mardi 8 juillet 2025
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Brahms, concerto pour piano n°2France musique, le 16 novembre à 20h

Brahms,
concerto pour piano
n°2, Opus 83


Jeudi 16 novembre à 20h

Nelson Freire, piano
Orchestre Philharmonique
de Stasbourg
Marc Albrecht, direction

Concert enregistré le 28 octobre 2006, théâtre des Champs-Elysées à Paris.

L’oeuvre
Le 7 juillet 1881, Brahms écrit à ses amis Herzogenberg : « Je dois vous dire que je viens d’écrire un petit concerto pour piano avec un jolie petit scherzo. Il est en si bémol ; bien que cela soit une très bonne tonalité, je crains de l’avoir mise à contribution un peu trop souvent. » Cette lettre paraît bien modeste comparée à la qualité musicale et les grandes dimensions de l’œuvre qui dure près de cinquante minutes.
Brahms travaille durant trois années sur son Deuxième concerto, de 1878 à 1881. Il fait partie des grands chefs-d’œuvre du compositeur et figure toujours parmi les plus grands concertos du répertoire romantique. Dans un style moins sévère que son Premier concerto, mais où la virtuosité est plus présente, le piano reste intimement lié à l’orchestre, ceux qui lui a valu quelques critiques. L’orchestre comprend les bois par deux, quatre cors, deux trompettes, timbales et les cordes. Brahms crée lui-même l’oeuvre, le 9 novembre 1881 à Budapest en Hongrie et rencontre un franc succès, contrairement au Premier concerto où l’échec fut cuisant. Le compositeur réalise plus tard lui-même une transcription pour piano à quatre mains. L’œuvre est en quatre mouvements.

Les quatre mouvements
Allegro ma non troppo : mouvement de forme sonate traditionnel comportant une double exposition. Le soliste fait son entrée dès la deuxième mesure à la suite des cors qui annonce le thème principal. La reprise de ce dernier par l’orchestre, après la cadence du piano, est majestueuse, un grand moment symphonique.

Allegro appassionato : c’est le « joli scherzo » dont Brahms parle dans sa lettre. Il est en ré. Claude Rostand (biographe de Brahms) y voit l’épisode le plus brahmsien, le plus nordique de tout le concerto. La forme est reste tradionnelle avec un trio central. Il faut savoir que ce mouvement a connu une première version pensée pour le concerto pour violon Op. 61, mais le violoniste et compositeur Joachim lui conseilla de supprimer cette partie.

Andante : très expressif, le violoncelle solo expose le thème unique sur lequel sera basé le mouvement. Certains passages d’une grande simplicité incitent au recueillement.

Allegretto grazioso : rondo sonate en trois partie et une coda. Climat final charmant, léger et varié.

Approfondir
Lire notre critique du cd de Nelson Freire paru chez Decca en 2006

Crédit photographique
Nelson Freire (DR)

Giuseppe Verdi, Un Ballo in Maschera (1859)Mezzo, jusqu’au 8 décembre 2006

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Le 25 novembre à 20h45
Le 26 novembre à 13h45
Le 5 décembre à 15h45
Le 8 décembre à 3h50

Un Ballo in maschera
Le bal masqué

« Melodramma » en 3 actes
Crée le 17 février 1859 à Rome, au Teatro Apollo, ouvrage présenté pour la première fois à Paris, au Théâtre -Italien, le 13 janvier 1861. Livret de Antonio Somma, inspiré du drame d’Eugène Scribe, « Gustave III ou le Bal masqué »

Salvatore Licitra, Gustave III, Roi de Suède / Riccardo
Bruno Caproni, Comte Anckarstrom / Renato
Maria Guleghina, Amelia / la femme de Renato
Marina Pentcheva, Ulrica
Ofelia Sala, Oscar / Un page

Orchestre et choeur de la Scala de Milan
Ricardo Muti
, direction
Liliana Cavani, mise-en-scène
Carlo Battistoni, réalisation vidéo

Que pensez de cette production de la Scala ?
L’une des meilleures réalisations milanaise de l’ère Muti. Cette production enregistrée sur le vif à la Scala de Milan en 2001 se montre à la hauteur du prestige de l’institution lyrique. Mise en scène efficace, chanteurs engagés et d’une indiscutable cohérence dramatique. Entre virilité et tendresse, la baguette de Riccardo Muti sait fouetter comme caresser, obtenant de l’orchestre, accents fantastiques, tragiques et sentimentaux.

Genèse
Depuis toujours, en dramaturge exigeant, Verdi affine la cohérence politique de ses intrigues. L’intensité des trames amoureuses est d’autant plus affûtée quand s’y mêle l’opposition des intérêts de pouvoir et d’argent. Et même si Simon Boccanegra ne suscite pas tout d’abord, le succès escompté lors de sa création le 12 mars 1857, Verdi reste occupé par un sujet sentimental et politique. Dès 1859, il réfléchit à son nouvel opéra, Il Ballo in Maschera.
Ce que n’avait pas mesuré le compositeur, c’est l’opposition de la censure face à une oeuvre séditieuse par son sujet : oser représenter le mueurtre d’un souverain sur la scène restait choquant. Depuis son origine, l’opéra tragique fait l’apologie des monarques et l’opera seria, depuis le XVIII ème siècle, encense précisément les vertus politiques du Prince Magnanime, héritée de l’Esprit des Lumières. Or imaginer un assassinat antimonarchiste, fut-il repris d’un fait historique, était un défi lancé contre les conservateurs et les tenants de la censure.
Antonio Somma, le librettiste de Verdi s’inspire tout d’abord de la pièce d’Eugène Scribe Gustave III ou Le Bal masqué. L’écrivain est un patriote déclaré, avocat et fondateur du Journal indépendantiste La Favilla. Le drame aborde l’assassinat du Roi Gustave III, francophile, admirateur des idéaux révolutionnaires, et exécuté par une balle de pistolet le 16 mars 1792, à un bal masqué donné à l’Opéra de Stockholm. Son agresseur — Jacob Johan Anckarström — fut arrêté mais le souverain expira de ses blessures, deux semaines plus tard.
En soi, le choix de Somma et de Verdi n’avait rien de nouveau : Auber en 1833, Gabussi en 1841, puis Mercadante en 1843, avaient déjà puisé à la même source avec leurs Gustave III, La Clemenza di Valois et Il Reggente respectifs.
Or depuis l’attentat d’Orsini contre Napoléon III le 14 janvier 1858, le contexte politique était sensible et vigilant sur le sujet. Verdi allait en pâtir.
Naples préalablement sollicité pour la création de l’opéra, refusa la partition et exigea des révisions drastiques. Rome ensuite fut interrogée : les changements demandés furent moins importants. De Suède, Verdi et Somma placèrent leur intrigue en
« Amérique du nord à l’époque de la domination anglaise », et Gustave III, roi de Suède devint Riccardo, comte de Warwick et gouverneur de Boston ; le capitaine Anckarström se transforma en Créole du nom de Renato, secrétaire de Riccardo et mari d’Amelia ; Mam’zelle Arvidson se mua en Ulrica, devineresse noire ; les comtes Ribbing et Horn furent rebaptisés Samuel et Tom, Cristiano mua en Silvano). Verdi qui avait achevé la partition en janvier 1858, et s’apprêtait à en finaliser l’orchestration, put voir confirmer la création d’Il Ballo, le 17 février 1859 au théâtre Apollo.

L’accueil de l’oeuvre

Les Romains applaudirent une oeuvre qui faisait écho au contexte politique. Preuve que Verdi avait raison d’exiger de ses librettistes, l’unité et la cohérence politique des sujets. Depuis Nabucco, Verdi incarnait la victoire finale des Italiens engagés autour de Victor-Emmanuel, contre les occupants autrichiens. Chacun voyait dans sa musique, l’idéal indépendantiste préservé, actif, prêt au combat. De fait, en avril 1859, le Piémont se soulevait contre l’Autriche.
Dans ce contexte politique, l’intrigue amoureuse Riccardo/Amelia gagne en épaisseur et véracité psychologique grâce à de nouveaux ingrédients conçus par Verdi : l’amitié Riccardo/Renato qui reste le centre de l’action. Renato demeure en dépit de tout fidèle à son maître jusqu’à ce qu’il découvre l’idylle entre son épouse Amélia et le Comte. Par blessure et trahison, il exécute moins par dessein politique que par affliction affective. Renato est le personnage clé de l’action et comme dans Rigoletto ou Boccanegra, un autre superbe rôle pour baryton. Au sérieux des sentiments amicaux et amoureux, le rôle d’Oscar, jeune page chanté par un mezzo, illustre le contrepoint comique et léger de l’action tragique.
D’ailleurs, l’écriture resserre l’action sur la ligne continu de son déroulement ininterrompu : moins d’airs autonomes et virtuoses, plus de cabalettes et de ressorts purement vocaux : le chanteur devient acteur d’un drame musicalement continu.
Avec son Ballo in maschera, Verdi montre qu’il connaît l’âme humaine en profondeur, et sous les masques de l’apparence, exprime les intentions intimes des personnages. Ballet des masques, le Ballo à son issue fatale, sait dévoiler la beauté qui fait les âmes vertueuses : coupable d’adultère, Riccardo fut-il aristocrate, n’a jamais en réalité été l’amant d’Amélia, par loyauté pour son ami Renato. Ainsi, l’idéal du Prince était sauf et sa morale politique préservée. Mais auparavant, que d’actions tragiques, de tensions opposées, de conflits et de traîtrises exprimés… autant d’exaltation propre à électriser l’audience. Ce que Giuseppe Verdi, en plus d’être excellent musicien, était aussi, remarquable dramaturge.

Synopsis
Acte 1. Un salon dans le palais du gouverneur.
Le comte Riccardo Warwick, gouverneur de Boston, s’inquiète de savoir
si celle qu’il aime, Amelia, femme de son secrétaire et ami Renato, est
présente sur la liste des invités conviés au bal masqué qu’il organise
prochainement. Renato se présente et informe le comte des menaces
d’attentat contre lui : mais Riccardo n’en a cure. Un juge fait son entrée et tend à Riccardo un décret condamnant la
devineresse Ulrica à l’exil. Le page Oscar plaide en sa faveur au point
que le comte décide d’aller incognito rendre visite à la prophétesse
afin de vérifier ses pouvoirs.
L’antre de la magicienne Ulrica. Riccardo se trouve à présent dans le temple de la devineresse. Un de
ses soldats, Silvano, sollicite les talents d’Ulrica. Mais celle-ci
interrompt bientôt ses divinations priant chacun de sortir pour
invoquer Satan. En réalité, elle doit recevoir Amelia qui entre après
le départ de l’assistance — Riccardo excepté, qui s’est caché dans un
recoin. Amelia désire oublier l’amour impossible qui la fait tant
souffrir. Ulrica lui préconise alors d’aller seule, cette nuit,
cueillir une herbe magique dans un lieu glacial et sombre à l’ouest de
Boston ; cette plante viendra à bout de ses tourments. Riccardo, qui a
entendu la conversation, jure de la suivre. Amelia s’éclipse et la
prophétesse reprend ses prédications affirmant au comte qu’il sera tué
par le premier homme à qui il serrera la main. Entre l’ami Renato qui
saisit la main de Riccardo. Ce dernier incrédule paie Ulrica sans
prendre au sérieux sa mise en garde.

Acte 2. Alors qu’Amelia semble tenaillée par la peur, Riccardo apparaît
soudain. Ses paroles enflammées poussent bientôt la jeune femme à lui
avouer son amour. Un bruit suspect surprend tout à coup les amoureux
qui reconnaissent, atterrés, la silhouette de Renato. Amelia baisse son
voile et Riccardo s’avance vers lui afin de le questionner sur sa
présence en ces lieux. Le secrétaire du comte apprend à son maître que
des conjurés l’observent et le menacent. Il doit fuir seul. Riccardo
confie alors à son ami la délicate mission de raccompagner sa
mystérieuse compagne jusqu’en ville sans lui adresser la parole. Renato
obéit avec déférence. Les conjurés s’approchent bientôt du couple.
Croyant avoir affaire à Riccardo, ils sont extrêmement surpris de
trouver Renato à sa place et obligent Amelia à retirer son voile.
Renato rongé par la jalousie et blessé par son épouse infidèle, rejoint
la conspiration.

Acte 3. Cabinet de travail chez Renato. Renato annonce à Amelia qu’elle mourra pour sa faute, puis se convainc
qu’un autre sang doit couler : celui du traître Riccardo. Les conjurés
se présentent comme convenu. Renato veut porter lui-même le coup fatal.
Une vaste et riche salle de bal:
Malgré un billet l’avertissant du danger qui le menace, Riccardo se
rend au bal. Après avoir fait pression sur le page Oscar, Renato
obtient du jeune homme le détail du costume sous lequel se cache le
comte. Alors qu’il échange ses derniers mots avec Amelia, Riccardo
s’effondre, frappé par le poignard de Renato. Avant d’expirer, le
gouverneur informe son ancien ami qu’il a aimé sa femme mais n’a jamais
outragé son honneur. Devant la loyauté prouvée du Comte, Renato
regrette son geste, mais Riccardo meurt en pardonannt aux conjurés.

Illustrations
Alexander Roslin, Gustave III de Suède (DR)
Alexander Roslin, la famille Jennings (DR)

Antonio Vivaldi, Farnace (1727) Contexte et genèse de l’oeuvre

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Le Miracle Vénitien des années 1726/1727 : Vivaldi et la Cour de France.
On ignore souvent que dans l’importante production lyrique de Vivaldi, les « sérénades » qu’il composa alors au sommet de sa gloire vénitienne, pour l’Ambassade de France à Venise, occupe une place singulière.

L’année où l’auteur du « Cimento dell’Armonia » est immédiatement reconnu comme le « violon de l’Italie » sur la scène européenne, la Cour de France sollicite ses dons musicaux pour un événement dynastique de première importance. A l’occasion du mariage de Louis XV avec Marie Leczinska, le 12 novembre 1725, l’Ambassadeur Longuet fait représenter une « serenata » du maestro Vivaldi. L’année suivante, 1726, qui est celle des grands triomphes lyriques du compositeur sur la scène de son théâtre, le San Angelo, l’Ambassade de France renouvelle ses commandes, peut-être pour l’entrée publique à Venise de l’Ambassadeur ou pour la fête du Souverain Français, le 25 août.

Ainsi naît « la Senna Festeggiante », « la Seine en fête » dont le titre marque un singulier parallèle entre Venise et Paris, des bords de la Seine à ceux du Grand Canal. Mais le sujet, outre son évidence parisienne, rétablit le genre musical de la « serenata » dans une tradition qui lui est propre : celle des divertissements princiers en plein air à l’occasion d’un événement dynastique, convoquant quelques solistes et un orchestre à la manière d’un « petit opéra ». Les indications pour l’ouverture « à la Française » de la seconde partie (plus de deux flûtes et de deux hautbois) laissent penser que Vivaldi destinait son ouvrage pour une exécution en plein air. On imagine quel cadre idéal les façades du Grand Canal pouvaient offrir à la création de l’œuvre.

Familière des sonorités vivaldiennes, l’Ambassade de France récidiva en 1727 pour fêter la naissance des princesses de France, les filles de Louis XV : Mesdames Royales, filles jumelles du Roi. Ainsi à la demande du ministre Maurepas, l’ambassadeur Longuet s’exécute et Vivaldi compose pour l’occasion, un « Te Deum » et une sérénade de deux heures, intitulée  » l’Unione della Pace e di Marte », l »Union de Mars et de la Paix ». Une scène est installée sur l’eau à l’extrémité des jardins de l’ambassade : vers huit heures du soir, alors que les façades du Palais Longuet sont illuminées, un « Palais » jaillit des eaux : le palais du Soleil selon la description d’Ovide.

