mardi 8 juillet 2025
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Hommage à Armin JordanFrance musique, le 22 décembre 2006 à 15h


Vendredi 22 décembre 2006 à 15h
Prima la musica
Hommage à Armin Jordan

Franz Lehar
Airs d’opérettes
Mahler
Chant du compagnon errant
Bo Skovhus, baryton
Orchestre de la Suisse Romande
Armin Jordan
, direction

L’ancien footballeur qui joua Amfortas

Hélas, Armin Jordan nous a donc quitté le 20 septembre 2006. La perte d’un immense musicien, chef d’orchestre subtil et fin, est une perte irréparable. Il faut, comme toujours, l’adieu puis l’absence pour mesurer le talent de celui qui n’est plus. Ce footballeur aguerri, n’eut pas le bonheur de poursuivre l’automne de sa vie, au demeurant fort occupée : la perte du souffle et un corps abîmé l’empêchèrent de poursuivre. L’exercice de la douleur lui fut-il à ce point familier que le chef incarna Amfortas à l’écran, maniant déjà la baguette pour la bande-originale du film de Hans Jürgen Syberberg : Parsifal d’après Wagner ? Mais douloureux, l’helvète avait plus d’un tour dans son sac pour relever le défi de la vie et de la maladie : l’humour. Sportif, Armin Jordan se passionna pour la culture viennoise du début du siècle : jouant comme personne avant lui, Zemlinsky, Korngold. Et d’ailleurs, son élégance et sa direction racée, à la fois discrète mais rayonnante, cite absolument l’esprit et la grâce viennoise.
Il a commencé comme pianiste; puis, démangé par la direction, manie la baguette à l’Opéra de Zurich, surtout Bâle, jusqu’en 1989. Auparavant, il relevait à un niveau international, l’orchestre de la Suisse romande dont il devint le directeur en 1985. L’ensemble orchestral de Paris lui doit de s’être maintenu musicalement et administrativement. Voyageur poète, il aima diriger en invité les phalanges européennes : l’Orchestre symphonique de Bâle, et aussi le Philharmonique de Monte-Carlo. Il nous laisse une discographie où s’imposent l’opéra français, de Chausson (Le roi Arthus), Debussy (Pelléas), à Dukas (Ariane et Barbe-Bleue) et Ravel (L’enfant et les sortilèges). Tous ces enregistrements sont parus chez le label aujourd’hui disparu, Erato ; Zemlinsky (Une tragédie Florentine, Naïve), Mahler ou encore Wagner (Parsifal, Erato), surtout Wagner dont le récent Tristan und Isolde paru en dvd chez Bel Air classiques (en provenance de l’Opéra de Lausanne 2005) : sa direction, intimiste et fluide, permet à la mise en d’Olivier Py de déployer sa magie dévastatrice et vénéneuse.

Anvers. deSingel, le 18 novembre 2006. Artis Quartett Wien, Sharon Kam (clarinette). Concert Mozart, Wellesz, Brahms.

Passer du XVIIIe siècle mozartien au romantisme déjà teinté de Jugendstil de Brahms, en transitant par le post-expressionisme des années 40, relève du défi – surtout dans le genre réputé difficile du quatuor à cordes. Pari gagné pour le Artis Quartett dans le cycle de musique de chambre axé sur Brahms à deSingel à Anvers.

 
Quelque chose d’universel émane du Artis Quartett Wien, et pourtant on le sent ancré dans la tradition viennoise. Les compositeurs au programme ne sont bien sûr pas étrangers à ce sentiment : Mozart, né Salzbourgeois mais Viennois d’âme et de coeur ; Egon Wellesz, Viennois de souche même s’il dut fuire sa patrie lors de l’Anschluss ; Johannes Brahms, Viennois d’adoption puisqu’il y séjourna fréquemment de 1860 à sa mort. Pour nous présenter ce bel échantillon de musique de chambre de tradition austro-allemande, deSingel, le centre d’art à Anvers, a fait appel au Artis Quartett Wien. Le concert donné le 18 novembre 2006, est le second du cycle construit autour de la musique de chambre de Brahms, le premier ayant eu lieu la veille, avec le Artis Quartett également.
 
Les « Dissonances » avant l’heure.
Le choix du Quatuor en sol majeur K. 387 de Mozart, quatorzième des vingt trois que Wolfgang allait composer, se révèle tout sauf anodin. Premier des six quatuors dédiés à Haydn, il s’agit peut-être du plus travaillé et, en même temps, du plus déroutant. L’héritage des grands maîtres du passé, Bach en tête, a été parfaitement assimilé par Mozart et le Artis Quartett (jouant debout comme il en a l’habitude) n’a aucun mal à mettre en évidence les qualités contrapuntiques de l’oeuvre : la fugue du molto allegro final en étant l’exemple le plus fort. Mais ce qui est plus saisissant encore, ce sont les modulations insolites, les rythmes surprenants qui parcourent l’oeuvre et notamment le menuet – un allegro qu’à l’instar de certains quatuors de Haydn, Mozart a utilisé comme deuxième mouvement. Le Artis Quartett n’hésite pas, dès que l’occasion se présente, à mettre l’accent sur le caractère acide voire rugueux de la composition. On est loin de l’image lisse et policée d’un Mozart qui, à 26 ans, n’a plus rien d’un compositeur de cour.
 
Entre post-expressionisme et néo-classicisme
. Un bond de quelques 150 ans nous mène à l’immédiat après-guerre, 1946, année de composition du 6e quatuor à cordes d’Egon Wellesz. Né à Vienne en 1885 et décédé à Oxford en 1974, Wellesz fait partie de cette génération de compositeurs dont l’oeuvre et souvent la vie seront sacrifiés par la montée des extrémismes. Contrairement à Wellesz qui a pu se mettre à l’abri, beaucoup d’autres artistes, compositeurs et intellectuels n’auront pas cette chance, et périront dans les atrocités des camps nazis. Prometteur élève de Schönberg, la carrière de Wellesz connaîtra une éclipse à la fin des années 30, mais  elle reprendra après que le compositeur ait émigré en Angleterre, où il deviendra un éminent spécialiste de la musique byzantine, tout en continuant à composer une oeuvre imposante qui reste encore à redécouvrir.
 
Son Quatuor à cordes n° 6, en quatre mouvements, n’abandonne à aucun moment le système tonal. La facture est néo-classique, en revanche l’atmosphère est profondément empreinte d’expressionisme. Les trois premiers mouvements sont extrêmement courts : à peine le temps d’une exposition, peu ou pas de développement. Comme si les épreuves de la guerre, tout juste terminée, pesaient d’un poids incommensurable, n’autorisant que la forme la plus stricte, interdisant tout discours ou dialogue qui viendrait contrarier la désolation ambiante. Seul le grazioso final offre quelque épanchement et amène un timide sourire ou une lueur d’espoir. Artis Quartett est à l’aise dans ce répertoire pas forcément très abordable. Un enregistrement intégral des quatuors de Wellesz est annoncé, et les quatuors d’autres compositeurs dits « dégénérés » (« entartet »), oeuvres souvent méconnues ou que les avatars de l’histoire ont fait passer au second rang, tiennent d’ailleurs une place importante dans leur discographie.
 
Vienne, fin de siècle. Un autre monde s’ouvre en seconde partie de concert, avec le Quintette pour clarinette de Johannes Brahms, assurément une des plus belles oeuvres de la littérature pour cordes et vents. C’est à la rencontre de Brahms avec le clarinettiste Richard Mühlfeld, en 1891, que l’on doit l’existence des pièces pour clarinette de Brahms, alors que le compositeur avait peu de temps auparavant, décidé de mettre un point final à sa carrière de compositeur. Sans cette rencontre inespérée, le mélomane aurait sans doute été privé de quelques-uns des plus grands chefs-d’oeuvre de la production brahmsienne. Le Artis Quartett est rejoint par Sharon Kam, jeune clarinettiste israélienne, dont la sonorité de velours et la justesse de ton nous enchante de bout en bout. Atmosphère en demi-teintes, climat intimiste, Sharon Kam et le Artis Quartett nous font osciller en permanence entre le crépuscule et l’aube, dans un subtil jeu d’ombres et de lumières annonciateur de l’art nouveau. La clarinette de Sharon Kam est ronde, profonde, et se fond dans les cordes en un dialogue équilibré. L’entente chambriste entre les cinq musiciens est plurielle, et lorsque s’évanouit la dernière variation du Finale con moto, c’est un sentiment de plénitude qui emplit la Salle Bleue du Singel. La qualité de cette chaleureuse interprétation n’aura pas été très éloignée de la perfection.
 
Anvers. deSingel, le 18 novembre 2006. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) :Quatuor à cordes en sol majeur K. 387.Egon Wellesz (1885-1974) :Quatuor à cordes n° 6 Op. 64.Johannes Brahms (1833-1897) : Quintette pour clarinette et cordes en si mineur Op. 115.Artis Quartett Wien, Sharon Kam, clarinette.
 

Approfondir
Le programme complet du cycle de musique de chambre Brahms à deSingel. Lire notre présentation générale.
Le site du Artis Quartett comprenant une discographie complète : www.artis-quartett.at (en allemand et en anglais)
Le site officiel du Fonds Egon-Wellesz constitué au sein de la Gesellschaft der Musikfreunde de Vienne, qui s’attache à l’étude et la reconnaissance de l’oeuvre d’Egon Wellesz : www.egonwellesz.at (en allemand, la version anglaise étant en préparation)

Illustrations
Le Artis Quartett Wien (copyright MedCommunications / Art Accents)
Gustav Klimt, Allée dans le parc du Schloss Kammer (1912) (Österreichische Galerie, Vienne)

Antonio Vivaldi, récital lyriqueFrance musique, le 19 décembre 2006 à 10h

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Récital Antonio Vivaldi
Mardi 19 décembre 2006 à 10h

En quelques années, Jean-Christophe Spinosi est devenu « monsieur Vivaldi » : sur la scène et plus encore en récital et au disque, sa vitalité communicative et même sa fougue électrique ont dépoussiéré l’image d’un Vivaldi tranquille, un tantinet gentillet voire ennuyeux, que l’on connaissait surtout comme compositeur de concertos. Le chef français qui s’apprête à diriger au Châtelet, La Pietra del paragone de Rossini, à partir du 18 janvier 2007, impose un sens dramatique autant indiscutable qu’infatigable. Dans ce récital, enregistré le 9 novembre 2006, Spinosi et son ensemble Matheus, aborde le répertoire qui les a fait connaître, avec la complicité du contre-ténor Philippe Jaroussky avec lequel le chef a enregistré plusieurs opéras vivaldiens chez Naïve.

Programme

Enregistré le 9 novembre 2006, Théâtre des Champs-Elysées
« Prima la musica », présentation : Anne-Charlotte Rémond

Sinfonia en ut Majeur de la Fida ninfa RV.714

« Frema pur, si lagni Roma » Ottone in villa RV. 729

« Mentre dormi, Amor fomenti » L’Olimpiade RV.725

Sinfonia en ut Majeur RV.116

« Sovente il sole » Andromeda liberata

« Se in ogni guardo » Orlando finto pazzo RV.727

« Sperai vicino il lido » Demofoonte

« Bel riposo de mortali » Il Giustino RV.717

Concerto pour deux violons en ré Majeur RV.513

Jean-Christophe Spinosi et Laurence Paugam, violons

« Vedró con mio diletto » Il Giustino RV.717

« Fra le procelle » Tito Manlio RV.738

Philippe Jaroussky, contre-ténor
Ensemble Matheus
Jean-Christophe Spinosi, direction

Approfondir

Lire notre dossier « Les opéras de Vivaldi« 

Lire nos critiques des opéras dirigés par Jean-Christophe Spinosi chez Naïve : Orlando Furioso, La Griselda.

Crédit photographique
© Serge Derossi/Naïve

Guide Cadeaux de Noël 2006

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Guide Cadeaux de Noël 2006

Quels cds ou dvds, quel livre, offrir pour les fêtes?

La Rédaction de classiquenews.com s’est réunie pour débattre des meilleurs titres, parmi les parutions publiées au cours de l’année ou qui sont les nouveautés des mois de novembre et décembre 2006. Difficile de faire un choix. Tout au long de l’année, l’offre s’est emballée, le crû 2006 reste excellent, d’autant que pour les fêtes, en décembre, les éditeurs renouvellent une avalanche de coffrets plus tentants que jamais… Notre liste ci-après suscitera forcément des réactions, mais les cds, dvds ou les livres retenus ici, nous ont convaincus voire éblouis, soit par leur inteprétation, soit parce qu’ils favorisaient l’exhumation d’une oeuvre ou d’un compositeur. Pour le reste, si vous ne partagez pas nos coups de coeur, reportez-vous dans nos magazines cds, dvds, livres : cliquez sur « recherche cd/dvd/livre », ou découvrez nos « top5 », et découvrez tous les nombreux autres titres et ouvrages qui ne nous ont pas laissés de marbre, depuis le début de l’année 2006. Offrir la découverte d’une musique inédite, envoûtante, ou tout simplement nouvelle ; faire partager un spectacle visuellement et musicalement captivant ; transmettre la passion d’un texte lumineux : quoi de mieux pour Noël ? Bons achats !
Suivez notre guide et découvrez les raisons de notre sélection.

CD
Coffrets
de Noël

Comment ne pas succoomber à l’avalanche de coffrets, qui réunissent à prix modique, l’essentiel discographique d’interprètes plus que recommandables. Peu importe si parfois l’indigence de la présentation, réduite à l’essentiel, peut rebuter : seule compte après tout, la qualité des enregistrements, et la pertinence des sélections. Jugez plutôt.

Nicolai Luganski, Rachmininov (Warner)
Trois cds confirment la maestrià du pianiste russe, au jeu réfléchi, intérieur, concentré. Ses quatre concertos pour piano de Rachmaninov sont de loin les plus convaincants parmi les lectures de ces dernières années (accompagné par Sakari Oramo à la tête du Symphonique de Birmingham). En prime, l’éditeur, inspiré, ajoute, entre autres, les Variations sur un thème de Corelli et de Chopin : joyaux en cascades ! (3 cds).

Beethoven (Emi)
« Révisez » Beethoven en 50 cds ? C’est possible. Emi vous offre ce pari insensé mais tellement excitant, -et bien dans l’air du temps-, surtout quand le choix, évidemment puisé dans son catalogue, réunit plusieurs incontestables, remontant aux années 1960 (musique instrumentale), aux années 1970 (musique vocale). « Les chefs-d’oeuvre de Beethoven » rassemblent ainsi, « l’essentiel » de la musique composée par le génie du romantisme germanique. La sélection est plus que séduisante : intégrale des symphonies par André Cluytens à la tête du Berliner (enregistrée de 1958 à 1961), les concertos pour piano par Guilels et Gelber, les sonates pour piano par Eric Hedsieck, Diabelli et bagatelles par Georges Solchany, sonate pour violon et piano dont « Le printemps », par Christian Ferras (violon) et Pierre Barbizet (piano), les sonates pour violoncelle et piano par Paul Tortellier (violoncelle) et Eric Heidsieck (piano), les trios par le Trio Hongrois, et les quatuors par le Quatuor Hongrois. Au registre de la musique vocale, Le Christ au mont des oliviers par Deutekom, Gedda, Sotin, accompagnés par l’Orchestre de la Beethoven Halle de Bonn, Volker Wangenheim, direction ; la Missa Solemnis par Harper, Baker, Tear, Sotin accompagnés par le London Philharmonic orchestra, direction : Carlo Maria Giulini (1976) ; la Messe en ut par Ameling, Baker, Altmeyer, Rintzler accompagnés par le même Giulini mais en 1971 ; enfin, Fidelio, version Karajan et le Berliner, de 1971, avec Helga Dernesch (Leonore), Jon Vickers (Florestan), José Van Dam (Don Fernando), Helen Donath (Marzelline)… nul doute que les bandes signées Karajan et Giulini, rendent l’ensemble de ce coffret plutôt attractif (50 cds).

Mozart/Mitsuko Uchida : intégrale des concertos pour pianos (Philips). Disons-le sans réserve : le clavier d’Uchida nous transporte. Délicatesse du toucher, vibrations murmurées des accents, tendresse mélancolique de l’inspiration… que dire de plus à l’écoute d’un cycle cohérent et magnifiquement ouvragé (enregistré de 1986 à 1992). Complice de cet esthétisme de la mesure et de la poésie, Jeffrey Tate, à la tête de l’English chamber orchestra, déploie aux pieds de la pianiste japonaise, une tapis de couleurs instrumentales parfaitement maîtrisé. De la magie et de la délicatesse en boîte (8 cds).

Nelson Freire/Chopin/Villa-Lobos
(Warner). En 1974 et 1976, Nelson Freire aborde avec une franchise de ton, les climats nocturnes de Chopin. Du bel ouvrage, sincère, sans affectation ni maniérisme d’aucune sorte. Même simplicité ténue et même délicatesse de ton pour son Villa-Lobos, d’un raffinement de climats, naturel et nerveux (3 cds).

Mozart/Quatuor à cordes Esterhazy : les 6 Quatuors dédiés à Haydn
(Decca). C’est en écoutant les trois derniers quatuors de Mozart, en février 1785 que Haydn déclara au père du compositeur : « votre fils est le plus grand compositeur que je connaisse en personne ou de nom ». L’élégance et l’acuité poétique avec laquelle les Esterhazy aborde le cycle des six quatuors mozartiens se révèlent convaincantes. Même dans le deuxième Quatuor K 421, la déchirante blessure, grave et profonde, semble transfigurée par une tendresse lyrique et mélancolique. Souplesse et articulation au service d’un chant intérieur partagé : l’approche reste indiscutable (3 cds).

