier des dernières fugues de Bach, ce rituel devenu célèbre où il jouait contre le clavier, sur une chaise basse aux pieds avant surhaussés, en chaussettes, nourrissent le portrait sacralisé de l’interprète.
Cet aspect mystificateur de l’homme et de son « œuvre » est à mettre en rapport avec ce que dit Bruno Monsaingeon dans un récent entretien, paru dans les colonnes de notre confrère Diapason (mai 2006) : « Mais pour le plupart des gens, il y a chez Gould une dimension philosophique, quelque chose qui dépasse de loin la sphère musicale. Les problèmes qu’il pose sont d’ordre universel. C’est un phénomène christique. »

Aujourd’hui, 24 ans après sa mort, son œuvre nous parle ; elle nous déconcerte et nous subjugue. Que l’on soit irrité par son radicalisme, ou séduit par l’éclat et l’insolence du penseur, reconnaissons que peu d’artistes ont poussé aussi loin que lui, l’ascèse critique et l’abnégation de l’interprète, confronté à son œuvre de musicien.


Arte, Week-end Gould : les 13 et 14 mai.

Le 13 mai, à 22h30, « musica » : Glenn Gould, au delà du temps, film de Bruno Monsaingeon (2005, 1h46mn). Le dvd est annoncé au second semestre 2006 chez Idéale Audience.
Le 14 mai, à 19h, « maestro ». Série télévisée « Glenn Gould joue Bach », extraits des documents réalisés par Bruno Monsaingeon : La question de l’instrument (1979) et Un art de la fugue (1980).

Radio classique, semaine Gould : du 8 au 12 mai.

Radio classique consacre aussi plusieurs soirées à l’œuvre du pianiste et du compositeur. Du 8 au 12 mai, à 23h. Lire aussi notre notule dans « le Mag radio ».

Lire aussi notre entretien avec Bruno Monsaingeon, à propos du film « Glenn Gould, au delà du temps ».

Consulter également, sur le site d’Arte, le dossier Glenn Gould

Bruno Monsaingeon, entretien à propos du film « Glenn Gould, au delà du temps »

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A propos de votre nouveau film sur Glenn Gould, qu’avez-vous souhaitez mettre en avant ?

J’ai souhaité sortir du cadre conventionnel. Faire appel à un genre qui n’existait pas. C’est un documentaire, et cela n’en est pas un. C’est une fiction, et cela n’en est pas une. Je voulais donner une dimension réelle au personnage de Glenn Gould. Il y a le mythe, la figure légendaire. Mais il y a aussi, surtout, l’homme. Un être à part qui n’a pas de prédécesseur et qui n’aura probablement pas de successeur. A ce propos, nous avions comme projet de titre, « Glenn Gould, le mutant ». C’est vous dire la singularité qui est la sienne. Pour cette raison, j’ai voulu que l’homme prenne la parole, et raconte sa propre histoire. C’est lui notre narrateur. En polyphonie à sa parole, j’ai fait appel à des personnages, ceux-là réels, qui l’ont connu, et qui sont ses interlocuteurs.

Quelle est votre perception de l’homme ? Pensez vous que sa perception auprès du public a évolué ?

Pour ma part, la présence de l’artiste et de l’homme m’accompagne en permanence. Comme réalisateur et comme musicien, il m’a énormément apporté, et continue d’inspirer ma relation à la musique. J’ai découvert de nombreuses facettes de sa personnalité, en particulier au travers de son importante discographie, de sa filmographie, de ses écrits également.
Dès le début de notre relation, avant de mieux le connaître, j’ai deviné derrière le pianiste, cet être exceptionnel, remarquable par sa conception de la musique, et au-delà, dans sa relation à l’existence. Je l’ai surtout connu personnellement à partir de 1972 ,jusqu’à sa mort en 1982, soit au cours de ses dix dernières années. Au total, nous avons réalisé sept films.

Pour ce qui est de sa perception auprès du public, le choc de la découverte du personnage Gould a été simultané dans tous les pays. Je crois expliquer le phénomène dans le sens où pour tous ses admirateurs, il ne s’agit pas d’une seule admiration, mais d’une adhésion à un système de pensée. Je crois de ce point de vue, que mon film devrait ébranler nombre d’idées reçues et de convictions établies. L’hostilité à ce qu’il a réalisé et écrit ou dit, vient en majorité du milieu musical. Ce qu’il est important d’exprimer, c’est de dépasser la question purement musicale et de reconnaître la grandeur de l’homme, ses qualités humaines. Il nous offre une perception particulière de la musique dans cette manière de placer l’évaluation de la musique hors de son époque, hors du temps, hors des contingences de goût et de mode. A ce titre, dans le film, il parle de Bach comme du plus grand non-conformiste de tous les temps, qui ne se plie ni ne se réfère aux repères ni à l’esprit de son temps. C’est un autoportrait de lui-même. Glenn Gould ne souhaitait pas appartenir à une tendance de son époque. Il a préféré se retirer pour mieux se rapprocher de l’auditeur dans un rapport de un à un.

Comment filmer la musique ? Quelles sont vos clés d’approche dans l’écriture filmique ? Qu’est ce que l’œil de la caméra peut apporter à la compréhension de la musique ?

Vastes questions ! L’on pourrait écrire un traité de réalisation sur tous ces sujets. Si l’on se réfère aux genres identifiables, il y a d’un côté le documentaire, et de l’autre, la fiction. Je mets de côté, la captation de concerts qui se justifie dans l’instant et répond à un besoin de consommation, au demeurant très compréhensible. Mon travail se situe à cheval entre la première et la deuxième catégorie.
Je crois que l’objectif est de susciter une émotion d’ordre musical par le biais de la caméra. Le plus souvent, dans le cadre d’une captation par exemple, il est facile de multiplier les caméras ; or je crois que la difficulté et la nécessité justement, est de transcrire l’émotion à une caméra. Bien sûr, il est possible de doubler la caméra principale, par une seconde. Le travail du réalisateur se concentre sur l’écriture qui naît de ce rapport à une caméra ; ce qui n’empêche pas de varier les plans, bien sûr. Mais cela suppose un travail d’écriture et de conception, une préparation aux œuvres et un long moment de gestation. Soigner la lumière, le cadrage, l’enchaînement et le sens de chaque plan. Ce qui est primordial aussi, c’est filmer les rapports et la connivence entre les interprètes quand ils jouent ensemble.


Quels sont les réalisateurs ou les films qui ont retenu votre attention ?

Il y a le film réalisé par Alexandre Sokourov sur Chostakovitch. Certains films réalisés par Herbert Von Karajan sont également de vraies réussites. Ce que je regrette beaucoup, c’est la tendance actuelle à vouloir tout expliquer, à saturer l’image de commentaires parfois insistants et inutiles. Il faudrait laisser l’image s’exprimer seule. Je vous dis cela avec d’autant plus de conviction que pour la diffusion de mon film vers les marchés anglo-saxons, pour la BBC et les Etats-Unis, nous avons été contraints de couper certaines scènes jugées inutiles, et ajouter des commentaires continus. Evidemment je peux comprendre ce besoin excessif d’explicitations mais cela va à l’encontre de l’écriture dramaturgique.

Quels sont vos projets ?

En jetant un regard sur ce que j’ai réalisé, il y a certains films qui ne sont plus accessibles, voire des masters ou des originaux introuvables. Je voudrais défendre ce patrimoine qui doit être à disposition du plus grand nombre, en veillant à sa conservation et aux conditions de sa diffusion.
J’ai aussi le souci de continuer ce que j’ai amorcé, dans l’esprit de mes films consacrés à Yehudi Menuhin, par exemple. Il s’agit d’accompagner sur la durée, la démarche d’un artiste, de suivre sa carrière, les évolutions de son jeu, ses choix musicaux.
Dans ce sens, je souhaite poursuivre mon travail avec le pianiste Piotr Anderszewski, initié avec notre film consacré aux Variations Diabelli de Beethoven. Je suis heureux qu’entre nous, se soit instaurée une relation de confiance. Il y a également, mon envie de prolonger ma rencontre avec le jeune violoniste, Valery Sokolov. D’autant qu’il a encore évolué après notre premier film dans lequel il était encore très jeune. Je le considère comme l’un des futurs grands violonistes. Et puis, j’aimerais enregistrer les cours de chant de Julia Varady. Nous avons déjà travaillé ensemble. Je dispose de nombreux documents d’archives sur la cantatrice. Mon idée est de réaliser un film sur son activité de pédagogue et sur l’immense chanteuse qu’elle fut sur la scène.
Dans l’immédiat, après ce film sur Glenn Gould, je m’apprête à partir en tournée où je donnerai plusieurs concerts (*).

(*) outre ses activités comme réalisateur, Bruno Monsaingeon est ausi violoniste.

Propos recueillis par Alexandre Pham

Benjamin Britten, Death in Venice (1973). Mezzo, en mai et en juin.

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Exigeant quant au choix des textes qu’il adapte pour la scène, Britten se plonge dans le texte de Mann, commande un livret à Myfanwy Piper dès 1970, et compose la partition jusqu’en 1973. « Death in Venice » est son dernier opus lyrique qui marque sa collaboration artistique avec son compagnon, le ténor Peter Pears. L’ouvrage sera créé le 16 juin 1973 dans le cadre du festival d’Aldenburgh, fondé par le compositeur au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Le compositeur devait mourir trois ans, le 4 décembre 1976.

Afin d’accentuer la césure entre le monde de Gustav Von Aschenbach et le jeune Tadzio et sa famille, ces derniers sont incarnés dans l’opéra, par des danseurs. D’ailleurs, dans le roman de Thomas Mann, a aucun moment, les deux sphères ne communiquent entre elles. Jamais Aschenbach ne dialogue véritablement avec l’objet de ses observations. Dans l’adolescent, l’écrivain voit la figure de la beauté parfaite, l’idée de la perfection. On aurait donc tort d’y voir une illustration anecdotique d’un sujet homosexuel. L’attraction de l’homme pour le garçon se situe sur le plan esthétique : il trouve un écho dans le travail créatif du compositeur, sa quête d’absolu. Ici, la contemplation abordée exprime le désir le plus élevé de l’artiste créateur, un désir qui anime l’œuvre du poète, de l’écrivain, du cinéaste ou du compositeur. Le génie des auteurs, en premier lieu de Thomas Mann, est d’avoir ancré son histoire dans une Venise mortifère où tout semble sombrer inéluctablement lors d’une épidémie de choléra. De sorte que le trouble qui naît chez l’homme admiratif, approfondit sa recherche de plus en plus inquiète à trouver le mystère de la perfection.

L’idéal en ce monde existe-t-il ? Quelle forme prend-t-il ? Comment l’art et la création peuvent-ils peindre la beauté ? Est-il donner à l’homme esthète de pouvoir contempler l’idéal plutôt que d’en produire une représentation ? Et même, comment l’homme mortel peut-il espérer dépasser sa condition ? Ici, le surgissement de la beauté qui réactive une réflexion esthétique, et la présence de la mort omniprésente, symbolise la condition de tout artiste, de tout homme en général.
Le sujet intéresse particulièrement le sens de l’art. Il est juste de considérer le texte comme une réflexion sur la création, ici l’écriture de la musique.
Comme dans ses opéras précédents, Peter Grimes ou Billy Budd, Death in Venice est traversé par des éléments emblématiques de l’oeuvre du compositeur : présence récurrente de la mer (d’autant plus vivace pour la cité lagunaire), phrase mélodique obsessionnelle structurant le tissu musical, orchestre conçu comme un continuo : ciselant chaque parole des chanteurs, en particulier, la partie vocale dévolue à Aschenbach que chanta pour la création le ténor Peter Pears. C’est pour lui que Britten composa l’un des rôles les plus aboutis de son œuvre.

Pour les trente ans de sa mort, Britten mérite assurément qu’on diffuse et joue sa musique. Mezzo en cette année anniversaire diffuse la production produite en 1989 par le Glyndebourne Touring Opera.

« Mort à Venise » de Benjamin Britten
(1990, durée : 2h10). Réalisation: Robin Lough.

Opéra en 2 actes – Musique de Benjamin Britten – Livret : Myfanwy Piper. D’après la nouvelle de Thomas Mann. Avec : Robert Tear (Gustav von Aschenbach), Alan Opie (les différentes partie pour baryton : le directeur de l’hôtel, le barbier de l’hôtel, la voix d’Apollon), Michael Chance (Apollo), direction musicale : Graeme Jenkins. Mise en scène : Stephen Lawless. Chorégraphie : Martha Clarke.


diffusion

les 14 mai à 13h45, 23 à 15h45 et le 26 à 2h40

dvdthèque

le dvd de cette production plus que recommandable est publié chez Arthaus Musik (distributeur : Intégral)

Illustration : Venise, portiques et architecture, d’après Véronèse.
Photo montage © David Tonnelier 2006 pour classiquenews.com

Sylvano Bussotti, entretien

Cédric Costantino, envoyé spécial pour classiquenews.com au dernier Maggio Fiorentino, a rencontré le compositeur italien, Sylvano Bussotti, élève de Dallapiccola.

Souvenirs de l’enfance, découverte et visions de Mozart et de l’Opéra, place de Monteverdi, des modernes et des interprètes complices, premières mises en scène, écriture et composition : entretien exclusif.

On parle souvent de Mozart enfant, pourriez-vous nous parler de Bussotti enfant ?

J’ai été amené à la musique entre quatre et cinq ans et ce fut pour des raisons quotidiennes puisque mon père était ouvreur au Théâtre Comunal de Florence. Parfois il me conduisait à des représentations d’opéra, à des concerts. On m’a choisi le violon parce que mon père connaissait l’un des musiciens de l’orchestre auquel il a dit : « puis-je vous amener mon petit enfant ? ». Je ne me voyais pas petit dans ma tête, mais j’étais quand même un bébé, et lorsqu’on m’a dit « chantez un peu… » j’ai répondu : « oui, maître ! je vais chanter Celeste aïda » de Verdi. J’ai chanté cela approximativement, mais j’avoue que j’ai pu entendre depuis Beniamino Gigli et que maintenant, grâce à lui, je chante cela à la perfection ! On m’a fait cadeau d’un quart de violon, et voici un vieux cahier noir, mon journal, que je tiens depuis mon enfance. Premier octobre 1941 : j’y faisais des dessins à la main, montagne, école, maison, et à nouveau l’école :  c’est la classe de violon, je n’en envisageai pas une autre. Me voici assis devant un maître en train de jouer du violon. J’avais neuf ans. Voyez comme je me dessinais plus grand, je me sentais adulte. C’est fait avec une telle précision que j’en ai, en regardant tout ce passé, les larmes aux yeux. Diario della mia vita. On voit le directeur du conservatoire, table et fenêtre, vue de Florence d’en haut, le théâtre… je travaillais beaucoup ce qu’on me faisait apprendre à l’école, mais j’affectionnais les mouvements lents des sonates. Un des premiers morceaux qui m’a frappé, fut la Sonata de Alberti et je fis mes armes sur le Concerto pour violon et orchestre de Nardini ; par la suite j’ai su que c’était un faux. Puis Corelli, la Folia. Ensuite, regardez dans le journal, j’ai dessiné les chœurs du conservatoire, de l’église avec les prêtres, et vite ce fut, encore petit, la création d’un opéra de Dallapiccola où ma mère m’a conduit. L’opéra s’achevait sur un chœur innocent « il n’y aura plus jamais de vol de nuit », ce sur quoi, le public scandalisé par les sonorités modernes a trouvé bon de rebondir. Evidemment la musique, je ne l’ai pas du tout aimé, mais ce petit homme, là, modeste sous les huées du public m’a énormément plu. Je suis reparti enthousiasmé par cette apparition. Bien après, j’ai été, comme vous le savez, son élève.

Ma première composition écrite fut toujours gardée par ma mère : un petit bout de papier où j’avais tracé moi-même la portée. Première esquisse « composée » dont j’ai mémoire, entre cinq et six ans, « les hirondelles ». La tonalité ut majeur, l’absence d’accidents, le rythme binaire ; pour moi, en observant un vol d’oiseau, cela, c’était bien les hirondelles.

Où s’est passée votre rencontre avec Mozart ?

Il me semble en plein air, au théâtre d’Aix-en-Provence ; mais très probablement bien avant, au festival du Mai Florentin. Le premier Mozart que j’ai  du écouter, c’est ce menuet célèbre pour les débutants violonistes, puis la marche turque, etc., ce que je trouvais banal et entendu. Ainsi le tout premier vrai contact, ce fut l’opéra. Entre quatorze et seize ans, un camarade plus âgé dans la classe de violon, perpétuellement à la recherche d’argent, m’imposait parfois l’achat de ses partitions : il me « tapait » avec cela ! Il m’a vendu aussi « Adelaïde Konzert » de Mozart, cela me plaisait beaucoup et je viens de le citer  dans l’œuvre commandée par Florence. Les autres grands moments en compagnie de Mozart furent quelques mises en scène pour lesquelles j’ai aussi dessiné les maquettes, les costumes et peins les décors. La Clémence de Titus à Palerme. Je ne me suis pas borné à la scène,  j’ai mis des figurants partout dans la rue, sur le toit du théâtre, fait défiler des armées romaines à l’extérieur, j’ai immergé la ville dans le spectacle. Puis, Cosi fan tutte de Turin fut une expérience totale puisque j’eus carte blanche. Or, l’entrée des artistes et celle du public « pauvre », donnaient en ce temps là encore dans une cour qui, elle-même, s’ouvrait sur des ruines. J’ai fait reconstruire à l’identique, dans le théâtre, ces ruines. Et comme la présence de la mer était obligatoire pour cet opéra, le tout recréait une telle atmosphère que beaucoup s’exclamèrent : « c’est comme quand on est à Naples ! ». C’était misérable à souhait et je faisais des filles napolitaines, les héroïnes du drame. Don Alfonso était un véritable macro. Cela puait. Un succès gigantesque. On était  juste à la sortie du film Amadeus et je fis du grand repas final une sorte de parodie cinématographique. Mais je me rappelle aussi avoir tiré de Bastien et Bastienne un suc particulier, le spectacle semblait très « sexuel », pas du tout innocent. Bastienne chantait parce qu’on lui donnait la fessée.


Pourriez-vous nous rappeler quelques uns de vos passages préférés chez Mozart ?

C’est le « benedictus » du Requiem. On a dû l’attribuer à Süssmayer, même à Salieri et dicté sur un lit de mort. Mais une semblable ligne mélodique se trouve déjà dans Cosi fan tutte, à chaque fois qu’il y a « tendresse ». Même si c’est seulement dicté par Mozart, c’est l’essence de Mozart. Car la marque mozartienne, c’est l’angoisse, la douleur. Même les motifs les plus XVIIIème qui, à l’extérieur ont l’air amusés, reviennent vers une situation harmonique et rythmique d’une signification tragique : l’effet, c’est l’angoisse. Tenez, une sonate : c’est un malade mourant qui vous soupire. Dans l’adolescence, j’étais très lié à une demoiselle qu’on croyait ma fiancée, nous étions tout le temps ensemble. Elle jouait souvent l’introït d’une sonate en la mineur. De la noblesse franco-turinoise, Antoinette D.C.B. abandonnera le piano pour la danse où elle deviendra remarquable.


Quelle est la place des compositeurs anciens dans vos sources ?

Monteverdi avant tout. Pour sa relation avec le texte. Je ne pense pas qu’il existe un compositeur moins ou plus atemporel que Monteverdi. La musique n’est pas si elle ne se dépasse. Le temps musical n’a rien à voir avec celui de l’horloge ni avec cette sorte de solfège bien retenu de l’histoire. Ecouter en disque ou à la radio ma propre musique, me laisse souvent insatisfait, car le son et l’interprète doivent rester « physiques », vivant devant moi. Certes, Mozart se croise de temps en temps dans l’oreille, mais je rebondirais volontiers beaucoup plus près, pour aller vers Borodine (son deuxième quatuor !) et, pour ne pas parler de Schubert, victime illustre ; plus prédestiné que j’estime Juliette par le Divin Marquis dans l’hommage littéraire célèbre.
 

Venons-en, si vous le voulez bien, aux contemporains …

Voilà que les personnages qui apparaissent ne sont pas nécessairement compositeurs de musique. Max Deutsch, Heins-Klaus Metzger et Adorno. Puis Max Ernst, Marcel Duchamp, surtout Carmelo Bene, acteur ; mon oncle Tono Zancanaro, et mon frère Renzo Bussotti, peintres. En revenant à la musique, Bruno Marderna et Luigi Nono. Aujourd’hui Luis de Pablo. Puis le poète Marschall Von Bieberstein  et l’écrivain Casadei Turroni, ce dernier très jeune. Et je m’aperçois d’une majorité disparue entre tous ses noms qui, souvent par couple, dictent le vrai dialogue. Mon ami Rocco Quaglia, danseur et chorégraphe, donne un prétexte quotidien à mon travail. Cathie Berberian en demeure la voix.  


Dans une œuvre, on trouve certes les références aux antécédents mais aussi une poétique personnelle, pourriez-vous nous faire cadeau d’une évocation de votre poétique ?

Mon œuvre, on l’approche superficiellement, si on ne connaît pas un peu ma peinture
et ma littérature. Pour celle-ci, on peut lire par exemple Disordine alfabetico, dernier ouvrage paru en date. Mais aussi ma poésie publiée, les livrets de mes opéras. Il est important de dire que mes années parisiennes ont compté, les amitiés surtout, l’amitié avec Roland Barthes, mon travail approfondi sur Antonin Artaud et je ne m’entretiens pas avec vous des vivants. Pour la peinture, un de mes tableaux fut exposé au musée d’Orsay, à côté de Van Gogh, et c’est surtout cela qui m’a rempli de bonheur en plus de ce que l’œuvre musicale fut jouée là à partir du tableau et inspiré par lui. A son époque, Monteverdi a beaucoup parlé de l’harmonie des corps humains, de la musique qui sort de la chair. Pour Monteverdi, il est clair que tout son opéra en découle. Une ligne mélodique, une harmonie, une expression rythmique, sont souvent engendrées sur la page musicale par un corps humain, ce que le modèle vivant est dans la salle de l’atelier, pour le peintre.

Une toute dernière chose :   mon vécu des différents systèmes, tonal, dodécaphonique, sériel voir atonal et a-sériel. Il est vrai que dans l’organisation des sons, les « douze » l’emportent chez moi, spontanément ; pourtant souvent je découvre après coup, que les agrégats finissent par se classer dans les harmonies très anciennes. Cela me rappelle ce que Max Deutsch pensait : « la musique est harmonie ou n’est pas ». Evidement tout ce qui est électrique, magnétique, concret… tous ces appareils plus ou moins réglés… non, je préfère les humains.

Nous nous rencontrons à l’occasion de la création de votre nouvelle partition mozartienne dont vous avez reçu la commande du Teatro Comunale de Florence. Quel est l’historique de la commande, la genèse de l’œuvre et sa conception ?