Rinaldo Alesandrini a enregistré, également pour Opus 111, une version de « La Senna Festeggiante » avec un souci particulièrement respectueux de la partition connue. Son travail s’est concentré sur la texture instrumentale de l’orchestre et la restitution de la partie vocale de la basse (la Seine), qui dut être tenue au moment de la création par un soliste virtuose au vu des difficultés de chacun de ses airs. Sans contredire la coloration « française » de la partition (rythmes pointés indiqués « alla francese »), la version Alessandrini défend l’hypothèse d’une exécution liée à une célébration propre à la cour de Louis XV mais peut-être en dehors de Venise. Quoiqu’il en soit, la qualité des récitatifs, les airs de grande ampleur, l’indication des deux ouvertures pour chacune des deux parties distingue « La Senna » des autres sérénades composées par Vivaldi. La finesse de l’inspiration confirme sans aucun doute la datation de 1726/1727, période fastueuse pour Vivaldi qui après avoir connu la gloire comme violoniste d’exception, recueille des lauriers mérités sur la scène lyrique, celle en particulier du théâtre San Angelo où est créé précisément son chef-d’œuvre, « Farnace ».

Jordi Savall ressuscite « Farnace »

La saison lyrique de 1727 au San Angelo est capitale dans la carrière du Vivaldi dramaturge. Elle marque un premier retour à Venise après plusieurs années passées à l’extérieur de la lagune. Vivaldi n’a cessé depuis les débuts des années 1720 de parcourir les théâtres de Vénétie et des états papaux afin d’y contrôler la création de chacun de ses nouveaux opéras en particulier à Rome où il veille aux représentations de « Ercole sul Tremodonte » (1723) puis « Giustino » (1724). Il est donc un génie du théâtre lyrique qui attend son heure à Venise. Le pas sera franchi avec « Farnace ».

Fidèle à son travail sur la texture, Jordi Savall éclaire la sensibilité instrumentale de Vivaldi au théâtre. Son « Farnace » paru sous étiquette « Alia Vox » confirme cette plasticité gestuelle qui est au cœur de la démarche du chef catalan. Son sens des plans instrumentaux, sa maîtrise des timbres associés comme le fait un orfèvre dans l’art des alliages, restitue un Vivaldi peintre des climats dont la brosse vibratile toujours à l’affût capte l’essence des sentiments les plus subtils pour les transmettre par le filtre de sa musique. L’auteur s’y révèle à l’égal de Haendel, un maître des passions humaines portées sur la scène : intelligence des récitatifs qui mènent l’action, éclat des airs qui construisent l’arche des sentiments.

L’intrigue

L’opéra met un scène un trio impossible, Bérénice, Pompée, Farnace. Tous trois sont affrontés par des raisons politiques contraires : rien ne peut a priori les rapprocher. Le souci d’épargner sa lignée et de protéger son clan demeure incorruptible. Devraient-ils mourir, rien ne peut infléchir leur honneur. Nous avons là l’un des operas serias les plus profonds de l’écriture Vivaldienne. Par haine de Farnace, Bérénice se rapproche de Pompée, tandis que Pompée le romain est l’ennemi juré de Farnace. Entre ses deux figures du pouvoir, étouffe l’épouse de Farnace, qui est aussi la fille de Bérénice, Tamiri, remarquable portrait de femme, soumise et digne, douloureuse mais tenace, hautaine et mystérieuse comme son rang l’exige.

A force d’épreuves où l’amour rompt les trames des intrigues politiques, où l’humain défie en définitive la Loi, la clémence vaincra tout, et dans une sorte de « happy end » ou de lieto finale, chacun pardonne et l’opéra s’achève sur une note positive par la réconciliation des rivaux. En dépit des oppositions passées, il existe une voie de la sagesse qui permet de « vivre ensemble ». Le pardon est possible, et dans cette fin heureuse, c’est déjà l’éclat de l’esprit des lumières qui point à l’horizon. Là encore, ce qui convainc c’est l’étoffe des héros. Il faut toute la furia dramatique habituelle des grandes voix baroqueuses pour exprimer la « passion vivaldienne ».

L’enregistrement discographique de 2003
Au moment de sa sortie, l’enregistrement de « Farnace » n’a pas reçu l’accueil qu’il méritait. Il est vrai que les options retenues par le chef pour l’enregistrement, pourtant légitimes sur le plan historique, ont « opacifié » sa juste et directe compréhension. Ce « Farnace » recueille au disque, les meilleures prises de la production de l’opéra représenté au théâtre de la Zarzuela de Madrid en octobre 2001. Plutôt que la version originale de 1727, Jordi Savall a préféré celle plus étoffée de 1731 mais inscrite dans le contexte spécifique de la Cour Madrilène de 1739, quand le compositeur italo-français, Corselli, régnait sur le goût local. Le couple des commanditaires, Isabelle Farnèse et son époux Philippe V, partagent alors une affection particulière pour l’opéra français et le chant italien. C’est en reprenant l’usage courant des « pasticcios » baroques, que Jordi Savall a choisi de restituer le « Farnace » de Vivaldi pour l’adapter à la représentation du sujet à Madrid, le 4 novembre 1739, en le complétant par des airs extraits du propre « Farnace » de Corselli. Cet éclairage particulier qui souligne la présence de l’opéra italien à la Cour de Madrid est d’autant plus légitime si l’on rappelle que Isabelle Farnèse emploiera Farinelli afin d’adoucir la maladie mentale de son royal époux.

En dépit de sa pertinence, l’assemblage savallien qui puise dans une tradition éclectique que n’aurait pas renié Vivaldi, a paru contre nature. Pourtant nous tenons là une lecture somptueuse, grâce en particulier au rôle titre tenue par le ténor Furio Zanasi, d’une ample et humaine noblesse héroïque, ainsi que la contralto Sara Mingardo, émouvante Tamiri, superbe rôle féminin qui fut porté à l’époque de Vivaldi par sa muse et chanteuse préférée, la cantatrice d’origine Française Anna Giro. L’assise de l’orchestre du Concert des Nations, fruité, généreux, sanguin, apporte sa contribution et délivre avec magie, ce sens vivaldien des couleurs et des ruptures de tension. Ce « Farnace » savallien est l’une des expériences les plus passionnantes de la discographie lyrique vivaldienne.

Illustrations
Jean-Etienne Liotard, portraits de femme (DR)

Antonio Vivaldi,Farnace, 1727Paris, Salle Pleyel, le 16 janvier à 20h

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Vivaldi,
Farnace, 1727

Paris, Salle Pleyel
Le 16 janvier 2007 à 20h
(version de concert)

Attention événement ! Bordeaux accueille un découvreur visionnaire dont la justesse de l’instinct musical s’impose indiscutablement. Pape de la scène baroque, le catalan Jordi Savall n’a jamais faibli sur ses chantiers de prédilection : les compositeurs méconnus, l’industrie discographique, le spectacle vivant, plus généralement : la passion de la musique vécue comme un humanisme à partager. Il a révélé Marin Marais et Sainte-Colombe, père et fils : douze années après le film culte, Tous les matins du Monde, il publie en juin 2003 un disque-coffret incontournable dédié à ces musiciens du Grand Siècle. Il reste aussi le seul artiste de musique classique qui osa créer son propre label Alia Vox, en 1998. Avec plus de 700 000 exemplaires vendus, la maison pourtant jeune s’est imposée sur les marchés du monde entier.

Plus infatigable que jamais, voici notre « croisé » sur un chantier nouveau : le théâtre Vivaldien. On sait l’art avec lequel Jordi Savall cisèle chacune de ses performances publiques. La rigueur, l’exigence conduisent ici un génie des dosages musicaux, un expert dans l’alchimie des nuances de timbres, des intonations infimes, des figures émotionnelles contenues dans les pages musicales et dramatiques. Celui qui rêve toujours de monter Alcyone de Marin Marais, aborde un opéra de la maturité vivaldienne : Farnace. Une production remarquée sur la scène de l’Opéra de Bordeaux (juin 2003) avait déjà montré à l’appui de l’enregistrement discographique paru la même année, l’affinité savalienne pour le théâtre de Vivaldi. C’est donc avec plaisir que le public parisien retrouve en janvier 2007, les fastes passionnels d’une partition baroque flamboyante. L’oeuvre fut créée à Venise au Sant’Angelo en 1727, puis reprise à Pavie en 1731.

Jordi Savall nous offre la seconde version : en dirigeant un collectif de chanteurs aguerris associés au lustre rugissant de son orchestre Hesperion XXI, le chef catalan aborde le génie d’un Vivaldi quinquagénaire, au sommet de son art. Sur la trame convenue des airs da capo, électrisé par la concurrence du théâtre napolitain, plus en verve sur le mode comique, Vivaldi signe une superbe fresque héroïque. Il y déchaîne un torrent de musique où la virtuosité vocale n’empêche pas la plasticité pensée de l’orchestre. Jordi Savall se délecte à souligner la profondeur oubliée d’un Vivaldi humain et poétique, profond et sincère, génie dramatique et mélodiste né, grâce à un travail remarquable sur les accents, les colorations, les intentions scéniques.

Après Bordeaux (juin 2003), la nouvelle salle Pleyel participe au retour en grâce du génie Vivaldien lyrique, quand les salles d’opéra boudent encore la dramaturgie du Pretre Rosso. L’expérience de ce Farnace remonte au Théâtre de la Zarzuela de Madrid en octobre 2001.

Distribution
Lire la fiche de la production sur le site de la salle Pleyel

Cd
Farnace de Vivaldi – coffret de 3 cds – Alia Vox (enregistrement live des sessions madrilènes des 26 et 28 octobre 2001)
Les spectateurs parisien du 16 janvier, retrouveront dans le rôle-titre, Furio Zanassi qui incarne dans l’enregistrement Alia Vox, le Roi du Pont, fils et successeur de Mithridate.

Approfondir
Lire notre dossier « les opéras de Vivaldi ».
Lire notre dossier « Farnace d’Antonio Vivaldi : contexte et genèse

Illustrations
Giambattista Tiepolo, Rinaldo (Wurzburg, Residenz. 1752)

Mozart, Idomeneo (1781)

Mozart,
Idomeneo

Opéra national de Paris
nouvelle production
Palais Garnier

(mise en scène de Luc Bondy)
Du 30 novembre au 29 décembre 2006

Munich apprécie le talent du jeune compositeur Mozart. Cinq après l’opera buffa, La Finta Giardiniera, le musicien est sollicité par l’Electeur Karl-Theodor de Bavière, pour un nouvel opéra, mais cette fois-ci, sur le genre héroïco-tragique, ainsi Mozart peut aborder un registre qu’il aime parce que, nourri de contraintes, il stimule l’inspiration mise au défi de l’innovation. Idomeneo incarne l’ambition d’un jeune tempérament, plein de fougue et d’invention.
Varesco, le librettiste s’inspire pour se faire de la tragédie mise en musique par Campra, en 1712. L’heure est encore à la démonstration de ses talents et Mozart, encore adolescent, (25 ans) doit satisfaire les caprices des chanteurs qui lui ont été imposés. Ainsi ce castrat pour le rôle d’Idamante, Vincenzo del Prato-, qu’il écartera lorsque l’oeuvre sera donnée après Munich à Vienne, avec un ténor cette fois ! Aujourd’hui, le personnage est tenu soit par un ténor, soit par une mezzo. Option adoptée dans la production parisienne puisque c’est Joyce DiDonato qui sera le fils d’Idoménée, roi de Crête.
Mozart y absorbe le spectaculaire existant alors : en particulier, le souffle d’un choeur tragique, puisant chez Gluck, l’efficacité des tableaux collectifs.
L’oeuvre est crée à Munich, pendant le carnaval, le 29 janvier 1781, au Residenztheater.

A l’affiche
Consulter la distribution de la production présentée par l’Opéra national de Paris, Salle Garnier, à partir du 30 novembre et jusqu’au 29 décembre 2006.

Approfondir
Lire notre dossier spécial « Idomeneo de Mozart« 

Illustration
Joseph-Marie Vien, la marchande d’amours (Versailles, château)

Giuseppe Verdi, Rigoletto (1851)

Francesco Maria Piave avait déjà livré un livret inspiré de Hugo, pour Verdi : Ernani. Récidive avec Rigoletto, dont le sujet puise dans la pièce de l’écrivain français, Le roi s’amure (1832). Les auteurs savent rendre un texte efficace. La violence des oppositions, individus/foule se réalise à merveille, offrant en particulier, de superbes passages au succès jamais épuisé depuis la création vénitienne de 1851 : l’air du Duc amoureux et volage : « La donna è mobile », ou le quatuor féerico-fantastique de la scène de l’auberge et du meurtre, à l’acte III. Ici la virtuosité, encore présente (air de Gilda : Caro nome) s’intègre dans le continuum dramatique. La cohérence de l’action n’est jamais sacrifiée au nom de la performance et Verdi signe là, l’un de ses plus éblouissants drames, politique et sentimental.
Le portrait du pouvoir y est cynique et terrifiant ; l’amour du père et de sa fille (Rigoletto/Gilda) est un contrepoint au monde de la barbarie en marche et le duo sincère sera sacrifié sans hésitation pour satisfaire au plaisir d’une humanité qui a perdu son innocence. Et l’oeuvre de la malédiction proclamée au début de l’ouvrage pourra s’accomplir sans obstacle, terrassant les trop faibles injonctions de l’amour le plus authentique.
L’oeuvre est créée à la Fenice de Venise, le 11 mars 1851.

A l’affiche
Fin d’année 2006 festive où l’un des chefs d’oeuvre de Verdi est mis à l’honneur des scènes lyriques.
Toulouse, Marseille, Massy puis Bordeaux, abordent successivement la partition verdienne :

Opéra de Toulouse
Du 24 novembre au 3 décembre 2006

Opéra de Marseille
Du 19 au 31 décembre 2006

Opéra de Massy
Du 12 au 16 janvier 2007

Opéra national de Bordeaux
Du 9 au 21 février 2007

Dvd
Trois versions à notre connaissance illustrent à l’image la partition de Verdi. L’une luxueuse mais limitée, chez DG avec Luciano Pavarotti et Edita Gruberova (1982) ; la deuxième, classique et séduisante, en provenance de Vérone (2001, TDK)) ; enfin la troisième, profitant d’une mise en scène intelligente (signée Graham Vick) qui restitue grâce à la cohérence vocale, la terrifiante violence de l’action (Liceu, 2004, TDK)

Illustration
Diego Velasquez, Portrait d’un nain bouffon

Joan Sutherland/Richard BonyngePortrait croisé

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L’opéra à deux
Rares voire exceptionnels les couples à la vie comme sur la scène ; surtout, si les deux musiciens partageant une passion commune, avancent l’un avec l’autre dans la même voie. Ce fut le cas du couple Bonynge/Sutherland.

Originaires tous deux de la Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, Richard Bonynge qui deviendra chef d’orchestre, et la soprano Joan Sutherland, rencontrent dès les années 1950 car ils jouent déjà ensemble, en particulier le 17 juin 1950 lorsque le jeune homme de vingt-ans qui a obtenu une bourse pour se perfectionner à Londres, donne un concert d’adieu au Conservatoire de Sydney : Joan (24 ans), est à ses côtés, et chante avec le timbre puissant et naturel qui la distingue dès ses débuts de chanteuse. La mère de la jeune cantatrice, mezzo, avait été l’élève de la Mathilde Marchesi, le professeur de Nellie Melba et Sybil Sanderson.
Or dans cette période, Joan Sutherland se pensait mezzo comme sa mère, et après avoir eu la révélation qu’elle était soprano dramatique, ses aigus poussés, travaillés, n’allaient guère qu’au la. La coloratoure capable de suraigus phénoménaux (après l’ut, jusqu’au mi bémol), allait bientôt démontrer de nouvelles ressources : à Londres, où elle rejoint Richard Bonynge en 1951, et grâce à celui qui répétiteur, ayant pris l’habitude de faire répéter les chanteurs, allait offrir à sa partenaire, la nouvelle révélation de ses aigus exceptionnels.
Soutenue par son compagnon, Joan Sutherland, maîtresse de ses nouveaux aigus, habile aussi dans les trilles, découvre et aborde les répertoires belliniens et donizettiens. Elle intègre en 1952, la troupe du Covent Garden après avoir chanté, Bellini (i Puritani), Mozart (Donna Anna) et Wagner (Tannhaüser).

