jeudi 10 juillet 2025
Accueil Blog Page 358

Stefano Landi (1586/87-1639), biographie

Stefano Landi

(1586/87-1639)

Apparent paradoxe dans le cas de Landi, compositeur qui fit toute sa gloire à Rome: musicien d’église principalement, il a laissé de surprenantes oeuvres dramatiques et théâtrales. La ferveur tire bénéfice des affects du théâtre. et ce que l’on entend par piété ou prière n’est finalement pas si éloigné de l’expression des affects. Prière ou lamentation tragique, il s’agit bien, accent majeur de la musique baroque, de peindre les passions humaines, sacrées ou profanes. Landi incarne parfaitement ces modes réconciliés.

Fondateur de l’opéra romain

Le compositeur reçoit sa formation à Rome, dans les collèges jésuites, Collegio Germanico, et Seminario Romano. Education philosophique et maîtrise de la rhétorique alternent avec ses cours de musique auprès du maître Agazzari.
Son premier opéra, La morte d’Orfeo, est composé pour les Borghese, en 1619 et semble recueillir la tradition des pastorales florentines afin de constituer une tragicommedia d’un nouveau genre qui annonce l’opéra romain et vénitien, le premier par l’amplification des choeurs en conclusion de chacun des cinq actes; le second, en mêlant vis comica et vis tragica, mélange des genres qui enrichit l’intrigue principale d’une multitude d’actions et de personnages secondaires.
Alto, Landi est chanteur qui intègre grâce au soutien des Barberini pour lesquels il travaille, le choeur papal, en 1629, soit à circa 42 ans. Comme compositeur, Landi ne laisse pas indifférent: ses repons qui associe stile antico, de rigueur dans le contexte liturgique, mais aussi, ses audaces ou écarts dans le stile de la secunda prattica, déroutent les chantres du choeur pontifical, lesquels se montrent incapables de chanter ses partitions.
Quoiqu’il en soit, la place de Landi, comme fondateur de l’opéra romain, ne fait aucun doute.
Son oeuvre majeure demeure son oratorio Il Sant’Alessio, donné au Palazzo Barberini, à Rome, en 1632, premier opéra sacré historique, peignant non la passion des dieux et demi dieux mais l’histoire (exemplaire) d’un mortel sanctifié, avec une machinerie grandiose et des effets d’orchestre (premières symphonies introductives des actes, première ouverture à proprement parler), impressionnants.
Pour la Cour pontificale, Landi livre un cycle d’hymnes (1634), et met en musique le drame d’Ottaviano Castelli, I pregi di Primavera (1635) représenté dans le cadre de la résidence d’été du Pape à Castel Gandolfo.

CD
La Morte di Orfeo (1 cd Zig Zag territoires). Akadêmia, Françoise Lasserre. Lire notre critique du cd La Morte di Orfeo de Stefano Landi par Akadêmia

Illustration

Georges de La Tour, Saint-Alexis (DR)

Concert de l’ONB et de Elisabeth Leonskaja, direction Walter WellerBruxelles. Bozar, les 11 et 13 mai 2007

C’est sous la direction de son nouveau directeur musical Walter Weller, que l’Orchestre National de Belgique se retrouve les 11 et 13 mai 2007 au Bozar.

En tant qu’ancien konzertmeister du Wiener Philharmoniker, Walter Weller connaît tout de la tradition viennoise et aime se retrouver dans ce répertoire viennois et d’Europe Centrale et travailler de préférence avec des solistes d’exception. Lors de ces concerts, il se servira à nouveau de son expérience pour faire partager, ensemble avec l’Orchestre National de Belgique, sa passion pour cette musique.

C’est en tant qu’enfant prodige que Walter Weller s’est révélé à Vienne. ‘Je pouvais lire une partition plus rapidement qu’un livre’, se rappelle t-il. A dix sept ans il jouait déjà au sein du célèbre Wiener Philharmoniker, un an plus tard il fondait son propre Weller Quartet. A l’âge de vingt et un ans, il devenait premier violon du Wiener Philharmoniker où il allait jouer sous la direction des chefs les plus prestigieux. Comblé par sa position de premier violon d’un des meilleurs orchestres internationaux, Weller avait temporairement renoncé à son ambition de devenir chef d’orchestre. Mais, en 1966, le sort en a décidé autrement lorsqu’il dut remplacer au pied levé Karl Böhm à la tête du Wiener Philharmoniker. Sa carrière de chef d’orchestre venait de commencer. Depuis lors nous le retrouvons à la tête d’orchestres réputés, aussi bien en Europe qu’en Amérique ainsi que dans les grandes maisons d’opéras. Il fût également longtemps directeur musical du Royal Philharmonic Orchestra London et du Royal Scottish National Orchestra.

Programme
Sergey Prokofiev:
Concerto pour piano n° 2, op. 16
Johannes Brahms: Symphonie n° 2, op. 73

Orchestre National de Belgique.
Walter Weller, direction
Elisabeth Leonskaja, piano

Bruxelles, Bozar
Vendredi 11 mai 2007 à 20h
Dimanche 13 mai 2007 à 15h

Crédit photographique
Walter Weller (DR)

Angélique Ionatos et Katerina Fotinaki revisitent des poèmes de Sappho de MytilèneBruxelles. Flagey, le dimanche 6 mai 2007 à 20h15, Studio 4

0

Le cycle «Musique et Poésie» rend hommage à une poétesse dans le cadre d’une soirée organisée le dimanche 6 mai 2007, à Flagey, autour de Sappho de Mytilène. C’est à Angélique Ionatos et son amie soprano Katerina Fotinaki qu’on a confié la mission de guider le public à travers ces écrits de l’Antiquité.

En 1991, encouragée par son poète de prédilection Odysseus Elytis, Angélique Ionatos met en musique et enregistre l’œuvre «Sappho de Mytilène» au côté de l’excellente mezzo Nena Venetsanou. L’album obtient le Prix de l’Académie Charles Cros et est monté l’année suivante en version spectacle au Théâtre de la Ville à Paris.

Quinze ans après sa création, Angélique Ionatos a accepté pour «Musique et Poésie» de faire revivre ce spectacle avec une palette instrumentale élargie. Accompagnée par la jeune chanteuse grecque Katerina Fotinaki, elle livrera au public une nouvelle mouture de son spectacle autour de Sappho. Alternant entre des récitations de poèmes en grec ancien et des interprétations musicales de textes en grec moderne adaptés par le poète Odysseus Elytis, Angélique Ionatos et sa compagne feront étinceler le verbe sur l’estrade du Studio 4. Leurs voix suaves et sauvages seront accompagnées par des musiciens de tout premier choix: Henri Agnel (cordes pincées et percussions), son fils Idris Agnel (percussions) et Bruno Sansalone (clarinette). Un beau projet qui concilie passé et présent tout en jettant des ponts entre culture populaire et savante.

Une coproduction Flagey & BozarMusic, en collaboration avec le Théâtre du Rideau de Bruxelles

Programme
Sappho de Mytilene: soirée en grec

Bruxelles, Flagey (studio 4)
Dimanche 6 mai 2007 à 20h15

Crédit photographique
Sappho, Le coucher de Sappho, Charles Gleyre, 1867

Piotr Ilyich Tchaïkovsky, Iolanda (1892). Tugan SokhievFrance Musique, le 26 mai 2007 à 19h30

0

Piotr Ilyich Tchaïkovski
Iolanda
, 1892

Samedi 26 mai 2007 à 19h30
(version de concert)

Orchestre national du Capitole
Tugan Sokhiev, direction

Principal chef invité de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev réunit une distribution composée en partie de solistes du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg. Enregistré le 11 mai 2006 à la Halle aux grains de Toulouse.

Viktoria Yastrebova, Iolanta
Ilya Bannik, Le Roi René
Garry Magee, Robert
Evgeny Akimov, Le Comte Vaudemont
Valery Alexeïev, Ibn-Khakia
Elena Gorshunova, Brigitte
Anna Markarova, Martha
Edouard Tsanga, Bertrand
Chœur du Capitole
Patrick Marie Aubert, chef de chœur
Larissa Gergieva, chef de chant

Ultime opéra
en forme de mélodrame


Avec Iolanda, Tchaïkovsky laisse un ultime et dixième ouvrage lyrique, atypique. Le sujet n’est pas tiré de la littérature russe, sa forme ne comprend pas explicitement de tableaux ou d’actes; sa fin, est, fait exceptionnel dans l’oeuvre du maître, heureuse.
Porté par le succès de La dame de pique, créée le 7 décembre 1890 à Saint-Pétersbourg, Tchaïkovsky se voit sollicité pour de nouvelles oeuvres à destination des Théâtre Impériaux. Il en résultera le ballet de Casse-Noisette et l’opéra Iolanda. Le « d » est ici de rigueur car comme le précise l’auteur: « il faut dire Iolanda car le prénom français est Yolande ».

Un succès d’estime

Le texte originel avait frappé l’imagination lyrique du compositeur: La fille du Roi René (1853) du dramaturge danois Henryk Herk, lu avec intérêt dès 1883. Piotr demanda comme pour La dame de pique, à son frère Modeste de rédiger le livret.
La composition de Iolanda est contemporaine de Casse-Noisette. Les deux partitions prennent du temps et ne seront pas achevées pour le terme prévu: décembre 1891. Tchaïkovsky invité aux USA pour l’inauguration de Carnegie Hall, écrit au directeur des Théâtre Impériaux, en avril 1891, son retard, ses excuses mais aussi son désir de rendre deux copies dignes de la qualité escomptée. De retour en Russie, après avoir fini l’orchestration ciselée de Casse-Noisette, Tchaïkovsky se met passionnément à l’ouvrage, sur sa Iolanda tendrement conçue, un « Ipéra qui fera pleurer tout le monde« , écrit-il à son frère. Début septembre 1891, le compositeur attaque l’orchestration, heureux de lire le livret de son frère, en tout point conforme à ses attentes.
Le 6 décembre 1892, Tchaïkovsky présente son nouvel opéra, au Théâtre Mariinski, et son ballet Casse-Noisette. La distribution comprenait les chanteurs qui avaient assuré, deux ans plus tôt, le succès de La dame de pique. Curieusement, le public applaudit davantage l’opéra que le ballet, et les critiques firent comme à l’accoutumée, la fine bouche pour l’une et l’autre partition, déplorant dans iolanda, une fusion formelle inadaptée pour une scène lyrique, un fatras de romances russes, à une ou deux voix. L’ouvrage fit cependant onze représentations, et fut repris en Europe aussitôt, dont sa création à Vienne en 1900, sous la baguette d’un Tchaïkovskien de la première heure, Gustav Mahler.

De l’ombre à la lumière

Herz a conçu non pas un drame historique mais un mélodrame poétique à partir de l’histoire de France, celle du Roi René de Provence qui au XV ème siècle, a pour fille la princesse Yolande, laquelle épouse le comte de Vaudremont. Le dramaturge a inventé de toute pièce la cécité de la jeune femme, élément appelé à accroître l’intensité poétique de l’action théâtrale. La partition de Tchaïkovsky se concentre sur les ressorts psychologiques de l’intrigue: orchestre de chambre, choeur mesuré (alors spectaculaire dans l’opéra russe), et la caractérisation du personnage d’Ibn-Hakia, est tout sauf d’un orientalisme superficiel. Le compositeur laisse peu à peu deviner sous son caractère énigmatique, la bonté d’âme du médecin maure qui soigne la princesse. Enfin l’introduction et son ample prélude exclusivement réservé aux instruments à vent, laissent encore une impression singulière, d’une audace de ton encore déroutante. Tout le travail du musicien s’est porté sur l’évolution du personnage central: aveugle, Iolanda ne peut recouvrer la vue que si elle perd sa virginité. L’absence de désir, de liberté l’accable malgré elle, car elle ne sait rien des autres ni n’a mesuré ce qui la distingue, en tant que jeune fille aveugle car son père la tient soigneusement à l’écart du monde. L’action de son médecin qui la fait peu à peu prendre conscience de son infirmité et la rencontre avec Vaudremont lui apportent la délivrance, et de fille enchaînée par un père trop possessif, elle pourra accomplir son destin de femme libérée, revenue à la lumière: voyante, délivrée. L’opéra exprime ce mouvement symbolique de l’ombre à la lumière.

Actualités de Tugan Sokhiev

Orchestre National du Capitole – Piotr Anderszewski, piano
Toulouse, La Halle aux Grains
Le 4 mai 2007 à 20h30
Au programme, Franck, Bartok, Brahms.

Orchestre National du Capitole de Toulouse
Toulouse, La Halle aux Grains
Le 6 mai 2007 à 17h
Au programme, Tchaïkovski, Prokofiev et Stravinsky.

« Iolanta »
Toulouse, La Halle aux Grains
Le 11 mai 2007 à 20h30

Orchestre National du Capitole de Toulouse
Carcassonne, Théâtre de la Cité
Le 13 mai 2007 à 21h30

CD
Naïve annonce en septembre 2007, Pierre et le loup de Prokofiev, avec Valérie Lemercier en récitante.
Déjà paru, Moussorsgki (les tableaux d’une exposition), Tchaïkosky (Symphonie n°6): 1 cd Naïve. Lire notre critique de l’album Moussorgski/Tchaïkovsky par Tugan Sokhiev

Illustrations
William Bouguereau: Délivrance de l’ange, portrait de jeune femme (DR)

Vincenzo Bellini, I Puritani (1835)Bruxelles, Bozar. Les 20, 22 et 26 mai 2007

0

Vincenzo Bellini
I Puritani
, 1835

Bruxelles, La Monnaie
Palais des Beaux-arts
Les 20, 22, 26 mai 2007
(version de concert)

Fauché à 34 ans, Bellini meurt en 1833, qui est aussi l’année de création de son dernier opéra, Les Puritains. Laissant par là même, la voie à son rival, Donizetti qui crée alors son chef-d’oeuvre romantique, Lucia di Lammermoor. L’auteur compose les Puritains pour un quatuor vocal exceptionnel, haussé vers l’aigu, en particulier pour la soprano et le ténor. Ce qui explique la difficulté de distribuer aujourd’hui une oeuvre vocalement acrobatique. L’art de Bellini, maître de la ligne et de l’arabesque mélodique, en cela admiré par Chopin, comprend au coeur de son « système » compositionnel, la séquence cavatine/cabalette, où pour reprendre les mots d’Ingres, peu enclin à apprécier ce type d’opéra, « même je meurs, se dit en roucoulant« . La virtuosité de Bellini a laissé une oeuvre riche malgré sa fin prématurée, d’une exceptionnelle continuité, que d’aucun a taxé de répétitions assommantes, et de longueurs éprouvantes pour le spectateur. Certes, les livrets n’ont pas l’efficacité des meilleurs ouvrages du XIX ème siècle, mais même les textes de Verdi souffrent parfois par une étonnante confusion (« complexité », diront les admirateurs. Voyez par exemple, l’intrigue « complexe » s’il en est, de Simon Boccanegra, dont l’action s’étale sur plus de 25 ans…).

D’après le roman de Walter Scott (Les Puritains d’Ecosse), et aussi du texte de Saintine et d’Ancelot (Têtes rondes et cavaliers, 1833), l’opéra bellinien se déroule en Écosse au XVII ème siècle, pendant la guerre civile anglaise opposant puritains et partisans des Stuarts.
Selon la trame classique du bel canto, deux coeurs épris (Elvira/Talbo), contrariés au début (leurs familles sont rivales), convoleront in fine, grâce à l’entremise du victorieux Cromwell. Avant de se retrouver, scène de folie (qui dévoile la fragilité psychique de l’héroïne), rebondissements cycliques, s’enchaînent. Souvent le chant supplante en intimité douloureuse, en invention mélodique, l’écriture orchestrale pourtant raffinée.

Vincenzo Bellini (1801-1835)
I Puritani

Opera seria en trois actes
Libretto di Carlo Pepoli
Créé au Théâtre-Italien, Paris,
Le 24 janvier 1835

Maurizio Benini, direction
Avec Sumi Jo (Elvira)

Illustration

John Williams Waterhouse, jeune femme (DR)

Arrigo Boito, Mefistofele (1868). Liège, Opéra Royal de Wallonie. Du 15 au 23 juin 2007

0

Arrigo Boito
Mefistofele
, 1868
Liège, Opéra Royal de Wallonie
Du 15 au 23 juin 2007
Nouvelle production

L’Opéra Royal pousuit son cycle lyrique d’après le mythe du Faust de Goethe. Après l’opéra éponyme de Gounod, présenté en 2006/2007, Mefistofele d’Arrigo Boito traverse le temps et l’espace, le ciel et l’enfer, de l’Allemagne renaissante, à la Grèce antique. C’est moins une intrigue amoureuse classique, -canevas emprunté sur les traces de Goethe par Berlioz et Gounod-, qu’une fresque dramatique et musicale, sur le devenir de l’homme, sa quête de sagesse et de vérité. Célèbre librettiste du dernier Verdi (pour Otello et Falstaff), Boito échafaude en une écriture somptueuse (orchestre symphonique sollicité continûment, choeurs impétueux et oniriques), une action symboliste et spirituelle à la hauteur du mythe littéraire. Librettiste et compositeur, Boito s’affirme dans son opéra majeur, tel un poète, à la fois, imaginatif, inquiet, halluciné. Le musicien a offert dans le rôle-titre, un superbe emploi pour voix de basse, rôle tenu à Liège par Paata Burchuladze.
La création suscita un scandale sans précédent et l’agitation d’un public conflictuel. Les autorités napolitaines durent interdire les représentations après le troisième soir de spectacle. Le modernisme wagnérien de l’écriture choqua une bonne partie de l’audience. Une modernité qui nous paraît bien peu séditieuse aujourd’hui, mais il est vrai, totalement opposée au style conventionnel et sentimental, parfois saint-sulpicien du Faust de Gounod.

Arrigo Boito (1842-1918)
Mefistofele (Méphistophélès),
opéra en quatre actes, un prologue et un épilogue
Livret du compositeur d’après le Faust de Goethe
Créé au Théâtre de la Scala de Milan
le 5 mars 1868

Nouvelle production Opéra Royal de Wallonie
Orchestre, Chœurs et Maîtrise de l’Opéra Royal de Wallonie
Patrick Davin, direction
Jean-Louis Grinda, mise en scène
Avec: Margherita (Barbara Haveman), Elena Tiziana Cararro, Marta / Pantali (Christine Solhosse), Mefistofele (Paata Burchuladze), Faust (Antonello Palombi),
Wagner (Guy Gabelle).

Illustration
Eugène Delacroix, La barque de Dante (Paris, musée du Louvre)

Approfondir
Lire notre dossier Mefistofele d’Arrigo Boito

Bruxelles. Théâtre royal de la Monnaie, le 20 avril 2007. Récital Dorothea Röschmann

0

Révélée en 1995 au Festival de Salzburg, Dorothea Röschman compte à son actif une succession de rôles dans les opéras de Mozart. Elle incarna Susanna dans les Nozze di Figaro sous la direction de Nikolaus Harnoncourt ainsi que Pamina (la Flûte enchantée), Ilia (Idomeneo), Vitellia (La Clemenza di Tito). Elle ne se limite certainement pas à Mozart et joua Nanetta dans Falstaff sous la direction d’Abbado ou le rôle-titre dans Griselda de Scarlatti.
Une soprano mozartienne par essence que nous retrouvons dans un répertoire romantique composé d’oeuvres de Beethoven, Brahms, Schumann, Wolf et De Falla accompagnée par Graham Johnson.

C’est d’une façon réservée et sans excès qu’elle aborde cette première partie dédiée à la mise en musique de Beethoven des poèmes de Goethe ainsi que le célèbre cycle de Schumann : Frauenliebe und Leben. Constante tout au long de la soirée, son timbre rond et ses graves puissants ne lui firent jamais défaut et c’est dans l’aboutissement du cycle de Schumann avec « Nun hast du mir der ersten Schmerz getan » que Dorothea Röschmann se révèle au public.

Il faudra attendre Wolf et De Falla pour assister à un réel embrasement de l’interprète, avec « Was soll der Zorn, mijn Schatz, der dich erhitzt ? » d’Hugo Wolf ou les Siete Canciones populares Españolas de Manuel De Falla, pour ressentir toute la passion ibérique exprimée.

Accompagnée par Graham Jonhson, ce pianiste discret et synthétiste affûte les articulations de son accompagnement mais n’apporte pas de réel soutien à l’épanouissement de la soprano ni ne contribue à la matérialisation des moments les plus intenses et dramatiques esquissés par Dorothea Röschmann.

Malgré ce flegme britannique et cette légère retenue, il se révèle un accompagnateur précieux et toujours attentif au confort de sa partenaire. Tout au long de la soirée, le pianiste soigne sa propre sonorité. Mais en veillant à ne jamais écraser la chanteuse, il pousse son accompagnement parfois à la limite de l’effacement.

Bruxelles. Théâtre royal de la Monnaie, le 20 avril 2007. Ludwig von Beethoven (1770-1827):Die Trommel gerühret, op. 84 nr. 1 (‘Egmont’, op. 84), Freudvoll und Leidvoll, op. 84 nr. 4 (‘Egmont’), Mignon (‘Sechs Lieder’, op. 75 nr. 1) ‘Kennst du dass Land’, Wonne der Wehmut, op. 83 nr. 1 (‘Drei Lieder’, op. 83), Aus Goethes Faust, op. 75 nr. 3 (‘Sechs Lieder’, op. 75).Robert Schumann (1810-1856): Frauenliebe und -leben, op. 42.Johannes Brahms (1833-1897):Unbewegte laue Luft, op. 57 nr. 8 (‘Acht Lieder und Gesänge’, op. 57), Sapphische Ode, op. 94 nr. 4 (‘Fünf Lieder’, op. 94),  Therese, op. 86 nr. 1 (‘Sechs Lieder’, op. 86), Von waldbekräntzter Höhe, op. 57 nr. 1 (‘Acht Lieder und Gesänge’, op. 57).Hugo Wolf (1860-1903):Extraits de« Italienisches Liederbuch ». Manuel de Falla (1876-1946): Siete Canciones populares Españolas. Dorothea Röschmann, soprano. Graham Johnson, piano

Crédit photographique
Dorothea Röschmann (DR)

Musique en ligne. Beethoven/Stravinsky Pinkas Zukerman (violon), New York Philharmonic/Zubin Mehta (DG concerts)

New York Philharmonic
Saison 2006/2007 (2)
Zubin Mehta, direction

Ludwig van Beethoven
Concerto pour violon opus 61
Pinchas Zukerman, violon

Igor Stravinsky
Le sacre du Printemps,
version révisée de 1947
L’Adoration de la Terre
Le sacrifice

Enregistrement live
de l’Avery Fischer Hall, New York

Suite de la série de concerts live des grands orchestres d’Outre-Atlantique, ici, volume 2, de la saison 2006/2007, du « New York Philharmonic », non pas dirigé par son chef attitré, Lorin Maazel, mais par Zubin Mehta.
Le premier volume de cette série (saison 2006/2007 du NYP) offrait un très beau programme Chostakovitch par un Maazel, hédoniste et stylé. Contrairement à Mehta, et presque en opposition avec le volume de l’orchestre, pudeur, sérénité, élégance de Pinkas Zukerman captivent de bout en bout. Le violoniste fait entendre une ligne stable, égale de registres, ciselée avec finesse et tendresse, un art évident des nuances, des phrasés et du murmure élégiaque. L’orchestre paraît souvent asséner et marteler plus qu’il ne se met au diapason d’un violon à l’angélisme arachnéen dont fluidité et plénitude rappellent souvent la distanciation tranquille et solaire de David Oïstrakh.
Dans les tableaux du Sacre, on passe à un tout autre climat: divine cacophonie primitive des instruments soudainement libérés du carcan qui leur était imposé dans le Beethoven. Toute l’Adoration de la Terre met en avant une impeccable mise en place, des attaques mordantes, tranchantes mêmes, une agitation rythmique très en phase avec l’esprit de transe qui doit saisir toutes les sections de l’orchestre. En cela, les musiciens du Philharmonique de New York montrent leur maîtrise. Pourtant la direction de Mehta à force d’analyse s’enlise quelque peu et perd son fil dans une mosaïque d’épisodes magnifiquement brossés. L’éloquente furià des instruments entonne une danse orgiaque, une bacchanale qui semble parfois faire un sur-place répétitif. La somptueuse texture de l’Orchestre reste délectable. D’autant que la prise de son est superbe. Une vision hédoniste et plastique qui aurait oublié son essence dramatique et chorégraphique. En dépit d’une direction assez schématique, la vision de Pinckerman, sa musicalité infaillible, puis le concert ciselé des instrumentistes enlèvent nos réserves. Cette nouvelle captation mérite amplement d’être écoutée.