En mai 2005 à Naples, on m’a commandé une œuvre inspirée par Mozart, l’intention était de devancer l’année Mozart le plus rapidement possible. J’ai répondu avec une œuvre simple, et j’avais simultanément d’autres sollicitations avec le même objectif ; j’ai intitulé cette oeuvre orchestre mozartiane I au pluriel. Mon intention était par là de signifier que le compositeur renonce sciemment d’utiliser l’orchestre habituel, mais choisi une formation « mozartienne » légère, modeste : cordes, cuivres et timbales (pas toujours). « Nel nome » est le sous-titre de ce premier volet, c’est-à-dire « in nomine » en italien puisque le fondement de l’œuvre est ce fameux passage du benedictus dont j’ai parlé tout à l’heure. Pour le théâtre comunal de Florence le deuxième volet, II, a un sous-titre pris dans un texte de Nietzsche « rebus bene gestis », à savoir « affaires bien gérées » qu’il faut comprendre dans le sens de faire bien ce que l’on fait. Cette œuvre suscite un soliste, concertante obbligato, la petite trompette. Une citation : « ritoccare il nostre concetto dell’universo per quel pezzetino di tenebra greca », « retoucher notre concept de l’univers par ce petit morceau de ténèbre grecque » – jugement insolite sur la Grèce, ce petit morceau de ténèbre. Mais « j’ai senti que tous les arts tendent vers la musique, l’art dans lequel la forme est le fond », « sentii che tutte le arti tendono alla musica, l’arte in cui la forma é lo sfondo ». Jorge Luis Borges. L’œuvre dont il s’agit, ce petit morceau de ténèbre grecque, c’est la sonate en la mineur KapV 310. Le piano solo ne serait que du Blanc et Noir, l’orchestre apporte la couleur. L’acciaccatura ramène au chromatisme, d’où la série de douze sons tout autour de l’œuvre, et surtout, c’est un geste sonore. Et ce geste est allié au mouvement rythmique : Allegro maestoso. Trois accents battus débutent, aux timbales, et tout de suite l’accord rapide. Humorisme sur les prétendus coups du destin chez Beethoven et juste après, la trompette affirme la fameuse acciaccatura, puis encore timbales, qui esquissent une « petite phrase » et après une page d’orchestre, pleine, avec accompagnement de figures rythmiques répétées. Celles-là même que Mozart n’avait jamais le temps d’écrire car il ne composait que la ligne basse et aigue, laissant à ses parents, élèves, amis, le soin du remplissage manquant. Là,vous allez écouter l’œuvre et découvrir vous-même son chemin.

Propos recueillis par notre envoyé spécial Cédric Costantino.    
Lire aussi la critique du concert dont il est question dans l’entretien, concert Mozart du Maggio Fiorentino, le 5 mars 2006.

Wagner: Tannhäuser – Mezzo, le 5 mai à 15h45

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L’homme en quête de son salut. Tannhäuser a goûté au Venusberg le poison des plaisirs. Revenu dans le monde réel, il prend conscience de l’étendue de sa faute par le chagrin qu’il inflige à Elisabeth, la nièce du Landgrave. Peut-il être sauvé ? Le regret efface-t-il le poids de la culpabilité ? Sur le sujet d’un pardon improbable, Wagner a composé et écrit le livret d’un opéra en trois actes.

Créé à la cour de Dresde le 19 octobre 1845, l’œuvre illustre la légende médiévale tout en offrant le théâtre musical romantique. Ni historique ni romantique mais humain, profondément humain. Le compositeur approfondira encore la psychologie des caractères et l’impossibilité du rapport homme/femme avec Lohengrin (1848). Paris accueillera après Dresde l’ouvrage dans une version révisée par le compositeur lui-même et portée sur la scène en 1861 en suscitant un scandale mémorable. La version choisie par Mezzo est des plus intéressantes. Filmé en 1995, le plateau réunit quelques excellents wagnériens, Waltraud Meier (Vénus) et René Kollo (Tannhäuser) en tête. Sous la baguette active de Zubin Mehta, l’orchestre de Bavière déploie une ivresse de sons totalement efficace, accentuant le dilemme du chevalier ménestrel entre l’attrait du désir et le renoncement. Frénésie, repentir, tel est bien l’épopée du héros wagnérien.

Mezzo, le 25 avril à 15h40. « CLASSIC OPERA » Richard Wagner : Tannhäuser (1995; 3h15) ; réalisation: Brian Large Direction: Zubin Mehta. Orchestre de Bavière, chœur et ballet de l’Opéra de Bavière. Avec : Jan-Hendrik Rootering (Hermann) ; René Kollo (Tannhäuser) ; Waltraud Meier (Venus) ; Nadine Secunde (Elizabeth) ; Bernd Weikel (Wolfram). Rediffusion : le 25 à 15h40 et le 28 à 2h50

Entretien avec Jacques Henry à propos de la dernière année de Mozart

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Comment expliquer que pendant les derniers mois de sa vie Mozart compose autant d’œuvres en relation avec la Franc-Maçonnerie?

En fait on peut relever des œuvres influencées par la franc-maçonnerie bien avant sa dernière année, soit avant 1791. Cependant il est incontestable que pendant les six derniers mois de sa vie, il semble se rebeller contre certaines mesures prises par l’Empereur Leopold II en prenant fait et cause dans son œuvre pour les valeurs maçonniques.
L’Empereur décide en effet de dissoudre plusieurs loges à Vienne en raison des événements qui marquent l’Europe d’alors : la révolution française a éclaté depuis deux ans, Marie-Antoinette n’est pas heureuse à Paris. Il souffle dans les états de l’Empire et hors de ses frontières, un courant d’idées dangereux pour les monarchies en place.
Ainsi, du 15 juin au 4 décembre 1791 qui est la date de sa mort, Mozart compose un nombre invraisemblable d’œuvres manifestement influencées par les valeurs de la franc-maçonnerie. La Flûte Enchantée peut être considérée de ce point de vue comme la mise en scène d’une initiation, ni plus ni moins. De façon très claire, le premier acte et la première partie de l’ouverture sont marqués en leur début par une série de battements soient trois fois deux coups, scansion qui n’est pas maçonnique. Mozart nous indique alors que nous sommes encore dans le monde profane. Avec le deuxième acte, et son battement différent, de trois fois trois battements, il nous indique que nous avons basculé dans le rituel initiatique.
Dans le cas de la Clémence de Titus, nous ne pouvons pas dire précisément que nous sommes dans le cas d’une partition ouvertement maçonnique. Pas de battements manifestement reliés au rituel de la loge comme il en va de la Flûte.
Certes les valeurs mises à l’honneur dans le livret en faisant l’apologie de la générosité, de la fraternité sont dans le sillon des valeurs maçonniques mais il s’agit aussi de thèmes élevés, d’une parfaite grandeur morale, bien en adéquation avec la commande d’un opéra seria, commande officiel pour le couronnement de l’Empereur.
Mozart ajoute encore la composition du Requiem … et surtout le concerto pour clarinette destiné à son frère maçonnique, Stadler. Toute
la conception de l’œuvre jusqu’à l’harmonie musicale sont empruntes des idéaux de la loge à laquelle les deux hommes appartenaient. Un initié, un maçon y reconnaît sans aucun doute les références aux valeurs de fraternité et d’harmonie.
Mais ce n’est pas tout : Mozart reçoit la commande d’une musique spécifiquement maçonnique pour l’inauguration d’un nouveau temple à Vienne en novembre 1791 ! Quelques semaines avant de mourir. La composition (K 623) comprend en son milieu un cantique maçonnique dont le texte est un dialogue entre deux voix qui est un appel à la fraternité. Or le texte et l’esprit de ce cantique reprend précisément le dialogue qu’il avait composé dans la Flûte Enchantée entre Sarastro et Tamino. On peut penser qu’il réutilise un matériau déjà abouti, ce avec d’autant plus de conviction qu’il correspond musicalement aux idées qu’il souhaite exprimer.
Je crois que d’une façon générale, il faut bien distinguer les œuvres qui sont inspirées par le symbolisme franc-maçon et celles qui sont des compositions maçonniques, écrites à destination d’une loge et conforme de ce fait au rituel. La partition K623 appartient à la dernière catégorie.


Vous parliez de compositions plus anciennes manifestement inspirées par le symbolisme franc-maçon. A quelles œuvres pensez-vous précisément ?

Prenez par exemple le quatuor des dissonances. Surtout les trois dernières symphonies qui ont été composées comme un triptyque d’une même totalité, en quelques mois. La 39 ème est écrite en mi bémol c’est à dire avec les trois bémol à la clé or ce sont les trois points maçonniques. Les trois symphonies composent comme une ode maçonnique, elles découlent d’une pensée unique qui dessine un mouvement éloquent de l’ombre à la lumière.

Que pensez alors de sa fin si rapide ? Comment considérez cette ultime année dans la perspective de toute la carrière et de l’évolution de l’écriture ?

Il est clair que les derniers mois de sa vie sont les plus féconds et les plus aboutis sur le plan des idées et de la pensée musicale. .Son élévation morale correspond aussi à une amélioration de son statut et de ses conditions de vie. Et là, il convient de balayer les idées reçues sur sa mort. Il est incorrect de déclarer que parce qu’il était franc-maçon, il ne pouvait pas être enterré normalement. C’est une aberration.
De plus, il était loin d’être mort aussi misérable qu’on le dit trop souvent. Son poste d’organiste à la Cathédrale Saint-Etienne obtenu à l’été 1791, lui assure des revenus réguliers. Comme les premières représentations de la Flûte qui suscitent un succès immédiat lui permettent d’obtenir de nouvelles rentrées d’argent ; il y a aussi la commande impériale de la Clémence de Titus pour laquelle il a été très honnêtement payé.
L’inventaire de ses biens après le décès indique qu’il possédait des meubles dont un billard et de nombreux habits précieux car il avait le goût de beaux costumes.


Puisque nous évoquons les derniers mois de sa vie et que nous relevons le voile sur certains aspects de la légende, qu’en est-il réellement de ses rapports avec Salieri ?

Ils n’ont pas été ces ennemis qu’on aime décrire ; ou du moins Salieri n’a pas obstinément intriguer pour la chute irrémédiable de Mozart. La réalité c’est que le goût des Viennois a célébré Salieri plus que Mozart. Salieri occupait une position très enviable à la Cour Impériale. Il serait plus juste de dire que Salieri respectait son confrère, qu’ils se sont même fréquentés. Dans l’une des dernières lettres adressées à son épouse Constanze, Mozart précise qu’il a assisté à l’une des représentations de la Flûte avec leur fils aîné et … Salieri accompagné de sa maîtresse de l’heure. Ajoutons aussi que Salieri fut le professeur de Beethoven et de Schubert : il s’agit donc d’un musicien de premier rang, tout à fait estimable.

Si vous deviez aujourd’hui préparer un nouveau livre sur Mozart, sur quel aspect de sa vie ou de son œuvre vous pencheriez-vous ?

Il ne s’agirait pas d’un grand livre mais d’un essai peut-être sur la constitution de son orchestre pour trouver au plus juste cette notion d’harmonie. Prenez par exemple le concerto pour clarinette : il s’agit de toute évidence d’une œuvre remarquable par le sentiment d’absolue sérénité qui s’en dégage. Ce pourrait être aussi un regard particulier sur la lumière ; oui, le génie de Mozart et son rapport à la lumière. J’imagine très bien que chaque jour de sa vie devait être un matin plein de promesses ; chaque jour, un lever de soleil quand bien même il connut de nombreux malheurs.

Propos recueillis par Alexandre Pham.


Les oeuvres favorites de Jacques Henry

La Flûte Enchantée
Le messe de l’orphelinat

Bibliographie
Jacques Henry, « Mozart, frère maçon, éditions du rocher, 1991.

Illustrations
Réunion dans la loge que Mozart fréquentait à Vienne (DR)
Décor pour la Flûte enchantée : l’apparition de la Reine de la nuit (DR)

TOURS, Opéra. Verdi : nouvelle GIOVANNA D’ARCO, 15,17, 19 mai 2020

VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitTOURS, Opéra. VERDI : Giovanna d’Arco, 15, 17, 19 mai 2020. Nouvelle production événement et première à Tours, l’opéra de jeunesse de Verdi, inspiré du mythe français et gothique, Jeanne d’Arc, d’après la pièce de Schiller, devenu Giovanna d’Arco… Le chef et directeur des lieux, Benjamin Pionnier affiche une première attendue à l’Opéra de Tours : Giovanna d’Arc n’avait jamais été représentée sur la scène tourangelle. La nouvelle production (Yves Lenoir mise en scène) permet enfin au public français de mesurer le génie de Verdi et aussi sa grande liberté vis à vis d’un mythe authentiquement hexagonal, très inspiré par le dramaturge romantique Schiller. L’opéra de Verdi est contemporain de Tannhaüser de Wagner et Genoveva de Schumann… Comme la noire et tragique LUISA MILLER également inspiré du théâtre de son cher Schiller (San Carlo de Naples, déc 1849), Giovanni d’Arco créé à la Scala de Milan le 15 fév 1845, fait suite à I due Foscari (Rome, Argentina, nov 1844) fixe le trio désormais emblématique de l’opéra verdien : Giovanna (soprano), Carlo VII (ténor) et Giacomo (baryton)… Le dénouement s’affranchit de l’histoire et imagine une toute autre fin pour Jeanne d’Arc, laquelle finit par être aimée du roi Charles VII ! Pourtant applaudi, Verdi est déçu des moyens mis à disposition par le directeur de la Scala : fâché avec Giovanna, le compositeur ne réservera plus de création pour la scène scaligène, pas avant Otello, soit 43 ans après Giovanna, en 1887.

viaje-a-milan-verdi-netrebko-Giovanna-dArco-Scala-AnnaPour renforcer encore la légende de Jeanne, Verdi et Schiller dressent un portrait semé d’exploit et de reconnaissance pour la Pucelle d’Orléans : Giovanna permet à Charles VII de revenir sur le trône de France auquel il avait renoncer ; la combattante aimée du souverain meurt au champs de bataille, auréolée de gloire, célébrée par un chœur céleste… A contrario de ce qu’il développera plus tard, – la relation fusionnelle père et fille, c’est ici le propre père de la jeune fille qui la dénonce comme sorcière à l’anglais : la père donne ainsi sa fille, même s’il comprend ensuite son erreur… avec les chefs d’oeuvre à venir, Stiffelio, Rigoletto, Simon Boccanegra, Verdi modifiera totalement la représentation des liens père / fille, en une complicité inaltérable. L’œuvre démontre la maîtrise dramatique de Verdi qui sait fusionner temps théâtral et tempo musical en une totalité expressive de plus en plus prenante. Giovanni d’Arco préfigure avec ses prolongements immédiats (Attila, Alzira) la force théâtrale et psychologique de Macbeth à venir (Florence, 1847). Illustration : Anna Netrebko a contribué au succès récent de la recréation de Giovanna d’Arc à la Scala de Milan, réalisée fin 2015, après l’avoir chanté dès juin 2014 à Salzbourg (DR).

 

 

 

 

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Opéra de Tours, nouvelle production événement
Vendredi 15 mai 2020 – 20h
Dimanche 17 mai 2020 – 15h
Mardi 19 mai 2020 – 20h

RÉSERVEZ VOTRE PLACEboutonreservation
directement sur le site de l’Opéra de Tours
http://www.operadetours.fr/giovanna-d-arco

 
 

 

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GIOVANNA D’ARCO de Giuseppe Verdi  –  Opéra en trois actes et un prologue
Livret de Temistocle Solera
d’après La jeune fille d’Orléans de Friedrich von Schiller
Créé le 15 février 1845 à la Scala de Milan

Nouvelle Production
Coproduction Opéra de Tours – Théâtre Orchestre Bienne Soleure
Première représentation à l’Opéra de Tours

Durée : environ 2h30 avec entracte

 

 
 

 

Synopsis

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verdi dvd review giovanna darco anna  netrebko meli scala dec 2015 la critique par classiquenewsLe drame s’ouvre sur l’abdication de Charles VII. ACTE I : face aux anglais défaits par Jeanne, Charles VII avoue son amour pour sa libératrice (duo). L’acte s’achève sur le tableau vers la Cathédrale (pour le nouveau couronnement victorieux du Roi), avec en contrastes saisissants : les démons hors scène et le chœur royal lumineux. ACTE II : Giacomo écartelé, (superbe solo du père : tout l’art de Verdi est d’avoir su conférer au délateur indigne une réelle profondeur coupable et tiraillée) dénonce sa fille Giovanna / Jeanne aux anglais. ACTE III : dans le camp britannique, Giovanna captive prie, pardonne à son père puis meurt en martyre, glorifiée. Illustration : le retour de Giovanna d’Arc à la Scala de Milan, déc 2015 – LIRE aussi notre critique du dvd : Chailly / Anna Netrebko

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Conférence
Samedi 25 avril – 14h30
Grand Théâtre – Salle Jean Vilar
Entrée gratuite

Direction musicale : Benjamin Pionnier
Mise en scène : Yves Lenoir
Décors : Bruno de Lavenère
Costumes : Jean-Jacques Delmotte
Lumières : Mario Bösemann

Giovanna : Astrik Khanamiryan
Carlo VII : Irakli Murjikneli
Giacomo : Marco Caria
Delil : Pierre-Antoine Chaumien
Talbot : Sévag Tachdjian

Choeur de l’Opéra de Tours
Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours

 

 

 

 

Entretien avec Sigiswald Kuijken

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Pour classiquenews, Anthony Goret a rencontré Sigiswald Kuijken. Le fondateur de l’orchestre baroque, « La Petite Bande », emblématique du front des baroqueux, enregistre aujourd’hui pour le disque un nouveau cycle liturgique des Cantates de Bach.

Son approche recueille ses récentes recherches et nous propose une nouvelle façon d’aborder ce répertoire. Sur quelles options s’appuie cette nouvelle lecture ? La recherche musicologique la plus récente a émis des réserves quant à l’utilisation d’un chœur au sens moderne du terme, dans les Cantates, les Passions et les Messes de Jean-Sébastien Bach. Qui se penche sur les partitions peut deviner que Bach rencontra de nombreux problèmes pour recruter les chanteurs capables d’interpréter sa musique.

Le compositeur aurait donc destiné ses œuvres à un quatuor vocal, renforcé exceptionnellement, par un second quatuor, les « ripienisti », dans le cas de ses Passions. Celui-ci chante uniquement les morceaux d’ensemble et joue un rôle de doublure.

Dans son atelier jonché d’instruments de musique et de partitions, le musicien nous accueille avec une grande humilité, l’archet à la main. Il n’hésite pas à saisir sa viola da spalla, a joué un air, de mémoire, pour nous initier à cet instrument dont la redécouverte lui tient à cœur. Son enthousiasme est communicatif. La rédaction de classiquenews reviendra sur ce sujet très prochainement. En Sigiswald Kuijken, la simplicité et l’humanisme nous touchent. Sans prétention aucune, il interdit d’interdire et son credo est lumineux : « la musique avant tout ». Musicien, chef d’orchestre, pédagogue, l’infatigable défricheur multiplie les activités dans le seul but de servir la musique. Il veille bien à ce que le compositeur, sa musique et son message, soient à l’avant-plan. Personnage discret, il a su maintenir son orchestre à un niveau international et ce, depuis déjà plus de 30 ans. L’une des grandes qualités de Sigiswald Kuijken ne cesse de susciter la polémique : la sobriété de son interprétation, son absence d’artifices, sa recherche de l’authenticité, bien avant la virtuosité de l’artiste. Toujours critique vis à vis de ses options d’interprétation, exigent quant au sens de son approche, La Petite Bande est en perpétuelle évolution. C’est sans doute le secret de son succès. Régulièrement en tournée en Europe et au Japon, la Petite Bande n’est pas en reste de projets, plus ambitieux les uns que les autres. Après un concert enthousiasmant au Palais des Beaux-Arts le 5 avril dernier, le musicien répond à nos questions et lève le voile sur l’activité foisonnante de son ensemble.


Voilà trente ans que la révolution Baroque perdure. Exhumation des œuvres oubliées, de Heinichen aux opéras de Vivaldi ; exigence dans la pratique instrumentale, pourtant il semblerait que, comme le dit l’une de vos élèves Chiara Bianchini, l’esprit défricheur, audacieux, s’est essoufflé ou ne semble pas ou peu s’être transmis chez les nouvelles générations d’interprètes… Certains chefs aujourd’hui connus, tournent dans un système d’autres s’ingénient à théâtraliser de plus en plus leur lecture quitte à caricaturer… Que pensez-vous de tout cela?

La musique baroque a en effet pris un tel essor qu’il risque bien d’être celui qui le mènera à sa perte. Musicalement, nous pouvons nous contenter de rester dans le sillon de ce qui a déjà été découvert et d’offrir l’interprétation que le public rêve d’entendre, quitte à recourir à des moyens superficiels et se donner en spectacle. Une autre approche, et qui est la mienne, est de toujours reconsidérer mon interprétation, sans cesse remettre en question mes idées et mes théories. Je conseille à la génération actuelle d’étudier autant que possible, s’initier à la peinture, la littérature et les arts. Il est important de pouvoir restituer les œuvres dans leur contexte historique et social afin d’essayer de percer le message du compositeur. Ces recherches théoriques ne doivent certainement pas évincer son intuition musicale.


Pensez-vous qu’il existe d’autres compositeurs à découvrir?

Je pense que presque tout a été découvert mais il reste encore beaucoup à apprendre sur la façon d’interpréter. Les « modernistes » considèrent que les opéras classiques sont des pièces de musées et que la seule raison valable pour pouvoir les sortir de leur écrin, est d’en donner une version adaptée au siècle actuel, sans se soucier pour autant de l’essence de l’œuvre et donc du désir du compositeur et du librettiste.

L’utilisation d’instruments anciens ne doit pas être une fin en soi mais une façon d’atteindre la transmission du message musical.

Que pensez-vous de la résurrection actuelle et de l’engouement du public pour les opéras de Vivaldi?

Même si je considère Vivaldi comme un compositeur parfois génial, astucieux et plein de ressources, je pense que l’engouement actuel pour ses opéras est surtout un phénomène de mode, poussé par le succès de certains enregistrements . Une artiste telle que Cecilia Bartoli a influencé et aidé le public à découvrir ce répertoire. Une partie de celui-ci est très friand de spectacle et de ce qui brille.

A l’heure actuelle, le marché du disque est inondé de productions mais n’offre pas toujours une place à tous les artistes d’un réel talent et aux projets intéressants. Nous retrouvons beaucoup de productions de qualité chez des petits labels, qui s’efforcent tant bien que mal de sortir des sentiers battus.

Le phénomène du CD bon-marché genre « Brilliant Classics » est selon moi une mauvaise chose, ils déversent des intégrales à des prix défiants toute concurrence et dissuade d’une certaine façon le public à payer un cd intéressant à 20€. D’un autre côté, qui sait, on peut espérer que ce genre de démarches commerciales pousse un public néophyte vers d’autres productions. Je pense que le cd a dépassé son apogée et est voué à disparaître à moyen terme, il deviendra peut-être l’objet de collectionneurs.

Vous sembler préférez les œuvres du XVIIIe siècle au XVIIe ; est-ce une volonté consciente ou le hasard des enregistrements…

Je pense que ceci est lié à ma personnalité et à ma façon de jouer. Celle-ci est le fruit d’une évolution personnelle. Avec l’âge, j’ai tendance à orienter mon attention vers les compositeurs qui nous plus proches – mais nous prévoyons aussi du Schütz et du Monteverdi pour les saisons à venir.

Aimeriez-vous monter un opéra au théâtre?

Oui, mais la seule condition est que la mise en scène soit en parfaite adéquation avec la musique. J’ai eu l’occasion de monter plusieurs spectacles en collaborant avec des metteurs en scène ou chorégraphes avec lesquels je me trouvais sur la même longueur d’ondes, et qui ont plu au public, mais visiblement pas aux directeurs d’opéras. Ceux-ci me considèrent sans doute trop « puriste » et pas assez avant-gardiste. Il y a plusieurs années, nous avions un projet de monter Cosi fan tutte sous cette optique-là mais il a du être annulé par manque de budget et d’enthousiasme des directeurs de maisons d’opéras.

Actuellement, on place des orchestres baroques dans la fosse pour faire «authentique» mais dès que le regard se tourne vers la scène, il est impossible de distinguer s’il s’agit de Monteverdi, Verdi ou Mozart. Je pense que la mise en scène prend trop d’importance par rapport à la musique et distrait l’auditeur par des effets et artifices inutiles que la musique ne requiert pas.


Pourquoi une nouvelle série d’enregistrements de cantates de Bach? Préparez-vous les oeuvres d’abord au concert pour mieux réussir les enregistrements?

Il s’agit d’abord du fruit d’une démarche spirituelle personnelle. Je pense qu’actuellement le public est à la recherche d’une certaine forme de spiritualité et peut la retrouver entre autres dans la musique de Bach. La grande qualité nous mène toujours vers notre intérieur, vers l’essentiel ; les textes des cantates peuvent nous inspirer si l’on y regarde de plus près, et sans jugement préconçu, d’un esprit libre; et en même temps il est vrai qu’on peut aussi être captivé et comblé par la seule force de cette musique, sans trop comprendre les textes … Nous projetons un cycle liturgique complet de cantates, donc une cantate pour chaque dimanche et grande fête de l’année. Les enregistrements se font chaque fois après la fin d’une série de concerts, où nous combinons 3 à 4 cantates qui correspondent à la période liturgique de l’année.



