mardi 8 juillet 2025
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Bruxelles. Théâtre royal de la Monnaie, le 22 décembre 2006. La Traviata

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Pour sa troisième production de la saison, après Die Entfürhung aus dem Serail et Tristan und Isolde, le Théâtre royal de la Monnaie propose un autre opéra majeur, La Traviata de Giuseppe Verdi. Cet opéra, a priori le plus célèbre, accessible et représenté du répertoire, reste périlleux à produire tant les attentes, parfois erronées, du public peuvent être fortes en la matière. Toutefois, et c’est encore le cas, le succès populaire s’en trouve presque assuré d’office…

Cette œuvre majeure, représentée pour la première fois au Théâtre de la Fenice de Venise le 6 mars 1853, voit son intrigue entièrement basée sur La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils, roman (1848) puis pièce de théâtre (1852) phares de la période romantique française. Construite en trois actes, elle développe la thématique de la courtisane réhabilitée par l’amour et puis par la mort, thème chéri du romantisme, maintes fois développé dès 1830.

Toutefois, si cet opéra fit date, ce n’est pas tant par ses qualités esthétiques et thématiques indéniables que par le fait que la haute société (celle qui allait justement à l’opéra à cette époque) se trouvait représentée pour la première fois de manière brute, sans les travestissements historiques et géographiques coutumiers au genre. Cette dernière fut dès lors surprise et déroutée de voir un reflet aussi peu distancié de sa propre réalité. On l’aurait été pour moins…

Cette co-production, avec le Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf, est parvenue à éviter les principaux écueils et affronts de plus d’un siècle et demi d’interprétations, régulièrement soumises à l’eau de rose, submergées par une esthétique kitsch ou encore musicalement estropiées. La mise en scène de Karl-Ernst et de Ursel Herrmann, avec un réalisme permis par un respect partiel des didascalies d’époque et un fort intéressant symbolisme sous-jacent, offre au public plus de deux heures d’un spectacle à la fois touchant et réflexif. A noter, un coup de chapeau aux techniciens de la Monnaie pour un impressionnant changement de décors, effectué en quelques minutes à peine, public en salle, permettant de passer du pavillon de banlieue parisienne, comprenant un paysage réellement enneigé, au luxueux salon parisien de la courtisane Flora Bervoix

La magie n’aurait bien entendu pu avoir lieu sans un orchestre, des chœurs et une distribution presque exemplaires – distribution doublée, voire triplée pour certains rôles, étant donné la fréquence des représentations. Violetta Valéry était ce soir-là campée par la soprano polonaise Elzbieta Szmytka, aussi bonne cantatrice qu’excellente comédienne. Néanmoins, il faudra attendre la fin du premier air de bravoure pour réellement pouvoir l’adopter et lui permettre de remplacer, pour un soir en tout cas, le souvenir que chacun possède en lui d’une grande Violetta, que celle-ci fut incarnée par Renata Scotto, Maria Callas ou encore Katia Ricciarelli… Mais la révélation sans conteste de la soirée fut le jeune ténor américain, James Valenti, qui campa un Alfredo Germont aussi scéniquement que vocalement juvénile et passionné, sachant également user avec bonheur de la mezza-voce. Ceci eut pour effet immédiat de renforcer le réalisme de la mise en scène, ce que n’aurait sans doute pas permis un ténor aux rondeurs et à l’âge affirmés. Des autres chanteurs de la soirée, il y a lieu de retenir le baryton grec Tassis Christoyannis, dont l’incarnation du père Germont fit frissonner la salle tant par la rigueur morale du père, subtilement incarnée, que par la belle interprétation de ses nombreuses interventions.

La Traviata fait également la part belle aux individualités vocales tant les airs devenus célèbres se succèdent au sein de cette action théâtrale et musicale efficacement construite par le compositeur et son librettiste. La salle eut donc l’occasion de frémir plusieurs fois, de bonheur sans doute, aux « Libiamo ne’ lieti calici », « Follie ! Delirio vano è questo », « Di Provenza il mar », « Noi siamo zingarelle » et autres « Parigi, o cara ». Si l’on excepte la présence excessive et, par là même, dérangeante de la clarinette (pourtant instrument par excellence de la féminité dans l’opéra) dans ce que la partition voyait comme une discrète broderie du premier grand air de Violetta (E’ strano !), l’orchestre de la Monnaie tira fort honorablement son épingle du jeu sous la baguette du jeune chef français Stéphane Denève, chaleureusement applaudi lui aussi.

A une époque souvent caractérisée par l’amour facile ou immédiat, par la rapidité des liaisons ou par la fréquence des ruptures, il est parfois intéressant de se tourner vers des œuvres artistiques qui ont traité la question. La Traviata en fait bien sûr partie… Ce sacrifice social, dépeint avec noblesse et dépouillement par Verdi, nous offre les interrogations et les impressions d’une femme tiraillée entre ses instincts les plus bas et un amour réel qui, seul, lui permettra de passer in fine de la fange à l’éther.

Bruxelles.Théâtre royal de la Monnaie, le 22 décembre 2006. Giuseppe Verdi (1813-1901) :  La Traviata. Elzbieta Szmytka (Violetta Valéry). James Valenti (Alfredo Germont). Tassis Christoyannis (Giorgio Germont). Natascha Petrinsky (Flora Bervoix). Marielle Moeskops (Annina). Shadi Torbey (Barone Douphol). Pierre Doyen (Marchese d’Obigny). Jacques Does (Dottor Grenvil). Marc Coulon (Giuseppe). André Janulek (Domestico). Orchestre symphonique et chœurs de la Monnaie. Stéphane Denève, direction. Karl-Ernst et Ursel Herrmann, mise en scène. Karl-Ernst Herrmann, décors, costumes et éclairages. Piers Maxim, chef des chœurs.

Crédits photographiques
Bernd Uhlig

Jean Martinon (1910-1976)(3). 1963-1976 : Les Absolus

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Jean Martinon
et l’Orchestre National
de l’O.R.T.F

France Musique
Le dimanche 18 février 2007
Le dimanche 18 mars 2007

de 20h à 22h

Pour les amoureux de l’Orchestre National – gageons que c’est la majorité des mélomanes -, le dimanche soir, en cette saison 2006-2007, est un moment très attendu. Depuis le mois de septembre, Jean-Michel Damian nous a présenté ainsi des documents mahlériens magnifiques, successivement une Deuxième par Bernstein en novembre 1958, une Cinquième par Hermann Scherchen en 1965 et surtout très récemment Le Chant de la Terre par Nan Merriman, Ernst Haefliger et Paul Kletzki du 21 avril 1964.

Alain Pâris est plus varié dans sa programmation et a déjà évoqué au cours des derniers mois des chefs comme Louis Fourestier, Antal Dorati, Carl Schuricht ou Pierre Dervaux. Au cours des deux prochaines soirées qu’il présente, les 18 février et 18 mars 2007, de 20h à 22h, il revient sur la personnalité de Jean Martinon, auquel nous avons rendu hommage. Martinon – doit-on le rappeler – fut l’un des plus grands interprètes de la musique française. Ses témoignages debussystes engrangés en studio pour Emi restent une pierre angulaire de la discographie, tout comme ses gravures des œuvres de Roussel (inoubliable Deuxième Symphonie !) ou Pierné.

Mais comment était Martinon en live ? C’est ce qu’Alain Pâris nous fera découvrir, d’autant plus qu’il composera ses deux soirées de témoignages provenant uniquement des archives de l’INA, assez peu diffusés en ce qui concerne le chef français. Espérons que la programmation sera variée, et qu’elle abordera tout autant la musique française que les musiques classique et romantique (Beethoven, Mozart, Brahms, Schumann, Dvorak, Tchaikovsky,…), dont Martinon était un interprète régulier, ce que nous avons oublié, sans omettre bien sûr, certaines œuvres de Bartók, Schoenberg, Prokofiev, Chostakovitch… Soyez certains que vous ferez de très belles découvertes.