Quatuor Talich/Dvorak, Smetana, Janacek : quatuors (Calliope). Pour les fêtes, l’éditeur français Calliope nous régale en regroupant trois albums parmi les plus excitants des Talich. Autant le dire : difficile de trouver aujourd’hui, interprètes plus exaltés, palpitants, subtils pour la musique de chambre tchèque. Aux côtés de leur gravure Kalliwoda, joyau 2006 à posséder d’urgence (lire ci-après notre sélection CD « Albums »), ce coffret de 3 cds est une synthèse de leur sonorité fusionnée, généreuse et mordante, entre 2002 et 2005. D’autant que les amateurs de musique pour cordes retrouveront les pages essentielles des compositeurs tchèques : Quatuor américain de Dvorak, Quatuors n°1 et 2 de Smetana, « Sonate à Kreutzzer » et « Lettres intimes » de Janacek. Un coffret incontournable (coffret de 3 cds).

Albums
Difficile de faire un choix. Car le cru 2006 en relectures ou inédits, a produit son lot de merveilles. Parmi des programmes subjugants, voici nos coups de coeur :

Accentus Austria (Arcana)
Un choc pour des musiques méditerranéennes, façonnées par la sensibilité des juifs expatriés. Les couleurs, la poésie qu’apportent chanteurs et musiciens d’Accentus Austria restent fascinants (1cd).

Vivaldi, La Griselda (Naïve)
Le champion de la cause Vivaldienne, Jean-Christophe Spinosi, récidive la réussite de ses gravures précédents au chapitre de la furià lyrique du Pretre rosso. Sa Griselda vaut assurément son Orlando Furioso. Que ne pouvons entendre et voir sur les planches réelles, tant de passion et d’intensité, dans la tendresse comme dans l’exultation. Pour nous consoler, le disque nous enchante, et nous prépare, souhaitons-le, à de prochaines délectations scéniques (3cds).

Lux Feminae/Montserrat Figueras (Alia Vox)
Jamais le chant de l’épouse de Jordi Savall qui fait partie du soutien instrumental, n’a mieux exprimé l’espérance, la tendresse, l’émotion. Traversée par la lumière, la voix embrasée berce et murmure, s’alanguit, proclame, dévoile, fascine… un disque pour l’île déserte, inoubliable, complice (1 cd).

Czymanowski, Chants/Simon Rattle (Emi)
Enfin Simon Rattle a réalisé ce projet d’enregistrer les mélodies symphoniques de Czymanowski. Le résultat est à la hauteur de l’attente, et de l’engagement des inteprètes (1 cd).

Intégrale des Symphonies de Beethoven/Simon Rattle (Emi). Réédition
Saluons Emi d’avoir pris l’initiative de republier l’intégrale Beethoven de Rattle à la tête du Wiener Philharmoniker : battue exaltée, sensibilité et vitalité des timbres, le chef se montre poète et conquérant.

Mozart, La clémence de Titus/Mackerras (2 cds, DG)

Mozart, La clémence de Titus/Jacobs (2 cds, Harmonia Mundi)
Sorties dans les bacs au même moment, les deux versions de la Clémence de Titus ont diversement été accueillies. Pour nous, à un égal niveau de pertinence, car les deux chefs sont d’éminents mozartiens, chacun selon sa sensibilité, l’année du bicentenaire de la naissance de Mozart, aura été celle de la réévalutation du dernier opéra seria de Mozart (1791). Plus qu’un exhumation à deux voies : une réhabilitation indiscutable !

Los Impossibles, L’Arpeggiata (Naïve)
Christina Pluhar égale en beauté et en défrichement, l’éblouissante réalisation de son album Tarentella. Mais ici, le geste et l’alanguissement expressif profitent davantage encore de cette volonté de métissages, clairement assumée. Aux mariages des styles et des formes, entre musique dite savante et pratique populaire, entre salon et rue, l’enchanteresse Pluhar s’associe les talents cosmpolites des King’s singers par exemple. Le résultat est aussi stupéfiant que confondant (1 cd).

Moussorgski, Tchaïkovski. Tugan Sokhiev (Naïve)
Les musiciens du Capitole ont bien de la chance d’avoir trouvé en Tugan Sokhiev, comme Gergiev, originaire d’Ossétie, un digne successeur de Plasson. Voici venue, l’heure d’un grand chef. Et ce disque, le premier publié par Naïve, nous le montre indubitablement (1 cd).

Mozart, Concerto Köln (DG)
Un son mozartien comme on l’aime, articulé et exaltant. Une petite musique de nuit, quelques divertimento et Petits riens, l’ouverture de la Flûte, sans omettre l’adagio de la Grande Partita : voilà une réalisation magistrale, pleine d’inventive facétie, d’humour et d’opulence. L’un des plus beaux hommages au génie mozartien pour l’année des 250 ans de la naissance ! Découvrez dans le détail, avec extraits sonores le programme de l’album jubilatoire Mozart par le Concerto Köln (1 cd).

Christophe Colomb, « Paradis perdus »/Jordi Savall (Alia Vox). Deuxième livre-disque concocté par Savall et ses équipes. La narration aux brumes poétiques incontestables évoque un monde qui avant le nôtre, a perdu cet équilibre utopique où juifs, arabes et chrétiens vivaient en paix. Outre la plasticité des tableaux d’une rare opulence sonore, vocale comme instrumentale, Jordi Savall s’engage nettement pour un retour au temps de paix. Musique exceptionnelle, musique engagée : que demander de plus? Une édition éblouissante (2 cds).

Kalliwoda/Talich : quatuors (Calliope). La découverte grâce à Calliope et aux Talich de Johann Wenzel Kalliwoda (1801-1866) est avec les symphonies de Czerny (lire ci-après), l’une des exhumations exceptionnelles de 2006. Dans les quatuors des pleines années 1830, le feu jubilatoire du compositeur se déploie avec éclat. Et les Talich, ciselés et bondissants, donnent toute la mesure de ce post-mozartien, subtil et mordant. Une éblouissante découverte !

Joan Sutherland/La Voix du siècle (Decca).Le 7 novembre 2006, la diva australienne, « stupenda » et « assoluta », fêtait ses 80 ans. Pour célébrer l’événement, Decca, l’éditeur discographique qui a édité l’ensemble de ses enregistrements, publiait une collection anniversaire dont ce double album, riche en photographies d’époque, joyau lyrique qui comblera les fans et les curieux : Bel canto italien, certes, Traviata, Luisa Miller, Lucia di Lammermoor, Norma, Semiramide, entre autres ; mais aussi, opéra français : Gounod (Roméo et Juliette), Delibes (Lakmé), Offenbach (Les Contes d’Hoffmann), Massenet (Le Cid)… Le programme est complet, regroupe près de 29 airs éblouissants, enregistrés de 1960 à 1977, les années où la voix était d’or (2 cds).
Et si vous souhaitez en écouter davantage, reportez-vous aux autres titres de la collection Decca des « 80 ans de Dame Joan Sutherland« .

DVD

Opéra

Wagner, Tristan et Yseult (Bel Air classiques). Armin Jordan nous a quitté en 2006, mais, pour nous consoler, il nous laisse cette production présentée à Genève en 2005 et que l’éditeur Bel Air classiques a fort judicieusement décidé d’enregistrer. La mise en scène d’Oliver Py recrée l’atmosphère empoisonné, léthale, ivre de l’opéra Wagnérien. Et la direction du chef, aussi discrète que fluide, fonctionne à merveille, tissant la légende amoureuse où la malédiction voisinne avec le salut, la mort avec la grâce (2 dvds).

Richard Strauss, Le Chevalier à la Rose (TDK). Certes nous avons connu Maréchale et Ochs, plus fins et ambivalents, quoique… mais la mise en scène de Robert Carsen est l’une des plus éblouissantes qui aient été réalisées à Salzbourg : le grostesque et la finesse Ancien Régime s’y côtoient amoureusement, tout à ait dans l’esprit des gravures qui mêlent minutie et humour, de William Hogart, dont l’opéra de Strauss et Hofmannsthal est inspiré. Musicalement, perfectible ; mais dramatiquement, sans aucune faute de goût (2 dvds).

Moussorgski, Boris Godounov (TDK). Pas d’acte polonais, retour à la version originelle, sauvage, brute, âpre et tragique. La force de cette production vient de l’union entre une mise en scène expressionniste et efficace (Willy Decker) et la direction d’un chef engagé, Sebastian Weigle. Sur les planches du Liceu de Barcelonne (Octobre 2004), les chanteurs sont d’une grande cohérence : autant dire, ce Boris, est l’une des meilleures publications de l’année 2006 (1 dvd).

Prokofiev, Pierre et le loup
(Arthaus Musik). Dans l’esprit de la réalisatrice britannique Suzie
Templeton, Pierre n’est pas du genre à se laisser impressionner, fut-ce
par seigneur loup lui-même. Le film d’animation, d’à peine 30 minutes,
est un chef-d’oeuvre absolu de tendresse, d’humour, de poésie, de
liberté onirique aussi puisqu’ici, le conte est revisité avec
originalité. Les nombreux bonus éclairent la conception de la
réalisatrice et le travail du studio polonais qui a réalisé un miracle
audiovisuel (1 dvd).

Verdi, Rigoletto (TDK). Le Liceu a tiré son épingle du jeu : voici, une nouvelle mise en scène d’une rare intelligence, lisible et noire, parfaitement fantastique (le tableau final de l’auberge). Graham Vick signe l’une de ses meilleures réalisations dramatiques, et musiciens et chanteurs sont tout autant convaincants. La version de Rigoletto que nous préférons au dvd (1 dvd).

Natalie Dessay, le miracle d’une voix (Virgin classics). Voix miraculeuse certes oui ! Après son opération, Natalie Dessay a pu démontrer l’étendue de son diamant vocal retrouvé, sur la scène de l’Opéra Bastille en septembre 2006 (Lucia di Lammermoor). Voici une décennie exceptionnelle, composée d’extraits filmée de ses plus grands rôles : Lucia en français, Zerbinette, Olympia (par trois fois et dans trois productions différentes!), Cunégonde dans Candide de Bernstein… (2 dvds).

A tribute to Benjamin Britten. Le 4 décembre 1976 s’éteignait le plus grand compositeur d’opéra de langue anglaise, Benjamin Britten. Arthaus regroupe 6 dvds déjà publiés, complétés par deux titres complémentaires, tout aussi convaincants, Gloriana (1953) composé pour le couronnement d’Elisabeth II, et Let’s make an opera (1949), féerie pleine d’humour et de verve qui révisite dans le genre de la comédie musicale, le conte du Petit Ramoneur. Au total, le corpus rassemble dans des productions plus que convaincantes, les oeuvres majeures de Britten : Peter Grimes, The Rape of Lucrezia, Billy Budd, Owen Windgrave, Death in Venice, The Turn of the Screw, en plus des deux inédits sus-mentionnés. La diversité des lectures, l’implication des chanteurs et des musiciens hissent le niveau interprétatif général, au sommet. Pour les trente ans de la mort de Britten, nous tenons là une somme dvd incontournable. D’autant plus opportune pour les fêtes de la fin de l’année 2006 !(1 coffret de 8 dvds avec bonus et livret général). D’emblée s’il n’y avait qu’un seul achat à faire pour tout amateur d’opéra du XX ème siècle, ce coffret cadeau est un achat qui s’impose de lui-même. En vente sur le site d’Intégral

Danse

Coffret Jiryi Kylian (Arthaus musik). Le plus grand chorégraphe du XXème siècle méritait bien ce coffret majeur de 4 dvds, qui retrace son travail sur les corps. Elégance puis expressionnisme, esthétisme et fulgurance, l’univers du créateur appartient aux classiques atemporels de la danse contemporaine (4 dvds).

Bach, « Cello suites, In den Winden im nichts »- Heinz Spoerli (Bel Air classiques). Sur la musique de Bach, Heinz Spoerli a conçu un spectacle d’une beauté à couper le souffle. Les jeunes danseurs du Zürcher Ballet sont transfigurés par la grâce des tableaux collectifs et des solos (1 dvd).

Symphonique

Mahler, intégrale des symphonies par Léonard Bernstein (DG). Entre 1972 et 1976, Leonard Bernstein à la tête du Wiener Philharmoniker accepte que les caméras de Humphrey Burton filme ses concerts Mahler pour DG/Unitel. Les captations restent historiques par leur profondeur et leur humanité. Bernstein, un mahlérien pour l’éternité ! (8 dvds).

Symphonie n°2 de Gustav Mahler par Claudio Abbado (Euroarts)
Autre chef, autre intégrale : le geste Abbado est lent, mesuré, épique. C’est à dire, pour nous tout aussi fascinant que le fut vingt ans plus tôt son aîné Bernstein. Mais ce qui se passe dans cette Résurrection est bouleversant. A vous tirer des larmes ! (1 dvd).

LIVRES

Monteverdi, Livre VIII (Naïve). Reproduction de tableaux, textes originaux dont la conception du chef Alessandrini sur les madrigaux opératiques de Monteverdi : chacun y trouvera un sujet de contemplation ou de délectation : d’autant que le choix des peintures, en majorité de peintres vénitiens (Monteverdi meurt à Venise) colle parfaitement à la sensualité expressive et dramatique des musiques sélectionnées (dont l’exceptionnel Combat de Tancrède et Clorinde, qui « dialogue » ainsi avec la composition sur le même sujet, peinte par Tintoret), l’éditeur Naïve a réalisé un bien bel ouvrage, aussi séduisant à l’écoute que stimulant pour les yeux, (2 cds).

Balades musicales dans Venise (nouveau monde). Se perdre à Venise et mourir ! Se perdre tout en suivant un fil thématique (pour ne rien manquer de chaque « balade musicale ») : le texte de Sylvie Mamy regorge d’appétissantes anecdotes. Venise, berceau musical, ville écrin pour musiciens (et aussi écrivains). Outre sa riche illustration, le livre fonctionnera parfaitement comme un guide pratique que vous consulterez in situ. Le manuel de tout mélomane amoureux de la Cité des Doges. Incontournable !

Inventaire de l’Opéra (Universalis). L’édition évolue sous l’influence d’Internet. Ce volume de la collection « Inventaire », publiée par Universalis, multiplie les angles d’approche, fragmente l’information sans la diluer. Chacun pourra picorer le texte qui lui parle, selon son envie du moment. A offrir pour tout amoureux d’opéra, qu’il soit néophyte ou connaisseur.

Benjamin Britten, Mildred Clary (Buchet/Chastel). Enfin un texte en français, structuré, précis, fin : il n’existait pas de biographie vraiment satisfaisante sur le plus grand compositeur britannique de l’Après-guerre. Une lacune comblée, avec quelle pertinence !

Dossier Cadeaux Noël 2006 rédigé par la Rédaction de classiquenews.com.
Coordination : Anthony Goret et Alexandre Pham.

Crédits photographiques et identité visuelle du guide Cadeaux Noël 2006
© David Tonnelier pour classiquenews.com 2006/2007

Marc-Antoine CharpentierLa vie et l’oeuvreFrance musique, le 9 décembre 2006 à 18h

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La Querelle des Bouffons
Magazine présenté par Alexandre et Benoît Dratwicki
Samedi 9 décembre 2006 à 18h

Marc-Antoine Charpentier
la vie et l’oeuvre

Homme de Cour, favori des lettrés et des cercles aristocratiques, et dans le même temps, réservé et humble, traversé par l’esprit des vanités, Marc-Antoine Charpentier malgré ce qu’il souhaitait, n’eut jamais de fonction officielle à Versailles, au sein des musiciens de Louis XIV. Pourtant, passionné par l’opéra et la musique dramatique, inspiré tout autant par les textes sacrés, il reste l’une des figures majeures de la musique française du Grand Siècle.

Approfondir
Lire la critique du film paru en dvd chez Armide, « Un automne musical à Versailles, d’Olivier Simonnet, conçu pendant la série des concerts Charpentier au palais de Versailles.

Gustave Charpentier,vie et oeuvreFrance musique, le 16 décembre 2006 à 18h

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La Querelle des Bouffons
Magazine présenté par Alexandre et Benoît Dratwicki
Samedi 16 décembre 2006 à 18h

Gustave Charpentier
la vie et l’oeuvre

En mars 2007 (à partir du 27 et jusqu’au 19 avril 2007), Louise, l’ouvrage emblématique de Gustave Charpentier est à l’honneur de l’Opéra national de Paris. Mireille Delunsch incarne l’héroïne de la partition dont la nouvelle production parisienne sera un événement : dans le drame musical en quatre actes, créé en 1900, Charpentier qui rédige son livret, invente une figure libertaire, d’origine populaire : Louise est couturière, de la génération des enfants de la Commune que Zola a portraituré dans Au Bonheur des dames. Quelques décennies après l’explosion révolutionnaire, la contestation s’est muée en idéal libre voire provocateur et scandaleux : Louise est libre d’aimer qui elle veut. A défaut d’être riche, elle impose son désir. D’emblée, la création du personnage est une contestation de la convenance bourgeoise, et de sa morale élitiste et conservatrice. Dans cette nouvelle édition du magazine « la Querelle des bouffons », Alexandre et Benoît Dratwicki évoque la vie et l’oeuvre de Gustave Charpentier.

Approfondir

Lire notre dossier biographique « Gustave Charpentier« 

Leonard Bernstein, chef d’orchestreIntégrale des Symphonies de Mahler en dvd (DG)

Né en 1918 à Lawrence, dans le Massachussetts, Leonard Bernstein a 54 ans lorsque pour DG/Unitel, il accepte que la série des concerts donné à Vienne, avec le Philharmonique de Vienne, des Symphonies de Mahler, soit filmée par les caméras d’Humphrey Burton.

Le chef est alors au sommet de sa maturité. Celui qui a été formé à Tanglewood auprès de Koussevitsky, puis remplace Bruno Walter malade, à la tête du Philharmonique de New-York ; qui devient le directeur à vie de cet orchestre ; le musicien d’exception, invité par toutes les grandes phalanges européennes (Orchestre national de France, Symphonique de Londres…), reste indéfectiblement attaché à l’histoire de la Philharmonie de Vienne. L’élégance et le lyrisme de l’Orchestre correspondent idéalement à sa direction vive, exaltée, généreuse.