Vers quelle autre intégrale irait votre goût? Gardiner, Koopmann, etc…

Je n’en prendrais aucune (rires). Mais s’il le faut, ma préférence irait vers la toute première, enregistrée par G. Leonhardt et N. Harnoncourt, malgré ses imperfections: c’était une première très « osée » à l’époque et très signifiante. Je suis assez opposé au concept des intégrales « pour l’intégrale », je préfère enregistrer une sélection d’œuvres, et même parfois refaire certaines oeuvres une deuxième fois, si le regard a beaucoup changé – pourquoi pas?



Que pensez-vous d’internet, êtes-vous un internaute passionné?

Oh non! je trouve qu’internet est un outil fantastique aux possibilités infinies mais malheureusement souvent bien mal utilisé.

Quels sont vos peintres préférés ?

Pietro della Francesca, les primitifs flamands, Tintoretto , certains impressionnistes.


Propos recueillis par Anthony Goret

Monteverdi, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie

Claudio Monteverdi, Il Ritorno d’Ulisse in patria.
Inédit. Mezzo, le 6 mai à 20h50

Fidèle à Orfeo, certes écrit en 1607, mais qui en marque une première étape génératrice, Il Ritorno d’Ulisse créé après 1640, témoigne des recherches ultimes du compositeur Claudio Monteverdi, dans le registre de la musique dramatique. Au compositeur italien, père du genre opéra, revient le mérite de fusionner poème et musique, et même d’inféoder totalement chant et continuo instrumental, pour l’explicitation de l’action. Musique syllabique, articulant le texte, servant au plus près, les intentions de la parole afin d’édifier un drame musical, Ulisse est d’abord une action, un drame, un poème. D’ailleurs, les sous-titres des œuvres dont il est question suffisent à clairement synthétiser l’apport du maître au genre opéra : favola in musica pour Orfeo, dramma in musica pour Ulisse. Ici, au cœur de l’esthétique montéverdienne, se déploient texte et action, et non, comme il en sera question à l’âge baroque en sa pleine maturité, chanteurs et voix.
Ici, prolongeant les enseignements philosophiques d’Orfeo (l’homme même s’il est capable de miracle, comme le pouvoir d’un chant émouvant, ne peut dominer ses passions), de Poppea (rien ne peut être plus fort que le désir et l’amour conquérant), Ulisse poursuit une certaine vision désillusionnée du monde : l’homme est l’objet impuissant de trois forces imprévisibles : temps, hasard, amour. Les retrouvailles d’Ulisse et de Penelopa, même si elles se réalisent in fine, ne viennent qu’après une longue errance inquiète, désabusée, solitaire, vécue par chacun des protagonistes.
Comme Poppea, Ulisse ne nous est pas parvenu sous la forme de la partition autographe. Seules subsistent des copies dont il faut déduire la version composée par Monteverdi. Cela est d’autant plus difficile que les dernières découvertes ont révélé que la composition des deux derniers opéras du compositeur,seraient des œuvres collectives, où autour du maître, à la façon des grands peintres de l’époque, travaillèrent de nombreux disciples. Ouvrage solitaire ou partition d’atelier ? Quoiqu’il en soit, il s’agit bien des œuvres phares, dramatiquement et esthétiquement cohérentes et abouties qui restent les prototypes de l’opéra vénitien du premier baroque.
Alors qu’Ulisse obtient des dieux qu’il retrouve la rive de sa terre natale, Penelopa est pressée par les prétendants et sa servante Mélante, d’oublier son époux parti depuis des années, et de prendre une nouveau mari qui sera le nouveau souverain d’Ithaque…

La production diffusée par Mezzo est filmée par Humphrey Burton.
Avec: Avec: Kresimir Spicer (Ulisse) ; Marijana Mijanovic (Penelopa) ; Cyril Auvity; Katalin Karolyl. Les Arts florissants, direction musicale: William Christie. Mise en scène: Adrian Noble.

POITIERS, TAP : SAISON 2022 – 2023… Concerts événements, temps forts

POITIERS, TAP : SAISON 2022 – 2023… Concerts événements, temps forts   –   Eclectique, riche, généreuse, la nouvelle programmation du TAP Poitiers explore toutes les formes musicales et défend tous les genres : musique de chambre, récital, festival (de piano), même siestes sonores (le samedi en deux temps, à 15h et 17h), grand bain symphonique… musiques baroque, classique, romantique, contemporaine… C’est en réalité un festival continu de talents et de sensibilités multiples qui exploite idéalement la formidable acoustique de l’Auditorium, l’une des meilleures salles de l’Hexagone et dont les qualités subliment encore l’expérience auditive pour les spectateurs. Voilà de quoi inspirer davantage les 3 ensembles associés au TAP, et dont la présence et le travail composent une pépinière musicale particulièrement active : Ars Nova, Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine, Orchestre des Champs-Eysées. Ce dernier d’ailleurs poursuit ses explorations ciselées grâce aux timbres spécifiques des instruments historiques dont l’acuité et l’intensité savent dépoussiérer encore et encore les partitions choisies… 

 

NOUVEAU SOUFFLE MUSICAL   –   Jérôme Lecardeur, directeur des lieux, annonce « un nouveau souffle » dans un « monde qui change ». La programmation musicale profite d’une ligne artistique diverse qui comprend aussi cinéma, danse, créations… « Avec nous, restez à l’affût des émancipations nouvelles, des histoires inimaginables, des sons merveilleux, des images fortes et des corps fascinants ! ».

Les 3 ensembles associés sont invités dès lors à signer chacun la saison musicale classique et contemporaine : en 22 / 23, c’est l’Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine qui pilote le vaisseau, avant Ars Nova en 23 – 24 et l’Orchestre des Champs-Élysées en 24 – 25. Lieu de création et de partage, le TAP sait aussi écouter et débattre avec les citoyens lors de temps d’échanges et de rencontres avec le habitants. Ecrin cultivant les chocs sonores, lieu d’accueil ouvert à tous les publics, espace de dialogue et de discussion (qui a aussi repensé ses foyers ainsi réaménagés et plus confortables…), le TAP est en passe de devenir une ruche exemplaire. 

 

 

 

 

 

VISITEZ le site du TAP POITIERS saison 2022 2023

https://www.tap-poitiers.com/

Découvrez ici la saison MUSIQUE au TAP 2022 2023 :

https://www.tap-poitiers.com/spectacle/recherche/musique/

 

 

 

 

 

ENTRETIEN

LIRE aussi notre entretien avec Jérôme Lecardeur, directeur du TAP Théâtre Auditorium POITIERS – A propos de la saison musicale 2022 – 2023 …  L’Auditorium Théâtre de Poitiers se distingue par la diversité de son offre musicale, la qualité acoustique de son auditorium (modèle du genre) et aussi un fonctionnement particulier qui sait favoriser la participation et l’invention artistique de ses 3 formations en résidence : Ars Nova, Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine, Orchestre des Champs-Elysées. C’est une mécanique de précision qui montre les vertus d’un réglage idéal où chaque ensemble enrichit la programmation en s’y inscrivant de façon complémentaire. Jérôme Lecardeur présente les spécificités du Théâtre et précise aussi ce qui a fait évoluer le métier depuis la pandémie.

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre Auditorium Poitiers TAP

TEMPS FORTS

de la saison musicale 2022 – 2023

Consultez ici l’ensemble de la programmation musique du TAP Théâtre Auditorium Poitiers

https://www.tap-poitiers.com/spectacle/recherche/musique/-/-/-/-/

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BEETHOVEN : Missa Solemnis
Jeu 8 décembre 2022, 20h30

Durée 1h20
En direct sur Radio Classique

Orchestre des Champs-Elysées / Philippe Herreweghe, direction
Eleanor Lyons, soprano
Eva Zaïcik mezzo-soprano
Ilker Arcay,ürek, ténor
Thomas Bauer, baryton

Ludwig van Beethoven : Missa Solemnis en ré majeur op. 123

RÉSERVEZ ici vos places
directement sur le site du TAP POITIERS :
https://www.tap-poitiers.com/spectacle/beethoven-6/

 

 

 

 

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VENISE BAROQUE : Vivaldi / Haendel
Ensemble JUPITER, Léa Desandre 

Mar 13 décembre 2022, 20h30
Durée : 1h40 avec entracte

Lea Desandre, mezzo-soprano
Thomas Dunford, luth, direction artistique
Louise Ayrton, Ruiqi Ren violons
Jasper Snow, alto
Bruno Philippe, violoncelle
Doug Balliett, contrebasse
Tom Foster, clavecin, orgue
Neven Lesage, hautbois

RÉSERVEZ vos places directement sur le site du TAP POITIERS :

https://www.tap-poitiers.com/spectacle/vivaldi-haendel/#js-accordion-1

 

 

 

 

 

 

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MOZART, BEETHOVEN
Mar 24 janvier 2023, 19h30
Durée : 1h40

Deux Viennois majeurs pour une entente musicale parfaite     Pour célébrer l’an neuf 2023, le TAP affiche deux monstres sacrés du clacissisme viennois : Beethoven et Mozart. À la symphonie « Héroïque » du premier, énergique, guerrière, conquérante, répond la Symphonie concertante du second, curiosité du répertoire, élégante et tendrement astucieuse.…destinée à mettre en valeur les amis de Wolfganf, soit 4 instrumentistes à vent parmi les plus virtuoses.

L’Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine invite logiquement 4 solistes de l’Orchestre Philharmonique de Radio France sous la baguette de la cheffe Corinna Niemeyer, au geste inspiré dont le tempérament allie clarté, nuances, voire délicatesse sonore… (rencontre avec la maestra à l’issue du concert).

Corinna Niemeyer, direction
Solistes de l’Orchestre Philharmonique de Radio France

Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine
Hélène Devilleneuve, hautbois / Nicolas Baldeyrou, clarinette
David Guerrier, cor / Julien Hardy, basson

W. A. Mozart : Symphonie concertante 

pour hautbois, clarinette, cor, basson et orchestre en mi bémol majeur K 297b
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 3 en mi bémol majeur op. 55 « Héroïque », Les Créatures de Prométhée – Ouverture, op. 43

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TANCADE : Gaspar Claus violoncelle, composition
Sam 28 janvier 2022, 15h, 17h

Durée 50 mn    concert allongé ou assis

Symphonie solaire     « Tancade », la plage sauvage de Banyuls, sa terre natale, hante Gaspar Claus, violoncelliste tout sauf classique, qu’inspire tous les genres : de La Monte Young au flamenco de son père. C’est aussi le titre de son premier cd solo. Nourri par ses rencontres artistiques (Sufjan Stevens, Barbara Carlotti ou Rone…), Gaspar Claus a attendu quinze ans avant de sortir cet album. Il y dévoile une maturité dans les textures organiques et bruitistes, dans les sonorités ardentes, tel un poète-sorcier dérivant vers des contrées encore vierges. Un périple doux et dépaysant, à savourer les yeux fermés.

Gaspar Claus violoncelle, composition
Basile3, électronique
Adrian Bourget, ingénieur du son
Matière Noire, création lumière

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SCHUBERT, MENDELSSOHN
Orchestre des Champs-Elysées
Jeu 2 février 2023

Durée : 1h30 avec entracte

Monuments romantiques     les instrumentistes de l’Orchestre des Champs-Élysées proposent un programme ambitieux, réunissant l’invention printanière et rafraîchissante de Mendelssohn (Concerto pour violon) et le dernier Schubert (9ème symphonie). Leur association est légitime puisque le second, compositeur et chef, s’engagea à faire connaître le premier. 

Philippe Herreweghe, direction
Francesca Dego, violon

Felix Mendelssohn : Concerto pour violon en mi mineur op. 64
Franz Schubert : Symphonie n° 9 en do majeur D. 944 « La Grande »

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Festival PIANO PIANOS
Les 25 et 26 février 2023

Le cycle Piano Pianos affiche en un week end, 5 programmes événements autour du piano. Pour ce festival, le TAP propose l’achat d’un pass au tarif spécial ici :

https://billetterie.tap-poitiers.com/abonnement_grille?lng=1&id_abonnement=2793

 

 

 

25 février 2023

PIANOS HISTORIQUES à 15h

Le directeur de l’Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine, JF Heisser présente plusieurs pianos d’époque différentes : une exploration pointue et festive pour mieux comprendre les différences de sons, de mécanique, de jeu… Chickering, Pleyel, Broadwood, Steinway… à chacun son piano. Avec :

Jean-François Heisser, Anne Queffélec, Alain Planès, 

Jean-Frédéric Neuburger, David Kadouch

DAVID KADOUCH récital à 18h : les musiques de Madame Bovary

ANNE QUEFFÉLEC, récital à 21h : BEETHOVEN

26 février 2023

STOCKHAUSEN : MANTRA à 15h

Jean-François Heisser / Jean-Frédéric Neuburger

SCHUBERT : lieder à 17h

Stéphane Degout, baryton – Alain Planès, piano

En complicité ciselée, les deux artistes explorent les mondes intérieurs, fraternels de Schubert à travers une sélection de mélodies / lieder dont Der Wanderer
Der Schwanengesang , Die Taubenpost, Liebesbotschaft, An den Mond, en particulier Nacht und Träume… 

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LES OMBRES
Sam 4 mars 2022, 15h, 17h

Bach – Abel Society
Sieste musicale
concert allongé ou assis
Durée : 50 mn

Une sieste à l’ombre… des Ombres ! Les siestes musicales du TAP sont désormais un rituel incontournable. Sur le plateau ou dans la salle, le spectateur confortablement, assis ou allongé, les yeux ouverts ou fermés, écoute et savoure… Les 4 instrumentistes des Ombres évoquent l’ambiance des Bach-Abel Concerts, instants musicaux huppés, très en vogue à Londres au 18e siècle, organisés par les compositeurs Johann Christian Bach (l’un des fils de Johann Sebastian) et Carl Friedrich Abel. Il est permis au TAP de Poitiers de se laisser bercer, voire même de s’endormir… 

Margaux Blanchard, direction artistique, viole de gambe
Sylvain Sartre, direction artistique, flûte traversière
Théotime Langlois de Swarte, violon
Philippe Grisvard, pianoforte

Carl Friedrich Abel, Johann Christian Bach, Franz Josef Haydn, Carl Friedrich Christian Fasch, Carl Philipp Emanuel Bach, Johann Samuel Schröter

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CHŒUR et ORCHESTRE DES JEUNES
Mar 14 mars 2023, 19h30

Auditorium
Durée : 1h

Le cœur battant de la jeunesse     10 ans déjà ! Depuis 2013 (première édition), le projet pédagogique initié par l’Orchestre des Champs-Élysées a impliqué plus de 1000 jeunes sur la scène du TAP pour se produire en public, dirigés par un grand chef. L’aventure collective de grande ampleur, à la fois fédératrice et formatrice réunit tout au long de l’année un chœur de lycéens et un orchestre d’élèves des conservatoires et écoles de musique de la région pour l’interprétation d’un programme spécifique. Cette 10ème édition prévoit un programme de fête, qui fait revivre les plus belles heures de ce projet particulièrement suivi.

Guillemette Daboval, direction

Robert Schumann 
Symphonie n° 1 op. 38 « Le Printemps » (extrait)

Luigi Cherubini 
Requiem en do mineur pour chœur mixte (extrait)

Gabriel Fauré 
Requiem op. 48 (version pour grand orchestre de 1900) (extrait)

Felix Mendelssohn 
Psaume 42 op. 42 Wie der Hirsch schreit (extrait), Magnificat en ré majeur (extrait)

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SAINT-SAËNS 360°
Orchestre des Champs-Élysées
Mer 29 mars 2023, 20h30

Durée : 1h20 avec entracte

Retour du pianiste Bertrand Chamayou sur la scène du TAP ! Au programme des retrouvailles, une partition inclassable, virtuose, passionnément romantique dont l ‘élégance porte la marque de Camille Saint-Saëns, grand voyageur qui fut aussi passioné par l’Egypte antique. En témoigne le Concerto pour piano n° 5, dit « L’Égyptien ». Complément exceptionnel, la symphonie avec orgue, au souffle grandiose et intime à a fois, grâce au génie d’un saint-Saëns, inclassable, irrésistible.

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Louis Langrée, direction
Bertrand Chamayou, piano
Vincent Warnier, orgue

Camille Saint-Saëns :
Danse macabre op. 40, 
Concerto pour piano n° 5 op. 103 « L’Égyptien », 
Symphonie n° 3 en do mineur avec orgue op. 78

 

 

 

 

VIDEO / Bertrand Chamayou joue Saint-Saëns


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DEBUSSY, SIBELIUS, TCHAIKOVSKI
Dim 23 avril 2023, 16h

Auditorium
1h50 avec entracte

Belle complémentarité entre la phalange bordelaise et son premier violon, Matthieu Arama dont l’instrument enchante habituellement les programmes symphoniques de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine. Le si poétique et exigeant Concerto pour violon de Sibelius offre une cadence vertigineuse pour chaque soliste qui doit trouver le juste équilibre avec tout l’orchestre. Lyrique voire incandescent, le programme conçu par la cheffe polonaise Marzena Diakun gagne une profondeur irrésistible dès les premières mesures de la Symphonie n° 6, dite « Pathétique » de Tchaïkovski, l’ultime partition symphonique du Romantique russe, point extrême de son expérience musicale. Créée en 1893 à Saint-Pétersbourg, la partition semble être le chant du cygne du romantisme européen. La même année, à Paris, Claude Debussy révolutionnait l’esthétique sonore grâce à Prélude à l’Après-midi d’un faune, d’après le poème de Mallarmé. Tchaikovski pour sa part atteint la même ivresse musicale en osant affronter la mort, mesurer l’abîme insondable d’où l’on de revient jamais… 

Marzena Diakun, direction

Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Matthieu Arama, violon

Claude Debussy : Prélude à l’Après-midi d’un faune
Jean Sibelius : Concerto pour violon
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Symphonie n° 6 « Pathétique »

 

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ECOUTEZ ici l’ONBA Orch National Bordeaux Aquitaine / Symphonie n°6 de Tchaikovski (extrait) :

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CARMEN CASE / ARS NOVA
Nouveau plaidoyer pour Carmen
Jeu 4 mai 2023, 20h30

TAP, Théâtre – Durée : 1h45

Dans l’opéra de Bizet (1875), lui-même inspiré de Mérimée, le sanguin et fougueux Don José assassine la gitane rebelle, insoumise Carmen… car elle l’a écarté, lui préférant un autre homme. 

Voici un regard neuf sur un monument de notre patrimoinemusical. Quel verdict pour Don José ? bourreau ? victime ? fou irresponsable ? La metteuse en scène Alexandra Lacroix installe le spectateur dans la position du juré.et lui demande de réfléchir à la portée profonde du féminicide qui conclut Carmen.

Composition Georges Bizet (1875), Diana Soh (2023)
Livret, mise en scène : Alexandra Lacroix
Direction musicale, Lucie Leguay
13 instrumentistes ensemble Ars Nova
9 chanteurs : Anne-Lise Polchlopek, François Rougier, Xavier de Lignerolles, William Shelton, Angèle Chemin, Anas Seguin, Anne-Emmanuelle Davy, Élise Chauvin, Rosie Middleton

 

 

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WEBER, BERLIOZ, HUREL…
Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine
Mar 23 mai 2023

Durée : 1h40 avec entracte

Nuits d’été… L’Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine dirigé par la cheffe Kanako Abe interprète Les Nuits d’été de Berlioz. Ce recueil de mélodies françaises forme un sommet du premier romantisme français auquel Berlioz apporte son sens de l’éloquence vocale accordée à un raffinement orchestral somptueux. En interprète soucieuse du verbe autant que des images oniriques, la mezzo-soprano Isabelle Druet ressuscite les textes de Théophile Gautier. D’après Shakespeare, l’ouverture d’Obéron de Weber et Le Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn complètent ce programme porté par les esprits de la nuit.

Kanako Abe, direction
Isabelle Druet, mezzo-soprano

Carl Maria von Weber : Obéron – Ouverture
Hector Berlioz : Les Nuits d’été op. 7
Félix Mendelssohn : Le Songe d’une nuit d’été op. 61 (extraits)
Philippe Hurel : création

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Fête de la musique au TAP POITIERS
FANFARE et BAGAD de la 19ème Brigade d’Infanterie de Marine de POITIERS
Mer 21 juin 2023, 19h30

Auditorium – Durée : 1h10 – gratuit

Vent breton pour la Fête de la musique     Pour célébrer la Fête de la musique, rien de telle qu’une fanfare au TAP cette année ! Celle de la 9e Brigade d’Infanterie de Marine de Poitiers entièrement composée de musiciens professionnels relève le défi, avec son bagad, formation typiquement bretonne. Percutantes, agiles, cornemuses, bombardes et caisses écossaises rehaussent la vitalité engageante du collectif invité par le TAP. Airs classiques et musique celtique se marient et font souffler l’air du large / Adjudant François Viaud, chef de fanfare

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Théâtre Auditorium Poitiers TAP

TEMPS FORTS

de la saison musicale 2022 – 2023

Consultez ici l’ensemble de la programmation musique du TAP Théâtre Auditorium Poitiers

https://www.tap-poitiers.com/spectacle/recherche/musique/-/-/-/-/

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Entretien Gilles Thomé

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Il a levé le mystère sur l’esquisse préparatoire au concerto pour clarinette. Passionné par la facture instrumentale, du chalumeau à la clarinette, sans omettre le cor de basset, objet de superbes redécouvertes, le clarinettiste Gilles Thomé nous parle de Mozart. Un musicien confronté au milieu Viennois des années 1780, travaillant, avec ses amis facteurs, à l’élaboration d’un instrument magicien: une clarinette d’un nouveau type. Bilan des dernières découvertes concernant l’instrument que Mozart, à la fin de sa vie, semble particulièrement affectionner.

Comment expliquez vous l’engouement de Mozart pour le cor de basset ?

Mozart rencontre Anton Stadler dès son arrivée à Vienne en 1781. Anton Stadler était déjà reconnu comme virtuose de la clarinettiste mais jouait également le cor de basset, notamment avec son frère Johann et H. Griesbacher en trio, mais aussi des deux instruments en duos et « chacun seul pour les concertos et nous pouvons également, avec la clarinette et le hautbois ou le cor de basset et le hautbois faire de la musique pour vents en octuor, ce qui est du plus bel effet. Au besoin, nous pouvons remplacer les hautbois et jouer le violon et l’alto [Violn] ». Les documents nous laissent deviner combien le cor de basset était à la mode. Lotz, le facteur de la cour et ami de Stadler, nous laisse 9 cors de basset et une seule clarinette : c’est vous dire la faveur dont jouissait l’instrument dans le goût des Viennois et à la Cour. Son timbre plus grave, plus doux, plus chaleureux (comme la clarinette alto actuelle) devait certainement frapper les esprits. Par ailleurs, nous savons que Stadler appréciait beaucoup les notes graves et les types d’instruments capables d’en produire. Mozart a suivi son goût et cette prédilection pour les résonances basses. Prenez le Requiem en exemple. Le cor de basset est à l’opposé du caractère plus volage et léger de la clarinette.
Nous savons aussi qu’à Vienne, de nombreux musiciens itinérants, originaires de Russie et de Bohème, vivaient de leurs succès en jouant les airs à la mode pour deux cors de basset, à la façon des duos de violonistes reprenant dans la rue, dans les bals, les airs populaires.

Au terme de votre enquête sur la facture instrumentale à Vienne en particulier, avec le soutien de Robbins Landon, avez-vous changé d’avis sur tel ou tel aspect de la musique de Mozart ?