Dossier

Entre 1963 et 1976, Jean Martinon a gravé ses plus grands enregistrements, principalement chez RCA, Emi et Erato. Ils nous permettent d’affiner notre vision du chef, notamment au travers de ses gravures Debussy et Roussel, dont il reste un interprète essentiel. Nous ne ferons pas cependant de recommandations discographiques, car tout choix devient ici trahison…

Jean MARTINON (1910-1976)
(3). 1963-1976 : Les Absolus

Lorsque Martinon prend la tête de l’Orchestre Symphonique de Chicago, il hérite d’une formation qui était devenue, grâce à l’exigence impitoyable de Fritz Reiner, l’une des meilleures au monde. Durant le mandat du Français, l’orchestre poursuit sa collaboration avec la maison de disques américaine RCA et les discophiles retiennent surtout de cette époque les sessions consacrées à Ravel, dont peu de chefs ont pénétré l’univers avec une telle acuité psychologique et un naturel aussi fascinant. La Rapsodie espagnole, d’une sensualité torride et d’un raffinement extrême, est une porte ouverte sur le paradis (1) tandis que Ma Mère l’Oye réitère la magie de la légendaire gravure de Munch à Boston.
L’Arcana de Varèse reste cependant à nos yeux plus extraordinaire encore (2). Le chef français donne de cette pièce maîtresse une vision d’une vitalité exacerbée, d’une puissance bruitiste phénoménale. Inoubliable !
Le legs officiel de Martinon est assez peu mis en valeur par RCA. Ce sont donc plutôt grâce aux nombreuses archives live de l’orchestre américain que nous pourrons continuer à découvrir le remarquable travail du chef aux Etats-Unis. Il y a quelques années, RCA Japon avait réédité dans un disque Bizet une remarquable Symphonie en ut. Outre des Chausson, Fauré, Beethoven (dont un Concerto « L’Empereur » avec Gilels), il existe dans des coffrets, cette fois publiés par l’orchestre, une Troisième et une Dixième de Mahler. Ce sont les seuls témoignages de Martinon dans Mahler, auteur qu’il a défendu amoureusement tout au long de sa vie, ce qui lui valut en 1967 une médaille Mahler (3).
Dans les merveilles encore non publiées, vous devriez guetter les Quatre Interludes Marins de Britten, où Martinon subjugue par son interprétation torrentielle, intériorisée à l’extrême, d’un dramatisme brûlant, absolu.

Quand Martinon devient le directeur musical de l’Orchestre National, il retrouve une phalange de haute tradition française. Vous ne pourrez plus quitter ces bois si identifiables, notamment les bassons et les clarinettes, cette texture d’orchestre naturellement lumineuse, ronde et transparente, chaleureuse et sensuelle. Tout ceci vous procurera déjà une émotion vive, un sentiment d’éternité. Ecoutez par exemple Cydalise et le Chèvre-pied ou les Divertissements sur un thème pastoral de Gabriel Pierné. Les timbres contribuent véritablement à l’intensité du discours musical. C’est évident : la direction de Martinon interagit avec ces couleurs si évocatrices, que le chef met constamment en valeur.
Martinon peaufinait ses interprétations avec beaucoup d’exigence. Cependant, elles ne sonnent jamais analytiques. Ses Debussy sont des merveilles de rigueur et d’équilibre, comme de liberté et de poésie. Le chef n’oublie jamais de reproduire le mouvement de l’esprit créateur, le jaillissement de la plume. Ses Debussy sont imprégnés d’une énergie électrique, d’une passion, d’une exaltation qui révèle la vraie nature du compositeur, avant tout romantique et fébrile. Nous tenons ici l’intégrale de référence, authentique, inutile de revenir à la folie barbare des instruments anciens. Pour l’auteur de ces lignes, la découverte de ces enregistrements debussystes a vraiment été un bouleversement total : ils ont changé ma vie de mélomane, mes horizons musicaux.
Le chef a consacré plusieurs autres albums à Berlioz, Bizet, Dukas, Dutilleux, Honegger, Ibert, Lalo, Schmitt, Prokofiev (4), Saint-Saëns, et Roussel (5). Chaque amoureux de ces répertoires les garde précieusement dans sa discothèque comme vestiges d’un passé interprétatif sinon effacé, sans doute idéal pour nos oreilles contemporaines. S’y dessine également le portrait d’un homme toujours plus profondément musicien, à la recherche d’un équilibre parfait, absolu, entre les différentes composantes qui font la musique : le timbre, la couleur d’une part et la ligne, la polyphonie, le rythme de l’autre.
La musique est son seul repère et ses interprétations parlent. Martinon semble un être secret, inquiet, assez tourmenté, sans doute peu enclin à la confidence par les mots. Ecoutez, dans Une Cantate de Noël d’Honegger, les passages aux cordes, subtilement douloureux, qui ponctuent le récitatif de Camille Maurane avant la délivrance divine du choral final. Dans le corpus des symphonies de Roussel, Martinon choisit d’enregistrer la seule Deuxième Symphonie, qui hésite entre mobilité et statisme, profondeurs abyssales et élans dionysiaques, questionnements et évidences. N’a-t-on pas là un portrait du chef, l’un des plus vrais qui soient ?

Pour certains, l’art de Martinon donnera toujours l’impression d’être plus réfléchi, contrairement à celui de Munch. Un exemple frappant : écoutez Bacchus et Ariane (2ème suite) de Roussel par le National, avec Munch (Live 1962, Disques Montaigne) puis Martinon (Studio 1969, Erato). Malgré les coupures de Munch, Martinon est moins foudroyant, plus « intelligent ». De chez Munch ressort toujours la nécessité de bouleverser. Martinon s’inscrit davantage dans la transmission. Il laisse parler la musique. Si Munch nous positionne en véritable acteur de l’instantané musical (en cela, il peut rappeler des artistes comme Furtwängler, Abendroth,…), son disciple, lui, nous convie davantage à l’écoute. Martinon nous donne toutes les clefs pour savoir admirer. Aimer. Bien souvent, il s’agit aussi d’une révélation (6).

Remarques

(1) Fritz Reiner et Jean Martinon ont gravé à huit ans d’intervalle (1956, 1964), et avec le même Orchestre Symphonique de Chicago, leur conception de la Rapsodie espagnole. Le Prélude à la Nuit, sensiblement différent en termes de tempo, présente néanmoins certaines ressemblances en termes d’alliages de timbres.
(2) Le disque paru en Europe il y a quelques années, aujourd’hui facilement disponible sur HMV (Japon), contient aussi Le Mandarin merveilleux, op. 19 (suite) de Bartók et Nobilissima Visione d’Hindemith.
(3) On trouve en DVD la Symphonie n° 1 avec le Japan Philharmonic-Symphony Orchestra (Exton) sur HMV.
(4) cf. 2ème épisode de notre feuilleton, pour les disques Prokofiev.
(5) Martinon a enregistré pour Emi l’intégralité des œuvres orchestrales de Maurice Ravel, nous ne l’oublions pas, mais avec l’Orchestre de Paris. Cette admirable intégrale, enregistrée à la Salle Wagram, pâtit d’une prise de son caverneuse. Les anciens reports de la fin des années 1980 sont préférables aux plus récents.
(6) Cet hommage à Jean Martinon s’est porté sur le chef d’orchestre. Nous devons signaler qu’il fut aussi compositeur. Henryk Szering et Rafael Kubelik avaient gravé son Concerto pour violon op. 61 en 1969, réédité au sein d’un ensemble consacré au chef tchèque (DG). En attendant qu’un label ambitieux se lance dans l’enregistrement des œuvres du chef, vous trouverez un disque du Quatuor Ravel chez Skarbo avec les Quatuors n°1 et 2. Le Deuxième Quatuor est présent aussi dans un coffret Music & Arts consacré au Fine Arts Quartett.

Informations

Les enregistrements Emi et Erato de Jean Martinon sont souvent réédités dans de magnifiques reports au Japon. Nous vous recommandons de visiter le site de vente japonais (version en anglais accessible) : www.hmv.cp.jp.

Remerciements (Postlude)
Je tiens par ailleurs à remercier vivement Jean-Charles Hoffelé, victime de mon impatience, Alain Pâris, pour ses remarques précieuses, ainsi que Philippe Pauly.

Gustav Mahler Des chefs et des enregistrements : 1924-1967 France musique, les 14 et 21 janvier 2007 à 19h

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Gustav Mahler
Premiers enregistrements

1924-1967

Les 14 et 21 janvier 2007 à 19h

Gustav Mahler, un oublié des chefs? On l’avait pensé boudé par les rois de la baguette jusque dans les années 60. Inconnu ou presque des directeurs d’orchestre avant la seconde guerre mondiale. En fait, il y a bien une « tradition » de l’interprétation mahlérienne qui remonte aux années… 1920. France musique, grâce à l’oreille attentive de François Dru, a défriché parmi de nombreux documents d’archives, en provenance de la discothèque de Radio France, des bandes exemplaires qui, de Oskar Fried à Selmar Meyrowitz, Hermann Weigert à Willem Mengelberg, Bruno Walter (évidemment) à Dimitri Mitropoulos, confirment que la généalogie des mahlériens remonte plus loin qu’on l’a pensé. Deux émissions retracent, documents sonores à l’appui, l’histoire et l’évolution de l’interprétation des symphonies (mais pas seulement) de Gustav Mahler.