S’agissant de Mahler, le musicien trouve dans la carrière, la vie et l’oeuvre du compositeur (comme lui), un frère. Fils d’une famille russe d’origine juive, émigrée aux Etats-Unis, Bernstein s’est construit dans et par la musique. Les affinités entre les deux sensibilités sont évidentes. Elles confèrent à la lecture de Bernstein, cette implication qui va au-delà d’une simple exécution. De 1972 à 1976, Bernstein dirige devant la caméra, ses chers musiciens dans un répertoire qu’il a aimé connaître, explorer, sentir. L’homme médiatique, qui anima plusieurs séries de concerts pédagogiques, en public et pour la télévision, exprime un charisme puissant, capable d’électriser musiciens et chanteurs. C’est indiscutablement ce qui frappe dans la série de concerts publiques filmés par DG/Unitel.
Sous sa baguette, l’arche composée par l’homme et son oeuvre, d’épisode en épisode, se précise et dans les gouffres amers, et dans la lumière des révélations. Le chair et le sang d’un Mahler exalté par un désir d’élévation et de sérénité se déchaînent et s’assagissent : le tumulte et sa résonance cosmique, le murmure vibrant et palpitant, sont intensément vécus, investis.
Témoignage sincère souvent bouleversant, militant pour la redécouverte de Mahler, s’appuyant surtout sur une collaboration intuitive et fusionnelle entre l’orchestre et son guide, la lecture demeure incontournable.

Lire notre critique de l’intégrale des Symphonies de Mahler par Leonard Bernstein.

Crédit photographique
Leonard Bernstein, en 1959 (DR)

Modeste Moussorsgki, Boris Godounov, 1874

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Modeste Moussorgski,
Boris Godounov
, 1874
Opéra en un prologue et
quatre actes.
Livret du compositeur
d’après Pouchkine

Opéra de Massy

Du 9 au 11 mars 2007
Dominique Rouits, direction
Dmitri Bertman, mise en scène

Le vrai Tsar Boris règne sur la Russie à au début du XVIIème siècle, de 1598 à 1605. Moussorgski s’inspire de la pièce de Pouchkine. Moussorgski qui adapte lui-même la pièce en opéra, conçoit deux versions. La première plus dense et resserrée, composée en 1868-1869, est refusée par la censure des théâtres Impériaux. La seconde, achevée en 1872, fut créé sans encombre au Théâtre Marrinski de Saint-Pétersbourg sous la direction d’Edouard Napravnik.
Le style rugueux, expressionniste suscita de nombreuses critiques. Rimsky-Korsakov réochestra l’oeuvre et présenta une nouvelle version achevée en 1908, qui finit par éclipser l’originale, grâce à la performance de Chaliapine dans le rôle-titre. C’est le musicologue Pavel Lamm, en 1928, qui rétablit la version de Moussorsgki en publiant la partition originale.
L’action s’étend sur plusieurs années, au moins six. Au début, le boyard Boris devient Tsar. Ensuite, l’exercice du pouvoir le transforme, en particulier, parce qu’il a fait assassiner l’enfant héritier de la couronne convoitée, le souvenir du crime hante ses nuits et finit par rompre sa raison. Parallèlement, le disciple du vieux moine Pimène, Grigori Otrepiev, connaissant le drame du jeune héritier sacrifié, se fait passer pour le prétendant ressuscité. Au-delà de l’anecdote historique, l’opéra confronte en de saisissants tableaux, solitude et délire de Boris, rongé par le remords, et le mouvement de la foule. C’est un terrible portrait du pouvoir et de la folie qui guette ceux qui ambitionne d’en prendre les rênes. L’acte polonais, ajoutée dans la version de 1872, en deux tableaux, se passe en Pologne. Il permet au compositeur de brosser la figure d’une femme aussi ambitieuse et peu scrupuleuse que l’est Boris ou Dimitri : l’avide Marina, soumise à l’éminence noire, Rangoni. Solitude et grandeur dérisoire des héros, foule soumise et suiveuse, agonie d’un monde barbare condamné à vivre et revivre le cycle des tyrannies sanglantes, Boris Godounov est depuis sa création, et sous les masques de ses versions diverses, le modèle de l’opéra russe.
L’humain et l’épopée s’y trouvent condensés en un tableau flamboyant que la musique de Moussorsgki, sans ornements ni fioritures, rend grave et sombre. Dans cette oeuvre fascinante, le compositeur épingle le mécanisme de la barbarie humaine avec une poésie inégalée, même si, au final, sa conclusion est des plus pessimistes.

Claudio Monteverdi,Orfeo, 1607Les 400 ans du premier opéra de l’histoire

Le 24 février 2007 marque les 400 ans de la création du premier opéra de Claudio Monteverdi. Si l’ouvrage n’est pas à proprement parlé, le premier ouvrage lyrique, il est néanmoins considéré par la cohérence de sa conception et la modernité de son langage, comme l’opéra des origines, la source d’une histoire qui depuis ne s’est jamais achevée.
Célébrer la création d’Orfeo signifie aussi, par conséquent, souffler les 400 bougies d’un genre, cycliquement enterré, continûment critiqué, mais jamais épuisé. Les dernières vaines polémiques regrettant les options décalées des metteurs en scène venues du théâtre, ne seront avec le recul, que des épisodes d’une épopée qui en connut de nombreux autres. La lyre d’Apollon, depuis Orfeo de Monteverdi en 1607, semble encore nous dire la part essentielle d’une vérité toujours vénérée. Opéra mythologique, opéra initiateur d’une tradition qui s’écrit toujours, Orfeo fascine le spectateur moderne parce qu’il y est question du rapport fondamental de la parole et de la musique, de l’amour omnipotent, du désir et des passions irrépressibles, de la force de l’art, en particulier du pouvoir de la musique… Aura-t-on un jour, épuisé les enjeux et les symboles du premier opéra de l’histoire ?

Orfeo à l’affiche

Opéra national de Bordeaux
Les 12 et 14 mars 2007
Jordi Savall, direction
(version de concert)

Approfondir
1. Lire notre dossier « L’Orfeo de Claudio Monteverdi« 
2. Monteverdi, Caravage : correspondances entre l’oeuvre du peintre et la musique du compositeur
3. Lire notre critique du dvd « Orfeo de Monteverdi par Jordi Savall »
4. Lire notre dossier Claudio Monteverdi

Illustration
Nicolas Poussin, L’inspiration du poète (Paris, musée du Louvre). Dans une clarté chaude et solaire, le dieu des arts, lyre à portée de la main, offre l’inspiration au poète et au musicien. Apollon est le père d’Orphée.

Mozart,Cosi fan tutte (1790)Opéra de Nice,Du 26 au 30 janvier 2007

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Wolfgang Amadeus Mozart
Cosi fan tutte
, 1790

Opéra de Nice
Du 26 au 30 janvier 2007
Marco Guidarini, direction

A la différence des Noces ou de Don Giovanni, qui précèdent l’ouvrage, Cosi
n’est pas l’adaptation d’un texte préexistant. Qu’il s’agisse ou non
d’un fait divers rapporté par Da Ponte à l’empereur Joseph II, Cosi
est un modèle dans le genre de la comédie lyrique. Tout d’abord,
mécanique du pari, puis comédie du déguisement, enfin, dévoilement
cynique. Que Mozart y ait signé l’une des ses partitions les plus
inspirées, qui ferme le cycle de la trilogie composée avec Da Ponte,
n’en est pas la moindre qualité. L’opéra fut commandé aux auteurs des Noces et de Don Giovanni, au moment de la reprise des Noces à Vienne le 29 août 1789. C’est l’Empereur Joseph II qui aurait décidé du sujet d’après une épisode véridique survenue dans le vie sociale viennoise. Une reprise particulièrement applaudie. Cosi, créé le 26 janvier 1790, rapporta 900 florins au compositeur, le double de sa rétribution obtenue pour les Noces. Le compositeur était âgé de 34 ans. Aujourd’hui, Cosi est en passe d’égaler l’admiration suscitée par ses deux ouvrages antérieurs, Les Noces et Don Giovanni : son âpreté cynique, est révélée avec la grâce et la poésie d’une musique moins superficielle et galante qu’on a bien souvent, à tort, dénoncée voire regrettée. Comme si Cosi, aux côtés de ses splendides chapitres précités, faisait tâche. L’ouvrage est du pur Mozart, c’est à dire, réfléchi, élégant, sombre, profond sous son apparente badinerie. Et même, le livret de Da Ponte, conçu en étroite collaboration avec Mozart, redouble d’efficacité et de surprise. Le portrait psychologique de chaque caractère est brossé avec précision et justesse.

Illustration
Fragonard, le baiser à la dérobée (DR)

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Lire notre dossier « Mozart »

Giuseppe Verdi,La Traviata (1853)Opéra de LilleDu 8 au 25 mars 2007

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Giuseppe Verdi
La Traviata
(1853)

Opéra de Lille
Du 8 au 25 mars 2007

Condamnée et malade, Violetta Valéry, demi-mondaine, est l’objet de la passion dévorante du jeune Alfredo. Les deux amants coulent des jours heureux à la campagne. Mais c’est compter sans le père du jeune jomme, Germont qui reconduit à l’ordre, les acteurs de ce dérèglement : il ordonne à la courtisane restée seule, d’interrompre la liaison coupable, car elle entache l’honneur de la famille, de fuir son amant et de lui cacher les raisons de ce revirement. Malade, esseulée, revenue à sa vie dissolue, la Traviata (la dévoyée) succombe au mal qui la ronge.
L’oeuvre impose un génie de l’écriture dramatique, associant idéalement musique et théâtre. La dramaturgie comme l’inspiration musicale sont d’une égale valeur, assurant comme nul autre ouvrage lyrique, un équilibre parfait des modes d’expression.
La Traviata en effet approfondit les chefs d’oeuvres antérieurs que sont Rigoletto (1851) et La Trouvère (1851). Verdi compose La Traviata deux mois après Le Trouvère.


Le musicien suit rigoureusement
la trame du sujet de Dumas fils. La musique explore et développe l’évolution et le cheminement psychologique de chacun des trois personnages clé : l’héroïne, Alfredo, son père. Sur le décor parisien de la Monarchie de Juillet, Verdi précise la vérité intime d’un portrait à trois. Fresque sociale, tourments et tragédies individuelles : le compositeur s’ingénie à passer d’une perspective à l’autre.
Plus qu’une condamnation, l’opéra dessine l’apothéose d’une victime dissolue. Au bord du vide, Traviata en se sacrifiant pour celui qu’elle aime, gagne son statut d’élue. L’élévation morale dont la courtisane fait preuve au terme de sa fulgurante et brêve carrière, lui permet d’effacer les turpitudes passées de sa vie de pêcheresse. Elle accepte donc de mourir en victime qui a expié ses fautes, qui les a payées, au prix fort.
Mais avant sa fin tragique, que d’instants inoubliables tissés par la musique, une musique ivre et féerique, exprimant au plus juste, le piracle de la rencontre et l’émerveillement de deux coeurs qui se sont reconnus : l’air « Libiamo« , brindisi de l’Acte I, reste l’un des plus beaux duos romantiques et l’expression vraie du désir en partage.

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Lire notre dossier « Giuseppe Verdi, maître de la dramaturgie lyrique« 

Claude DebussyPelléas et Mélisande (1902) Opéra de ToulonDu 26 au 30 janvier 2007

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Claude Debussy
Pelléas et Mélisande
(1902)

Opéra de Toulon
Du 26 au 30 janvier 2007

D’après la prose de Maeterlinck
, Debussy compose un opéra qui ne ressemble à aucun autre. L’action qui est s’y déploie ne représente pas, elle exprime le théâtre intime des personnages. Pas d’action mais la suggestion des pensées cachées ou tues. Scène de l’intériorité, Pelléas, entre symbolisme et rêverie, introspecte l’activité de la psyché des êtres, parfois au détriment d’eux-même. Car ils disent souvent ce qu’ils ne pensent pas. La musique ici exprime l’inexprimable. Derrière le verbe, accusant sa faillite, la note dévoile le sentiment exact et vrai qui reste invisible, informulé dans la parole.
D’ailleurs, Debussy ne précisait-il pas que « la musique est faite pour l’inexprimable? », et ce, bien avant de choisir le texte de Maeterlinck.
La forme irréelle que choisit Debussy est d’autant plus frappante que le sujet appartient à la tradition narrative la plus familière, la plus banale et la plus naturaliste : Golaud assassine son frère Pelléas qu’il soupçonne d’avoir séduit son épouse, Mélisande. Huit-clos sordide, tragédie vue et revue : mais l’art, et le discours musical, comme la création d’une prosodie déclamée, proche de la parole, accusent la portée féerique et surnaturelle de l’opéra.

Impressionniste
, le style de Debussy recherche le fondu et la brume, l’incertitude et le flottement continu : temps et lieu, identité réelle comme origine des caractères sont indéfinis. Voilà qui rompt définitivement avec la précision et l’équilibre du théâtre classique et historique.
Musicalement, Debussy à la recherche d’un théâtre nouveau, se montre sous influence wagnérienne, en particulier de Parsifal, précisément dans les intermèdes permettant les changements de décors, qu’il compose quelques temps avant la première parisienne.
Debussy abandonne en 1893, la composition de Rodrigue et Chimène pour affiner son Pelléas. L’oeuvre est créé à l’Opéra-Comique, le 30 avril 1902.
Le retentissement de l’oeuvre reste immense. Auprès des compositeurs surtout, Ravel et Dukas dès 1907 (respectivement, dans L’heure espagnole et Ariane et Barbe-Bleue), jusqu’à Poulenc (Dialogues des Carmélites, 1957) et Messiaen (Sant-François d’Assise, 1983).

Approfondir
Lire notre dossier Pelléas et Mélisande de Claude Debussy

Piotr Illych TchaÏkovsky (1840-1893): Eugène Onéguine (1879)Opéra national de Lyon, du 25 janvier au 8 février 2007

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Piotr Illych Tchaïkovsky (1840-1893)
Eugène Onéguine (1879)
Scènes lyriques en trois actes
Livret du compositeur, avec
Constantin Chilovski
d’après Pouchkine.
Créé à Moscou, le 29 mars 1879

Opéra national de Lyon
Du 25 janvier au 8 février 2007
Nouvelle production
Mise en scène : Peter Stein

Synopsis
Madame Larina, aristocrate de campagne, a deux filles très courtisées, Olga et Tatiana. Le fiancé d’Olga, Lenski présente à la famille l’un de ses amis Eugène Onéguine qui suscite la passion immédiate de Tatiana. Mais la jeune femme est écartéee car Onéguine tient à sa liberté. Plus tard, Tatiana devenue une riche princesse de Saint-Pétersbourg, épouse du Prince Grémine suscite un retour de flamme d’Onéguine ; mais il estr trop tard, et l’ancien amour est définitivement chassé dans le coeur de Tatiana.

Le théâtre des sentiments
La partition d’Onéguine, d’un expressionnisme sentimental radical, trouve un écho dans la vie personnelle du compositeur. Ayant commencé à composer, Tchaïkovsky se marie avec Antonina Milukova (6 juillet 1877), mais l’épisode des noces est brutalement suivi par une tentative de suicide et une crise profonde. Le couple se sépare et Tchaïkosky, ébranlé, se replie dans la campagne russe et voyage en Suisse et en Italie. La sensibilité éprouvée du musicien se retrouve dans une oeuvre intensément lyrique qui a pour sujet, les déflagrations des sentiments dans le coeur des âmes amoureuses. Tchaïkovsky achève sa partition en janvier 1878.
Le musicien reprend scrupuleusement le texte de Pouchkine, aux épisodes clé du drame : lettre de Tatiana à Onéguine, monologue d’Onéguine, air de Lenski avant le duel… A 37 ans, le compositeur s’affirme alors, comme le créateur de l’opéra romantique russe. Drame, passion, ressentiment, dignité puis renoncement, la musique exprime avec justesse la vérité amère et sarcastique assané par le Destin. Voilà qui explique pourquoi, aux côtés de la Dame de Pique (1890), Onéguine se soit imposé naturellement sur les scènes lyriques.
Même si la tradition fait de l’opéra, une série de grands tableaux spectaculaires adaptés à l’ampleur des scènes internationales, pour des audiences qui se comptent en milliers de spectateurs, le drame de Tchaïkovsky est une ouvrage intimiste, en huit clos, dont la musique développe la résonance des conflits personnels et intimes des personnages. Il partage en cela la même perspective que La Traviata de Verdi (Venise, 1853). Le compositeur ne peint pas des scènes et des actions extérieures mais des sentiments. Véritable théâtre du coeur et de la passion, l’ouvrage exprime l’activité de la psyché, la force du désir, d’autant plus violente qu’elle est opposée à la loi des conventions.
Elément essentiel du drame romantique, la lettre revêt ici une fonction capitale : Tatiana à Onéguine ; puis, inversement, Onéguine à Tatiana, la feuille est l’instrument le plus intime qui recueille fantasmes inavoués, projections et célébration d’un idéal chèrement préservé… Mais ce qui est stupéfiant et dit subtilement par Tchaïkovsky, c’est le feu intérieur qui consume chaque protagoniste. Le sujet de leur amour n’est qu’un prétexte, comparé au bouillonnement intérieur qui les anime chacun. La musique porte et développe les sentiments : au-delà des mots, il y a le poème de la catastrophe, la déroute des êtres égarés, insatisfaits, en quête d’idéal…

Illustration
Paval Fedotov, la demande en mariage (1848) (DR)
Kiprenski, portrait de Pouchkine (DR)

Alban Berg, Wozzeck (1925)Opéra national de Lille,Du 23 au 30 janvier 2007

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Alban Berg,
Wozzeck
(1825)
Opéra en trois actes
Livret du compositeur
d’après la pièce de Büchner

Opéra de Lille
Du 23 au 30 janvier 2007

L’opéra de Berg, la pièce de Büchner.Wozzeck de Berg s’inspire d’un drame véridique survenu en 1821 à Leipzig : à l’origine le soldat Woyzeck est décapité pour avoir poignardé sa maîtresse, en août 1824. Avant de mourir en 1837, Georges Büchner rédige sa pièce que Berg découvre en mai 1914 à Vienne. Après trois années de travail, le compositeur parachève son oeuvre, de 1917 à 1922.
En 1924, Hermann Scherchen dirige trois fragments de Wozzeck à Francfort. L’opéra intégral sera finalement créé à Berlin, l’année suivante, au Staatsoper sous la baguette d’Erich Kleiber.
Comme le fera Chostakovitch de sa Lady Macbeth de Mzensk, Katerina, Berg voit dans le meurtrier Wozzeck, d’abord une victime, pour lequel le crime, comme acte dérisoire, tente d’interrompre les souffrances d’une vie misérable.
L’homme supporte difficilement la légèreté de Marie avec laquelle il a eu un enfant. Mais le soldat est aussi l’objet de sarcasmes de la part de son capitaine, du docteur qui l’utilise comme un cobaye, du tambour-major qui se targue d’être le nouvel amant de Marie.
Menaces, disputes : Marie préfère recevoir une lame dans le corps plutôt que de sentir la main de Wozzeck sur elle : dès lors, l’idée du crime hante l’esprit du héros.
Finalement, le soldat humilié égorge la femme qu’il aime et qu’il déteste, puis se noie dans un lac. La dernière scène met en scène le fils de Marie et de Wozzeck, jouant sur un cheval de bois.