L’admiratrice de Kirsten Flagtstad épouse Richard Bonynge en octobre 1954. Les rôles qu’elle aborde sur la scène sont divers : Mozart (La Comtesse), Weber (Agathe), Offenbach (Olympia, Antonia), Verdi (Aïda, Gilda, Desdemona, Amelia…). Jusqu’au soir du 17 février 1959, où elle chante Lucia di Lammermoor de Donizetti, (sous la baguette de Tulio Serafin et dans la mise en scène de Franco Zeffirelli), ressuscitant l’ouvrage et devenant immédiatement, une star internationale. Donizetienne, Joan sut être aussi une éblouissante bellinienne, travaillant et chantant ensuite, La Sonnambula à Londres (1960), mais elle fut aussi une superbe Traviata de Verdi au même moment !
Richard Bonynge de son côté, apprend sur le terrain la direction d’orchestre. Il pourra donner l’état de sa préparation au pupitre, à Rome en janvier 1962, pour un récital de son épouse.

Le couple Bonynge/Sutherland travaille en équipe : chaque rôle est approfondi dans le moindre détail car les deux artistes sont aussi exigeants l’un que l’autre. Ainsi, grâce à l’étendue de la tessiture de la cantatrice, et la réputation de sérieux du pianiste et chef d’orchestre, l’Opéra de San Francisco accepte de monter Esclarmonde de Jules Massenet, un ouvrage aussi méconnu que redoutable pour la voix, sans même que son directeur ait vraiment parcouru la partition. Chaque pari sur la nouveauté et les difficultés d’interprétation qui en découlent, s’avère gagnant. D’autant que la maison de disques Decca suit avec confiance les propositions du couple : ainsi, ne l’ayant jamais donné sur scène, Joan Sutherland aborde la rôle de Turandot en studio sous la direction de Zubin Mehta.

Au final, la carrière parallèle des époux Bonynge se concrétise aujourd’hui en une discographie vertigineuse, qui comprend, le répertoire italien mais aussi des incursions tout aussi convaincantes dans l’opéra français et germanique.
Même si la cantatrice regrette de ne pas avoir donné davantage de rôles comiques (Norina de Don Pasquale de Donizetti, restera son rêve!), la « Stupenda » reste inoubliables dans les rôles d’héroïnes blessées et tragiques.

Approfondir
Lire notre dossier Dame Joan Sutherland, à l’occasion de ses 80 ans, le 7 novembre 2006.

Ludwig van Beethoven, Symphonie n°3 « Héroïque »

En 1817, alors que Beethoven avait déjà composé ses huit premières symphonies, le poète Christophe Kuffner lui demanda laquelle il préférait entre toutes. Sans hésitation, le compositeur répondit :
– « l’Héroïque !
– J’aurai cru l’ut mineur [la symphonie n°5]
– Non, non ! l’Héroïque. »

Il faut bien comprendre que cette œuvre figure à part dans le cœur du compositeur et qu’il s’agit d’une étape capitale dans sa création artistique. Composée principalement entre le printemps 1803 et l’année 1804, Beethoven opère ici une révolution. Mais qu’a-t-elle de révolutionnaire ? Tout d’abord ses dimensions sont sans précédent : sa durée (plus de 50 minutes), ses très grands développements, sa puissance orchestrale, sa construction restent remarquables. L’œuvre est intimidante. Ici commence une nouvelle époque pour le compositeur, celle que les musicologues nomment le deuxième style, le style « héroïque ».
L’anecdote concernant la dédicace reste connue, quoique que certains auteurs l’aient parfois remis en doute : d’après Schindler, ce serait Bernadotte, ambassadeur français à Vienne qui aurait donné l’idée à Beethoven de composer une symphonie à la gloire de Napoléon. En effet, le compositeur ne cachait pas son admiration pour le héros français qui souhaitait exporter la révolution dans l’Europe entière. Humaniste, nourri d’idéaux républicains, Beethoven reconnut un temps en Napoléon, le modèle politique post-révolutionnaire. Mais lorsque son héros se fait sacrer Empereur, le compositeur allemand entre dans une colère monstre. Ries témoigne : « Je fus le premier qui apportai à Beethoven la nouvelle que Bonaparte s’est fait sacré empereur. Là-dessus, il entra en fureur et s’écria « ce n’est donc rien de plus qu’un homme ordinaire ! Maintenant, il va fouer aux pieds tous les droits humains, il n’obéira plus qu’à son ambition… il deviendra un tyran ! » Il alla vers la table, saisit la feuille de titre, la déchira de bout en bout et la jeta par terre. La première page fut réécrite à nouveau, et alors la symphonie reçut pour la première fois son titre : Sinfonia Eroica ».
La première audition a lieu chez le prince Lobkowitz (pour qui la symphonie est dédiée) en août 1804 et la première publique a lieu le 7 avril 1805 au théâtre « An der Wien ». La première chose qui dérouta le public, fut sa longueur, en quoi Beethoven répliqua qu’il écrirait une symphonie encore plus longue. La publication a lieu seulement en 1806 avec comme titre finale « Symphonie héroïque, composée pour célébrer la souvenir d’un grand homme. » En 1821, lorsque Napoléon décèdera à Saint Hélène, Beethoven déclarera : « Il y a 17 ans que j’ai écrit la musique qui convient à ce triste évènement ».

Allegro con brio : forme-sonate de grande ampleur. Le thème principal présente des analogies avec l’ouverture de Bastien et Bastienne de Mozart, mais il est beaucoup plus amplifié, et complexifié dans des développements riches et complexes. Mouvement débordant d’énergie. Son développement en deux parties beaucoup, est plus long que l’exposition. La coda reste particulièrement réussie.

Marche funèbre – adagio assai
: Grand mouvement lent, d’une longueur et une densité sans précédent. Il reste en tout cas le mouvement le plus long des symphonies de Beethoven, excepté le finale de la Neuvième. Paraît-il que Hans von Bülow le dirigeait toujours avec des gants noirs. L’exposition comprend sept épisodes dans la tonalité tragique d’ut mineur. Une partie B en mi bémol apporte une certaine sérénité, et s’avère par moment très expressif.

Scherzo – allegro vivace : mouvement commençant en précipitation, d’abord pianissimo aux cordes, le thème est ensuite répété, développé puis repris fortissimo par tout l’orchestre. Le trio est très en contraste avec ce qui précède. Les trois cors jouant le motif semblent évoquer un air de chasse.

Allegro molto : mouvement final complexe constitué de neuf variations, deux fugatos, un développement et une coda triomphante. Beethoven utilise dans la quatrième variation le thème final de son ballet « les créatures de Prométhée ».

Ludwig van Beethoven, Symphonie n°2

La deuxième symphonie reste l’une plus méconnues de Beethoven. La géante qui lui succède lui fait certainement ombrage. Et pourtant quel chef-d’oeuvre encore une fois! Le larghetto en particulier, est une merveille qui impressionna beaucoup Schubert. Bien qu’elle soit toujours dans la lignée de Haydn et de Mozart, la partition est pourvue d’éléments beethovéniens déjà bien marqués (contrastes, rythmique, coda…).
Le plan est esquissé dès l’automne 1800. Beethoven termine son œuvre à Heiligenstadt, dans la banlieue de Vienne où son médecin lui a conseillé de se reposer, durant l’été 1802. Les esquisses montrent que le compositeur y travaille beaucoup. C’est cette même année que Beethoven rédige son célèbre « testament d’Heiligenstadt » (découvert après sa mort), document poignant dans lequel le compositeur songe au suicide. Atteint d’une surdité qui empire au fil du temps, Beethoven sait que la guérison est désormais impossible. Le compositeur est désespéré. Pourtant le caractère épanoui et vivant de cette symphonie contredit cet épisode dramatique dans la vie du compositeur, ce qui a intrigué les musicologues. Beethoven aurait-il fait la part des choses entre son art et sa vie personnelle ? Rien n’est certain. Divagation scientifique peut-être inutile et vaine…
La symphonie est exécutée la première fois le 5 avril 1803 au théâtre royal et impérial « An der Wien ». Au programme figure aussi son troisième concerto en ut et son unique oratorio « le Christ au mont des oliviers ». La dédicace va à Karl Lichnowsky, ami et principal mécène, autrefois élève de Mozart. Cette symphonie marque la fin d’une époque. Désormais Beethoven veut ouvrir de nouveaux chemins, la symphonie héroïque est alors en gestation.

Adagio molto – Allegro con brio : De même que la précédente symphonie, un adagio comporte trois épisodes principaux. L’allegro qui suit est de forme-sonate : premier thème enjoué, plein d’ardeur, second thème en la, d’allure militaire, alternent les nuances piano et fortissimo.

Larghetto : Mouvement pleinement réussi, un parfait modèle de forme-sonate (rare pour un mouvement lent), de surcroît, très bien construit. Les adjectifs ne manquent pas pour un moment serein, d’une grande inspiration dans les thèmes au caractère rêveur, contemplatif. Le développement fait apparaître des parties contrastantes avec l’exposition, où apparaissent des épisodes plus sombres, avec de nombreuses modulations.

Scherzo – allegro : « aussi franchement gai dans sa capricieuse fantaisie, que l’andante a été heureux et calme » selon Berlioz. De forme ABA, où A comprend deux thèmes qui s’alternent. Mouvement saisissant par ses nombreux contrastes, aux nuances franchement opposées, typiquement beethovéniennes. Le trio B conserve la même allure, légère et enjouée.

Allegro molto : de forme-sonate, dans la continuité du scherzo, toujours vivace et énergique. La coda est ici remarquable par sa dimension, une des premières avec développement terminal qui deviendra une grande caractéristique du style beethovénien.

Ludwig van Beethoven, Symphonie n°1

Beethoven a trente ans lorsqu’il compose sa première symphonie. Bien qu’il ait déjà à son actif un nombre important de compositions, pour le piano et la musique de chambre, le genre orchestral n’avait paru alors que dans ses deux concertos pour piano (d’une palette très mozartienne). Autant dire que c’est un genre qu’il prend très au sérieux et qu’il a amplement réfléchi. L’enjeu est de taille. Alors que Mozart et Haydn ont déjà donné des chefs-d’oeuvre qui semblaient avoir essoufflé le genre en établissant des formes quasi définitives, Beethoven désire ardemment s’exprimer à son tour. Il entend dès sa Deuxième symphonie, « ouvrir de nouveaux chemins ».
Composée probablement en 1799 et 1800, elle semble inspirée de la 97e symphonie de Haydn. Chose bien probable sachant que Beethoven lui-même a été élève de l’auteur des 106 symphonies. L’orchestre est typiquement classique : bois par deux, deux trompettes, deux cors, timbales et les cordes. Sa première exécution a lieu le 2 avril 1800 : Beethoven donne ce jour-là, sa première académie au Burgtheater. Au programme, toujours bien rempli à l’époque, figure notamment une symphonie de Mozart, un air de Haydn, son septuor Opus 20, et son premier concerto pour piano. La dédicace va d’abord à Maximilian Franz, frère de Joseph II, qui fut son employeur en tant que prince-électeur de Bonn, ville natale du compositeur. Mais le prince décède au moment où la symphonie est éditée. C’est donc le Baron Gottried van Swieten, célèbre ami viennois de Mozart qui reçoit la dédicace.
La symphonie comprend quatre mouvements.

Adagio molto – Allegro con brio : Beethoven débute sa symphonie de manière inattendue grâce un accord de septième de dominante, joué forte par tout l’orchestre. Tout le caractère du compositeur est déjà là : surprendre son auditeur. Les débuts d’œuvres sont toujours primordiaux chez Beethoven (l’exemple le plus remarquable étant la Cinquième symphonie). Ils intriguent l’auditeur curieux de savoir ce qui va suivre, et qui reste difficilement prévisible. L’introduction, se déploie lentement jusqu’à l’alternance d’accords entre vents et cordes qui conclut cet adagio. Ainsi débute l’allegro, plein de fougue et d’énergie où la tonalité d’ut majeur est très affirmée. Le développement met en valeur les motifs les plus énergiques de l’exposition. Mouvement très allant qui manifeste un Beethoven prêt à conquérir le monde musical.

Andante : de forme sonate, l’exposition commence en fugato, d’écriture contrapuntique. Le second thème est d’allure beaucoup plus harmonique. Le compositeur se serait probablement inspiré du mouvement lent de la quarantième symphonie de Mozart.

Menuetto allegro molto et vivace
: il s’agit en fait ici du premier scherzo symphonique de Beethoven, malgré son appellation par le compositeur (seul la Huitième symphonie comporte un véritable menuet). Il est de forme ternaire ABA. Première empreinte typiquement beethovénienne. Considéré comme le mouvement le plus novateur et originale de cette première symphonie.

Adagio – allegro molto et vivace : Que de charme, de joie et d’humour dans ce mouvement rempli de vitalité. Comme le premier mouvement (rondo-sonate), un adagio, relativement court (six mesures), basé sur la construction d’un gamme d’ut majeur, précède l’allegro bondissant, où le premier thème se construit sur des notes piquées et répétées. Le second thème en sol plein de fraîcheur est dans un esprit très proche de Haydn. Beethoven choisit de conclure de manière très brillante cette première symphonie qui constitue ainsi son premier chef-d’œuvre symphonique.

Sir Simon Rattle,Les neuf Symphonies de BeethovenVienne, mai 2002

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Heureux viennois qui assistèrent en ce mois de mai 2002, à la Grosser Musikvereinssaal de Vienne, du 1er au 12 mai, à l’intégrale des symphonies de Beethoven : Sir Simon Rattle avait quitté les Berliner pour diriger le temps de ce cycle, les musiciens de la Philharmonie de Vienne.

De la Première à la Neuvième Symphonie, le chef britannique se révèle précis et détaillé, dramatique et emporté ; disposant d’un orchestre parmi les trois meilleurs du monde, si l’on en croit un récent palmarès établi par la presse européenne il y a quelques semaines, le chef travaille par épisode, la texture et la progression, en relevant la spécificité rythmique de chaque mouvement.

Emi classics nous comble en rééditant, en novembre 2006, l’ensemble des concerts viennois captés sur le vif.

Sommaire

Symphonies n°1 et n°3

Symphonies n°2 et n°5

Symphonies n°4 et n°6

Symphonies n°7 et n°8

Symphonies n°9

Paris, Théâtre des Bouffes du Nord cycle de concerts « La Poursuite » (1) : Vienne Lundi 13 novembre à 20h30

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Bouffes du Nord
« La Poursuite »

Lundi 13 novembre, 20h30

Le premier concert du cycle “La poursuite » fait escale à Vienne avec l’interprète de Schubert et de Schœnberg, le pianiste et compositeur Thomas Larcher (notre photo), qui est aussi compositeur et premier directeur du festival Klangspuren à Schwaz. La sélection des oeuvres abordées lors de ce concert met en perspective oeuvres classiques viennoises (Schubert et Schönberg) et écritures contemporaines.