Programmes
Dimanche 14 janvier 2007 à 19h
« Les premiers enregistrements de partitions de Mahler », de 1924 à 1940. Extraits de :
Symphonie n°2 par Oskar Fried (1924)
Rückertlieder par Selmar Meyrowitz (1930)
Des Knaben Wunderhorn par Hermann Weigert (1931)
Symphonie n°5 (adagietto) par Willem Mengelberg (1926)
Le chant de la terre par Bruno Walter (1936)
Symphonie n°4 par Willem Mengelberg (1939)
Symphonie n°1 par Dimitri Mitropoulos (1940)

Dimanche 21 janvier 2007 à 19h
« L’arrivée du Vinyle : Mahleriana ! ». De 1945 à 1967. Extraits de :
Symphonie n°4 par Bruno Walter (1945)
Symphonie n°5 par Bruno Walter (1947)
Symphonie n°7 par Hermann Sherchen (1957)
Symphonie n°4 par Leonard Bernstein (1960)
Symphonie n°3 par Rafael Kubelik (1967)

Approfondir
Lire notre dossier Gustav Mahler
Lire notre dossier l’Intégrale Mahler en dvd par Leonard Bernstein

Antoine Mariotte, Salomé (1908)

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Saviez vous qu’avant Strauss, il y eut un autre compositeur lecteur du texte français de la Salomé de Wilde, et désireux comme lui, de mettre en musique la tragédie à l’orientalisme envoûtant? Antoine Mariotte, marin de formation mais compositeur passionné, fut à l’origine de la Salomé « française », concurrente de celle « allemande » de Strauss. Aux côtés des querelles nationalistes qui corrompent le goût de l’époque, l’histoire et la genèse de l’opéra de Mariotte mettent en lumière le chemin semé d’obstacles pour la création lyonnaise de l’oeuvre (1908), tout en dévoilant la carrière d’un musicien français, élève de D’Indy, défendu par Rolland, qui a tout sacrifié pour sa passion de la musique et de l’opéra. En décembre 2006, le label Accord publie en première mondiale, l’enregistrement audio de la production présentée à l’Opéra de Montpellier en novembre et décembre 2005. Un ouvrage de valeur, à redécouvrir. C’est pour nous, l’occasion de consacrer à l’oeuvre et à son auteur, ce dossier spécial.

Antoine Mariotte (1875-1941)
Né en Avignon, Mariotte vit aux côtés de sa mère, qui devenue veuve, s’installe à Saint-Etienne. C’est là que le jeune musicien apprend la musique par le piano, la flûte et le violon. Doué, le jeune homme démontre aussi des dispositions comme peintre. Il intègre Navale puis le Borda dès 1891, à l’âge de 16 ans. Il lui faut de l’action physique pour ne pas sombrer dans l’ennui et la mélancolie.
Comme Roussel, Mariotte est un voyageur, un marin dans l’âme. Il est attiré par l’appel des horizons infinis et de la mer… Pourtant si la Marine est sa première famille, la musique l’habite tout autant, et il lui arrive très souvent de regretter de ne pas avoir été suffisamment riche pour entrer au Conservatoire.
De 1894 à 1895, à bord du croiseur le Forfait, il parcourt les mers : littoral de Chine et côtes du Japon. En 1896 il termine ses classes d’aspirant. Mariotte rencontre Thomazi, officier de Marine, comme lui mélomane passionné, et bon pianiste, qui lui fait découvrir les symphonies de Beethoven. Les deux marins s’enthousiasment pour chaque symphonie, jouée au piano, décryptée, analysée… Mais le compositeur se passionne pour l’opéra et découvre le texte écrit en français de Salomé, pièce d’Oscar Wilde. C’est un chantier auquel il se voue corps et âme, lui valant de retentissantes déconvenues, avec Strauss qui compose alors sa propre Salomé d’après le même texte, mais d’après une traduction en allemand.
Devenu enseigne de vaisseau en octobre 1896, Mariotte succombe à sa passion musicale. Il prend un congé de six mois pour composer. Il se présente au Conservatoire, est accueilli par son directeur Théodore Dubois, qui lui offre l’opportunité de suivre la classe de composition de Widor. D’Indy l’accueille finalement à la Schola Cantorum, et le 7 octobre 1897, à 22 ans, Mariotte démissionne de la Marine pour se consacrer entièrement à la musique.
Le jeune homme s’accroche : cours de piano et d’harmonie, critique musicale, concert privé chez le comte de Chambrun lui assurent tout d’abord, ses premiers revenus réguliers. A Saint-Etienne, il deviendra ensuite organiste dans sa ville natale, et dirige l’association symphonique stéphanoise. Enfin, Mariotte devient professeur de piano au Conservatoire de Lyon, de 1902 à 1914.
Après la première guerre, il dirige le Conservatoire d’Orléans jusqu’en 1935, puis préside l’Opéra-Comique de Paris, de 1936 à 1940. C’est à cette époque que son Garguanta, opéra-comique rencontre le succès en 1935.

D’une Salomé à l’autre

Dans le Paris des années 1910, à l’époque où Mariotte est un jeune compositeur de 35 ans, le mythe de Salomé incarne un sujet incontournable. Célébré par tous les poètes de l’heure, la figure de la princesse érotique et fatale, semble la dernière héroïne romantique. Beauté et barbarie, volupté et cruauté, amour et mort, Eros et Thanatos fusionnent en elle : Salomé envoûte comme elle tue. C’est le symbole qui exprime le désir brûlant qui consume et terrasse. Un sujet idéal pour le théâtre, offrant une vision et des climats à destination des poètes, des dramaturges et des compositeurs.
Mais la fille d’Hérodiade, Salomé de Judée, s’intègre aussi parfaitement dans la lignée des beautés orientales, ajoutant ce parfum d’exotisme d’autant plus à la mode, au début du siècle.

Wilde fouille la psychologie de l’adolescente criminelle

Wilde recueille tous les courants de fascination et synthétise les écrits sur Salomé, en particulier s’appuyant sur l’Evangile de Saint-Marc, il fait de Salomé, fille du mariage incestueux entre Hérode et Hérodiade (il ne devait rien advenir de bon d’un couple formé par le tétrarque Hérode qui avait épousé la femme de son frère encore vivant…) : Wilde insiste sur les pulsions souterraines à l’époque où Freud précise les principes de la psychanalyse. Entente secrète et là aussi indirectement incestueuse, entre le Roi mûr et la fillette. Wilde exprime le réseau des intentions secrètes, la force du désir, l’envie de possession qui produit la volonté du crime. Dans la pièce de Wilde, Salomé devient le personnage principal : c’est là, toute la nouveauté, et l’action est établie et développée, selon son point de vue. A l’époque, la confusion entre Hérodias et Salomé, la mère et la fille, trouble les cartes mais fonde d’autant plus la perversité de l’ange féminin : le commandement à Hérode de la tête de Iokanaan est inspiré par la mère Hérodias car le Prophète condamne leur union, contraire à la loi juive. De la mère à la fille, circule la volonté de tuer le Prophète ; de l’une à l’autre, se diffuse un seul appel, l’empire d’un poison irrépressible… auquel se soumet Hérode qui veut voir sa « fille » danser pour son anniversaire. La force de Wilde est d’approfondir la nature extatique et passionnée de Salomé : un être prêt à aimer, étouffer, dévorer. Le baiser sur les lèvres de la tête décapitée, est le point le plus intense de cette exaltation poétique.

Wilde écrit Salomé en français
A l’origine, Wilde témoigne de ses recherches sur le sujet de Salomé dans plusieurs conversations rapportées avec Maeterlinck. Tout son travail d’écriture (novembre et décembre 1891), reflète les années où il conquiert sa maîtrise de la langue poétique grâce à l’assimilation et l’admiration de ses « maîtres français », Flaubert et Mallarmé. Pour le texte final publié en 1893, Wilde a demandé à son ami Pierre Louÿs de relire, corriger, nettoyer ses feuillets écrits en français, car comme le précise l’écrivain anglais, il n’existe que le français et le grec comme langues du théâtre. Malgré les efforts de Wilde pour respecter l’attrait de la langue étrangère dans sa musicalité propre, le texte français de sa Salomé, validé par Louÿs, suscita des réactions critiques de Romain Roland, surtout de Lalo : préciosité et maniérisme d’un esthète anglais, « fausseté » et « mauvais goût à l’obscène impudeur « préraphaélite » … Autant de traits mordants contredits par l’enthousiasme contraire exprimé par Mallarmé et Loti…
De toute évidence, Wilde a su composer dans son texte français, une sorte d’hymne ou de « ballade » qui s’inspirant du Cantique des cantiques, reproduit l’incantation musicale de phrases répétées aux visions exaltées et mystérieuses. Rien de surprenant donc à ce que sa pièce ait immédiatement sucité l’envie des compositeurs contemporains… Strauss et Mariotte, dans le même temps.