Une structure formelle cohérente. L’opéra subjugue par une construction très élaborée comme par exemple, le choix de formes classiques (passacaille, sonate, …) utilisées aux moments clé de l’action et en fonction de leur connotation historique. Ainsi lorsque le Capitaine reproche à Wozzeck sa vie familiale amorale, -il est père sans être marié-, Berg utilise prélude, gigue, pavane afin d’évoquer le discours moralisateur du supérieur militaire. De même lorsque paraît l’enfant de Marie et Wozzeck, Berg imagine un mouvement perpétuel qui indique que tout peut renaître ainsi… De même dans un cadre atonal, Berg a recours à la tonalité selon le sens des épisodes et leur importance dans le déroulement de la dramaturgie.
La cohérence de sa conception, l’efficacité fulgurante de son propos, son esthétisme expressionniste, sans fioritures ni complaisance d’aucune sorte accréditent aujourd’hui la place de Wozzeck dans l’histoire de l’opéra moderne.

Illustration
Edvard Munch, Le cri, 1895 (DR)

Henri Sauguet, Les caprices de Marianne (1954)Dijon, le DuoDu 23 janvier au 21 février 2007

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Henri Sauguet
Les Caprices de Marianne
(festival d’Aix-en-Provence, 1954)
Opéra comique en deux actes
Paroles de Jean-Pierre Grédy
d’après la pièce de Musset

Dijon, le Duo
Du 23 janvier au 21 février 2007

Direction musicale, Joël Suhubiette
Mise en scène, Eric Perez

Henri Sauguet (1901-1989)

à Bordeaux le 18 mai 1901, Henri Sauguet se passionne enfant pour le
clavier (piano et orgue) et le chant. Quand éclate le confit de 1914,
il doit suspendre ses espoirs d’un apprentissage au conservatoire.
Après la guerre, il est l’employé de la préfecture de Montauban et
rencontre Joseph Canteloube qui l’initie à l’harmonie. Dès 1920, il
donne ses premiers concerts au sein du groupe des Trois, qu’il a fondé
avec Louis Emié et Jean-Marcel Lizotte.
D’abord Debussyste, son oeuvre gagne en maturité personnelle avec la suite de pièces pour piano, « Françaises » (1923).
A
Paris, grâce à l’entremise de Milhaud qui l’invite dans la Capitale,
berceau enivrant des Années Folles, il fréquente le groupe des Six, en
particulier Satie. Il parfait sa formation musicale auprès de
Canteloube et surtout Koechlin. Le jeune provincial devient mondain
fréquentant Max jacob et Christian Dior, le peintre Jacques Dupont :
d’emblée, Saugeut fait figure de tête de file des « rénovateurs du style
spontané », prôné par Cocteau.
Henri Poupart devient alors Henri
Sauguet : l’opérette « le plumet du colonel », un ballet « les roses,
l’impose dans le milieu parisien. 1927 marque la reconnaissance de son
talent comme compositeur lorsque Diaghilev lui commande un nouveau
ballet, « la Chatte », créé à Monte-Carlo avec Serge Lifar. Si le
créateur suscite l’attention des contemporains, l’homme aussi séduit
ceux qui l’approche. Il se montre fidèle en amitié, brillant, fin, doué
d’un amour subtil. Son ballet, « les forains » composé en 1945 fait le
tour du monde et consacre sa notoriété.
Les Caprices de Marianne
couronne une oeuvre dramatique qui comprend aussi, « la chartreuse de
Parme » (1936) et « la gageure imprévue » (1942).
Membre de la SACD, de
la SACEM, il devient académicien en 1976. Auteur pour l’opéra, la danse
(au total, 25 ballets), le cinéma, la radio (il travaille pour ces
nouveaux medias surtout entre 1933 et 1965), et le théâtre (« Ondine » en
collaboration avec Louis Jouvet, 1939), Sauguet reste un compositeur à
redécouvrir d’autant que le catalogue de son oeuvre comprend aussi de
nombreuses pièces de musique de chambre, de mélodies et de musique
symphonique. Son succès tient à la clarté accessible de son écriture,
spontanée, compréhensible, apparemment absente de toute sophistication
érudite ou savante. Son sens de la mélodie contribue aussi à la
séduction de son oeuvre.
Son jardin culturel et artistique vénère
Verlaine et Cocteau dont il adhère aux idées esthétiques fondées sur
une liberté de création, un culte à la mesure, son affranchissement de
toute littérature ; il admire aussi Mallarmé.

Les caprices de Marianne
Créé
le 20 juillet 1954 au festival d’Aix-en-Provence, le dernier opéra de
Sauguet souhaite renouer avec une inspiration romantique. L’intrigue
offerte par la pièce de Musset donne un prétexte au compositeur pour
réaliser ce projet. L’idée aurait germé alors que le compositeur,
familier du Festival, convive d’un dîner donné en présence de la
cantatrice Lily Pons, se serait entendu proposer le projet d’un nouvel
opéra pour le festival de 1954. En définitive, la cantatrice indisposée
ne chantera pas pour la création, et c’est la soprano Gabriella Sciutti
qui la remplacera dans le rôle de Marianne.
Malgré le succès de la
création, l’oeuvre tombe vite dans l’oubli. Pourtant pour Gabriel
Dussurget, directeur du festival aixois, Sauguet incarne l’esprit
français : « le sérieux frivole ou, si l’on veut, la France à la frivolité sérieuse« .

Durée : 2h40 avec entracte

Benjamin Britten, The rape of Lucretia (1946)Opéra de ToursDu 9 au 13 février 2007

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Benjamin Britten
The Rape of Lucretia
, 1946
Opéra en deux actes
LIvret de Ronald Duncan
d’après André Obey

Opéra de Tours
Du 9 au 13 février 2007

Marie-Thérèse Keller, Lucretia
Sophie Pondjiclis, Bianca
Marina Lodygensky, Lucia
Jean Teitgen, Collatinus
Jean-Sébastien Bou, Tarquinus
Emmanuel Trenque, direction
Gilles Bouillon, mise-en-scène

Télécharger la plaquette de la saison lyrique de l’Opéra de Tours

Premier opéra de chambre
qui revisite le théâtre baroque des passions humaines : Lucretia,l opus 37, donne prétexte au compositeur d’édifier une scène intense des sentiments. Clarté d’expression, allègement du style doit oeuvre pour la sensation directe et franche des émotions. Avec Lucretia se précise son projet de redéfinition du genre lyrique. Comme il y a le quatuor aux côtés du grand orchestre et du cadre symphonique, Britten réinvente l’opéra de chambre, aux côtés de l’opéra. C’est que pour lui, une petite formation sert parfois au plus près de l’incandescence des sentiments. La forme chambriste sert idéalement son propos intimiste et intense.
Briiten fait appel à son ami, Ronald Duncan, qui écrit à sa demande le livret de The Rape of Lucretia : leur amitié s’est trouvé renforcée après que Duncan, comme Britten se soit déclaré pacifiste. D’ailleurs, leur collaboration n’en est pas à son premier coup d’essai puisque Duncan a travaillé pour Britten lorsqu’il fallait résoudre la dramaturgie finale de Peter Grimes. Pourtant après Lucretia, même si Britten demande à Duncan de préparer de nouveaux sujets dans la même veine, la collaboration des deux hommes s’achèvera là : pour son prochain opéra, Albert Herring, Britten fera appel à Eric Crozier, lequel d’ailleurs sera à son tour, exclu du clan que forme le compositeur et son compagnon, le ténor Peter Pears.

Premières distributions
Sur la scène, 8 chanteurs et dans la fosse, 13 musiciens. Comme Grimes, l’opposition de la foule hostile et de l’individu se réalise dès le début de Lucretia : l’héroïne chante sa fidélité à son époux Collatinus à la foule corrompue. Mais le Roi étrusque Tarquin saura rompre le pacte vertueux de l’épouse en titillant sa frustration, et le viol exercé sur la jeune femme, offerte, est à demi consenti. Britten enrichit son propos en brouillant les limites du bien et du mal. Les mots de Lucretia et de Tarquin sont rehaussés et contredits, tour à tour, par le choeur et le chant des instruments. La création a lieu le 12 juillet 1946 à Glyndebourne.
Pour les premières représentations, Britten qui obtient que son opéra soit représenté trois mois, fait alterner deux distributions. La première est dirigée par le chef qui avait créé Peter Grimes, Reginald Goodall, avec Nancy Evans (alors marié à Walter Legge, futur époux d’Elisabeth Schwarzkopf) ; la seconde est placée sous la baguette d’Ernest Ansermet et est illuminée par l’interprétation de Kathleen Ferrier qui fut choisie par Peter Pears, le compagnon de Britten. La cantatrice marquera le rôle de façon mémorable à de nombreuses reprises, après la création en 1947 puis 1951.

Approfondir
Lire notre dossier Benjamin Britten
Lire notre dossier « identité des héros dans les opéras de Benjamin Britten

Illustrations
Titien, Tarquin et Lucrèce (deux versions)

Valéry Gergiev fête le nouvel anArte, les 31 décembre 2006 et 1er janvier 2007

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Valéry Gergiev
fête la nouvel an
sur arte

Gala du nouvel an
Dimanche 31 décembre à 19h
en direct du théâtre Mariinski
à Saint-Pétersbourg

Le gala retransmis en direct de Saint-Pétersbourg offre une relecture de l’acte III de La belle au bois dormant de Tchaïkovski, dans la chorégraphie signée par Marius Patipa qui la créa pour le théâtre russe en 1890. Corps de ballet, Orchestre du Mariinski, dirigés par Valéry Gergiev.

Concert du nouvel an
Lundi 1er janvier à 19h
A la tête de l’orchestre de Mariinski, Valéry Gergiev interprète plusieurs pages du vaste répertoire symphonique et lyrique qui constitue à présent, les partitions familières de la première scène de Saint-Pétersbourg : compositeurs russes naturellement (Rimsky Korsakov, Tchaïkovsky, Rachmaninov, Prokofiev, Borodine), mais aussi italiens (Verdi, ouverture de La force du destin), enfin français comme Berlioz (final d’Harold en Italie)…

Valéry Gergiev

Administrateur du théâtre Mariinski (ancien Kirov), dans la fosse comme chef d’opéra, ou sur l’estrade, au concert symphonique, Valéry Gergiev est devenu une légende vivante. Outre sa sensibilité propre, tendre et caressante comme dure et virile, il porte le renouveau musical et chorégraphique de Saint-Pétersbourg, redonnant à la ville et ses institutions prestigieuses, le lustre qu’elles avaient dans le monde, au XIXème siècle, et au début du XX ème siècle. Peu à peu, sous son impulsion, le Mariinski relève la tête, et même s’impose aux côtés du Bolchoï, en une saine émulation qui profite au rayonnement de la culture musicale russe contemporaine. Phénomène de la baguette, il incarne la nouvelle génération des chefs russes, avec son cadet, lui aussi élève du légendaire Ilya Musin, Tugan Sokhiev. La libre circulation de Gergiev dans le monde atteste de l’élan nouveau qui marque l’histoire russe, depuis la perestroïka.

La cinquantaine rayonnante (il a 53 ans en vérité), Gergiev est la baguette la plus demandée à l’heure actuelle. Le disque résume l’activité d’un directeur proactif et d’une égale inspiration : Symphonies de guerre de Chostakovitch (Decca), et plus récemment, le récital vériste de Renée Fleming « homage, the age of the diva » paru chez Decca également. Mais le directeur musical, administre aussi le théâtre Mariinski qui vit ses heures glorieuses puisque que le lieu, réorganisé sous sa tutelle, est en passe de devenir un complexe culturel de première importance : le chef contrôle la réalisation d’une nouvelle salle de 2000 places.
Son oeuvre et son aura évoquent Karajan dont il fut l’assistant. Il aimerait d’ailleurs laisser à Saint-Pétersbourg, l’équivalent de ce que le maître autrichien, a laissé à Salzbourg : une image, des salles, un projet pérenne, une ligne artistique exigeante et visionnaire. Le chantier du Mariinski va bon train : le quartier autour de la salle historique est réhabilité, la salle ancienne, réaménagée et complétée par une série d’infrastructures performantes dont un théâtre nouveau ultramoderne, conçu par l’architecte français, Dominique Perrault. Bien que né à Moscou et d’origine caucasienne en particulier ossète, Gergiev voue à Saint-Pétersbourg, une loyauté entière et passionnée. Il se souvient en particulier de la ville découverte à 18 ans, qui s’appelait encore Léningrad, et dont le rayonnement musical, ouvert vers l’Occident, était incarné par Evgueni Mravinski. La vocation comme chef d’orchestre vient brusquement, après que l’adolescent de 14 ans perd son père, décédé à 49 ans, d’une crise cardiaque. Responsable, ayant changé son regard sur la vie, le pianiste cède peu à peu la place au chef, lequel fait des débuts remarqués, au Marrinski justement, dans La Guerre et la Paix de Prokofiev, en janvier 1978.

Apprentissage du chef

A partir de 1981, Gergiev apprend le métier comme second chef de l’Orchestre symphonique d’Arménie : vie avec les musiciens, communication et répétition, et aussi, déjà, un travail spectaculaire accompli grâce à une énergie, une faculté de concentration et un charisme fédérateur, hors normes.
La prise des rênes du Mariinski se réalise quand Yuri Temirkanov, successeur de Mravinski depuis 1988, meurt en 1996. Gergiev est alors pressenti pour prendre sa succession, et depuis lors, il gère l’administratif et l’artistique de l’Institution. Pour se faire, il est assisté d’une équipe importante dont sa soeur Larissa qui dirige l’école de chant. Aux cotés de l’artiste occupé et de l’administrateur avisé, l’homme sait aussi prendre du temps pour lui, dans son Caucase natal, en Suède ou en Norvège. Ossète, Gergiev n’a pas perdu son attachement à sa terre natale, et les derniers événements de septembre 2004 (massacre de l’école de Beslan) le laissent perplexe sur l’avenir d’un pays devenu dangereux, où lui-même avait tenté d’inscrire un festival pour oeuvrer pour le retour de la paix.

Le Mariinski aujourd’hui

Grâce à une direction affûtée autant qu’autoritaire, la ligne artistique est clairement défendue et identifiable dans le monde entier. Les dernières tournées du Mariinski à New-York, Londres, Paris, Salzbourg, au Japon, ont démontré la qualité artistique atteinte, sur le plan vocal, musical et chorégraphique. Cette reconnaissance mondiale a permis de réconforter les investisseurs potentiels qui permettent aujourd’hui de monter des opéras de plus en plus ambitieux à Saint-Pétersbourg.
Gergiev n’en est pas à une idée près : il a lancé en 1995, le concept des Nuits Blanches dont le succès là encore, a confirmé son regard visionnaire, assurant à Saint-Pétersbourg, son rayonnement mondial, autant sur le plan patrimonial que musical.
A l’opéra, Gergiev s’est attelé dès 1989, à la résurrection des grands ouvrages du répertoire, ceux de Moussorgski, puis Prokofiev. Les oeuvres créées au Mariinski (Boris Godounov, La Dame de Pique de Tchaïkovski, qui est la partition préférée du chef, ou Prince Igor de Borodine) ont ainsi été reexhumées par les équipes artistiques du Théâtre. Les opéras de Glinka et de Chostakovitch ont suivi. A présent, Gergiev souhaite élargir le répertoire de la troupe : l’opéra italien, wagnérien et bientôt berliozien élargiront les capacités d’un collectif d’interprètes, de plus en plus apprécié dans le monde.

Cd
Les derniers enregistrements discographiques de Valéry Gergiev que nous avons aimés :
Chostakovitch, les symphonies de guerre (n°4 à 9, coffret Decca)
Récital Renée Fleming, « homage, the age of the diva » (Decca)

Crédits photographiques
Valéry Gergiev (DR)

Wolfgang Amadeus Mozart, Symphonies n°39, 40 et 41New York Philharmonic, Lorin Maazel (direction)Global concert hall

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Depuis son enregistrement du Don Giovanni de Mozart qui reste la bande originale du film de Losey, récemment republié par Gaumont dans une version remixée absolument époustouflante (lire notre dossier du Don Giovanni de Losey), Lorin Maazel est pour certains, un mozartien ennuyeux, maniéré, consternant auquel il est reproché une voie médiane, bien peu imaginative. Pourtant, avec le recul et à l’aune de récentes gravures sur le même sujet, dont celle de Minkowski paru chez Archiv, les options musicales de maestro Maazel tiennent la route, et même déploient un « classicisme » honnête et probe, qui agace évidemment les tenants baroqueux, mais contentent amplement les amoureux d’un orchestre symphonique de grand style. Le New York Philharmonic est des plus convaincants, en souplesse et en clarté. Le ton est sans ambiguité, franc et honnête. Et Maazel donne en définitive le meilleur de lui-même dans ce tryptique orchestral, réunissant les trois dernières symphonies de Mozart. Recommandable.