Disponible le 8 mai 2007 sur votre plateforme de téléchargement habituelle.
Comme tous les titres du catalogue digital « DG et DECCA concerts », ce programme n’est accessible qu’en téléchargement.

Approfondir
Lire notre présentation des nouveautés DG Concerts et Decca Concerts de février 2007

Claire-Marie Le Guay, pianoEntretien

0

Regards croisés

Haydn/Mozart: deux figures majeures de la Vienne de la fin du XVIII ème siècle. Leur contemporanéité interroge les mélomanes, défie les interprètes. Plus amis et confidents l’un pour l’autre que rivaux, et même unis par une estime autant qu’une tendresse quasi filiale, les deux hommes dans le cadre de l’esthétique classique, aux formes établies (sonate), illustrent la diversité et l’éclat de deux sensibilités. L’idée de les « comparer » ou plutôt de les faire dialoguer, était mise à l’honneur lors d’une Folle Journée à Nantes qui fut couronnée par un grand succès populaire. Victoire de la Musique en 1998, la pianiste Claire-Marie Le Guay aborde pour sa part, en un regard croisé, leur oeuvre pianistique. Après un premier album paru chez Accord, intitulé « De l’aurore au zénith », l’interprète renouvelle un programme alterné, sur le thème de l' »Ut Mineur ou la couleur du drame » à paraître également chez Accord, programme que Claire-Marie Le Guay donnera en concert à Vincennes, le 11 mai 2007. Bilan sur l’avancée de son travail entre Mozart et Haydn: nuances et contrastes dans le déroulement des Sonates, esprit libre, proche de l’improvisation de la Fantaisie… Entretien.

Pour vous, la tonalité est évidemment associée à un climat psychologique particulier. S’agit-il du même type d’émotion chez Haydn et chez Mozart? Y-a-t-il une différence entre eux qui s’est confirmée dans votre deuxième album?
La notion de drame leur est commune. Chacun ensuite écrit selon son tempérament et sa personnalité. Tout cela s’exprime différemment en termes de phrasés, de ruptures de dynamiques ou d’articulations. Mais il y a une proximité évidente. Prenez par exemple ce rapprochement que nous avons mis en avant dans l’album: la Fantaisie en Ut mineur de Mozart, enchaînée au premier mouvement de la Sonate n°58 de Haydn qui est très « fantaisique ».
Si l’on devait distinguer cependant quelques différences, il apparaît évident que Mozart est très lié à l’opéra. Il écrit en pensant à la voix mais aussi en échafaudant une dramaturgie. Ses partitions ont un caractère scénique, de nombreuses phrases semblent exprimer la psychologie de personnages. Haydn serait de son côté, plus instrumental.

Vous présentez deux oeuvres de Mozart qui sont très proches en dates: 1784/1785. Traduisent-elles les mêmes états d’âme?

Il n’y pas de rupture fondamentale entre elles. Leur forme respective, -« sonate » pour la première, « fantaisie » pour la seconde-, les différencient. Prenons la Sonate. Dans l’adagio (longuement développé, près de huit minutes), le temps semble ne plus compter. Mais le compositeur construit l’architecture de l’ensemble de l’oeuvre dans le cadre de la forme « sonate ». Le cas de la Fantaisie est tout à fait différent: il s’agit d’une partition libre où le musicien peut développer à l’envi, sans notion de développement construit (exposition, développement, réexposition), la palette de ses humeurs et de ses sentiments. La Fantaisie offre ainsi une écriture proche de l’improvisation. Mozart rentre dès son début (sombre et grave) dans le vif du sujet. Il y inscrit beaucoup de tension et de tendresse, de la colère aussi. L’échelle des climats est très contrastée, et leur transition, souvent surprenantes.

Justement, à propos des contrastes et des enchaînements de climats, en quoi ce deuxième album diffère-t-il de votre premier?
Le programme de l’album et le choix des sonates m’ont conduit à réfléchir sur les notions de contrastes et d’opposition. En particulier sur les nuances « piano » et « forte ». Comment jouer un piano, s’agit-il d’un « piano » dolce (doux, chanté) ou timbré, profond…? Comment amener un piano? En le « préparant » avec un diminuendo… ou bien encore, préfigurer la manière de Beethoven qui aime rompre et souligner l’effet des contrastes? Les réponses sont multiples. De ce point de vue, je pense que ce nouvel album se distingue du premier par le sens des contrastes et chaque option de nuances que j’ai choisies de suivre.

Quel pianiste actuel admirez-vous particulièrement?
Daniel Barenboim

Avec quels chefs d’orchestre aimeriez-vous jouer ou rejouer?
Daniel Barenboim, et Louis Langrée

Pourquoi?
Parce qu’ayant eu la chance et le privilège de jouer avec eux, j’espère pourvoir revivre l’expérience unique qui est née de leur grande culture musicale, de leur direction, de leur écoute.

Quelle serait la partition que vous emporteriez sur l’île déserte?

Celle que je ne peux pas encore jouer par coeur: les Préludes et Fugues de Jean-Sébastien Bach.

Propos recueillis par Alexandre Pham

Nouveau cd

Claire-Marie Le Guay: Haydn-Mozart, oeuvres pour piano (2),
« Ut
mineur, ou la couleur du drame »
(1 cd Accord).
Sonates et fantiasie de Haydn et Mozart
Claire-Marie Le Guay, piano (Steinway)
Parution: le 23 avril
2007

Déjà paru: Haydn/Mozart par Claire-Marie Le Guay (chez
Accord): Claire-Marie Le Guay: Haydn-Mozart, oeuvres pour piano
(1), « De l’aurore au zénith »
(1 cd Accord)

4 dates clé
de la carrière de Claire-Marie Le Guay

1998
Victoire de la Musique « Révélation »

2000
Concerts au Carnegie Hall à New York et au Symphony Center à Chicago sous la direction de Daniel Barenboim

2005
Enregistrement des Concertos de Ravel sous la direction de Louis Langrée, et concert avec Le London Philharmonic Orchestra à Londres

2007
Concerts à la Tonhalle à Zurich, Victoria Hall à Genève, Palais des Beaux Arts à Bruxelles sous la direction d’Emmanuel Krivine

Concert

Le 11 Mai 2007 à Vincennes, Auditorium coeur de ville
Claire-Marie Le Guay jouera le programme de son nouvel album « Ut mineur ou la couleur du drame« .

Agenda d’été

6 au 10 Juin 2007: Hambacher Musikfest avec le Quatuor Mandelring (Allemagne)
19 Juin 2007: Cathédrale d’Angers avec Thierry Escaich
11 Juillet 2007: Festival de Colmar avec François Salque
19 Juillet 2007: Festival de St Robert récital
28 Juillet 2007: Festival de Schelswig Holstein (Allemagne)
11 Aout 2007 Festival de La Roque d’Anthéron récital

Festival de Chamagny en Vanoise
Claire-Marie Le Guay est la directrice artistique du Festival de Chamagny en Vanoise qui a lieu chaque année, entre Noël et le Jour de l’An. 3ème édition: 27 décembre 2007 et 3 janvier 2008.

A télécharger

Tous les cd de Claire-Marie Le Guay, parus chez Accord, sont disponibles en téléchargement à partir du 24 avril 2007

Haydn-Mozart, « De l’aurore au zénith » (1)
Réf. 476 9154

Liszt, Concertos et Légendes
Orchestre Philharmonique de Liège,
Louis Langrée, direction
Réf. 472 7282

Ravel/Schuloff, Concertos
Orchestre Philharmonique de Liège,
Louis Langrée, direction
Réf. 476 8043

Dutilleux/Bartok/Carter, Sonates
Réf. 465 7722

Liszt, 12 études d’Exécution transcendantes
Réf. 461 8202

Ravel/Stravinsky, Daphnis et Petrouchka
Réf. 461 9462

Schuman, Kreisleriana et Carnaval
Réf. 461 8212

Thierry Escaich, oeuvre pour orchestre
Réf. 472 2162

Thierry Escaich, Chorus, musique de chambre
Réf. 476 1282

Thierry Escaich, Confluence
Récital orgue et piano
Réf. 476 0967

Approfondir
Visitez le site de Claire-Marie Le Guay

Praxitèle: musicalité d’un scultpeur grec antiqueExposition. Paris, Musée du Louvre. Jusqu’au 18 juin 2007

0

Exposition Praxitèle

(Jusqu’au 18 juin 2007)

Un maître de la sculpture grecque du IV ème siècle avant J.-C., s’expose au Louvre: Praxitèle. Les expositions monographiques de sculpture antique sont rares. Déplacer des tonnes de marbre de surcroît d’une fragilité de surface exceptionnelle ne rend pas les choses aisées. Pouvoir admirer à l’envi, l’ensemble des types morphologiques aujourd’hui attribuables au « courant praxitélisant », est un événement. En regroupant plusieurs chefs-d’oeuvre de provenance internationale, l’exposition Praxitèle du Louvre est incontournable.

1. Musicalité
d’un sculpteur énigmatique


A défaut de connaître précisément l’homme, le travail du sculpteur est plus explicite. Souligner combien l’art de Praxitèle est musical est un regard juste qui rend hommage à son sens des proportions et de l’équilibre, fluide et juvénil. C’est aussi pourquoi nous aimons parler de cet événement culturel sur classiquenews.com car nous souhaitons aussi établir des passerelles entre les arts.
Praxitèle, entre Polyclète (V ème siècle avant J.-C.) et Lysippe (III ème siècle avant J.-C.), incarne le plus haut degré de la perfection esthétique grecque. Ses nus masculins et féminins portent jusqu’à un point inégalé, l’expression de la distinction, de l’élégance, de l’équilibre. Justement, l’équilibre est au coeur de sa recherche plastique. Equilibre entre le jeu des lignes, des courbes et des contre-courbes, entre le dynamisme compensé des jambes et des bras, entre la ligne du torse et le mouvement spécifique du visage. En définitive, son oeuvre sculptée a toute sa place sur classiquenews.com car son style est fondamentalement musical.
Le repli ou l’ouverture, l’intériorité ou l’allant, le repos ou la tension: tout est chez Praxitèle, accent puis relâche, expression et détente. Au bras replié correspond la liberté relâchée de la jambe, à l’inclinaison de la tête, la droite étirée des épaules, à la torsion flexible du bassin, le cartésianisme du buste, au déhanchement du bassin, la ligne droite du visage… Aucune figure créée n’échappe à cette imperceptible symphonie dynamique.

Le sculpteur a observé, avant Michel-Ange, la cartographie des muscles, la charpente invisible de l’ossature interne, l’enveloppe charnelle, sa gracilité palpitante… Mais contrairement à son successeur de la Renaissance italienne, le maître grec qui oeuvra essentiellement au IV ème siècle avant JC (il est né vers 400 avant JC), caresse les formes, souligne leur rondeur, réalise une partition qui ignore l’angle pointu, l’expression outrée, la frontalité rigoureuse.
Praxitèle préfère l’intériorité et la courbe, la finesse gracile des corps plutôt que leur vigoureuse musculature. Souplesse, grâce, modelé: ses statues ont visiblement inspiré Raphaël et Léonard. On l’a dit plus féminin que masculin. L’identité reste une question bien subjective. Disons plutôt que Praxitèle a créé un équilibre étonnamment réussi entre la virilité et la féminité. Ces réalisations, en particulier ses visages sont la fusion des deux et parfois d’une androgynie aussi délectable que troublante.
En plus d’être musical, la science de ses formes est aussi picturale. Un érotisme sous-jacent tendant l’arc de chaque partie, insinue ici la perfection et l’équilibre des attitudes. Il est un maître de l’ambiguïté et du suggestif. Nous avons parcouru les salles de l’exposition sise sous la pyramide du Louvre. Petite visite guidée.

2. Equilibre des formes

Praxitèle a créé les plus beaux nus, masculins et féminins, de la sculpture grecque. De nombreux types nous enchantent encore aujourd’hui comme ils fascinèrent les collectionneurs et amateurs des siècles passés, dont Louis XIV, heureux propriétaire de la célèbre Vénus d’Arles, restaurée par son sculpteur favori, Girardon. Vénus et Eros, Mercure et Apollon, satyres au repos ou verseur: Praxitèle rédéfinit le canon de la beauté. Beauté divine ou beauté humaine. C’est pourtant parce qu’ils sont des individus que ces corps nous paraissent aussi divins. En plus d’être parfaits de corps et de proportions, ces êtres sculptés paraissent vivants, comme doués, nous le verrons plus loin, d’un sentiment, d’une âme, un supplément d’individualité. Avant Leonard, Praxitèle a même esquissé un sourire! Quoi de plus divinement humain!

3. Phryné
Eut-il réellement une liaison avec la courtisane Phryné? La plus belle femme du monde grec aurait ainsi inspiré l’Aphrodite de Cnide, idéal inégalé du corps féminin, dans sa nudité révélée, assumée, plus triomphante que pudique. La figure de la maîtresse de Praxitèle inspire au XIX ème siècle bon nombre de… peintres et de sculpteurs, dont Gérôme et Pradier dont pour chacun, une oeuvre maîtresse est exposée. Confrontations fécondes dans la persistance des mythes et figures légendaires: voici d’autres aspects de l’exposition qui en faisant dialoguer les disciplines, captivent le regard du spectateur.
Gérôme en 1861 réinvente le dévoilement de la nudité éblouissante de la jeune femme devant l’Aréopage (Musée de Hambourg), quand Pradier en 1845, imaginait à sa mesure, le beau corps juvénil et gracile qui semble hésiter entre se vêtir ou se dévêtir, ajoutant ainsi à son dynamisme continu (Musée de Grenoble).
Que penser aujourd’hui de la relation entre Praxitèle et Phryné? La légende de leur relation pourrait être une pure fiction mais qu’on le veuille ou non, c’est bien une femme réelle qui a inspiré la symphonie des formes divines que l’on honore, et jusqu’aux visages: Praxitèle n’a pas seulement créer des corps idéaux, il a aussi permis l’émergence du sentiment.

4. Expression ou sentiment?
Si Polyclète avant Praxitèle, fixe une morphologie athlétique désormais canonique (Dyadumène), dont l’un des apports est ce fameux chiasme (correspondance croisée que maîtrise parfaitement Praxitèle après lui), le compagnon supposé de la belle Phryné émerveille aussi par le travail des visages. Pas des types mais, comme nous l’avons dit, des individus. Ses divinités, satyres (verseur ou au repos), ses génies funéraires, ses éros, nous touchent car sous le masque de pierre se dévoile l’inclinaison d’une pensée affleurante, un humanisme intérieur, parfois mélancolique, toujours intense. Ses Aphrodite, ses éros et ses Apollons sont des femmes, de jeunes garçons, des hommes: le portrait de grecs ayant existé, dont il fut contemporain. Outre leurs superbes proportions, les corps de Praxitèle captivent par leur humanité. La tête dite « Aberdeen », (Hercule jeune?) conservée au British museum de Londres, (l’une des révélations de l’exposition parisienne à notre avis) indique un sculpteur certes épris d’idéal et de souverain équilibre, mais l’inclinaison de la tête, le renfort sourcilier, le creusement des orbites oculaires, le frémissement des chairs annoncent l’expressivité d’un Scopas, l’acuité palpitante de Lysippe, déjà la vibration de l’art hellénistique, ce courant des émotions exacerbées dont se nourrira à ses débuts, le portrait romain. Aux côtés du visage du satyre au repos dont le sourire serait un prototype fécondant l’imaginaire d’un Leonardo da Vinci et plus tard des scultpeurs gothiques français (L’ange de la Cathédrale de Reims), la tête Aberdeen indique un sentiment plus sombre, tragique, si humain.

5. Apollon Lyricine

L’exposition du Louvre a le mérite d’offrir une large galerie de versions en marbre. A ce titre l’Apollon citharède en provenance du Musée des Offices de Florence est fascinant. La restauration remonte aux dernières années de la Renaissance florentine, vers 1586. Giovanni Caccini en a réalisé les options particulièrement éloquentes quant aux valeurs esthétiques prébaroques de l’heure. Frère de Giulio Caccini, le célèbre musicien, chanteur et compositeur, fondateur de l’esthétique théâtrale du baroque naissant à Florence, Giovanni s’intéresse au mythe central d’Apollon dont il souligne l’aspect musicien. Plectre dans la main gauche, lyre sur un piédestal orné d’un griffon mythologique, Apollon, père d’Orphée, occupe dans le panthéon culturel des artistes, musiciens et sculpteurs, une place essentielle. Malgré les réserves que notre goût moderne fait naître quant à la relecture très maniériste du sculpteur florentin sur un « original praxitélisant » (précisément, Caccini réutilise un buste qui est du type de l’Apollon Saurochtone de Praxitèle), il reste exceptionnel qu’un musée européen ait conservé un exemple intact de restauration Renaissance d’un marbre antique. Avec marbres de couleur, de surcroît. Voici donc une autre révélation de l’exposition du Louvre.

6. Rythme, danse, musique: l’extase du satyre

En extase ou en transe, convulsé, à la cambrure dynamique, pareil au héros du Prélude à l’Après midi d’un faune de Debussy, le satyre de Mazara del Vallo (émergé au large des eaux entre Sicile et Tunisie en 1997) nous rappelle la vocation première de la sculpture: exprimer l’énergie musicale et chorégraphique du corps. Tête renversée, chevelure défaite, déployée, l’admirable corps dansant se convulse en une courbe parfaitement observée. C’est Pan ou l’un de ses satyres (oreilles pointues) qui danse jusqu’à la transe et de façon extatique, la sikinnis ou le strobilos, deux pas de danse hallucinés. L’oeuvre est techniquement exceptionnelle, coulée à la cire perdue, donc unique, un chef-d’oeuvre inconnu, récemment révélé, dont d’autres fragments pourraient reposer encore à quelques 500 m de profondeurs dans les eaux internationales. La sensibilité et la plénitude des muscles affleurant à l’épiderme de bronze penchent vers une attribution à Praxitèle, mais il pourrait aussi s’agir d’une oeuvre postérieure au IV ème siècle, peut-être de l’époque impériale (donc romaine) où l’on aima reproduire les types grecs classiques, polyclétéens et aussi praxitéliens… tracasseries de spécialistes. Il n’empêche que le bronze monumental nous impose son eurythmie indiscutable. Ses courbes et ses contrecourbes en réponse, sont l’esprit même de la danse. De nouvelles découvertes lèveront certainement le voile de sa juste origine et de son attribution, comme de l’identité des maîtres fondeurs, ciseleurs qui l’ont créée. L’oeuvre est conservée en Sicile. Il s’agit d’une occasion exceptionnelle de l’admirer à Paris. Jusqu’au 18 juin 2007.

Exposition Praxitèle. Paris, Musée du Louvre. 23 mars au 18 juin 2007. Catalogue, 457 pages, 39 euros.

Illustrations

Eros de centocelle dit l’Amour de Praxitèle (Rome, Musée du Vatican)
Relief: décor de base. Muse cytharède (Athènes, © Musée national d’Archéologie)
Buste féminin (Phryné? Arles, musée de l’Arles et de la Provence antique)
Gérôme, Phryné devant l’Aréopage (Hambourg, Kunsthalle)
Tête Aberdeen (Hercule jeune? Londres, British Musuem)
Apollon lyricine (d’après le buste de l’Apollon Saurochtone, restauration de Giovanni Caccini. Florence, Offices)
Satyre de Mazara del Vallo (Bronze monumental, découvert en 1997)
Visuel de la Homepage: Tête Kaufmann, copie romaine? (Paris, musée du Louvre)

Bruxelles. Conservatoire Royal, les 13 et 14 avril 2007Tabea Zimmermann et le Quatuor Arcanto en résidence

Mini-résidence vivifiante au Conservatoire Royal de Bruxelles les 12, 13 et 14 avril 2007, autour de la rayonnante altiste allemande Tabea Zimmermann et de ses non moins éblouissants complices, avec lesquels elle forme le tout jeune Arcanto Quartett. Tous les quatre musiciens de premier plan, Antje Weithaas (premier violon), Daniel Sepec (deuxième violon), Tabea Zimmermann (alto) et Jean-Guihen Queyras (violoncelle), présentèrent, au cours des deux soirées auxquelles nous avons assisté, un véritable condensé de la musique de chambre, nous faisant parcourir avec enthousiasme et conviction les formes, les climats et les époques, déambulant du classicisme mozartien (le Trio « Kegelstatt » et le Quintette à cordes K. 516) à la fébrilité contemporaine de George Benjamin (Viola, viola, pour deux altos, interprété par Tabea Zimmermann et son disciple Antoine Tamestit, récemment récompensé aux Victoires de la musique classique 2007 comme soliste instrumental de l’année).

Le Trio « Kegelstatt » est élégant, raffiné, empreint dans la clarinette de Chen Halevi, d’un voile mystérieux et prémonitoire, annonciateur de la lumineuse douceur du Quintette et surtout du Concerto pour clarinette de Wolfgang.

Carmen à l’alto, Florestan au violoncelle
N’hésitant pas à aborder des répertoires peu pratiqués (Hindemith, dont la musique de chambre est souvent injustement ignorée des salles de concerts), le programme fait tout naturellement la part belle à l’alto d’une Tabea Zimmermann aux multiples personnalités, qui se transmue, dans le pittoresque sextuor Escena Andaluza de Joaquin Turina, en une fascinante Carmen de l’archet, tour à tour flamboyante, sensuelle, langoureuse.
Vitalité, fraîcheur et équilibre marquent les ombres et lumières du Quatuor à cordes de Ravel. Le deuxième mouvement (Assez vif, très rythmé) révèle la beauté sonore pure et limpide de quatre archets à l’unisson qui, proches de la perfection, atteindront l’état de grâce dans le mouvement Très lent. Le violon d’Antje Weithaas, à la fois racé et gracieux, parfois impétueux, mérite une mention particulière (thème principal de l’Allegro moderato introductif), mais il serait injuste de ne pas saluer aussi le talent de Daniel Sepec et l’ample violoncelle de Jean-Guihen Queyras, concentré, maîtrisé et par ailleurs presqu’entièrement dépourvu de vibrato, modulant d’admirables sonorités, sombres et profondes.
Avec le Quatuor pour piano de Schumann, c’est un autre témoignage de raffinement et de spontanéité qu’offre le Quatuor Arcanto, rejoint par la pianiste Silke Avenhaus, modèle de subtilité et de finesse. Florestan au violoncelle, Jean-Guihen Queyras donne le ton dans le Scherzo ensorcelant puis dans l’admirable cantilène de l’Andante. Deux concerts emplis de plénitude, applaudis avec chaleur par un public électrisé.