Pas vraiment. Au contraire, mes recherches ont confirmé les directions empruntées et les hypothèses énoncées. Il y aurait encore beaucoup de travail et d’études à mener tant le champ d’investigation et les perspectives de découvertes sont prometteuses. En réalité, notre enquête a souligné combien la facture autrichienne, en particulier Viennoise, était à part au sein de l’Europe. Les facteurs viennois ont mis au point un système qui leur est propre, tout à fait différent de leurs confrères des autres pays germaniques. Rappelons qu’aux côtés de Vienne, Dresde et Berlin sont des centres actifs en matière de facture. La clarinette, quant à elle, est née à Nuremberg.
Vienne est un cas à part et il est très intéressant que les œuvres de Mozart témoignent des recherches spécifiques des facteurs viennois. Leur conception recherche à améliorer l’émission par une simplification de la facture. Les perces sont souvent plus larges, ainsi que le diamètre des trous dans le bas des cors de basset pour une meilleure homogénéité. Outre ses travaux spécifiques sur la clarinette et le cor de basset, Lotz a expérimenté les possibilités sur les bassons, hautbois, cor anglais. Les œuvres de Mozart, en particulier les derniers concertos pour piano, intègrent les recherches des facteurs viennois. De même, on peut légitimement penser que l’Harmonie Impériale à l’époque de Joseph II, avait atteint un niveau extrêmement élevé.


Vous avez montré comment Mozart a suivi étroitement cette évolution de la facture en composant entre autres des œuvres pour le cercle des Jacquin à Vienne. Pouvez-vous nous préciser comment le musicien a rencontré cette famille d’origine française ?

Là encore, leur relation date d’après l’arrivée de Mozart à Vienne en 1781. Le père avait coutume d’organiser une sorte de réunion artistique et intellectuelle où tout le gratin Viennois était convié, chaque mercredi de la semaine. La famille était d’origine française et comptait trois enfants, tous musiciens. Franziska était une des meilleures élèves de Mozart pour le piano. Il y avait aussi, le fils, Gottlieb, compagnon de Mozart à Prague et partout ailleurs. Ils étaient très proches. Soirées, fêtes, et autres plaisirs, les deux jeunes hommes avaient coutume de s’amuser ensemble.

Quelles seraient les pistes actuelles à approfondir, probablement porteuses de nouvelles découvertes ?

Je pense à un musée à Saint-Pétersbourg où se trouvent des cors de basset, peut être un « d’amour » du facteur viennois Hammig. Ce qui porterait à quatre le nombre de cors de basset d’amour connus aujourd’hui dans le monde. Il y a celui de Paris, identique aux Hammig (musée de la musique de la Cité de la musique), ceux d’Anvers et de Graz que j’ai pu mesurer. Reste cet exemplaire que je n’ai pas encore vu. Les cors de basset d’amour étaient particulièrement appréciés par la rondeur et la chaleur de leur timbre. Ils ont cette caractéristique d’avoir un pavillon en bois de forme circulaire, comme un bulbe. Le cor anglais actuel a conservé cette configuration.

Quels seraient les liens entre la clarinette, le cor de basset et la franc-maçonnerie ?

Pour ce qui est de la clarinette, je n’en connais aucun. Pour le cor de basset, nous savons que Stadler et Lotz étaient les frères de loge de Mozart. Mozart a composé en outre plusieurs petites pièces pour trois cors de basset à destination du rituel maçonnique. De là, certains ont échafaudé des hypothèses sur la symbolique même de la forme de l’instrument : voyant dans son aspect triangulaire, un symbole hautement maçonnique.
L’évolution de la facture obéit à des lois plus pragmatiques. Au départ le cor de basset était courbe, or la courbure dans le bois est difficile à réaliser. Il était plus simple de fabriquer l’instrument avec deux parties droites reliées par un coude, d’où ensuite, un instrument en angle brisé qui effectivement paraît triangulaire. Il y eut par la suite, des tentatives pour un instrument droit. …

Au sein de ce milieu en pleine évolution, où l’expérimentation profite à la fois à la composition et à la facture, comment expliquez que nous passions de l’air de Vitellia dans la Clémence de Titus pour cor de basset, au concerto pour clarinette, initialement prévu pour cor de basset en sol ?

La situation à Vienne est simple : elle explique ce climat d’émulation. La question de la facture des clarinettes et cors de basset occupe les esprits. Ceci est un fait propre au milieu des facteurs viennois. Entre 1781 et 1785, de nombreux facteurs travaillent dans leur coin, chacun ayant une technique et un système propre. Bien sûr, ils se copiaient entre eux. L’idée est d’étendre les possibilités musicales de l’instrument, en particulier en ce qui concerne les notes graves.
Pour évoquer les directions prises par Stadler et Mozart par exemple, prenons le cas de la clarinette en ut. La clarinette reste, en 1785, un instrument « borné » c’est-à-dire que ses possibilités sont limitées. L’instrument s’arrête au mi grave. Il n’y a pas de do donc pas de fondamentale. Stadler qui avait une affection pour les notes graves, comme nous l’avons dit, expérimente un nouvel instrument plus étendu dans sa tessiture, afin d’ajouter le ré et le do graves. Or notez que les notes graves sont les plus difficiles à obtenir justes. Ce qui n’est pas le cas des notes aiguës plus faciles à émettre. Stadler est même aller jusqu’à créer vraisemblablement en 1787, un cor de basset chromatique capable d’émettre le ré et le do, avec leur dièse respectif. Sa capacité à inventer et simplifier aussi la facture l’a mené très loin : les clés étaient sur un pivot en métal qui, fixé par deux vis, était démontable à volonté. Ce qui est clair, c’est qu’en l’espace de six années, de 1785 à 1791, Stadler et Lotz font évoluer la facture de la clarinette de façon prodigieuse, en facilitant le système de clétage, en harmonisant la forme de l’instrument. Ils avaient même conçu un prototype de bec interchangeable pour tous les instruments.
Mozart comme compositeur souhaitait composer une œuvre virtuose pour l’instrument. Entre ces deux pôles, virtuosité et facilité dans l’émission de notes graves, les recherches de Stadler allaient aboutir à un nouvel instrument. Dans ce sens, nous pouvons certainement expliquer que Mozart expérimente d’abord pour cor de basset ce qui est alors l’esquisse du futur concerto K622, puis bascule vers la clarinette dans la version définitive de son concerto.

Pour revenir à la Clémence de Titus, il est vraisemblable que Mozart ait écrit les deux airs avec instrument obligé, l’un pour clarinette (Sesto), le second pour cor de basset (Vitellia) parce que Stadler, qui a joué les parties d’instrument solo (avec le succès que l’on sait) disposait dans sa valise des deux types d’instruments. Il faut se replacer dans la réalité du moment pour expliquer les options adoptées par le compositeur.
Par ailleurs, il apparaît de plus en plus certain que l’air de Vitellia pour cor de basset obligé est en fait un air de concert composé antérieurement, dès avril 1791, pour la soprano Josepha Duschek. La question demeure pourtant de savoir si à l’origine, cet air de concert était écrit pour cor de basset.

Mais pourquoi Mozart commence donc son concerto avec un cor de basset (esquisse K621b), pour finalement composer un concerto pour clarinette (K622)?

Je ne sais pas. C’est un mystère. Notez que la lecture sur manuscrit original nous apporte infiniment d’indications à ce sujet. C’est en me plongeant dans l’esquisse originale du futur concerto, esquisse conservée à Winterthur que j’ai déduit à partir des notations de Mozart sur la partition qu’il ne pouvait s’agir que d’un morceau écrit pour l’amplitude du cor de basset, autorisant l’instrument à jouer les notes graves, du ré et du do précisément. La fondamentale y est clairement indiquée dès le départ.

Sur quelles nouvelles œuvres travaillez-vous en ce moment ?

Je termine d’achever la fabrication du cor de basset d’amour dont j’ai reçu la commande du Musée de Paris. Je travaille sur la pastorale héroïque que Rameau composa en 1750 pour la famille royale, Acanthe et Céphise. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’à cette époque le musicien français dirige l’orchestre du fermier général, La Pouplinière. Or cet orchestre est le premier à compter des clarinettistes. Acanthe et Céphise est la première partition éditée en France comprenant des parties de clarinettes. Avec le directeur du Conservatoire National de Pantin, nous en avons fait un arrangement « à l’ancienne » pour sextuor de vents : 2 clarinettes, 2 cors de chasse, 2 bassons.

Qu’aimeriez-vous réaliser dans les prochaines années ?

Les projets sont nombreux : je vous en laisse la surprise lors des réalisations…

Propos recueillis par Alexandre Pham

Discographie de Gilles Thomé
Mozart : intégrale des trios à trois cors de basset K439b, première mondiale. L’Harmonie Bohémienne, direction ; Gilles Thomé. Editeur : Pierre Verany)
Vivaldi : intégrale des concertos avec clarinettes et chalumeaux, première mondiale. Editeur : Pierre Vérany PV 796023. Diapason d’or, Prix de la Fondation Cini (Venise), etc.
Une soirée chez les Jacquin. 2 cds, ZigZag territoires, Diapason d’or, etc. Réédition 2006 Zebra collection ZZT2990701.2.

Film avec Gilles Thomé
Gilles Thomé est le personnage central du documentaire « MOZART, L’ENIGME K 621B » (52 mn, produit par Kalamazoo International et réalisé par Thierry Nutchey, Olivier Julien et Thierry Houlette ). Prix Spécial du Jury du Festival International du Film Musical de Prague en mai 1999. Non encore édité en dvd.

1791, la dernière année : Inspiration maçonnique, laboratoire instrumental et trilogie ultime (Titus, Le flûte, le Requiem)

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L’une des réévalutations majeures concerne la dernière période, l’ultime année 1791 où le compositeur ne cesse de produire des œuvres manifestement inspirées par son initiation à la Franc-Maçonnerie, en particulier comme membre de la loge « Zur gekrönten Hoffnung » (A l’espérance couronnée). L’année où il meurt est la plus féconde. Il écrit pour ses frères, le facteur Theodor Lortz et surtout le clarinettiste Anton Stadler. Si elles n’avaient été composées à quelques mois d’intervalles, la coloration instrumentale de la Flûte, de la Clémence de Titus et du Requiem, résonne de cette sonorité spécifiquement sombre, grave et spirituelle qui scelle d’une parenté évidente, les partitions composées en 1791.
Présence permanente des bassons dans l’orchestre de Titus, surtout clarinette : une clarinette en si bémol dialogue avec Sesto dans son premier grand air N°9 quand Mozart choisit un cor de basset (clarinette accordée en fa), l’instrument maçonnique par excellence pour accompagner l’air N°23 de Vitellia qui marque un tournant capital dans l’action de l’opéra seria. Le sujet de la Clémence de Titus est lui aussi profondément marqué par l’idéal de la Loge. La clémence ou le pardon est une valeur morale particulièrement honorée car elle suppose la générosité entre les êtres. Même si Mozart aborde en vérité ce thème dans plusieurs de ses œuvres lyriques antérieures : Idoménée (1781), L’enlèvement au Sérail (1782), la Clémence suit cette voie philosophique, et en constitue l’aboutissement.
Emblématique aussi de cette période et de la sensibilité de Mozart à la clarinette, une récente redécouverte vient enfin de lever le voile sur la « partition-esquisse » KV 621b dont personne ne pouvait jusque-là identifier pour quel instrument spécifique, Mozart l’avait écrite. C’est le clarinettiste français Gilles Thomé qui a déduit l’hypothèse d’un prototype instrumental, proche du cor de basset mais un cor de basset accordé en sol et destinataire de cette page mystérieuse. L’esquisse aurait été, comme d’autres compositions, écrite par le musicien lors des soirées chez les Jacquin à Vienne où le clarinettiste Stadler jouait les instruments fabriqués par le facteur Lortz. La pièce KV 621b prélude à ce qui sera en définitive le concerto pour clarinette K622, dédicacé à Stadler et composé en octobre 1791.
Voilà qui démontrerait l’engagement maçonnique de Mozart à Vienne, soucieux de renforcer et d’élargir son propre réseau de protecteurs et de relations afin d’obtenir opportunités et commandes. De fait, son activité musicale est l’une des plus intense alors et l’on est en droit de s’interroger sur la perspective selon laquelle, s’il n’était pas mort aussi rapidement, combien d’autres ouvrages aussi éblouissants aurions-nous été les héritiers ? Quoi qu’il en soit, toutes les œuvres de la fin, datées de 1791 portent une inspiration identique, d’une profonde et ample poésie. Un regard sur la mort, sur les valeurs humaines, sur le sens de la vie, brossés avec une tendresse et une vérité totalement inédites.
De même l’on commence à réévaluer la Clémence de Titus en resituant objectivement cet opera seria aux côtés des deux indiscutables sommets de l’inspiration mozartienne que sont la Flûte et le Requiem. De sorte que se préciserait une nouvelle trilogie dans laquelle le compositeur laisse un testament artistique exceptionnel dans trois registres complémentaires : l’élitiste aristocratique (Titus), le populaire universel (la Flûte), le spirituel (le Requiem). Il reste confondant qu’un seul créateur ait su relever le défi de les composer tous simultanément, quelques mois avant sa propre mort. Concentration des modes d’expressions distincts, qui montre là encore si l’on devait en douter, la remarquable capacité d’invention et d’inspiration de ce génie inégalé.

Jenamy devenu « Jeune homme » : la fausse identité du concerto pour piano N°9

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Le concerto pour piano N°9 KV 271 dit « jeune homme » fut en réalité écrit pour une pianiste virtuose. Jenamy et non pas « jeune homme » comme une tradition musicologique le prétendait. Derrière ce nom qui dans la correspondance de Mozart à son père prend la forme de « genomai » ou « jenomy », se cachait l’identité aujourd’hui retrouvée (par le chercheur Michael Lorentz) de la pianiste Victoire Jenamy. Acclamée à Vienne, dédicataire du concerto, – et peut-être commanditaire de l’œuvre à Vienne en 1776-, l’interprète était la fille du célèbre maître de ballet, grand ami de Mozart, Jean Georges Noverre. L’œuvre a été pour la première fois jouée sous son vrai nom de « Concerto Jenamy », au Konzerthaus de Vienne, le 18 mars 2004 par le pianiste Robert Levin sous la direction de Sir Roger Norrington à la tête de l’orchestre symphonique de la Radio de Stuttgart.
Durant son séjour à Salzbourg à la fin de l’année 1776 ou au début de 1777, la jeune virtuose du piano qui a quitté Vienne pour visiter son père à Paris, rencontre le jeune Mozart. Le second mouvement du concerto qui est un menuet serait un hommage au danseur Noverre. Mozart retrouvera la fille et la père à Paris quand il rejoint la capitale française au mois d’avril 1778. Née strasbourgeoise en 1749, -elle avant donc 28 ans au moment où Mozart lui compose le concerto qui porte désormais son nom-, Victoire Jenamy serait morte à Vienne en 1812, sans qu’aucun document n’ait prouvé ni les conditions de sa mort ni le lieu de sa sépulture.
Pour approfondir, cliquez ici

Illustration : Barbara Krafft (1819), portrait de Mozart.

90 ans de Yehudi Menuhin: l’hommage televisuel – Arte, le 22 avril

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Mort en 1999, il aurait eu 90 ans cette année, le 22 avril précisément. Hommage au « violon du XX ème siècle », Yehudi Menuhin. L’enfant prodige, devenu humaniste engagé, inspire en ce mois d’avril presse magazine (lire notre compte rendu du Monde de la musique en rubrique « cahier des médias ») et télévision, de Mezzo (18 avril à 14h45) à Arte (22 avril à 22h30). Retour sur un itinéraire d’exception, avec un résumé des programmes présentées sur le petit écran.

L’enfant montre des dispositions prodigieuses pour le violon. A 7 ans, il joue déjà la symphonie espagnole de Lalo avec l’Orchestre de San Francisco. Constatant le talent de son fils, Moshe Menuhin se décide à accompagner dès lors l’enfant prodige, n’épargnant rien pour lui permettre de gravir peu à peu les échelons d’une formation musicale exceptionnelle. Si son fils fait montre d’une précocité technicienne géniale, il faut aussi lui apporter les éléments nécessaires à sa propre maturité et sa réflexion musicale. Sous l’aile paternelle, le jeune Yehudi se forme en Europe auprès d’Enesco à Paris, d’Adolf Busch à Bâle. De retour aux States, le jeune adolescent âgé de 11 onze, donne un concert retentissant en 1927 : le concerto en ré de Beethoven sous la direction de fritz Busch au Carnegie Hall de New York, sa ville natale. C’est le début d’une gloire planétaire.

Au début des années 1930, débutent concerts et tournées. Le duo qu’il forme avec sa sœur cadette, la pianiste Hephzibah Menuhin, enchaîne les enregistrements dès 1934, et ce jusqu’à la mort de la jeune femme en 1980. L’aura du violoniste gagne une renommée internationale en 1935 quand âgé de 19 ans, il triomphe dans une tournée mondiale qui compte pas moins de 73 villes dans plus de 10 états.

Quand la guerre éclate, le jeune homme de 23 ans s’engage aux côtés des forces alliées, redoublant le nombre de concerts. En réponse à la déflagration des canons, il fait entendre le chant pacificateur de la musique. C’est d’ailleurs au nom des valeurs humanistes, où la musique est entendue comme une arme pacifique contre l’horreur de la barbarie, qu’il enregistre en 1947, le concerto en ré de Beethoven, sous la direction de Furtwängler. Il a défendu le chef allemand soupçonné de collusion passive avec le pouvoir nazi. Avec ce dernier, il enregistre plusieurs enregistrements légendaires des concertos de Beethoven, Mendelssohn, Brahms et Bartok.
La même année, il épouse se seconde épouse, Diana Gould. L’homme a toujours poursuivi une activité débordante au service de la musique. Musique de paix, arme de tolérance qu’il a professé avec la dernière ardeur. Curieux, il étend son répertoire aux compositeurs vivants : Bartok dès 1943. Interprète lumineux du Deuxième concerto pour violon et de la Première sonate pour violon et piano, Menuhin qui a gagné l’admiration de musicien hongrois, lui commande la Sonate pour violon seul, créée à New York en novembre 1946.

C’est dans ce contexte qu’âgé de 32 ans, il accepte de donner un concert à Hollywood. Arte nous offre le 22 avril prochain en un 52 mn réalisé par Günter Atteln, plusieurs extraits de ce concert complété par un entretien que le violoniste donna à son biographe de l’heure, Humphrey Burton. L’artiste évoque son combat contre la guerre, son engagement auprès de Furtwängler, et sa découverte de Bartok.

Anticonformiste, surtout doué d’une générosité fraternelle, il prend une position conspuée par la communauté juive américaine et israélienne, en affichant sa réserve à propos de l’état d’Israël et une sympathie visionnaire envers les Palestiniens.
Infatigable évangéliste d’une musique de plus en plus engagée, du moins très active dans le monde contemporain, Menuhin fonde le festival de Gstaad en Suisse et commence la direction d’orhestre (1956), dirige le festival de Bath en Angleterre (1959), fonde la Yehudi Menuhin School of Music (1963).
Autant de positions assumées et d’activités continues aiguisent son acuité critique sur le monde et le sens de son combat musical. Il dévoile les fruits de sa pensée en 1977 quand paraît une autobiographie « Unfinished Journey » qui souligne la quête d’un voyageur inspiré par la philosophie de l’Inde.
Les puristes ont souhaité défendre une vision réductrice et réservée de cet homme universel, en lui reprochant à partir des années 1940, une certaine instabilité technique, en particulier dans son bras droit. Mais loin d’atténuer sa sensibilité, cet handicap aura au contraire aiguisé son instinct musical et renforcer sa recherche d’un son de plus en plus subtil qu’on aime à définir comme « dématérialisé ». C’est son élève Bruno Monsaingeon, le réalisateur aujourd’hui célèbre pour avoir filmé le pianiste Glenn Gould, qui laisse plusieurs témoignages édifiants sur l’homme et l’artiste Menuhin.
Mezzo nous offre de son côté, plusieurs formats délectables en ce mois anniversaire dont ce N°41 de la collection « classic Archiv » qui regroupe plusieurs concerts filmés au début des années 1970 avec son fils, Jeremy Menuhin et sa sœur, Hephzibah, tous deux pianistes. Le père et le fils jouent en particulier avec la clarinettiste Thea King, le divertissement commandé à Bartok par Benny Goodman à la fin des années 1930.

Yehudi Menuhin au petit écran:
Mezzo – 18 avril, 14h45 (rediffusion : le 27 avril à 11h)
Grâce à la collection « classic Archives », la chaîne musicale nous permet d’entendre Yehudi Menuhin en 1973, accompagné par son fils, Jeremy, et sa sœur, Jephzebah (tous deux panistes), mais aussi par Théa King (clarinettiste) et Yit-Kin Seow (piano), dans Bartok, Bloch, Enesco et Ravel.

Arte – 22 avril, 22h30
Entretien et « concert magique » à Hollywood (1947). Documentaire 2006, 52 mn. Réalisation : Günter Atteln.

Discographie:
Le concerto en ré de Beethoven
Même s’il fut profondément marqué par les enregistrements effectués avec Furtwängler du Concerto en ré de Beethoven ( août puis septembre 1947, avec l’orchestre de Lucerne puis le Philharmonique de Berlin ; en avril 1953, KingswayHall de Londres) au point de ne vouloir jouer l’œuvre qu’avec le chef allemand, Menuhin l’enregistrera par la suite avec Silvestri, Klemperer et Masur. Toutes les lectures témoignent de sa capacité à renouveler son inspiration favorisant toujours un sens aiguë de la densité expressive et de la lumière.

1CD EMI 5 66975 2 (1952) + concerto pour violon de Mendelssohn. Orchestre Phil. De Berlin, direction : Wilhelm Furtwängler.

Bartok
Emblématique de la rencontre miraculeuse de Menuhin et de Furtwängler après la guerre, le concerto pour violon, ici couplé avec la sonate pour violon seul dont le violoniste est le dédicataire, reste indiscutable.
1 CD EMI 5 74799 2.

Enesco
Voici un témoignage unique sur la maturité musicienne du jeune Menuhin dans une œuvre de son « maître » parisien, Enesco.
Sonate pour violon et piano N°3 + Szymanowski, Prokofiev, Ravel. A. Balsam et M. Gazelle, pianos.
1 CD EMI 5 65962 2 (1936).

Dvdthèque:

« The violin of the century ». 1 DVD EMI classics DVB 3101889. Réalisé par Bruno Monsaingeon

Entretien avec Diana Baroni

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Flûtiste et membre fondateur du Café Zimmermann, Diana Baroni suit des chemins de traverse, entre musique baroque savante, et tradition orale. Un album remarqué, consacré aux valses péruviennes du XVIIIème siècle, “son de los diablos”, et paru chez Alpha, avait permis de découvrir la défricheuse inventive, au demeurant superbe chanteuse, capable de renouveler l’approche des répertoires mêlés, entre pratique ancienne et musique populaire. Son approche du Baroque croise aussi l’histoire des métissages, et la mixité des cultures, entre l’Europe et les Amériques. Bilan sur son travail, évocation des projets et perspectives. Nous l’avons rencontrée au moment où elle s’apprête avec ses partenaires de Café Zimmermann, à jouer le 26 avril, la Messe en si de Jean –Sébastien Bach (Eglise Saint-Roch à Paris). Rencontre.



Parlons tout d’abord de votre cd paru chez Alpha « Son de los diablos », un programme inédit de musiques péruviennes du XVIIIème siècles. Pouvez vous nous dire sur quelles options interprétatives vous êtes vous appuyée, pour restituer la sonorité et le chant?