Programme

Olga Neuwirth
Incidendo/fluido

Arnold Schoenberg
Pièce pour piano opus 11/3

Franz Schubert

Pièce pour piano D946 Nr. 2

Arnold Schoenberg

Pièce pour piano opus 11/1

Franz Schubert

Allegretto en do mineur, D 915

Arnold Schoenberg

Six petites pièces pour piano opus 19

Fabien Lévy

Soliloque sur [Olga, Arnold, Franz et Thomas],
commentaire par un ordinateur d’un concert mal compris de lui,
création mondiale de la nouvelle version

Thomas Larcher

Antennen…
Requiem für H, création française

Thomas Larcher, piano
Réalisation informatique musicale Frédéric Roskam

Thomas Larcher
Thomas Larcher fait partie des compositeurs contemporains pour lesquels
la tradition musicale aussi « lourde » que celle héritée de Vienne, est
une source d’inspiration.
Dans un style puissant et direct, alliant franchise et raffinement, le compositeur né à Innsbruck en 1963, adoucit la complexité de l’avant-garde (Boulez-Stockhausen) par une simplicité d’approche plus engageante.
Pianiste, formé à Vienne, Thomas Larcher enseigne et dirige plusieurs festivals. Le compositeur a répondu à de nombreuses commandes (Till Fellner, Heinrich Schiff, le Tönhalle de Düsseldorf et la Semaine Mozart à Salzbourg). En résidence à Davos (Suisse), Heimbach (Allemagne) et Risør (Norvège), ses dernières compositions montrent un talent engagé par les événements contemporains : concerto pour violoncelle : Hier, Heute (Orchestre symphonique de Lucerne, dirigé par Jonathan Nott), avec la voix pré-enregistrée d’un photographe engagé dans la guerre en Irak ; concerto pour piano (créé au Festival de la Ruhr en juillet 2006) ; un quatuor à cordes pour le Quatuor Artemis…

Prochains concerts
du cycle « La Poursuite » au théâtre des Bouffes du Nord :

Lundi 8 janvier, 20h30
La Poursuite II : Éclipses

Lundi 12 février, 20h30
La Poursuite III : Bartók, Ligeti, Chin

Crédit photographique
Le pianiste et compositeur autrichien Thomas Larcher
© Alexander Basta

Benjamin Britten, Owen Windgrave (1971)

D’après Henri James, l’opéra illustre l’engagement du compositeur antimilitariste. Mais le sujet assemble aussi plusieurs idées centrales du
théâtre de Britten : la mort de l’adolescent et le soupçon de la
fascination homosexuelle que le jeune héros suscite chez son maître
Coyle. Britten est fidèle à la qualité d’attraction virile qui unit
dans le roman de James, le maître à son élève. Il y a peut-être aussi
dans cette affection réciproque, le souvenir du premier amour de James
comme en témoignent les lettres que l’écrivain adressa au jeune
sculpteur américain, Henrik Andersen. Sur le thème d’une admiration
partagée, James écrit aussi « L’élève », nouvelle qui décrit sur le mode
contemplatif l’affinité qui unit le précepteur et son protégé.
Mais
chez Melville comme chez James, le poison du meurtre est absent : il
n’apparaît que chez Britten. Toute attraction homosexuelle semble
inéluctablement tourner au meurtre ou au suicide. La quête de l’absolu et de la beauté doivent-elles inéluctablement mener au chaos? Cette question récurrente sera autrement posée avec plus de noirceur et de poison, dans « Mort à Venise » (1973).

A l’écran comme au théâtre
En 1968, Britten travaille à son nouvel opéra, aidé pour le livret, de Myfanwy Piper. Le sujet, inspiré du roman éponyme d’Henry James, et publié en 1892, lui permet d’aborder un sujet cher, qu’il a vécu lui-même au moment de la Seconde Guerre mondiale : la dénonciation du non fondé de la violence et de la guerre, d’autant plus critiquées pour les victimes qui en payent le prix fort et que le compositeur s’est révélé un anti-militariste convaincu. En novembre 1970, selon ce qui était prévu, l’opéra fut d’abord réalisé pour la télévision, à l’initiative du commanditaire, la chaîne BBC : scénario, montage, distribution, tout fut validé par le compositeur. L’ouvrage fut ainsi créé en mai 1971, puis représenté sur la scène, en 1973 à Covent Garden. Au final, l’ouvrage devait autant se prêter à l’écran qu’au théâtre.

Après avoir adapté The Turn of the screw, (Le tour d’écrou) également d’Henri James, Britten découvre la nouvelle de l’écrivain qui correspond exactement à ses engagements pacifistes. Owen Windgrave, héritier d’une famille prestigieuse d’illustres guerriers, refuse de poursuivre son éducation militaire et décide, contre les plans du clan familial, y compris sa fiancée, de cesser ses études. Mais comment montrer son courage dans un combat très difficile où les tenants de l’ordre et de la tradition n’aiment ni les tire au flanc, ni les lâches? Il y a autant de force d’âme à combattre qu’à refuser de tuer son ennemi, et Owen Windgrave le prouvera en payant cependant le prix fort, lui aussi.

Sur le plan musical, le compositeur aborde la gamme dodécaphonique, en concevant un opéra de chambre qui exige cependant 46 musiciens. La violence et l’efficacité de l’écriture traite avec grandeur un thème d’autant plus délicat et sensible qu’il engage l’identité virile et l’une des valeurs essentielles qui a fait la gloire de l’empire britannique, l’héroïsme patriotique. Mais au prix de combien de vies humaines ? proclame Britten par la voix de son héros, Owen Windgrave.

Solitaire mais entouré, rebelle et différent, Britten est célébré de son vivant comme le plus grand compositeur britannique après Purcell. Il est vrai que son génie qui s’exprime essentiellement au théâtre, atteint l’universel grâce à la force de ses évocations poétiques. A ce titre, il sera anobli par la Reine en 1953, et fait « Lord », en 1967.

Illustrations
Bronzino, portrait d’un jeune collectionneur (Florence, musée des Offices)

Benjamin Britten, Albert Herring

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Britten aborde sur le mode parodique le sujet du viol de Lucrèce, tout
en s’inspirant du rosier de Madame Husson de Maupassant. Il est évident
que les trois initiateurs de l’ouvrage, Pears, créateur du rôle-titre,
Britten et son librettiste Eric Crozier, purent jouer du double sens du
terme « queen », désignant et ce Roi de Mai à l’identité sexuelle
différente, et l’homosexuel clairement identifié.

Benjamin Britten, Mort à Venise

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Britten traite après Visconti, le sujet rédigé par Thomas Mann. Le
désir de l’adulte pour l’enfant, son regard contemplatif provoque ici
une résolution inverse. Le sujet désiré n’est pas sacrifié. Rongé par
le remords et la culpabilité, c’est l’adulte désirant qui succombe à la
terrible vérité de ses fantasmes pédophiles. En esthète impuissant,
Aschenbach reste fasciné, « médusé » au sens propre, par la beauté
apollinienne du garçon Tadzio. L’adorateur semble écartelé entre
l’aspiration à la beauté et la crudité charnelle qui compose aussi sa
coupable attraction. En décidant de se taire toujours, Aschenbach
semble avoir choisi l’autodestruction et l’anéantissement.

Chaque silence dicté par le
remords, quand paraît le jeune adolescent, est semblable à un coup de
poignard. Et chaque regard désirant se retourne contre lui : il se
transforme en lente agonie.
Britten a remarquablement illustré
l’évolution de la contemplation vécue par Aschenbach, en ses débuts
spirituelle et esthétique, ensuite confusément trouble et sexuelle (le
cauchemar de la Bacchanale dans lequel Aschenbach rêve qu’il rejoint
Tadzio) : l’apollinien, le bacchique… au final, dans une vision
pessimiste, l’idéalisme et le spirituel sont corrompus par le poison du
désir…

Golo Mann : de Doktor Faustus à « Death in Venice »
Avant de mourir en 1955, Thomas Mann aurait reconnu que, si son Doctor Faustus devait être porté à l’opéra, il n’y aurait qu’un musicien capable de le faire : Benjamin Britten. Or depuis janvier 1971, le compositeur qui se sait condamné, -il souffre d’une insuffisance de l’aorte : endocardite-, souhaite écrire un dernier opéra, « pour Peter ».
Britten a bien connu l’un des fils Mann, Golo, à Brooklyn, pendant son « exil américain ». Les deux hommes se retrouvent et Golo Mann, lui souffle l’idée d’adapter » Mort à Venise » que Visconti réécrit pour le cinéma.

Britten partage avec Thomas Mann, la fascination pour la ville suspendue sur les eaux : objet des fantasmes les plus poétiques, la Cité offre aux créateurs la matière au rêve, tant recherchée par les artistes. C’est moins la Cità que les plages du Lido, cette longue bande de terre entre deux mers, qui suscite chez Mann, la révélation de la beauté, dans la figure du jeune Tadzio qui lui semble être dans sa primitive et juvénile beauté, l’incarnation renouvelée des dieux. Une telle expérience esthétique devait évidemment marquer profondément Britten qui y trouve, au bord de sa vie, l’expression exacte de sa propre expérience, artistique et intime.

Dès octobre 1971, le compositeur et son compagnon, Peter Pears sont à Venise. Mais le processus créatif, hier si fluide, demande au Britten malade et amoindri, davantage de temps et de concentration.
On sait que Mann rédigea sa nouvelle au moment où Gustav Mahler trouva la mort, en 1911. Les deux événements, écriture du roman décisif pour Britten et décès d’un compositeur admiré, augmentent l’attraction du musicien pour le texte de l’écrivain. L’année 1971 est marquée aussi par l’engagement, le dernier, de Britten dans la conduite musicale de son festival d’Aldeburgh : il interrompt la composition de « Death in Venice », pour s’immerger dans les Scènes de Faust de Robert Schumann, dont la réalisation au concert reste mémorable, comme en témoignera Dietrich Fischer Dieskau qui chante dans la production.

En 1972, le travail redouble pour l’opéra. Britten s’est assuré la complicité de sa librettiste Myfanwy Piper. L’action est portée par le rôle central d’Aschenbach, chanté par Pears : ses monologues, accompagnés sobrement par le piano, structurent toute la narration. Autour de lui, sept personnages paraissent, tous incarnés par le même interprète. Chacun compose diverses facettes d’une même force souterraine dont l’activité conduit en un rituel initiatique, Aschenbach vers la mort. Chacun est un thuriféraire qui l’aide à passer les portes de l’au-delà, traverser le styx, passé de l’autre côté du miroir. Observateur et contemplateur, Aschenbach regarde l’éphèbe Tadzio et sa famille qui ne chantent pas : pour stigmatiser le monde dans lequel ils évoluent, un monde dans lequel en réalité, ne pénètre jamais Aschenbach, Myfanwy Piper imagine la danse. Tous animent ainsi une chorégraphie dont le monde est parallèle à celui du héros, Aschenbach.

Synopsis
Opéra en deux actes
(Acte I) Scène I :
Aschenbach solitaire traverse le cimetière de Munich. Sa femme est morte et sa fille vient de se marier. Un voyageur lui rappelle la fascination pour Venise. Il décide de s’y rendre.
Scène II : arrivée dans Venise, transfert crépusculaire vers le Lido.
Scène IV : accueil du directeur de l’Hôtel des Bains au Lido. Au moment du dîner, Aschenbach voit pour la première fois le jeune Tadzio : des sonorités orientales et mystérieuses qui rappellent le Gamelan, expriment la beauté foudroyante du garçon et l’impossibilité pour son adorateur d’exprimer aucun mot. C’est la musique qui évoque le choc de la vision.
Scène V : sur la plage du Lido. Aschenbach continue d’être traversé par son désir pour le jeune éphèbe. Il programme de partir mais une erreur d’enregistrement de ses bagages retarde son départ. Peu à peu, le climat étouffant de Venise se précise.
(Acte II) Scène VIII : après s’être rendu chez le barbier, Aschenbach a la confirmation que Venise est le foyer d’une épidémie de choléra. Laquelle est tenue secrète par les autorités de la ville.
De fait, le vieil homme succombe à la maladie comme il est terrassé par l’ivresse des sens que lui a causé, la beauté révélée de l’adolescent polonais, et la confusion et la folie qui se sont emparées de lui.
Scène XIV : Aschenbach sur la plage du Lido contemple à nouveau son idole. Il assiste au départ de la famille inquiète face à la diffusion du choléra. Aschenbach se morfond sur sa chaise, seul. Il meurt sur les accords de l’hymne à Apollon. Les résonances incantatoires et célestes du vibraphone semblent l’emporter.

Peter Pears indique l’importance que revêt « Death in Venice » pour Britten, lui-aussi aux portes de la mort lorsqu’il compose son opéra : l’ouvrage résume la quête artistique et personnelle du compositeur, en ce sens, la partition peut-être considérée comme son testament.

Approfondir
Lire notre critique de Death in Venice, dvd paru chez Arthaus Musik avec Robert Tear dans le rôle d’Aschenbach
Lire notre dossier « identité du héros dans les opéras de Benjamin Britten« 

Illustrations
Jacques-Louis David (atelier), académie de jeune homme (DR)
Benjamin Britten (DR)
Edouard Manet, le Grand Canal à Venise (DR)

Benjamin Britten, Le tour d’écrou

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Britten traite de l’éducation d’une jeune âme par un adulte, héritée
des moeurs grecques (éromène/éraste) mais en y ajoutant l’étoffe du
conflit et la perversité d’une lecture diabolique. Ici, l’enfant Miles
est l’objet d’un tutorat exercé contre/de son gré par le pervers et
machiavélique Quint. La gouvernante tente d’interrompre le pacte
infâme. Par sa voix, s’exprime la vérité et la dénonciation de Quint.
Mais le diabolisme du jeune corrupteur qui a vendu son âme au diable,
exerce sa pernicieuse influence qui se révélera là encore fatale pour sa jeune proie. D’autant
que le jeune garçon convoité, souffle le chaud et le froid : ne sachant pas encore
distinguer le bien du mal, le petit être se révèle aussi séducteur et
calculateur. Culpabilité partagée entre un jeune tentateur et un adulte
corrupteur?
La révélation de la relation honteuse et immorale de
Quint/Miles est d’autant plus terrifiante que Britten imagine pour
témoin et spectatrice, la tendre et loyale figure de la gouvernante. De
sorte qu’au travers des yeux de la jeune femme, le compositeur prend
parti et revendique clairement la défense de l’innocence. Cet aspect de
l’oeuvre renverrait à un épisode de la vie intime de Britten qui jeune
garçon, aurait été violenté par un adulte. Ce traumatisme de l’enfance,
explicité par Eric Crozier et Humphrey Carpenter, serait la source
thématique de tout le théâtre lyrique à venir.

Dvd
Lire notre critique du dvd de l’opéra représenté au Festival d’Aix-en-Provence en juillet 2001 avec Mireille Delunsch dans le rôle de la Gouvernante. L’une des meilleures productions aixoises de ces dernières années.

Illustration
Lord Leighton, Icare (DR)

Benjamin Britten, Billy Budd

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Britten demande la collaboration de l’écrivain Forster pour adapter le
roman de Melville, Billy Budd. Le jeune garçon est l’objet des désirs
des deux hommes, le capitaine Vere, le maître d’armes Claggart. Passion
entre hommes, l’opéra Billy Budd interroge surtout l’attraction
ambivalente que suscite le jeune Billy dans le coeur du capitaine Vere
sans qu’aucune scène explicite clairement la nature de leur relation. A
la différence du roman de Melville, Forster et Britten approfondissent
l’ambiguïté des sentiments du capitaine pour le jeune marin.
Mais
au bout du compte, c’est l’innocence qui paiera le prix fort, et
l’opéra s’achève sur le sacrifice de l’enfant sur l’autel de la morale.

Illustration
Girodet, le sommeil d’Endymion (esquisse préparatoire) (DR)

Benjamin Britten, Peter Grimes

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Le héros du premier opéra de Benjamin Britten suscite plus de soixante
ans après sa création (1945), un débat jamais résolu. Est ce parce que
au fond des choses, dans leur identité tenue secrète par le
compositeur, les personnages de Britten se dérobe à toute identité
claire, parlant au nom de leur concepteur pour une ambivalence qui
nourrit leur forte attraction? Rien de plus fascinant sur la scène
qu’un être véritable, contradictoire et douloureux, exprimant le propre
de la nature humaine, velléités, espoirs, fantasmes, soupçons, poison
de la dissimulation, terrible secret. A la manière des héros d’Henri
James, le héros ne livre rien de ce qu’il est : il laisse en touches
impressionnistes, suggestives, affleurer quelques clés de sa complexité.
A
propos de Peter Grimes, Britten et son compagnon le ténor Peter Pears
qui créa le rôle, reviennent à plusieurs reprises sur l’identité du
héros : solitaire et presque sauvage mais bon et foncièrement
compassionnel. Sa différence se révèle dans le rapport à la société qui
l’entoure : « à part » : donc coupable. Le soupçon qu’il suscite, vient de
sa différence. Est-il coupable d’avoir tuer ses apprentis pêcheurs?
Britten en épinglant le naturel accusateur des citoyens, décrit la
haine du différent, la délation facile, la peur de l’autre. Que Grimes
cache un autre secret : tel serait en définitive le vrai sujet, mais infanticide, il ne l’est
pas. L’homme incarne la figure du paria car il y a en lui, terrée, imperceptible, une profonde et inavouable blessure.
Sa nature sombre et brutale favorise le soupçon. Il est en
décalage avec le monde, un « idéaliste torturé ». En cela, Britten n’a
pas franchi la frontière de la barbarie et de la méchanceté du
personnage de Georges Crabbe (1754-1832) dont le Poème a inspiré
le sujet de son opéra. Britten reprend le cadre, ce lieu battu par les vents et les embruns, le village d’Alteburgh, village de marins mais surtout berceau du compositeur. Mais il s’autorise un changement primordial dans la personnalité du héros.