La Salomé de Mariotte

Avant Strauss, le jeune marin Mariotte, en mer de Chine, (1895), lit le texte de Wilde, en français. L’élève de d’Indy représenterait la réponse « française » de la Salomé « allemande » de Strauss. Cette partition des langues nationales est d’autant plus à prendre en compte dans l’époque qui nous occupe, où la revanche contre les prussiens est une réalité du goût français, à l’aube de la première guerre mondiale.
D’ailleurs, la guerre avant d’occuper les tranchées, est une affaire d’éditeur. Le clan de Strauss qui a composé « sa » Salomé d’après Wilde, et l’a fait créer dès 1905 à Dresde, est défendu par l’éditeur Fürtsener qui oeuvre sans cesser, pour interdire la création de l’opéra de Mariotte. Il est vrai que public et critique de la Salomé en langue allemande de Strauss, se déchaînent contre l’oeuvre, scandaleuse, obscène, indigeste. En refusant à Mariotte ses droits pour utiliser le texte de Wilde, Strauss et son éditeur, – détenteurs des droits exclusifs d’exploitation de la prose de Wilde-, se vengent légitimement de l’accueil houleux réservé à leur ouvrage. Finalement, grâce à l’entremise de Romain Rolland, l’opéra de Mariotte est créé à Lyon, le 30 octobre 1908, un an après la création parisienne de celle de Strauss. La réception est bonne mais circonstancielle : opposée à celle scandaleuse de Strauss, la Salomé française fleure le bon goût français. L’ouvrage ne connaîtra pas le succès de celui de Strauss et dans la catalogue de Mariotte, sera même supplanté par son Garguanta, opéra comique davantage applaudi lors de sa création en 1935.
Mariotte met en musique le texte français de Wilde. Comme Strauss, il procède à quelques coupures, dont les passages mettant en scène la querelle des juifs et des cappadociens. Le drame musical gagne en intensité, en intimisme théâtral, et même en force d’étouffement. Déroulée en sept scènes enchaînées, l’action se focalise sur la jeune princesse, met de côté le personnage de sa mère, Hérodiade, et c’est à peine si le caractère d’Hérode est fouillé (moins pervers que chez Strauss, sombre et grave chez Mariotte) . L’orchestre, plus léger que celui de Strauss, s’appuie sur la transparence des cordes pour diffuser le venin du sujet. Mariotte se montre disciple de Debussy, acteur d’un impressionnisme orientalisant qui dissipe ses langueurs à la fois, écoeurantes et enivrantes… Mais on est loin des vagues fulgurantes et ivres de la danse de sept voiles pour laquelle Strauss redouble de couleurs exotiques. Sans être fade, la danse de Mariotte confine à l’épure, mais une épure concise et prenante. Voilà en quoi la Salomé française de Mariotte se distingue de celle de Strauss : l’intimisme psychologique de la première s’inscrit en faux contre le « grand déballage » expressionniste de la seconde. A la volonté des citations flamboyantes d’un Orient décadent et corrompu de Strauss correspond le chant direct des pulsions émotionnelles de Mariotte.

Approfondir
Lire notre chronique de Salome d’Antoine Mariotte par Friedemann Layer, et l’Orchestre national de Montpellier LR (2 cd Accord). Premier enregistrement mondial. Accord publie l’enregistrement de la production de Salomé d’Antoine Mariotte, présentée par l’Opéra de Montpellier à la fin de l’année 2005. L’édition est d’autant plus pertinente que l’éditeur fait paraître pour la première fois, la version de 1908, avec notices explicatives et livret intégral en français.
Lire notre dossier les opéras de Richard Strauss
Lire notre dossier Salomé de Richard Strauss

Illustrations
Romain Rolland (DR)
Richard Strauss (DR)

Gustave Moreau, Salomé brandit la tête décapitée de Iokanaan
Gustave Moreau, Salomé dansant devant Hérode

1607-2007 : les 400 ans d’OrfeoLes 400 ans de l’Opéra

Claudio Monteverdi,
père de l’opéra ?

Assurément. Le créateur en 1607, d’Orfeo, porte à un degré de perfection inégalé, le nouveau langage musical, ou stile rappresentativo, propre à l’esthétique baroque. C’est un ouvrage qui aboutissement du madrigal dramatique achève l’esthétique de la Renaissance, et ouvre surtout les possibilités de la dramaturgie théâtre portées par le chant et l’action lyrique. Voici un dossier spécial autour de Claudio Monteverdi et de son Orfeo.
2007 marque certes la création de ce chef-d’oeuvre originel, mais aussi, par conséquent les 400 ans de l’opéra. Nous avons souhaité mettre à l’honneur l’ouvrage fondateur de Monteverdi mais aussi le genre opéra.

Sommaire

1. Dossier Claudio Monteverdi
2. DVD: lire notre dossier consacré à la trilogie des opéras de Monteverdi, sous la direction de Nikolaus Harnoncourt et dans la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle, rééditée chez Deutsche Grammophon en janvier 2007 (3 boitiers de 5 dvd, 1977-1979)

3. Agenda lyrique : découvrez les productions lyriques incontournables à l’affiche de la saison lyrique 2006-2007

Orfeo en 2007
Les représentations de l’opéra Orfeo annoncées en 2007.

Festival d’Aix en Provence 2007
Du 6 au 15 juillet 2007
Cour de l’Archevêché
Stéphane Degout/Vittorio Prato (Orfeo), Apollo (Christophe Gay)…
Concerto Vocale. René Jacobs, direction. Mise en scène: Trisha Brown

Festival de Beaune 2007.
Vendredi 13 juillet 2007 à 21h
Basilique Notre-Dame de Beaune. Version de concert
Concerto italiano, Rinaldo Alessandrini, direction. Furio Zanassi
(Orfeo), Sara Mingardo (Messageria, Speranza), Antonio Abete
(Plutone)…

Festival de Sarrebourg
Samedi 15 juillet à 21h
Villa archéologique de Saint-Ulrich
Ensemble Elyma, Gabriel Garrido, direction. Holger Falk (Orfeo), Simon Borutzki (Plutone)…
Mise en scène : Susanne Boetius et Jürgen Tamchina

Illustrations
Une : Camille Corot, Orphée et Eurydice (DR)
Bernardo Strozzi, portrait présumé de Claudio Monteverdi (DR)

Jean-François Zygel,Les leçons de musique : Franck, MendelssohnMezzo, jusqu’au 30 janvier 2007

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Les Leçons de
Jean-François Zygel


César Franck
Le 15 janvier 2007 à 21h40
Le 16 janvier 2007 à 14h45
Le 21 janvier 2007 à 11h45
Le 29 janvier 2007 à 4h45

Félix Mendelssohn
Le 29 janvier 2007 à 21h40
Le 30 janvier 2007 à 14h45

« Cabaret classique » sur France musique chaque dimanche, de 18 à 19h, en direct de l’Archipel à Paris, plusieurs émissions associant classique et variété sur France Télévision, Jean-François Zygel est devenu une personnalité médiatique incontournable. Le classique aurait-il enfin trouvé son médiateur et un vulgarisateur idéal ? Mezzo nous rappelle que cette notoriété n’a rien d’usurpé en diffusant les « leçons de musique » du « professeur musicus ». Qu’ont de particulier et de délectable, Félix Mendelssohn et César Franck par exemple?
Tous deux admirateurs de Bach, les deux compositeurs s’attèlent à louer la clarté de la structure, à laquelle chacun selon sa sensibilité apporte sa touche personnelle : Mendelssohn, son sens mélodique fluide et naturel ; Franck, une riche harmonie qu’il tiendrait de son admiration pour les grands germaniques, Wagner et Liszt. Zygel nous rappelle surtout que nous devons à Franck, l’un des premiers grands chefs d’oeuvre du Quatuor à cordes français du XIX ème siècle : une pièce maîtresse dont il démontre et démonte la géniale construction avec la complicité des membres du Quatuor Psophos…
L’exposé de Zygel n’est jamais pesant ni pédant. Entouré de jeunes musiciens, le vulgarisateur explicite, éclaire la science musicale, preuves à l’appui, exemples en série…
Le propos est toujours accessible, limpide, pertinent.
Nous connaissions de précédentes leçons, qui publiées en dvd ont été récemment chroniquées dans nos colonnes, Mozart ou Haydn (avec orchestre)…
Les deux leçons qu’a choisi Mezzo, en janvier 2007, sont tout autant passionnantes et tout mélomane désireux d’en savoir plus, pourra retrouver les deux programmes en dvd (parus chez Naïve).

Crédit photographique
Jean-François Zygel (DR)

Tugan Sokhiev, chef d’orchestreFrance musique, le 15 janvier 2007 à 20h

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Tugan Sokhiev,
Chef d’orchestre

France musique
Lundi 15 janvier 2007 à 20h

Alexandre Borodine
Prince Igor, Danses Polovtsiennes
Sergueï Rachmaninov,
Le Printemps, opus 20
Serge Prokofiev,
Alexandre Nevsky, opus 78
Ekaterina Semenchuk, mezzo-soprano
Choeur Orfeon Donostiarra
Orchestre national du Capitole de Toulouse
Tugan Sokhiev
, direction

Concert enregistré à la Halle aux grains de Toulouse
Le 7 décembre 2006

Jeune chef d’origine Ossète comme Valéry Gergiev, Tugan Sokhiev est le successeur de Michel Plasson à la direction de l’Orchestre du Capitole de Tolouse. A la tête de son orchestre toulousain, le chef dirige un concert russe des plus promotteurs.