Approfondir
Lire notre présentation de la Résidence de Tabea Zimmermann et du Quatuor Arcanto au Conservatoire de Bruxelles

Bruxelles. Conservatoire Royal, les 13 et 14 avril 2007. Paul Hindemith (1895-1963): Quatuor à cordes n° 5 Op. 32, Sonate pour alto et piano Op. 11/4. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791): Trio pour piano, clarinette et alto « Kegelstatt » K. 498, Quintette à cordes K. 516. George Benjamin (né en 1960): Viola, viola, pour deux altos. Robert Schumann (1810-1856): Quatuor pour piano et cordes Op. 47. Maurice Ravel (1875-1937): Quatuor à cordes. Joaquin Turina (1882-1949): Escena Andaluza, pour alto, piano et quatuor à cordes. Arcanto Quartett, Tabea Zimmermann, alto. Silke Avenhaus, piano. Antoine Tamestit, alto. Chen Halevi, clarinette.

Crédit photographique
Le Quatuor Arcanto (DR/Christoph Fein)

Concours Musical International de Montréal 2007 :

0

Concours Musical International de Montréal 2007

Pour la 6 ème édition du CMIM, et pendant 10 jours, Montréal concentre les jeunes talents du chant international. Du 22 mai au 1er juin 2007, le CMIM met le chant à l’honneur en suscitant l’émulation des jeunes chanteurs les plus prometteurs. Le chant est en effet la discipline du Concours 2007. Il en avait été de même lors des deux éditions précédentes, en 2002 puis 2005.
De par le profil des membres du jury, la dotation globale du Concours (près 100 000 dollars de récompenses et de prix seront remis), la mise à disposition au bénéfice des candidats et des lauréats d’un réseau de diffusion internationale, -dans le cadre de son partenariat avec Radio Canada, le CMIM diffuse les concerts sélectifs sur les ondes d’Espace Musique-, le Concours Musical International de Montréal est devenu l’un des fleurons des Concours Internationaux, soucieux de discerner et révéler les grands interprètes de demain.
En outre, le Concours en invitant à assister aux séances éliminatoires, directeurs de salles et de maisons d’opéra, offre un tremplin privilégié, et la perspective de placements encourageants.
Créé en 2002, par les Jeunesses Musicales du Canada, le CMIM offre aux
jeunes interprètes, chanteurs, violonistes et pianistes, les plus
méritants l’occasion de faire valoir leur personnalité et leur talent.
Le Concours comprend trois épreuves de sélection : préliminaire
(d’après un enregistrement sonore), demi-finale et finale. Il comporte
par ailleurs trois disciplines, soit le chant, le violon et le piano.
Se succédant tour à tour, chacune de ces disciplines est au programme
en alternance sur un cycle de quatre ans, le chant revenant aux deux
ans.

L’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal, partenaire du Concours
En mars 2007, André Bourbeau, Président du CMIM annonçait la collaboration pour l’édition Chant 2007 de l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal.
Dirigé par Daniel Lipton, l’Orchestre accompagnera les douze chanteurs sélectionnés pour la dernière épreuve, qui aura lieu les 28, 29 et 30 mai 2007, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. L’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal jouera également lors du Concert de Gala réunissant les lauréats Chant 2007, le vendredi 1er juin à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Lire notre critique du a href=/ecouter/lire_chronique_cd.aspx?id=367 target=_blank cd de l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal (dirigé par son directeur musical, Yannick Nézet-Séguin, 1 cd Atma 2004)

Sélection Chant 2007
Quelle la composition des candidatures en 2007? Au terme des 194 auditions, totalisant 33 nationalités, le Comité préliminaires et les 2 jurys préliminaires ont sélectionné 35 candidats provenant de 11 pays différents. Au sein des chanteurs appelés à concourir, le Canada rassemble la plus forte participation (15 candidats), suivi par les Etats-Unis (6 candidats) et la Corée du Sud (5 candidats). Paraissent ensuite le Japon (2 candidats) puis 7 autres nationalités, chacune représenté par un candidat: Allemagne, Belgique, Chine, Espagne, Irlande, Russie et Suisse.
Sur le plan des voix, pas moins de 17 sopranos, catégorie majoritaire, rivaliseront, aux côtés de 8 barytons, 5 ténors, 4 mezzo-sopranos et 1 basse.
Au total, se seront 21 jeunes femmes et 14 jeunes hommes qui se présenteront au Jury et devant le public.

Calendrier
DEMI-FINALE

Le mercredi 23 mai
14 h à 17 h
19 h 30 à 22 h

Le jeudi 24 mai
14 h à 17 h
19 h 30 à 22 h

Le vendredi 25 mai
14 h à 17 h
19 h 30 à 22 h

Le samedi 26 mai
14 h à 17 h
19 h 30 à 22 h

10 $ et 5 $ (étudiant)

Passeport demi-finale, incluant les 8 demi-finales et le programme officiel du Concours
60 $ et 30 $ (étudiant)

a href=http://www.centrepierrepeladeau.com/Billetterie/Billetterie.html target=_blank Centre Pierre-Péladeau
300, boul. de Maisonneuve Est
Montréal (Québec) H2X 3X6
Réservations : 514-987-6919

CLASSES DE MAÎTRE

Le dimanche 27 mai

14 h Sherrill Milnes, baryton
19 h Dalton Baldwin, pianiste

Entrée libre

Salle Claude-Champagne, Faculté de musique de l’Université de Montréal
220, avenue Vincent-d’Indy
Montréal (Québec)

FINALE

Le lundi 28 mai à 19 h 30
Le mardi 29 mai à 19 h 30
Le mercredi 30 mai à 19 h 30

Avec l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal
Daniel Lipton, chef

5 $, 18 $ et 30 $ (redevances et taxes incluses)

a href=https://billetterie.pda.qc.ca/ target=_blank Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
175, rue Sainte-Catherine Ouest
Montréal (Québec)
Réservations : 514.842.2112 – 1 866 842.2112 – www.pda.qc.ca

Approfondir
Tous les détails sur le site officiel du Concours www.concoursmontreal.ca
ou au 514.845.4108 ou encore www.orchestremetropolitain.com

a href=http://www.jeunessesmusicales.com/fr/concours/Chant2002/main.asp target=_blankChant 2002
Lauréate: Measha Brueggergosman, soprano (Canada): Premier prix, Prix du public, Prix d’interprétation de l’œuvre inédite imposée, Prix Jean A. Chalmers remis au meilleur artiste canadien par le Canadian Opera Women’s Committee

a href=http://www.jeunessesmusicales.com/chant2005/fr/actualites/nouvelles.asp target=_blankChant 2005
Lauréat: Sin Nyung Hwang, soprano (Corée du Sud)

Piano 2008
Du 20 au 30 mai 2008, Montréal accueillera l’édition consacrée au piano du Concours Musical International de Montréal.
La brochure ainsi que le formulaire d’inscription seront bientôt disponibles. Consultez régulièrement le site du Concours.
Date limite d’inscription: 14 décembre 2007. Limite d’âge: 30 ans ou moins au 1er janvier 2008. Le chant sera à nouveau à l’honneur du Concours 2009, suivi en 2010 par une édition Violon.

Concours Musical International de Montréal 2007 : ChantMontréal (Québec). Du 22 au 1er juin 2007

0

CMIM
Concours Musical
International de Montréal 2007

Pour la 6 ème édition du CMIM, et pendant 10 jours, Montréal concentre les jeunes talents du chant international. Du 22 mai au 1er juin 2007, le CMIM met le chant à l’honneur en suscitant l’émulation des jeunes chanteurs les plus prometteurs. Le chant est en effet la discipline du Concours 2007. Il en avait été de même lors des deux éditions précédentes, en 2002 puis 2005.
De par le profil des membres du jury, la dotation globale du Concours (près de 100 000 dollars de récompenses et de prix seront remis), la mise à disposition au bénéfice des candidats et des lauréats d’un réseau de diffusion internationale, -dans le cadre de son partenariat avec Radio Canada, le CMIM diffuse les concerts sélectifs sur les ondes d’Espace Musique-, le Concours Musical International de Montréal est devenu l’un des fleurons des Concours Internationaux, soucieux de discerner et révéler les grands interprètes de demain.
En outre, le Concours en invitant à assister aux séances éliminatoires, directeurs de salles et de maisons d’opéra, offre pour les lauréats, un tremplin privilégié, et la perspective de placements encourageants.

Créé en 2002, par les Jeunesses Musicales du Canada, le CMIM permet aux jeunes interprètes, chanteurs, violonistes et pianistes, les plus méritants, de faire valoir leur personnalité et leur talent. Le Concours comprend trois épreuves de sélection : préliminaire (d’après un enregistrement sonore), demi-finale et finale. Le Concert de Gala souligne pour conclusion festive, le palmarès officiel. Le Concours comporte par ailleurs trois disciplines, soit le chant, le violon et le piano. Se succédant tour à tour, chacune de ces disciplines est au programme en alternance sur un cycle de quatre ans, le chant revenant tous les deux ans.

L’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal, partenaire du Concours
En mars 2007, André Bourbeau, Président du CMIM, (notre photo), annonçait la collaboration pour l’édition Chant 2007 de l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal.
Dirigé par Daniel Lipton, l’Orchestre accompagnera les douze chanteurs sélectionnés pour la dernière épreuve, qui aura lieu les 28, 29 et 30 mai 2007, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. L’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal jouera également lors du Concert de Gala réunissant les lauréats Chant 2007, le vendredi 1er juin à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts (voir notre « calendrier » ci-après). Lire notre critique du cd de l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal (dirigé par son directeur musical, Yannick Nézet-Séguin, avec Diane Dufresne. 1 cd Atma, enregistré en 2004.

Sélection Chant 2007
Quelle est la composition des candidatures en 2007? Au terme des 194 auditions, totalisant 33 nationalités, le Comité et les 2 jurys préliminaires ont sélectionné 35 candidats provenant de 11 pays différents. Au sein des chanteurs appelés à concourir, le Canada rassemble la plus forte participation (15 candidats), suivi par les Etats-Unis (6 candidats) et la Corée du Sud (5 candidats). Paraissent ensuite le Japon (2 candidats) puis 7 autres nationalités, chacune représentée par un candidat: Allemagne, Belgique, Chine, Espagne, Irlande, Russie et Suisse.
Sur le plan des voix, pas moins de 17 sopranos, catégorie majoritaire, rivaliseront, aux côtés de 8 barytons, 5 ténors, 4 mezzo-sopranos et 1 basse. Au total, se sont 21 jeunes femmes et 14 jeunes hommes qui se présenteront devant Jury et public.

« Portraits », oeuvre imposée et commande du Concours Chant 2007
Julien Bilodeau a composé l’oeuvre imposée aux candidats Chant 2007. Portrait du compositeur: originaire de Québec, Julien Bilodeau étudie le piano, la guitare et la philosophie avant d’entrer dans la classe de composition et d’analyse musicale de Serge Provost, au Conservatoire de musique du Québec à Montréal. En 2003, au terme de sa formation, il reçoit deux prix à l’unanimité du jury. La même année, Karlheinz Stockhausen l’invite à venir approfondir, à Paris, ses recherches sur les rapports temps/forme musicale. Cette étape de sa formation confirme son intérêt pour la musique et les nouvelles technologies, pour l’interaction entre l’interprète, l’interface audio-numérique et l’espace de diffusion. Tout en poursuivant ses recherches, il compose notamment « À coups» pour le Nouvel Ensemble Moderne, « ÉventAils » pour l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal, « Kr0niKs_04 », (hommage au compositeur Fausto Romitelli), pour l’ensemble parisien L’Itinéraire, et « Myriades », pour l’Orchestre de la francophonie canadienne qui lui commande aussi une œuvre destinée à souligner, en 2008, le 400 ème anniversaire de Québec, sa ville natale.
Désireux de redéfinir certains paramètres du concert classique, Julien Bilodeau travaille actuellement avec la physicienne Claudine Allen et l’architecte Yann Rocher à la réalisation d’un espace de diffusion multimédia mobile, à partir duquel s’intégrera son travail de création en musique et nouvelles technologies. Depuis 2004, il bénéficie de l’appui du Conseil des arts et des lettres du Québec et de celui du Conseil des Arts du Canada qui lui a décerné, en 2006, son prix Robert-Fleming destiné à aider les compositeurs en début de carrière.

L’art, c’est une guerre à notre imperfection
L’oeuvre imposée aux candidats Chant 2007. « Portraits » est un cycle ouvert, dédié à la voix. Chacune des pièces qui forment et formeront ce cycle témoigne de rencontres fondées sur l’amitié. Techniquement, le principe fondamental de l’écriture musicale est simple : le matériau constitué des hauteurs de son de chacune des pièces provient du nom de la personne évoquée grâce aux techniques française, anglaise, allemande et indienne d’identification des notes de la gamme. On peut ainsi obtenir une hauteur de son propre à chacune des lettres de l’alphabet. Les textes mis en musique sont, en revanche, sélectionnés librement selon les liens qu’ils présentent avec une idée, une personne ou un contexte que le compositeur associe à la notion d’amitié.
«Prologue », qui ouvre le cycle, est un portrait général inspiré d’un texte de l’écrivain roumain Panaït Istrati, grand ami des Hommes : «Là où nous commençons à être des hommes et des artistes, c’est quand nous souffrons de toute la souffrance humaine, quand nous l’exprimons selon nos moyens et combattons le mal causé au monde par notre égoïsme : l’art, c’est une guerre à notre imperfection» (Panaït Istrati,dans « Nerrantsoula», troisième partie). La partition est une commande du Concours Musical International de Montréal à l’occasion de l’édition «Chant 2007».

Calendrier
L’agenda du Concours Chant 2007 se déroule en quatre étapes: Demi-Finale, Classes de maître, Finale, enfin Concert de Gala (le 1er juin 2007).

Liste des candidats Chant Voice 2007
Après réception des dossiers, le comité de sélection a retenu 33 candidats
dont 14 Canadiens. Au total, 19 femmes, 14 hommes:

Awet Andemicael, soprano (États-Unis)
Peter Barrett, baryton (Canada)
Julie Boulianne, mezzo-soprano (Canada)
Leslie Ann Bradley, soprano (Canada)
Leticia Brewer, soprano (Canada)
Danielle Dudycha, soprano (Canada)
Étienne Dupuis, baryton (Canada)
Steven Ebel, ténor (États-Unis)
Erika Escriba-Astaburuaga, soprano (Espagne)
Raphaël Favre, ténor (Suisse)
Antonio Figueroa, ténor (Canada)
Marianne Fiset, soprano (Canada)
David Salsbery Fry, basse (États-Unis)
Matthew Garrett, ténor (États-Unis)
Evgenia Grekova, soprano (Russie)
Rachael Harwood-Jones, soprano (Canada)
Shigeko Hata, soprano (Canada)
Joshua Hopkins, baryton (Canada)
Aileen Itani, soprano (Irlande)
Hein Jung, soprano (Corée du Sud)
Seil Kim, ténor (Corée du sud)
Susanne Ellen Kirchesch, soprano (Allemagne)
Yuriko Komai, soprano (Japon)
Daniel Ihn-Kyu Lee, baryton (Corée du Sud)
Iris Louise Luypaers, soprano (Belgique)
Patrick Mallette, baryton (Canada)
Kimy McLaren, soprano (Canada)
Cosimo Oppedisano, baryton (Canada)
Sung-Hee Park, soprano (Corée du Sud)
Jordan Shanahan, baryton (États-Unis)
Peiyi Wang, mezzo-soprano (Chine)
Amelia Watkins, soprano (Canada)
Tae Joong Yang, baryton (Corée du Sud)

Demi-Finale
Les 23, 24, 25 et 26 mai 2007

Le mercredi 23 mai 2007
14 h à 17 h – 19 h 30 à 22 h

Le jeudi 24 mai 2007
14 h à 17 h – 19 h 30 à 22 h

Le vendredi 25 mai 2007
14 h à 17 h – 19 h 30 à 22 h

Le samedi 26 mai 2007
14 h à 17 h – 19 h 30 à 22 h

10 $ et 5 $ (étudiant).
Passeport « demi-finale », incluant les 8 demi-finales et le programme officiel du Concours: 60 $ et 30 $ (étudiant)

Centre Pierre-Péladeau
300, boulevard de Maisonneuve Est
Montréal (Québec) H2X 3X6
Réservations : 514-987-6919

Classes de maître
Le dimanche 27 mai 2007

14 h Sherrill Milnes, baryton
19 h Dalton Baldwin, pianiste

Entrée libre
Salle Claude-Champagne, Faculté de musique de l’Université de Montréal. 220, avenue Vincent-d’Indy. Montréal (Québec)

Finale
Le lundi 28 mai à 19 h 30
Le mardi 29 mai à 19 h 30
Le mercredi 30 mai à 19 h 30
Les candidats finalistes,
Orchestre Métropolitain du Grand Montréal
Daniel Lipton
, direction

5 $, 18 $ et 30 $ (redevances et taxes incluses)
Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
175, rue Sainte-Catherine Ouest
Montréal (Québec)
Réservations : 514.842.2112 – 1 866 842.2112 – http://www.pda.qc.ca

Palmarès des 6 lauréats Chant 2007
Le 31 mai 2007, le jury du Concours Musical International de Montréal a dévoilé l’identité des six lauréats de l’édition chant 2007 :

Premier Grand Prix (25 000 $)

Marianne Fiset
, soprano, Canada

Deuxième Grand Prix (15 000 $)

Steven Ebel
, ténor, États-Unis

Troisième Grand Prix (7 500 $)

Evgenia Grekova
, soprano, Russie

Quatrième Prix (5 000 $)

Julie Boulianne
, mezzo-soprano, Canada

Cinquième Prix (4 000 $)

Leticia Brewer
, soprano, Canada

Sixième Prix (3 000 $)

Peter Barrett
, baryton, Canada

Concert de Gala
Concert de prestige réunissant les lauréats Chant 2007

Le vendredi 1er juin 2007
Les lauréats,
Orchestre Métropolitain du Grand Montréal
Daniel Lipton
, direction
Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts

Remise des 6 Prix spéciaux

Au cours de la soirée de Gala du 1er juin 2007,
le Concours Musical International de Montréal a dévoilé l’identité des
six lauréats des prix spéciaux pour l’édition chant 2007. La soprano
canadienne Marianne Fiset, Premier Grand Prix 2007 (Finale du 30 mai
2007), a remporté quatre des six Prix Spéciaux:

Prix Jean A. Chalmers
pour le meilleur artiste canadien offert par le Canadien Opera Volunteer Committee
(10 000 $): Marianne Fiset, soprano, Canada

Prix Joseph Rouleau
pour le meilleur artiste québécois offert par la Fondation Hans J. Black
(7 500 $): Marianne Fiset, soprano, Canada

Prix Poulenc de la mélodie française
offert par l’Association des Amis de Francis Poulenc et par Dalton Baldwin (4 000 $):
Marianne Fiset, soprano, Canada

Prix du public
« Hommage à Léopold Simoneau » (2 500 $): Marianne Fiset, soprano, Canada

Prix d’interprétation de l’œuvre canadienne imposée
(5 000 $): Susanne Ellen Kirchesch, soprano, Allemagne

Prix de la Chambre Professionnelle des Directeurs d’Opéra
remis au finaliste le plus prometteur (1 500 $): Julie Boulianne, mezzo-soprano, Canada

Approfondir
Tous les détails sur le site officiel du Concours: http://www.concoursmontreal.ca
ou au + 514.845.4108 ou encore http://www.orchestremetropolitain.com

Chant 2002
Lauréate: Measha Brueggergosman, soprano (Canada): Premier prix, Prix du public, Prix d’interprétation de l’œuvre inédite imposée, Prix Jean A. Chalmers remis au meilleur artiste canadien par le Canadian Opera Women’s Committee

Chant 2005
Lauréate: Sin Nyung Hwang, soprano (Corée du Sud)

Piano 2008
Du 20 au 30 mai 2008, Montréal accueillera l’édition consacrée au piano du Concours Musical International de Montréal. La brochure ainsi que le formulaire d’inscription seront bientôt disponibles. Consultez régulièrement le site du Concours. Date limite d’inscription: 14 décembre 2007. Limite d’âge: 30 ans ou moins au 1er janvier 2008.
Le chant sera de nouveau, à l’honneur du Concours 2009, suivi en 2010, par une édition Violon.

Gustav Mahler, Symphonie n°9. ONF, Kurt MasurFrance Musique. Direct, le 3 mai 2007 à 20h

0

Gustav Mahler
Symphonie n°9

en ré majeur

Concert en direct
Paris, Théâtre des Champs Elysées
Jeudi 3 mai 2007 à 20h

Orchestre National de France
Kurt Masur
, direction

Composée à l’été 1909 à Toblach, la Symphonie n°9 ne fut créée que le 26 juin 1912, par Bruno Walter à Vienne, soit presque un an après la disparition du compositeur.
L’oeuvre, d’une architecture complexe et inédite, compte quatre mouvements: deux mouvements lents (Andante commodo et Adagio), encadrent deux mouvements vifs, « Laendler » et Rondo Burleske). Chacun sont développés dans une tonalité spécifique. Poursuite ou non de son Chant de la Terre, qui la précède, (partition composée à l’été 1908) la Neuvième Symphonie expérimente de nouvelles possibilités, basculant entre l’ultime sérénité et l’adieu plus difficile à la Terre. Alban Berg, ardent défenseur des symphonies mahlériennes, admire en particulier l’enchantement du premier mouvement, parcouru de signes annonciateurs de l’inéluctable mort…
C’est peut-être avec la Septième, -notre préférée-, que Mahler, dans la Neuvième, et tout aussi clairement, exprime sa lucidité pleine et entière, à la fois ressentiment et exaspération, mais aussi espérance et tendresse. Le musicien illustre les vertiges d’une conscience épanouie qui ose voir l’horrible et hideuse mort; l’homme s’y remémore les épisodes d’une vie faite de remords cyniques et d’élans irrésistibles, tous étirés dans leur immensité suspendues. Le cadre classique implose, entièrement soumis aux distorsions convulsives ou aériennes de la psyché.
Orchestrateur sensitif et visionnaire, Mahler explore toutes les palettes de timbres et de couleurs de l’orchestre, où chaque instrument devient voix de l’âme.

Approfondir

Lire notre dossier Gustav Mahler

Crédit photographique
Portrait de Gustav Mahler (DR)

Les 125 ans du Berliner Philharmoniker. Concert en directMezzo, le 1er mai 2007 à 11h

Les 125 ans du
Berliner Philharmoniker

Mardi 1er mai 2007 à 11h
Concert en direct de Berlin

Lisa Batiashvili, violon
Truls Mork, violoncelle
Orchestre Philharmonique de Berlin
Simon Rattle
, direction

Programme

Richard Wagner
Parsifal, « Prélude à l’Acte I »

Johannes Brahms
Symphonie N°4 en mi mineur
Concerto pour violon, violoncelle et orchestre en la mineur

Concert filmé depuis le « Kraftwerk und Kabelwerk Oberspree » (usine d’électricité), l’un des monuments les plus impressionnants de l’architecture industrielle berlinoise du XIX ème siècle.