Peter Grimes, anecdote ou mythe?

L’idée d’un enfant sacrifié, image récurrente dans l’oeuvre de
Britten, exprime la perte de l’état d’enfance et d’insouciance. Le
héros de Britten est un être tragique, auquel fut arrachée trop tôt
l’innocence au monde. La force de la souillure originelle poursuit le compositeur.
Certains ont souhaité donner à la figure de
Peter Grimes, le visage de l’homosexuel honni. C’est vrai et c’est faux. Vrai, pourquoi pas ? Britten et Pears ne
cachaient rien du couple qu’ils formaient. Et alors? Avons-nous envie
d’ajouter. En quoi cela éclaire-t-il la perception et surtout la
compréhension de l’oeuvre?
Il s’agit plutôt d’une allégorie contre
l’intolérance. Tout autre relecture aussi pertinente soit-elle, mise en
rapport avec la vie et l’identité de l’auteur, réduit considérablement
la portée de l’oeuvre. D’ailleurs, lorsque John Vickers chante le rôle,
il refuse de ne voir en Peter Grimes, qu’un homosexuel car cela enferme la
perception du personnage dans une vision étroite et anecdotique, voire
colle au rôle une revendication militante qui est étrangère à la
sensibilité de Britten.
Les interludes marins élèvent manifestement
l’ouvrage au niveau de l’allégorie : la légende tragique de Grimes
gagne grâce aux commentaires de la musique, une portée poétique
indiscutable, rehaussant l’anecdote marine à l’échelle du mythe.

Poids de l’interdit

L’interdit qui pèse sur les oeuvres de Britten et colore
immanquablement l’identité de ses héros, est renforcé par le cadre
légal à son époque. Toute évocation ou description d’une
relation homosexuelle est punie par la loi britannique jusqu’en 1967.
Le procès d’Oscar Wilde et son humiliation publique, sont encore dans
les mémoires. Contexte qui nous semble aujourd’hui terrifiant quand ont
été célébrées officiellement les noces d’Elton John, après que le
mariage homosexuel ait été autorisé.
Pour Britten, à l’endroit de
Grimes, il s’agit moins d’un homosexuel en prise avec la morale de son
temps, que du conflit habituel sur la scène lyrique, de l’individu
opposé au système ; et sur le plan psychologique, la complexité
tragique d’un personnage, sombre et solitaire, impuissant à exprimer
ses sentiments : observateur du bonheur des autres et non acteur de sa
propre destinée. Pour Britten, Grimes donne le prétexte d’une lecture
de la folie humaine : haine sadique de la société, passivité et démence
du protagoniste. Le soupçon d’infanticide à l’endroit du héros, aiguise d’autant plus la noirceur du tableau.
La suite de l’écriture de Britten met en scène des
héros solitaires, accablés par le poids du secret. Chaque nouvel opéra,
est un acte ajouté au chapitre de la tragédie personnelle : comment
vivre avec le poids d’un secret où la perte de l’innocence, le poison
d’une malédiction suggérée jamais dite explicitement, l’expérience des
pulsions homosexuelles, en particulier pédophiles, disent ce mal-être
imperceptible dont la tension conflictuelle donne son étoffe au héros
lyrique ? Albert Herring, Billy Budd, Le tour d’écrou, Owen Windgrave,
Mort à Venise
disent cette obligation de l’être à nier au non de la
morale, sous la pression de la société permissive et puritaine,
l’expression de ses fantasmes les plus intimes. Et dans ce paysage
diffus, où le refoulé exacerbe l’angoisse de vivre, l’amour des jeunes
garçons aggrave encore une situation qui avoisine le souffre.

Illustrations
Girodet, Portrait d’un jeune chasseur (DR)

Benjamin Britten : identité du héros chez Benjamin Britten

La question de l’identité du héros chez Britten dévoile la part du secret coupable qui scelle le destin de ses personnages : qui est Peter Grimes ? Faire le portrait du protagoniste de son premier opéra, suscite immanquablement une série d’interrogations sur l’ensemble des portraits psychologiques que Britten a abordés : être homosexuel pour le compositeur, c’est éprouver la difficile aventure de la différence. Or cette différence suscite la condamnation de la société, la marginalisation du héros et souvent l’action tragique du remords et de la culpabilité…

Sommaire

Qui est Peter Grimes ?

Par Alexandre Pham
Opéra en un prologue et trois actes
Livret de Montaigu Slater d’après le poème
« The Borough » de Georges Crabbe (1810)
Créé à Londres, le 7 juin 1945

Billy Budd

Par Hugo Papbst
Opéra en quatre actes
Livret de E.M. Forster et Eric Crozier
d’après la nouvelle inachevée de Melville (1891)
Créé à Londres, le 1er décembre 1951

Le Tour d’écrou

Par Adrien DeVries
Opéra en un prologue et 2 actes
Livret de Myfanwy Piper
d’après la nouvelle d’Henru James (1898)
Créé à Venise, le 14 septembre 1954

Mort à Venise

Par Alexandre Pham
Opéra en 2 actes
Livret de Myfanwy Piper
d’après la nouvelle de Thomas Mann (1911)
Créé au festival d’Aldeburgh,
le 18 octobre 1974

Albert Herring

Par Elvire James
Opéra comique de chambre
Livret d’Eric Crozier d’après
la nouvelle de Maupassant,
« Le rosier de madame Husson » (1888)
Créé à Glyndebourne, le 20 juin 1947

Owen Windgrave

Par Stéphanie Bataille
Opéra en deux actes
Livret de Myfanwy Piper,
d’après le roman d’Henri James (1892)
Ecrit pour la télévision et créé à la BBC
Le 16 mai 1971

En conclusion, qu’avons-nous?
Divagations obsessionnelles d’un compositeur en proie à un traumatisme jamais apaisé ? Sujets scandaleusement portés sur la scène lyrique? Ames sensibles et prudes, passez votre chemin. Pourtant, l’ambivalence et l’ambiguïté ne laissent pas d’inspirer les auteurs, écrivains, dramaturges, compositeurs, peintres.
Les contradictions et l’essence tragique des Grimes, Vere, la passion colérique de Claggart, l’innocence ambivalente du jeune Miles, l’affectation partagée entre Owen et Coyle, appartiennent désormais à la mythologie de l’Opéra. Britten a offert de sublimes portraits psychologiques, des situations non moins fascinantes en ce qu’elles nous invitent à nous interroger sur nous-mêmes, en ce qu’elles révèlent des aspects inconnus de la nature humaine…
Curieusement en traitant de thèmes délicats, plus tus que décrits, le théâtre de Britten porte au centre de son action, le dévoilement de la vérité, la révélation du secret.

Chez Britten, l’obligation de révéler son secret et la nature de son identité, fut-elle répréhensible sous le poids de la morale puritaine, est une activité vitale. Il s’agit de dénoncer une situation dont le silence imposé par la loi sociale, tue, empoisonne celui qui en vit les conséquences.
En définitive, le héros de Britten exprime la mort de l’individu qui se soumet à l’ordre social et accepte de taire sa honteuse identité, dut-il en mourir. Dès lors, aspiration à un ordre tolérant, l’opéra de Britten ne souhaite-il pas peindre a contrario le rêve des identités assumées et pleinement comprises pour ce qu’elles sont. Mais le compositeur est plus clair que ses personnages : il oeuvre pour l’acceptation de l’homosexualité mais condamne sans ambiguïté la pédophilie, comme il le montre clairement dans Le Tour d’écrou. A ce titre, le personnage et le sens des actions de la Gouvernante sont explicites : elle prend la défense de l’enfance trompée et abusée. En tentant de rompre le pacte machiavélique qui unit le jeune Miles avec l’infâme Quint, la jeune femme entend protéger l’innocence contre les pervers, mais aussi éveiller (en pure perte) l’innocence contre ses propres ambiguïtés.

En résumé
Certes, il y a bien une action menée par Britten sur la scène lyrique, selon les tourments de sa propre vie intime. Mais, avec le recul, ne veut-il pas éveiller notre conscience à plus de tolérance, vis à vis de nous mêmes comme vis à vis de l’autre, cet étranger suspect du seul fait de sa différence ?
Utopie et humanisme. C’est à l’aune de ses deux aspects que le théâtre et les héros de Britten peuvent être justement compris.
Dossier réalisé par l’équipe rédactionnelle de classiquenews.com, sous la coordination d’Alexandre Pham.

Franz Schubert,Symphonie n°4France musique, le 22 novembre à 15h

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Franz Schubert
Symphonie n°4
« Tragique », 1816.

Mercredi 22 novembre à 15h

Orchestre Philharmonique
de Radio France,
Paul Mc Creesh
, direction

Concert enregistré le 14 octobre, salle Olivier Messiaen, Maison de Radio France à Paris.

Schubert, jusqu’à la troisième Symphonie, revisite Haydn et Mozart. Avec la Quatrième, qu’il baptise « tragique », peut-être en raison du pessimisme qui le traverse alors (la partition est terminée en 1816), le musicien fixe l’exemple Beethovénien, en particulier la Cinquième, dans le choix tout d’abord de la tonalité d’ut mineur. Du tragique qui ne résiste pas à l’envie d’ampleur comme l’attestent dans les couleurs imaginées par Schubert, pas moins de quatre cors.
Agé de 19 ans, le jeune cimpositeur affirme un tempérament personnel, singulier et divers, malgré les critiques émises sur les défauts (lourdeurs superfétatoires) des deux derniers mouvements. La partition est créée sous la direction de Riccius à Leipzig.

Les quatre mouvements
Dans l’adagio molto puis allegro vivace, en guise de premier mouvement, Schubert évoque un chant funèbre et profond (teinté par le souvenir des musiques maçoniques de Mozart) que rompt le rythme haletant et finalement triomphant de l’allegro vivace.
L’andante développe ce climat proprement Schubertien : un murmure affectueux qui parle en climats réservés et intérieurs. Les bois portent les lignes mélodiques sur un tapis de cordes.
Le menuetto-allegro vivace marque par son entêtement rythmique, d’où toute noirceur est absente. L’allegro final, en ut mineur, affirme après la réexposition de la fébrilité initiale (premier mouvement), la volonté d’en sortir et rayonne dans une conclusion lumineuse.

Durée indicative
Environ 30 mn.

Georg Friedrich Haendel, Theodora (1749)France musique, samedi 11 novembre à 10h30

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Georg Friedrich Haendel
Theodora (1749)
Samedi 11 novembre à 10h30

Geraldine McGreevy, Theodora
Anne Sofie von Otter, Irene
Stephen Wallace, Dydimus
Paul Agnew, Septimius
Matthew Rose, Valens

Orchestre et choeur du Concert d’Astrée
Emmanuelle Haïm
, direction

Production présentée en octobre 2006, à l’Opéra de Lille et au TCE à Paris.

L’oratorio est le genre dans lequel Haendel renouvelle son inspiration.
L’opéra italien a montré ses limites : hier, aclamé, il n’attire plus
les foules. Le compositeur s’est de nouveau illustré dans l’écriture de
fresques morales sacrées qui lui permettent d’exprimer avec un feu
intact, les passions humaines. Ainsi naîtront, après les chefs d’oeuvre
: Israël en Egypte (1739) et Le Messie (1742), de nombreux « opéras religieux » dont, entre autres, Samson (1743), Belshazzar (1745), puis en 1749, Solomon et Susanna. C’est aussi l’année qui voit l’élaboration de Theodora.

Créé
à Londres au Théâtre royal de Covent Garden, le 16 mars 1750, – alors
que Haendel était âgé de 65 ans-, l’oratorio est d’autant plus
singulier dans son œuvre qu’il s’agit de la seule partition sacrée dont
le sujet puise dans l’histoire chrétienne.Thomas Morell qui a écrit le
livret, s’inspire non pas de Corneille mais du récit moral de Robert
Boyle, paru en 1687, « The martyrdom of Theodora and of Didymus ».
Haendel compose la matière musicale avant le 31 juillet 1749, en
réutilisant des airs antérieurs, et même en puisant dans des duos de
Carlo Maria Clari. Malgré une distribution exemplaire où brilla le
castrat Gaetano Guadagni (Didymus), aucune des représentations de 1750
ni la reprise de 1755, ne suscita d’intérêt ; Theodora fut même un échec confirmé qui n’altéra cependant en rien, l’affection de l’auteur pour son œuvre.

Pourtant
dans cette œuvre grandiose, inspirée par la tendresse humaniste du
compositeur, visiblement subjugué par la figure de la sainte martyre du
IV ème siècle, l’écriture soigne la signification moralisatrice et
exemplaire du sujet : somptueux chœurs des chrétiens, insouciance plus
légères des païens, mais surtout, caractérisation toute en nuance et en
progression des protagonistes. Aux côtés des deux amants
(Theodora/Dydimus), s’affirment les rôles secondaires tout aussi
minutieusement décrits : Irène, compagne de Theodora ; Septimius, le
frère d’armes de Dydimus et l’inflexible Préfet Valens.
En cela Theodora préfigure l’accomplissement exceptionnel et plus approfondi encore de Jephté, le dernier oratorio de Haendel, créé deux ans plus tard, en 1752. Jephté
est composé aux portes de l’abyme : Haendel doit ralentir son rythme de
création et même s’arrêter d’écrire, incapable de poursuivre une œuvre
fascinante à cause d’une cécité partielle puis complète.

Synopsis
Acte I.
Au moment où Rome célèbre l’anniversaire de l’empereur Dioclétien,
chacun est invité à sacrifier à Jupiter. Le jeune officier Didymus
s’insurge contre la loi romaine qui contraint la liberté de conscience
car il s’est secrètement converti au christianisme. Lui répond Theodora
qui est arrêtée pour être prostituée dans le temple de Vénus.
Inflexible, la jeune chrétienne se prépare à la mort.
Acte II. Didymus qui l’aime, obtient une entrevue. En revêtant de l’officier romain, elle peut fuir la geôle qui l’emprisonne.
Acte III.
Libre, Theodora ne peut rester insensible à la tragédie qui frappe son
aîmé : Dydimus a été arrêté et condamné à mort. La jeune femme se livre
aux officiers et meurt avec Didymus.

Illustration
Portrait du Fayoum, jeune femme, vers 170 après Jésus-Christ (Paris, musée du Louvre)

Etienne Vatelot,Sculpteur d’âmesMezzo, jusqu’au 15 novembre



Etienne Vatelot,
Sculpteur d’âmes

Le 5 novembre à 5h45
Le 12 novembre à 11h45
Le 15 novembre à 16h50

Réalisation : Yvon Gérault.
Documentaire 2005, 52 mn.

Un bon luthier sait avant tout analyser les sonorités par interprète. Idientifier le style de chacun pour lui conseiller l’instrument adapté à sa sensibilité : savoir conseiller un Guadarini plutôt qu’un Stradivarius, tout est là… Projection du son, rapidité d’émission, le luthier est aussi un expert des instruments historiques ; question du vernis, qu’est ce qui compose l’exceptionnelle qualité d’un Stradivarius?

