samedi 20 avril 2024

Peter Eötvös,Angels in AmericaFrance 3, le 2 décembre 2006 à 23h45

A lire aussi

diffuse à l’occasion de
la Journée mondiale contre le sida
,

Peter Eötvös
Angels in America
, 2004

Le 2 décembre 2006 à 0h30

Commande du Châtelet à Paris, d’après la pièce éponyme de Tony Kushner, l’ouvrage du compositeur hongrois aborde sans complaisance la question du sida, centrale dans le New-York des années 80. La création parisienne, en novembre 2004, fut un moment fort de l’ère Brossmann au Châtelet. Structuré par tableaux, qui se succèdent avec continuité grâce aux déplacements des danseurs, la partition cite l’atmosphère et la rue new-yorkaise, quand de leur côté, les décors de Peduzzi laissent au spectateur le choix du lieu.

Livret de Mari Mezei. Mise en scène : Philippe Carvario. Décors : Richard Peduzzi. Costumes : Jon Morrell. Chorégraphie : Sophie Letellier. Lumières : Bertrand Couderc. Ingénieur du son : Mark Grey.

Distribution

Daniel Belcher, Prior Walter
Barbara Hendricks, L’Ange/La voix
Julia Migenes, Harper Pitt/Ethel Robinson/l’Ange Antartica
Roberta Alxander, Rabbi Chemelwitz/Henry/Hannah Pitt/l’Ange Asiatica
Topi Lehtipuu, Louis Ironson/L’Ange Oceania
Omar Ebrahim, Jœ Pitt/Prior 2/l’Ange Europa
Donald Maxwell, Roy Cohn/Prior 1/ l’Ange Australia
Derek Lee Ragin, Monsieur Bobards/la Femme du Bronx/Belize/l’Ange Africani.
Ensemble instrumental composé de 3 vocalistes et 16 solistes,
Peter Eötvös, direction

La création parisienne d’Angels in America d’Eötvös
En novembre 2004 et pour quatre soirées seulement, le nouvel opéra du hongrois Peter Eötvös avait suscité l’engouement du milieu parisien. Présence de la classe politique et des inévitables critiques, chacun se targant du meilleur mot pour stigmatiser le style lyrique d’un compositeur de notre temps, le spectacle était autant dans la salle que sur la scène.
A l’origine de l’opéra, une pièce écrite en 1987, par le new-yorkais Tony Kushner, Angels in America, légende gay créée à San Francisco en 1991, et composée en dyptique : « Le Millénaire approche » en premier volet ; « Perestroïka » pour second volet. La pièce au succès mondial, incarnant les peurs de fin de siècle et le sentiment de culpabilité post-sida, obtint le Prix Pulitzer, fut jouée en Avignon dès 1994, et connut les honneurs du petit écran dans une adaptation télévisuelle où jouèrent les stars du cinéma dont Emma Thompson, Meryl Streep, Al Pacino, récoltant une moisson de récompenses, là encore (Golden globes et Emmy awards), affirmant que nous tenions là, un texte parfaitement en connexion avec le climat de son époque.

Eötvös a occupé le champs lyrique contemporain en France depuis Trois soeurs d’après Tchekov (Lyon, 1998), puis le Balcon d’après Genet (Aix-en-Provence, 2002). Dans Angels in America, le compositeur hongrois se montre à la hauteur d’une dramaturgie riche et même éclectique qui recueille de façon critique, les caractères honteux de l’Amérique reaganienne, telle que la fustige Tony Kushner dans sa pièce. Sida et conservatisme, culpabilité et rédemption, aspiration des êtres au mysticisme et au pardon, présence des anges compassionnels et des revenants qui pointent les actes passés dont il faut payer le prix.

Eötvös cisèle un orchestration recherchée, élaborant une texture originale, grâce à un ensemble instrumental atypique où figurent guitares électriques, trombone, trompette et claviers… Il sait intégrer ce qui constitue le fonds musical new-yorkais, puisant dans le pop, le rock et le jazz, des mélodies contemporaines afin de caractériser chacun des tableaux. L’orchestre de la fosse comprend également trois chanteurs dont la couleur accompagne comme un instrument, le chanteur sur la scène, ou s’immisce dans la texture de l’ensemble. La ligne de chant rappelle le récitatif souple et expressif de l’opéra à ses origines, et même amplifiées, les voix savent souligner les sommets dramatiques de chaque épisode.
La distribution comprend des chanteurs qui sont surtout acteurs : la plupart sont capables de jouer plusieurs personnages, incantatoires, hallucinées, composant des allégories contemporaines des peurs et des angoisses de notre temps.

Que pensez de la production du Châtelet?
2004: en traitant pour l’opéra, le roman lyrico-tragique de Tony Kuschner, « Angels in America », Peter Eötvös montre qu’il sait dénicher de vrais textes pour la scène. D’autant que le roman a été adapté auparavant pour la télé et la série qui en a découlé, a obtenu un nombre incalculable de prix et de récompenses.
Sur les planches, le compositeur s’impose tout autant avec justesse et fidélité à la veine aigre et tendre, dénonciatrice et lyrique. Peter Eötvös aborde le désarroi qui frappe le milieu homosexuel de New York quand le fléau du Sida emporte ses innombrables victimes sous l’ère reaganienne.
La force de l’action tient, comme souvent, à la violence passionnelle des personnages qui composent une fresque tragique et tendre du genre humain: première victime de la maladie, le jeune Prior (sincère Daniel Belcher), sera sauvé, éprouvant trahison (de son amant Luis qui l’abandonne) et supplices (liés au mal qui le ronge); Luis, âme errante et faible devant ce qui la dépasse (Topi Lehtipuu); Joe Pitt (Omar Ebrahim) de la même veine, déstructuré, en perte d’identité, homo refoulé, angoissé, enfin révélé; la palme de l’hypocrisie étant atteinte avec la figure de l’avocat sans scrupules, Roy Cohn, qui se ment à lui-même et aux autres sur la véritable cause de sa maladie. A personnages délirants, situations hors normes: l’apparition de l’ange (Barbara Hendricks) à Prior; la rencontre nocturne, dans Central Park, de Joe et de Luis, les deux vagabonds errants dans leur solitude; l’apparition à Roy Cohn d’ Ethel Rosenberg (Julia Migenes) sont les moments forts de la fresque musicale. Après Les Trois Soeurs d’après Tchekov, le Balcon de Jean Genet, Angels in America fut salué, avec raison, sur la scène du Châtelet à Paris, comme la meilleure partition d’Eötvös. Magnifique!

La série TV

En complément de l’Opéra de Peter Eötvös, France 3 diffuse du 27 novembre au 1er décembre 2006, la série « Angels in america » réalisée par Mike Nichols. Six épisodes cosignés par Mike Nichols et Tony Kushner. 18 récompenses obtenues font de la série, l’une des plus primées dans l’histoire des séries télévisuelles.

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE CD événement. JULIUS ASAL, piano : Scriabine / D Scarlatti (1 cd DG Deutsche Grammophon)

Voilà assurément un programme fascinant en ce qu’il est aussi bien composé qu’interprété. S’y distingue le tempérament intérieur, d’une...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img