Approfondir

Lire notre dossier L’histoire du Berliner Philharmoniker

Illustration
Portrait d’Arhur Nikisch, directeur musical du Berliner, après Hans von Bülow (DR)

Debussy: Prélude à l’Après-midi d’un faune, GergievFrance Musique, le 4 mai 2007 à 20h

0

Claude Debussy
Prélude à
l’Après-midi d’un faune
,1912

Prima la musica
Vendredi 4 mai 2007 à 20h
Concert donné le 1er avril 2007,
Salle Pleyel à Paris

Programme du concert parisien:
Igor Stravinsky
Symphonie d’instruments à vent
Claude Debussy
La Mer
Prélude à l’après-midi d’un faune
Igor Stravinsky
Le Sacre du printemps

London Symphony Orchestra
Valéry Gergiev
, direction

Un berger assis le cul dans l’herbe

« C’est un berger qui joue de la flûte, assis le cul dans l’herbe!« , précise Claude Debussy à un chef qui lui demandait des indications précises pour interpréter le solo de flûte introduisant toute la partition. Simple, sans maniérisme ni affectation, l’interprétation doit favoriser l’impression de transparence et de clarté qui insuffle à l’oeuvre, plutôt courte: dix minutes environ-, sa force expressive.
L’argument en est tiré de Mallarmé dont le cycle poétique, « Prélude, interludes et paraphrase finale pour l’Après-midi d’un faune » (1886) devait dans son projet initial, inspirer au compositeur, un triptyque musical. La réalisation s’en tint à un tableau, lui-même composé d’une succession de climats et d’épisodes divers et caractérisés, unifiés par le « fil conducteur » qui est la mélodie du faune, magistralement énoncé dès le début, dans le solo de flûte précité.
Fidèle à son esthétisme, exprimé dans l’opéra Pelléas et Mélisande (créé en 1902) dont la composition est strictement contemporaine de L’Après-midi (1892-1894), Debussy privilégie la sensation sur la description, la brume émotionnelle et suggestive, à l’analyse précise et détaillée. Pourtant la richesse du matériau sonore, l’exubérance de la texture chromatique, indiquent le travail du musicien impressionniste, proche de Whistler, Monet, Pissaro, ces peintres qui à partir de petites touches de couleurs pures, construisent l’éblouissement, le vertige, la volupté d’un paysage contrasté, en pleine lumière.

Musique et danse ressuscitent l’antiquité primitive

Partition climatique s’il en est, L’Après-midi est une somptueuse expression extatique, celle du jeune faune dont le désir et la langueur voluptueuse se mettent au diapason de la nature. Sa danse est une aspiration à se fondre dans le tout universel, dans l’haleine du monde. Ne faire qu’un avec la divine et primitive nature…
Le Prélude à l’Après-midi d’un faune est aussi la première chorégraphie de Nijinsky (1889-1950). Le jeune danseur fait corps avec le personnage central: sa danse mime les reliefs antiques, en particulier la sculpture grecque archaïque et préclassique. Chaque pas semble ressusciter l’élégance mâle et vigoureuse des éphèbes grecs. Visuelle autant que musicale, l’oeuvre suscita un immense succès et continue d’être jouée, surtout comme page instrumentale. La création a lieu le 19 mai 1912, au théâtre du Châtelet (à Paris), sous la direction du chef d’orchestre français Pierre Monteux.

Illustrations

Nijinsky, en faune (DR)
Arnold Böcklin, Faune flûtiste dans les roseaux(DR)

Collection « Classic opera » (Decca, Philips): réédition des opéras de Haendel, Verdi, Korngold

0

Collection « Classic opera »

Rééditions lyriques
(Decca, Philips)

En avril et mai 2007, Universal nous gâte. La collection de rééditions, « Classic opéra » nous offre à prix cadeau, bon nombre de productions lyriques des années 1960 à 1990, parmi les plus réussies jamais réalisés, initialement éditées sous label Decca ou Philips. D’autant que, intérêt de cette nouvelle moisson de printemps, les Verdi célébrissimes, du Trouvère à Macbeth, qui sont portés par d’indiscutables lectures, voisinent avec un fleuron de l’enregistrement baroque (Agrippina de Haendel par Gardiner), surtout, un joyau méconnu de l’opéra du XX ème siècle, Le miracle d’Hélène de Korngold, partition fleuve, mi philosophique mi fantastique de 1927. Découverte magistrale! Présentation de notre sélection.

1960/1961

Giuseppe Verdi : Un bal masqué

Enregistrée en juillet 1960 et 1961, à Rome, la ville où l’opéra fut créé le 17 février 1859, la version portée par l’art de la ciselure de l’orfèvre Solti, captive par son sens abrupt des accents, son énergie métallique, son tranchant expressif. Le couple Carlo Bergonzi (Riccardo)/Birgit Nilsson (Amelia) est l’un des plus tendres et des plus racés de la discographie. La magicienne et cartomancienne Ulrica de Giulietta Simionato, a l’ambitus sombre et large, idéal. Pour l’élégance de Riccardo, et la furià de l’Orchestre de l’Academia Santa Cecilia de Rome, pour l’analyse nerveuse de Solti qui restitue la résonnance sulfureuse du drame… Un must!
(2 cd Decca 0 28947 58278 6)

1976

Giuseppe Verdi : Le Trouvère

La version Bonynge a de sérieux atouts. Si la baguette prend son temps, c’est pour mieux planter le décor, et même articuler instrumentalement certains climats. Le plateau luxueux comprend l’épouse du chef, la « Stupenda », Dame Joan Sutherland à l’éclat vocal encore préservé, Pavarotti (Manrico halluciné et brûlant). Même Ingvar Winxell et Nicolai Ghiaurov illuminent de la même manière leurs rôles respectifs, Luna et Ferrando. Quant à Marylin Horne, son Azucena est bouleversante. Une version du Trovatore, aux côtés de celle de Callas/Karajan (Emi), à réévaluer d’urgence. L’édition ajoute bonus appréciables, un article sur la partition en plus du livret, et la musique de ballet composée par Verdi pour la version parisienne de l’oeuvre de 1857, -seconde version de l’oeuvre adoptée par Bonynge-.
(3 cd Decca 0 28947 58281 6).

1984

Giuseppe Verdi: Macbeth

Même si Maria Zampieri n’a ni la classe de Verret, ni le tempérament de Callas, sa Lady Macbeth est exaltée, passionnée, droite comme une colonne dorique mais rugissante comme une lionne en cage. A ses côtés, le vibrato viril, onctueux de Renato Bruson rétablit la mesure humaine et aussi la terreur palpitante sous le masque des meurtriers. Dans la fosse, à la tête du Deutsche oper Berlin, Giuseppe Sinopoli sait capter les micro épisodes et les couleurs crépusculaires qui font de l’opéra créé en 1847 puis réécrit pour la scène parisienne, en 1863, une partition de l’ombre et du remord. Le chef vénitien éblouit par son instinct shakespearien. A noter le Macduff de Neil Shicoff, gorgé d’espérance, de vaillance, de feu… à l’opposé du lugubre Banco de Robert Lloyd. Mais de tous les tempéraments ici associés, c’est peut-être celui de l’orchestre qui tire avec le recul son épingle du jeu. La direction de Sinopoli, nous l’avons dit, est à la fois intérieure et flamboyante. Un immense moment verdien.
(3 cd Philips 0 28947 58393 6).

1992

Erich Wolfgang Korngold: Das Wunder der Heliane

Pour qui aime les éclairs tragiques et l’embrasement symphonique de La femme sans ombre straussienne, la partition la plus ambitieuse et qui valut à son géniteur, une amère déception, trouve dans cette production, une très juste réalisation. La lecture en est de bout en bout captivante.
Créé à Hambourg en 1927, conspué à Vienne en 1929 par les jeunesses nazies, et démonté par la jalousie de Krenek, l’ouvrage véhicule une image illégitime d’opus bâclé, inégal, décevant. Le propre de l’équipe berlinoise dirigée par John Mauceri révèle plus qu’une oeuvre sensible, -féerique, fantastique, à l’orchestration somptueuse et détaillée-: un chef-d’oeuvre oublié qui place la résurrection par l’amour au dessus de toute expérience mortelle. A l’implication du chef, répondent l’intensité ample, la probité vocale des chanteurs; en tête, Anna Tomowa Sintow en grande forme (Heliane)… Le disque remplit pleinement sa mission en nous révélant durablement cet immense héritage musical. A noter, le texte de présentation, lui aussi d’une pertinence féconde. Eblouissant autant qu’inédit. Incontournable. L’un des joyaux de la nouvelle série « Classic Opera ».
(3 cd Decca 0 28947 58271 7).

1996

Georg Friedrich Haendel: Agrippina

Ramiste, berliozien, Gardiner se montre ici haendélien jusqu’au bout de la baguette. Premier grand chef-d’oeuvre lyrique de Haendel, avant ses seria londoniens, Agrippina dévoile l’exubérante inventivité du Saxon, en apprentissage dans la ville de Monteverdi et de Vivaldi. Créé à Venise, le 26 décembre 1709, Agrippina éblouit ici autant par l’individualité exemplaire de tous les personnages que la vitalité nerveuse et dramatique de l’orchestre. Aucun temps mort ni faute de goût, la production tient du miracle. C’est vibrant et palpitant, pulsionnel et émotionnel, âpre aussi et affûté, comme le Haendel que nous aimons! Une gravure indispensable et la référence discographique de l’oeuvre. Le fleuron de vos rayonnages baroqueux, à écouter et réécouter sans modération.
(3 cd Philips 0 28947 58285 4).

Beethoven, Quatuor n°16. Quatuor ZehetmairFrance Musique, le 30 avril 2007 à 10h

0

Ludwig van Beethoven
Quatuor n°16

en fa majeur, opus 135

Prima la musica
Lundi 30 avril 2007 à 10h

Quatuor Zehetmair
Concert enregistré le 1er avril 2007
Paris, Théâtre du Châtelet

Le Quatuor n°16 de Beethoven est couplé au
Quatuor à cordes de Bruckner en ut mineur.

« Le faut-il vraiment? », « Il le faut !« 
Esquissé fin juin 1826, le dernier quatuor de Beethoven est terminé en octobre suivant. Livré à l’éditeur berlinois Schlesinger, la partition ne fut publiée qu’en 1827. Le Quatuor porte la dédicace à Johann Wolfmayer. Energique, tranchant, exalté, l’oeuvre se montre parfois insaisissable. Au préalable, Beethoven sembla se satisfaire d’une oeuvre tripartite quand son éditeur lui demandait un cycle en quatre mouvements. Le compositeur écrivit donc le mouvement lent.
Le destin improbable pointe son nez dans le premier mouvement, mais il est vite étouffé, comme oublié dans le développement formel. Le deuxième mouvement s’apparente à un scherzo au « mécanisme détraqué », selon André Boucourechliev.
« Lento assai, cantabile e tranquillo », le troisième tableau (qui est sur le plan de la chronologie, le dernier mouvement composé par le compositeur) est plein de sérénité confiante parfois nostalgique mais d’une tranquillité lumineuse.
Le mouvement de fin a donné lieu à diverses interprétations: les annotations en marge de la partition, « Muss en sein? Es muss sein! » que l’on traduit par « Le faut-il vraiment? », « il le faut! » sont toujours le sujet de débats critiques. Invitation par Beethoven adressée à ses débiteurs pour qu’ils leur versent ce qu’ils lui doivent, ou plus héroïquement, accomplissement par le compositeur de son destin en une formule qu’il se déclare à lui-même ? Peu importe! l’intensité du message est claire. Déterminé, radical, définitif, Beethoven reprend un motif emprunté à Bach (Clavier bien tempéré, fugato de la Passion selon Saint-Matthieu…). Trois simples notes posent l’interrogation. Leur sens inversé tient lieu de réponse. Liszt puis Franck se souviendront de cette succession légendaire, question/réponse, désormais adulée, qui porte le sceau d’une conscience romantique pleinement assumée.

Illustration

Ludwig van Beethoven (DR)

Serge Prokofiev, Alexandre Nevski (1939)Monaco, le 29 avril 2007 à 18h

0

Serge Prokofiev
(1891-1953)
Alexandre Nevski, 1939

Dimanche 29 avril 2007 à 18h
Monaco, Grimaldi Forum

Projection du film d’Eisenstein
Avec l’Orchestre Philharmonique de Monte Carlo
Choeur du Kirov
Ernst Van Thiel
, direction

Débuts fulgurants

Le jeune barbare, bourré de force explosive, ne tarde pas à imposer son tempérament irrésistible qui en fait un phénomène musical sans précédent: Prokofiev est un compositeur reconnu aussitôt pour sa trempe, son autorité, robuste et sportive. Dès 1918, il avait quitté la Russie pour sa tailler une première notoriété aux USA où son opéra, L’amour des Trois Oranges créé en 1921 était applaudi à Chicago. A Paris, il ne tarde pas à participer au succès des Ballets Russes, travaillant avec Serge de Diaguilev pour la musique de nombreux ballets (Chout, 1921; Pas d’acier, 1928; Le Fils prodigue en 1929). Comme pianiste concertiste, il remporte le prix Rubinstein en 1924 avec son Concerto pour piano opus 1.
Evidemment une telle renommée ne manque pas d’intéresser les instances soviétiques. Prokofiev rentre donc en 1932 en Russie, occupe plusieurs fonctions officielles. Sergueï Eisenstein lui demande de travailler avec lui pour son film Alexandre Nevski, à partir de 1938. L’oeuvre sert de bande originale, contrepoint musical au film mais devient aussi une cantate à part entière. Le travail du musicien semble idéalement correspondre à l’esthétisme officiel puisque Prokofiev est nommé en 1947, « artiste du peuple de la république socialiste fédérative Soviétique de Russie« . Mais ses rapports avec le pouvoir allaient sérieusement se gâter, au moment des purges staliniennes: il est comme Chostakovitch et Khatchaturian, déclaré « ennemi du peuple » et mis à l’écart. Son « formalisme » bourgeois est jugé sans appel. Trop d’influences venues de l’ouest.

Un hymne patriotique anti-nazi

La cantate Alexandre Nevski, écrite en 1939, à 48 ans, suit l’intrigue souhaitée par Eisenstein. Le cinéaste est enthousiaste et leur collaboration se poursuivra avec Ivan le Terrible. En dramaturge né, Prokofiev excelle à inventer des rythmes et des épisodes puissamment colorés, denses, robustes comme sa personnalité, qui sait aussi être tendre et lyrique. Eisenstein louait la musique d’Alexandre Nevski parce qu’elle n’était jamais « illustration ». A l’époque où le nazisme menace, l’épopée menée brillamment par le prince Alexandre contre les chevaliers teutons au XIII ème siècle, prend valeur d’idéal patriotique. A la violence des images d’Eisenstein répond l’acier de la musique, suggestive, souple, éruptive.
Le drame musical est plein de cette force virulente et colorée qui emporte l’énergie et la tension de l’action. En maître de l’orchestration, le compositeur brosse un tableau épique qui culmine dans la Bataille sur le lac gelé: en plus de la voix soliste, le choeur sollicité y préfigure ce que le musicien écrira ensuite dans Guerre et Paix.

Approfondir

Lire aussi notre présentation du film d’Eisenstein, Alexandre Nevski, diffusé sur Mezzo en avril 2007

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le 15 avril 2007. Berlioz, Messe Solennelle. Orchestre National de France, Riccardo Muti.

En cette après-midi du dimanche 15 avril, le soleil surplombe Paris, rayonnant ; la température est inhabituellement élevée sur le mercure, l’atmosphère lourde. Le public est un peu abattu par la chaleur ambiante et le concert de Riccardo Muti à la tête de l’Orchestre National de France est idéal en ce moment estival, il nous apporte cet instant de fraîcheur tant recherché.
Le programme, qui allie le Concerto pour clarinette en la majeur de Mozart à la Messe Solennelle de Berlioz, de 1824, retrouvée en 1991, peut sembler a priori étrange mais le résultat est tout simplement prodigieux. Le clarinettiste Patrick Messina accomplit un miracle : outre une technique absolument sans failles, une maîtrise des registres éblouissants, il y a ici un sens de la ligne et des phrasés, une variété dans les nuances absolument incomparables. L’adagio est une merveille de concentration, de naturel, de liberté expressive. Le clarinettiste atteint des pianissimos à la limite du silence – moments inoubliables, soutenus merveilleusement par Riccardo Muti qui tisse une toile d’une finesse, d’une élégance presque aériennes. L’Orchestre National a atteint un raffinement sonore rare. Véritablement, un moment de musique entre grands musiciens !
Changement de climat avec la Messe Solennelle de Berlioz, certes pas la meilleure œuvre du compositeur français, mais essentielle pour entrevoir et comprendre que Berlioz même dans sa jeunesse n’était déjà pas sain d’esprit ! Riccardo Muti dirige cet opus inégal avec une puissance théâtrale presque cataclysmique, une tension jamais relâchée, une vigueur enthousiasmante. Le Chœur de Radio France, qu’avait préparé pour l’occasion Bruno Casoni, chef de chœur du Théâtre de la Scala de Milan, est très engagé, faisant preuve d’un souffle admirable. Les solistes étaient peut-être moins convaincants, malgré le soprano pur, somptueux de Genia Kühmeier et la basse profonde mais un peu terne d’Ildar Abdrazakov. C’est surtout l’orchestre qui est extraordinaire. Il est d’une lisibilité stupéfiante, tout ce qui doit être entendu l’est effectivement : basses (violoncelles, contrebasses, bassons,…) d’une présence impressionnante et extrêmement ductiles (surtout dans le Gloria et le Credo), petite harmonie précise et incisive, cuivres sinon solennels bien majestueux ; bref, le National est dans un grand jour, à la fois concentré, rigoureux et libéré de toute contrainte extérieure, et ceci par la volonté d’un chef pour qui ces musiciens vouent une immense admiration, jamais ternie depuis plus de vingt-cinq ans. Muti le sent bien, il ne peut s’empêcher de revenir, il revient deux fois l’année prochaine. Merci encore pour tout, Maestro !

Paris. Théâtre des Champs Elysées, le 15 avril, 16h. Wolfgang Amadeus
Mozart
(1756-1791): Concerto pour clarinette et orchestre en la majeur KV 622.
Hector Berlioz (1803-1869) : Messe solennelle pour soprano, ténor, basse, chœur et
orchestre. Patrick Messina, clarinette. Chœur de Radio France, chef de
chœur invité : Bruno Casoni. Genia Kühmeier, soprano. Pavol Breslik,
ténor. Ildar Abdrazakov, basse. Orchestre National de France,
direction : Riccardo Muti.

Jean-Michel Damase, Colombe (1961)France Musique, le 28 avril 2007 à 19h30

0

Jean-Michel Damase
(né en 1928)
Colombe, 1961

Samedi 28 avril 2007 à 19h30
Enregistré à l’Opéra de Marseille
le 2 février 2007


Jean-Michel Damase
Colombe
, 1961
Comédie lyrique en quatre actes
Livret de Jean Anouilh

Colombe, Anne-Catherine Gillet
Madame Alexandra, Marie-Ange Todorovitch
Madame Georges, Nicole Fournié
Julien, Philipp Addis
Armand, Sébastien Droy
Poète Chéri, Marc Barrard
Desfournettes, Patrick Villet
Du Bartas, Eric Huchet
La Surette, Jacques Lemaire
Le Pédicure, Marc Callahan
Le Coiffeur, Daniel Izzo
Un Machiniste, Wilfrid Tissot

Orchestre de l’Opéra de Marseille
Jacques Lacombe
, direction

L’oeuvre fut créée le 5 mai 1961. Jean Anouilh imagine son héroïne, Colombe, avec tendresse et humanité, exigence aussi. Pression du cadre familial et social, responsabilités et devoir: la jeune femme qui sait sa beauté et l’emprise qu’elle peut exercer, a le choix de vivre sa vie, d’être libre.
Pour soutenir la tension de ce drame psychologique, Damase décante, allège, réalise une épure dépouillée de tout accent inutile. La production marseillaise, dans la mise en scène de Robert Fortune, s’inspire des décors de Jean-Denis Maclès qui fut le scénographe d’Anouilh pendant de longues années.
Le plateau vocal affirme une belle cohérence. Les hommes enchantent par leur sens de la mesure et de l’intériorité: Sébastien Droy et Phillip Addis tirent leur épingle du jeu. Comme Marie-Ange Todorovitch qui remplace Felicity Lott, préalablement choisie pour le rôle de Madame Alexandra, et Anne-Catherine Gillet, Colombe, faussement innocente, et presque fine calculatrice. Léger mais subtil.

Crédit photographique
Colombe (Anne Catherine Gillet) et Mme Alexandra (Marie-Ange Todorovitch)
© Christian Dresse/Production de l’Opéra de Marseille 2007

Maurice Ravel, Sonates, piano, TrioEn direct. France Musique, le 30 avril 2007 à 15h

0

Maurice Ravel

Musique de chambre

Prima la musica
Lundi 30 avril 2007 à 15h00
En direct

Eglise Saint-Jean Baptiste
à Saint-Jean de Luz

Sonate pour violon et piano
Duo pour violon et violoncelle
Gaspard de la nuit
Ondine
Le Gibet
Scarbo
Trio en la mineur

Georges Pludermacher, piano
David Grimal, violon
François Salque, violoncelle

Sonate pour violon et violoncelle en ut majeur

Ecrite à la mémoire de Debussy, la partition est composée sur une longue période, d’avril 1920 à février 1922. La première a lieu Salle Pleyel, le 6 avril 1922. La presse fit la fine bouche, démontant l’oeuvre, ne comprenant en rien cette épure et ce « dépouillement » dont parle l’auteur. Car il s’agit bien d’un virage décisif dans l’évolution de sa manière. Ravel allège jusqu’à l’essentiel, écarte tout maquillage, tout effet décoratif. La construction est rigoureuse et plutôt que la séduction harmonique, le compositeur préserve surtout la clarté mélodique. Quatre mouvements: allegro, très vif, lent, vif.

Sonate pour violon et piano en sol majeur

Là encore la gestation en est longue. La première ébauche remonte à 1922 et la composition s’achève en 1927. La partition porte la dédicace à la violoniste Hélène Jourdan-Morhangue, grande amie de Ravel, laquelle créa sa sonate pour violon et violoncelle précédemment évoquée. C’est pourtant le violoniste Georges Enesco qui assura la première le 30 mai 1927, salle Erard à Paris, accompagné par Ravel lui-même.
Sous l’influence de Bartok qui compose ses deux sonates pour violon en 1921 et 1922, Ravel s’est pris d’intérêt pour la forme dialoguée violon/piano: sensible à la couleur spécifique de chacun des deux instruments, l’auteur travaille sur l’individualisation des timbres. Deux « personnalités » parfaitement caractérisées « dialoguent », dans des combinaisons harmoniques inédites. La concision du plan sonate en trois mouvements réaffirme la volonté d’ascétisme classique, rehaussée par la facétie progressive qui s’affiche dans le choix de mouvements de plus en plus courts: allegretto, blues (le violon y imite banjo et saxophone quand le piano est traité comme un instrument à percussion), enfin perpetuum mobile dont la conclusion se souvient de la fin du Quatuor en fa (1904).

Crédit photographique
Maurice Ravel à son balcon, Villa le Belvédère à Montfort l’Amaury (DR)

Marcel Proust et la musique. Sources de la « Sonate de Vinteuil »

Proust et la musique. Reynaldo Hahn aimait souligner avec quelle vibration Marcel Proust « vivait » la musique de son temps. L’écrivain fut aussi à l’écoute des compositeurs anciens. Le génie littéraire dans son cas, mâche et remâche, digère et assimile par le filtre de son intention artistique et par l’hypersensibilité de son goût, les diverses sources qu’il a su comprendre intimement. D’où vient la fameuse Sonate de Vinteuil? L’idée juste est d’en faire la célébration synthétique d’une culture musicale qui opère un mouvement large et particulier à la fois. Proust agit comme un collectionneur, et aussi un savant bricoleur. Tel un entomologiste, l’auditeur distingue une phrase musicale comme le scientifique dissèque un élément de son étude. La citation devient l’emblème d’une sensation affleurante, de plus en plus précise. La Sonate ainsi « recomposée » dans son oeuvre d’écrivain recrée à l’infini le mystère et la fascination de la musique qu’éprouva le mélomane averti et exigent qu’il fut. « Sonate » ou « Septuor », Vinteuil dans La Recherche, concentre un idéal esthétique, qui résonne par la musique, mais active aussi les forces de la mémoire, forçant les êtres à reprendre conscience d’une part d’eux-mêmes, part immergée mais pourtant essentielle de leur identité dormante…

Wagner ou Saint-Saëns?