Etienne Vatelot fêtait le 13 novembre 2005, ses 80 ans. A l’occasion du concert anniversaire organisé à cette date, salle Gaveau à Paris, le film d’Yvon Gérault retrace la carrière du jeune Vatelot, entré en 1942, dans l’atelier de son père, Marcel, luthier. Ainsi la tradition familiale s’est réalisée de père en fils dans l’atelier créé en 1909 : c’est là, à Provins, que Vatelot le père, a formé son fils. Le père accueillait alors Ravel, D’indy, Saint-Saens.
« Le bon sens, c’est le violoniste d’abord, le violon après » affirme Etienne Vatelot. Car l’homme a soigné comme nul autre, dans le respect de l’enseignement paternel, la qualité humaine puis l’instrument. Souvent des Stradivarius. Intime des plus grands artistes, Rostropovitch, Barenboim, … qui louent ses qualités humaines, Etienne Vatelot sait discerner l’âme de chaque instrument et les attentes des musiciens. Ceux en particulier qui recherchent leur instrument propre. Il aura ainsi assurer le passage des Stradivarius, les plus prestigieux, d’un interprète à l’autre. Protection, sonorité, rapport du musicien et de son instrument : autant de questions auxquelles il a apporté une attention particulière.

Ami des musiciens, il a veillé aux bons mariages et favorisé des combinaisons qui se sont révélées profitables : ainsi, Menuhin a cédé à Perlman, son superbe instrument ; et Francescati cède son Strad à Salvatore Accardo grâce à Vatelot qui permet la rencontre des deux artistes à la Ciotat, près de Marseille… Gageure pour le nouveau propriétaire de faire sonner l’instrument et de s’en rendre digne, à l’égal de son prédécesseur. Sonia Wieder-Atherton a aussi trouvé son instrument, un violoncelle Gotfrieler, grâce à Etienne Vatelot.
Témoignages de Patrice Fontanarosa, Olivier Charlier, les membres du Quatuor Psophos, Rostropovitch qui doit au ltuhier d’avoir acquis son violoncelle, (le fameux Duport qui a gardé les traces des éperons de l’empereur Napoléon dans son bois), … tous sont les « patients » du docteur Vatelot qui ausculte, écoute, diagnostique : conseils sur la sonorité, le jeu, l’équilibre des instruments… Docteur Vatelot soigne autant la tenue technique et musicale de l’instrument que le mental du violoniste, violoncelliste ou altiste. En concert, en concours, l’interprète est un grand angoissé que le luthier, médecin de l’âme, accompagne. Contrôle de la tension de l’âme (pas celle de l’artiste, mais l’âme de l’instrument…), expertises multiples… : aujourd’hui, Jean-Jacques Rampal a repris depuis 1998, la direction de l’atelier dont l’activité se concentre dans le respect de ses prédécesseurs : à l’expertise, au réglage de la sonorité, à la restauration.
Le luthier raconte ses rencontres, ce qu’il aime, comme la respiration des instrumentistes : celle d’Oistrak ou de Menuhin, qu’il sait différencier, rien qu’à l’écoute : car, Etienne Vatelot recommande aux jeunes générations d’écouter, d’apprendre à reconnaître les composantes d’une sonorité comparée à une autre : acidité, couleur nasalisée, timbre velouté ou grave… Evocation aussi de la création de l’école professionnelle de Mirecourt, près de Nancy, qui forme depuis 1970, les élèves apprentis de la lutherie française. Sur la scène de Gaveau, lui rendent hommage, Barenboim et Salvatore Accardo, le facétieux Ivry Giltis qui improvise sur la série des notes que donnent les lettres du nom « Etienne vatelot »…

Davantage qu’un concert anniversaire, c’est l’heure de l’émotion et du coeur, partagée par des amis passionnés par la musique. Le film grâce aux témoignages receuillis met l’accent sur l’humain. L’expérience de la musique est une affaire de sensibilité et d’amitié, de transmission et de partage. Bon anniversaire monsieur Vatelot !

Ludwig van Beethoven Symphonie n°9 « avec choeur final sur l’ode à la joie de Schiller » en ré mineur opus 125

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L’hymne du genre humain
L’idée d’un choeur concluant une symphonie était née dans l’esprit de Beethoven dès la Sixième « Pastorale » (1807). De même, certains motifs de la Neuvième paraissent déjà dans la Fantaisie pour piano de 1808 qui donne à cette date, une manière d’ébauche avant l’ample développement de la dernière symphonie. Plus de dix ans s’écoulent entre la création de la Neuvième et la Huitième : c’est donc un long processus de réflexion et de maturation de projets et d’intentions anciens, qui permet la réalisation de la Neuvième. La composition est achevée en février 1824. Quelques mois plus tôt, Beethoven a terminé la Missa Solemnis dont le caractère général approche le dernier mouvement choral de la Neuvième. Le création, à Vienne, le 7 mai 1824, recueille un triomphe. La partition autographe est dédiée au Roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III.

Les quatre mouvements
1. Les douze premières mesures donnent la tonalité générale de l’allegro ma non troppo, un poco maestoso : mystérieux et suspendu, le climat initial exprime le commencement d’une ère, et brosse le tableau d’un commencement du monde. Beethoven nous invite-il pas à l’écoute d’une oeuvre qui présenterait une nouvelle genèse du genre humain? Volonté de bannir les conflits vécus, désir de confier aux hommes, un message de salut et de paix… Nous sommes ici aux prémices de l’intention.
2. Molto vivace : il s’agit d’un scherzo exceptionnellement long : là encore, le sentiment profond, vaste, à l’échelle cosmique, d’une réorganisation du monde se précise. Le souffle universel s’y consomme sans limites : Beethoven exprime une conscience élargie à l’écoute de l’histoire humaine.
3. Adagio : Après la motricité rythmique du mouvement précédent, qui exprime l’action, le troisième mouvement rompt violemment avec l’élan vital exprimé jusque là : Beethoven y étend les limtes d’une vaste méditation, profonde, grave et spirituelle sur le devenir de l’homme.Ni défaitisme ni pessimisme mais lucidité sur l’avenir du genre humain.
4. Après avoir atteint dans l’exaltation et la médiation, les limites de la conscience, Beethoven engage un hymne final marqué par la philosophie humaniste et l’espoir de l’Ode à la joie de Schiller, dont on sait qu’il souhaitait depuis très longtemps, mettre en musique chaque vers.
Le mouvement débute dans un cataclysme, un ouragan qui prélude à la reconstruction exprimée par le chant du choeur et des solistes. C’est strophe après strophe, l’exaltation du sentiment fraternel, réminiscence de l’esprit des Lumières et des opéras de Mozart qui jaillit, irrépressible et visionnaire : « millions d’être embrassez-vous… » (« Seid umschlungen milionem… »).

Durée indicative :
1h10 minutes dont plus de 20 minutes pour le dernier mouvement avec choeur.

Illustration
Friedrich Von Schiller, portrait

Ludwig van Beethoven Symphonie n°8 en fa majeur, opus 93

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La « Petite Symphonie »
En octobre 1812, Beethoven avait achevé la composition de sa Huitième symphonie. L’éclat lyrique de l’opus est peut-être à inscrire dans l’épisode bienheureux qui le voit apprécier un séjour dans la ville d’eaux de Teplitz, en Bohême. Le compositeur succombe aux charmes de la chanteuse Amélie Sebald, au caractère enjoué. La création a lieu le 27 février 1814 : l’accueil fut d’autant plus mitigé que Beethoven sembla la minorer lui-même en l’appelant la « petite symphonie », par rapport à la grande exaltation que forme son aînée, la dyonisiaque Septième.

Les quatre mouvements
1. Allegro vivace e con brio : le massif orchestral se développe reprenant de la symphonie précédente, la Septième, le sentiment de grandeur et d’exaltation héroïque.
2. Allegretto scherzando : sur une mécanique rythmique d’une précision d’horloger, Beethoven défile ses motifs chantants à l’esprit sautillant et élégant qui synthétisent le caractère d’un pur « divertissement ».
3. Tempo di minuetto : l’esprit du menuet renvoie aux classiques, Mozart et Haydn.
4. Allegro vivace : en forme de rondo, sa durée est plus longue que chacun des trois mouvements précédents. Retour à l’énergie vitale et à l’exaltation « ivre », dans l’esprit de la Septième.

Durée indicative :
moins de trente minutes.

Ludwig van Beethoven Symphonie n°7 en la majeur, opus 92

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Une symphonie dyonisiaque qui voudrait « rendre l’humanité spirituellement ivre ».
Après la composition de la Sixème Symphonie (1808), Beethoven se laisse quatre années d’un répit tout relatif : s’il attend ce délai pour se remettre à la composition de la Septième (dès 1810), le compositeur compose le concerto pour piano « L’Empereur », la sonate « les Adieux« , les musiques de scène pour Egmont et les Ruines d’Athènes. La Septième est composée en mai 1812, créé le 8 décembre 1813, à l’université de Vienne sous la direction de l’auteur, lors d’un programme patriotique pour les soldats blessés pendant la bataille de Hanau, dont le plat de résistance était une autre oeuvre composée pour la circonstance par Beethoven, La Bataille de Vittoria. L’accueil fut immédiat et le deuxième mouvement, du fait de son pathétisme grandiose et humain si exaltant, bissé. Amples mouvements d’expression libre et exaltée, les épisodes de la Septième symphonie s’imposent par leur énergie rythmique. La vitalité du rythme est toute puissante : elle rappelle que Beethoven aimait comparer la musique et la vin de la vie : l’exaltation presque ivre y atteint un paroxysme assumée dans lequel le chant de la musique s’identifie à l’ivresse de Bacchus. Exalter les âmes, atteindre et élever les coeurs, « rendre l’humanité spirituellement ivre« . Tout en convoquant l’énergie des forces primitives, aucune autre symphonie n’a autant exprimé le désir et la volonté de dépassement. Après le pastoralisme suggestif de la Sixième, la Septième affirme la volonté de l’individu, l’énergie de la volonté. Elle apporte un contraste saisissant avec la Huitième, d’un esprit plus délicat, et que Beethoven, décidément immensément doué, composa quasiment dans la même période.

Quatre mouvements :
1. Poco sostenuto et vivace : Beethoven y introduit le premier mouvement proprement dit après une ample introduction, la plus longue jamais écrite. L’énergie rythmique donne son caractère à ce premier épisode.
2. Allegretto : Beethoven a écarté l’andante habituel pour cet allegretto, plus apte à maintenir le tonus rythmique. L’expression a changé : elle crée dans la continuité rythmique, un contraste de climat. Marche sombre, et même tragique. Le mouvement plut tant aux spectateurs des premières que l’ensemble du mouvement fut bissé traditionnellement. Nous ne sommes pas éloignés ici de la marche funèbre de l’Eroica. Le pathétisme héroïque de l’allegretto devait marquer profondément Schubert, en particulier dans sa symphonie en ut, dite la Grande, dont l’esprit champêtre et pastorale serait la contrepartie plus humaine de la machine ryhtmique, d’essence martiale, de la Septième beethovénienne.
3. Presto : retour à l’allant irrépressible du rythme qui dans ce mouvement atteint au plus près ce désir d’ivresse et d’exaltation.
4. Allegrio con brio : s’appuyant sur le Presto antérieur, l’allegro final renforce avec obstination, le pur sentiment d’exaltation, et même d’extase dyonisiaque. Ce mouvement exprime la pleine jouissance des forces vitales : c’est un hymne gorgé de vie et de nerf.

Durée indicative :
40 minutes

Steve Reich,portrait

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Né à New York en 1936, Steve Reich étudie tout d’abord le piano puis la percussion. Licencié en Philosophie, il travaille la composition à la Juilliard School à partir de 1958, se perfectionne auprès de Darius Milhaud, Luciano Berio, enfin obtient sa maîtrise de musique en 1963, à 27 ans. Mais il s’intéresse surtout aux percussions africaines, suit des cours sur la technique des gamelans balinais et des arts orientaux, approfondit sa connaissance de la cantilation des écritures hébraïques.
En 1966, à 30 ans, Reich fonde son propre ensemble, le groupe Steve Reich and musicians, qui tourne dans le monde entier.
A partir de 1988, il innove un nouveau type de composition où textes et paroles préenregistrées induisent la texture et le rythme musical.
En 1990, il suscite une reconnaissance unanime avec « Differents Trains » enregistré par le Kronos Quartet.
Inspiré par la dramaturgie biblique, Steve Reich et Beryl Korot produisent « The Cave », « documentaire de théâtre musical » d’après La Bible, et les épisodes de l’Ancien testament : vie d’Abraham, de Sarah, Aqar, Isamel et Isaac. Le projet commandé en 1993, publié en 1996 par Nonesuch témoigne de nombreuses années de recherches et de création entre les States et le Moyen-Orient.
Rythmiques, souvent répétitives, – il est d’ailleurs avec Philip Glass, le fondateur du courant de musique répétitive-, les oeuvres de Steve Reich ont inspiré à leur tour les chorégraphes contemporains comme Anne Teresa de Keersmaeker, Jerome Robbins, Alvin Ailey, Lucinda Childs…
Le 30 octobre 2006, le compositeur américain fête ses 70 ans.

Actualité de Steve Reich en novembre 2006

Musique en ligne
DG concert, au sein de son offre « Global Concert hall » (l’offre 100% digitale, disponible qu’en téléchargement), rend accessible un concert live au Walt Disney Concert Hall où le Los Angeles Philharmonic aborde plusieurs oeuvres de Steve Reich :
Variations pour vents, cordes et claviers (1991)
Three movements for orchestra
Tehilim (1991) : pour 3 voix de femmes et ensemble instrumental , sur des psaumes bibliques.

Concerts
Cycle anniversaire à la Cité de la musique, à Paris, pour les 70 ans du compositeur,
Jusqu’au 25 novembre 2006.
Découvrir le cycle des concerts Steve Reich

Le Monde de la musique – novembre 2006 – n°314 – 5,50 euros

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« Les acteurs de la musique » du mois de novembre 2006 : diva « étoilée », la soprano Renée Fleming est la vestale contemporaine qui veille à entretenir le feu sacré du chant lyrique : elle le prouve dans les dernières réalisations que publie le label Decca : l’album cd « homage » et le dvd « sacred songs ». Deux témoignages réussis d’un chant d’exception.
Il « dompte » la matière orchestrale avec limpidité et précision : Esa-Pekka Salonen revisite Stravinsky dans un album attendu à paraître fin novembre chez DG ; le chef aborde aussi, avec l’Orchestre de Paris, Sibelius à la salle Pleyel, les 29 et 30 novembre 2006, puis le 1er décembre à Dijon. Au disque comme au concert, la violoniste Hilary Hahn perd peu à peu son « image de jeune prodige » pour entamer sereinement sa carrière d’artiste mûre. La Cité de la musique célèbre les 70 ans du compositeur américain Steve Reich, jusqu’au 25 novembre.
Côté chroniques de concerts : bilan sur les concerts inauguraux du nouveau Pleyel : « mention très bien » pour le nouvel espace. Bilan sur le dernier festival Musica, dont la 24ème édition qui s’est achevée le 8 octobre 2006, « parie, plus encore que les précédentes, sur l’avenir ».

En couverture, chronique du mariage d’un rockeur atypique et d’un baroque mélancolique : quand le chanteur Sting redécouvre et chante les langueurs du compositeur élisabétain, John Dowland. Pourquoi et comment la star qui a joué dans Dune de David Lynch, se passionne aujourd’hui pour la musique anglaise du XVII ème siècle, avec son complice, le luthiste Edin Karamazov ? Entretien. En complément, grand dossier sur le compositeur baroque : « John Dowland, prince de la mélancolie ». Carrière, oeuvre (discographie) et époque.
« Concours, tout ce que vous avez toujours voulu savoir » : bilan sur les machines à produire des virtuoses techniciens qui ne sont pas tous de grands interprètes : quelle est la place, l’enjeu, le marché économique aussi, des 600 concours de piano dans le monde? Phénomène émergeant des concertistes chinois, classement des concours par dotations, témoignage de Franck Braley, anecdotes de coulisses, évolution de la composition des jurys….
« Rencontre » : il a « l’étoffe des héros » (et est plutôt dans le vent, comme les photos de l’entretien le montre), Philippe Jaroussky, contre-ténor, publie un album attendu, dédié à Vivaldi. Entretien et discographie.
Portrait de l’un des « plus grands chefs du XX ème siècle : Arturo Toscanini : « l’incorruptible », « perfectionniste convaincu »… dates clés, question de répertoire, discographie.