Symphonies n°39, 40 et 41 « Jupiter ».
New York Philharmonic
Lorin Maazel
, direction. Enregistré en public, en mars 2006.
Enregistrement uniquement accessible en téléchargement, dans le cadre de l’offre 100% digitale d’Universal Music, intitulée « Global concert hall ». Découvrir l’offre digitale de DG et Decca concerts, de Deutsche Grammophon et de Decca.

Autre titre live dirigé par Lorin Maazel, disponible au sein de l’offre « Decca concerts » : Outre les Symphonies n°39,40 et 41 de Mozart, intitulées au sein du catalogue en cours, « NY1 », – NY pour New York Philharmonic, puisque chaque enregistrement met en avant un orchestre et comptabilise chaque prise par ordre de captation-, il existe un autre enregistrement live : « NY2 ». Au programme, Brahms (Variations Haydn), Kodaly (Danses de Galanta), Dvorak (Symphonie n°7). Concert également enregistré en mars 2006.

Frank Braley, pianoBruxelles, BozarDu 9 au 20 décembre 2006

Evénément pianistique, retour attendu: en ce mois de décembre Frank Braley sera à trois reprises l’invité de Bozar à Bruxelles, en soliste, en duo et entouré de ses amis.

Agenda & programme

Samedi 9 décembre 2006 à 20h (Conservatoire de Bruxelles) :
Récital Frank Braley (piano)
György Kurtag : Jeux (extraits)
Franz Schubert : Sonate en si bémol majeur D. 960
Wolfgang Amadeus Mozart : Rondo en la mineur K. 511
Maurice Ravel : Valses Nobles et Sentimentales
George Gershwin : An American in Paris

Dimanche 10 décembre 2006 à 20h (Salle Henry Le Boeuf) :
Frank Braley (piano), Augustin Dumay (violon)
Johannes
Brahms : Sonates pour violon et piano n° 1 en sol majeur Op. 78, n° 2
en la majeur Op. 100, n° 3 en en ré mineur Op. 108; Scherzo de la
sonate pour piano et violon F.A.E.

Mercredi 20 décembre 2006 à 20h (Salle Henry Le Boeuf) :
Braley & friends
Frank Braley (piano), Renaud Capuçon (violon), Gérard Caussé (alto), Gautier Capuçon (violoncelle), Marc Marder (contrebasse)
Anton Dvorak : Trio pour piano, violon et violoncelle en fa mineur Op. 65
Franz Schubert : Quintette pour piano et cordes D. 667 « La Truite »

Piano séducteur
Frank, le séducteur du piano. Une saison musicale à Bozar serait incomplète sans au moins une soirée réservée à Frank Braley. Depuis son triomphe au Concours Reine Elisabeth en 1991, Frank Braley s’est vu propulsé sans peine au firmament des étoiles du piano. En Belgique comme ailleurs, les mélomanes sont impatients de retrouver ce séducteur du clavier, au charme si naturel. Ils seront comblés cette année, Bozar ayant eu la riche idée de programmer un mini-cycle de trois concerts qui mettront en évidence quelques unes des multiples facettes de son art.

Passionnante personnalité que celle de Frank Braley, et non dénuée de paradoxes: alors qu’il aurait pu devenir chercheur, physicien, chimiste, il renonce aux études scientifiques pour entrer au CNSM de Paris. Il y suivra les cours de Pascal Devoyon, Christian Ivaldi et Jacques Rouvier. Alors qu’il n’a rien d’une bête de concours, il s’inscrit, à 22 ans, au Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique. Coup d’essai, coup de maître: il remporte le Premier Grand Prix et le Prix du Public. Désormais le public ne le lâchera plus. Souverain dans le répertoire classique grâce à un toucher aérien et une grande finesse interprétative, il est aussi parfaitement à l’aise dans la musique de notre temps.

En soliste, en duo, en chambriste. Le 9 décembre, le Grand Piano solo sera au rendez-vous. Nous entendrons Frank Braley en récital, dans un programme tel qu’on les rêve, généreux, varié, explorant merveilles et raretés du répertoire pianistique du XVIIIe au (presque) XXIe siècle. La soirée du 10 décembre sera dédiée au dialogue intimiste du violon et du piano avec la complicité d’Augustin Dumay, dans l’intégrale des sonates pour piano et violon de Brahms. Musique de chambre enfin pour le 20 décembre, où Frank Braley sera entouré de ses amis Gérard Caussé, Renaud et Gautier Capuçon, et Marc Marder pour interpréter, en trio ou en quintette, Dvorak et Schubert.
Trois occasions incontournables pour découvrir, redécouvrir approfondir la connaissance de ce talentueux poète de charme, que l’on hésite plus à associer à de tout grands aînés – Arrau, Radu Lupu …

Cinq dates clés dans la carrière de Frank Braley

1978
Presqu’enfant encore, prodige déjà : à 10 ans, Salle Pleyel, il donne son premier concert en soliste avec l’Orchestre Philharmonique de Radio-France.

1991
Premier Grand Prix et Prix du Public au Concours Reine Elisabeth.

1995
Premier enregistrement : la Sonate D. 959 et les Moments Musicaux D. 946 de Schubert (Harmonia Mundi), couronné d’un Diapason d’Or.

2000
Première série de concerts à Pékin. Il retournera en Chine en 2004 en tournée avec l’Orchestre National de France et Charles Dutoit.

2004
Il participe à une intégrale des sonates de Beethoven à La Roque d’Anthéron, reprise ensuite à Paris, Rome et au Brésil et l’année suivante à Bilbao, Lisbonne et Tokyo.

Crédit photographique
Frank Braley (DR)

Jean Martinon, chef d’orchestre(1910-1976)30 ans de la mort

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Jean Martinon fut l’une des figures les plus marquantes de la direction d’orchestre française de la deuxième moitié du XXème siècle. Disciple de Roussel, Munch et Désormière, Martinon frappa rapidement les esprits par son talent, sa personnalité, faite d’élégance et d’imagination. Le premier de nos trois épisodes rappelle la carrière cosmopolite de cet artiste, qui souffrit de n’être jamais tout à fait reconnu dans son pays. Nous souhaitons le remettre à sa juste place en ce trentième anniversaire de sa mort.

Jean Martinon (1910-1976)
(1) Itinéraires d’un chef oublié

Jean Martinon restera pour
les mélomanes l’un des plus brillants représentants de la direction d’orchestre française de la deuxième moitié du XXème siècle. Né à Lyon en 1910, issue d’une famille d’artistes, il étudie tout d’abord au Conservatoire de sa ville natale avant de rejoindre le Conservatoire de Paris. Il y sera élève de Vincent d’Indy pour l’harmonie, et surtout d’Albert Roussel pour la composition et l’orchestration. En 1928, il remporte un Premier Prix de violon. Une carrière s’ouvre à lui mais très intéressé par la direction d’orchestre, il prend des cours avec Roger Désormière et Charles Munch. Tous ces enseignements forgeront un art inimitable, personnel et suprêmement accompli. Sa captivité en Allemagne le fait seulement débuter en 1945. Lors d’une tournée en Angleterre, de l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, Martinon remplace au pied levé son illustre aîné. Premier triomphe pour le jeune chef et prélude à de nombreux autres.
En 1946, il devient chef associé à l’Orchestre Philharmonique de Londres et en 1947, directeur musical de l’Orchestre de la Radio Irlandaise. En 1951, il revient en France et prend la direction de l’Orchestre Lamoureux jusqu’en 1957. C’est encore Charles Munch qui lui offre la possibilité de diriger l’Orchestre Symphonique de Boston, cette même année. Le public américain le plébiscite. La voie des grands orchestres américains (Chicago, New York, Philadelphie,…) lui est ouverte.
Martinon, en élève de Roussel, de Munch et de Désormière, était naturellement destiné à avoir de grandes affinités avec la musique française. Sa carrière mettra cependant en lumière une curiosité insatiable. Outre son très vif intérêt pour Mahler, Bartók et les Russes, avec une prédilection très affirmée pour Prokofiev, il dirige tout au long de sa vie le répertoire romantique allemand, qu’il approfondit en particulier lorsqu’il est Directeur Musical de la Ville de Düsseldorf de 1960 à 1966.
En 1962, il retourne aux Etats-Unis diriger l’Orchestre Symphonique de Chicago : il obtient un très grand succès. On lui propose de devenir à la suite de Fritz Reiner le directeur musical de cette phalange prestigieuse, de tradition essentiellement germanique. Avant celles des Modernes, ce sont donc ses interprétations des Romantiques qui sont récompensées. Son expérience à Düsseldorf, au poste détenu autrefois par Schumann et Mendelssohn lui ouvre alors plus facilement les portes du Temple de Chicago.
Les cinq années dans cette ville sont très intenses pour le chef français : nombre important de concerts, quantité de créations. Une cabale médiatique, néanmoins, le mine moralement et il préfère retourner en Europe. De 1968 à 1974, il est ainsi le directeur de l’Orchestre National de l’O.R.T.F puis de l’Orchestre de la Résidence de la Haye, avec qui il connaît ses derniers succès aux Etats-Unis lors d’une tournée fin 1975.
Jean Martinon décède le 1er mars 1976 dans la force de l’âge. Il laisse dans la tristesse nombre de mélomanes.

Approfondir
Jean Martinon (2) : Petite ébauche par le disque
Jean Martinon (3) : 1963-1976 : Les Absolus

Crédit photographique
Jean Martinon (DR)

Denis Matsuev, pianoen concert jusqu’au 21 avril 2007

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Le public et les auditeurs du 24 novembre 2006 dernier ne se sont pas trompés : en « direct » de la salle Pleyel, puisque le concert était retransmis sur France musique, le jeu de Denis Matsuev se montre convaincant par son autorité, sa sonorité pleine et contrastée, son sens de la phrase. Le jeune pianiste russe interprétait le concerto pour piano n°1 de Rachmaninov, avec l’ Orchestre Philharmonique de Radio France, sous la direction de Vladimir Fedosseiev.

Un album couplant Stravinsky et Tchaïkovski (trois mouvements extraits de Petrouchka, et les Saisons, paru chez RCA) l’a célébré immédiatement comme l’un des chantres les plus intéressants de l’âme russe. A 31 ans, le jeune pianiste, né en 1975, à Irkoutsk en Sibérie, Denis Matsuev, surprend et saisit l’auditeur par un sens de la virtuosité rentrée, une sensibilité première qu’il met d’abord au service de l’oeuvre abordée. Ni hédoniste ni extraverti, l’interprète sert le dévoilement des climats intérieurs, et son exceptionnelle agilité digitale reste constamment poétique.
Il a remporté le 11ème grand prix du Concours International Tchaïkovsky, en 1999.
Un prochain album à paraître chez Sony Bmg (Concerto pour piano n°1 de Tchaïkovsky), la maison de disque pour laquelle comme Kissin ou Volodos et avant eux, Horowitz et Guillels, le jeune prodige enregistre en exclusivité, plusieurs concerts en France jusqu’au mois d’avril 2007 (lire notre agenda ci-après) : l’actualité de Denis Matsuev met à l’honneur un jeune talent stupéfiant par sa maturité et sa musicalité. Le concert retransmis en direct par France musique depuis la Salle Pleyel, fut l’un des événements pianistiques du mois de novembre 2006.

Denis Matsuev, en concert en France
8 décembre 2006, Festival Les pianos du nouveau siècle à Lille
23 janvier 2007, à Rouen : récital Liszt, Tchaïkovsky, Stravinsky
24 janvier 2007, au Havre : récital Liszt, Tchaïkovsky, Stravinsky
25 janvier 2007, au TCE à Paris : récital Liszt Tchaïkovsky, Stravinsky
21 avril 2007, en Avignon : Rachmaninov, concerto pour piano n°3

Approfondir
Consultez le site officiel de Denis Matsuev

Crédit photographique
Denis Matsuev (DR)

Engelbert Humperdinck, Hänsel et Gretel, (1893)Arte, le 23 décembre 2006 à 19h

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Le 23 décembre 2006 à 19h
En simultané sur France musique


Engelbert Humperdinck (1854-1921)
Hänsel et Gretel, 1893

Anke Vondung, Hänsel
Lydia Teuscher, Gretel
Choeur d’enfant, Orchestre
du Staatsoper de Dresde,
Michael Hoffstetter
, direction

Formé au conservatoire de Cologne (1872) puis à Munich (1876), Engelbert Humperdick fait figure de derniers romantiques, proche de Wagner dont il restera profondément influencé. A partir de 1890, il adapte en musique textes et comptines que sa soeur, Adelheid Wette, a écrit d’après le conte Hänsel et Gretel des frères Grimm. Le recréation d’un vaste monde imaginaire et féerique exprime la part de mystère et l’enchantement qui colorent une partition extrêmement travaillée, évoquant Le crépuscule des dieux et Parsifal. Le sujet qui montre la geste héroïque de deux enfants soumis au pouvoir effrayant de la sorcière dévoreuse de jeunes âmes, célèbre le courage et la force psychologique.

Richard Strauss dirige la création à Weimar, le 23 décembre 1893. Outre la séduction du conte musical, semé d’airs et de contines populaires, Humperdinck se montre sous l’influence de Wagner dont il fut l’assistant à Bayreuth, en particulier pour les représentations de Parsifal en 1880 et 1881. Opéra pour enfants certes, mais aussi légende qui parle à notre imaginaire et que bien sûr de nombreux psychanalistes ont tenté de déchiffrer. Musicalement, l’ouvrage dévoile une écriture sûre et originale, voire visionnaire : Humperdinck dépasse la leçon de son mentor Wagner qui l’appela à Bayreuth, en concevant un chant mi parlé mi chanté dont se souviendra Schönberg pour son propre sprechgesang.

Agenda
L’opéra d’Humperdinck est à l’affiche du Capitole de Toulouse,
théâtre des Mazades. Du 24 au 31 mars 2007
Spectacle adapté pour marionnettes par Joan-Andreu Vallvé.

Illustrations
Engelbert Humperdinck, en 1854 (DR)
Van Dyck, les enfants de Charles Ier d’Angleterre

Gaetano Donizetti, L’elisir d’amore (1832)Opéras de Montpellier, de Toulon, Capitole de Toulouse,Jusqu’au 6 février 2007

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Gaetano Donizetti
L’Elisir d’Amore
, 1832

Avec son rival mort trop tôt (Bellini, décédé en 1835, à 34 ans), Donizetti illustre l’essor du bel canto italien, réussissant aussi bien dans la veine historico-tragique (Anna Bolena en 1830, Maria Stuarda, Lucrezia Borgia…), romantico-sentimentale (Lucia di Lammermoor en 1835) que comique, et avec quel éclat, comme le démontre cet Elisir d’amore, créé à Naples en 1832.

Le chef d’oeuvre comique post-rossinien de Donizetti est à l’affiche des théâtres lyriques de province, à Montpellier, à Toulon, à Toulouse.

Opéra de Montpellier
Du 29 novembre au 5 décembre 2006

Opéra de Toulon
Du 26 au 30 janvier 2007

Capitole de Toulouse
Du 26 janvier au 6 février 2007

Approfondir
Lire notre dossier « L’Elisir d’amore de Gaetano Donizetti« 

Illustration
Watteau, Gilles (1718), Paris, Musée du Louvre.

Richard Strauss, Der Rosenkavalier (1911)Paris, Opéra BastilleDu 2 au 30 décembre 2006

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Richard Strauss
Le chevalier à la rose
, 1911
Comédie en trois actes
Livret de Hugo Von Hofmannsthal
Mise en scène : Herbert Wernicke

Paris, Opéra Bastille
Du 2 au 30 décembre 2006

Approfondir
Lire notre dossier
« Le chevalier à la rose de Richard Strauss« 

Dvd
Lire notre critique du dvd de la production
présentée dans la mise en scène de Robert Carsen, à Salzbourg en 2004 (TDK).

Illustration
Nattier, Portrait d’une jeune femme peintre (DR)

John Casken, Golem (1989)Angers-Nantes opéra,Du 9 au 20 janvier 2007

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John Casken
Golem
Londres, 1989
Opéra de chambre en deux actes
Livret de Pierre Audi et John Casken

Angers-Nantes opéra
Du 9 au 20 janvier 2007

Maharal, Armando Noguera
Golem, Jean-Loup Pagésy
Miriam, Helen Kearns
Ometh, Tim Mead
Stoikus, Christopher Lemmings
Jadek, Richard Burkhard
Stump, Stuart Patterson
Gerty, Georgia Ellis-Filice

Ars nova
Direction musicale, Philippe Nahon
Mise en scène, Jean Boillot

Approfondir
Lire notre dossier « Golem de John Casken« 

Bela Bartok, Le château de Barbe-Bleue, 1918Paris, Palais Garnier. Jusqu’au 16 février 2007

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Bela Bartok
Le Château de Barbe-Bleue
, 1918
Livret de Béla Balazs
Drame lyrique en un acte

Paris, Palais Garnier
Du 26 janvier au 16 février 2007

(couplé avec
Léos Janacek
Le journal d’un disparu, 1921)

Nouvelles productions

Approfondir
Lire notre dossier « Le château de Barbe-Bleue de Bela Bartok« 

Illustration
Klimt, Pallas Athéna, 1898 (Vienne)

Antonio Vivaldi, Farnace (1727)Paris, salle Pleyel, le 16 janvier 2007 à 20h

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Antonio Vivaldi
Farnace, 1727
Livret d’Antonio Maria Lucchini

Paris, salle Pleyel
Le mardi 16 janvier 2007 à 20h
En version de concert

Furio Zanassi, Farnace
Adriana Fernandez, Berenice
Gloria Banditelli, Selinda
Elisabetta Scano, Gilade
Sara Mingardo, Tamiri
Fulvio Bettini, Aquilio
Le concert des Nations
Jordi Savall
, direction

Depuis Juin 2003 à Bordeaux, Jordi Savall n’avait plus dirigé l’opéra Farnace de Vivaldi. La salle Pleyel permet aux parisiens d’écouter l’un des chefs d’oeuvre lyrique du Pretre Rosso, dans une version d’autant plus incontournable que la distribution reprend deux chanteurs qui avaient contribué à la réussite de l’enregistrement paru chez Alia Vox, Sara Mingardo (Tamiri) et Furio Zanassi, dans le rôle-titre.