Dès Les Plaisirs et les jours, le jeune auteur cite la musique comme le véhicule de l’activité psychologique. Comme Bergotte capable d’isoler le petit pan de mur jaune dans la Vue de Delft de Vermeer, Proust se concentre sur un thème, une phrase musicale, ici, un extrait du monologue de Hans Sachs au II ème acte des Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Richard Wagner, pour rehausser l’expression de la pensée de son héroïne, Madame de Breyves. Celle-ci, en écoutant la petite phrase, revit un épisode sensitif aigu où la citation wagnérienne s’identifie à Monsieur de Laléande. L’anneau musical resserre son influence dans l’esprit de la jeune femme et suscite un jaillissement presque incontrôlé de la mémoire. Ainsi une personne vue, ressuscite. Le passé, devient présent. Ailleurs, Jean Santeuil, sent de la même façon, surgir les larmes quand à l’écoute de la Sonate de Saint-Saëns, il pense à celle qu’il aima tant et qui lui jouait la partition sans compter, comme l’hymne de leur amour.
Cette Sonate (pour violon et piano en ré mineur opus 75 de Camille Saint-Saëns, de 1885) devait être l’emblème de la Sonate de Vinteuil, son thème central, l’indice que la mémoire involontaire réalise son activité irrépressible. Ainsi dans la partition littéraire, le point le plus aigu de l’action psychologique est souvent exprimé par la citation de la musique.
Comme Balzac, dans Zambellina, l’une de ses trois nouvelles « musicales », où l’auteur rend un hommage appuyé à Niccolo Jommelli, champion de l’opéra baroque, à une époque où les chefs baroqueux n’avaient pas encore opéré leur percée révolutionnaire, Proust innerve son texte de composants musicaux essentiels, tels des phares ou des points de repère dans le flot de l’écriture, tels la formule clé de l’aria, dans la continuité de la prose-récitatif. L’écrivain cite Saint-Saëns avec d’autant plus d’aisance et de sensibilité qu’il connaît parfaitement sa musique. Il aime sa Troisième Symphonie avec orgue, la plus belle dans le genre, depuis Beethoven… Il a écouté le prodige du piano, en particulier dans les Concertos de Mozart. Il loue en particulier sa  » pureté » et sa « transparence ».
Proust sous l’influence de Reynaldo Hahn, son ami intime, semble préférer Saint-Saëns à Wagner. Le compositeur français incarne alors la manière proprement hexagonale la plus élaborée, digne équivalente du massif de Bayreuth. Lorsque Charlus se met au piano lors d’une soirée Verdurin, il arbore les qualités de jeu que Proust avait remarqué chez Saint-Saëns. Pourtant, il écrira plus tard, avoir pris un certain recul bénéfique par rapport à la musique de chambre de Saint-Saëns, un compositeur qu’il taxe de « médiocrité ».

En fin connaisseur des filiations et des hommages entre artistes, Proust qui savait l’admiration du jeune Fauré pour son aîné Saint-Saëns, fait glisser l’amour de Swann, dans « Un amour de Swann », de la Sonate en ré mineur de Saint-Saëns vers la Ballade de Fauré. L’écrivain décrit l’impact de la ligne du violon sur la « mauve agitation » du piano avec d’autant plus de pertinence et de fine subtilité, que cette ligne vocale se retrouve d’un compositeur à l’autre, que Fauré, surtout, dédia sa Ballade à son maître tant estimé.

Vinteuil, rébus musical, citation générique

Au final, le terme Vinteuil renvoie à la culture musicale de Proust au moment où il puise dans son réservoir personnel de motifs et de thèmes musicaux. A chaque épisode où l’un de ses personnages éprouve l’expérience de la musique émotionnelle, celle qui sans que l’on s’y prépare, suscite un éclair dans la pensée, produit le surgissement d’un souvenir enfoui, d’autant plus immédiatement vivace qu’il était jusqu’alors éteint et oublié, Proust cite Vinteuil et sa petite phrase énigmatique et active. Encore à l’évocation du concert du pianiste lors des soirées Verdurin, l’écrivain fait paraître selon son habitude, l’éclat d’une formule musicale isolée dont l’impact réalise cette résurrection du passé. Comme si la musique favorisait ce qui tient d’une aventure passionnante, l’activité de la psyché, les plis et rebonds de la conscience sollicitée, le flux et le reflux de la mémoire. Ainsi s’inscrivent le prélude de Lohengrin de Wagner ou surtout, bien encore le souvenir fragmentaire d’une phrase de Schubert qui pourrait être l’Impromptu en sol bémol majeur D 899. Prise isolément, la petite phrase devient l’élément premier du processus de remémorisation, certains diront d’un fétichisme sentimental, terme de notre point de vue, un peu réducteur.

De Saint-Saëns à Beethoven, de Fauré à Franck

De Saint-Saëns et Fauré à Wagner et Schubert, puis Beethoven, l’exigence de l’écrivain mélomane évolue. Terme nous l’avons vu générique, Vinteuil cite de nouveaux maîtres admirés, de nouvelles pages musicales tendrement aimées. Le cycle lié à Albertine puis les derniers épisodes d’A la recherche du temps perdu, imposent l’ombre persistante des derniers Quatuors de Beethoven ( en particulier la troublante rêverie du Quatuor n°12 opus 127), mais aussi Carnaval de Schumann qui cite encore la figure de l’enfant endormi.
Mais fidèle à sa passion de jeunesse, Proust revient à Fauré. Cantique de Jean Racine, surtout Quatuor en ut mineur opus 15 (qu’il fait jouer dans son appartement parisien), nourrissent l’inspiration du poète, soucieux de toujours renouveler les références contenues dans la citation de Vinteuil.
Pourtant, César Franck laissera une impression durable dans l’imaginaire romanesque de l’écrivain. Le Quatuor en ré majeur de 1889 enrichit à son tour la citation du « septuor » de Vinteuil. Au terme de notre enquête, il faudrait donc parler, au regard de la multiplicité des sources musicales, de musiques de Vinteuil.

Prima la musica dopo le parole

Proust aurait pu répondre à l’obsédante question de la Comtesse Madeleine dans Capriccio de Strauss. Paroles ou musique? Chant des instruments, ou précisément, voix des cordes et du piano, aurait-il pu trancher! A travers l’évocation plurielle de la Sonate ou du Septuor de Vinteuil, l’écrivain abandonne les divagations exclusives de la voix, trop attachées à la dilution de la conversation. Il lui préfère, nous l’avons vu, les pages purement orchestrales des opéras de Wagner, isolant à titre personnel, dans le Pelléas de Debussy qu’il admira immédiatement après sa création parisienne en 1902, les pages purement instrumentales. L’alliance violon/piano étant de son point de vue, d’un souverain accomplissement. Au sommet de son panthéon musical, règne donc la musique de chambre. Et la petite phrase de Vinteuil accomplit sa morsure sur le mode adagio ou andante: mouvement lent, suspendu, tendre, comme une berceuse. Dans l’une de ses lettres dernières, Marcel évoque le finale du Quatuor n°15 de Beethoven dont il se sent tellement proche de la « si puissante tendresse humaine ».
Au final, le thème de la Sonate de Vinteuil interroge dans la prose musicale de Proust, l’effet de la musique dans le processus de conscience et de remémoration de chaque personnage de La Recherche. Temps perdu? Temps retrouvé grâce à la puissante magie révélatrice de la muse instrumentale. A chaque invocation de cette manne involontaire autant qu’inestimable, le narrateur ou les personnages renaissent à leur identité profonde dont ils avaient perdu la perception. De sorte que même si Proust disait qu’il « n’est de seule vie pleinement vécue, que la littérature », cette expérience capitale n’aurait pu se réaliser sans le prisme révélateur de la musique.

 

 

Illustrations :

Jacques-Emile Blanche, Marcel Proust (DR)
Ferdinand Khnopff, en écoutant Schumann (DR)
Adolph von Menzel, Joseph Joachim et Clara Schumann en concert (DR)

Mstislav Rostropovitch: portrait France Musique, du 2 au 6 novembre 2009 à 14h30

0

Humaniste, engagé pour la paix et la liberté, le violoncelliste Mstislav Rostroppovitch a soufflé le 27 mars 2007, ses 80 ans. La stature de l’homme, citoyen du monde, jouant devant le mur de Berlin au moment de sa chute (10 novembre 1989), a rejoint la légende du musicien, pianiste, violoncelliste, chef d’orchestre. Portrait.

France Musique
Du 2 au 6 novembre 2009 à 14h30
Grands interprètes

Le chant de son violoncelle entonne à chaque concert, un hymne pour la réconciliation et pour le triomphe des idées de tolérance et d’humanisme. Le musicien sait d’autant mieux de quoi il parle, lui qui a été humilié, après Chostakovitch et Prokofiev, par le régime soviétique, déclaré ennemi du peuple et même déchu en 1978, de la nationalité russe.

Enfance, apprentissage

Né à Bakou de parents d’origine polonaise, le jeune Rostro naît dans une famille de musiciens. Sa mère est pianiste et son père, Leopold, violoncelliste de grand talent, compositeur de concertos pour l’instrument. Le fils apprend de son père la maîtrise du violoncelle. Mais il est aussi compositeur, écrivant dès 10 ans, un trio. Agé de 13 ans, en 1940, l’enfant s’impose déjà comme violoncelliste dans le Concerto de Saint-Saëns. Mais en 1942, son père décède, et Slava doit coûte que coûte, assurer la pitance de sa famille.
Au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, il perfectionne sa technique du violoncelle auprès du maître Kozoloupov, tout en suivant la classe de composition de Dmitri Chostakovitch. La rencontre de l’adolescent et du compositeur célèbre mais mis au ban du système par Staline, est électrique. Chostakovitch se passionne pour le jeune interprète… comme pianiste, et encourage ses dons de compositeur. Prokofiev accompagne aussi la maturation du jeune élève… lequel remporte de prestigieux concours comme violoncelliste. En 1950, il remporte le Prix Staline. Il devient professeur au Conservatoire de Leningrad puis de Moscou.

Jouer pour Prokofiev et Chostakovitch

Le violoncelliste génial n’hésite pas à demander à Prokofiev de remanier son Concerto pour violoncelle. De mauvaise grâce, le compositeur suit ses suggestions en 1952, et son Concerto devient Symphonie Concertante opus 125. L’oeuvre est créée sous la baguette de …. Sviatoslav Richter.
Quand meurt Prokofiev, le 5 mars 1953, ses funérailles sont à peine suivies par les medias car Staline l’a suivi, en décédant le même jour! Il laisse inachevées deux partitions, une Sonate pour violoncelle et un concertino
Ayant écouté la Symphonie concertante de Prokofiev, Chostakovitch ne tarde pas à dédicacer une oeuvre nouvelle au violoncelliste. Ainsi naît le Concerto n°1, créé en octobre 1959. C’est l’année où défiant l’autorité soviétique, il accueille chez lui au mépris des représailles du régime, Alexandre Soljenitsyne, qui est sorti du Goulag, après y avoir passé huit années. L’écrivain qui avait osé critiquer Staline, a durement payé son insolence.
Aux côtés de l’instrumentiste, le chef se précise aussi. En 1967, Rostropovitch débute comme directeur musical dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski. Dans la production dirigée au Bolchoï chante Galina Vichnievskaïa (dans le rôle emblématique de Tatiana), qu’il a épousé en 1955.

Exil hors d’URSS (1974) et réhabilitation

En 1970, Soljenitsyne reçoit le Prix Nobel. Le 31 octobre, plus engagé que jamais, Rostropovitch adresse une lettre à de nombreuses rédactions de quotidiens internationaux, dans laquelle il réclame la liberté d’expression et d’opinion en Union soviétique. Ses relations avec l’appareil politique se dégradent. Il lui est interdit de jouer du violoncelle à partir de 1972. Deux ans plus tard, le couple Galina et Mstislav Rostropovitch quittent l’URSS.
Désireux de rejoindre Benjamin Britten en Grande-Bretagne, ils sont refoulés à la frontière anglaise, et décident de se fixer à Paris. La France devient une seconde patrie. A partir de 1977, Rostropovitch dirige l’Orchestre National et fonde le Concours international qui porte son nom.
Grâce au président Gorbatchev, Rostropovitch a pu récupérer sa nationalité de naissance et rentrer dans son pays.
Affûté, l’esprit en éveil, toujours curieux de créer l’oeuvre d’un compositeur contemporain (Berio, Dutilleux, Britten, Lutoslawski, Messiaen…), Rostropovitch incarne l’alliance exemplaire d’un citoyen humaniste et d’un musicien exceptionnel. Il s’est éteint à Moscou, le vendredi 27 avril 2007.

CD et DVD

Pour les 80 ans de Mstislav Rostropovitch, Emi classics réédite les Six Suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach en DVD (enregistrées en mars 1991 dans la basilique de Vézelay). Mais aussi, un coffret de 3 cd: « le violoncelle du siècle« : évoquant par extraits le vaste répertoire du violoncelliste et du pianiste (accompagnateur dans la Berceuse de Tchaïkovski, de son épouse, la soprano Galina Vichnievskaïa). Lire notre critique du coffret de 3 cd « Mstislav Rostropovitch, le violoncelle du siècle » (Emi). Incontournables.

Dates clés

1927
Naissance le 27 mars à Bakou (Azerbaïdjan)

1931
A quatre, le jeune Rostro rejoint l’Ecole centrale puis le Conservatoire de Moscou, inscrit par son père, lui-même violoncelliste. Ses professeurs sont Prokofiev et Chostakovitch

1942
Premier concert (15 ans)

1950
A 23 ans, Mstislav Rostropovitch remporte le Prix Staline, honneur du régime soviétique

1955
épouse la soprano Galina Vichnievskaïa

1967
Aux côtés du violoncelliste célèbre, le chef fait ses débuts dans Eugène Onéguine au Bolchoï à Moscou (40 ans)

1970
Rostropovitch accueille chez lui l’écrivain dissident Alexandre Soljenitsyne, Prix Nobel. Il écrit à plusieurs rédactions de quotidiens internationaux ses revendications pour la liberté d’expression en URSS.

1972
Signant une pétition contre la peine de mort, Rostropovitch se voit interdire de jouer du violoncelle

1974
Quitte l’URSS. Déchu de la nationalité russe.
Exil en Grande Bretagne, en France. S’installe à New York

1977
Fonde le Concours international de violoncelle à Paris. Devient directeur musical de l’Orchestre national de Washington, jusqu’en 1994

1989
Chute du mur de Berlin: Rostro joue Bach aux pieds de la muraille éventrée

1990
Gorbatchev lui restitue la nationalité russe

1991
Crée la Fondation Vichnievskaïa-Rostropovitch pour la santé et l’avenir des enfants

1998
Fait Grand Officier de la Légion d’Honneur par le Président Chirac

2002
Cesse ses activités de violoncelliste

2007
Mstislav Rostropovitch s’éteint le 27 avril

Vincenzo Bellini, Norma (1831)Montpellier, Opéra. Du 10 au 17 juin 2007

Vincenzo Bellini
Norma

, 1831

Opéra de Montpellier
Du 10 au 17 juin 2007

Jean-Yves Ossonce, direction
Paul-Emile Fourny, mise en scène

L’opéra des druides

L’histoire des Gaulois a rarement inspiré les compositeurs d’opéras. Mais Bellini et son librettiste habituel, Felice Romani, s’intéressent au succès de la tragédie française, Norma, présenté à l’Odéon, en avril 1831, par Alexandre Soumet. Après le scandale d’Hernani, Norma, malgré ses cinq actes, fut très applaudie: elle démontrait la pérennité de la tragédie classique française au coeur de la révolution romantique.
L’attrait du texte plonge en pleine histoire de Gaule, ressuscitant les nobles druides, auxquels sont opposées les légions des envahisseurs romains, personnifiées par le proconsul de Rome, Pollion, accompagné de son confident, Flavius. La scène de leur confrontation se déroule au moment où Norma, prêtresse d’Irminsul, divinité majeure du panthéon gaulois, coupe le gui sacré. Bellini approfondit encore l’exotisme des évocations druidiques et gauloise. Dans son fameux air, « Casta Diva », Norma invoque la lune et les divinités ancestrales de son peuple.
Incarnation de l’identité religieuse des gaulois, Norma appelle au soulèvement contre les romains, d’autant plus que Pollion qui fut jadis son amant et dont elle a eu des enfants, l’a trahie en lui préférant la jeune Adalgise.
Mais Norma par laquelle la catastrophe s’accomplit, est aussi un être contradictoire qui demeure dévorée par la nostalgie de son ancien amour…
Avec Norma, Bellini laisse un chef-d’oeuvre de vocalità italienne, considéré peu de temps après sa création milanaise (assez tiède), comme le manifeste du bel canto, et le premier ouvrage majeur du romantisme italien, avant Lucia di Lammermoor (1835) de Donizetti, son aîné et rival.


Vincenzo Bellini
(1801-1835)

Norma


opéra en deux actes
Livret de Felice Romani
Créé à la Scala de Milan,
le 26 décembre1831

Illustration
Arnold Böcklin, portrait de jeune femmes (DR)

« Lachrimae Caravaggio » (Alia Vox),Le Caravage de Jordi Savall

0

Musique et peinture
Le Caravage de Jordi Savall

En avril 2007, le musicien catalan Jordi Savall fait paraître chez Alia Vox, un nouvel album dédié au peintre baroque, Michelangelo Merisi Caravaggio (circa 1571/1573-1610). A la fulgurance des images peintes, correspond un cycle d’improvisations musicale inspirées par les compositeurs baroques, contemporains du peintre.

Expérience de l’intime

Notre époque avide de tourisme culturel qui souvent, s’apparente à un marathon, oublie l’expérience personnelle, qui doit naître de la contemplation entre une peinture et le spectateur qui en découvre le sens profond. Voici une réalisation qui nous rappelle combien voir un tableau est un acte hors du temps, un questionnement intime, une invitation à interroger notre propre aspiration aux valeurs d’humanisme et de spiritualité.
Jordi Savall, depuis longtemps subjugué par le peintre Caravage, – qui est « né pour tuer la peinture« , selon les mots de Poussin-, nous fait partager la qualité de l’émotion que suscite pour lui, chacune des toiles de l’artiste baroque.
Son nouvel album, « Lachrimae Caravaggio » est une invitation à la délectation des images léguées par le peintre. Chacune d’elle sublime l’expérience de mysticisme et de compassion qui est en chacun de nous, semble suggérer le musicien.

Résurrection de Lazare

Le visuel de couverture (notre illustration) souligne la profonde spiritualité qui est au centre de la peinture du Caravage. Artiste maudit, criminel, à la vie dissolue, condamnée par l’église, errant et fugitif, finalement assassiné sur une plage de Toscane… L’image pasolinienne du Caravage voile souvent le génie du peintre: un peintre exceptionnel qui tout en réformant la manière de peindre (aucune esquisse préparatoire), les sujets abordés (ses modèles sont des gens du peuple), révolutionne la représentation de l’homme et des sujets sacrés. Caravage a aussi envisagé une nouvelle philosophie de la peinture: acte engagé, scandaleux, dont la « vérité » continue pourtant de nous saisir. Le peintre est du côté des plus humbles. Il a peint la dignité héroïques des plus démunis. D’où les réactions hostiles du milieu classique dont Poussin, habité par l’idéal néoantique…

La Résurrection de Lazare (Messine, Musée national) ne fait pas partie des sept tableaux commentés et suggérés musicalement dans l’album. C’est pourtant l’oeuvre la plus bouleversante du peintre: matière sèche comme usée, vifs contrastes entre l’ombre et la lumière mais parfaite lisibilité de ce corps irradié qui reçoit un nouvel afflux vital de la main suspendue, aux doigts détendus, du Christ.. Et toujours, ces visages vieillis et fatigués des hommes et des femmes qui ont vécu, dont la noblesse et la beauté nous touchent tant.

En croisant peinture et musique, Jordi Savall affirme avec une égale pertinence sa capacité à susciter les correspondances entre les disciplines artistiques, entre les époques.
Plus qu’une illustration musicale, ce nouveau disque offre une exceptionnelle réflexion, sur chaque oeuvre, sept au total. C’est l’un de nos coups de coeur cd, des mois d’avril et de mai 2007.

Approfondir

Lire notre
dossier Caravage et la musique

Lire notre
critique du cd « Lachrimae Caravaggio » (Alia Vox)

Illustrations
Caravage, La Résurrection de Lazare (Messine, Musée national)

Schubertiades à Grenoble Musique en musée. Les 3, 12 et 23 mai 2007

Schubertiades

Grenoble, musique en musée.
Les 3, 12 et 23 mai 2007

Trois schubertiades, c’est ce que propose pour son 20 ème anniversaire l’association grenobloise L’Oreille en fête – Musée en musique. A trois reprises (3, 12 et 23 mai 2007), ce groupe de musique de chambre offre avec des artistes qui ont été les familiers de son parcours entre arts musicaux et visuels plusieurs des partitions les plus importantes du dernier Schubert : Quintette à deux violoncelles, les deux Trios, Sonate D.960, Fantaisie pour piano à 4 mains…

Jeudi 3 mai 2007
15h et 18h30, J.F.Zygel ; 21h15 : P.Coutelen, F.Lauridon, G.Torma. Auditorium du musée.

Jeudi 12 mai 2007
19h30 : E.Ferrand N’Kaoua, Quatuor Manfred, M.Coppey, S.Genz, E.Schneider. Auditorium de la MC 2.

Mercredi 23 mai 2007

17h30 : B.Lespinard ; Trio Athéna, S.Chamoux et J.F.Cholé. Auditorium du musée.

Franz Schubert (1797-1828): Fantaisie D.934 (piano-violon), sonate
arpeggione-piano. Sonate piano D.960, Impromptus op.90. Quintette à
cordes D.956. Trios 1 op.99 et 2, op.100. 24 lieder du Voyage d’hiver.
Fantaisie piano 4 mains, D.940

Petit champignon, petite bouteille

Qui était-il davantage, ce « petit Franz » (Schubert), mort en 1828 à 31 ans, surnommé « schwammerl », petit champignon – à moins que ce n’ait été pour les intimes petite bouteille, en raison de son goût pour les alcools conviviaux -, et qui écrivait « je ne suis venu au monde que pour composer… mes créations existent par la connaissance de la musique et par celle de ma douleur. » ? Un « petit instit des faubourgs de Vienne », mais très doué dans l’art des sons, et suffisamment pour qu’autour de lui se soit déjà créé, de son si court vivant, une légende qui allait devenir en histoire de la musique un des lieux majeurs de toute création ? Un vrai modeste qui n’a que par éclairs de lucidité la conscience provocatrice de son étrange génie, et va demander quand il est au sommet de son art des leçons de contrepoint ? Un homme jeune, profondément malheureux, à qui l’insuccès public puis « la maladie de la mort cruelle et annoncée » ne laissent de répit qu’en surface, et qui dans son ultime délire interrogera : « N’y a-t-il donc pas de place pour moi à la surface de la terre ? ». Un représentant de la génération post-1815, tourmentée par le régime flicard de Metternich, cet aristocrate écouteur aux longues oreilles qui envoyait chercher pour les faire passer à tabac (Franz en fut, un soir), emprisonner ou exiler intellos et artistes déviants ? Le héros implicite et masqué de ces fameuses séances et promenades que la postérité gardera en souvenir ému d’un paradis perdu sous le nom de « schubertiades », où rivalisait de gaieté, d’émotion poétique, de subtilité, de joutes oratoires et musicales une élite d’écrivains, de peintres, d’interprètes, de spectateurs culturellement curieux de la nouveauté ? Un voyageur qui n’alla jamais bien loin autour de Vienne, mais fit le tour des mondes avec son intériorité imaginatrice ?