Dans votre Monde de la musique de novembre, retrouvez l’actualité des cds, dvds, livres.Découvrez les 12 « chocs du monde de la musique » ; pleins feux sur les 80 ans de Dame Joan Sutherland et l’édition Decca. Page Internet : l’offre pionnière d’Universal qui se lance avec le « Global concert hall » dans le tout digital et le 100% téléchargement.

Banc d’essai : six amplificateurs autour de 500 euros. Instruments : performances du nouveau basson Kauda : un nouveau petit pour les enfants à partir de six ans. Bilan sur le premier Salon de la musique qui du 9 au 12 septembre 2006 a fidélisé plus de 34 000 visiteurs.

L’invité du mois : le généticien Albert Jacquard, qui vient de publier « Mon utopie » chez Fayard, évoque sa relation viscérale à la musique : pouvoir des silences, place de Mozart et de Debussy.

146 pages

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Igor Stravinsky,Le Rossignol (1914)Arte, samedi 25 novembre à 22h30

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Le Rossignol de Stravinsky
un film de Christian Chaudet

Samedi 25 novembre
Musica, 22h30

Non content de susciter l’un des scandales les plus retentissants dans l’histoire de la musique du XX ème siècle, avec le Sacre du Printemps, en 1913, d’une insupportable sauvagerie moderne, Stravinsky récidive mais en revisitant la Chine, en 1914, au travers d’un conte féerique, « Le Rossignol« . Le compositeur profite du sujet en apparence exotique et anecdotique pour asséner une morale sans équivoque : le chant du rossignol, c’est la musique idéale, irremplaçable, souveraine. Rien ne saurait ici remplacer la magie du vivant ni le miracle du naturel. L’orchestration fabuleuse trouve dans le film de Christian Chaudet, une exacte correspondance à son foisonnement expressif, sa surenchère évocatrice : l’image numérique, la 3D rehaussent l’éclat et l’onirisme d’une partition chatoyante. D’autant que dans le rôle-titre, Natalie Dessay prête sa voix magicienne au chant de l’oiseau.

Pour tout connaître de cette oeuvre envoûtante, d’autant plus captivante dans la réalisation vidéo orchestrée par le réalisateur Christian Chaudet, reportez vous à notre dossier, « Le rossignol de Stravinsky« , lors de sa précédente diffusion sur Mezzo, en septembre 2005.

Esa-Pekka Salonen,portrait

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Du rythme, de la couleur, de la précision
Né en 1958, le chef finlandais Esa Pekka Salonen a étudié la direction d’orchestre avec J. Panula et la composition auprès de Magnus Lindberg et Rautavaara (Académie Sibélius d’Helsinki). Son parcours symphonique comprend la direction musicale de l’Orchestre de la radio Suédoise (à partir de 1985), puis celle comme chef invité du Philharmonia. Il dirige depuis 1992, le Philharmonique de Los Angeles : avec les musiciens de l’orchestre, il poursuit un cycle de sensibilisation des audiences à la musique contemporaine. Invité par Gérard Mortier à l’Opéra de Paris, il a dirigé Tristan und Isolde en 2005, et la création mondiale d’Adriana mater en mai 2006, de la compositrice Kaija Saariaho, son amie. Le chef est aussi un habile compositeur comme en témoignent « Foreign bodies », Insomania, Los Angeles variation…

Fervent promoteur de la création contemporaine, Esa Pekka Salonen défend le répertoire moderne du siècle dernier. Il est devenu en quelques années l’un des grands interprètes de Stravinsky : habile à exprimer la vitalité mordante, la pulsation et l’énergie de la variété rythmique, expert des climats ténus, de la précision, du détail propre à soigner la cohérence d’une texture… Esa Pekka Salonen est le maître incontesté de l’articulation. Jouer le Sacre par exemple, ne signifie plus grossir le volume pour restituer le choc musical que l’oeuvre a suscité lors de sa création : il faut surtout soigner la précision du rythme. Le chef qui aime tant la transparence revient sur le métier pour cette oeuvre scandaleuse avec l’Orchestre de Paris, chez DG. L’album paraît fin novembre 2006 (Lire ci après « Nouveau cd »).

Musique engagée
Aujourd’hui, l’actuel directeur musical du Philharmonique de Los Angeles, propose la captation de concerts uniquement disponible sur internet, dans le cadre de l’offre 100% digitale, d’Universal classic, et intitulée « Global concert hall« .
Mais ce qui détache en première ligne la conception d’un chef moderne, c’est sa volonté d’intégrer la démarche de la musique dans son époque : communiquer avec la rue, interroger les spectateurs, impliquer les jeunes auditeurs, faire parler les compositeurs d’aujourd’hui sur leurs oeuvres, relier l’exercice musical avec les attentes et les préoccupations de la société actuelle.

L’actualité de Esa-Pekka Salonen, en novembre 2006 :

Nouveau cd,
disponible fin novembre 2006
Igor Stravinsky, Le Sacre du printemps (version de 1947)
Béla Bartok, Le Mandarin merveilleux (version de concert)
Modest Moussorgski, Une Nuit sur le Mont Chauve (version originale).
Lire notre critique

A télécharger
Concert du Los Angeles de mai 2006
Beethoven : Symphonies n°7 et 8 + Hillborg, « Eleven gates »
Lire notre critique

Gaetano Donizetti,actualité de novembre 2006

Tendance lyrique actuelle, jamais le chant donizettien ne s’était mieux porté !
Natalie Dessay qui a retrouvé sa voix, ne cesse de convaincre dans Lucia di Lammermoor : c’est ce que nous rappelle avec raison, et même magnifiquement, le dvd « le miracle d’une voix » nouvellement publié par Virgin classics et qui a sélectionné parmi d’autres scènes lyriques, la folie de Lucia quand la soprano chantait le rôle, en français, sur la scène de l’Opéra de Lyon, en janvier 2002.
Les deux ténors, Rolando Villazon et Juan Diego Florez nous enchantent de la même façon, chacun, dans un dvd récent, ciselant l’exquise légèreté de Donizetti : L’Elisir d’amore pour le premier (sous étiquette Virgin classics) ; La fille du régiment pour le second, chez Decca. Ce dernier label crée enfin la surprise en dévoilant le style spécifique et forcément contesté d’un nouvel arrivant, sur la scène Donizettienne, le jeune ténor Maltais, Joseph Calleja, au timbre soyeux, racé, d’une élégance rare, idéale pour le théâtre Donizettien. C’est l’enseignement de son dernier album, paru fin octobre 2006.
Enfin, Decca toujours, réédite plusieurs coffrets Donizetti dans lesquels la Stupenda, Dame Joan Sutherland, qui fête en novembre 2006, ses 80 ans, donne une leçon de chant indémodable : L’Elisir d’amore, avec Luciano Pavarotti (l’enregistrement de 1970 est « la » référence au disque de l’opéra), Anna Bolena et plusieurs scènes dont Lucia de Lammermoor, sont ainsi republiés. Lire notre dossier « l’édition Decca de 80 ans de Joan Sutherland ».

En liaison avec cette forte actualité Donizettienne, bilan sur un compositeur méconnu, dont l’oeuvre rivale de Bellini, cataloguée mineure, à l’ombre de Rossini qu’il « parodie » (mais avec quelle grâce!) et de Verdi, qu’il préfigure, reste sous-évaluée.

Sommaire

L’Elisir d’amore
Lire la critique du dvd paru chez Virgin classics avec Rolando Villazon

La Fille du Régiment
Lire la critique du dvd paru chez Decca avec Juan Diego Florez

Lucia de Lammermoor
Lire la critique du dvd paru chez Virgin classics avec Natalie Dessay.
Scène de la folie de Lucia, faisant partie de la sélection de 13 rôles chantés par la soprano française
Dans cet extrait, Natalie Dessay chante en français le rôle-titre, sur la scène de l’Opéra national de Lyon, en janvier 2002.

Le dernier album de Joseph Calleja
Dans cet album enregistré en mai 2005, la « Golden voice » (la voix d’or) se montre particulièrement inspirée et juste dans les airs de Donizetti :
La Favorita : « Favorita del re ! … »
L’elisir d’amore : « Une furtiva lagrima »
Il duca d’Alba : « Angelo casto e bel »
Don Sebastiano : « Deserto in terra »

Jun Märkl, »conversation »Mezzo, à partir du 27 novembre à 20h45

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à partir du 27 novembre à 20h45
Jun Märkl

Conversation

Documentaire. Réalisation : Jean Rabaté. 2006, 26 mn.

Jun
Märkl est allemand par son père, japonais par sa mère. Il reconnaît
lui-même tenir ce sens de la discipline et de la précision, de ses
parents. Formé par Bernstein, Celibidache et Osawa, Märkl captive par
son élocution posée et affûtée. La caméra de Jean Rabaté suit le chef
au cours des répétitions de Une vie de héros, Burlesque (Jean-Yves
Thibaudet au piano) de Richard Strauss, Hamlet de Franz Liszt… Il
aime se documenter avant d’interpréter, reconnaissant aux mélodies
populaires, une place capitale dans l’inspiration des compositeurs et
pour comprendre une époque et son style de vie. Mais un seul
compositeur le fascine, c’est Debussy dont il aimerait retrouver avec
tout l’orchestre, cette science de la clarté.
Le directeur de
l’Orchestre national de Lyon travaille la qualité du son, un certain
hédonisme de la pâte sonore qui recherche surtout l’expressivité et la
clarté de la structure.
Mais c’est l’un des instrumentistes de
l’orchestre qui en parle le mieux : Jun Märkl aime les legatos
onctueux, ce qu’il recherche, tout au moins dans les oeuvres abordées
dans ce trop court documentaire, c’est une certaine onctuosité de la
matière sonore.

Sergiu Celibidache, »Le Jardin » Mezzo à partir du 17 novembre à 20h45

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à partir du 17 novembre à 20h45
Sergiu Celibidache
Le Jardin, en trois parties

Réalisation : Serge Ioan Celibidache.
Documentaire en trois volets, 1996.

« Fais ce que tu aimes, fais ce qu’il te plaît« ,
disait le co directeur, avec Furtwängler, du Philharmonique de Berlin.
Mais l’homme est un indépendant, animé par un idéal musical qui le
distingue définitivement. « Je dois combattre la médiocrité, car le monde ne fait que cultiver la médiocrité » : Intransigeant et volontiers définitif,
distillant une exigeance supérieure à coups de sentences glaçantes et
ironiques, non dépourvues d’un sens de l’humour.
Le chef d’origine
roumaine, Celibidache, mort en 1996, est filmé au cours de ce docu en
trois parties, pendant les répétitions avec le Philharmonique de Munich
et dans le cadre de la classe de direction d’orchestre qu’il avait
fondé dans la capitale bavaroise. Pas de commentaire ni d’analyse sur
la carrière et le chef, mais une succession de documents d’archives
qui, dans la parole vivante, fine et affûtée, attestent d’une vision
personnelle et poétique de la musique.

Qu’est-ce qu’un tempo justo?
Pourquoi est-il important de percevoir chaque détail de l’orchestre
avant de choisir un tempo? Que nous apprend l’orchestre Brucknérien?
Le regard du Maestro sur ses jeunes apprentis chefs est incisif,
parfois violent, mais aussi tendre, capable d’esprit, de décontraction. Et qu’est ce qu’un point culminant ? Le sommet de la confrontation de deux directions contraires, le point culminant des contrastes.
Au cours des répétitions avec les musiciens du Philharmonique de Munich, le chef explicite ce qu’il entend par lenteur : la lenteur n’est qu’apparente. Un tempo mesuré permet de ciseler d’infimes nuances, il autorise la richesse que malheureusement le microphone affaiblit dans l’enregistrement final. « Le disque ne remplace pas la musique » : il enterre le son vivant. Ses Bruckner laissent s’ouvrir le gouffre profond et aussi la plénitude. A l’écoute des chants de la nature, capable de distinguer les trilles fantastiques d’un rossignol, le maestro paraît devant la caméra, observateur et analyste et aussi, en compagnie de moines tibétains avec lesquels il échange ses impressions sur les oiseaux…

L’alchimiste de la texture et des tempos mesurés se dévoile ici sans
maquillage. Trois documents essentiels pour comprendre le travail du
grand Celibidache sur la matière orchestrale. Incontournables.

Graziella Contratto, »entre grâce et maîtrise »Mezzo, à partir du 13 novembre à 21h20

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à partir du 13 novembre à 21h20
Graziella Contratto

« Entre grâce et maîtrise »

Réalisation : Perrine Robert.
Documentaire, 26 mn. 2002.

L’intéressée
se définit comme une personne très bien élevée donc très ennuyeuse. Une
seule chose, enfant et adolescente (12 ans) la passionnait : la
direction d’orchestre. D’abord savoir déchiffrer une partition (avant
de connaître l’alphabet). A 25 ans, la jeune femme apprend sérieusement
le métier. Le documentaire raconte sa relation avec l’Orchestre des
pays de Savoie dont elle prend la direction en 2002, à la suite de Marc
Forster. Dans le témoignage de Philippe Tournier, premier violon,
Graziella Contratto est un chef sensible, sensuel, qui recherche la
signification poétique de la partition. Le film suit les répétitions de
l’orchestre dans Fratres d’Arvo Pärt mais aussi, la création de la
pièce pour violoncelle de Suzanne Giraud (avec le concours d’Anne
Gastinel), la musique contemporaine ayant une place importante dans la
démarche de la directrice musicale. « Je trouve passionnant d’échanger
nos points de vue avec le compositeur », dit-elle.

Crédit photographique
Service de la communication OPS © 2006 (DR)

Wilhelm Furtwängler,Don Giovanni de Mozart (Salzbourg, 1954)Mezzo, à partir du 11 novembre à 20h45

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à partir du 11 novembre à 20h45
Wilhelm Furtwängler

Mozart, Don Giovanni

Festival de Salzbourg 1954.

Filmé
en couleurs par Paul Czinner, ce document vidéo, paru chez DG, reste un
témoignage légendaire sur la tenue mozartienne à Salzbourg, après la
guerre. En 1954, la mise en scène de Herbert Graf, sans détournement,
laisse le chant et la musique prendre possession de l’espace scénique.
Furtwängler cisèle la facétie du buffa comme il sait prendre d’amples
respirations afin d’exprimer la souffle fantastique et philosophique du
drame. Tempos mesurés pour une articulation large de l’action. Une
vision fulgurante dont la solennité touche au rituel, avec dans le
dernier tableau, où paraît le Commandeur, un Don Giovanni rebelle et
réfractaire qui tente même de poignarder la statue du destin.
Sur le
plateau, les chanteurs sont à la mesure de l’événement conférant à la
captation sa portée fascinante. La si touchante Elisabeth Grümmer, qui
fut actrice avant d’être chanteuse ; le diamant vocal de l’Elvira de
Lisa della Casa, toute en noblesse et lyrique innocence ; le couple Don
Giovanni/Leporello, – Cesare Siepi/Otto Edelmann-, incarne la double
face du héros, seria/buffa : leur association ambivalente prend une
remarquable étoffe… sans omettre Walter Berry à ses débuts (Masetto)
et Erna Berger qui campe une Zerlina, piquante à souhaits. Un film qui
vaut bien son statut mythique.


Diffusion
Le 11 novembre à 20h45
Le 12 novembre à 13h45
Le 21 novembre à 15h50
Le 23 novembre à 3h45
Le 1er décembre à 15h40

Myung Whun Chung »bienvenue Maestro! »Mezzo, à partir du 10 novembre à 20h45

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à partir du 10 novembre à 20h45
Myung Whun Chung

« Bienvenue maestro ! »

Documentaire. Réalisation : Yvon Gérault. 2000, 52 mn

Rencontre
avec affinité. Au moment où le Philharmonique de Radio France se sépare
de Marek Janowski, et qu’arrive maître Chung, qui s’apprête à diriger
une tournée en Espagne, la caméra d’Yvon Gérault repère les expressions
et les regards qui pourraient trahir un regret ou un oeillade charmée.
Ce 22 mai 2000, les musiciens découvrent pour leur première répétition
avec lui, maître Chung. Dès les premiers échanges, le coup de foudre
est total. A quoi tient une relation réussie? Comment se nouent peu à
peu des affinités qui ne demandent qu’à s’épanouir? Devant la caméra,
les paroles se délient, et le témoignage des instrumentistes confirme
l’exceptionnelle collaboration qui semble naître ainsi. Chung n’est pas
un inconnu : l’orchestre l’avait déjà « découvert » lors d’un concert à
Saint-Eustache, en décembre 1996, dans le Stabat Mater de
Rossini. Il laisse aux instrumentistes leur part de liberté et
d’invention. Tous louent son engagement et sa passion à servir la
musique, et surtout trouver au plus profond de soi la vérité intérieure
des notes.