L’oeuvre dans la carrière de Vivaldi

La saison lyrique de 1727 au San Angelo est capitale dans la carrière du Vivaldi dramaturge. Elle marque un premier retour à Venise après plusieurs années passées à l’extérieur de la lagune. Vivaldi n’a cessé depuis les débuts des années 1720 de parcourir les théâtres de Vénétie et des états papaux afin d’y contrôler la création de chacun de ses nouveaux opéras, en particulier à Rome où il veille aux représentations de « Ercole sul Tremodonte » (1723) puis « Giustino » (1724). C’est un génie du théâtre lyrique qui attend son heure à Venise. Le pas sera franchi avec « Farnace ».

Fidèle à son travail sur la texture, Jordi Savall éclaire la sensibilité instrumentale de Vivaldi au théâtre. Son « Farnace » paru chez « Alia Vox » confirme cette plasticité gestuelle qui est au coeur de la démarche du chef catalan. Son sens des plans instrumentaux, sa maîtrise des timbres associés comme le fait un orfèvre dans l’art des alliages, restitue le Vivaldi peintre des climats dont la brosse vibratile toujours à l’affût capte l’essence des sentiments les plus subtils, pour les transmettre par le filtre de sa musique et dans la ligne du chant. L’auteur s’y révèle à l’égal de Haendel, un maître des passions humaines portées sur la scène : intelligence et relief des récitatifs qui mènent l’action, éclat des airs qui construisent l’arche des sentiments.

Le sujet de Farnace
L’opéra met un scène un trio impossible, Bérénice, Pompée, Farnace. Tous trois sont affrontés pour des raisons politiques contraires : rien ne peut a priori les rapprocher. Le souci d’épargner sa lignée et de protéger son clan demeure incorruptible. Devraient-ils mourir, rien ne peut infléchir leur honneur. Nous avons là l’un des operas serias les plus profonds de l’écriture Vivaldienne. Par haine de Farnace, Bérénice se rapproche de Pompée, tandis que Pompée le romain est l’ennemi juré de Farnace. Entre ses deux figures du pouvoir, étouffe l’épouse de Farnace, qui est aussi la fille de Bérénice, Tamiri, remarquable portrait de femme, soumise et digne, douloureuse mais tenace, hautaine et mystérieuse comme son rang l’exige.

A force d’épreuves où l’amour rompt les trames des intrigues politiques, où l’humain défie en définitive la Loi, la clémence vaincra tout, et dans une sorte de « happy end » ou de lieto finale, chacun pardonne et l’opéra s’achève sur une note positive par la réconciliation des rivaux. En dépit des oppositions passées, il existe une voie de la sagesse qui permet de « vivre ensemble ». Le pardon est possible, et dans cette fin heureuse, c’est déjà la philosophie humaniste de l’esprit des lumières qui point à l’horizon. Là encore, ce qui convainc c’est l’étoffe psychologique des héros : leur faille et leur démesure humaine, tendre, haineuse ou passionnelle. Il faut toute la furia dramatique habituelle des grandes voix baroqueuses pour exprimer la « passion vivaldienne ».

Cd
Antonio Vivaldi, Farnace (coffret de 3 cds, Alia Vox).
Au moment de sa sortie, l’enregistrement de « Farnace » n’a pas reçu l’accueil qu’il méritait. Il est vrai que les options retenues par le chef pour l’enregistrement, pourtant légitimes sur le plan historique, ont brouillé sa juste et directe compréhension. Ce « Farnace » recueille au disque, les meilleures prises de la production de l’opéra représenté au théâtre de la Zarzuela de Madrid en octobre 2001. Plutôt que la version originale de 1727, Jordi Savall a préféré celle plus étoffée de 1731 mais inscrite dans le contexte spécifique de la Cour Madrilène de 1739, quand le compositeur italo-français, Corselli, règnait sur le goût local. Le couple des commanditaires, Isabelle Farnèse et son époux Philippe V, partagent alors une affection particulière pour l’opéra français et le chant italien. C’est en reprenant l’usage courant des « pasticcios » baroques, que Jordi Savall a choisi de restituer le « Farnace » de Vivaldi pour l’adapter à la représentation du sujet à Madrid, le 4 novembre 1739, en le complétant par des airs extraits du propre « Farnace » de Corselli. Cet éclairage particulier qui souligne la présence de l’opéra italien à la Cour de Madrid est d’autant plus légitime si l’on rappelle que Isabelle Farnèse emploiera Farinelli afin d’adoucir la maladie mentale de son royal époux.

En dépit de sa pertinence, l’assemblage savallien qui puise dans une tradition éclectique que n’aurait pas renié Vivaldi, a paru contre nature. Pourtant nous tenons là une lecture somptueuse, grâce en particulier au rôle titre tenue par le ténor Furio Zanasi, d’une ample et humaine noblesse héroïque, ainsi que la contralto Sara Mingardo, émouvante Tamiri, superbe rôle féminin qui fut porté à l’époque de Vivaldi par sa muse, la cantatrice d’origine Française Anna Giro. L’assise de l’orchestre du Concert des Nations, fruité, généreux, sanguin, apporte sa contribution et délivre avec magie, ce sens vivaldien des couleurs et des ruptures de tension. Avant Orlando Furioso ou Griselda parus au sein de l’édition Naïve, ce « Farnace » savallien est l’une des expériences récentes les plus passionnantes de la discographie lyrique vivaldienne.

Approfondir
Lire notre dossier consacré aux opéras de Vivaldi : « Vivaldi, l’épopée lyrique »
Illustration
Giambattista Tiepolo, Renaud dans les bras de l’enchanteresse Armide

Michael Haydn, RequiemArte, le 3 décembre 2006 à 19h

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Musica
Dimanche 3 décembre 2006 à 19h

Michael Haydn
Requiem
en ut mineur, 1771

Anu Komsi, soprano
Vivian Fagerudd, mezzo
Topi Lehtipuu, ténor
Petteri Salomaa, basse
Hannu Kamppila, direction

Michael Haydn, né en 1737, est le frère cadet de Joseph. Surnommé le « Haydn de Salzbourg », il compose de nombreuses oeuvres sacrées, particulièrement admirées de son vivant, dont un Requiem, en 1771, en ut mineur, en l’honneur de son protecteur, l’archevèque Sigismund dont la mort, l’attriste profondément : Missa pro defuncto Archiepiscopo Sigismundo. La solennité épouse l’émotion et la sensibilité la plus délectable, grâce au talent d’un maître des fastes religieux.
Il est certain qu’il se plut beaucoup à Salzbourg où il devint maître de concert et compositeur atittré à la Cour du Prince-Archevèque, en 1763. Après avoir composé le Requiem pour son bienfaiteur regretté, Michael Haydn est nommé organiste du Dom de Salzbourg (1777), la cathédrale baroque au prestigieux passé historique : là où l’insigne Biber créa sa Messe Salisburgensis au siècle précédent. Michael Haydn a pour élèves, Weber et Diabelli.
Mozart participe, comme instrumentiste au sein de l’orchestre de la Cour Salzbourgeoise, à la création du Requiem dont il se souviendra pour le sien, et qu’Arte diffuse la veille, samedi 2 décembre 2006 à 22h30.
De fait, le jeune Mozart, âgé de quinze ans, fut certainement frappé par la partition de Michael. S’inspirant tout autant de Rosetti (Requiem, 1776) et surtout de Michael Haydn, Mozart composa le sien pour le comte Walsegg, de juillet à décembre 1791. De nombreuses analogies paraissent sans équivoque : « et lux perpetua » et « quam olim Abrahae », sont étrangement semblables ; même Süssmayer qui termina le Requiem de Mozart, se souviendra de l’oeuvre du Haydn de Salzbourg.
L’écoute de la partition dévoile une oeuvre de grande qualité, comprenant déjà, les couleurs mozartiennes : trompettes, trombones, bassons… Nul doute que comme dans ses Symphonies, Michael Haydn, impose un style personnel qui n’a rien à envier à ceux de son frère, Joseph, et de Mozart, son contemporain : vivacité, élégance, orchestration subtile et écriture serrée, surtout mélodique.

Mozart, RequiemArte, le 2 décembre 2006 à 22h30



Musica

Samedi 2 décembre 2006 à 22h30

Wolfgang Amadeus Mozart
Requiem

en ré mineur, KV 626

Ute Selbig, soprano
Bernarda Fink (alto)
Steve Davislim (ténor)
Alastair Miles (basse)
Choeur de la Sächsischen Staatsoper de Dresde
Sächsischen Staatsoper de Dresde
Sir Colin Davis, direction

Concert enregistré le 13 février 2003 donné en commémoration du bombardement de Dresde par la Sächsischen Staatskapelle de Dresde. Réalisation : Elisabeth Malzer, 1h, 2003.

De juillet à décembre 1791, Mozart vit les dernières heures de sa courte vie. Occupé par les répétitions de la Flûte Enchantée, et soucieux par la santé de son épouse qui se repose en cure à Baaden, près de Vienne, le compositeur reçoit en juillet, la commande d’un étranger, d’une messe de Requiem. Mozart accepte d’autant plus spontanément qu’il entendait là aussi, revivifier une tradition musicale qui asphyxiait la musique religieuse. Pour lui, le chantier est stimulant et dans son esprit, il s’attèle à une nouvelle oeuvre qui devait s’achever en 1792. Un mois plus tard, en août 1791, le messager mystérieux le paie (50 ducats) et lui rappelle la réalisation de la partition, sans imposer de délai. Mozart est alors occupé par la rédaction de son opéra Titus pour Prague.
L’anonymat qui couvre la commande du Requiem est lié au fait que le commanditaire souhaitait se voir attribuer la paternité de l’ouvrage, formule assez familière à l’époque. Mais chacun savait lors de la première du Requiem, en 1792, à l’initiative de Van Swieten, que l’oeuvre géniale était de Mozart et achevée par Eybler, et surtout par son disciple Süssmayr (à partir du Sanctus).
Jusqu’en 1799, la veuve de Mozart, Constance, souhaita confirmer que l’ensemble du manuscrit du Requiem était bien de la main de Mozart. Elle ne voulait pas que le commanditaire, constatant qu’il avait payé pour une oeuvre inachevée, en partie de la main du musicien qu’il avait choisi, ne revienne sur sa décision et exige le remboursement des sommes payées.

Aujourd’hui, nous savons que c’est le comte Walsegg zu Stupaach qui ayant perdu sa femme, au mois de février 1791, voulait célébrer la mémoire de sa défunte épouse et commander pour se faire à Mozart, par l’intermédiaire de son intendant Leutgeb, une messe de Requiem.
Le Comte commanditaire, prit soin de recopier le manuscrit lui-même, celui fourni par Constance. Il indiqua même, fidèle à son plan d’origine, la mention en tête de la première page « composto del conte Walsegg« , composé par le Comte Walsegg » et dirigea une audition le 14 décembre 1793.

Mozart eut-il comme on le suppose le pressentiment de sa propre mort en composant le Requiem ? L’implication de l’écriture, la profondeur et l’originalité du propos indiquent de toute évidence, un renouvellement constant de l’inspiration et l’extrême qualité de l’écriture chorale, solistique et instrumentale. La vision de Mozart est celle d’un croyant mystique qui s’exprime par vagues fulgurantes et cosmiques : terreur du Dies Irae, puissance incantatoire du Rex Tremendae, surtout, sentiment profond d’espérance dans une foi supérieure qui élève le destin de l’homme vers l’au-delà. La couleur du Requiem, ré mineur, prend sa source dans la confrontation elle aussi surnaturelle et fanstastique, de Don Giovanni et du Commandeur : l’homme confronté à son destin, convoqué à l’heure ultime où tout se joue : où il doit répondre de ses actes, donner le sens de sa vie, attester de sa loyauté et de ses vertus morales. Le grave lugubre des cors de basset, des bassons et des trombones, donnent ici la mesure de ce basculement de la conscience et des enjeux philosophiques et humanistes qu’il fait naître.

Crédit photographique
Sir Colin Davis (DR), chef honoraire de la Sächsischen Staatkapelle de Dresde depuis 1991.

Elliott CarterPortrait

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Né le 11 décembre 1908 à New York, Elliott Carter, étudiant en littérature à l’université d’Harvard, décide très vite de devenir musicien et compositeur. A Paris, au moment de l’incendie du Reichstag qui voit la montée irrépressible d’Hitler, il élargit son horizon musical et s’initie à l’écriture compositionnelle auprès de Nadia Boulanger qui aiguise sa connaissance du contrepoint et encourage les jeunes compositeurs contemporains, de 1932 à 1935. Marqué par Stravinsky, Varèse, Charles Ives, Carter poursuit sa formation comme compositeur, écrivant plusieurs articles sur la musique et les compositeurs, écrivant des chroniques sur la vie musicale américaine dans la revue Modern Music, de nombreux essais sur son travail, sa propre réflexion sur le créateur dans son époque, affirmant des positions personnelles et originales. Dans son écriture, l’affirmation de l’individu et de sa sensibilité propre est au coeur de son travail : la place du personnel et du collectif, la perception du temps psychologique ou mécanique voire économique sous la pression de la publicité ou de la propagande. Il synthétise la vitalité rythmique de Stravinsky, et le flottement plus intérieur et subjectif de Berg et de Schönberg.
Esprit réfléchi, cultivé, foncièrement indépendant, ni sériel, ni américanisant comme Copland ou Bernstein, Carter interroge par la musique, la notion du temps, la place de l’individualité, en particulier à partir des années 1940, où s’affirme son style personnel.
Aucune compromission mais un style distancié sur la violence et l’éclectisme de notre civilisation : chaque partition d’Elliott Carter recompose l’écoulement du temps pour mieux interroger les notions d’identité, donc d’origine, d’évolution et d’avenir.

Dvd
« A labyrinth of time« , film documentaire de Franck Scheffer. Edition Idéale Audience, collection « Juxtapositions » volume 8.
Lire notre critique du dvd « A labyrinth of time« .

Giuseppe Verdi, AïdaFrance musique, en direct de la ScalaLe 7 décembre 2006 à 18h

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Giuseppe Verdi
Aïda

En direct de la Scala de Milan

Le 7 décembre 2006
De 18h à 23h

Violetta Urmana, Aïda
Irina Makarova, Amneris
Vittorio Vitelli, Amonasro
Roberto Alagna, Radamès
Orlin Anastassov, Ramphis
Marco Spotti, Roi d’Egypte
Antonello Ceron, Un Messager
Sea Kyung Rim, La Prêtresse
Chœur et Orchestre de la Scala
Riccardo Chailly
, direction

La dramaturgie de Verdi fait évoluer les personnages du drame. Au départ, véritable type psychologique, presque figé, associé à une voix (soprano tragique, mezzo sombre et envieuse, baryton noble, ténor vaillant et amoureux), les caractères se modifient, et à partir des années 1870, –Aïda est crée en 1871 à l’opéra du Caire-, les individus mêlent la gravité et la tendresse, le tragique et le combatif, en un mélange complexe qui imite la vie.
Dans cette veine réaliste et de couleur tragique là aussi, verdi composa Rigoletto qui inaugura le nouvel opéra du Caire, en 1869.
Commande du Khédive égyptien, Ismaïl Pacha pour le nouvel opéra caïrote, Aïda est d’autant moins artificiel ou décoratif, que le livret s’appuyant sur une trame validée par le directeur du musée égyptien du Louvre, Auguste Mariette, met en scène non plus des « types » mais des êtres de chair et de sang, qui éprouvent sur la scène, l’horloge des sentiments les plus extrêmes. Un temps compté, et des épreuves passionnelles qui révèlent et brûlent caractères et ardeurs. En quatre actes, Aïda recompose une lente chute vers le gouffre : la déchéance du héros certes, mais l’élévation a contrario d’un coeur amoureux, fidèle, jusqu’à la mort.

La carrière du général Radamès, gloire de l’Egypte, amoureux de l’esclave Aïda, fille d’un roi ennemi, illustre cette descente aux abîmes : trahison, passion amoureuse, exécution. Historique, tragique, l’opéra verdien révèle sa triple identitié : psychologique.
Verdi sous l’influence de Wagner, son contemporain, abolit les anciennes conventions de l’aria et du récitatif, de la cabalette triomphale, pour un drame musical continu. Le choix des options pour une vraisemblance accrue est d’autant plus révélatrice des intentions du compositeur que c’est Verdi lui-même qui écrit le livret final ou, du moins, valide la dramaturgie générale.
Dans ce mode formel renouvelé, l’air d’Aïda à l’acte I : « Ritorna Vincitor » incarne l’expression la plus élaborée d’un arioso dramatique où se dilue l’ancien air classique. Et même l’ouverture d’Aïda aurait été composée dans le souvenir du choc que lui causa l’ouverture de Tannhäuser, découvert et admiré en 1865 à Paris.

Aïda,
opéra en quatre actes
Livret de Verdi, versifié par Ghislanzoni
sur un texte de Camille du Locle (1868) d’après
l’intrigue d’Auguste Mariette
Créé à l’Opéra du Caire, le 24 décembre 1871.