L’horizon de Belledonne

Schubertiades : voilà en tout cas le titre que donne à ses trois séries de réjouissances anniversaires l’association L’Oreille en fête- Musée en musique. Il est de plus mauvais choix, et à propos du compositeur bien sûr, et aussi pour l’atmosphère à recréer. C’est depuis vingt ans que les Grenoblois – dont la ville a toujours été en recherche de modernité et « d’hyper-textualité » – sont conviés à réjouir d’un même mouvement leurs yeux et leurs oreilles. Cette théorie mise en pratique de « correspondances » fructueuses bénéficie d’un Musée depuis longtemps modèle sur le plan des choix d’auteurs contemporains décisifs et le soin apporté à la présentation des œuvres (ah la grande salle donnant sur l’horizon de Belledonne !). Les échanges dans ce domaine ordinairement consacré à la musique de chambre sont devenus la règle, du tableau à la partition, du jeu au commentaire, à la conférence et à la visite, de l’œuvre à la synthèse thématique. En ce joli mois de mai 2007 ce sont donc trois schubertiades à date échelonnée, et on sait gré aux programmateurs d’avoir choisi des œuvres hautement significatives, elles-mêmes résumés de ce que le compositeur romantique par excellence a pu rechercher, proposer à un public averti, et offrir dans sa folle générosité d’inspiration aux générations ultérieures. Car ne nous faisons pas d’illusions rétrospectives : si Schubert donnait pour être moins inconnu quelques partitions apparemment faciles, voire salonnardes, l’essentiel du message demeura inaperçu de ses contemporains, et impensable dans cette Vienne où selon Beethoven, qui avait pourtant là une stature de Commandeur, il n’y en avait que pour « Rossini über alles ». Alors le petit Franz, vous pensez… « Franz qui ? », aurait-on pu demander dans les lieux où se faisait l’opinion artistique. Mais si, vous savez, ce compositeur de jolies romances….Et puis souvent Schubert n’osait pas : même adresser la parole à Beethoven, son-Dieu-sur-la-terre. Et s’il envoyait au génie poétique Goethe une « mise en musique » de son Erlkönig (Roi des Aulnes) et de sa Marguerite au rouet, le génie ne daignait même pas signer pour le facteur un accusé de réception. Et si, dans les derniers mois de sa vie, le compositeur laissait organiser par ses amis un concert de ses propres œuvres (et uniquement elles), la critique n’y allait pas parce que ce soir-là, le grand Paganini jouait le prestidigitateur des sons et que n’est-ce pas il y a des hiérarchies de valeurs…Franz-pas-de-chance, en somme ?

Un voyage du temps et de l’hiver

Peut-être mais nous sommes là, début XXIe, solidement accrochés aux partitions jadis les plus incompréhensibles : car ce que nous tenons pour l’ultime massif du sublime et de l’évidence, le cycle du Winterreise (Voyage d’hiver, sur des poèmes de Müller), effraya jusqu’aux amis mêmes de Schubert. Par sa dureté, son épure tragique, son errance hallucinée, son désespoir à la fin duquel on n’entend plus que tourner sans fin la manivelle du joueur de vielle. A Grenoble, ce sera Stephan Genz, un baryton disciple de Dietrich Fischer-Dieskau, avec le pianiste Eric Schneider, qui a les mêmes références stylistiques. Qui, avant le milieu du XXe, osait proposer en concerts ne fût-ce qu’une partie des 22 sonates pour piano de Franz, sur lesquelles les 32 beethovéniennes semblaient faire une ombre totalement excluante ? Sur les traces lointaines d’un Artur Schnabel, Eric Ferrand N’Kaoua (un Grenoblois lancé dans une belle carrière internationale mais qui n’oublie pas sa cité) offre de parcourir le monde à nul autre pareil de la dernière sonate D.960, qui invente une conception du Temps, de la mémoire et des mondes affectifs. Et y joint deux des Impromptus de la 1ère série (op.90 comme on disait naguère), ceux-là toujours beaucoup joués. Et l’unique Quintette à cordes D.956, un autre monde à soi tout seul, frissons et tendresse abandonnée : le voici par le Quatuor Manfred (un beau nom pour célébrer le romantisme, le 1er violon est celui de Marie Béreau, longtemps super-soliste à l’Ensemble Instrumental de la ville) et le grand et jeune violoncelliste Marc Coppey, salué par Menuhin et Rostropovitch.

Mots, notes et leçons

Les deux Trios appartiennent aussi à l’essentiel, et chacun son visage : plus souriant dans l’op.99 (Philippe Coutelen, Florian Lauridon, Gabrielle Torma, qui jouent aussi « l’arpeggione » (cet instrument disparu, aujourd’hui remplacé par le violoncelle) et la Fantaisie violon-piano D.934, un duo souvent minimisé mais de couleur si authentiquement schubertienne. Et plus tendu, un voyage souverain dans les labyrinthes de tous ordres et désordres, l’op.100 , par les Athéna, des rhône-alpins dont le violoncelliste Frédéric Bouaniche trouva naguère le nom d’Oreille en fête pour réunir ses amis et son public. Deux Grenoblois, nés natifs ou enseignants, les pianistes Sandra Chamoux et Jean-François Cholé, dans l’une des œuvres les plus déchirantes de l’histoire musicale, la Fantaisie en fa pour quatre-mains. Tous ces interprètes qui ont participé au devenir de Musée en musique sont parfaitement à leur place en cet esprit de schubertiade, pour des retrouvailles sous le signe de l’amitié.
L’une des conférencières habituelles, l’enseignante grenobloise en histoire de la musique Bernadette Lespinard, présentera « des mots et des notes ». Jean-François Zygel viendra donner en ouverture sa leçon de musique, désormais must-grand-public dont le ton familier et distancié à la fois permettra de silhouetter celui des schubertiades d’autrefois. Dans l’état actuel des annonces, on ne voit guère qu’une absente, la peinture, dont pourtant des échos dans le paysage romantique, montagnard ou portraitiste du corps et de l’âme – époque romantique et aussi moderne ou contemporaine, et même si un K.D.Friedrich ne se trouve, dirait Molière, sous le pas d’un cheval -, doivent bien s’entendre entre les murs du musée et au-delà de leurs vitrages. A suivre, ou alors composez votre parcours guidé par l’imagination en quête d’auteurs ?

Musée en musique. Tél.: 04 76 87 77 31 ou www.musee-en-musique.com

Illustrations

Portraits de Franz Schubert (DR)

Beverly Sills, sopranoPortrait

0

Beverly Sills,
soprano
(1929-2007)

The  » American’s Queen of Opera« 
(Times Magazine)

En avril 2007, Deutsche Grammophon réédite en un double coffret, les enregistrements mémorables de celle qui reste la plus grande soprano colorature américaine. Portrait de l’artiste et critique du coffret.

Belle Miriam Silverman, de son nom de scène, Beverly Sills, reste la soprano colorature américaine, la plus connue, demeurée légendaire, depuis ses performances vocales époustouflantes, dont les plus exceptionnelles couvrent les décennies 1960 et 1970. Née à Brooklyn le 25 mai 1929, la cantatrice s’est retirée de la scène en 1980, pour diriger le New York City Opera, le Lincoln Center (1994), puis le Metropolitan Opera en 2002.
Beverly Sills débute sa carrière lyrique en chantant la comédie musicale avant de tenir le rôle de Frasquita dans Carmen de Bizet, à l’Opéra de Philadelphie (1947), Violetta Valéry, La Traviata de Verdi (1951), Michaëla, dans Carmen (1952). Le 15 septembre 1953, à 24 ans, elle fait ses débuts à l’Opéra de San Francisco dans Mefistofele de Boito (Hélène de Troy) et Don Giovanni de Mozart (Donna Elvira).

Les années 1960

Mariée au journaliste Peter Greenough (depuis 1956), Beverly Sills aborde en 1962, l’un de ses grands rôles, Manon de Massenet, à l’Opéra de Boston, avant de chanter sa première Reine de la Nuit dans La flûte Enchantée de Mozart, en janvier 1964.

C’est en 1966, à 37 ans, qu’elle est couronnée star internationale du chant après avoir incarné Cleopatra dans Giulio Cesare de Haendel au New York City Opera. Ce coup de projecteur sur une carrière déjà bien amorcée, n’est pas sans rappeler, six ans auparavant, le triomphe et la reconnaissance internationale qui suivit, le cas d’une autre colorature de génie, Dame Joan Sutherland qui fut couronnée « Stupenda » après avoir chanté également du Haendel (Alcina) à la Fenice de Venise en 1960. Haendel, révélateur des grandes chanteuses?
Les prises de rôles se multiplient pour Beverly Sills. Suivent alors Martha de Flotow, Manon de Massenet, Lucia di Lammermoor de Donizetti. La soprano enregistre aussi de nombreux rôles…
Alors à l’apogée de ses performances vocales, elle chante Zerbinetta (1969) dans Ariadne auf Naxos de Strauss, lors de la première américaine de la version de 1912. Et Pamira dans Le Siège de Corinthe de Rossini, à la Scala de Milan.

Les années 1970

Time magazine lui consacre sa couverture en 1971 avec le titre de « American’s Queen of Opera« .
En avril 1975, Beverly Sills fait ses débuts au Met: Pamira qui lui vaut une ovation légendaire; puis, Traviata, Lucia di Lammermoor, Thaïs, Don Pasquale. Attachée à l’autre maison New Yorkaise, le New York City Opera (NYCO), Bervely Sills y paraît aussi dans les rôles majeurs du Turc en Italie de Rossini, La Veuve joyeuse de Lehar, La Loca que Gian-Carlo Menotti a spécialement écrit pour elle.
Soprano colorature exemplaire, la chanteuse s’est orientée progressivement vers des emplois de spinto sopranos, Traviata bien sûr, mais aussi, les rôles des souveraines Tudor, dans les opéras de Donizetti: Anna Bolena, Maria Stuarda, Roberto Devereux. En plus de la ligne aérienne de la voix, de son timbre blessé et tendre, d’un vibrato remarquablement maîtrisé, elle a su imposer un talent dramatique d’une grande sensibilité. L’interprète avoue avoir sacrifié en partie sa voix dans Roberto Devereux, s’y donnant sans compter pour l’interprétation d’Elisabetta.
Aux côtés de ses prises de rôles sur les scènes lyriques, Beverly Sills a donné de nombreux récitals avec orchestre, contribuant ainsi à populariser l’opéra. Les téléphages se souviennent certainement de sa participation au Muppet Show en 1979, de son duo avec Miss Piggy (« Pigaletto »), une « formalité » pour une artiste qui dès sa jeunesse a été habituée à paraître dans talk show et plateaux télévision.

Après avoir accru le rayonnement du NYCO, dont elle fait une entreprise viable tout en constituant une équipe de chanteurs, Beverly Sills rejoint en octobre 2002, le Metropolitan Opera of New York comme présidente. Elle assurera l’avènement de l’actuel directeur Peter Gelb, depuis 2006. La soprano américaine nous a quitté le 2 juillet 2007.

Approfondir

Le site officiel de Beverly Sills
Voir et écouter Beverly Sills (video room)

CD
« Beverly Sills and friends » (coffret 2 cd Deutsche Grammophon). Parution : avril 2007.
CD1: Jules Massenet (Manon), Donizetti (Lucia di Lammermoor, Anna Bolena, Roberto Devereux, Maria Stuarda), Bellini (I Puritani), extraits. CD2: Offenbach (Les contes d’Hoffmann), Douglas Moore (The Ballad of Baby Doe), Adam (Le Toréador), Schubert, Haendel, Arne, Caldara, Bishop, Lehar… extraits. Enregistrements 1970-1972.

Crédits photographiques
Beverly Sills (DR)
Beverly Sills dans la Fille du Régiment (DR)

12 ème Printemps baroque du Sablon Bruxelles. Du 20 au 27 avril 2007

12 ème
Printemps baroque du Sablon

Bruxelles. Du 20 au 27 avril 2007

« L’expression du sacré aux 17 ème et au 18 ème siècles
« : telle est la thématique de la nouvelle édition du festival baroque du Sablon à Bruxelles. Cette année, le programme se déroule en deux temps: concerts apéritifs à 18h, dans les salons des antiquaires du Sablon, puis concerts du soir à 20h30. Pendant une semaine, le Festival baroque met l’accent sur les formes de la musique sacrée, des chants de pèlerins au plain-chant éclatant, des messes spectaculaires à la dévotion ottomane du XVIIème siècle…
Organum dirigé par Marcel Pérès, ouvre les festivités le 20 avril, suivi le 22 avril par le Stylus Phantasticus (en partenariat avec le Bozar). Arianna Savall de son côté, emprunte avec La Fenice, le 25 avril, les chemins de Saint-Jacques…
Entre orient et occident, la création cette année d’une oeuvre commande du Festival , éclaire la dévotion des musiques spirituelles turques et européennes conservées dans un manuscrit ottoman du XVII ème siècle (La Turchesta, Cevher-I Musiki, le 27 avril). A noter la présence du baryton Nicolas Achten (23 avril), Prix du Printemps baroque au Concours International de Chant baroque de Chimay, déjà remarqué lors du concert de L’Arpeggiata, au festival de Sablé 2006, dans un programme vocal du XVII ème siècle, Monteverdi, Fresobaldi, Sances (Chapelle Protestante à 20h30).

Toutes les infos

Les programmes, les horaires et les lieux du Festival 2007: www.pbl-festival.be

Crédit photographique
Le baryton Nicolas Achten, en concert le 23 avril 2007 (DR)

Franz Seraph Schubert (1797-1828) »Portrait-Fantaisie »

Mon Schubert

A l’occasion de la sortie du coffret « Schubert, The collector’edition » (50 cds) chez Emi, notre rédacteur Adrien de Vries évoque « son » Schubert. Portrait fantaisie du « Wanderer », mort le 19 novembre 1828, à l’âge de 31 ans…

Chant d’un autre monde

Pour Stravinsky, le chant de Schubert même dans ses « longueurs », mène au Paradis. Aucun autre compositeur romantique ne semble plus inspiré par l’idée d’un autre monde, serein et pacifique, dont il aurait la nostalgie. Ce monde dont nous parle le compositeur serait celui de l’enfance et de l’insouciance, de la pureté et de l’innocence.
Franz Seraph Schubert ne fut-il pas un ange égaré sur la terre, un être « séraphique », venu de l’au-delà, comme égrenant lied après lied ou sonate après sonate, ce rêve éveillé que font les génies, touchés par des visions enchantées? Finalement, la musique de Schubert nous parle d’un monde réhumanisé, pacifié, féerique, où l’explorateur termine son errance en s’adressant à son frère, son ami, son double. C’est un monde de l’intime et de la confession, où chacun se dirait à l’autre, je t’ai choisi car tu me ressembles. Un rêve de fraternité en somme, un idéal de civilisation et d’humanité.

Mort, mon amie, ma fin
La bonne âme de Schubert, qui a vécu ce que vivent les enfants, le temps d’une aube à peine consciente d’elle-même, soit presque 32 ans, depuis sa naissance à Vienne, le 31 janvier 1797, aime, chérir et caresser. Il aime se sentir aimé, entouré, choyé. Son père était maître d’école et sa mère, cuisinière. Des 14 enfants nés de ce couple modeste, quatre seulement survécurent dont le plus grand musicien Viennois, le maître du lied.
De sa précarité, Schubert semble avoir été toujours conscient. Je nais pour mourir. Et lui, plus tôt que tout autre. C’est pourquoi la mort paraît toujours, dans chaque phrase musicale, à l’ombre d’une exaltation. La fin n’est jamais effrayante: elle est attendue, consolatrice, bienvenue. C’est un sommeil doux et là encore fraternel, l’ultime caresse d’une amie rassurante. Mais dire adieu n’est pas simple et la dernière étreinte ne se fait jamais sans pleurs ni larmes, sans recul ni tension.
Alors la musique elle-même que ne peut être dite précisément, ne serait-elle pas le langage de l’ineffable, l’expression de ce voyage sans retour qui accompagne la révélation de ce désespoir mais qui en même temps, le transfigure et le rend finalement, acceptable?

Génie précoce, fausse naïveté

Un autre caractère de la musique de Schubert est sa précocité: Première Symphonie à 16 ans, puis, le lied Marguerite au rouet, à 17 ans (octobre 1814), surtout l’année suivante en 1815, à 18 ans, la perfection faite mélodie: Le roi des aulnes.
L’image d’épinal cultive un Schubert bon teint, naïf, douceâtre. Comme ailleurs, on ne saurait voir en Mozart, le trentenaire accablé, exténué, désespéré, d’une profondeur sincère et tragique… Si l’homme était humble et réservé, le compositeur était exceptionnel, et d’ailleurs, parfaitement conscient de sa valeur: « je ne suis au monde que pour composer », dit Schubert. Son lied « A la musique » ne dit pas autre chose. En composant, le musicien oeuvre pour l’éternité. Il nous dit l’expérience et les rêves de tout homme, sublimé par le verbe musical. Le désir et le remords, avec cette tendresse à hauteur d’homme qui se révèle bouleversante.
Ses deux cycles de lieder les plus essentiels, La Belle Meunière et le Voyage d’hiver, la fantaisie pour piano Le voyageur (wandererphantasie), composé en 1822, comme ses symphonies sont des marches, errances suspendues au battement d’un coeur, celui du voyageur. Ni guerre, ni drames contrastés à l’échelle du cosmos, comme chez Beethoven, mais la progression intérieure d’une aventure humaine, coûte que coûte. Ce rêve nostalgique d’un monde pacifié, que l’on oublie jamais, et vers lequel l’âme tend à chaque soupir d’une vie…

CD
En avril 2007, Emi publie un coffret essentiel de 50 cd regroupant les oeuvres majeures de Franz Schubert. Musique de scène et symphonie, musique de chambre et sonates pour piano, oratorio, musique religieuse et lieder… Lire notre critique de Schubert, The collector’s edition (Emi, 50 cd)

Illustrations

Portrait de Franz Seraph Schubert (DR)
Gustav Klimt, Schubert au piano (DR)

Ernest Ansermet (1883-1969), chef d’orchestrePortrait subjectif (1)

Ernest Ansermet

(1883-1969)
Portrait subjectif du chef d’orchestre né à Vevey, mort à Genève, fondateur de l’Orchestre de la Suisse Romande, et son directeur, de 1918 à 1967.

20 février 1969 : Ansermet décède. Le 18 décembre de l’année précédente, il a donné son dernier concert au cours duquel se manifestent les symptômes du mal qui va l’emporter quelques semaines plus tard. Ses obsèques sont celles d’un héros national. Ansermet a été l’initiateur le plus important de la vie culturelle de son pays pendant plus de cinquante ans. Homme d’une grande culture et à l’esprit acéré, artiste musicien, d’une curiosité infatigable, Ernest Ansermet a été aussi l’un des acteurs les plus importants du marché du disque. Il est sans doute de ceux avec Herbert von Karajan et Antal Dorati qui ont gravé le plus de microsillons. Decca a fait d’Ansermet, l’une des figures de proue de son catalogue. Ses enregistrements ont eu un succès considérable. Ansermet, en effet, était un gage de qualité, d’excellence interprétative dans la musique moderne (Debussy, Ravel, Falla, Stravinsky, Honegger, Frank Martin) et de nombreux mélomanes, en Europe, au Japon et aux Etats-Unis, admiraient aussi ses interprétations des classiques (Haydn, Mozart, Beethoven) et romantiques (Brahms, Schumann, Mendelssohn,…). Au début des années 1980, à l’apparition du CD, les premières rééditions du label Decca sont d’une part le célèbre Chant de la Terre par Bruno Walter (avec Kathleen Ferrier et Julius Patzak), d’autre part un disque Debussy/Ravel par Ansermet. Le directeur de l’Orchestre de la Suisse Romande était une légende, l’est encore dans les années 1980. De nouvelles générations de mélomanes allaient encore vivre avec ces enregistrements ; ils en ont été durablement imprégnés.
Janvier 2007 : Decca publie un coffret de six CD, où figurent de rares témoignages du chef suisse, parfois même inédits en CD. On lit ici ou là des articles parfois durs à son encontre. Ansermet pourrait connaître le sort d’un Kempff il y a quelques années, celui de Karajan, actuellement. L’art d’Ansermet nous parle-t-il encore aujourd’hui ? Voici un « petit » portrait, lucide et admiratif.


Première Partie

Ernest Ansermet et l’Orchestre de la Suisse Romande (Genève)

Une relation unique dans l’histoire de l’interprétation au XXème siècle

Des débuts du chef Ernest Ansermet à la naissance de l’Orchestre de la Suisse Romande
Ernest Ansermet se fait connaître comme chef d’orchestre dès le début des années 1910, à Lausanne. Ses premiers concerts sont de véritables succès, presque inespérés. Tout le monde lui reconnaît de vraies qualités pour animer une œuvre musicale. En 1912, il obtient le poste de chef de l’Orchestre du Kursaal de Montreux, à la suite de Francisco de Lacerda, malade, avec qui il s’était lié intimement quelques mois auparavant et dont il a suivi régulièrement et très attentivement les répétitions. La nomination du jeune Ansermet à Montreux n’est due cependant qu’à son seul talent, reconnu lors d’une audition. Suivent d’autres succès qui le font rapidement connaître à Genève, où, en 1915, il vient diriger pour la première fois un concert d’où la critique ressort médusée. Dès lors, Ansermet n’est plus un chef comme les autres. Ses programmes très originaux, où la musique française contemporaine (Debussy, Ravel,…) et la musique russe (Rimsky-Korsakov, Borodine et déjà Stravinsky !) acquièrent une place inhabituelle, relativement pionnière en réalité, attirent l’attention de Stravinsky lui-même. Celui-ci recommande alors le jeune chef au célèbre directeur des Ballets Russes, Serge de Diaghilev, qui est à la recherche d’un nouveau musicien pour remplacer Pierre Monteux, parti à la guerre. Diaghilev se déplace à Genève pour entendre Ansermet. Très impressionné, il décide de le prendre immédiatement avec lui.
A la même époque, la ville de Genève devait aussi trouver un nouveau directeur musical pour son orchestre. Apprenant la récente nomination d’Ansermet aux Ballets Russes, Genève décide de le placer à la tête de l’orchestre, après bien pourtant des hésitations au cours des semaines précédentes à son égard. En 1915, Ansermet a 32 ans, les feux de la rampe sont braqués sur lui. Au cours des saisons suivantes, il partage donc ses activités entre les Ballets Russes et Genève ; il voyage beaucoup, et se fait connaître à l’étranger.