Approfondir
Lire notre portrait de Tugan Sokhiev et son agenda 2007

Crédit photographique
Tugan Sokhiev (DR) © Denis Rouvière/Naïve

Orchestre des Jeunes de Méditerranée 100 noms de l’Amour Mezzo, jusqu’au 3 février 2007

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100 noms de l’Amour
Jean-Louis Agobet
Caroline Marçot




Le 1er février 2007 à 4h50
Le 3 février 2007 à 9h45

Concert enregistré à l’été 2002 pendant les Nuits du festival de la Méditerranée à Tanger.

Avant l’Amor Brujo (l’amour sorcier de Manuel de Falla) abordé en dernière partie de ce concert, les jeunes instrumentistes d’origine méditerranéenne de l’OJMED, sous la direction assez neutre de Roland Heyrabedian, interprètent plusieurs partitions de compositeurs contemporains, d’une remarquable intensité dramatique. La tenue de l’orchestre des Jeunes se montre à la hauteur de pièces qui exigent beaucoup des couleurs et des instrumentistes : travail sur la texture, éclairant les intentions souterraines de textes denses et expressifs (dommage que la traduction française n’accompagne pas la captation du concert), chaque oeuvre réclame un effectif ambitieux.
Les deux pièces de Caroline Marçot (L’édit du Papillon, puis Ghazal) demandent un choeur et des solistes de premier plan afin de projeter l’incantation des poèmes. De son côté, Jean-Louis Agobet, présent dans le salle, a composé avec « Folia », une partition d’une subtilité de timbres remarquable. Né en 1968, le compositeur français est l’une des personnalités les plus intéressantes de l’écriture française contemporaine. Son concerto pour cor sera créé à Avigon en 2007. Il est compositeur associé à l’Orchestre des Pays de Savoie pour l’année 2007.
Il y a certes sous le feux de la rampe internationale, l’orchestre de Daniel Barenboïm, le West-Eastern divan orchestra ; mais il y a surtout sur la scène hexagonale, l’initiative française de l’Orchestre des Jeunes de Méditerranée, qui offre un discours pacificateur par la musique entre les nations méditerranéennes antagonistes. A l’été 2006, les sessions de l’orchestre ont du être annulées au dernier moment, à cause de la guerre au Liban. Saluons le courage de ce projet qui défend depuis 1984, l’idée d’une musique civilisatrice et fraternelle dans les régions les plus touchées par la barbarie de la guerre. Lire notre entretien, en juillet 2006, avec Christian Jacques, directeur de l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée.

Crédit photographique
Jean-Louis Agobet (DR)

Tan Dun, The First emperorCréation mondiale, en direct du Met de NYFrance musique, le 13 janvier 2007 à 19h30

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Tan Dun
The First Emperor

Création mondiale

En direct du Metropolitan opera de New York
France musique
Le 13 janvier 2007 à 19h

The First emperor
Livret de Ha Jin et Tand Dun
Durée annoncée : 3h20mn

Distribution

Princess Yueyang, Elizabeth Futral
Shaman, Michelle DeYoung
Emperor Qin, Plácido Domingo
Gao Jianli, Paul Groves
La mère de Yueyang, Susanne Mentzer
Gen. Wang Jong, Hao Jiang Tian
Yin-Yang Master, Wu Hsing-Kuo

Orchestre du Met de NY
Tan Dun
, direction
Zhang Yimou, mise en scène
A l’affiche du Met de NY, jusqu’au 27 janvier 2007

Lire la fiche de la production The First Emperor de Tan Dun sur le site du Met
Lire l’entretien de Tan Dun à propos de son nouvel opéra

Un chinois de New-York

Né en 1957 dans le Hou Nan, le compositeur d’origine chinoise, Tan Dun revisite l’histoire de son pays, à l’époque de l’unification du premier empire, sous la volonté de fer de l’Empereur légendaire, Tsin Che Huang ti, qui vécut au III ème siècle avant Jésus Christ.
Le musicien a passé deux années comme travailleur dans les rizières pendant la révolution culturelle, avant de suivre une formation musicale au Conservatoire de Pékin. A 29 ans, grâce à une bourse de la Columbia University, il peut s’expatrier et découvrir la musique occidentale, en 1986 quand il s’installe à New York où il vit toujours.

Musicien unanimement reconnu et même célébré, Tan Dun plonge dans le passé impérial de la Chine ancienne, en s’intéressant avec son nouvel opéra, « The first Emperor », à la figure du fondateur de l’unité chinoise. Le musicien a déjà composé un opéra, Marco Polo, d’après le livret de Paul Griffiths (1995).
Sur les planches du Met, il renouvelle sa complicité avec le cinéaste Zhang Yimou avec lequel il avait travaillé pour le film Hero, dont il a signé la musique. Musique dramatique et lyrique, utilisant aussi le vocabulaire personnel du compositeur, de sa conception (instruments de pierre et de céramique, de l’eau et du vent…), autant d’éléments de son univers personnel qui figureront dans son opéra à l’affiche de l’Opéra New-Yorkais.
Pour Tan Dun l’opéra est un film primitif : l’écriture et les formules dramaturgiques sont très proches, voilà qui explique sa complicité miraculeuse avec Yimou.
Pour la création mondiale de The First emperor, à laquelle nous fait participer France musique, Dun qui dirige son oeuvre lyrique, a sollicité Placido Domingo (dans le rôle titre) et la star de l’opéra chinois, légende taïwanaise, Wu Hsing-Kuo (le maître du Yin et du Yang).
Pour le compositeur, la création de son opéra marque un point fort de sa carrière et de ses attentes : en arrivant à New York, il avait été frappé par la puissance de la musique occidentale, par la découverte de la 9ème symphonie de Beethoven, et l’écoute de son premier opéra, Turandot… avec Placido Domingo justement.

DVD
A paraître courant avril 2007, le prochain volume de la collection « Juxtapositions« , éditée par Idéale Audience, sera consacré au compositeur Tan Dun. Le coffret annoncé comprendra aussi  » Broken secrets », un documentaire sur la musique chinoise contemporaine.

Crédit photographique
Tan Dun (DR)

Richard Strauss, Le chevalier à la rose (1911)Arte, samedi 27 janvier 2007 à 19h

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Richard Strauss
Le chevalier à la rose, 1911
Samedi 27 janvier à 19h
En simultané sur France musique

L’oeuvre du renoncement

Après les vociférations douloureuses et même hystériques d’Elektra et de Salomé, La Maréchale offre une autre visage de femme : celui de l’acceptation et du renoncement, de l’abandon et de la sagesse, après le cri et la déchirure, après l’esprit de vengeance et le désir de meurtre. Que trouve la Maréchale, héroïne du Chevalier à la rose, dans les miroirs omniprésents de la mise en scène de Wernicke? L’indice du devenir du temps, la marque de l’inéluctable métamorphose qui emporte les êtres et leur destin ; mais aussi l’artifice et l’illusion trompeuse d’une société raffinée qui a fait des convenances et de l’éducation, une valeur emblématique ; mais sous le masque des courtoisies aristocratiques, celles de la Vienne rêvée qu’ont choisi les auteurs de l’opéra, Strauss et Hoffmannsthal, se cache en vérité, sujet principal de l’ouvrage, le passage du rêve à la réalité, de l’amour au renoncement qu’éprouve la Maréchale.
Ecole du réalisme froid et cynique, Le chevalier serait donc une machine du désenchantement… Or rien de plus onirique, nostalgique et raffiné que le travail du compositeur Strauss et de son librettiste, Hugo Von Hoffmannsthal.
En créant le personnage de la Maréchale, les deux hommes personnifient le mythe de la vieille Autriche impériale : un être qui est l’héritière de siècles de culture mais qui doit tirer sa révérence pour s’intégrer dans le cycle de l’histoire. Essor, derniers feux, fin.
L’opéra donne à voir la Vienne Impériale, dans ses ors les plus éclatants, juste avant de sombrer dans le néant de l’oubli. La Maréchale incarne le destin d’une nation : elle est l’icône de la société impériale d’une Vienne légendaire. C’est une femme digne et sensible qui traverse le monde des apparences (les miroirs de Wernicke) afin d’accomplir son initiation : en renonçant à son amant « Quinquin », la Maréchale comprend qu’il est vain de s’attacher à posséder. Tout bonheur ici bas est promis à celui/celle qui donc, lâche prise.
Créé le 26 janvier 1911, à Dresde, Le chevalier à la rose est-il bien ce chef-d’oeuvre du renoncement? Si l’on s’en tient à la recréation d’Hoffmannsthal, il s’agit plutôt d’un regard inquiet sur une Vienne promise à la fin. Avant que l’Empire Autrichien ne sombre avec la Première Guerre, deux auteurs, Hofmannsthal et Strauss ont l’intuition de la chute d’un ordre utopique, lui aussi promis à s’interrompre.
A l’affiche de l’Opéra de Paris en décembre 2006, l’ouvrage programmé par Gérard Mortier reprend la production conçue pour le festival de Salzbourg en 1995 par le défunt Herbert Wernicke. Ce dernier a signé là, l’une des ses mises en scènes les plus subtiles. Perspectives sans fond, les vastes pan de miroirs qui rythment les mouvements de la scène, expriment une conception moins illusoires qu’il n’y paraît. Sous le jeu des illusions, se joue le devenir de la culture et de l’humanisme. Féerie et philosophie : le spectacle est total. Remercions Arte et France musique de nous offrir une soirée exceptionnelle.