Même si le point de départ de notre travail s’appuie sur le manuscrit de Don Baltasar Martinez Compañon, j’ai privilégié une approche plus intuitive que véritablement ethnologique. La restitution que nous avons proposée, offre des propositions, des hypothèses. Il faut mettre en question la valeur des sources écrites. Martinez Compañon lui-même a retranscrit avec ses oreilles et selon ses possibilités, ce qu’il entendait dans les rues. Son témoignage des musiques populaires du Pérou baroque est une restitution subjective. Ce que nous avons voulu réaliser, c’est actualiser le message du manuscrit en le replaçant dans le contexte de la pratique populaire actuelle, telle qu’elle nous est parvenue. Ceci a autant de valeur voire de légitimité que ce qu’a pu entendre Don Baltasar à son époque. Ce que nous entendons aujourd’hui dans les rues de Lima, vient de la même origine, transmise par la tradition orale.
Il s’agit d’une musique extrêmement riche qui puise à différentes sources musicales. Il y a les sources indigènes, africaines et espagnoles. Tous ces ingrédients en quelque sorte se sont mêlés naturellement dans la pratique et l’inspiration populaire, selon une tradition de l’interprétation qui n’a jamais été écrite.



Savons-nous dans quel but véritable, Don Baltasar a voulu réaliser cet important manuscrit de partitions?

Nous n’avons pas beaucoup d’éléments, mais on peut bien déduire que son objectif principal était d’enregistrer, à la manière d’une Histoire Générale, la culture des peuples indigènes qui l’entouraient. Il était très cultivé, avait été formé en philosophie et en littérature et avait probablement cette curiosité universelle, propre aux hommes de son milieu à cette époque. En 1779, il est nommé par le Roi d’Espagne, Evêque de Trujillo, ville côtière péruvienne du Pacifique nord. Sa carrière au Pérou est bien documentée entre 1781 et 1790, avant son départ en Bolivie. Sur un ensemble de 20 volumes d’aquarelles et dessins, dont le 2ème contient la collection de «tonadas », nous avons sélectionné six morceaux qui nous semblaient représenter au mieux, les diverses influences dont nous avons parlées. Celles-ci forment la sphère culturelle que l’on a coutume d’appeler « afro-hispanique », issue des traditions de l’Afrique noire, de la tradition créole et indigène.

Mais alors quels sont vos instruments, et votre style vocal?

En ce qui concerne la restitution sonore, je me suis essentiellement appuyé sur la tradition populaire toujours vivante dans la musique afro-péruvienne. Nous avons donc privilégié la famille des guitares traditionnelles nées de la guitare baroque, dans les Amériques comme la vihuela, el cuatro, el ronroco…, mais en intégrant aussi les instruments indigènes mis en avant aujourd’hui, comme la quena et la zampoña. Il n’existe à ce sujet aucun témoignage d’époque qui atteste l’utilisation de flûtes traversières. Or nous savons –grâce aux aquarelles de l’époque- que certains colonisateurs ont amené avec eux des flûtes. D’ailleurs, des catalogues documentées à Chiquitos, témoignent que les instruments d’origine européenne, apportées par les colons jésuites, ont été immédiatement adoptés par les indigènes…
Le style de chant que j’ai choisi dans le disque, est là aussi une option personnelle. J’ai puisé dans la tradition populaire des années 1940 /50 du Pérou, où il existait une culture très forte autour de la valse et des origines musicales créoles. Nous pouvons dire qu’à l’époque, la valse est pour le Pérou ce que le tango est à l’Argentine. La valse était dansée et chantée dans les salons, aux côtés du fandango et de la polka. Personnellement, je n’ai pas le style ni la technique d’une chanteuse lyrique, aussi je me suis naturellement tournée vers une tradition que j’aime entendre et dont je me sens proche. Il s’agit d’un chant simple, sans effet, sans vibrato. J’ai souhaité aussi me rapprocher autant que possible de la couleur spécifique des voix métisses, telle qu’a pu la préciser, Nicomedes Santa Cruz qui a fait des recherches précieuses à ce sujet .
Il faut insister sur le fait que l’entreprise encyclopédique de Don Baltasar en définitive, n’a pas été achevée. Il n’a pu parvenir à sa pleine réalisation. Le parallèle entre la tradition orale héritée de la musique populaire et les tonadas du XVIIIème siècle, s’appuie sur le fait que chacune était dansée et chantée.



On aime distinguer musique baroque dite « savante » d’un côté, musique traditionnelle dont les sources sont populaires et transmises oralement, de l’autre : en vérité, les deux musiques sont indissociables?

L’exemple des manuscrits dont nous parlions en témoigne. A l’origine musique populaire, les tonadas transcrites dans un manuscrit par Don Baltasar, témoin du XVIIIème siècle, ne doivent rien perdre de leur saveur traditionnelle et populaire. C’est tout l’enjeu esthétique de notre approche. Il faut toujours préserver son regard critique vis-à-vis des partitions écrites. D’ailleurs il est troublant de constater que les images dessinées sur le manuscrit présentent de grandes similitudes avec les processions du Carnaval actuel au Pérou. La musique de tradition orale s’est pleinement transmisse sans jamais avoir été écrite.
Par ailleurs, je crois que la connaissance de la tradition populaire peut beaucoup apporter à l’interprétation en général ; en ce sens qu’elle préserve ce que les questions de style tendent à assécher. La musique traditionnelle favorise la fraîcheur, la spontanéité, la liberté de l’improvisation ; bien sûr, dans le respect de règles précises, mais jamais au détriment de la libre expression du chanteur ou de l’instrumentiste. Ajoutons qu’à l’époque baroque, l’usage n’était pas comme aujourd’hui au respect des partitions écrites et imprimées. Rares étaient les œuvres précisément notées. En effet, l’instruction des interprètes était très approfondie, puisque la transmission était vitale et indispensable. Je crois que d’une certaine manière, les musiciens baroques aujourd’hui recherchent dans l’interprétation des traditions populaires, une souplesse et une fantaisie que certains répertoires baroques ont tendance à étouffer, par habitude, et presque par académisme. N’oublions que les plus grands compositeurs, tels Bach, Telemann, Haendel, ont intégré dans leurs compositions, nombre de danses ou d’airs populaires…
A ce titre l’approche de Christina Pluhar et de son ensemble l’Arpeggiata dans leur programme « La Tarantella » est très révélatrice. Il y a sans doute beaucoup en commun entre l’esprit des chansons napolitaines et les musiques afro-hispaniques du Pérou au XVIIIème siècle !


Sur quelle nouvelle matière musicale travaillez-vous?

Autant les « Son de los diablos » tentaient de restituer la richesse sonore de la musique traditionnelle péruvienne baroque, en particulier les métissages afro-hispaniques, autant, dans mon nouveau projet « Nuevos cantares del Perù », je me suis intéressée aux origines et couleurs hispaniques de la musique. En particulier en mettant en avant les cordes : harpe, guitares baroques et traditionnelles, et quatuor. Notre nouvel album sortira d’ici mai 2006, grâce à une subvention de la ville de Rosario, ma ville natale, il est publié par le label argentin BlueArt. Les musiques que nous avons sélectionnées regroupent les résultats d’une résidence artistique que nous avons pu mener en Espagne. Je vous invite à consulter le site www.espacioinfoculture.info. L’axe en est la valse créole, mais il s’agissait également de renouer avec le travail de Santiago de Murcia qui au début du XVIIIème siècle, s’est lui aussi, inspiré des musiques et rythmes provenant des colonies, en recréant à partir de sa culture hispanique, la couleur des métissages.
La valse est comme nous l’avons évoqué, le genre musical le plus important au Pérou « indépendant et libre » après les années des colonies. Beaucoup de compositeurs ont écrit pour la valse dans les années 1930/40, et un regain d’intérêt l’a vue refleurir, en éditions discographiques et partitions, à partir des années 60. Ce répertoire me permet aussi d’emprunter les pas d’une immense chanteuse péruvienne que j’admire particulièrement, Chabuca Granda. Elle est née à Lima dans une grande famille aristocratique mais a mené sa carrière de chanteuse en étant proche du peuple. Elle a beaucoup puisé dans la tradition créole et noire pour écrire ses propres compositions. Elle s’est éteinte en 1983.


Vous jouerez le 25 mai prochain dans le cadre du Lufthansa Baroque Festival à Londres. Pouvez-vous nous parler du programme de ce concert?

En liaison avec notre travail sur les cordes, j’ai proposé à Kate Bolton, la directrice artistique du Festival, d’inviter un quatuor à cordes afin d’ajouter à notre trio que je constitue avec Quito Gato (guitare baroque, cuatro, pianoforte), et Lincoln Almada (harpe et cajon), la sonorité spécifique que je recherche. Nous avons ainsi pu rencontrer le Quatuor Brodsky dont le répertoire va de Chostakovitch à Elvis Costello, et Bjork ! Et j’ai établi avec eux, un échange artistique très enrichissant. Pour moi, il s’agit d’ouvrir de nouvelles portes, de laisser libre le champ de l’expérimentation et de la recherche. Le Brodsky devenait ainsi le partenaire idéal ! Lorsque j’ai présenté notre travail, réalisé pendant la résidence en Espagne en 2005, les membres du Quatuor ont été emballés. Nous avons mêlé nos idées et avons conçu un programme marqué par les métissages afro-hispaniques dans les colonies des Amériques des XVIIème et XVIIIème siècles… nous avons souhaité confronté notre propre regard, davantage familiers des traditions anciennes, au répertoire des musiques actuelles. Ainsi, la commande du Festival au compositeur argentin contemporain Gerardo Gandini, une chanson de Osvaldo Golijov, une pièce pour quatuor du mexicain Mario Lavista et de son élève, Javier Alvarez , complèteront ce concert.
J’ai souhaité également que soit abordée une œuvre de Ginastera –enseignant de Gandini- , qui reste d’une certaine façon, le compositeur argentin le plus marqué par les traditions musicales folkloriques –comme Bela Bartok, d’ailleurs- . La figure emblématique de Chabuca Granda sera évidemment présente.
Tous expriment le désir de défendre une identité propre à partir de leurs racines multiples. Les métissages, la confrontation féconde des cultures, le récit des filiations, l’essor d’une identité polymorphe en partage, est le cœur de notre travail.


En tant que membre du Café Zimmermann, quels sont vos projets, proches et futurs?

Nous avons en 2006, le projet d’un dvd qui sera réalisé par Guy Perra autour de l’Offrande musicale de Jean-Sébastien Bach. Le film sera tourné en juillet prochain avec comme clés d’approche, le travail des musiciens sur l’une des partitions les plus importantes de la musique baroque, et aussi une histoire en images qui donnera le fil conducteur du film. Nous nous retrouvons tous en avril pour les premières séances de travail.
Avec tous les instrumentistes de Café Zimmermann, nous jouons les concerts et suites de Johan Sebastian Bach et un programme de concerts et symphonies pour cordes de son fils, Karl Philip Emmanuel. Dans le futur, nous envisageons d’aborder les symphonies Hambourgeoises.
En collaboration avec Les Eléments et Joel Suhubiette, nous reprenons en tournée, la Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach, en avril.

Concerts:
Paris.Le 26 avril, à 20h30.
Bach, Messe en si. Les Eléments, Café Zimmermmann, direction : J. Suhubiette.
Paris, église Saint-Roch. Renseignements : 01.48.24.16.97

Londres.Le 25 mai à 19h30
Lufthansa festival Festival Music (4 – 27 mai 2006)
Brodsky quartet, Diana Baroni Trio
Tonadas, cantares, valses de l’époque post-coloniale
St-John’s, Smith Square, Londres.
www.lufthansafestival.org.uk

Disques:
“Son de los diablos”. Tonadas afro-hispaniques du Pérou. Sapukai, direction : Diana Baroni. Enregsitré à Paris, en mai 2002. 1 cd Alpha, collection “les chants de la terre”, Réf.: Alpha 507.

On sait que le recherche de Diana Baroni cible les intonations justes, au carrefour du respect des indications des manuscrits abordés, et de la pratique encore actuelle dans la rue péruvienne. De fait, qui a assisté au carnaval de Lima, serait frappé de retrouver ici les consonances et la vitalité rythmique pourtant vielles de plus de deux cents ans. La « danza de carnaval » : son de los diablos qui donne le titre de l’album est le parfait révélateur de cette tentative réussie. En plus d’une attention particulière à l’expression, aux accents, les instrumentistes recomposent un instrumentarium superbement ciselé, théâtral, précis. Des partitions écrites par Don Balthazar Martinez, évèque de Trujillo (une cité de la côte nord du Pérou) qui fut fasciné par la richesse des chansons populaires du XVIIIème siècle, Sapukai ressuscite l’esprit de la musique, musique habitée par les percussions et le grain de la harpe et de la voix, celle de Diana Baroni, véritable instrument fluide et imagé. Il faut beaucoup de liberté dans le geste, et d’imagination grâce à la culture et la connaissance des populations dont il est question, pour dépoussiérer ces anciennes chansons populaires, pour leur redonner vie. La musique de ces valses créoles péruviennes baroques nous rappellent que l’art est ici fruit des métissages entre esclaves noirs, colons espagnols et indigènes andins. Nostalgie de Vals peruano (flûte et harpe, jubilatoires respectivement de Diana Baroni et de Lincoln Almada).
Souvent la rage cadencée compense une douleur d’ancienne mémoire, celle des esclaves et des indigènes soumis aux lois de la colonisation.Insouciance tout apparente qui inspire une superbe berceuse (Zana negra), ou des sections au dramatisme quasi théâtral (No, Valentin) Par « tonada », il faut comprendre une chanson jouée et dansée. Le choc des cultures s’exprime totalement dans ce brasier des rythmes et des balancements pointés. Ni vraiment baroque au sens classique du terme ni musique du monde, le présent album ouvre une voie médiane, celle du baroque populaire tout aussi honorable que la musique des salons. Or les grands compositeurs, de Haendel à Bach, de Vivaldi sans omettre Lully, ont souvent puisé dans les chansons de la rue pour écrire leur propre opéra. Nul doute que Diana Baroni, avec une intuition délectable, nous offre la découverte d’un répertoire à retrouver d’urgence. AP

“Nuevos cantares del Perù”, à paraître d’ici mai 2006 chez BlueArt.

Sites:

http://www.dianabaroni.com

http://www.espacioinfoculture.info

Claudio Monteverdi (1567-1643): Le Couronnement de Poppée

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Classiquenews.com vous permet de préparer votre soirée opéra ou votre découverte de l’oeuvre, en vous apportant une présentation de l’ouvrage. Voici un éclairage synthétique sur le chef d’oeuvre lyrique de Claudio Monteverdi. Révisez vos classiques ! La Rédaction

Claudio Monteverdi (1567-1643): Le Couronnement de Poppée


L’incoronazione di Poppea, dramma per musica en un Prologue et trois actes,
Livret de Busenello, d’après les Annales de Tacite (Livre XIV), créé à Venise en 1642

Genèse: L’Incoronazione ne couronne pas seulement la favorite de Néron : Poppée. Elle marque l’apothéose de la vie et de la carrière de son auteur. Monteverdi est à Venise depuis 1613, l’année où il a été nommé pour diriger l’institution musicale la plus prestigieuse de l’Italie baroque : la chapelle de la Basilique Saint-Marc, rattachée au prestige du Doge et de la Sérénissime. C’est un compositeur reconnu et respecté qui achève après Orfeo (1607), -œuvre visionnaire de la jeunesse-, son travail dramaturgique avec cet Incoronazione de 1642, à laquelle succède l’année suivante, l’ultime testament, Le retour d’Ulysse dans sa patrie. Poppée est un nouveau chef-d’œuvre lyrique qui recueille l’expérience de la maturité. L’œuvre illustre la vitalité du foyer vénitien au milieu du XVII ème siècle : l’opéra public, ouvert à l’élite et aux princes mais surtout au peuple, -sous condition qu’il paye sa place-, y a été créé en 1637. Poppée incarne un sommet de l’inspiration au moment où Venise après Florence et Rome, donne le ton. L’opéra à la française n’existe pas encore. Monteverdi laisse un modèle lyrique que perpétueront, chacun, selon leur style, ses élèves, Cavalli, Cesti, Ferrari, autant de noms hier méconnus, aujourd’hui mieux identifiés, qui appartenant au laboratoire musical regroupé autour du Maître, alors âgé de 76 ans, ont, pour certains, composé quelques parties de l’Incoronazione.

L’œuvre: Inspiré des Annales de Tacite (Livre XIV), le sujet se concentre sur le couple Néron/Poppée. Il en fait l’archétype d’une passion amoureuse à laquelle rien -ni personne ni valeur (en particulier Fortune et Vertu incarnées au Prologue)- ne peuvent s’opposer. Aucune source fiable ne précise la date de création (probablement fin 1642) ni les conditions techniques (quel orchestre, quel déploiement scénique, pourquoi les danses y sont-elles quasi absentes alors que d’Orfeo à Ulysse, le ballet est un élément constitutif du drame montéverdien et plus généralement vénitien ?). Les deux partitions parvenues (conservées à Venise et à Naples) sont postérieures à la création de 1642 et révélatrices du contenu des reprises. Elles dévoilent la collaboration des « disciples » (Cavalli, Ferrari) et des contemporains de l’auteur (Francesco Sacrati et Filiberto Laurenzi). Ces apports furent-ils décidés au début de la genèse ou sont-ils propre aux reprises après la mort du compositeur ? Faudrait-il changer notre regard sur l’œuvre et plutôt que de « dramma per musica », l’appeler, comme l’ouvrage créé à la même période que Poppée : La Finta Savia, de « musica di diversi » (œuvre collective)?

Les clés: La partition est l’œuvre d’un génie moderne qui depuis Orfeo n’a cessé d’innover pour la réforme de la langue musicale. Tout son travail recherche à articuler et expliciter le texte afin d’exprimer les passions de l’âme au travers d’une action cohérente. Père de l’opéra, Monteverdi pose dès ses premiers ouvrages les fondements du genre. L’articulation du mot est ici l’objectif de toute une vie, vécue dans une élaboration progressive depuis ses livres de madrigaux jusqu’aux drammas per musica des années 1640. Avec Orphée, Monteverdi dévoile la toute puissance magicienne de la musique. La lyre du poète chanteur sait infléchir les dieux. Mais l’opéra est une tragédie, selon le modèle des tragédies grecques, et Orphée même s’il libère Eurydice des Enfers, la perd aussitôt car il n’est pas maître de ses propres passions. Maîtrise ta nature, connais toi, toi-même. Avec Poppée, la désillusion s’aggrave : Néron incarne en un degré supérieur le comble de la possession aveugle : il est bel et bien esclave du désir que suscite la belle et ineffable tentatrice. Triomphe d’un érotisme délicieusement vénéneux, le livret de Busenello est frappé du sceau d’un cynisme non moins effrayant. Le Philosophe Sénèque n’échappe ni à la rumeur populaire ni aux rets de l’indiscutable Poppée : elle obtient de Néron la mort du vieillard. Le pouvoir politique préfère ici s’enivrer des vertiges du sexe que profiter des leçons du stoïcien. Incontinence d’un jeune Empereur, intrigues et cruauté d’une ambitieuse, sacrifice de la raison, perte de toute valeur morale : le tableau de la Rome antique, choisi par les auteurs, est des plus décadents.

Comprendre aujourd’hui l’Incoronazione, c’est remarquer l’équilibre de la vision poétique entre l’expression d’un érotisme dévorant et les preuves terrifiantes d’un monde qui a perdu ses valeurs : ici, Poppée envoûte littéralement sa victime (Néron) : « Signor, deh, non partire… » (acte I), scène d’une sensualité murmurée, hypnoptique, à laquelle répondent, à l’acte II, sur le même mode obsessionnel, le duo de Néron et de Lucain, ivresse à deux voix masculines ; puis le duo final Néron/Poppée (pur ti miro, pur ti godo), chant de l’amour triomphant, qui a été réattribué à Benedetto Ferrari. Sur l’autre versant de l’œuvre, symbole d’une lecture désenchantée , le long monologue puis la mort de Sénèque, enfin la déploration de ses disciples sur son cadavre (Acte II) illustrent sans équivoque ce monde perdu qui a plongé dans l’horreur.
Sur le plan esthétique, Monteverdi, maître des contrastes, sait aussi développer la veine comique voire bouffone au travers des personnages secondaires, en particulier les servantes de Poppée (Arnalta) et d’Octavie (Nutrice). Grotesques voire délirantes, elles n’en sont pas moins frappées du bon sens. Cette savante alliance du comique et de l’héroïque demeure emblématique de la liberté poétique avec laquelle le compositeur caractérise sa galerie de portraits et d’individualités.

Distribution: Prologue : Fortune, Vertu, Amour (sopranos). Ottone (alto), Poppea (soprano), Nerone (soprano), Arnalta (Alto), Ottavia (soprano), Nutrice (alto), Seneca (basse), Valetto (soprano), Damigella (soprano), Lucano (tenore).

Les Noces de Figaro

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A l’occasion des représentations des Noces de Figaro de Mozart à l’Opéra de Montpellier à parti du 16 et jusqu’au 28 avril, classiquenews.com vous permet de préparer votre soirée en consultant notre « fiche opéra » . Vous y trouverez un éclairage synthétique sur l’œuvre. Révisez vos classiques.

La Rédaction


A l’affiche:

Opéra de Montpellier, les 16 (m), 18, 23 (m), 25 et 28 avril
Avec Darren Jeffery, Carolyn Sampson, Stéphane Degout, Simone Nold, Stéphanie Atanasov… Mise en scène : Franziska Severin, Friedemann Layer (direction musicale). Réservations : 04.67.60.19.99. Informations: http://www.opera-montpellier.com



Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791): Les Noces de Figaro



Les Noces de Figaro
(Vienne, Burgtheater : 1er mai 1786 sous la direction du compositeur – reprise à Vienne, le 29 août 1789)
Opéra buffa en quatre actes – livret de Lorenzo da Ponte d’après la comédie de Beaumarchais : La folle Journée.

Genèse: quoique Da Ponte dans ses Mémoires ait déclaré à l’encontre du texte de Beaumarchais, sa soi disante inconvenance et la nécessité d’en retirer la veine séditieuse pour la rendre audible du public Viennois, c’est bien Joseph II qui souhaitait une adaptation lyrique de la pièce française. A plusieurs reprises, le comte Rosenberg, directeur des théâtres de Vienne, réclame à Mozart la partition.

L’œuvre: vis-à-vis de l’original, le livret de Da Ponte semble expurgé de toute critique sociale.. rien n’est plus faux en vérité car c’est la musique de Mozart, habile à exploiter les ressources de l’écriture opératique, qui se délecte à rétablir dans ses choix d’écritures et de styles, l’allusion des appartenances de rang. Les Noces comportent dans les choix musicaux, des références très claires au registre héroïque, comique, pittoresque. A ce titre, la partition est une peinture sociale foisonnante qui n’évite aucun trait de conflit ni aucune opposition.
Bien au contraire, ces Noces Viennoises relisent le texte de la Folle Journée en condensant ses aspects les plus originaux sans trahir la pertinente analyse des caractères. L’opposition du clan Figaro/La Comtesse/Suzanne contre l’autorité du Comte ne perd rien de sa géniale vérité.

Les clés: opéra d’une contestation habilement retranscrite, les Noces sont aussi une partition féministe. Marcelline, Suzanne, La Comtesse offrent une palette de sensibilités psychologiques idéalement exprimées. Par elles, les hommes apprennent à reconsidérer le rapport à l’autre. Au sommet de la peinture des passions, le personnage de Chérubin donne la clé d’un ordre sommaire, celui des hommes dont le jeu politique voudrait contraindre la libre expression de la psyché. En Chérubin, il faut reconnaître la force irrépressible du désir et du sentiment. Là, rapport des classes ; ici, loi des affections souveraines. Tout est dit dans la musique jusqu’à l’ivresse des sens. Une catharsis collective que le quatrième acte apaise d’autant plus grâce à la scénographie orchestrée par la Comtesse, dans laquelle l’homme (le Comte et Figaro) sont initiés au rite suprême : l’apprentissage du respect de l’autre.
Dans l’histoire de l’opéra où l’on s’est plu souvent à distinguer l’élément moteur, entre le texte et la musique, Les Noces proposent grâce au génie dramaturgique de Mozart, certes parfaitement aidé de Da Ponte, un accomplissement : ici, la dramaturgie musicale offre un équivalent au théâtre parlé.