1918 : l’Europe est détruite par les ravages de la Grande Guerre, la plupart des activités artistiques sont suspendues. En Suisse romande, seule Genève présente encore des concerts. C’est trop peu. Un remède ? Oui, la création d’un orchestre qui aurait pour vocation de se déplacer dans l’ensemble de la région. Sous l’impulsion de différentes personnalités, dont Ansermet lui-même naturellement, naît ainsi l’idée du futur Orchestre de la Suisse Romande. Ansermet doit réunir des musiciens : il trouve ainsi ses cordes en Belgique et en Italie, ses vents à Paris et ses cuivres à Vienne, tout en faisant appel à des musiciens de l’ancien orchestre de la ville de Genève. La renommée qu’a acquise Ansermet grâce aux Ballets Russes profitera réellement à cette nouvelle phalange de musiciens. Pourtant, ses débuts restent tout à fait modestes. Il faut travailler. Rigoureux, tenace, très exigeant envers ses instrumentistes, Ansermet parvient rapidement, dès le milieu des années 1920, à susciter le sens de l’écoute entre ces artistes d’horizons divers et à créer un orchestre d’une belle homogénéité. Les années 1920 sont véritablement le début d’une longue et riche histoire entre un chef original et charismatique et des musiciens qui sauront créer un ensemble singulier, par ses couleurs extrêmement claires et franches, sa texture légère et transparente.

Par la volonté du chef, un orchestre moderne

Dès le début de son existence, l’Orchestre de la Suisse Romande joue et défend la musique du XXème siècle. Ansermet, ainsi, programme régulièrement Debussy, qui reste l’une de ses grandes passions musicales, mais aussi Ravel, qui est très impressionné par la création genevoise de La Valse (« je n’ai jamais pu obtenir cette souplesse rythmique à Paris » écrit Ravel au chef helvétique en novembre 1921), ou Stravinsky, qu’Ansermet interprètera toujours, même lors de leur brouille stupide à la fin de leur vie. Dans les années 1920, Ansermet propulse aussi le jeune Arthur Honegger. Il fait connaître dans le monde entier Le Roi David (1921), Horace victorieux (1921) ou le Chant de Joie (1923). Puis un peu plus tard les symphonies, dont il demeure l’un des premiers interprètes marquants avec Charles Munch, et ceci bien avant Herbert von Karajan.
La curiosité d’Ansermet, dont certains organisateurs de concerts devraient aujourd’hui se souvenir, conduit à la programmation d’œuvres encore bien négligées à l’époque : la Quatrième Symphonie de Mahler, en 1922, la Deuxième Symphonie en 1924, le Chant de la Terre en 1926, la Kammersymphonie pour quinze instruments de Schoenberg en 1923, les Trois Lieder op.8 en 1925 – Ansermet ne comprend pas du tout le dodécaphonisme du compositeur autrichien, le refuse et le rejette totalement –, le Troisième Concerto pour piano de Prokofiev en 1923, Chout en 1926, etc. Extraordinaire surtout est la quantité d’œuvres nouvelles que dirige Ansermet tout au long de sa carrière. De Stravinsky, il créé ainsi L’Histoire du Soldat, Le Chant du Rossignol, Pulcinella, Renard, Les Noces, Mavra, le Capriccio pour piano et orchestre, la Symphonie de Psaumes, la Messe. De Frank Martin, il révèle au public 13 œuvres. Peu de chefs au XXème siècle ont défendu avec autant d’ardeur et d’amour la musique de leur temps. Ansermet en est véritablement l’étendard le plus indiscutable et a fait de Genève un des centres les plus importants de l’Europe musicale. Ansermet voulait sans doute perpétuer le foisonnement artistique dont il avait pu profiter durant son séjour à Paris au début du siècle et qui l’a marqué sans doute à vie. Etre à la pointe de la création, être au centre de la contemporanéité musicale, voilà sans doute l’une de ses aspirations, même si l’ambition était une idée qui lui était un peu étrangère. Ansermet a vraiment côtoyé les noms les plus importants du XXème siècle : Debussy, à qui il suggéra des corrections dans l’orchestration des Nocturnes et de La Mer (Debussy ne rechigna pas à pareille demande contrairement à Igor Stravinsky, qui acceptait difficilement la contradiction), mais aussi Ravel, Stravinsky, Honegger, Hindemith, Berg, Bartók, Falla, Martin, Prokofiev, Roussel, Britten, Kodály, et bien d’autres encore. On croit rêver ! Cet indéniable intérêt pour les Modernes ne doit cependant pas faire oublier l’attirance croissante d’Ansermet pour les Anciens : en effet, il aime et interprète de plus en plus Haydn, Beethoven, Brahms, Liszt tout au long de sa carrière. Ce n’est sans doute pas par hasard en réalité que son intérêt pour les classiques et romantiques s’accroît : en effet, le dodécaphonisme, le courant artistique de l’époque le plus marquant depuis la Première Guerre mondiale lui semblait totalement imperméable. Ce « second » amour pour les compositeurs du passé trouvera son plein accomplissement dans de très belles gravures discographiques. Nous en reparlerons par la suite.

Un triomphe international

Parallèlement à ses activités à Genève, sa carrière internationale se développe. Il dirigera de plus en plus dans les grandes capitales européennes non francophones (Berlin, Londres, Vienne, Rome …), toujours autant à Paris – d’autant qu’au début des années 1930, il porte sur les fonds baptismaux l’Orchestre Symphonique de Paris –, et régulièrement aussi en Amérique du Sud (il est d’ailleurs responsable de l’Orchestre de Buenos-Aires de 1924 à 1934). Après la guerre, chacune de ses apparitions aux Etats-Unis est un triomphe, la presse est dithyrambique. Il connaît des succès semblables au Japon. Ce sont d’ailleurs grâce à ces concerts aux Etats-Unis et au Japon que la légende Ansermet se crée, légende favorisée en outre par la grande quantité de microsillons qu’Ernest Ansermet engrange après la Seconde Guerre mondiale pour Decca avec son Orchestre de la Suisse Romande.

Prochain épisode
(2) : Les témoignages discographiques d’Ansermet pour Decca (1947-1967)

Crédits photographiques
Ernest Ansermet (DR)

Gustavo Dudamel, chef d’orchestre. Saint-Denis, le 4 juin 2007Nouveau cd: Gustav Mahler, Symphonie n°5 (DG)

0

Gustavo Dudamel,
chef d’orchestre

Gustav Mahler
Symphonie n°5

Concert
Festival de Saint Denis,
le 4 juin 2007 à 20h30

Nouvel album cd
Mahler: Symphonie n°5
(Deutsche Grammophon)
Parution française:
le 21 mai 2007

Musicien comblé

Un futur grand nom de la baguette s’invite à Saint-Denis. Heureux spectateurs de ce 4 juin 2007 qui pourront bientôt témoigner de la naissance d’un futur grand maestro… A 25 ans, Gustavo Dudamel est un musicien comblé: nommé chef permanent de l’Orchestre Symphonique de Göteborg en Suède, à partir de la saison 2007-2008, le jeune maestro vénézuélien, doit sa célébrité fulgurante lors du concours de direction d’orchestre Gustave Mahler (Berlin, mai 2004), puis comme remplaçant, au pied levé, du chef estonien Neeme Järvi aux BBC Prom’s (août 2005). Tempérament hors du commun, ce forcené de la baguette et du travail, qui est aussi violoniste et compositeur, a immédiatement suscité le soutien des plus grands chefs de l’heure: Claudio Abbado, Daniel Barenboïm, Simon Rattle. Chacun de ces trois monstres de la direction actuelle, continue de lui prodiguer conseils et encouragements.

Musique engagée, projet humaniste

Elève de Rodolfo Saglimbeni et de José Antonio Abreu, au Vénézuela, Gustavo Dudamel dirige aussi l’Orchestre National Simón Bolívar des Jeunes du Vénézuela. L’orchestre réalise un projet de professionnalisation des plus jeunes et des plus démunis grâce à la musique. En plus d’être culturelle, l’activité de l’Orchestre national Simon Bolivar est tout autant sociale et solidaire. Musique engagée, porteuse d’une action humaniste, le projet que défend aujourd’hui Gustavo Dudamel a valeur d’exemple.

L’OSG

L’Orchestre Symphonique de Göteborg, fondé en 1905, a naturellement défendu le répertoire nordique du XIX ème avec les Symphonies de Sibelius et Grieg. Charles Dutoit (1976-1979), Neeme Järvi (1982-2004), puis Mario Venzago (2004-2007) ont précédé au poste de directeur musical, Gustavo Dudamel.

CD

Gustav Mahler: Symphonie n°5. Simon Bolivar Youth Orchestra of Venezuela. Gustavo Dudamel, direction. Nouvel album chez Deutsche Grammophon. Parution française: le 21 mai 2007. Ce deuxième cd enregistré pour la prestigieux marque jaune est une confirmation. Energique, doué d’une vitalité mordante et tendre, le jeune Orchestre des Jeunes Simon Bolivar, électrisé par leur chef, décidément plein de surprises, relit sans routine ni complaisance à la tradition classique, le chef-d’oeuvre malhérien. Voilà longtemps que l’on avait pas écouté tant de justesse juvénile, de passion dépoussiérante. Cuivres grimaçants et terrifiants à l’appel du destin, bois ronds et expressifs, entre tendresse et cynisme… couleurs ciselées et tranchantes, à la rythmique impeccable. La lecture se révèle surprenante par sa maturité, sa fraîcheur, son intelligence. Incontournable.

Déjà paru: Beethoven: Symphonie n°5 et 7. Simon Bolivar Youth Orchestra of Venezuela. Gustavo Dudamel, direction. Edité en septembre 2006 chez Deutsche Grammophon

Concert

Richard Srauss, Quatre derniers lieder
(Maesha Brueggergosman, soprano)
Gustav Mahler, Symphonie n°5.
Lundi 4 juin 2007 à 20h30. Saint-Denis, Cathédrale Basilique
Göteborg Symphony Orchestra. Gustavo Dudamel, Direction

Approfondir

Lire notre dossier portrait Gustavo Dudamel
Lire notre présentation de la Symphonie n°5 de Gustav Mahler

Crédit photographique
Gustavo Dudamel © Mathias Bothor / DG

Renée Fleming chante CapriccioMezzo, du 14 au 27 avril 2007

Richard Strauss,
Capriccio

(1942)

Le 14 avril 2007 à 20h45
Le 15 avril 2007 à 13h45
Le 24 avril 2007 à 15h45
Le 27 avril 2007 à 4h20

Parole ou musique?

La scène se passe dans un château de l’aristocratie, à quelques lieues de Paris, dans les années 1770. A l’époque où Gluck, favori de la jeune souveraine Marie-Antoinette, réforme l’opéra français, la Comtesse Madeleine (Renée Fleming, notre photo) s’interroge sur la préséance à l’opéra, entre la poésie et la musique. Laquelle des deux conduit le drame musical? Autour d’elle, Flamand, le compositeur, et Olivier, le poète, s’ingénient à lui démontrer les vertus respectives de leur art. Amoureux de la princesse, les deux artistes s’enflamment et rivalisent.
Auquel des deux hommes, Madeleine exprimera-t-elle sa préférence? Au travers de cette comédie en costumes et perruques, se joue le destin de la forme opéra elle-même. Richard Strauss aime questionner les cadres du théâtre et de la représentation musicale. Déjà, « Prima la musica e poi le parole » était le sujet de l’opéra de Salieri, rival de Mozart à Vienne en 1786: « d’abord la musique, puis les paroles ». A-t-on raison de hiérarchiser ainsi les deux composantes d’un ouvrage lyrique? La question est éternelle, jamais vraiment élucidée ni résolue. Strauss aidé de Stephan Zweig et de Clemens Krauss, y excelle par une écriture qui au-delà du pastiche baroque et de la forme classique néo-viennoise, réussit une fusion idéale entre chant et musique. De ce fait, il apporte sa propre réponse à la question fondamentale de l’opéra.
La production que diffuse Mezzo est l’un des spectacles les plus réussis du règne Gall à l’Opéra de Paris. La mise en scène de Carsen fait de Renée Fleming, la muse du Palais Garnier, une incarnation parfaite de la lyre théâtrale. Le dernier tableau, où Madeleine en proie à une vive émotion, saisie par la perfection de la musique de Flamand et de la poésie d’Olivier, se perd dans son propre reflet, face à un miroir colossal, en fond de scène, qui est l’image de son propre vertige à l’infini, est d’un sublime inoubliable.

Richard Strauss (1864-1949)
Capriccio, opus 85
Konversationsstück
(« pièce en forme de conversation »)
en un acte.
Livret de Clemens Krauss et du compositeur.
Créé à Munich, le 28 octobre 1942

Renée Fleming (La Comtesse),
Dietrich Henschel (Le Comte),
Rainer Trost (Flamand),
Gerard Finley (Olivier),
Franz Hawlata (la Roche),
Anne Sophie Von Otter (Clairon),
Robert Tear (Monsieur Taupe),
Annamaria Dell’Oste (une chanteuse italienne),
Barry Banks (un ténor italien),
Petri Lindroos (le majordome),
Orchestre de l’Opéra national de Paris,
direction : Ulf Schirmer.

Mise en scène : Robert Carsen.
Réalisation : François Rousillon.

Approfondir
Lire notre critique du dvd Capriccio de Strauss par Renée Fleming (TDK)

Où en est l’opéra aujoud’hui?

Opéra d’aujourd’hui

L’opéra, genre moribond? Rien de plus faux! En 2007, qui marque ses 400 ans, depuis la création de l’Orfeo de Claudio Monteverdi (en février 1607, qui est le premier opéra « moderne » de l’histoire), le théâtre lyrique ne s’est jamais mieux porté. Les critiques conservateurs qui conspuent le décalage des mises en scènes modernes devraient interroger l’évolution des audiences fidélisées. Partout en Europe, les théâtres d’opéras ont vu leurs spectateurs augmenter, les mécènes renouveler leur engagement, les plus jeunes se multiplier dans les salles. La machine lyrique fait rêver: elle n’a jamais autant attiré les foules et les publics.

Ecrire un nouvel opéra pour qui, pourquoi?

En dehors des contestations du genre, des positions anti classiques que beaucoup de compositeurs adoptent, parfois au mépris du public, (combien d’oeuvres inaudibles!), l’idée d’écrire un nouvel opéra confronte inévitablement l’auteur à la tradition du genre comme à la question de la modernité. Opéra parlé, opéra chanté? Voix en accord ou en désaccord avec les instruments? Dramaturgie éclatée ou respectueuse du cadre?
Faut-il encore composer des opéras quand les oeuvres du répertoire continuent d’exercer une indiscutable attraction? D’autant que les ouvrages baroques, les plus anciens, interrogent toujours notre propre actualité. Les sujets essentiels de l’homme et de son destin, de ses passions et des fantasmes enfouis ou conscients, ont dès l’origine du genre été porté sur la scène.

Classiques d’aujourd’hui

Evolution naturelle, le peloton des oeuvres les plus populaires s’est décalé dans la chronologie de l’histoire lyrique. Il y a 40 ans, dans les années 60, les opéras les plus joués et les plus applaudis étaient Carmen, La Traviata, Don Giovanni… aujourd’hui, les opéras du début du XXème siècle, de Pelléas de Debussy, au Château de Barbe-Bleue de Bartok, sans omettre Wozzek de Berg, composent désormais, un tryptique « moderne » que tout théâtre se doit de respecter. Et même pour Mozart, indétrônable, Cosi tend à supplanter Don Giovanni: son ironie et son cynisme étant plus en vibration avec la violence et les barbaries de notre monde.

L’opéra, scène vivante et militante?

La voie d’un opéra contemporain ne s’inscrirait-elle pas justement avec succès dans cette faculté à accompagner les grands faits de la société moderne? Un opéra engagé, sachant rebondir, être la fenêtre ouverte sur notre civilisation, afin d’y dénoncer ses aberrations ou de souligner ses sources d’enchantement?
La leçon des nouvelles mises en scène, de ces relectures si décriées, met en lumière la nécessité de l’opéra à retrouver son souffle, un souffle en accord avec son temps. L’art moderne est un art critique, vivant. L’opéra doit éviter de s’étouffer sous le poids de lectures décoratives et pompeuses, des redites inutiles car simplement divertissantes. Après tout, depuis les trente dernières années, jamais l’opéra n’aura autant concentré de visions neuves, insolentes ou décalées, toujours affûtées et vivantes. Performances, dispositifs, apparitions des effets visuels de plus en plus sophistiqués grâce aux avancées de la technologie scénique… Ces « déballages » adossés à l’essence des oeuvres, ainsi relues, n’attaquent que leur propre limite à servir un texte. Et souvent, plus une mise en scène ou des décors sont excessifs et inadaptés, plus l’oeuvre en ressort, à l’inverse, comme grandie. Sa vérité profonde n’en est que plus éclatante, comme révélée à mesure qu’on voulait la tuer ou tout au moins la dénaturer.
« Malscène »? La vision est partisane donc contestable car réductrice. Elle est portée par les phalanges les plus conservatrices pour lesquelles l’opéra doit divertir avant de faire réfléchir, enchanter avant d’exprimer. Pourtant les deux aspects ne sont pas incompatibles. Et les meilleurs scénographes satisfont aux deux aspects.
Il nous faut un spectacle qui palpite, qui questionne, perturbe tout en fascinant. La gageure n’étant que rarement atteinte, voilà un défi excitant pour de nouveaux compositeurs. Alors l’opéra, genre avorté, essoufflé, mort? Il n’a, a contrario, jamais autant suscité d’intérêt.

L’agenda de la saison lyrique 2006/2007 des opéras du XXème et du XXI ème siècle: tous les opéras du XXème et du XXI ème siècle jusqu’à juillet 2007

Thierry Machuel: L’encore aveugle, oratorioCréation. Du 10 au 15 mai 2007

0

Thierry Machuel
L’encore aveugle

, oratorio
d’après Yves Bonnefoy
(création mondiale)

Charleville-Mézières
Reims, Troyes et Chaumont
Du 10 au 15 mai 2007

Comme Philippe Fénelon qui dans son dernier opéra, Faust, voit la quête de l’homme toujours insatisfait, qui ne peut, impuissant, que constater le report constant de la vérité et des réponses aux mystères du monde (création au Capitole de Toulouse, en mai 2007), Thierry Machuel, lecteur du poète Yves Bonnefoy, recueille les interrogations d’une humanité en manque de connaissance, de vision, de compréhension.
Le geste n’est pas pour autant désespéré car la parole et l’acte musical autant que vocal se veulent « énergie », qui dans le partage avec le public, se fait « créatrice ». Thierry Machuel offre, avec la création de son oratorio « L’encore aveugle« , l’aboutissement de sa résidence en Champagne Ardenne et les fruits d’un travail continu d’après la poésie contemporaine. La partition s’inscrit dans un volet pédagogique: le poème de Bonnefoy, « L’encore aveugle« , tiré du recueil « Les Planches Courbes » (2001), est inscrit au Bac 2007 et plusieurs lycéens participent au choeur, l’oeuvre nécessitant la collaboration d’un grand choeur de 150 choristes. Le compositeur a souvent été invité à composer pour des choeurs amateurs. Le travail d’écriture prend alors comme donnée décisive, la nécessité d’inscrire l’attente et une certaine forme d’innocence des interprètes dans la genèse de l’oeuvre.
Le texte de Bonnefoy s’interroge sur l’existence de Dieu. Le choeur intervenant quatre fois, représente l’humanité. Voix du doute et de la quête, une jeune femme, qui peut être « une théologienne, cherchant une définition, s’approche du divin« , précise le compositeur.
Tout en relisant le texte de Bonnefoy dont le sujet principal est un questionnement sur la transcendance à partir de la légende de Saint-Christophe portant le Christ enfant, l’oratorio de Thierry Machuel permet à la musique d’être un lieu de passage et de connaissance, d’expérience et peut-être de révélation. « Je pense que la musique est une entrée vers la langue... » nous dit le musicien.

Trois concerts publics:
Charleville-Mézières, Eglise du Sacré-Coeur,
Jeudi 10 mai 2007 à 20h30

Reims, Auditorium du CNR,
Vendredi 11 mai 2007 à 20h30

Troyes, Eglise Saint-Nizier,
Lundi 14 mai 2007 à 20h30

Un concert à l’adresse des collégiens:
Chaumont, Eglise Notre-Dame du Rosaire
Mardi 15 mai 2007 à 15h

Renseignements & réservations: 03.26.55.78.21

CD


Thierry Machuel: Psalm
(2003)
L’univers polyphonique de Thierry Machuel atteint dans cet album magnifique (à posséder d’urgence) une vibration hallucinatoire, prenante et hypnotique. A la densité du jeu contrapuntique correspond la qualité sélective des textes poétiques. La musique n’allant jamais chez Machuel, fin lecteur de textes engagés, sans sa soeur, complémentaire ou gémellaire, la poésie. Si la texture, parfois jusqu’à saturation du mot et de la note, offre une riche correspondance avec le sens et le sentiment émis, alors, dans les oeuvres ici abordées, l’écriture réalise un accomplissement rare.
D’autant que l’exacerbation lyrique des effets vocaux, idéalement sertis et proférés par Le jeune choeur de Paris, et le Choeur de chambre Cris de Paris, portent plusieurs textes d’une très grande force poétique. Notre préférence va tout d’abord, au cycle « Dark like me » de Langston Hugues (1902-1967) qui écrit un hommage à Billy Holiday en évoquant la conditions des Noirs américains au début du XX ème siècle. Les cinq tableaux de cette suite chorale sont bouleversants par leur humanité, en cela remarquablement incarnés par les deux choeurs. Avec « Jiv », d’après les textes du polonais Ossip Mandelstam, nous gravissons encore un degré dans l’intensité émotionnelle. C’est le martyr des camps staliniens que Machuel honore avec une justesse de ton, là encore confondant de vérité et de déchirants accents. Et que dire encore du cycle fascinant « Über dem Dorn » d’après Paul Celan, mort suicidé en 1970? Sinon sa pureté tragique, impeccable, implacable, immersion sublime dans le noir absolu et les profondeurs de l’expérience humaine. La tension dont il s’agit, déploie dans le texte et dans le chant du corps choral, une pleine conscience qui exprime, et l’anéantissement final, et les forces extrêmes pour en sortir. Conçu comme un triptyque, son premier « volet », « Psalm » donne le titre de cet album événement.
Les trois Nocturnes dont un non moins captivant et crépusculaire voyage nocturne, infernal, d’après Benoît Richter, poursuit une quête ciselée, entre l’horreur d’une nuit d’inhumanité et le vide silencieux de la nuit, inquiétante, énigmatique.
Finalement, tout ici revient à l’humain, rien que l’humain. Interprètes en état de transe (chauffés par leurs chefs, Laurence Equilbey et Geoffroy Jourdain), compassion profonde d’un musicien au chant spirituel engagé, critique, acide, amer, et nourri d’espérance: ce disque est un éblouissement sonore et littéraire, incontournable. 1 cd Naïve. Paru en novembre 2004.

Crédit photographique
Thierry Machuel (DR)
Jean Mostaert, Saint-Christophe portant le Christ (DR)

Opéra contemporain: Sciarrino et FénelonToulouse et Paris, du 23 mai au 10 juin 2007

Il y eut Mi Amor, le dernier ouvrage de Charles Chaynes à Metz, en mars 2007. Le mois de mai n’est pas en reste et perpétue la vitalité de la création contemporaine. L’Opéra de Paris présente Da gelo a gelo de Salvatore Sciarrino et le Capitole de Toulouse produit le Faust de Philippe Fénelon. Présentation des productions annoncées et édito sur le thème: où en est l’Opéra contemporain? au moment où 2007, marque les 400 ans d’un genre qui n’a jamais été aussi vivant sur la scène culturelle.