Seiji Osawa, De Tanglewood à Tokyoà partir du 5 novembre à 11h45

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à partir du 5 novembre à 11h45
Seiji Osawa
De Tanglewood à Tokyo

Documentaire. Production : Peter Gelb. 1985, 52 mn

Difficile
d’imaginer le spectacle désolant d’un chef génial boycotté dans son
pays par tous les musiciens japonais. Lorsque Seiji Osawa qui a passé
deux saisons à New York auprès de Leonard Bernstein, revient au pays du
Soleil levant, ses compatriotes le traitent en traître : trop occidental,
donc infidèle. Durement touché, Osawa décide de quitter le Japon où il
ne dirigera pas de musique. Il rejoint l’Europe et les Etats-Unis pour
une carrière internationale. Aujourd’hui, il est adulé au Japon comme
ailleurs. Entre temps, il aura démontré que la musique est
internationale, et permis à la culture de traverser les frontières.
Le
documentaire retrace la carrière du chef, disciple de Hideo Saitoh, le
premier chef japonais qui avait une connaîssance précise de la musique
occidentale. En ayant dirigé en Allemagne, il souhaite interpréter
Beethoven et Brahms au Japon, comme le font les interprètes
occidentaux. Depuis Osawa a suivi la trace de Saitoh. Il y a de la
ténacité et un déterminisme à toute épreuve dans la silhouette de Seiji
Osawa, un père de famille au demeurant détendu. Son parcours montre à
quel point il n’était pas acquis pour un japonais d’absorber et
d’interpréter la musique occidentale, quand au Japon, il faut se fondre
dans le moule plutôt qu’affirmer sa personnalité. Or la direction
d’orchestre suppose d’abord, un tempérament, une curiosité et un
charisme suffisant pour entraîner les autres… « Sans Saitoh, je
n’aurais jamais été chef : devenir chef pour un japonais est
impossible » déclare Osawa. Le film s’avère un petit bijou qui dévoile
la personnalité, simple, sensible, attachante de l’actuel directeur de
l’Opéra de Vienne (depuis 2002). Répétitions jubilatoires avec Rudolf
Serkin dans Beethoven ; Jessye Normann et Edith Wiens dans la Deuxième
de Mahler à Tanglewood ; retrouvailles avec Karajan à Salzbourg, son
maître avec Bernstein ; concert émouvant en hommage à son maître
japonais, Saitoh.

C’est aussi le portrait du pédagogue qui se
souvient de son premier séjour aux Etats-Unis, en 1960. Au mois d’août
de la même année, il obtenait le prix Koussevitsky. Le maître se montre
très proche de ses élèves : trouver le geste juste pour exprimer aux
musiciens ce qu’il faut faire, apprendre à communiquer… Difficile
défi auquel sont confrontés ses disciples dont un jeune apprenti de 24
ans, « Totsuka », raide et émotif, pour lequel la musique est une
souffrance visible : le maître semble revivre ce qu’il a lui-même vécu
quand il a quitté le Japon pour apprendre la direction d’orchestre en
Occident. Il serait intéressant de savoir d’ailleurs, si Totsuka a
persévéré dans la musique…

Sans détours (Osawa, très ému lors
d’une conversation avec Yo-Yo Ma, demande à couper la tournage, pour
s’en excuser lors d’une prise suivante), abordant le choc culturel et
le déracinement contraint qui est à la base de la carrière du chef
japonais, le documentaire est un modèle du genre. Dommage que les
images et le son de 1985 ne soient pas à la hauteur de l’écriture et du
montage.

Simon Rattle, portrait

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Portrait de l’un des plus grands chefs actuels
D’abord élève au piano et au violon, le jeune Rattle joue au sein d’un orchestre comme percussionniste. Il démontre ses talents de directeur musical au sein de la Royal Academy of Music, à partir de 1971. Trois années plus tard, il obtient le premier prix de la John Player Conducting Competition.
Il se fait remarquer en particulier dans une Deuxième Symphonie de Mahler particulièrement inspirée, et commence à diriger de nombreuses phalanges dont l’Orchestre de l’âge des Lumières, l’Orchestre symphonique de Birmingham, l’Orchestre symphonique de Bournemouth (1974) puis l’Orchestre philharmonique de Liverpool (1977). Mais c’est comme chef de l’Orchestre symphonique de Birmingham (City of Birmingham Symphony Orchestra, CBSO) de 1980 à 1998, que Rattle démontre sa maturité et une justesse stylistique admirable. Son engagement auprès de ce dernier orchestre se montre payant : il en fait l’un des meilleurs ensembles anglais voire international.
En 1999, Simon Rattle succède à Claudio Abbado comme directeur du Philharmonique de Berlin.
Un même engagement pour l’orchestre lui permet de susciter l’agrément de tous les membres musiciens dont certains, bien que minoritaires, avaient marqué leur préférence pour Daniel Barenboim. Le chef Britannique obtient que l’ensemble des salaires soient revalorisés, que l’orchestre devienne une fondation (la Stiftung Berliner Philharmoniker) dont le fonctionnement est assuré par des subventions privées.
Mais la carrière de Simon Rattle ne s’arrête pas là : il prend aussi la direction du Festival de Pâques de Salzbourg à partir de 2002. La dernière production de Pelléas et Mélisande de Debussy en 2006 a confirmé ce travail sur la texture, la couleur et l’expression détaillée comme murmurée du discours orchestral. Pour le Festival d’Aix-en-Provence et avec le metteur en scène Stéphane Brunschweig, il a commencé un Ring, à partir de 2006 qui se montre particulièrement réussi. Le cycle wagnérien se termine en 2010.

Travail sur la texture
Mahlérien profond et sensible, Rattle convainc également comme pédagogue. Engagé à défendre le répertoire du XXème siècle, il a participé à une série d’émissions remarquables par leur pertinence et leur clarté, sur la question de la modernité en musique (éditée en dvd chez Arthaus Musik).
Un travail spécifique sur le coloris, la transparence, la cohérence du son l’a indiscutablement imposé sur la scène internationale. Comme directeur du Berliner, il s’est montré un digne successeur de ses prédécesseur dans cette fonction, Herbert von Karajan et Claudio Abbado.

Discographie sélective
L’ensemble des albums de Sir Simon Rattle est édité par EMI classics

Richard Strauss, Ein Heldenleben, poème symphonique opus 40, Le bourgeois Gentilhomme, suite d’orchestre, opus 60.
Chostakovitch, Symphonie n°14, Symphonie n°1
Gustav Mahler, Symphonie n°5
Le Parfum, bande originale du film de Tom Tykwer d’après le roman de Patrick Süskind
Beethoven, intégrale des symphonies

Paris. Salle Pleyel, le dimanche 22 octobre 2006. Delphine Lizé joue Haydn, Liszt et Schumann.

Delphine Lizé, ambassadrice du nouveau piano Pleyel P280 présenté ce soir, offre le premier récital de piano depuis la réouverture de la salle, en septembre 2006. Soirée événement donc, ce fut l’occasion pour les spectateurs qui n’avaient pas encore vu la prestigieuse salle parisienne remise à neuf, d’en avoir une présentation complète par son directeur.

Les variations en fa mineur Hob XVII : 6 de Joseph Haydn ouvrent un concert, dans son ensemble, très réussi et égal du début à la fin. Composée en 1793, entre ses deux séjours à Londres, cette grande œuvre pour piano fut destinée à Barbara Ployer, à qui Mozart avait déjà dédicacé ses concerti K.449 et K.453. Ces variations en clair-obscur, d’une écriture pianistique avancée, dégagent une atmosphère grave qu’il n’est pas fréquent d’entendre chez le compositeur. Delphine Lizé envoûte ainsi dès les premières mesures son auditoire.
Les trois sonnets de Pétrarque de Franz Liszt, extraits des années de pèlerinage (Italie) sont l’occasion pour la pianiste de dévoiler ses nombreuses qualités. Virtuose accomplie, impressionnante même, elle a l’art de jouer avec le temps, et nous procure, en certains instants, un sentiment d’éternité quasi ineffable. Ses tempi judicieux nous font savourer les harmonies particulières de Liszt : une grande patience dans le jeu. La pianiste semble s’adresser à chaque auditeur individuellement. Belle confidence. Un jeu de nuances remarquable et osé dans une salle aussi grande. Capable du plus petit pianissimo, audible au fond de la salle, elle sait aussi faire preuve de volonté de puissance. En deuxième partie de soirée, elle joue les Davidsbündlertänze de Schumann, compositeur qu’elle affectionne particulièrement et qu’elle sait nous faire partager. L’œuvre est aussi au programme de son disque paru en mai 2006, chez Intrada. Delphine Lizé par la grâce du geste, par la souplesse exemplaire du corps et des poignets (une vraie leçon de piano!) obtient des sonorités précises, une justesse des couleurs majestueuses. Les contrastes sont étonnants, et demeurent très convaincants. Un Schumann profondément généreux, inspiré, réfléchi. Eclatant succès mérité. Delphine Lizé n’a plus rien d’une jeune pianiste prometteuse mais figure parmi les grands talents d’aujourd’hui.

Paris. Salle Pleyel, le dimanche 22 octobre 2006. Joseph Haydn (1732-1809) : Variations en fa mineur. Franz Liszt (1811-1886) : Trois Sonnets de Pétrarque. Robert Schumann (1810-1856) : Davidsbündlertänze Op. 6. Delphine Lizé, piano.

Approfondir
Lire aussi notre entretien avec Delphine Lizé, et notre critique du l’album Schumann, paru chez Intrada

La femme sans ombre,opéra humaniste

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Aux heures tragiques de la Guerre, Strauss et Hofmannsthal conçoivent l’opéra pacifiste et fraternel : la Femme sans ombre… sous l’artifice féerique du conte oriental et mythologique, il s’agit d’illustrer les valeurs du siècle des Lumières, cet idéal de fraternité chanté par Mozart dans la Flûte Enchantée…

Défense du mythique
En concevant avec l’accord de Richard Strauss, le registre onirique et féerique du mythe pour exprimer le lieu imprécis et brûmeux de La Femme sans ombre, Hofmannsthal milite pour ce qui lui est propre : le conte, la fable, les replis de la mémoire, l’allusif et le suggestif : la vapeur du fantastique. En rien, l’explicite et le direct d’une action parlée, frontale. Le poète privilégie les détours, le sens symbolique, le caché, l’indirect. « Faison des opéras mythiques, c’est la plus vraie de toutes les formes. Vous pouvez m’en croire », affirme t-il, dans une déclaration qui sonne comme une intention esthétique. Dans une action réaliste, le temps et l’espace sont limités. Seul importe désormais, un autre temps, celui de la musique. Qui enchevêtre les différents niveaux de l’histoire, les vies mêlées, les destins associés. La Femme sans ombre raconte cela : l’interaction des situations parallèles, la combinaison indissociables des vies en présence.

Strauss/Hofmannsthal, un duo exemplaire
Hofmannsthal l’Autrichien et Strauss, le Bavarois se retrouvent après le triomphe du Chevalier à la rose, dans la trame symbolique de la femme sans ombre. Une ombre au tableau de leur carrière semée de gloire et de réussite : la guerre. L’infâme spectre de la destruction anéantit l’Empire de Marie-Thérèse, de sorte qu’en 1911, le Chevalier de pacotille tenant la rose d’argent, simulacre du rituel aristocratique, annonçait déjà par la voix de ses auteurs, la fin d’un monde.
Avec La Femme sans ombre, les deux partenaires, aussi complémentaires que le furent Mozart et Da Ponte, abordent un thème d’actualité pour l’Europe exsangue, dévitalisée de son humanité pacifiste et fraternelle : la compassion. Le sujet renoue avec le fil de la Flûte mozartienne, et ce, volontairement : Hofmannsthal souhaitait renouer avec la trame initiatique de l’opéra mozartien où là aussi, deux couples doivent traverser un cycle d’épreuves initiatiques pour accomplir leur identité humaine ; et mieux, ils traversent chacun des routes croisées qui leur permettent
d’être des hommes modernes, les êtres d’une humanité régénérée : barbare et informelle au début de l’ouvrage, humanisée et fraternelle à sa conclusion.

Barbarie de la guerre, humanisme de l’opéra
C’est comme si, Hofmannsthal et Strauss prenaient acte de la barbarie de la guerre taillant dans le vif, la jeunesse européenne et prônaient contre tout défaitisme, l’avenir de la civilisation. En cela, la Femme sans ombre recueille les derniers aspects du seria et des valeurs des Lumières qu’il s’était appropriés.
La tragédie de la guerre, la fatalité d’une humanité maudite résonne dans l’orchestre de Strauss. La riche et foisonnante texture orchestrale retrouve les laves incandescentes d’Elektra : tout l’opéra et ses quatre individus, semblent danser au bord du gouffre, sur la cime d’un volcan. Au terme d’une série d’épreuves initiatiques, l’Impératrice réalise son voeu de trouver forme humaine dont témoignerait l’ombre qui lui manque, grâce au sentiment de compassion. Le plus humains des sentiments, l’indice de l’appartenance à la conscience humaniste. De sorte que l’ombre tant désirée est moins la manifestation de son désir de maternité (comme on l’écrit encore) que le signe de son humanisation réussie. Actrice au démarrage, l’Impératrice qui n’est pas encore femme, observe, comprend, découvre cette humanité qu’elle ne connaît pas.
Le couple de Barak le teinturier et de sa femme lui offre un tableau éloquent : le personnage de Barak, bon et généreux, aimant et désireux, suscite le sentiment compassionnel que nous avons évoqué.
Laissons parler Strauss lui-même qui recevant les textes du livret d’Hofmannsthal, reste obsédé par la clarté de la parabole : « …l’impératrice, parce qu’elle a appris à éprouver de la pitié, mérite d’obtenir l’ombre, c’est à dire qu’elle est devenue humaine », écrit-il à l’attention de son poète librettiste, à Garmisch, le 5 avril 1915.
Comme Mozart rêvait d’une humanité fraternelle, Strauss et Hofmannsthal affirment de la même façon leur adhésion au pacte pacifiste de l’amour, amour pour cet autre, qui est mon frère.
Toute la musique de Strauss, « bavarde et grandiloquente, foisonnante et agitée » célèbre ce miracle en exprimant, aux côtés de l’Impératrice, sa lente et progressive métamorphose, qui fait de l’opéra, un ouvrage ascensionnel : de l’ombre vers la lumière, de l’informe et du sauvage, à l’état d’une conscience humaine pacifiée. Jamais le propos d’un opéra n’aura davantage militer pour l’homme. Derrière sa forme mythique et féerique, La Femme sans ombre est un opéra humaniste.

Opéra en trois actes
Livret de Hugo Von Hofmannsthal
Créé à l’Opéra de Vienne,
le 10 octobre 1919

Personnages
L’Empereur, ténor
L’Impératrice, soprano
Barak, baryton
La femme, soprano
Les trois frères de Barak : le Borgne, le Bossu, le Manchot)
Le Messager des esprits, baryton-basse
Une apparition de jeune homme, ténor
Voix du faucon, soprano

Dvd
Lire notre critique de La femme sans ombre par Luana DeVol sous la direction de Wolfgang Sawallisch (2 dvd, TDK)
En 1992, quelques mois après que Solti présentait à Salzbourg sa propre version de l’oeuvre, Sawallisch partait en tournée au Japon, avec le collectif de l’Opéra de Munich pour y diriger, dans une adaptation kabuki de l’opéra, une production captivante…

Illustrations
Gustave Moreau,
Le cantique des cantiques
Andromède
Salomé dansant devant Hérode