Distribution: Figaro (basse), Suzanne (soprano), Docteur Bartholo (basse), Chérubino (soprano), Marceline (soprano), Comte Almaviva (baryton), Don Basilio (ténor), Comtesse Almaviva (soprano), Antonio (basse), Don Curzio (ténor), Barberine (soprano).


Discographie sélective:

Herbert Karajan: George London, Elisabeth Schwarzkopf, Irmgard Seefried, Erich Kunz, Sena Jurinac… Chœur de l’Opéra de Vienne, orchestre philharmonique de Vienne. Emi 2 cds, 1950.

Erich Kleiber: Alfred Poell, Lisa della Casa, Hilde Güden, Cesare Siepi, Suzanne Danco, Hilde Rössel-Majdan… Chœur de l’opéra et Philharlmonique de Vienne. Decca 2 cds, 1959.

Carlo Maria Giulini: Eberahrd Wächter, Elisabeth Schwarzkopf, Anna Moffo, Giuseppe Taddei, Fiorenza Cossotto…Philharmonia. Emi 2 cds, 1960.

Karl Böhm: Dietrich Fischer-Dieskau, Gundula Janowitz, Edith Mathis, Hermann Prey, Tatiana Troyanos… Opéra de Berlin. DG 3 cds, 1968

Geor Solti: Thomas Allen, Kiri te Kanawe, Lucia Popp, Samuel Ramey, Frederica Von Stade, Jane Berbié, Kurt Moll, Robert Tear… Orchestre philharmonique de Londres. Decca 3 cds, 1982

René Jacobs: Patricia Ciofi, Simon Keenlyside, Véronique Gens, Lorenzo Regazzo, Antonio Abete… Nicolau de Figueiredo, pianoforte. Concerto Köln. Harmonia Mundi.

Dvdthèque:
Karl Böhm: Dietrich Fischer-Dieskau, Kiri te Kanawa, Mirella Freni, Hermann Prey, Maria Ewing, Heather Begg… Philharmonique de Vienne. Mise en scène : Jean-Pierre Ponnelle. DG, 1976.

Kaija Saariaho, Adriana Mater

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Initiées en février dernier, les répétitions de nouvel opéra de Kaija Saariaho ont permis à la compositrice de retrouver ses complices réunis autour d’elle pour son premier ouvrage lyrique, L’Amour de loin : l’écrivain libanais Amin Maalouf qui signe à nouveau le livret, le chef Esa-Pekka Salonen et le metteur en scène, Peter Sellars. Les premières représentations d’Adriana Mater à l’Opéra Bastille, ont démontré la distance prise avec son premier ouvrage lyrique.

Celle qui s’était détournée du théâtre, avait l’habitude des œuvres écrites dans le silence et la solitude, nous revient donc six ans plus tard avec une partition dense, écrite dans la collaboration proche de ses partenaires, en particulier Peter Sellars auquel la partition est dédiée.
Si l’Amour de loin s’inspire de la légende du troubadour Jaufré Rudel (Festival de Salzbourg, 2000) sur un registre onirique où l’action est plus suggérée que réalisée, Adriana Mater s’inscrit immédiatement par la violence du sujet et la consistance de la musique dans notre propre époque : une époque barbare. La force de l’œuvre tient à la combinaison réussie d’une intrigue tragique mais non exempte d’espoir, et de références à peine voilées à notre histoire la plus récente.

Les prénoms des protagonistes par exemple évoquent par leur consonance, le Kossovo et la Croatie.. tout au moins un pays balkanique qui était, encore, à la fin du dernier siècle, à feu et à sang. Engagé, dénonciateur : l’opéra l’a toujours été. Mais ici à la tension parfois incantatoire et même hypnotique du livret, s’associe la magie de la musique. Avec Adriana Mater, Kaija Saariaho dénonce l’horreur des violences contemporaines, la guerre animale, le viol et la barbarie.

Cependant comme L’Amour de Loin, Adriana mater met en lumière des thèmes universels qui dépassent l’anecdote historique. En cela, les personnages doivent être compris comme des archétypes porteurs de leur propre espérance. Au cœur de l’ouvrage, il y a cette apologie tendre de la maternité, qui permet au comble de l’horreur, ce basculement inespéré où l’homme reprend raison, respect, dignité. De la barbarie à l’humanité. La compositrice dont l’idée de la maternité s’est présentée aussitôt pour son nouvel ouvrage, précise aussi avoir été frappée par une image lorsqu’elle était enceinte : l’idée des deux cœurs réunis, celui de son enfant et le sien, battant chacun à leur propre rythme. Cette image s’est inscrite dans l’œuvre, à la source même de l’inspiration : le battement parallèle, décalé ou à l’unisson des deux cœurs renvoie à la pulsion et au rythme musical, à la vie elle-même avec d’autant plus de force dans un contexte de guerre et de cruauté où l’anéantissement menace.

Opéra Bastille, depuis le 30 mars et jusqu’au 18 avril. Avec Patricia Bardon, Solveig Kringelborn, Stephen Milling/Jouni Kokora, Gordon Gietz, chœur et orchestre de l’Opéra de Paris, direction : Esa-Pekka Salonen. Mise en scène : Peter Sellars.

Mozart, le Requiem version Sigismund Neukomm, 1819 – France Musique, le 14 avril, 15h.

Le fonds des manuscrits conservés au Nouveau Monde recèlent bien des trésors. Quand fut découverte à Rio de Janeiro, une partition manuscrite d’un certain Sigismund Neukomm, les esprits s’échauffèrent : il semblait alors qu’on avait découvert « la » version recherchée du Requiem de Mozart, laissé inachevée par le compositeur mais « recomposée » par son élève Süssmyar.

En approfondissant les recherches, ce document de 1819, écrit par le compositeur Salzbourgeois, fut composé comme une proposition de conclusion. Or il est intéressant de connaître les sources d’après lesquelles Neukomm recomposa de son côté, le Libera me. Elève de Joseph Haydn à Vienne, on peut penser qu’il eut quelque accès à des sources originales, conférant à sa version, une once d’ « authenticité ».

En fait, arrivé à Rio de Janeiro en avril 1816, il ne fait que participer à un grand événement commémoratif. Il ne fut pas l’introducteur de la connaissance de Mozart sur le continent sud américain. Il en fut un actif propagateur, dispensant en Salzbourgeois natif, les informations qu’il avait en sa possession sur Mozart. C’est avec un compositeur mulâtre, José Mauricio Nunes Garcia, célèbre à Rio, qui d’ailleurs connaissait parfaitement la partition, que le musicien européen décida de réécrire aux endroits lacunaires, le Requiem de Mozart pour la fête de Sainte Cécile, afin de célébrer la mémoire des musiciens Brésiliens, décédés dans l’année 1816.

Le reste reste pure spéculation.

En conclusion, qu’avons-nous? Une seconde version pour un Libera me demeurée inachevé. Qu’il s’agisse ou non d’un élément important sur le plan de la musicologie mozartienne, cet avatar imprévu, aux antipodes de Vienne et de Salzbourg donne une nouvelle résonance à la figure de Mozart !
France musique nous offre la captation du concert donné le 9 avril dernier au Théâtre du Châtelet à Paris et qui s’appuie sur les indications de la version Neukomm du Requiem de Mozart.

Wolfgang-Amadeus Mozart Requiem (version complétée par Sigismund Neukomm – 1778-1858). Avec Hjördis Thébault (soprano), Dominique Visse (contre-ténor), Simon Edwards (ténor), Alain Buet (basse), Chef de choeur : Jean Sourisse, Choeur Oratorio de Paris, La Grande Ecurie et La Chambre du Roy. Direction : Jean-Claude Malgoire
Le cd est paru label K617, mais Gemma Coma-Alabert, mezzo soprano, y remplace Dominique Visse.
La partition du Libera me, version Neukomm, est consultable sur le site http://www.lecouvent.org.

Toulouse: le Couronnement de Poppée de Monteverdi jusqu’au 16 avril

Le Capitole toulousain accueille l’opéra Vénitien du XVIIème siècle. Et non des moindres, puisque Christophe Rousset et les Talens lyriques abordent jusqu’au 16 avril, le chef d’œuvre des opéras de Claudio Monteverdi, Le Couronnement de Poppée.

L’œuvre créée en 1642, ne couronne pas seulement la favorite de Néron : Poppée. Elle marque l’apothéose de la vie et de la carrière de son auteur. Monteverdi est à Venise depuis 1613, l’année où il a été nommé pour diriger l’institution musicale la plus prestigieuse de l’Italie baroque, la chapelle de la Basilique Saint-Marc, rattachée au prestige du Doge et de la Sérénissime. C’est un compositeur reconnu et respecté qui ose cependant avec son librettiste Busenello, illustrer l’histoire romaine avec cruauté et cynisme.

Un empereur (Néron) soumis aux envoûtements d’une intrigante (Poppée). En suscitant la répudiation de l’impératrice en titre (Octavie) et l’assassinat de Sénèque, la triomphale Poppée impose sa propre loi, celle d’un érotisme sans moral, cruel et barbare. Monteverdi impose une manière capitale que perpétueront chacun selon leur style, ses élèves, Cavalli, Cesti, Ferrari, autant de noms hiers méconnus, aujourd’hui mieux identifiés qui appartenant au laboratoire musical regroupé autour du Maître alors âgé de 76 ans, ont pour certains, composé quelques parties de l’Incoronazione. Comme l’admirable duo final, attribué aujourd’hui à Ferrari.

Pour illustrer son propos, le chef Christophe Rousset a réuni un plateau de jeunes chanteurs déjà aguerris à l’expression des passions baroques. Nul doute qu’aux côtés des chanteurs, les instrumentistes des Talens lyriques sauront apporter leur soin particulier à une partition majeure.


Claudio Monteverdi (1567-1643), Le Couronnement de Poppée, dramma per musica en un Prologue et Trois actes, (L’incoronazione di Poppea, Venise 1642). Avec:
Fortuna/Valetto: Giorgia Milanesi, Virtu/Damigella/Pallade: Raffaella Milanesi, Amore: Khatouna Gadelia, Ottone: Max-Emanuel Cencic, Soldato/Lucano/Familiare/Tribuno: Emiliano Gonzalez Toro,Poppea: Anne-Catherine Gillet, Nerone: Sophie Koch, Arnalta: Gilles Ragon, Ottavia: Catherine Malfitano, Nutrice/Familiare: Anders Dahlin,Seneca: Giorgio Giuseppini, Drusilla: Sabina Puertola, Mercurio/Consul: Yvan Ludlow, Liberto/Soldato/Tribuno: Alfredo Poesina, Familiare/Consul: Laurent Labarbe. Les talens lyriques, direction: Christophe Rousset. Capitole de Toulouse, jusqu’au 16 avril. Renseignements : 05 61 63 13 13 ou http://www.theatre-du-capitole.org

Gluck à Paris (1774-1779)

En avril, Gluck est à l’affiche. France Musique diffuse le concert d’Orfeo enregistré au théâtre des Champs-Elysées, le 3 avril dernier. Arte a choisit Alceste comme sujet de sa case musicale, « Musica », le 29 avril à 22h30. Point sur l’œuvre lyrique du Chevalier Gluck, en particulier sur les opéras qu’il présenta sur la scène parisienne, entre 1774 et 1779.

Si Gluck suscite honneurs et triomphe à Vienne, en particulier avec son Orfeo ed Euridice (1762), il finira pas dérouter le goût des viennois avec ses œuvres ultérieures : Alceste (1767) et Paride ed Elena (1770), au succès plus mitigés. La réforme qu’il engage, du moins le style résolument moderne qu’il développe à l’endroit de l’opéra (chant et musique sont fusionnés au profit de la continuité et de la cohérence de l’action dramatique), va bientôt conquérir une nouvelle capitale d’Europe : Paris. Au reste ce sont les œuvres de Hasse ou d’un autre napolitain, Traetta qui séduisent davantage les viennois : son Iphigénie en Tauride de 1762, présentée quelques mois après l’Orfeo de Gluck, correspond davantage au goût conservateur du public. Comme d’ailleurs, il en ira des œuvres de Mozart par rapport à celles de Salieri. On ne rappellera jamais assez que Les Noces (première, le 1er mai 1786) ne suscitèrent guère de succès quand la Grotta di trofonio de Salieri, ouvrage contemporain (créé en octobre 1785), fut salué comme le modèle des opéras viennois les plus réussis !
Gluck démangé par le génie des planches n’a jamais manqué une opportunité. En France, la Dauphine Marie-Antoinette est devenue Reine : il fut à Vienne son professeur de musique. Par ailleurs, il connaît le goût de la Souveraine pour son propre style. Il est de surcroît un auteur rompu aux dernières tendances françaises, en particulier assimilateur du genre à la mode, l’opéra-comique.
Soucieux de simplifier l’oeuvre musical au profit de la clarté dramatique, Gluck s’intéresse au nouveau genre français. Il acclimate le format, sur les livrets de Favart, à l’attention du public Viennois : L’île de Merlin (1758), le Cadi dupé (1761), Les amours champêtres (1765). Opportunément, il obtient de François du Rollet, attaché à l’Ambassade de France à Vienne, tous les renseignements nécessaires pour préparer son arrivée parisienne. C’est d’ailleurs Du Rollet qui lui rédigera le livret en français de son premier opéra pour Paris, Iphigénie en Aulide (19 avril 1774).
Entre 1774 et 1779, ce sont au total sept ouvrages de Gluck qui seront produits sur la scène de l’Opéra Royal : Iphigénie en Aulide donc, à laquelle succèdent : une seconde version d’Orfeo mais en français (Orphée et Euridice, 28 août 1774), Cythère assiégée (comédie, 1775), seconde version d’Alceste (23 avril 1776), Armide d’après la tragédie lyrique de Lully et Quinault (23 septembre 1776), Iphigénie en Tauride (18 mai 1779). Sa dernière œuvre pour la scène française, Echo et Narcisse, présentée la même année, suscite une telle indifférence que Gluck décide de rejoindre Vienne qu’il n’avait jamais vraiment quitté – où il occupait une fonction officielle-, pour ne plus revenir à Paris. Ainsi ce clôt l’épisode spectaculaire du Chevalier dans la capitale européenne.

La réforme du grand genre

Intéressante carrière que celle de Gluck qui en homme libre – rappelons qu’à la différence de bon nombre de ses contemporains, il n’eut jamais à quémander la moindre obole des puissants ni des riches car son mariage l’affranchissait de tout besoin pécunier-, poursuit encore son travail de réformateur du grand genre. Dix années après les avoir expérimentées à Vienne, ses idées nouvelles font recette à Paris. Son séjour fugace dans la capitale y aura déterminé après lui, la suite du genre lyrique.
A son crédit, le sens de la dramaturgie et une fidélité inaltérable à ses intentions esthétiques : plus d’ornements ni d’emphase formelle superfétatoire. Sont bannis les récitatifs secs, les da capos et autres effets da gorgia : rien ne compte davantage que le sens du drame, la continuité de l’action, la sobriété édictée comme une vertu antique. La tragédie des anciens grecs est à nouveau à l’honneur. Un nouveau continuum musical permettant à l’orchestre d’unir toutes les parties (grandes scènes de solistes, chœurs enflammés, ballets) tend parfois au sublime sans pourtant empêcher raideur et statisme des tableaux. A Paris, le succès de ses œuvres s’explique pour plusieurs raisons.
Paris attend depuis longtemps une réforme de la machinerie lyrique héritée de Lully même si la puissance du génie de Rameau défend très honorablement l’institution académique. Mais la Querelle des Bouffons (1752) a démontré ce besoin d’oxygène auquel souscrivent sans hésitation les Encyclopédistes, Rousseau en tête. Les Napolitains font figure de créateurs modernes parfaitement en affinité avec les attentes du public : les parisiens qui s’ennuient devant les spectacles pompeux où la mythologie est convoquée sur le mode tragico-édifiant, préfèrent le piquant esprit bouffe de la Serva Padrona de Pergolèse, ou les prodigieux intermèdes de Latilla et Jommelli.
Ensuite, le succès croissant de l’Opéra-comique a préparé le terrain de la Réforme. A la suite de l’affaire des Bouffons, Dauvergne compose la réponse du milieu français à la comédie napolitaine : ses troqueurs marquent l’avènement de l’opéra-comique (1753). Le genre a démontré tout ce qu’on devait répugner à l’Opéra, le ridicule et l’ennui. Autant d’éléments détestés de Rousseau comme de Gluck. En arrivant à Paris avec son image de réformateur, Gluck répondait au climat général. Enfin, la Reine Marie-Antoinette, qui souffre davantage l’opéra français qu’elle ne le comprend, soutient le renouvellement du genre. D’autant que Gluck, compositeur « Viennois » depuis 1754 qui a participé en de nombreuses occasions au paysage musical de sa Vienne natale, lui offre l’occasion d’implanter à Paris, un peu de cette enfance et de ce pays qui lui manquent tant.

Gluckistes contre Piccinnistes : la question des anciens et des modernes
La situation attise les esprits échauffés par ce vent de réforme lorsque paraît sur la scène parisienne, Niccolo Piccinni, à la fin de l’année 1776. Comme Gluck, Marie-Antoinette a souhaité inviter un autre compositeur étranger à la Cour. Le musicien qui a été formé par les maîtres napolitains (Leo et Durante), est une célébrité européenne : il a marqué les esprits depuis son triomphe à Rome de La buona Figliuola (dramma giocoso, 1760), qui ouvre une nouvelle voie à mi chemin entre le buffa et le seria et colle plus à la vie réelle qu’à l’épopée antico-morale. Devenu le meilleur représentant du style napolitain qu’il aborde aussi dans le genre du seria, il accepte la proposition de Marmontel qui l’invite à rivaliser avec Gluck sur les mêmes sujets d’opéra. Paris a toujours aimé orchestrer des oppositions claniques. D’ailleurs, après la confrontation Piccinni/Gluck (qui aura plus desservit le premier que le second), les parisiens aimeront ensuite opposer Piccinni à Sacchini. Or là encore, son chef-d’œuvre Didon (sur un livret de Marmontel, 1783) est vite emporté par les cabales haineuses. Pour l’heure, Piccinni triomphe avec son Roland (1778) créé devant la Reine à Versailles, sans obstacle puisque Gluck eut le discernement sage d’abandonner l’idée d’un opéra sur ce sujet, inspiré de Lully et Quinault.
On sait en outre que Marie-Antoinette au moment des représentations de Roland, demanda à Piccinni de l’accompagner au clavier dans un air tiré de l’Alceste de… Gluck. Piccinni s’exécuta sans rechigner. Le goût est à la relecture des grands modèles anciens. Après le départ de Gluck (1779), Piccinni présentera son Iphigénie en Tauride, après celle de son rival, mais sans guère persuader tant la partition pâlit de la comparaison.
Derrière l’opposition des musiciens, se cache une querelle politique et esthétique. Gluck est le favori de la Reine. Il fallait bien lui trouver un opposant esthétique déclaré. Celui qui semblait attaquer la pureté du style français et du moins la remettre en cause, avec Armide (1776), devait subir une leçon de déclamation, soutenue par le parti des conservateurs. On choisit Piccinni… qui comprenait peu la langue de Lully. Il devait donc composer dans ce contexte de forte polémique, Roland puis Iphigénie en Tauride. Précisons enfin que c’est Marie-Antoinette qui souhaitant la présence d’un musicien italien à la Cour avait invité Piccinni en France.

L’accueil des œuvres de Gluck sur la scène française

Gluck partage avec Rousseau la nécessité de réformer le genre de la tragédie lyrique héritée de Lully. Mais il va plus loin que le philosophe, même il se montre plus respectueux que lui : contrairement au bouillonnant Jean-Jacques, le compositeur germanique entend démontrer grâce à sa prmière Iphigénie (1774) que le français se prête à l’écriture musicale. D’après Racine, Iphigénie doit retrouver l’essence et la simplicité de la grandeur tragique. Simplicité et continuité de l’action dramatique. La réussite sera telle que Rousseau reconnaîtra d’ailleurs qu’il s’était trompé. Le soutien des compositeurs et musiciens français établis ne tarde pas dont celui de Dauvergne et de Gossec, lequel fournit la musique du ballet des Scythes enchaînés, ajoutée aux représentations d’Iphigénie. Ce ballet est le prototype du ballet-pantomine français, offrant à l’opéra proprement dit de Gluck sa conclusion dramatique logique.
Iphigénie produit auprès des parisiens un effet comparable à celui que suscita Orfeo sur le parterre Viennois, onze ans auparavant. Marie-Antoinette en témoigne dans les lettres qu’elle adresse à sa mère : « … j’ai été transportée ; … il règne dans toutes les têtes une fermentation aussi extraordinaire sur cet événement que vous le puissiez imaginer, c’est incroyable. On se divise ; on s’attaque comme si c’était une affaire de religion… » écrit-elle, le 26 avril 1774.
La sublimité du musicien capable de fixer le vrai caractère de la musique théâtrale et de « le faire rentrer dans le naturel » est aussitôt fustigée par les ennemis de la jeune Souveraine dont le parti de l’ancienne maîtresse de Louis XV, récemment décédé : La Dubarry qui avec Marmontel, par simple esprit de contradiction, défend les compositeurs italiens contre le germanique « Glouk » (selon la prononciation de l’époque), champion de l’Autrichienne.
L’accueil d’Orphée et Euridyce, présentée le 2 août 1774, suscite le même enthousiasme. Pendant les répétitions, l’auteur exacerbe avec son autorité habituelle, les dispositions expressives de ses interprètes. En particulier, il demande au ténor Legros (le rôle d’Orphée a été réécrit pour un ténor aigu, contrairement à la version viennoise où il était tenu par un castrat) de crier et non de chanter sa prière : « Euridyce, Euridyce… ». On sait depuis quel effet cette déclamation expressive produit sur les spectateurs, absolument sous hypnose comme en témoigne Mademoiselle de Lespinasse. Célébré, Gluck continue d’officier à Vienne comme « compositeur impérial ». Pour chaque nouvel ouvrage parisien, il fait le voyage à Paris, réadaptant ses partitions au besoin, dirigeant les répétitions avec une énergie de tous les diables, et dont il sort selon les témoignages, exténué.
En janvier 1775, Iphigénie est reprise produisant des recettes non négligeables dans les caisses de l’Académie Royale. Le style fait salle comble. Il annonce même les soubresauts à venir : le divertissement du troisième acte et son chant d’allégresse : « Partons, volons à la victoire » annonce la clameur patriotique des futures liturgies révolutionnaires.
Avec Cythère assiégée, Gluck reprend la trame d’un opéra-ballet de Rameau. Succès mitigé. Mais comme le contrat qu’il a signé, stipule le versement de 2000 livres annuelles pour six ouvrages à fournir sur la scène française, il poursuit la composition avec une reprise d’Alceste… qu’il adapte à nouveau, supprimant ballets et autres épisodes s’ils ne sont pas justifiés par l’unité et la tension du drame. Le talent de Gluck est de composer en dramaturge. Le 23 avril, le musicien présente sa nouvelle Alceste : action resserrée, suppression des personnages secondaires, économie et efficacité nouvelle au profit de l’accomplissement de la tragédie… autant de qualités et vertus musicales saluées au XIX ème siècle par Berlioz. Descente au Styx puis air de défi aux Enfers avec l’évocation lugubre et profonde des bassons et des trombones.
L’Alceste de monsieur « Glouk » emprunte des chemins déjà engagés, et avec quel art !, par Lully et Quinault au siècle précédent. Bientôt, les partisans du style Français classique se sentent menacés. La bataille à venir se prépare, en particulier avec l’arrivée de Piccinni le 31 décembre 1776. En critiquant Gluck, il fallait surtout démontrer son opposition à l’œuvre d’un étranger sur le style français. Comme il le dira de la future Armide (septembre 1776), Marmontel n’épargne aucune critique sur l’écriture de Gluck : dans son « essai sur les révolutions de la musique française » paru en 1777, il dénonce son orchestre « bruyant et gémissant » ; son harmonie « escarpée et raboteuse ». Au regard du nombre des représentations, 45 soirées en 1776, Alceste, le nouvel opéra du Chevalier, a très bien résisté.
Au cœur de la querelle esthético-politique, les piccinnistes sont soutenus par le Mercure Galant tandis que les défenseurs de Gluck s’expriment dans le Journal de Paris. On a oublié certains faits de cette époque qui révèlent les prises de position. Gluck est alors un musicien parfaitement honoré par le pouvoir : en témoigne le portrait que fit de lui, Duplessis, peintre attitré de Louis XVI et que le musicien remporta avec lui à Vienne en 1779. Mais il y a un autre signe tout aussi révélateur : quand est proposée en souscription, la réalisation d’un buste de Gluck par Houdon, Marie-Antoinette, fidèle protectrice, offrira 600 livres. Le portrait qui fut produit appartient aux meilleures œuvres du sculpteur, qui avant son Voltaire, prit le parti du réalisme : Houdon avait choisi de reproduire les marques de la vérole sur l’épiderme de son sujet, représenté sans perruque ! Le buste fut placé le 14 mars 1778 à l’Opéra aux côtés de Lully, Quinault et Rameau. Tous seront détruits lors de l’Incendie du bâtiment en 1873.

