mardi 18 février 2025

Mozart, Don Giovanni France musique, le 16 septembre à 19h

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L’année Mozart ne doit pas s’achever sans que nous ne soulignions assez la saveur séditieuse et même révolutionnaire du chef-d’œuvre absolu du théâtre lyrique, Don Giovanni, composé et conçu par Mozart et son librettiste Lorenzo da Ponte. Heureux Mozart qui en cette année 1787, est l’hôte et le favori acclamé des Pragois, heureux de retrouver leur cher compositeur dans une nouvelle partition, déjà subjugués par son génie, depuis le triomphe récent des Noces de Figaro (1786).

2006, l’année Don Giovanni. Gaumont a démontré l’actualité du mythe libertin mis en musique par Mozart et transféré par Joseph Losey au cinéma (1979), dans une réédition jubilatoire, en dvd, de surcroît bénéficiant de dernières performances du remixage, à laquelle nous avons consacré un dossier spécial.
Après le festival de Salzbourg 2006 qui a offert aux riches spectateurs venus les entendre, tous les opéras du divin Wolfgang, France musique nous comble tout autant sinon mieux, en diffusant le 16 septembre, la production présentée par le théâtre des Champs Elysées en juin 2006, sous la direction percutante et flexible d’Evelino Pido, certainement galvanisé par l’orchestre Concerto Köln.

Portrait du héros mozartien. Pas exactement « croyant dévoyé » ni « chasseur du beau sexe » : Don Juan incarne un surhomme, le mythe de l’homme moderne : un humaniste libertaire. C’est l’un des ces « esprits forts, qui ne veulent rien croire » (Molière, Dom Juan, 1665). En revendiquant sa liberté, il œuvre pour la liberté souveraine de chacun. Apte à suivre le destin qu’il s’est choisi, prompt à rompre les chaînes de la morale chrétienne fondée sur la culpabilité et la repentance, trop heureux à dissoudre et même choquer avec délices, les convenances sociales. C’est un égoïste, un indépendant, un cynique qui plus que tout autre sait qu’il est né seul et mourra seul. Mais il fait de son existence, une vie édifiante, orgueilleuse et créative, « un destin » selon le mot de Kierkegaard.
A cette figure monstrueuse et désirable à la fois, Mozart fait correspondre l’admirable et doux visage d’Elvire qu’il emprunte à Molière. Toujours prête à pardonner et aimer. Même Anna dont le père vient pourtant d’être assassiné par le diable libertin, ne peut s’empêcher d’être insensible à l’énergie (trop érotique ?) de l’impie et de l’infâme. Ottavio peut attendre.
De son côté, mais sous l’œil expert d’un Mozart dramaturge, Da Ponte puise les ficelles de son livret, dans le Don Giovanni de Bertati mis en musique par Gazzaniga, (représenté en 1782, et repris à Venise en janvier 1787, quelques mois avant l’opéra de Mozart).
Le duo génial reprend le mythe, lui assène un renouvellement préromantique : le fantastique et le surnaturel, la tragique et le comique, la fulgurance irrésistible de la musique confèrent au sujet un souffle inédit. Romantique, le mot ne doit pas étonner : Werther date de 1776 et l’on sait que Mozart, est le frère musical de Goethe. L’écrivain allemand se révéla d’une rare perspicacité à l’égard des œuvres de Mozart. Il dira plus tard que seul Mozart aurait pu mettre en musique son Faust ! Le Merveilleux diabolique de Don Giovanni est bien dans l’air du temps. Et Mozart qui s’ingénie en dramaturge exceptionnel, à mêler les registres de la narration et de l’évocation poétique et dramatique, se montre bel et bien au-dessus de tous les autres.

Année Mozart. Mozart, Don Giovanni
Soirée Opéra, de 19h à 23h

Enregistré le 23 juin 2006
au Théâtre des Champs-Elysées, Paris
Présentation : Jérémie Rousseau

Dietrich Henschel, Don Giovanni
Patrizia Ciofi, Donna Anna
Alexandrina Pendatchanska, Donna Elvira
Francesco Meli, Don Ottavio
Gian Battista Parodi, Il Commandatore
Lorenzo Regazzo, Leporello
Anna Bonitatibus, Zerlina

Chœur du Théâtre des Champs-Elysées
Concerto Köln
Evelino Pido, direction

Approfondir
Lire notre dossier spécial Don Giovanni, la genèse de l’opéra et les enjeux du mythe

Agenda des concerts
ne manquez non plus la lecture en version de concert de Don Giovanni, proposée les 28 et 29 octobre dans la nouvelle salle Pleyel, par René Jacobs, nouveau mozartien indiscutable, confirmé cette année avec La Clemenza di Tito, parue chez Harmonia mundi.

Illustration
Pierre-Paul Prud’hon, La justice et la Vengeance divine poursuivant le crime (1808). Paris, musée du Louvre. Un incroyant, décadent et homicide : voilà d’un côté l’aspect de Dom Juan… dans les yeux des bien-pensants, Donna Anna et Don Ottavio. Mais il y a aussi une superbe solaire chez ce libertaire révolutionnaire, telle que la stigmatise en peinture, le portrait de fantaisie brossé en quelques heures par le génie fulgurant de Fragonard.

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