Distribution
Die Feldmarschallin, Anne Schwanewilms
Der Baron Ochs, Franz Hawlata
Octavian, Vesselina Kasarova
Herr von Faninal, Franz Hawlata
Sophie, Heidi Grant Murphy
Marianne Leitmetzerin, Michèle Lagrange
Valzacchi, Ales Briscein
Annina, Helene Schneiderman
Ein Sänger, Tomislav Mužek
Ein Polizeikommissar, Scott Wilde
Der Haushofmeister bei der Feldmarschallin, Wilfried Gahmlich
Der Haushofmeister bei Faninal, Mihajlo Arsenski
Ein Notar, Lynton Black
Ein Wirt, Christoph Homberger
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine/Choeur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Direction musicale, Philippe Jordan
Mise en scène, décors et costumes, Herbert Wernicke
Lumières, Werner Breitenfelder
Chef des Choeurs, Peter Burian

Approfondir

Lire notre dossier les opéras de Richard Strauss
Lire notre dossier le chevalier à la rose, 1911

Crédit photographique
Anne Schawanewilms dans le rôle de la Maréchale © Opéra de Paris 2006

Maurice Ravel, L’Enfant et les sortilèges (1925)

L’Enfant et l’écureuil

Ravel qui aimait tant la petite forme,mais aussi la ciselure
instrumentale en une orchestration millimétrée imagine un opéra,
d’après le livret de Colette sur la proposition du directeur de l’Opéra
de Paris, Jacques Rouché. L’action parle de l’enfance et d’un jardin
enchanté…. ou comment l’enfant capricieux et cruel apprend l’humanité
et la compassion dans les yeux d’une petit écureuil qu’il a blessé.
Dans ce regard se joue tout l’avenir de la civilisation…

Maurice Ravel qui a perdu sa mère, Marie, en janvier 1916, – une perte jamais vraiment acceptée-, s’intéresse au livret que l’écrivain Colette a écrit en huit jours, pour le directeur de l’Opéra de Paris, Jacques Rouché. Le sujet plonge dans l’enfance. C’est une évocation de la figure maternelle, recherchée, adorée. L’Enfant qui n’a pas été sage, se venge sur les objets, les arbres et les animaux de son entourage. A l’esprit barbare et cruel du jeune être, s’oppose bientôt une armée de victimes innocentes, qui toutes directement ou indirectement, ont perdu un compagnon, ont souffert sans raison à cause du petit diable. Chacun se dresse contre le tyran qui finit par demander grâce, suppliant sa mère de le réconforter.
Les sortilèges sont ici la voie du retour à l’ordre : il s’agit d’infliger une punition effrayante et fantastique à la cruauté infantile. Mais du premier tableau où l’Enfant se plaint, joue l’indifférent et le capricieux, jusqu’à la scène de l’appel au giron maternel, que de tableaux féeriques, de nocturnes surréalistes, prétextes à d’amples évocations entre onirisme et délire… le merveilleux s’immisce dans une histoire anecdotique, grâce à la musique de Ravel.

L’oeuvre de sa vie
Après une profonde période dépressive, suite à la mort de sa chère maman, Ravel semble reprendre le goût de l’écriture. Le livret reçu de Colette vient à poing nommé. S’agirait-il comme on l’a avancé, d’un texte d’autant plus opportun qu’il lui permettait d’exorciser un drame qui devait se résoudre?
Cependant l’enthousiasme immédiat suscite une élaboration longue et fastidieuse. Le compositeur mettra près de cinq ans pour accoucher de son oeuvre lyrique. Les objets animés de l’oeuvre résonnent curieusement dans la maison de Montfort-l’Amaury, investie dès 1921. Ravel compose dans un écrin dont il choisi chaque élément, avec comme point d’orgue d’une collection fétiche, le portrait de sa mère, image tendrement chérie.
L’écriture recueille en filigrane les pensées les plus intimes de l’auteur, dans sa relation à sa mère, présence regrettée. L’Enfant, c’est lui. Et par la musique, il joue au magicien, recomposant un monde enchanté, où les horloges, les tasses, les horloges et les théières s’animent, parlent et se lamentent. En pleine gestation, en 1923, Ravel déclare : « je songe à une fantaisie lyrique… dont j’espère faire l’oeuvre de ma vie ».

« Ravel-écureuil » : en quête de pureté
Pour exprimer au plus près, le monde de l’enfance, Ravel dépouille sa manière, nettoie son écriture. Il songe à la naïveté des chansons d’enfants. La quête d’une pureté sonore, cristalline, reste un objectif majeur, déjà esquissé, avant L’Enfant et les sortilèges, dans Ma mère l’Oye. Si le compositeur emprunte une voie musicale pour retrouver l’insouciance de l’enfant, comme une régression salvatrice qui le laverait de toutes les agressions vécues, de la douleur des plaies encore ouvertes, le style de plus en plus épuré dans le chant de l’enfant, signifie pour lui-même l’état retrouvé de l’innocence et de la pureté qui l’habite aussi, aux côtés de ses pulsions cruelles. L’air où l’enfant se guérit de lui-même et retrouve sa pureté originelle, « Toi le coeur de la rose... », est un hymne à l’innocence préservée, qui ressurgit intacte. D’ailleurs, la résolution de cette initiation progressive se précise dans la dernière scène, où sur les mots : « Il est bon l’enfant, il est sage« , les sortilèges, ce lien qui étouffait le petit coeur en l’emprisonnant dans l’esprit de la vengeance, se dissolvent et s’évaporent. La fugue suit le rythme de la respiration naturelle : jamais la phrase ravélienne n’a semblé ici plus évidente, naturelle, comme couler de source. En soignant l’écureuil blessé (« il a pansé la plaie... »), l’enfant est redevenu un homme parmi les hommes, fraternel et compassionnel. Le petit animal donne la clé : « Sais-tu ce qu’ils reflétaient mes beaux yeux ? Le ciel, le vent libre… ». En sauvant l’animal, l’Enfant ressuscite à lui-même et se sauve lui-même.
Cette scène qui inspire la mélodie la plus inspirée de toute la partition, est d’autant plus révélatrice que c’est Ravel qui a insisté auprès de Colette pour introduire la figure de l’écureuil. Colette qui rétrospectivement, aimait parler en 1941 (Journal à rebours), d’un Ravel animal, … » ses mains délicates de rongeur, effleurait toutes choses de son regard d’écureuil ».

La mécanique de l’enchantement
Le rythme de la danse est l’élément moteur de la magie ravélienne. A cela, le compositeur ajoute la fascination de phrases simples, répétées, petites séquences déterminées ou miniatures, dont le cycle fugace s’apparente au tour d’un automate. La mécanique a toujours passionné Ravel. Le prodige des objets inanimés devenant vivants et palpitants, s’apparente à la danse féerique des automates. Le jouet mécanique est un autre élément qui rapproche Ravel de l’enfance.
La vie des objets permet d’inventer de nouvelles destinations pour des éléments de danse qui en sont dépourvues dans leur usage familier : le fox trot entre le théière et la tasse chinoise produit, par exemple, un effet ineffaçable pour ceux qui l’écoutent la première fois.

Cris et « frisson secret de la vie »
A l’évocation de la vie miraculeuse des objets domestiques, Ravel s’ingénie aussi à évoquer le chant et le cri des animaux de la forêt enchantée : coassement des grenouilles, miaulement des chats, bruissement des arbres du jardin… Les sortilèges sont le jeu des miracles de la nature, instruits par de petits êtres magiciens, tous habités par un feu énigmatique et spectaculaire, destiné à impressionner l’enfant.

La partition est achevée au début de l’année 1925 quand Ravel s’apprête à souffler ses 50 ans (le 7 mars). C’est la synthèse stylistique de toute une vie occupée par l’écriture musicale.