Qu’est-ce qu’un prélude? Un prélude à quoi exactement?

Serait-ce une forme libre qui permettrait à l’interprète de laisser s’épanouir sa capacité technicienne et son imagination ? A défaut de réponse nette et tranchée, nous nous sommes amusés, nous aussi à divaguer sur ce thème… en prenant appui sur l’exemple des 24 préludes de Rachmaninov.

Au départ, c’est-à-dire à la Renaissance et pour les auteurs baroques, le prélude permet d’abord « d’éprouver » l’instrument. Il offre un préambule nécessaire au praticien, luthiste puis claveciniste, lequel avant le concert peut ainsi contrôler la réponse de l’instrument sur l’ensemble de la palette harmonique, au travers des 24 tonalités, majeures et mineures, de la gamme tempérée. Exercice antérieur à tout propos, le prélude est bien cette antichambre technique grâce à laquelle l’instrumentiste vérifie les ressources de l’instrument, en valide le chromatisme et les couleurs, et aussi les perspectives de sa technicité digitale souvent virtuose. Il s’agit bien ici, au démarrage, d’une pièce d’étude, une étape appartenant à la préparation du concertiste, un préambule nécessaire, avant le « discours » personnel de l’auteur. Bach l’universel compose ses préludes, marches inévitables vers une fugue ou une toccata et son Clavier bien tempéré offre le modèle du genre (2 recueils de 1722 et 1744). La génération romantique s’est curieusement saisie d’une forme « classique », finalement idéale à ses propres divagations. Mais le Prélude romantique a fait sa révolution : a contrario de son nom, il est devenu une forme autonome.

Selon le « modèle » ou plus précisément la « voie » tracé par Chopin et ses 24 préludes (opus 28 composés entre 1836 et 1839) : un Prélude, anticipe, prépare, résume par anticipation. Dans les mots. Pas en musique. Et les pianistes l’ont bien compris qui lui accordent un tout autre statut, idéal aux mondes intimes du compositeur. En fait, pas de forme précise : il peut être court comme une course effrénée à la façon d’une étude ou d’une esquisse brossée, (quelques secondes) ou ralenti, à la façon d’un nocturne sombre et méditatif, de plusieurs minutes (jusqu’à 5 minutes). Au final, qu’avons-nous ? Pas de préambules (inabouties) à une forme (plus aboutie) qui viendrait après eux, et comme préparée de cette façon par une introduction préparatoire… introductions à quoi ? A rien. En ne débouchant sur rien justement, chaque prélude, ne préludant à rien, circonscrit sa propre autonomie. Dans la voie tracée par Chopin, s’illustrent d’autres poètes de l’intime et de l’introspection, Debussy, Scriabine, Rachmaninov… et combien d’autres.

Comme pour les arts appliqués et visuels, le dessin. Certes il y eut le dessin académique : nécessaire étude préparatoire à la grande machine postérieure et successive. « Modelo » : premier jet vers une disposition plus aboutie et travaillée. Mais il y eut surtout, le dessin-œuvre d’art à part entière, à partir du XVIIe siècle et du XVIIIe qui les collectionnent comme des œuvres autonomes précisément. L’affaire naît avec Leonard dont les études de drapés seraient comme le modèle inégalé du dessin fait technicité. L’illusionnisme parfait se substituant au réel. Le surpassant même. Quand l’art surpasse la nature…. On connaît cette ambition. Fugaces mais d’une secrète élaboration. Leur structure cyclique serait donnée par l’alternance des tonalités, chaque prélude passant scrupuleusement de mineur à majeur. Et même dans le cas de Rachmaninov, moins dilué qu’il n’y paraît, le motif du premier prélude apparaît discrètement, dans le dernier. L’unité est donc inscrite à la façon des Variations Goldberg de Bach, architecte et concepteur parfait ; son discours, apparemment décousu, s’organise et se structure de ce fait, où la fin répète le début. Comme un cycle raisonné dont l’unité et la cohérence seraient donné par le fil des états psychologiques de l’auteur.

Serait-ce que dans leur concision instantanée, et dans le feu de leur temporalité libérée, chaque prélude contiendrait mieux, c’est-à-dire plus authentiquement et plus spontanément-, la pulsion personnelle et intime de l’auteur ? Exactement comme dans les dessins de Fragonard ou d’Ingres, se dévoile un autre aspect du créateur ; ce « faire » que l’achevé formel masque ; ce premier élan de l’inspiration, dévoilé brut sans calcul ni concession à un cadre, exigé par le commanditaire, imposé par le sujet à traiter. Comme les pages d’un journal intime, les Préludes sont pour les pianistes, ce que sont les cahiers intimes de l’écrivain, les dessins secrets du peintre. Un miroir sincère, le sismographe de la pensée en action. Qui veut connaître le Chopin le plus profond, tout en traversant ses multiples figures, doit nécessairement entendre, d’une traite, ses 24 Préludes (dans la version de Martha Argerich ou celle de Maurizio Pollini quoique l’album qui nous fut offert en première lecture, sous les doigts d’Ivo Pogorelich, ne manque pas non plus de vérité psychologique et de secrètes interrogations). Fragment de matière sonore qui n’a ni nécessité ni enjeu, sinon l’introspection de l’auteur sur lui-même. Serait-ce là, la « forme » propre du Prélude, qui ne préludant à rien, serait un emblème de l’œuvre romantique par excellence ? En définitive, le prélude est un rébus dont la clé se dévoile à mesure de son déroulement, livrant un aspect à peine lisible de son auteur. Il s’agirait donc d’une équation où PRELUDE signifierait PRéfère sa pulsation propre, ELUDE toute forme même.

Et dans le cas de Rachmaninov, lui-même habité par une très profonde vibration intérieure, les Préludes marquent les étapes d’un parcours personnel qui ne peut être déchiffré qu’après des écoutes successives. Leur apparente instantanéité recèle des niveaux de sens éludés, souterrains. Une richesse en strates : la vérité de l’être, derrière l’art du musicien. 24 précisément, comme chez Debussy, Chopin et Bach. Mais si le Polonais les compose dans une même période, il en va différemment pour le Russe. Ses 24 préludes se décomposent en trois ensembles : le premier en ut dièse – qui faisait partie lui-même d’un cycle de cinq – date de 1892. Les 10 suivantes sont écrites en 1903 ; les 13 finales, achevées en 1910. C’est donc un parcours qui couvre une vie. Une vie semée de troubles profonds comme nous le rappelle cet épisode d’un Rachmaninov de 24 ans blessé par l’insuccès de sa première symphonie – composée en 1897- et qui consécutivement ne devait plus rien écrire… si de longues séances d’hypnose ne l’avaient détaché d’un mutisme qui aura duré, quand même, trois ans ! Comme Schumann, il y a la nécessité de vaincre le temps, sa temporalité et son déroulement cyclique dont l’obsédante apparition est marquée – martelée – par le motif récurrent du carillon qui est l’appel du juge ultime, la convocation redoutée, inévitable devant la porte finale. Il y a du caractère et même de la virtuosité chez Rachmaninov. Mais toute cette activité de surface laisse vivre, simultanément, l’œuvre de la psyché, en second plan ; une matière foisonnante de sentiments et de climats contradictoires, façonnée à la manière de Proust, comme des miroitements de mémoire involontaire qui se chevauchent et s’intensifient dans le jeu mêlé des résonances.

Discographie
Boris Berezovsky, 24 préludes (2004, 1cd Mirare MIR
004)
Alexis Weissenberg, 24 préludes (1 cd RCA gd60568)

CD, critique. DVORAK : Requiem, Chants Bibliques, Te Deum (Hrusa, Belohlavek, 1 cd DECCA 2017)

dvorak-requiem-biblical-songs-belohlavek-hrusa-martinik-prague-choir-cd-review-classiquenews-critique-classiquenews-deccaCD, critique. DVORAK : Requiem, Chants Bibliques, Te Deum (Hrusa, Belohlavek, 1 cd DECCA 2017) – Le coffret édité par Decca, rassemble les œuvres sacrées du compositeur tchèque Dvorak, qui restent liées à son aventure inouïe auprès des audiences anglo saxonnes : Requiem (Londres), Te Deum (New York). Après le triomphe du Stabat Mater (1876), particulièrement applaudi par le public londonien à partir de 1883 (Royal Albert Hall), Dvorak répond à la demande de son éditeur anglais, Alfred Littleton, et compose une œuvre plus ambitieuse encore, un Requiem (très parsifalien en son ouverture chorale et symphonique)… mais avec une ampleur brucknérienne et une âpreté sincère qui relève de la culture folklorique et populaire de Dvorak. Ainsi avec force publicité, Dvorak présente au festival de Birmingham le 9 oct 1891 son Requiem : l’alliance des parties intimes (solistes) et graves (collectives et chorales) scelle la réussite de la partition et son excellente réception par le public. Y rayonne en particulier la voix de la soprano qui entonne avec ferveur et sobriété la prière « Requiem Aeternam »… L’ambition orchestrale du compositeur se dévoile dans le saisissant Dies Irae : riche en déflagrations mesurées, d’une puissance originale indiscutable, très dramatique et tout autant recueillis, tendus mais jamais secs. Toujours y perce la douleur directe, franche des fervents qui implorent le salut pour ceux qui sont partis…
Le Requiem est écrit alors que depuis juin 1891, Dvorak a reçu la proposition de diriger le Conservatoire de New York : ce qu’il accepte à partir d’oct 1892 et pendant deux années scolaires.

Le Te Deum est créé au Carnegie Hall de New York (21 oct 1891), un mois après son arrivée aux States : on y sent l’ambition de régénérer localement l’essor de la musique indigène, « américaine », entre autres parce que le concert devait célébrer le 400è anniversaire de la découverte de l’Amérique par Colomb. Une entente conjointe entre Dvorak et les Américains allait se concrétiser idéalement lors de la création triomphale elle aussi de sa Symphonie du Nouveau Monde (même lieu, déc 1893).
L’aventure américaine de Dvorak devait être fauchée par la crise économique et la ruine du Conservatoire désormais dans l’impossibilité d’honorer le moindre paiement dès déc 1893.
De Bohème, Dvorak apprend alors la mort de son père : il compose les fameux Chants bibliques pour basse et piano. A Prague, en 1896, Dvorak crée dans le premier concert de la Philharmonie Tchèque récemment constituée, les 5 premiers Chants orchestrés. Ici, le chef Jiri Belohlavek joue les 10 Chants, – aux 5 autographes de Dvorak, se joignent les 5 derniers dans l’orchestration tardive de Burghauser et Hanus (1960).

Mort récemment en 2017, Jiri Belohlavek nous laisse ici son dernier enregistrement : le cycle intégral orchestral des 10 Chants Bibliques gagnent une profondeur à la fois sombre voire lugubre, d’une justesse de ton et dans un équilibre voix / parure orchestrale, très séduisants. Jiri Belohlavek traite la texture symphonique telle une scintillante tapisserie orchestrale qui accordée à la tendresse de la basse Jan Martiník opère et réalise la douceur sousjacente à chacune des 10 séquences.
En « complément », l’opus 89 – le Requiem destiné au public britannique du festival de Birmingham est idéalement réalisé par le chef Jakub Hrusa, qui souligne la sincérité de la ferveur du Dvorak quinquagénaire, très inspiré par l’ombre de la mort, lui-même frappé en de multiples occurrences par le deuil.
Le Requiem a la force et la franchise en effet de celui de Verdi dont il se rapproche par son caractère direct, profondément humain ; la version qu’en donne Jakub Hrusa séduit immédiatement par son implication totale, la cohérence du plateau de soliste (dont les excellents Ailyn Pérez et Michael Spyres), le feu du chœur qui font jaillir la profonde et viscérale prière, voire exhortation au repos.

CLIC_macaron_20dec13Même alliance résolue entre les vagues spectaculaires et l’intimité de prières très individualisées dans le Te Deum opus 103, toutes les œuvres étant jouées par le Czech Philharmonic, phalange des plus légitimes et dont l’histoire est intimement liée à celle de Dvorak. Le Te Deum est vraie célébration collective, telle une chevauchée chevaleresque gorgée de saine énergie qui ne manque pas non plus de noblesse fervente (Rex Tremendae porté par la vaillance du baryton Svatopluk Sem) ni de gaieté pastorale et rustique, grâce à l’engagement du chœur qui sonne idiomatique dans le répertoire. CLIC de CLASSIQUENEWS du printemps 2020.

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CD, critique. DVORAK : Chants Bibliques (opus 99, fév 2017 – Jiri Belohlavek) / Requiem opus 89 (sept 2017), Te Deum opus 103 (déc 2018) Jakub Hrusa / Czech Philharmonic / Prague Philharmonic Choir – 2 cd DECCA – CLIC de CLASSIQUENEWS de mars et avril 2020.

Autres critiques DVORAK, musique sacrée sur CLASSIQUENEWS :

dvorak stabat mater jiri belohlavek decca cd spyres kulman park cd review critique cd classiquenews CLIC de classiquenews decca cd review Titelive_0028948315109_D_0028948315109CD, compte rendu critique. DVORAK : STABAT MATER (Belohlavek, Prague mars 2016, 1 cd Decca). Etrangement la Philharmonie Tchèque / Czech Philharmonic sonne démesurée dans une prise de son à la réverbération couvrante qui tant à diluer et à noyer le détail des timbres, comme le relief des parties : orchestre, solistes, choeur (Prague Philharmonic Choir). Heureusement, la direction tendre du chef Jiri Belohlavek (récemment décédé : il s’est éteint le 31 mai 2017) évite d’écraser et d’épaissir, malgré l’importance des effectifs et le traitement sonore plutôt rond et indistinct. C’est presque un contresens pour une partition qui plonge dans l’affliction la plus déchirante, celle d’un père (Dvorak) encore saisi par la perte de ses enfants Josefa en septembre 1875, puis ses ainées : Ruzenka et Ottokar. En LIRE plus

Tito Manlio, 1719

A la fin de 1717, Vivaldi qui a bataillé pour faire représenter ses opéras sur la scène Vénitienne, s’offre une pause mantouane. Il accepte l’offre du gouverneur impérial de Mantoue, le Landgrave Philippe de Hesse-Darmstadt : devenir maestro di cappella di camera, c’est à dire composer la musique profane, fournir pour le théâtre de la cour mantouane, les opéras tout en poursuivant sa carrière de compositeur de musique instrumentale et d’opéras pour les scènes extérieures. Un poste qui allait le retenir trois années. Philippe intronisé depuis 1714 dans l’ancienne cité des Gonzague, mécènes des peintres illustres tels Mantegna puis Titien ou des compositeurs tels Monteverdi, souhaite redorer le prestige et l’activité culturelle de la ville. L’arrivée de Vivaldi en 1718 est le point culminant de sa politique artistique. Séduit par le renom du dramaturge qui avec Orlando Finto Pazzo et surtout Arsilda, mène une régénération de l’opéra vénitien, Philippe entend surtout commander de nouvelles partitions lyriques au musicien. Dès avril 1718, le teatro Comico accueille une révision de son opéra déjà composé, Armida al campo d’Egitto. Premier succès.
Fin 1718, le gouverneur impérial annonce son mariage avec le veuve du grand duc de Toscane, Eleonore di Guastalla. Pour célébrer cet événement dynastique, Vivaldi donne un premier opéra, il Teuzzone. Mais ce nouvel ouvrage n’est qu’un préambule à ce qui s’annonce comme une œuvre maîtresse, Tito Manlio programmé incessamment, précisément pour le 20 janvier, date du mariage. Vivaldi aborde un livret écrit par le florentin Matteo Noris pour les Medicis. Pour l’événement, le prince avait dépêché musiciens et chanteurs nécessaires et le compositeur pouvait élaborer un nouvel opéra aussi ambitieux que le fut Orlando finto pazzo.
Or en aussi peu de temps que Vivaldi prit pour composer son chef-d’œuvre (les fameux 5 jours !), les Noces somptuaires furent annulées du jour au lendemain. Et l’ouvrage tant attendu devint l’objet d’un malaise partagé.
Néanmoins, il est probable que Tito fut créé au début 1719 dans une version moins somptueuse… par les chanteurs qui avaient joué pour il Teuzzone dont l’impossible mais fidèle, Margherita Gualandi, la créatrice du rôle d’Ersilla d’Orlando.
N’en déplaise aux pourfendeurs du théâtre vivaldien, habiles à tisser de nouvelles légendes quant à la fadeur et l’inconsistance de la dramaturgie conçue par le Pretre Rosso, Tito succède dignement à Arsilda et même en approfondit l’exubérance expressionniste : cinq jours certes mais une œuvre forte et dense qui dépasse le seul format d’un œuvre de circonstance. Le manuscrit autographe, perle du fonds de la bibliothèque nationale de Turin, est l’un des plus écrits, ornementés, calligraphiés par le poète musicien. Orchestre à cordes quasi permanent, instrumentarium soliste luxuriant (basson, trompette, cor de chasse, hautbois et tout un arsenal de flûtes), exceptionnels emprunts à ses œuvres antérieures – seuls sept mélodies sur les quarante et une proviennent de partitions antérieures- : confronté à si peu de temps, l’auteur aurait été tenté de réutiliser du matériel musical déjà composé : la réalité montre tout l’inverse.
Le manuscrit de Turin, comportant un infinité de commentaires additionnels, est la marque d’un génie furieux, inépuisable par son invention et son originalité. Deux airs citent en particulier ce feu de l’inspiration : Combatta un gentil cor et Non ti lusinghi la crudeltàde. Ils comportent une partie pour trompette naturelle (le premier) et pour hautbois (le second) d’une vertigineuse virtuosité. Il faudrait également citer Di verde ulivo où la voix et le violoncelle dialoguent comme un concerto à deux lignes solistes.
D’ailleurs, la richesse ici n’est pas le propre des seuls instruments. Les formes multiples choisies par Vivaldi, cavatine, arioso, recitativo accompagnato, airs bouffes, arie a due,… désignent la volonté d’une sensibilité plurielle contraire à la tyranie de l’aria da capo et du recitatif intercalaire. Le recitativo secco y est aussi soigné que partout ailleurs, ciselé même par un compositeur qui n’entend ne rien céder à l’urgence ni à l’efficacité dramatique imposées par le sujet et la situation.
D’après Tite-Live, l’opposition du fils au père, de Manlius au Consul Titus, offre un tableau sans équivoque des valeurs de la jeune République romaine. Le père a signé l’acte de mort de son propre fils. Mais lieto finale oblige (résolution heureuse, d’autant plus exigée dans le contexte d’une œuvre politique liée à un événement dynastique), les légions romaines réclamant les lauriers pour le fils condamné, infléchiront l’ordre du père et sauveront Manlio qui est célébré comme le nouvel héros du Capitole.

Arsilda, 1716

Deux ans après Orlando Finto pazzo, Vivaldi semble d’une inspiration intacte sinon décuplée. Il compose alors un nouvel opéra, Arsilda et un oratorio, le seul dont il nous reste la partition à ce jour, Judith triomphans. Après un court séjour au théâtre San Moisè, Vivaldi créée sur la scène du San Angelo, son Arsilda, le 27 octobre 1716, marquant son retour dans le théâtre qui avait accueilli son premier opéra vénitien, Orlando Finto Pazzo. Or des indices laissent passer que la partition de l’œuvre devait être prête bien plus tôt, peut-être déjà en 1715, année où le livret fut malheureusement interdit par la censure. Vivaldi toujours opiniâtre, avait lui-même réécrit le texte qui fut finalement avalisé par les Inquisiteurs le 18 octobre 1716.
Le texte censuré en 1715 était l’œuvre du poète à la mode, proche de Apostolo Zeno et librettiste de Gasparini, Albinoni, et de Leonardo Leo à Naples : Domenico Lalli. Celui-là même qui lui écrivit le livret de son premier opéra de 1713, Ottone in villa.
Lalli prit très mal la censure condamnant son propre texte. Il accusa Vivaldi d’être l’instigateur de cette interdiction, allant même jusqu’à mettre en doute ses talents de compositeur. Les deux hommes n’allaient plus collaborer et même Lalli, devenant le directeur des théâtres Grimani (San Giovanni Grisostomo et San Samuele), leur conflit allait s’intensifier : Lalli s’opposant à ce que soient produits sur la scène des ses théâtres tout opéra vivaldien.
Au moment où notre musicien crée Arsilda, le San Moisè représente un opéra de Porta, disciple prometteur de Gasparini et le Grisostomo, L’Ariodante de Pollarolo. Contexte concurrentiel qui montre l’activité musicale dans la Cità et la ferveur lyrique des vénitiens.
Arsilda fut un triomphe. Et après l’Orlando Finto Pazzo, un nouveau jaillissement du génie de Vivaldi capable de fulgurances dramaturgiques (à présent qui lui étaient totalement attribuables puisqu’il réadapta totalement le livret originel de Lalli), somptuosité de l’orchestre et excellence dans l’écriture des airs solistes, auxquels il adjoint aussi plusieurs chœurs. Et là encore comme pour Orlando, Vivaldi fit preuve d’un authentique discernement artistique quant aux voix requises. En recrutant la contralto bolonaise Anna Dotti pour le rôle-titre, il s’assurait un talent exceptionnel qui devait lui aussi rejoindre Haendel à Londres pour créer le rôle d’Irene dans Tamerlano. En Annibale Pio Fabri, Vivaldi trouvait un ténor digne des airs écrits pour le personnage de Tamese : acteur autant que chanteur de premier plan qui à l’époque d’Arsilda est à l’orée de sa carrière. L’interprète apparaît d’ailleurs au même moment dans les œuvres de Polarolo et de Lotti, programmées au Grisostomo.
L’engouement du public pour cette nouvelle partition vivaldienne est tel que la cour de Dresde reprend l’ouvrage : il est probable en effet que le Prince Electeur de Saxe, en visite à Venise en 1716, assiste aux représentations du San Angelo et rapporte une copie de l’opéra. Les sources d’un rayonnement immédiat d’Arsilda sont attestées aussi à Prague au théâtre Sporck (il est vrai dirigé par le vénitien Antonio Denzio) mais encore à Varsovie. D’une exceptionnelle invention mélodique, Arsilda donna matière à des réemplois : Vivaldi réutilise son air « Vedrai nel volto » dans Tito Manlio (1719), puis Tigrane (1724).
Prélude à la psychologie furieusement passionnelle d’Orlando Furioso de 1727, Arsilda montre un musicien particulièrement soucieux d’écrire au plus juste le climat musical qui sied à la psychologie de chaque personnage. Il produit plusieurs portraits indiscutables : Arsilda est divisée entre ses deux amours (son époux et son ancien amant Tamese) ;Lisea, -sœur jumelle de Tamese, et qui se fait passer pour lui !-, sous le masque de la constance, est un cœur vacillant déjà romantique ; Mirinda est une incarnation du désir le plus incandescent ; Barzane est le caractère le plus embrasé, passant de la fureur à la contrition la plus sincère…
En ciselant son écriture autant pour les voix que pour l’orchestre, Vivaldi atteint dans Arsilda, œuvre à redécouvrir d’urgence, un équilibre esthétique d’une exceptionnelle cohérence.