Philippe Fénelon
Faust

Toulouse, Capitole
Du 25 mai au 1er juin 2007

Faust désenchanté
Après Salambô (qui n’avait guère convaincu), le Chevalier imaginaire
(d’après Don Quichotte), Les Rois (inspiré du Minotaure), Philippe
Fénelon aborde le mythe de Faust d’après Lenau. A partir des 24
chapitres qui croisent dialogues et monologues, Fénelon a écrit son
propre livret pour son opéra en deux actes, cerné par un prologue et un épilogue. L’oeuvre exprime la profonde inquiétude du héros qui terrassé
dès le début, ne trouve aucune sérénité, au terme de son voyage
nocturne. C’est une vision désenchantée, sans espoir, où toute
réalisation et tout projet sont voués à l’échec. Errance maudite, la
partition indique une impuissance déterminée à laquelle ni science ni
art ne peuvent apporter d’issue. Pour expliciter sa représentation des
vanités, Fénelon a conçu le personnage de « Görg », l’Homme, « narrateur
et témoin », (ténor lyrique) qui témoigne de l’échec qui est celui de
toute vie. Le propre de chacun est de s’engager dans une quête dont l’objet, toujours reporté, demeure inaccessible.

Salvatore Sciarrino
Da gelo a gelo

Paris, Opéra Garnier
Du 23 mai au 10 juin 2007

Le coeur étouffé d’une amante insatisfaite

D’après le Journal d’Izumi Shikibu, poétesse japonaise vers l’an
1000, Da gelo a gelo, créé à Schwetzingen en 2006, évoque
l’histoire autobiographique de la jeune femme japonaise, dame de la Cour de Heian, qui vit une
relation amoureuse avec le prince Atsumichi.
Leur liaison doit être
tenue secrète. Le poids de la dissimulation accable l’amoureuse.
Sciarrino s’appuie sur ce temps suspendu, étouffé qui semble écarté du
temps réel: inquiétudes, peurs, angoisses d’être dévoilée; attentes et
espérances tissent un ouvrage en un acte d’après une sélection
(réalisée par le compositeur) de 103 poésies. L’ouvrage reste continument tendu, à l’apparente
sérénité. Ce flottement qui n’est qu’illusoire, appelle la catastrophe à venir: le prince décide contre les convenances et au mépris du lien de fidélité qui le lie à son épouse, d’enlever la jeune et belle veuve. En somme, il
semble longtemps ne rien se passer. L’action n’est pas explicite: elle reste
enfouie dans le coeur de l’héroïne, ce qui n’ôte rien à son intensité.
Izumi est une victime, silencieuse mais « brûlée », insatisfaite parce
que le Prince n’est finalement jamais en phase avec la temporalité de son amante.
Le sujet est bien ce décalage entre deux coeurs amoureux qui ne vivent
pas le même amour.
Accompagné par un ensemble de solistes, les poèmes
chantés sont déclamés avec précision et même un certain automatisme. Ce
qui renforce la force et la violence d’un théâtre du silence, fait de gestes et de situations apparemment sans mouvement, qui est en manque
d’action. Salvatore Sciarrino est né en Sicile en 1947.
Commande de l’Opéra de l’Opéra National de Paris. Mise en scène: Trisha Brown

Lire notre Edito d’avril 2007
Où en est l’opéra contemporain?

Crédits photographiques
Philippe Fénelon (DR)
Salvatore Sciarrino (DR)

Fromental Halévy, la Juive (1835) Programme de l’Opéra national de Paris. Février/mars 2007

0

C’était l’événement lyrique de l’Opéra national de Paris: le retour du « grand opéra » La Juive de Fromental Halévy (1835) sur la scène de Bastille. Retiré de l’affiche un siècle après sa création (Salle Le Pelletier), en avril 1934, l’opéra était proposé du 16 février au 20 mars 2007.
Outre la difficulté de distribuer un quatuor vocal exceptionnel, l’ouvrage associe aussi un orchestre wagnérien et un choeur de première importance. « Grand opéra »: tel est bien la forme de son action. Mais l’ambition de l’oeuvre ne doit pas crouler sous son propre poids et sous sa démesure.

Véritable réévalutation légitime d’une oeuvre engagée, la production parisienne aura permis au ténor Neil Shicoff d’incarner pour la dernière fois peut-être le rôle central d’Eléazar, le père de Rachel qui est La Juive. Le personnage est l’une des incarnations les plus émouvantes que l’interprète a choisi au cours de sa carrière chaotique. A ses côtés, les sopranos Anna Caterina Antonacci et Annick Massis ont restitué aux deux rôles féminins rivaux, ceux de Rachel et de la princesse Eudoxie, la complexité et l’humanité de leur personnage.

L’emblème du « grand opéra »
Retour sur l’une des productions les plus intéressantes de la saison 2006/2007. La Juive n’est pas qu’une oeuvre pharaonique, connue et applaudie par le public bourgeois, après la Monarchie de Juillet, pour l’ampleur et le spectaculaire de ses décors. Avant l’effroyable génocide perpétré par les nazis au XX ème siècle, l’ouvrage clame déjà son chant de tolérance en 1835, contre toutes les formes de fanatisme, revêtant de ce fait, une violence visionnaire assez troublante.
A son époque, La Juive fut unanimement acclamée, -certes davantage pour son décorum que pour son idéologie humaniste-, citée par Proust dans La Recherche… Un tel succès, durable, permit à son auteur, Halévy, d’être élu à l’Académie des Beaux-Arts dès 1836.

Fidèle à sa ligne éditoriale, l’Opéra national de Paris accompagne la nouvelle production par un programme dont les divers chapitres éclairent avec pertinence l’actualité injustement gommée de ce chef-d’oeuvre à redécouvrir.

Lire notre compte-rendu du programme édité par l’Opéra de Paris, de La Juive de Fromental Halévy.

RADIO

France Musique diffuse La Juive de Fromental Halévy, présenté à l’Opéra Bastille, le 21 avril 2007 à 19h. Consultez notre mag radio

Illustration

William Etty, portrait de Mademoiselle Rachel (première esquisse de 1840)

Fromental Halévy, La Juive Programme de l’Opéra national de Paris (Production présentée à l’Opéra Bastille du 16 février au 20 mars 2007)

0

La Juive qui a fait son grand retour sur la scène de l’Opéra parisien en février et mars 2007, reste l’événement de la saison lyrique de la Maison. La reprise offre, enfin, l’occasion au grand public, de renouer avec le « grand genre », initié avec Rossini (Guillaume Tell) et incarné dans l’imaginaire commun par Les Huguenots de Meyerbeer. La Juive, moins connue, rappelle que bon nombres d’ouvrages du passé, pourtant applaudis à tout rompre comme c’est le cas de l’opéra de Halévy, -jusqu’en avril 1934-, méritent un nouvel éclairage.

En parallèle aux représentations parisiennes, Gérard Mortier a organisé un colloque sur la signification de La Juive aujourd’hui; en particulier, le directeur de l’Opéra de Paris s’est posé la question du sens à identifier dans la partition de Halévy. Est-ce donc une oeuvre militant pour la tolérance?

1.
« Un Plaidoyer pour la tolérance« : dans le titre du premier chapitre, Diana R. Hallman donne la réponse. Genèse de la partition, écrite entre 1833 et fin février 1835, période de sa création parisienne. Participation active de Scribe, d’Adolphe Nourrit qui se battit pour obtenir le rôle d’Eléazar. Succès, conséquences heureuses pour son auteur, et fortune de La Juive dont l’accueil enthousiaste auprès de Wagner et de Mahler.

2.
Willem Bruls nous livre de son côté, quelques « Réflexions sur La Juive« . Analyse en profondeur de nombreux aspects de l’oeuvre, en particulier mise en lumière de la question religieuse. Les méfaits du fanatisme y sont abordés crûment : « le Judaïsme est montré comme la religion d’un dieu sévère et vengeur, alors que celui du catholicisme est clément et bienveillant« . Chacun des personnages y est détaillé: Ruggiero, Eléazar, Rachel, Eudoxie et Leopold… la psychologie des caractères est réévaluée sous le prisme de la religion, en fonction du passé de chaque individu. L’auteur aurait pu reprendre mot pour mot le titre du chapitre précédent. Hymne pour la tolérance, contre toutes les formes de radicalisme, La Juive révèle l’horreur d’une action conduite par l’intolérance et par la haine de l’autre. Willem Brulls souligne combien dans l’oeuvre de Scribe et Halévy: « Toute forme de fanatisme entraîne en fin de compte la destruction des enfants ».

3.
Dans un extrait de « masses et puissance » (Gallimard, 1966), intitulé « masses ameutées« , Elias Canetti décrypte la formation de la foule haineuse, prête à tuer, dévorer, massacrer au nom d’une cause « juste » et partagée. La haine de l’autre devient « mort par le feu » quand la lapidation n’est plus de mise. C’est le principe cyclique et permanent de « l’assassinat collectif ».

4.
Dans La Juive, Jean-Claude Yon voit « Le triomphe du grand opéra« . Comment expliquer que La Juive, connut le haut de l’affiche 562 fois jusqu’à son retrait en 1934, sous la montée du nazisme? La longévité d’une oeuvre adulée explique a contrario de notre connaissance contemporaine, que le « grand opéra » était la forme la plus admise de l’Opéra français au XIX ème siècle. L’auteur interroge les éléments constitutifs du genre. Pourquoi l’opéra est-il devenu le divertissement privilégié du public bourgeois, après la Monarchie de Juillet? Comment l’opéra La Juive s’inscrit-il parfaitement dans la politique artistique du directeur de l’Opéra de la salle Le Pelletier d’alors, Véron? Génie dramaturgique de Scribe, importance des décors de La Juive, … aucun élément qui ont fait le succès phénoménal du chef-d’oeuvre d’Halévy n’est écarté. Toute une époque, et un goût musical sont incarnés dans l’ouvrage de 1835. C’est la raison pour laquelle l’opéra La Juive inaugure le nouvel opéra de Garnier, le 5 janvier 1875. En tant que parfaite réalisation du « grand genre », l’ouvrage est alors représenté aux côtés de La Muette de Portici, du Guillaume Tell, des Huguenots, composant désormais le quatuor emblématique du « grand opéra » à la française.

5.
Pour clore un dossier remarquable de pertinence sur les questions et divers aspects de La Juive, le sommaire du programme de l’Opéra de Paris, évoque la place et l’image des juifs en France: « Qui sont ces juifs?« , s’interroge Isabelle Moindrot (après Napoléon). En 1835, l’égalité civile reconnue aux juifs de France a été instituée (en 1791), et même Napoléon va plus loin encore en proclamant en 1806, le Consistoire et le grand Sanhédrin. Composer un opéra sur La Juive, avant les événements de la Shoah, que nous avons, hommes du XX ème et du XXI ème siècle, tous en mémoire, paraît d’autant plus visionnaire. Fouillant les multiples enseignements d’une partition unique, qui dévoile aussi les méandres de la psyché tout en convoquant avec scrupule l’histoire, l’auteur montre comment la scène théâtrale donne une clé à l’humanité pour son futur meilleur: « …à l’inverse du Don Giovanni de Mozart, qui garde intacte la confiance dans le Ciel, La Juive s’adresse à des hommes ayant appris de l’histoire que c’est à eux qu’il revient, quelles que soient leur croyance, de rompre la violence ancestrale pour prendre leur destin en main ». L’humanité hérite au travers de son histoire de fronts de guerre et de barbarie de plus en plus nombreux.
Il nous reviendrait donc par obligation morale comme par salut pour la continuité de notre espèce, de renouer avec la paix. L’opéra comme scène révélatrice offre un rappel de ce constat.

6.
« La Juive, 3 avril 1933-9 avril 1934 »
. Quel fut l’accueil réservé à l’opéra de Halévy lors de dernière programmation sur la scène de l’Opéra Garnier? Nathalie Boulenger évoque une période difficile qui suit la crise de 1929, et qui voit, dans la tourmente économique et politique, les troubles dus à la montée des nationalismes, le retrait de La Juive de l’affiche de Garnier, ce 9 avril 1934. L’oeuvre était devenue « un opéra qui dérange ».

En complément: fiche synthétique sur l’oeuvre, synopsis. 100 pages. En vente à la librairie de l’Opéra Garnier et aux comptoirs et à la boutique de l’Opéra Bastille.

Genève. Festival Archipel, les 30 et 31 mars 2007. Trois concerts: Ligeti, Dayer…, Dufourt.

Butinage en trois concerts : c’est le lot des visiteurs furtifs, dans un festival qui conjuguait « hommage à Scelsi, symphonie diagonale et atelier cosmopolite ». D’un côté, le jeune Quatuor Leonos, l’Ensemble vocal Séquence de Laurent Gay, la soprano Laure-Anne Payot, l’Ensemble du Conservatoire (Jean-Jacques Balet) , et de l’autre le piano héroïque de François-Frédéric Guy pour une « Sonate » de Hugues Dufourt.

Ligeti soi-même et honoré

Une partition tardive (2000) et admirablement inventive: demandant des textes au poète Sandor Weöres qu’il appelle Mozart hongrois, Ligeti s’empare de sens et non-sens, de drôlerie et de douleur implicite, de répétitif et d’onomatopées, et en fait jaillir de nouvelles Nouvelles Aventures. Claquement et explosion, tourbillon de folklore insituable, parlé jusqu’à la seule présence de syllabes muettes sur les lèvres, frôlements imperceptiblement harmonieux, percussion en folie et soudain calmée, 4 harmonicas surgis on ne sait d’où, ici tout peut arriver. Laure-Anne Payot joue d’une précision millimétrée dans l’imaginaire vocal, et de cette apparente contradiction jaillit la poésie qui toujours marquera notre mémoire émotionnelle de Ligeti.
Fort judicieusement présentés par Alphonse Dervieux, l’altiste du Quatuor Leonos (Thomas Gautier et Guillaume Antonini,violons ; Jean-Lou Loger, violoncelle), 6 Moments Musicaux de Giorgy Kurtag, travaillés avec l’auteur lui-même. Virgulations de rage, lamento compact, sons granuleux d’alto, pépiements dans les arbres, questions dans le vide, attente avec-rien-au-bout-sauf-le-vide, minimes codas en fumée bleue de cigarette dans la lumière : ça « ne pèse ni ne pose », ça enchante et fait méditer sans crispation. Mieux : en sourire, sur l’humaine histoire.
Un hommage ému de Jacques Lenot au Lux aeterna de Ligeti rassemble 9 instruments conduits par Jean-Jacques Balet : continuum, plenum (cuivres), ponctuations et cellules obstinées (cordes et bois), coda suspendue.

Trois compositeurs pour des textes de haute poésie
Trois étapes de la réflexion sur l’entrelacement du texte poétique et des voix qui le portent, par le subtil et agilissime Ensemble Séquence de Laurent Gay, trois études « sous la contrainte » de l’ardeur mystique (Angelius Silesius, XVIIe), du jeu inter-mémoriel (Pessoa, XXe) et de l’étoilage dans l’espace du Livre (Mallarmé, XIXe). Xavier Dayer choisit dans un poème (en anglais) de Pessoa, entre centre de l’écriture et absence narquoise au monde, le toucher, voluptueusement répété. Il isole des termes par micro-cellules, caresse les mots, lance subitement un cri qu’il théâtralise, donne une mémoire à l’espace, bref traduit sa connivence en profondeur avec le Portugais qui avait nom Personne…
Stefano Gervasoni serre au plus près – comme en témoignent ses notes et intentions dans le programme – l’agencement verbal d’Angelus Silesius affronté au « mourir de ne pas mourir » qui le porte en mystique vers l’Indicible. Le compositeur travaille sur une trame sérielle très minutieuse, mais renvoie aussitôt à une supra-réalité qui transcende l’agencement si calculé. Est-ce de la beauté qui « pour soi fleurit déserte » ? Il y a de la stupéfaction dans l’éparpillement, les frémissements d’une joie ineffable, les explosives et les sifflantes du « sans-repos », des sonneries du rien, des souffles infinitésimaux : tout enserre le texte d’un réseau vocal presque immatériel, sans tentation du pléonasme, et c’est constamment très beau.
Nicolas Bolens est le plus obstinément dans le parlé-peu-chanté pour tenter de traduire le Coup de dés mallarméen dont on est réduit à imaginer les scintillations dans l’espace de la page et à voir tomber les blancs bouquets d’étoiles parfumées (et justement, dehors l’orage de grêle cinglante vient de se métamorphoser en neige silencieuse). Parfois un figuralisme s’impose (« insinuations » ; « se dissout »), de même que les coagulations de termes (autour du Rien), mais la plupart du temps cela avance inexorablement, à travers l’éloge du souffle implorant ou du sifflement, vers quelque point dernier », la fin du Livre.

L’halluciné Kronos
Mais le plus impressionnant – jusqu’à une tension presque insupportable – de ces rapports au texte n’est-il pas ici dans le pur instrumental du piano, le démesuré sans-paroles que Hugues Dufourt rassemble autour de 4 lieder de Schubert ? Erlkönig est le 4e mouvement (2006) écrit dix ans après 3 autres « paraphrases » de lieder sur poésies de Goethe. Mais vous qui entrez ici, laissez toute espérance de vous raccrocher précisément à Schubert, fût-ce l’halluciné du Postillon Kronos ou du Roi des Aulnes. Ou alors c’est dans une autre vie des sons, comme en parlant une langue qui serait davantage Action sauvage que Verbe rationnel. Ah si, dans l’ultime accord peut-être sonne un écho de « l’enfant mort » à la fin d’Erlkönig… Mais où chercher, dans l’écoulement du Temps, le torrent schubertien si harmonieusement devenant ruisseau ? Il brouette des pierres. On pourrait dire aussi que du lointain n’en finit pas de venir une avalanche de blocs : selon Bachelard, pour la terre, une « rêverie de la volonté » ? Non, un rêve, et de la « meilleure » fascination qui soit, celle qui laisse prisonnier du Temps : « Un homme fut frappé par un roc qu’il avait trop regardé ; le roc n’avait pas bougé ! », dit Michaux auquel on pense en écoutant ce piano si souvent frénétique, en écroulement perpétuel. « J’emploierai la force », hurle l’Erlkönig de Goethe, entre deux séductions. Toutes les figures d’un clavier désenchaîné de ses limites, fouetté par Kronos, se succèdent en se bousculant, les plus impressionnantes semblant encore les piliers d’accords ( ?) paroxystiques.

Solitude combattante
La cohérence serait à chercher dans l’architecture d’une Grande Forme, à laquelle l’auteur dit n’avoir pensé que très tardivement ( mais n’est-ce pas mensonge qui dit la vérité ?). Pour cette Sonate du XXIe, héritière de l’op.106 beethovénien dont elle a les dimensions et le souffle, le largo de méditation cosmique serait un « Meeresstille » (2e mouvement) d’eaux épaisses d’avant le cataclysme, sous un ciel où « l’embellie » des romans de Gracq évoquée par H.Dufourt semble trop peu en belle lumière pour être honnête… Certes les premières mesures appellent le Schumann des Chants de l’aube, des obsessions claudicantes et des formules en assaut toujours refluant sont aussi de Schumann, mais l’important de la référence demeure dans l’affrontement à un destin où le « sursaut de la dignité » érige le monument-témoin d’une solitude combattante. Le grouillement du Temps d’en-bas, sa profondeur, feraient penser à un autre lied de Schubert, celui-là d’après Schiller, « Groupe au fond du Tartare ». On pressent de toute façon que l’arc est musicalement tendu « depuis » le romantisme, et le «Vieillard, cannibale et porte-faux » du Saturne glacial naguère écrit par H.Dufourt, désormais lance les imprécations terminales d’un Artaud. Cette partition habitée, peut-être hantée, François-Frédéric Guy nous la fait traverser en une foudroyante simplicité, une humilité d’anti-théâtre, un héroïsme prodigieux. Dédicataire de l’Erlkönig (4e mouvement), il rejouera l’œuvre intégrale à Paris, cet automne. Il faut savoir pleinement gré au festival Archipel d’avoir inscrit cette Sonate hivernale au cœur battant de sa semaine primo-printanière…

Genève. Festival Archipel, les 30 et 31 mars 2007. Gyorgy Ligeti(1923-2006): Sippal, dobbalGyorgy Kurtag (né en 1926): Moments musicaux op.44. Jacques Lenot(né en 1945):Lux aeterna.Xavier Dayer(né en 1972):Sonnet XXI. Stefano Gervasoni(né en 1962): In-Dir. Nicolas Bolens(né en 1963):Ou le mystère précipité hurlé.Hugues Dufourt(né en 1943): An Schwager Kronos, Meeresstile, Rastlose Liebe, Erlkönig.

Crédit photographique
Jacques Lenot (DR)

Arthur Honegger, Jeanne d’Arc au bûcher (1935-1945)Arte, le 12 mai 2007 à 22h30

Arthur Honegger
Jeanne d’Arc au bûcher
,
1935-1945

Arte, le 12 mai 2007 à 22h30

Documentaire. Réalisation: Don Kent. 2006, 1h. Après Platée, Cardillac, Lohengrin, Jeanne d’Arc au Bûcher est le nouveau chapitre de la collection de documentaires sur l’opéra produite par Arte, « Découvrir un opéra ». Il s’agit d’analyser sans pédanterie les enjeux, le sens et le sujet de la partition, dans la carrière de son auteur, au regard de l’histoire de l’opéra en général.

« Jeanne d’Arc au bûcher » d’Arthur Honegger, a été composé en 1935, puis augmenté d’un nouveau prologue (Prologue des ténèbres) dix ans plus tard, en 1945, dans lequel le compositeur met en parallèle la France de Jeanne envahie par les anglais, et la France contemporaine, occupée par les nazis. Epoques différentes, mais temps de guerre et de souffrance qui se répètent. La force de l’ouvrage qui est un oratorio dramatique, vient de la participation du choeur et de l’orchestre, véritables acteurs auxquels Honegger associe trois solistes (Catherine, Marguerite, La Vierge). Les deux protagonistes, Jeanne et Frère Dominique lequel assiste la martyr en lui lisant le livre de sa vie, sont tenus par deux comédiens.

Procès de Jeanne, procès du fanatisme

La production choisie pour illustrer l’explication est celle présentée à Montpellier, lors du Festival Radio France en 2005, avec l’actrice Sylvie Testud dans le rôle-titre.
Le Procès de Jeanne est le procès de la religion et du risque fanatique: Claudel peint sans ambiguité la barbarie des hommes soit disant religieux qui se sont détournés de la religion. Violence, haine, peur: l’humanité corrompue livre Jeanne, une innocente. La force du livret tient à la construction narrative. Des Ténèbres où elle était demeurée, Jeanne revient à la vie pour écouter les explications de Saint-Dominique: « Pourquoi m’ont-ils sacrifiée? » demande l’incrédule. Peu à peu, la jeune femme qui n’a jamais failli à sa ligne, loyale entre toutes, découvre dans le récit horrifié, amer, implacable du dominicain, la folie des fanatiques qui honorent le diable tout en disant qu’ils servent Dieu.

Arthur Honegger (1892-1955) : Jeanne d’Arc au bûcher, oratorio dramatique en 11 scènes sur un livret de Paul Claudel. Mise en scène, décors et costumes : Jean-Paul Scarpitta ; lumières : Urs Schönebaum. Avec : Sylvie Testud, Jeanne d’Arc ; Eric Ruf, Frère Dominique ; Marie Devellereaux, une voix/la Vierge ; Isabelle Cals, Marguerite ; Irina Tchistyakova, Catherine ; Donald Litaker, la Voix d’en bas/Porcus/Héraut I/le Clerc ; Jean-Philippe Courtis, la Voix d’en bas/Heraut II/un paysan ; Elodie Buisson, Nicolas Oton, Mathieu Zabe, récitants. Solistes et Chœur d’enfants Opéra Junior de Montpellier (chef de chœur : Valérie Sainte-Agathe), Chœur de l’Opéra National de Montpellier (chef de chœur : Noëlle Geny), Chœur d’Angers-Nantes-Opéra (chef de chœur : Xavier Ribes), Orchestre National de Montpellier, direction: Alain Altinoglu.

Illustration
Sylvie Testud est Jeanne (DR)