CD
Ernest Ansermet
Le monde de l’enfance est abordé avec une sensibilité directe et poétique. La palette des tonalités affectives est remarquablement menée : émotion du duo avec la Princesse, mystère et magie du jardin, lamentation de l’arbre blessé… Flore Wend incarne un Enfant, superbe de malice et d’innocence. Quant à l’orchestre d’Ansermet, – l’orchestre de la Suisse Romande-, il nage dans des eaux de pur enchantement. Coffret 2 cd Decca, collection « historic » (couplé avec le martyre de saint Sébastien).

Crédits photographiques
Maurice Ravel (DR)

Robert Schumann, scènes de FaustFrance musique, les 8 et 9 janvier 2007 à 15h

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Robert Schumann
Scènes de Faust

Les 8 et 9 janvier 2007 à 15h

Sublime conclusion aux festivités -trop rares en 2006- des 150 ans de la mort du compositeur (1856), France musique diffuse en deux parties, sur deux journées, le chef d’oeuvre lyrique de Robert Schumann. C’est un hymne poétique d’une force exceptionnelle où orchestre, solistes et choeur donnent la plus éblouissante transcription musicale du mythe de Faust d’après Goethe. Attention programme incontournable, préparez vos cassettes !

Distribution
Concert enregistré dans le cadre du festival Styriarte de Graz
le 26 juin 2006

Christian Gerhaher, baryton
Annette Dasch, soprano
Alastair Miles, basse
Mojca Erdmann, soprano
Elisabeth von Magnus, soprano
Birgit Remmert, mezzo
Gerog Zeppenfeld, basse
Choeur Arnold Schoenberg
Grazer Keplerspatzen
Orchestre de chambre d’Europe,
Nikolaus Harnoncourt, direction

Approfondir
Lire notre dossier sur le mythe de Faust de Goethe et l’imaginaire des musiciens
Lire notre dossier Faust de Robert Schumann

Hugo Reyne (flûte), ensemble Baroque de Nice Nice, Eglise Saint-Martin Saint-Augustin, les 12 et 14 janvier 2007

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Fidèle à son engagement dans le répertoire du baroque italien, Gilbert Bezzina a conçu un programme mêlant la virtuosité d’un instrument soliste, la flûte, magistralement portée par Hugo Reyne, et l’opulence concertante de l’orchestre dans l’écriture des concertos grossos. Deux figures essentielles de la première moitié du XVIII ème siècle seront jouées : le Napolitain Alessandro Scarlatti et le génie saxon de l’opéra et des drames vocaux, Haendel.

Si la Sonate n°9 en la mineur de Scarlatti est à mettre en rapport avec la présence du flûtiste Quantz à Naples, vers 1725, le concerto n°5 de Haendel est ici restitué dans sa version originelle : au départ pour flûte, l’oeuvre fut transposée pour orgue. Hugo Reyne, par ailleurs, fondateur en 1987, de son propre ensemble baroque, La Simphonie du Marais, s’est ingénié à restituer la forme d’origine de ce concerto quasi inédit. Notons que la Gigue qui conclut la partition, vive et nerveuse, se rapproche d’une Tarentelle… danse proprement napolitaine. L’oeuvre de Haendel se referme sur un rythme napolitain, patrie de Scarlatti. Ainsi la boucle étant bouclée, l’évidente cohérence du programme présenté par l’ensemble baroque de Nice, ajoute à la qualité du concert niçois.

Programme

Alessandro Scarlatti (1660-1725)
Sinfonia XII,
Concerto grosso n°1,
Sonate n°9 pour flûte,
sinfonia di Concerto grosso.

Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Concerto grosso opus III n°3
Concerto grosso opus VI n°3
Concerto pour flûte n°5

Hugo Reyne, flûte
Ensemble Baroque de Nice,
Gilbert Bezzina
, direction

Approfondir

Découvrir les temps forts de la saison musicale 2007 de l’Ensemble baroque de Nice

Illustration

Georg Friedrich Haendel (DR)

Nantes, La Folle Journée 2007 Du mercredi 31 janvier au dimanche 4 février 2007

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L’Harmonie des peuples

Après l’édition 2006 intitulée « L’harmonie des nations », la Folle Journée nantaise décidément européenne dans sa démarche, prône en 2007, pour sa 13 ème édition, l’harmonie des peuples. Une harmonie qui passe par la reconnaissance des singularités nationales : les 5 jours de programmation musicale mettront ainsi un point d’honneur à consulter la disparité artistique des « peuples », en particulier la richesse des folklores musicaux, traditionnels et populaires dont beaucoup de musiciens se sont inspirés directement. C’est un livre musical qui se feuillètera en 270 concerts, identifiant les grandes nations musicales émergeantes à l’aube des révolutions de 1848.

La Russie (Glinka, Balakirev, Rimski-Korsakov, Borodine, Moussorgski et Tchaïkovsky…), mais aussi la Hongrie et la Scandinavie qui affirment à partir de l’exaltation des traditions populaires, une identité spécifique. Ainsi en témoignent les oeuvres de Smetana, Janacek, Dvorak, Bartok… A cette déjà vaste cartographie de musiciens, il faut ajouter encore, Grieg (Norvège), Berwald (Suède), Nielsen (Danemark) et Sibelius (Finlande). Emblématique d’une Europe déjà métissée, la France accueille de nombreux compositeurs espagnols : Albeniz, Granados, de Falla, Rodrigo… lesquels influencent bon nombre de musiciens français tels que Bizet, Fauré, Debussy, Saint-Saëns, et surtout Ravel.

Approfondir

Tous les concerts, les compositeurs invités et leurs interprètes sur le site officiel de La Folle Journée 2007

Comment organiser son séjour ?
Pour la Folle Journée 2007, l’office de tourisme de Nantes propose plusieurs formules comprenant concerts et hébergement.
Quelques pistes ? Vendredi 2 et samedi 3 février 2007 : Ensemble Vocal de Lausanne, accompagné de l’orchestre « Sinfonia Varsovia », sous la direction de Michel Corboz (2 février à 19h. Boris Berezovsky (piano) et l’orchestre Philharmonique de l’Oural, sous la direction de Dimitri Liss (3 février à 12h45). Puis, Nelson Freire (piano), et l’orchestre Philharmonique de Varsovie, sous la direction de Antoni Wit (3 février à 16h).

Retrouvez l’intégralité des offres et réservez concerts et nuits d’hôtel sur le site de l’office du tourisme de Nantes,
ou par téléphone : 0892 464 044 (0.34/mn), 7/7 de 9h à 18h (le jeudi de 10h à 10h30).

Lire l’article de Benjamin Ballif sur les enjeux et les questions soulevées par le thème « l’Harmonie des peuples »

Joseph Calleja,un ténor en or ! En récital, à Massy et à Paris, janvier 2007

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Joseph Calleja,
Un ténor en or !

Massy, opéra,
Le 20 janvier 2007

Paris, Théâtre des champs élysées,
Le 22 janvier 2007

Un grain de voix inédit, reconnaissable entre tous, dont la tendresse et l’éclat se sont imposés immédiatement : la voix du ténor maltais Joseph Calleja, 28 ans, promet de devenir l’une des plus intéressantes, à suivre pas à pas lors des prochaines saisons lyriques. Déjà deux cds parus chez Decca : l’artiste a démontré son talent naturel dans le bel canto italien, en particulier dans Donizetti qu’il sert admirablement, comme l’a démontré son album Decca « The Golden Voice »dont le programme dévoile la finesse, la séduction et l’émotivité du chanteur.
Rigoletto à 24 ans, aux pieds levés à Covent Garden, aujourd’hui le Met de New York, Joseph Calleja garde la tête froide. En pleine ascension, le ténor reste humble et se concentre sur l’essentiel : la qualité de son chant. Des tournées certes, des prises de rôles, attendues, réussies. Mais surtout, du temps pour se ressourcer… et étudier, travailler, approfondir la psychologie et la technique. Le jeune maltais voue une vénération pour les grands noms qui l’ont précédé : Vanzo, Björling, Bergonzi, Kraus… et demain ? On rêve de le découvrir sur une scène lyrique française. Pour patienter, deux récitals sont à l’affiche de janvier, à Massy puis à Paris. Au programme, Donizetti, évidemment. Mais aussi Verdi et l’opéra Français : Massenet et Gounod.

CD
« The golden voice ». 1 cd Decca. Lire notre critique du l’album Joseph Calleja, The Golden Voice.

Crédit photographique
Joseph Calleja © Decca / Mitch Jenkins

Jean-Philippe Rameau, PlatéeDocumentaire, « découvrir un opéra »Arte, samedi 6 janvier 2007 à 22h30

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Jean-Philippe Rameau
Platée
, 1745
Documentaire conçu au moment des représentations, à l’Opéra de Paris, en 2002. Réalisation : Don Kent, 1h, 2006.