L’Orlando finto Pazzo, premier opéra vénitien (1714)

En novembre 1714, Vivaldi dirige « L’Orlando finto pazzo » à Venise dans le théâtre dont il est l’impresario, depuis l’automne 1713 : le San Angelo. La date est importante : elle inscrit la démarche de Vivaldi, récent auteur lyrique, dans un lieu où il créera la majorité de ses ouvrages à Venise. Ainsi débute la relation du dramaturge et de la Sérénissime pendant presque vingt cinq ans. Son père joue dans la fosse comme violoniste.
Son poste de maestro de’concerti vient d’être renouvelé. Après l’âge d’or de l’opéra Vénitien à l’époque de Monteverdi et de ses élèves, le genre s’est perpétué coûte que coûte, en particulier avec les compositeurs Pollarolo, Lotti et Gasparini auquel Vivaldi a succédé nous l’avons vu à la Piétà. Gasparini par ailleurs avait quitté la lagune en 1713 après la fermeture du teatro San Cassiano qui était lié à sa carrière lyrique. Albinoni a proposé un style qui ne s’est pas non plus maintenu : dans ce contexte marqué par une certaine usure, Vivaldi fait figure de rénovateur.
Le succès triomphal de sa première saison comme directeur du théâtre lui assure une trésorerie confortable qui lui permet alors de voir grand. Le luxe de la nouvelle production comprenant un chœur (spécialement recuté pour l’occasion), des décors élaborés par le père du Canaletto, Bernardo Canal, et comme on le verra un plateau de solistes trié sur le volet, place le San Angelo comme un rival sérieux pour les théâtres concurrents, en particulier le plus prestigieux d’entre eux, le San Giovanni Grisostomo. Pour le livret, Vivaldi a fait appel au poète Grazio Braccio, lequel avait rédigé l’Orlando furioso attribué au compositeur Giovanni Maria Ristori, de la saison précédente. En réabordant le thème du chevalier médiéval, mais cette fois en composant lui-même la musique, Vivaldi voulait-il profiter de la faveur du public vénitien pour la geste de Roland ?
En recrutant Anton Francesco Carli, Vivaldi s’était assuré une voix fameuse du paysage vénitien : dans le rôle-titre, redoutable car principalement écrit en recitatif, le chanteur qui avait coutume de chanter sous les cintres du Grisostomo, confirmait sa confiance dans l’aventure vivaldienne et offrait son tempérament dramatique à ce rôle dense. C’est lui qui avait créer le rôle de Claudio dans Agrippina de Haendel, créé à Venise en 1709. La magicienne Ersilla avait été confiée à la talentueuse autant que capricieuse soprano Margherita Gualandi dont la caractère versatile confinant à l’hystérie faillit user la patience du compositeur. Enfin, indice du goût infaillible de Vivaldi sur le registre vocal, le jeune castrat Andrea Pacini était Argillano. Vivaldi lui composa un air à la mesure de son talent : « E’il destin della nave agittata.. » au III : acrobatie vocale sur fond d’orchestre des plus inventifs. Habitué des opéras de Scarlatti, Pacini allait ensuite faire partie de la troupe de Haendel à Londres pour être Tolomeo dans Giulio Cesare, et surtout Tamerlano…
L’histoire prend prétexte de mille intrigues sentimentales pour exprimer là encore l’emprise de l’irrépressible amour. Antérieur, ce Finto Pazzo, n’a pas la densité ni les fulgurances de l’Orlando Furioso que le musicien composera avec le brio que l’on sait à l’automne 1727 pour la même scène du San Angelo. Pour déjouer le pouvoir de la magicienne Ersilla, Orlando feint d’être un chevalier fou qui se prend pour le paladin légendaire. Travestissements et masques complètent ce tableau des plus compliqués. Or sur ce terreau des plus invraissemblables, Vivaldi développe une liberté d’invention qui cependant directement l’Orlando Furioso à venir.
Sur le plan musical, Vivaldi y montre l’étendue de son imagination dramaturgique dont le souffle et la diversité des options instrumentales sont contenus dans la scène de folie feinte d’Orlando puis au III, la grande scène d’Ersilla où trois pupitres d’alto offrent une leçon d’invention harmonique inédite.
Ambitieuse voire démonstrative, la partition d’Orlando Finto Pazzo affirme la maturité d’un auteur venu relativement tard sur la scène vénitienne. Aucune source ne précise quel accueil fut réservé à l’ouvrage. Il n’empêche qu’avant la déferlante napolitaine, autre combat à venir, cet Orlando premier doit figurer aux côtés du futur Furioso, comme la contribution géniale d’un jeune réformateur de la scène vénitienne.

Les premiers opéras (Vicence, Venise – 1713-1716) – Ottone (1713)

A Venise, qui veut gagner un nom, doit s’imposer sur la scène des théâtres. Vivaldi qui est déjà une célébrité comme compositeur de musique de chambre, ambitionne les planches. Mais quand il compose son premier opéra en 1713, soit à l’âge de trente cinq ans, l’opéra est un genre soumis à de profondes turbulences, investi par un cercle de protecteurs jaloux. L’opéra est né depuis un siècle déjà et au début du XVIII ème siècle, il connaît une évolution structurelle capitale. Sans appuis locaux, et avant qu’il ne se fixe au théâtre San Angelo au centre de la Cità, Vivaldi produit son premier ouvrage hors de la lagune, à Vicence. Pour l’inauguration du théâtre delle Grazie : il dirige son « Ottone in Villa ». Il existe un enregistrement convaincant de cet opéra des origines chez l’éditeur CHANDOS (Richard Hickox dirige en 1998 son ensemble Collegium Musicum 90 avec côté solistes : Nancy Argenta, Sophie Daneman, Susan Gritton, Monica Groop et Mark Padmore). Aucune complaisance à la mode napolitaine mais la continuité de la poésie purement vénitienne où la voix se fond dans la pâte instrumentale d’un luxe de couleurs inouï. Vivaldi reprend même le principe de l’écho, emblématique de la Venise du XVII ème siècle quand Monteverdi y créait ses opéras. En fait s’il vient relativement tardivement à la scène, tout son bagage musical le destine à l’expression fulgurante et plastique des passions humaines. Les ouvrages qui suivent, expriment une volonté irrépressible d’imposer son style musical et sa conception de la dramaturgie lyrique. S’agirait-il aussi pour ce fils de Barbier de conquérir une arène où les aristocrates tirent les ficelles ? Ambition sociale, certainement. On verra d’ailleurs, que dans le conflit qui l’opposera à Marcello, véritable dilettante vénitien et membre de l’élite patricienne de Venise, peut se cacher une guerre des classes où le roturier conquiert seul contre le système bien établi, ses galons de dramaturge lyrique. Nul doute que cette ambition qui cible la scène a été longuement préparée lorsque jeune violoniste déjà prodigieusement doué, il jouait aux côtés de son père dans la fosse des ces mêmes théâtres d’opéras tenus par l’élite de Venise.

L’opéra vénitien depuis le XVIIe préserve un fragile équilibre entre tension et vérité de l’action scénique grâce aux textes des livrets d’une grande qualité générale et une sensibilité profonde de l’écriture musicale et vocale. Mais au tournant du nouveau siècle, les choses évoluent : sous l’action de quelques « réformateurs » enclins à plus de simplicité poétique, le style de l’opéra change profondément et ses enjeux aussi : désormais les poètes imposent leur loi et les chanteurs électrisent les foules. Les compositeurs doivent suivre le mouvement. La musique bien souvent est un faire valoir, un « artifice » qui permet aux chanteurs de gravir toutes les cimes des aigus les plus vertigineux, au public d’entendre l’inaudible toujours plus haut toujours plus vite, aux librettistes d’élaborer des canevas psychologiques soit disant vraisemblables. En fait, la sophistication du système engendre des situations souvent rocambolesques. Vivaldi incarne la dernière chance de l’opéra vénitien : il souhaite démontrer la vitalité de la tradition lyrique née depuis le XVII ème en particulier face à la faveur envahissante dont jouissent les auteurs napolitains.

Sur un livret conçu par le napolitain Domenico Lalli, Ottone aborde avec une grande liberté le genre héroïque et laisse une place majeure à la passion amoureuse. Lalli s’inspire de la Messalina mise en musique à Venise en 1680 par Pallavicino. Mais il en réadapte le texte, coupe, raccourcit. Le nombre des personnages passant de huit à cinq. Opéra chambriste, Ottone est conçu comme un huit-clos : pas de chœur mais une action resserrée sur l’intimité conflictuelle d’individualités en souffrance. La fresque historique qui convoque l’empereur Otton, insiste sur les ravages de l’amour dans le cœur d’un empereur aveugle et manipulé par l’intrigante Cleonilla. L’écriture de Vivaldi a déjà toutes les caractéristiques des opéras à venir : opulence des timbres, génie mélodique et vitalité rythmique. Il privilégie les instruments solistes, -hautbois, bassons, flûtes-, conférant à l’ensemble de son premier opéra, le climat d’une pastorale amoureuse. Plus en relation avec son activité de violoniste virtuose, l’air final de Caio au III : « l’esser amante… », sollicite une cadence improvisée du violon solo, certainement tenu par Vivaldi lui-même. Langueurs et extases, pièges et souffrances : rien n’est omis dans cette superbe peinture des cœurs solitaires. On verra que sur ce sujet mais dans une langue renouvelée, celle de la passion et de la frénésie, le compositeur ira plus loin avec ses deux Orlando. Pour l’heure, Ottone incarne un premier essai idéalement réussi : la scène 3 de l’acte II est à ce titre emblématique. Comme Monteverdi au XVII ème innovait en déplaçant dans la coulisse et sur la scène ses chanteurs, créant plusieurs plans en perspective, usant de l’écho comme d’un signature personnelle, Vivaldi fait de même et dans l’air « l’ombre, l’aure, e ancora il rio », créée à son tour, un dispositif en registres imbriqués dont les anneaux insistent davantage sur les vertiges successifs du cœur douloureux (Caio qui est le personnage le plus approfondi de l’œuvre : il totalise le plus d’airs dont les plus longs de la partition). Le musicien sollicite toutes les couleurs de son orchestre, produisant un tableau d’un sublime onirisme… prélude à l’imagination des Quatre Saisons, composées onze ans plus tard.
Notons par ailleurs que l’opéra contient aussi l’un des airs que le musicien affectionnait particulièrement : « Chi seguir vuol la costanza » du même Caio (5, acte I) dont il réutilisera la mélodie pour ses œuvres postérieures : Orlando Furioso (1714), Tito Manlio (1719) ; mais aussi dans les versions successives de son Laudate pueri Dominum et dans son concerto pour violon RV 268.
Enfin, Vivaldi n’est pas venu sur les planches sans une intuition affûtée. A la création d’Ottone, c’est la contralto vénitienne Diana Vico, spécialiste des rôles masculins qui tenait le rôle titre. Il est intéressant de préciser que la chanteuse rejoint Londres en 1714 dans la troupe de Haendel au King’s Theatre. Nous voici bien en présence de deux génies de la scène lyrique, également soucieux de disposer des meilleures voix de l’heure.<</html>

Musicien de la pietà

Au commencement, Vivaldi est un « prètre-musicien », violoniste virtuose et maître de concerts à l’Ospedale della Piètà, l’une des institutions charitables de Venise qui a pour principale mission, le soin apporté aux enfants perdus, des orphelins et surtout des jeunes filles.
L’institution assure leur éducation dont un très solide apprentissage musical. Les plus douées, constituent le « coro », effectif prompt à réaliser les exigences d’un « maestro di coro », en particulier de la trempe de Vivaldi. Dans les faits, né dans la paroisse voisine de San Giovanni in Bragora, Vivaldi s’impose à la Pietà dont il devient la figure dominante. Il y succède à Gasparini excusé pour maladie et qui ne reviendra d’ailleurs jamais à la Piétà.

Bientôt, ce sont tous les mélomanes, locaux ou visiteurs, et non des moindres tel le Roi du Danemark en 1708, qui se pressent pour y entendre le prodige et ses musiciennes. Si le lieu devait susciter la prière et la méditation, Vivaldi en fait un haut lieu musical : tout un chacun s’y presse, pour cet archer supérieur, ces voix angéliques et démoniaques. Le témoignage d’un visiteur mélomane fameux, Charles Burney, a laissé une idée juste de l’impression suscitée par ses messes-concerts où la dévotion fervente se mêle à la séduction sensuelle de ses interprètes.
La fonction qu’il assure au sein de la Piètà, depuis 1703, soit à l’âge de vingt cinq ans, lui laisse assez de temps pour jouer et surtout composer. Chacun veut écouter celui qui incarne partout en Europe, le style vénitien. Comme violoniste, il a montré l’étendue de ses capacités imaginatives dans ses propres opus : « L’Estro Armonico » de 1711 où le violon chante comme la voix. Cette écriture pulsionnelle, syncopée, d’une liberté exceptionnelle se poursuivra en 1724 avec le recueil « Il Cimento dell’Armonia e dell’ invenzione » qui contiennent la pièce maîtresse des « Quatre Saisons ».

La Pietà est un laboratoire qui prépare Vivaldi à l’Opéra : les pensionnaires musiciennes parmi les plus douées de la Cità lui offrent l’occasion de tester des combinaisons nouvelles, d’élargir ses champs de découvertes. Ses concertos affirment peu à peu une sensibilité inédite, d’une fulgurance plastique déjà préromantique. Ses cantates et motets et jusqu’aux messes dont il reste à redécouvrir les partitions presque quotidiennes cisèlent une écriture vocale, foisonnante et expressionniste, dont l’exacerbation des figures et des intentions rythmiques marquent la maturité d’un génie polymorphe du baroque vénitien. Vivaldi recueille la tradition semée au cours du siècle précédent. Au milieu du XVII ème siècle en effet le Monteverdi de la fin, élabore avec « Poppée » et « Ulysse », deux chefs-d’œuvre absolus qui seront des modèles de l’opéra vénitiens repris par ses disciples Cavalli et Cesti puis Legrenzi et Caldara lesquels font de Venise au XVII ème siècle, la première scène lyrique d’Europe. D’autant que dès 1637, l’Opéra est une affaire publique où tout un chacun, aux côtés des familles patriciennes, peut payer sa place. Le livret explique l’action, aiguise l’attente du public sur la vraisemblance dramatique et la cohérence de l’action. Ainsi le genre en Italie s’intitule non opera mais bien « dramma per musica » : il s’agit bien d’articuler un texte en musique, d’expliciter par le chant des voix et de l’orchestre – jamais en reste chez Vivaldi-, le fil et les rebonds d’une action.

Les opéras oubliés, un filon à redécouvrir

Au commencement, Vivaldi est un « prètre-musicien », violoniste virtuose et maître de concerts à l’Ospedale della Piètà, l’une des institutions charitables de Venise qui a pour principale mission, le soin apporté aux enfants perdus, des orphelins et surtout des jeunes filles.
L’institution assure leur éducation dont un très solide apprentissage musical. Les plus douées, constituent le « coro », effectif prompt à réaliser les exigences d’un « maestro di coro », en particulier de la trempe de Vivaldi. Dans les faits, né dans la paroisse voisine de San Giovanni in Bragora, Vivaldi s’impose à la Pietà dont il devient la figure dominante. Il y succède à Gasparini excusé pour maladie et qui ne reviendra d’ailleurs jamais à la Piétà.

Bientôt, ce sont tous les mélomanes, locaux ou visiteurs, et non des moindres tel le Roi du Danemark en 1708, qui se pressent pour y entendre le prodige et ses musiciennes. Si le lieu devait susciter la prière et la méditation, Vivaldi en fait un haut lieu musical : tout un chacun s’y presse, pour cet archer supérieur, ces voix angéliques et démoniaques. Le témoignage d’un visiteur mélomane fameux, Charles Burney, a laissé une idée juste de l’impression suscitée par ses messes-concerts où la dévotion fervente se mêle à la séduction sensuelle de ses interprètes.
La fonction qu’il assure au sein de la Piètà, depuis 1703, soit à l’âge de vingt cinq ans, lui laisse assez de temps pour jouer et surtout composer. Chacun veut écouter celui qui incarne partout en Europe, le style vénitien. Comme violoniste, il a montré l’étendue de ses capacités imaginatives dans ses propres opus : « L’Estro Armonico » de 1711 où le violon chante comme la voix. Cette écriture pulsionnelle, syncopée, d’une liberté exceptionnelle se poursuivra en 1724 avec le recueil « Il Cimento dell’Armonia e dell’ invenzione » qui contiennent la pièce maîtresse des « Quatre Saisons ».

La Pietà est un laboratoire qui prépare Vivaldi à l’Opéra : les pensionnaires musiciennes parmi les plus douées de la Cità lui offrent l’occasion de tester des combinaisons nouvelles, d’élargir ses champs de découvertes. Ses concertos affirment peu à peu une sensibilité inédite, d’une fulgurance plastique déjà préromantique. Ses cantates et motets et jusqu’aux messes dont il reste à redécouvrir les partitions presque quotidiennes cisèlent une écriture vocale, foisonnante et expressionniste, dont l’exacerbation des figures et des intentions rythmiques marquent la maturité d’un génie polymorphe du baroque vénitien. Vivaldi recueille la tradition semée au cours du siècle précédent. Au milieu du XVII ème siècle en effet le Monteverdi de la fin, élabore avec « Poppée » et « Ulysse », deux chefs-d’œuvre absolus qui seront des modèles de l’opéra vénitiens repris par ses disciples Cavalli et Cesti puis Legrenzi et Caldara lesquels font de Venise au XVII ème siècle, la première scène lyrique d’Europe. D’autant que dès 1637, l’Opéra est une affaire publique où tout un chacun, aux côtés des familles patriciennes, peut payer sa place. Le livret explique l’action, aiguise l’attente du public sur la vraisemblance dramatique et la cohérence de l’action. Ainsi le genre en Italie s’intitule non opera mais bien « dramma per musica » : il s’agit bien d’articuler un texte en musique, d’expliciter par le chant des voix et de l’orchestre – jamais en reste chez Vivaldi-, le fil et les rebonds d’une action.

Dossier : les opéras de VIVALDI – Introduction

Qui est Vivaldi ? La question semble déplacée. Cependant connaissons-nous le compositeur et l’ensemble de son œuvre ? L’auteur des « Quatre Saisons » est, en dépit du rayonnement de son legs musical, en particulier instrumental, un musicien secret. Une énigme, une comète, une exception artistique difficile à définir, à expliquer, à voir aussi puisque les rares portraits qui le représentent sont sujets à controverses. Celui qui a vingt-deux ans en 1700 a pourtant laissé son empreinte dans la constellation artistique du XVIIIe siècle. Est-ce parce qu’à l’heure du « second baroque », aux côtés de ses pairs, Bach et Haendel, conforme à l’esthétique rococo, il cisèle la matière musicale en orfèvre sans jamais sacrifier la pureté expressive au profit de la seule démonstration technicienne ? L’arabesque et l’ornement sont les figures artistiques de l’heure. Mais Vivaldi se distingue parmi les auteurs. Il est virtuose et davantage : poète. L’égal de son contemporain, le peintre Guardi : Antonio Vivaldi est capable d’imprimer dans le style, cette vibration à l’aune de laquelle ressuscite la sensibilité intangible d’une époque. Ici, s’affirme la netteté fougueuse du trait dans l’incandescence recomposée de l’instant. Tito Manlio (1719), après les coups de maître que sont Orlando Finto Pazzo puis Arsilda, fut composé en « cinque giorni » comme le précise son auteur, non sans fierté, sur le manuscrit achevé : « musica del Vivaldi fatta in 5 giorni ». Il est doué rapide, fier de cette fulgurance. « fare presto », faire vite ; ce principe par lequel s’affirme le statut de l’artiste opère sur une autre scène que la musique : la peinture. Au XVIII ème siècle, en particulier dans la première moitié du siècle, les maîtres du pinceau « signent » leur œuvre dans la virtuosité explicite de la brosse. C’est une manifestation éloquente du rococo, un art qui a infléchi, et la spirale expressive de la ligne, et la vitalité du chromatisme. Ici, se détachent Guardi bien sûr, et Gian Batista Tiepolo dont les dessins disent cette apothéose du trait foudroyant. A la nervosité, les plus grands ajoutent une autre qualité, celle des tonalités. La couleur apporte de nouvelles résonances et l’on sait que Vivaldi aimait aussi colorer ses œuvres : dès Ottone, puis de Arsilda à Judith, de Tito à Orlando Furioso, entre autres, un choix particulier d’instruments caractérise souvent ses partitions.
C’est même grâce à une alliance de timbres pour le moins surprenante, qu’une nouvelle partition vient de lui être restituée. Voici qu’un nouveau Nisi Dominus est à intégrer à son œuvre vocale sacrée : le musicien y emploie une « trompette marine » (en vérité un violon qui sonne comme une trompette marine). L’usage de l’instrument souligne la sensibilité chromatique d’un Vivaldi certes « galant » (conforme à l’esthétique dominante) mais aussi, capable en 1739, soit à la fin de sa carrière, d’utiliser des timbres instrumentaux rares. Ce Nisi, jusqu’à présent attribué à Galuppi, fait partie des très nombreuses découvertes éclairant d’une nouvelle manière, notre connaissance du musicien. Il remet en question nos idées sur le baroque italien, précisément sur les événements musicaux qui ont marqué l’histoire de la création à Venise dans la première moitié du XVIII ème siècle. Son art est unique, déjà romantique, densément expressif voire expressionniste ; d’une hypersensibilité qui sait capter les phénomènes de la nature. Du musicien au peintre, l’agilité de la brosse ou du coup d’archet sait frissonner et murmurer, rugir et languir. Aujourd’hui, c’est le génie de la scène qui se précise peu à peu, certainement un rival légitime de Haendel. Avant ce dernier, il s’ingénie à exprimer le souffle dramatique du Tasse dont l’Orlando Furioso lui a inspiré un ouvrage de première importance.

Découvreur de talent, farouchement solitaire, impresario tout autant que compositeur, Vivaldi n’a cessé de se démener pour faire créer ses opéras. Le théâtre fut sa vie.

Et non : il n’a pas composé 500 fois le même concerto ; Gérard de Condé dans sa biographie cristalise ce qui ici et là vaut pour les génies qu’on aime assassiner à coup de locutions réductrices. Pour tout un chacun, trop pressé, l’abbé Vivaldi restera superficiel et sophistiqué : décoratif.

Qui sait approfondir sa musique, en particulier ses opéras, ce à quoi nous invite les choix judicieux de l’industrie du disque aujourd’hui, découvrira un maître des passions humaines, un amoureux des voix, un connaisseur et un magicien du théâtre.
Prêtre comme le souhaitait son père, il arrête très tôt de dire la messe. Fragile, il est malade rongé par un asthme bronchique qui demeure incurable. Pourtant il s’entête. Déploie une énergie inquiète, hyperactive comme interprète et comme compositeur. Partout sur les routes de Vénétie et de Toscane, à Mantoue, Vérone et Bologne, jusqu’à Prague et Vienne, il fait créer ses opéras. Ses dons sont multiples : violoniste virtuose, expérimentateur sans limites pour la musique de chambre et les concertos, pour les motets et les cantates, pour les messes aussi et surtout pour le théâtre. Sa passion demeure la voix et le drame lyrique. Vivaldi ne laisse pas de nous surprendre. Malgré des souffrances personnelles et des concurrents opiniâtres, tel Haendel à Londres qui s’obstinera sur la scène musicale. La musique est une guerre. L’opéra, son théâtre personnel où l’auteur veut affirmer la vitalité du style vénitien contre l’invasion napolitaine. Mais plus encore : la musique est son ambition. A l’image d’un Vermeer au XVII ème siècle, ou d’un Titien au XVI ème : l’opéra pour Vivaldi est une nécessité vitale, l’expression de son identité créative et dans le concert de la vie sociale, le moyen d’acquérir un statut. L’action d’un natif contre les standards du goût dominant.