Approfondir
Lire notre dossier biographique Giuseppe Verdi

Ludwig van Beethoven, Symphonie n°4

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Il n’y aura qu’un Beethoven
Pendant l’automne 1806, Beethoven se trouve à Grätz en Silésie chez le prince Lichnowsky. C’est là, deux ans après l’achèvement de sa Troisième symphonie, qu’il compose son nouveau chef-d’oeuvre. Elle aurait été écrite d’un seul jet (aucune esquisse n’a été trouvée jusqu’à ce jour). Cette année est particulièrement riche dans la création du compositeur puisqu’elle voit naître la deuxième version de son opéra Fidelio, les trois Quatuors opus 59, le Concerto pour violon ou encore le Quatrième concerto pour piano. Le comte Oppersdorff, passionné de musique, qui possède un château en Haute-Silésie et son propre orchestre, lui demande d’écrire l’œuvre pour 300 florins, versés à l’avance. Elle reste ainsi la seule des neuf symphonies à être une commande. C’est aussi celle qu’il achève le plus rapidement. Chez Lichnowsky, le séjour tourne mal, le prince qui héberge des officiers français demande à Beethoven de jouer du piano. Ce dernier refusant, une violente dispute éclate. Beethoven rouge de colère prend une chaise et s’apprête à la briser sur la tête du prince, mais Oppersdoff intervient pour séparer les deux hommes. Le compositeur quitte sur le champ le château. En rentrant chez lui, il envoie au Prince le billet suivant, désormais célèbre : »Prince ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Des princes il y a et il y en aura des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven. »
Cette symphonie composée entre deux « immenses » symphonies (les symphonies n°3 et n°5) reste l’une des moins jouées. Sa première exécution a lieu au palais du prince Lobkowitz en mars 1807. Son caractère très poétique (en particulier le deuxième mouvement) la rapproche de la Deuxième symphonie.

Les quatre mouvements
Adagio – allegro : l’introduction lente reste très originale et pleine de mystère. Une petite coda conduit à un éclatant fortissimo signifiant que le spectacle commence (les auditeurs qui se seraient assoupis durant l’adagio ne peuvent qu’être réveillés par ce tutti magistral !). L’allegro excité, plein de joie développe des thèmes d’une grande vivacité. Un mouvement qui ne procure que du bonheur.
Adagio : particulièrement rêveur, « qui surpasse tout ce que l’imagination la plus brûlante pourra jamais rêver de tendresse et de volupté » selon Berlioz. De forme rondo-sonate, c’est peut-être le mouvement le plus intéressant de l’œuvre.

Allegro vivace : il s’agit d’un scherzo, qui a la particularité d’être double. Débutant fortissimo, ce mouvement s’avère particulièrement animé dans la première partie. Le trio mené dolce par les bois lui fait contraste.
Allegro ma non troppo : Mouvement court de forme sonate, plein d’allégresse et de légèreté qui se caractérise par son perpetuum mobile aux cordes (mouvement perpétuel qui donne une sentiment de continuité).

Ludwig van Beethoven, Symphonie n°5

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« Je vais saisir le destin à la gueule »

La Cinquième symphonie est avec la Neuvième la plus célèbre des symphonies de Beethoven, peut-être même de toute l’œuvre du compositeur. Incarnant souvent l’image même de la musique classique, c’est grâce à son premier mouvement rempli d’énergie que l’œuvre doit son immense popularité. L’ouverture foudroyante mondialement connue, un simple motif de quatre notes, nous identifie immédiatement avec le génie de compositeur. « So pocht das Schicksal an die Pforte » (« Ainsi le destin frappe à la porte »), aurait rapporté le compositeur à Schindler. Elle a un impact formidable sur toute la génération succédant à Beethoven. Berlioz, grand admirateur du génie allemand, est là pour en témoigner. Au chapitre XX de ses Mémoires, il raconte comment son maître Lesueur pourtant hermétique à la musique de Beethoven, fut bouleversé, même épuisé par l’émotion que lui a suscité la Symphonie. Remis de ses émotions, il dit plus tard au jeune Berlioz : « C’est égal, il ne faut pas faire de la musique comme celle-là », à quoi l’élève répondit : « Soyez tranquille, cher maître, on n’en fera pas beaucoup. ». Autre anecdote célèbre, toujours dans ses mémoires, Berlioz raconte qu’au cours d’un concert, un vieux grenadier de la garde Napoléonienne, au moment où débuta le finale, se leva et s’exclama : »L’Empereur, c’est l’Empereur! ». Même Goethe, alors réticent à la musique de Beethoven, fut saisi d’émotion par le chef-d’œuvre que le tout jeune Mendelssohn lui joua dans une transcription au piano. Lors de la seconde guerre mondiale, le début de la cinquième était le symbole de la résistance française, la BBC débutait ses messages radios avec les quatre notes frappées par les timbales comme indicatif de ses émissions à l’intention des pays européens sous l’occupation nazie. Trois brèves, une longue, significatif de la lettre V en morse : le V de la victoire, le V de la 5ème symphonie.

Contemporain de la Sixième
Cette symphonie est contemporaine de la Sixième composée pratiquement en même temps. Les premières esquissent datent de 1803, mais c’est en 1805 que Beethoven commence sérieusement sa composition. Après une coupure d’un an, il l’a reprend avec la Sixième symphonie et l’achève probablement en mars 1808. Ces deux jumelles, bien que d’un caractère totalement différent, sont toutes les deux jouées lors d’un célèbre concert datant du 22 décembre 1808 au Theater « An der Wien ». Le programme paraît aujourd’hui bien surchargé puisqu’il comprend en plus des symphonies, le Quatrième concerto pour piano opus 58, la Fantaisie chorale, ou encore des extraits de la Messe en ut. Les deux oeuvres sont présentées dans l’ordre inverse de leur numérotation définitive et paraissent chez Breitkopf et Härtel en 1809. Elles sont dédicacées conjointement au prince Lobkowitz et au comte Razumovsky.

Les quatre mouvements
Allegro con brio : une forme-sonate traditionnelle, basée sur le célèbre motif de quatre notes (motif déjà utilisé par Beethoven auparavant). Mouvement d’une grande intensité, d’une énergie débordante.
Andante : grande sérénité, où l’auditeur recherche la détente nécessaire après la tension accumulée par l’allegro qui précède. Il s’agit d’une variation libre à deux thèmes, seul mouvement lent de symphonie dans cette forme. Certains passages au cœur du mouvement s’avèrent très énergiques, et annoncent d’une certaine manière la finale.
Allegro : il s’agit encore une fois d’un scherzo bien que Beethoven n’en fasse aucune mention sur la partition. Une première partie mystérieuse, angoissante dans des nuances pianissimo s’oppose à une seconde fortissimo basée sur le même motif que le premier mouvement. Il s’enchaîne directement au finale sans interruption par un immense crescendo orchestral.
Allegro : Finale triomphant qui représente l’aboutissement de tout ce qui précède. L’éclatant ut majeur sonne la victoire du compositeur sur sa destiné.

Igor Stravinsky,Apollon musagèteDirect de LyonFrance musique, le 30 novembre à 20h

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Igor Stravinsky
Apollon Musagète

ballet en deux tableaux
Washington, 1928


Jeudi 30 novembre à 20h30

En direct de l’Auditorium de Lyon

Orchestre national de Lyon
Jun Märkl
, direction

L’oeuvre
Apollon Musagète fut créé d’abord à Washington en 1928, puis quelques mois plus tard à Paris, sous la direction du compositeur, avec la troupe des Ballets Russes, dans la chorégraphie de Georges Balanchine. Répondant à une commande d’une riche américaine pour divertir les spectateurs de la library of congres of Wahshington, Stravinsky poursuivit sa relecture des mythes grecs. Après Oedipus Rex, il renouvelle son écriture pour Apollon, dont la figure solaire lui inspire « un ballet blanc », sans effets de couleurs., mettant en valeur la beauté plastique de chaque tableau, conçu comme une frise du Parthénon. Naissance d’Apollon, puis Apothéose, sont des hymnes chorégraphiques à l’idéal apollinien : ici, le compositeur qui aima tant dessiner avec les vents, explorant toutes les combinaisons de timbres, se plonge dans « l’euphonie multisonore » des seules cordes. La lyre d’Apollon trouve dans sa partition, l’expression extatique de la beauté. De pure inspiration néo-classique, le ballet montre à quel point Stravinsky savait réactiver son inspiration selon les oeuvres commandées. Pour l’heure, voici la figure d’Apollon, maître souverain des arts, conducteur des muses, arbitre de la perfection et patron des artistes. Ni archer, ni saurochtone, ni vainqueur sadique du pauvre satyre Marsyas, Apollon, lumineux et pacificateur, inspire au musicien Stravinsky, un ballet qui reste un modèle de grâce et d’équilibre néo-antique.

Le concert complète Apollon Musagète de Stravinsky avec :
Betsy Jolas,

Frauenleben, 9 lieder pour alto et orchestre
Soliste : Antoine Tamestit
Beethoven,
Symphonie n°2

La symphonie du Hannetonde James Thiérrée

La Symphonie du Hanneton

Réalisateur:Patrick
Czaplinski. Auteur: James Thierree. Acteurs: James Thierree,Raphaëlle
Boitel,Magnus Jakobsson,Uma Ysaman.

C’est Lewis Caroll chez Dali, Jéôme Bosch chez Arlequin : en une heure et quinze minute, c’est toute la féerie du théâtre le plus délirant qui s’invite dans cette symphonie éperdue.
Chaque épisode vaut ici par son poids de féerie : le spectacle visuel et physique parle constamment à notre imaginaire. Révélation théâtrale aux Molières 2006, James Thiérrée, petit-fils de Charlie Chaplin, montre avec panache et sensibilité que le feu poétique légué par son ancêtre ne s’est pas éteint avec lui.
Autour de l’acteur-concepteur, plusieurs comédiens chanteurs (Raphaëlle Boitel , James Thiérrée , Uma Ysamat , Magnus Jakobsson), le loufoque voisine avec le grotesque, la commedia dell’arte avec l’opéra : toujours le délire explore les registres de la fantaisie visuelle et fantasmagorique. En apparence décousue voire éclectique, la succession des tableaux, suit avec force une ligne directrice : l’onirisme. D’ailleurs notre héros imaginaire paraît souvent en costume blanc du sommeil, grand prêtre des apparitions et des hallucinations de toute sorte : lui-même acrobate, violoniste, musicien, danseur, acteur…
Chacun ici tient son rôle mais égaré dans un lieu qui n’est pas le sien, est confronté à une cascade d’images et de personnages picaresques, imprévisibles. La musique et l’opéra ne sont pas absent dans cette fresque comico-loufoque. Le dernier tableau se meut en banquet cauchemardesque au terme duquel chaque protagoniste regagne son trop mortel quotidien. De sorte qu’une pensée désormais nous hante : quand retrouver la puissance du rêve qui fut un temps, trop fugacement approché grâce à ce spectacle enchanteur?

Voir le spectacle sur le site ARTEVOD

Peter Eötvös,Angels in AmericaFrance 3, le 2 décembre 2006 à 23h45

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diffuse à l’occasion de
la Journée mondiale contre le sida
,

Peter Eötvös
Angels in America
, 2004

Le 2 décembre 2006 à 0h30

Commande du Châtelet à Paris, d’après la pièce éponyme de Tony Kushner, l’ouvrage du compositeur hongrois aborde sans complaisance la question du sida, centrale dans le New-York des années 80. La création parisienne, en novembre 2004, fut un moment fort de l’ère Brossmann au Châtelet. Structuré par tableaux, qui se succèdent avec continuité grâce aux déplacements des danseurs, la partition cite l’atmosphère et la rue new-yorkaise, quand de leur côté, les décors de Peduzzi laissent au spectateur le choix du lieu.

Livret de Mari Mezei. Mise en scène : Philippe Carvario. Décors : Richard Peduzzi. Costumes : Jon Morrell. Chorégraphie : Sophie Letellier. Lumières : Bertrand Couderc. Ingénieur du son : Mark Grey.

Distribution

Daniel Belcher, Prior Walter
Barbara Hendricks, L’Ange/La voix
Julia Migenes, Harper Pitt/Ethel Robinson/l’Ange Antartica
Roberta Alxander, Rabbi Chemelwitz/Henry/Hannah Pitt/l’Ange Asiatica
Topi Lehtipuu, Louis Ironson/L’Ange Oceania
Omar Ebrahim, Jœ Pitt/Prior 2/l’Ange Europa
Donald Maxwell, Roy Cohn/Prior 1/ l’Ange Australia
Derek Lee Ragin, Monsieur Bobards/la Femme du Bronx/Belize/l’Ange Africani.
Ensemble instrumental composé de 3 vocalistes et 16 solistes,
Peter Eötvös, direction

La création parisienne d’Angels in America d’Eötvös
En novembre 2004 et pour quatre soirées seulement, le nouvel opéra du hongrois Peter Eötvös avait suscité l’engouement du milieu parisien. Présence de la classe politique et des inévitables critiques, chacun se targant du meilleur mot pour stigmatiser le style lyrique d’un compositeur de notre temps, le spectacle était autant dans la salle que sur la scène.
A l’origine de l’opéra, une pièce écrite en 1987, par le new-yorkais Tony Kushner, Angels in America, légende gay créée à San Francisco en 1991, et composée en dyptique : « Le Millénaire approche » en premier volet ; « Perestroïka » pour second volet. La pièce au succès mondial, incarnant les peurs de fin de siècle et le sentiment de culpabilité post-sida, obtint le Prix Pulitzer, fut jouée en Avignon dès 1994, et connut les honneurs du petit écran dans une adaptation télévisuelle où jouèrent les stars du cinéma dont Emma Thompson, Meryl Streep, Al Pacino, récoltant une moisson de récompenses, là encore (Golden globes et Emmy awards), affirmant que nous tenions là, un texte parfaitement en connexion avec le climat de son époque.

Eötvös a occupé le champs lyrique contemporain en France depuis Trois soeurs d’après Tchekov (Lyon, 1998), puis le Balcon d’après Genet (Aix-en-Provence, 2002). Dans Angels in America, le compositeur hongrois se montre à la hauteur d’une dramaturgie riche et même éclectique qui recueille de façon critique, les caractères honteux de l’Amérique reaganienne, telle que la fustige Tony Kushner dans sa pièce. Sida et conservatisme, culpabilité et rédemption, aspiration des êtres au mysticisme et au pardon, présence des anges compassionnels et des revenants qui pointent les actes passés dont il faut payer le prix.

Eötvös cisèle un orchestration recherchée, élaborant une texture originale, grâce à un ensemble instrumental atypique où figurent guitares électriques, trombone, trompette et claviers… Il sait intégrer ce qui constitue le fonds musical new-yorkais, puisant dans le pop, le rock et le jazz, des mélodies contemporaines afin de caractériser chacun des tableaux. L’orchestre de la fosse comprend également trois chanteurs dont la couleur accompagne comme un instrument, le chanteur sur la scène, ou s’immisce dans la texture de l’ensemble. La ligne de chant rappelle le récitatif souple et expressif de l’opéra à ses origines, et même amplifiées, les voix savent souligner les sommets dramatiques de chaque épisode.
La distribution comprend des chanteurs qui sont surtout acteurs : la plupart sont capables de jouer plusieurs personnages, incantatoires, hallucinées, composant des allégories contemporaines des peurs et des angoisses de notre temps.

Que pensez de la production du Châtelet?
2004: en traitant pour l’opéra, le roman lyrico-tragique de Tony Kuschner, « Angels in America », Peter Eötvös montre qu’il sait dénicher de vrais textes pour la scène. D’autant que le roman a été adapté auparavant pour la télé et la série qui en a découlé, a obtenu un nombre incalculable de prix et de récompenses.
Sur les planches, le compositeur s’impose tout autant avec justesse et fidélité à la veine aigre et tendre, dénonciatrice et lyrique. Peter Eötvös aborde le désarroi qui frappe le milieu homosexuel de New York quand le fléau du Sida emporte ses innombrables victimes sous l’ère reaganienne.
La force de l’action tient, comme souvent, à la violence passionnelle des personnages qui composent une fresque tragique et tendre du genre humain: première victime de la maladie, le jeune Prior (sincère Daniel Belcher), sera sauvé, éprouvant trahison (de son amant Luis qui l’abandonne) et supplices (liés au mal qui le ronge); Luis, âme errante et faible devant ce qui la dépasse (Topi Lehtipuu); Joe Pitt (Omar Ebrahim) de la même veine, déstructuré, en perte d’identité, homo refoulé, angoissé, enfin révélé; la palme de l’hypocrisie étant atteinte avec la figure de l’avocat sans scrupules, Roy Cohn, qui se ment à lui-même et aux autres sur la véritable cause de sa maladie. A personnages délirants, situations hors normes: l’apparition de l’ange (Barbara Hendricks) à Prior; la rencontre nocturne, dans Central Park, de Joe et de Luis, les deux vagabonds errants dans leur solitude; l’apparition à Roy Cohn d’ Ethel Rosenberg (Julia Migenes) sont les moments forts de la fresque musicale. Après Les Trois Soeurs d’après Tchekov, le Balcon de Jean Genet, Angels in America fut salué, avec raison, sur la scène du Châtelet à Paris, comme la meilleure partition d’Eötvös. Magnifique!

La série TV

En complément de l’Opéra de Peter Eötvös, France 3 diffuse du 27 novembre au 1er décembre 2006, la série « Angels in america » réalisée par Mike Nichols. Six épisodes cosignés par Mike Nichols et Tony Kushner. 18 récompenses obtenues font de la série, l’une des plus primées dans l’histoire des séries télévisuelles.

Charles Koechlin,Le livre de la jungle (1946)France musique, le 27 novembre 2006 à 20h

Charles Koechlin
Le livre de la Jungle


Lundi 27 novembre 2006 à 20h
concert enregistré le 17 novembre 2006
Salle Olivier Messiaen,
Maison de Radio France
à Paris
.

Marie-Nicole Lemieux, mezzo-soprano
Denis Sedov, basse
Nikolai Schukoff, ténor

Choeur de Radio France
Orchestre national de France
Fabien Gabel
, direction

Charles Kœchlin a laissé plusieurs pièces d’après le Livre de la jungle de Rudyard Kipling, composant à différentes périodes de sa vie, chants et poèmes symphoniques illustrant certains passages du texte. Au fur et à mesure, le compositeur édifie un ensemble disparate qui ne respecte pas la narration de Kipling : l’ordre de composition donne les Trois poèmes, op. 18 : (Berceuse phoque, Chanson de la nuit dans la jungle, Chant de Kala), La Course du Printemps, op. 95, La méditation de Purun Bhagat, op. 95, La Loi de la jungle, op. 175 enfin, la page la plus célèbre : Les Bandar-log, op. 175.

Au total, le cycle composé, forme une fresque évocatrice d’une heure et vingt minutes, créée à Bruxelles en 1946, puis à Paris, en 1948. Voyageur imaginaire, d’une invention évocatrice puissante, Koechlin transporte la matière de l’orchestre, aidée des voix, dans les confins exotiques, déployant une sensibilité active dans l’expression des climats et des sensations de la Nature.
Mystère et brumes sur les forêts profondes, souvenirs étincelants entre maints phénomènes harmoniques, la musique se substitue à la narration de Kipling sans cependant épuiser ni affadir le propos littéraire d’origine.
L’évocation du peuple des singes (Bandar Log), la carrière du jeune Mowgli (Course du Printemps) sont quelques unes des réussites musicales du cycle, dans lequel Koechlin sait aussi être sarcastique et allusivement critique vis-à-vis de certains de ses collègues musiciens, dont il s’ingénie à épingler les tics de composition, ici intégrés dans l’évocation des singes agités. Mais la féerie l’emporte toujours, tant l’inspiration recherche avant tout la suggestion des mondes lointains, suscitant notre besoin de découverte et d’évasion. Koechlin se révèle maître des vapeurs atmosphériques, un conteur musicien et un poète à l’égal de son cycle plus ancien, les heures persanes, conçu pour piano, et orchestré en 1921.

Beethoven,Sonate HammerklavierFrance musique, le 24 novembre à 10h

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Beethoven


Vendredi 24 novembre à 10h

Sonate n°29 en si bémol opus 106
« Hammerklavier »

François-Frédéric Guy, piano
concert enregistré le 18 octobre 2006
à l’auditorium du Musée d’Orsay à Paris

Le pianiste François Frédéric Guy jouait la sonate de Beethoven « Hammerklavier » au Musée d’Orsay en octobre 2006 alors qu’il venait de faire paraître son nouvel enregistrement, le deuxième, chez Naïve. Datée de 1817/1818, la partition est sans équivalent par son ampleur musicale et philosophique. Le compositeur développe librement son inspiration dans une sonate qui déborde du cadre traditionnel. Mais l’élément unitaire et structurant de l’écriture est ici la tierce, qui unifie l’harmonie et le déploiement mélodique. Sous les doigts puissants et caressants du pianiste, le mouvement lent, miroir des souffrances humaines, s’étire avec intériorité mais intensité. Après un premier enregistrement en 1997 (à 29 ans), Guy, récidive avec affirmation et engagement, d’autant qu’en récital, il a fait de la partition, son cheval de bataille et un livre de chevet, tour à tour, à chaque nouveau récital, consulté, dévoilé, transfiguré…

Approfondir
Lire notre entretien avec François-Frédéric Guy au moment de la sortie de son album Beethoven, en octobre 2006.

Faust en musique,Le rayonnement du mythe de Faust auprès des musiciens

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Rayonnement de Faust au XIXème siècle et au XXème siècle

Pas un auteur digne de ce nom, qui n’ait ressenti le désir de produire « son » Faust. En écho au chef-d’oeuvre de Goethe, précurseur des générations romantiques, avides de féerie fantastique, chacun relit le mythe. Mais aux côtés des poètes, les musiciens ne sont pas en reste. Müller, Kauer, Walter abordent le mythe et le portent à la scène, avec succès, entre 1784 et 1819.

Spohr, la figure de Faust et de Don Juan
La tentation est grande d’associer à la figure du Faust Goethéen, qui dans le texte de Goethe est en quête de la femme, la figure de cet autre séducteur romantique par excellence, depuis la lecture de Mozart , Don Juan. D’autant que Goethe dans une lettre du 12 février 1829, adressée à son secrétaire Eckermann, avoue imaginer une musique digne de son Faust, dans l’esprit du Don Giovanni de Mozart. Sublime hommage d’un écrivain au musicien, fondateur du romantisme musical.
Ainsi Spohr, tente dans son Faust, de fusionner les deux figures. Ni plus ni moins. L’opéra créé en 1816, sous la direction de Weber est en deux actes. Faust, vieillard désabusé devient un séducteur irrésistible qui s’attire les grâces de deux beautés voluptueuses. Il périra d’autant plus, à feu vif, dans un final qui rappelle la scène des flammes et du châtiment du Don Giovanni de Mozart. le Faust de Spohr s’impose à la scène jusqu’à ce que celui de Gounod (1859) ne vienne l’éclipser. La résurrection contemporaine du Faust de Spohr permettrait de dévoiler une oeuvre essentielle dans l’avènement de l’opéra romantique, précurseur aussi du leit-motiv wagnérien, cette cellule mélodique qui caractérise une situation ou un personnage et que défendait Weber, reconnaissant à Spohr le génie de l’avoir inventé, conférant ainsi à son ouvrage une unité indiscutable.
Moins connu, le Faust de Louise Bertin qui étonna Berlioz. Mais l’ouvrage primordial du XIXème siècle reste le Faust de Gounod. Le texte se concentre essentiellement sur le personnage de Marguerite qui vole la vedette à la figure virile et insatisfaite du Faust goethéen.

Un salut pour Faust?
Dans sa seconde version du mythe, Goethe tranche pour le salut final de son héros (1832). Cette nouvelle version suscita une vive polémique quant à la figure générique du personnage. Nikolaus Lenau, poète autrichien célèbre, fut agacé par le parti compatissant de Goethe. Il préféra écrire « son » Faust mais en le destinant à la malédiction éternelle. Pas d’issue pour le héros romantique. Mephistofélès conduit notre héros au suicide, et par là, à la honte et à la damnation d’une fin honnie, indigne de la grandeur. Liszt (Zwei episoden aus Lenau Faust, 1861 dont le deuxième chapitre est la Mephisto-Walz n°1), et Henri Rabaud (Procession nocturne, 1910) suivent l’exemple de Lenau.
Dans cette lignée maudite et noire, qui doit s’achever sur l’exécution du héros, appartient la Damnation de Faust de Berlioz (1846). Berlioz lit la traduction de Gérard de Nerval (1828) et découvre ainsi la première version de Faust. L’exaltation du jeune compositeur de 26 ans se concrétise en 1829, avec la composition de ses Huit scènes de Faust, esquisses de la future Damnation. En 1840, la seconde version du Faust de Goethe relance son écriture et change les données goethéennes : Faust ne doit plus son salut à Marguerite, mais héros sans limites, il signe sa damnation pour sauver Marguerite dont l’apothéose finale conclue l’opéra, quand Faust, au terme d’une chevauchée fantastique, sombre dans l’abîme infernale.

Faust, promoteur d’un monde pacifié, d’une terre libre pour un peuple libre
A travers le mythe du séducteur à femmes, Faust incarne aussi dans son évolution transfigurée, la sublimation des idéaux fraternels, ardent promoteur d’une terre libre pour un peuple libre. Vision positive désormais qui place Faust tel un héros compassionnel et humaniste, oeuvrant pour un monde pacifié, enfin civilisé, sans guerres ni conflits de communautés. Ce monde existera-t-il un jour? Un tel lyrisme humaniste inspire de nombreux compositeurs.
Ainsi, les scènes de Faust de Robert Schumann : vaste oratorio en trois parties. Composé de 1844 à 1853, l’oeuvre est créée après la mort du compositeur en 1862. Du permier Faust, Schumann sélectionne trois épisodes : Faust dans le jardin, prière à la Mater Dolorosa, confrontation avec un esprit malin dans la cathédrale. Du second Faust, Schumann met en avant l’aspiration métaphysique de Faust dont son grand monologue avant de mourir. Et dans la vision de Schumann, mari aimant de Clara, le salut et la rédemption de Faust sont liés à l’Eternel Féminin. La beauté de la musique trouve une équivalence remarquable avec la poésie de Goethe.
Liszt dans le même moment, compose une Faust Symphonie et Wagner, s’en tiendra après avoir envisagé un cycle sur le thème de Faust, à une Faust-Ouvertüre (1840). Liszt remanie sa Symphonie, inclue dans la version définitive de 1857, un ténor et un choeur d’hommes pour chanter l’Eternel Féminin, source de rédemption. Dans la version première, Liszt avait imaginé la réconciliation des thèmes de Faust et de Marguerite en une marche harmonique… que Wagner reprendra dans son Parsifal, pour le motif des chevaliers du Graal dit « cloches de Montsalvat » (1882).

Arigo Boïto : fusionner les deux Faust : le romantique et le mystique, le maudit et le ressucité

A 26 ans, en 1868, Boïto compose un opéra qui réunit les deux figures de Faust. Passionné de musique autant que de littérature, Boïto est davantage connu comme le librettiste de Verdi. Il aurait conçu la trame de son Faust, intitulé « Mefistofele », après avoir découvert à Paris, l’opéra de Gounod.Son engagement à « traduire » musicalement la force plurielle du mythe en ses divers aspeccts :, -thème du pari, thème de celui qui nie, activité destructrice et créatrice de Mefistofele, « je suis celui qui est l’esprit du mal, qui détruit et qui créée dans le même temps »-, se concrétise en 1868 par une oeuvre fleuve de six heures sur le livret qu’il a écrit lui-même ! Mais, l’auteur remodèle son canevas et livre une mouture de 3h, créée triomphalement à Bologne (1875) puis Hambourg. Le public allemand avait raison de reconnaître d’emblée le génie de cet italien qui osait aborder un trésor national. L’acuité et la pertinence de sa vision est magistralement illustrée par exemple, dans l’opposition des personnages de Marguerite et d’Hélène. A l’image d’un Mozart, des Noces et de Don Giovanni, Boïto traitait de la féminité, sous l’aspect de portraits psychologiques concis et variés.

Mahler, la Symphonie des Milles (1910)
Il appartenait au symphoniste Gustav Mahler d’offrir l’une des offrandes les plus originales au mythe de Faust. Composée en 1906/1907, la partition ne fut créée qu’en 1910, à Munich sous la direction du compositeur.
En deux parties, le cycle monumental, met en perspective le Veni Creator, hymne chrétien ancien
et pour la seconde partie, la scène finale du second Faust, comme Schumann, qui s’achève par l’apologie de l’Eternel féminin. Mahler, mari aimant d’Alma, mais époux trompé, ne se remit jamais de la trahison de son épouse infidèle, qui lui préférait le beau Walter Gropius, mais qui cependant avait fait le voeu de ne jamais son mari. De sorte que si dans le première partie, Mahler célèbre le souffle créateur virile, à l’origine de toute naissance, il reconnaît comme Goethe la vertu rédemptrice de l’Eternel féminin, compatissant.

Busoni, l’homme faustéen
De son côté, Busoni compose Doktor Faust dans le sillon tracé par ses lectures de Shopenhauer et surtout Spengler (le déclin de l’Occident, 1918/1922) : ce dernier met en péril l’ivresse lyrique du Faust geothéen sauvé par l’agent de la rédemption féminine. Pour Spengler, toute société connaît deux phases : l’une de culture, ascensionnelle ; l’autre de civilisation qui s’achève en une décadence. L’homme industriel, d’abord excité par le tout technologique, désespère après qu’il ait compris que la machine en fait son esclave. Busoni écrit lui-même son livret. Chaque personnage fait l’expérience de la désillusion, de l’abandon, de la mort. Chaque être se soumet à « l’éternelle volonté ». A sa mort, Busoni laisse une oeuvre inachevée, en 1924. Elle sera créée en 1925 dans une indifférence générale que la récente lecture par Dietrich-Fisher Dieskau a quelque peu atténuée. Contemporain du Wozzek de Berg, Doktor Faust retrouve la place qui est la sienne : une oeuvre d’aboutissement, après des siècles d’aptation du mythe faustéen.

Mais aujourd’hui?
Quel avenir pour la figure éternelle du damné, sauvé in extremis par l’Eternelle féminin? A en croire les nombreuses créations et oeuvres contemporaines inspirées par le sujet, l’homme Faust n’a pas fini sa carrière sur la scène lyrique. Naïve annonce la publication le 14 novembre 2006, de « Faustus, the last night » de Pascal Dusapin (représenté au Châtelet à Paris, les 15, 16 et 18 novembre 2006), et Philippe Fénelon, auteur d’une Salambô d’après Flaubert, d’une facture très classique, achève son Faust, qui sera créé au Capitole de Toulouse, le 25 mai 2007.

Illustration
Arnold Böcklin, autoportrait (DR)

Natalie Dessay, sopranoPortrait

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Emi fait paraître en novembre 2006, un portrait hommage à notre diva nationale, Natalie Dessy. En deux coffrets doubles, en dvd et en cd, par l’image et le son, le tempérament tragique et comique de la cantatrice insuffle à chaque prise de rôle, vitalité et force. Au moment où la soprano retrouve le goût de la scène, après son opération, voici déjà une juste célébration de l’un des timbres actuels parmi les plus exceptionnels et les plus attachants. Plus qu’une voix, il s’agit d’une personnalité, autant sensible que déterminée. Mais avant nos chroniques dvd et cd, faisons le point sur sa carrière et son agenda des principaux rôles annoncés jusqu’en juillet 2007.

Carrière

Née à Lyon en 1965, Natalie Dessay commence sa carrière sur les planches comme comédienne. Une première passion pour la danse et le théâtre qui explique plus tard que devenue chanteuse, l’interprète aura toujours à coeur d’habiter ses personnages. Choriste au théâtre du Capitole de Toulouse, elle ne tarde pas à s’engager dans une carrière de soliste. Barberine est son premier rôle (les Noces de Figaro de Mozart, Marseille, mai 1989).
Vient ensuite le rôle qui la révèle, celui d’Olympia dans les Contes d’Hoffmann d’Offenbach, à l’Opéra Bastille à Paris en 1992 dans la mise en scène de Roman Polanski. L’année suivante, elle chante le rôle pour la réouverture de l’Opéra de Lyon, dans la mise en scène de Louis Erlo. En juillet 1994, elle est la Reine de la Nuit au Festival d’Aix-en-Provence. Puis début 1995, elle incarne Lakmé à l’Opéra-Comique.

La carrière est jalonnée de prise de rôles éclatantes comme coloratoure léger où elle révèle l’éclat cristallin de son timbre agile et souple. Avec le temps, le choix des personnages devient de plus exigent, favorisant toujours une part dramatique essentielle pour celle qui n’a pas perdu le goût du risque et du jeu théâtral. Les héroïnes tragiques sont au coeur de ses choix de scène : Ophélie, Zerbinette, Lucia, et bientôt, Manon de Massenet ou La Favorite de Donizetti marquent l’excellence d’une artiste complète.

L’opération
En 2001, elle doit annuler ses engagements. Une excroissance diagnostiquée sur sa corde vocale l’empêche de poursuivre désormais sa carrière. La cantatrice décide de suivre une intervention chirurgicale dont l’issue s’avère positive comme l’atteste sa prise de rôle dans Hamlet de Thomas puis son grand retour en septembre 2006, sur la scène de l’opéra Bastille dans Lucia di Lammermoor : à la différence de l’héroïne tragique qu’elle incarne avec un feu magistral, la voix a recouvré le diamant et l’acrobatie de ses aigus.

A l’affiche
9 et 19 novembre 2006
Opéra de Lyon / Lyon, France
Bellini : Sonnambula (concert)
Orchestre de l’Opéra National de Lyon / E. Pido
avec C. Colombara, F. Meli & S. Mingardo

9, 19 novembre 2006
12 novembre 2006
Théâtre des Champs-Elysées / Paris, France
Bellini : Sonnambula (concert)
Orchestre de l’Opéra National de Lyon / E. Pido
C. Colombara, F. Meli & S. Mingardo
12 novembre 2006

Du 11 janvier au 1er février 2007
Covent Garden / Londres, Royaume-Uni
Donizetti : La Fille du Régiment (Marie)
Orchestra of the Royal Opera House, Covent Garden / Bruno Campanella
Mise en scène : Laurent Pelly
Avec Juan Diego Flórez / Colin Lee, Felicity Palmer…
11, 14, 18, 20, 23, 25, 27, 29 janvier, 1er février 2007

Du 1er au 28 avril 2007
Staatsoper / Vienne, Autriche
Donizetti : La Fille du Régiment (Marie)
Wiener Philharmoniker / Yves Abel
Mise en scène : Laurent Pelly
Avec Juan Diego Flórez, Carlos Alvarez, Montserrat Caballé…
1, 4, 9, 12, 16, 19, 22, 25, 28 avril 2007

20 mai 2007
Carnegie Hall / New-York, USA
Récital Mozart, R. Strauss, Massenet, Thomas
Met Orchestra / James Levine

Du 21 juin au 9 juillet 2007
Liceu / Barcelone, Espagne
Massenet : Manon (rôle-titre)
Direction : Victor Pablo Perez
Mise en scène : David McVicar
Avec Rolando Villazón, Samuel Ramey…Les 21, 24, 25, 27, 28, 30 juin 2007, 1, 3, 6, 7, 9 juillet 2007

11 juillet 2007
Théâtre des Champs-Elysées / Paris, France
Mozart, Beethoven : Airs et duos
Orchestra of the Age of Enlightenment
Avec Paul Groves

DVD
Lire notre critique du dvd « Natalie Dessay, le miracle d’une voix »

Approfondir
Consultez le site officiel de Natalie Dessay

Crédits photographiques

Natalie Dessay (DR)

Lucie de Lammermoor © G.Amsellem

Natalie Dessay © S. Fowler 2005