Premier volet d’une série consacrée aux ouvrages méconnus de l’Opéra, Platée appartient au cycle « découvrir un opéra », grâce auquel Arte met à l’honneur en 2007, le genre opéra. Le réalisateur, Don Kent, a sélectionné plusieurs scènes clés qui offrent le prétexte à commentaires, analyses et témoignages. Ceux en particulier des interprètes, Marc Minkowski (chef d’orchestre), Paul Agnew (ténor ou selon la nomenclature de l’époque de Rameau, « haute-contre », interprète du rôle-titre) et Laurent Pelly qui signe la mise en scène. Dans Platée, grénouilles et créatures des marais descendent dans la fosse d’orchestre et prennent la direction de la musique. La folie (qui est un vrai personnage de l’opéra, en particulier dans l’acte II, quand chacun s’apprête pour célébrer le mariage de Jupiter et de la Reine des grenouilles) et le délire mènent la danse. Jamais Rameau ne fut plus inspiré par son propre projet, ni plus engagé à défendre ce qui lui est cher : l’empire de la souveraine musique sur les autres arts. Musicien de génie, il travaille à la prééminence de sa discipline : d’ailleurs, ne faut-il pas voir dans le personnage de la Folie qui surgit en rompant l’action de l’acte II, Rameau lui-même qui démontre la puissance irrésistible des instruments, aptes à émouvoir ou attrister, indépendamment du livret ? Le vrai pouvoir de la musique, tel est la question qui est au coeur de Platée. Paul Agnew s’intéresse à la psychologie de Platée (coquette et arrogante, vaniteuse et agressive, surtout crédule et naïve…) ; Minkowski loue l’inspiration du musicien qui mêle avec un panache époustouflant le comique et le tragique ; Pelly admire la dramaturgie de la musique : « pas une note de trop : chacune sert l’action »… Donc, Platée est un chef d’oeuvre, à redécouvrir. Merci Arte de nous offrir cette révélation et ce plaisir (écoutez l’air de la Folie narrant les amours malheureuses d’Apollon et de la nymphe Daphné… : un joyau !).

Distribution
Platée, Paul Agnew
La Folie/Thalie, Mireille Delunsch
Mercure/Thespis, Yann Beuron
Jupiter, Vincent le Texier
Junon, Doris Lamprecht
Un Satyre/Citheron, Laurent Naouri
L’amour/Clarine, Valérie Gabail
Momus, Franck Leguérinel
Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski (direction)

Un opéra délirant visionnaire

Jamais musicien n’imagina un tel délire. Pour éprouver la jalousie de Junon, et lui jouer un tour à sa façon, Jupiter feint d’aimer la Reine des Grenouilles, Platée, « superbe » nymphe en son marais… La belle habitante de l’onde se prend à ce tour et quand elle croit que l’hymen sera prononcé, Junon furieuse interrompt la noce, s’esclaffe jusqu’à l’hilarité déplacée, en dévoilant la mariée, reconnaissant que son époux lui a joué un admirable tour… L’épouse réconfortée accompagne Jupiter au ciel, amusée d’avoir cru être détrônée par une pauvre et hideuse batracienne qui coasse. Au travers de cette nouvelle péripétie jupitérienne, Rameau épingle la naïveté d’une romantique avant l’heure, qui s’est plue en aimée du dieu… Le livret d’Autreau, repris par Orville, donne matière à une série d’onomatopées célèbres, et surtout prétexte à l’ apparition de la Folie qui s’est emparée de la lyre d’Apollon, dans une scène totalement inédite, des plus fantasques, sur les planches lyriques françaises (Acte II, scène 5).

Platée, nymphe comique et tragique

Joué au Théâtre de la Grande Ecurie à Versailles, le 31 mars 1745, l’opéra-ballet de Rameau est une oeuvre visionnaire, atypique, grotesque au sens strict, qui paraphrase et parodie tous les poncifs de l’opéra français, mais en replaçant les éléments ciblés pour que naisse une cascade de tableaux comiques. Outre son propos comique et bouffon, Rameau a conçu un personnage véritable, prototype éloquent de la figure ridicule, naïve, coquette, fragile, pathétique voire tragique. Platée est chanté par un homme travesti (un haute contre ou ténor). La partition fouille le sérieux de la grenouille grotesque. Jamais le délire comique ne fut poussé aussi loin.
Il reste surprenant que le compositeur ait osé surprendre son public courtisan et royal, pour le premier mariage du Dauphin, devant la Cour de Versailles, avec une oeuvre qui mettait en scène une parodie de mariage, la mariée incarnant le ridicule et la laideur personnifiés ! Quelques mois après la représentation, Rameau fut gratifié d’une pension et d’un titre (mai 1745). Lors de sa reprise à l’Académie Royale à Paris, l’oeuvre suscita l’admiration des critiques, dont Rousseau, Grimm et d’Alembert.

Prochain volet de la série « Découvrir un opéra » sur Arte : Cardillac de Paul Hindemith, samedi 10 février 2007, à 22h30.

Crédits photographiques
Platée à l’Opéra de Paris (DR)
La Folie qui a dérobé la lyre d’Apollon (Mireille Delunsch) (DR)

Eldar Nebolsin, pianoMezzo, jusqu’au 26 janvier 2007

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Eldar Nebolsin, piano

Le 9 janvier 2007 à 20h45
Le 10 janvier 2007 à 13h45
Le 15 janvier 2007 à 3h45
Le 24 janvier 2007 à 4h40
Le 26 janvier 2007 à 9h45

Vainqueur du Prix Sviatoslav Richter (juin 2005), le pianiste russe Eldar Nebolsin est à l’honneur sur Mezzo qui diffuse un récital inédit en deux parties, donné au théâtre du Châtelet, les 23 et 24 octobre 2002. Né à Tachkent (Ouzbékistan) en 1974, le jeune virtuose qui commence son apprentissage pianistique dès 5 ans, remporte à 12 ans, le premier prix du concours des jeunes pianistes Russes à Moscou, puis le concours de la radio de Prague. Sa carrière internationale débute après qu’il remporte le concours de Santander en 1992.

Programme

Première partie
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Quinze variations et une fugue sur un thème original en mi bémol majeur,
« Variations Eroica », op. 35 (1802)

Serge Rachmaninov (1873-1943)
Morceau de fantaisie, op. 3 (1892)
N° 3 : « Mélodie », en mi majeur (rév. 1940)
Trois Préludes,op. 23 (1901-1903) : N° 3 en ré mineur, N° 6 en mi bémol majeur, N° 2 en si bémol majeur

Deuxième partie
Sofia Goubaïdoulina (née en 1931)
Chaconne (1963)
Franz Schubert (1797-1828)
arrangements pour piano de Franz Liszt (1811-1886) : Trois Lieder extraits de Die schöne Müllerin (1846) : 1. Das Wandern (Le Plaisir de la marche), 2. Wohin ? (Vers où ?) , 3. Der Müller und der Bach (Le Meunier et le Ruisseau)
Félix Mendelssohn (1809-1847) – Serge Rachmaninov (1873-1943) :
Ein Sommernachtstraum (songe d’une nuit d’été) – Scherzo (1933)
Piotr llitchTchaïkovski (1840-1893) – Serge Rachmaninov (1873-1943) :
Lullaby, op. 16 nº 1 (1941)
Fritz Kreisler (1875-1962) – Serge Rachmaninov (1873-1943) :
Liebesfreud (1925)

Crédit photographique
Eldar Nebolsin (DR)

Jean-Philippe Rameau, Les PaladinsMezzo, jusqu’au 2 février 2007

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Jean-Philippe Rameau
Les Paladins
, 1760
Le 13 janvier 2007 à 20h45
Le 14 janvier 2007 à 13h45
Le 23 janvier 2007 à 15h30
Le 26 janvier 2007 à 3h45
Le 2 février à 15h39

Production enregistrée au Théâtre du Châtelet à Paris, en 2004. Les Arts Florissants, direction : W. Christie. Mise en scène : Larrieu/Montalvo.
Notre avis sur la production : La production des Paladins revisités par le couple délirant déjanté Hervieu/Montalvo a suscité un enthousiasme immédiat par sa flamboyance visuelle, son invention continue qui associe danse urbaine hip-hop et rap, et irrévérence facétieuse des rythmes de la musique de Rameau. Après les splendeurs du Grand Siècle d’Atys de Lully, il semblait alors que le Baroque universel pouvait être aussi acclimaté à la sauce contemporaine, et rétablir culture élitiste et tendances « djeuns », celles de la rue. Rameau, musicien de Louis XV, en casquette et jean baskets? C’est le chemin qui mène par Vaux et Versailles, à la Cour de Louis XV, en passant étape désormais obligée, par Créteil. Certes, le dispositif est un feu d’artifice constant, qui insiste davantage sur le spectaculaire de l’action que sur le chant et la musique pure. Ce « déballage » , bestiaire et morphing illimité, portraits en plan rapprochés d’une jeunesse militante, style campagne Benetton, aurait-il plu à monsieur Rameau, plus occupé par sa musique que par la vraissemblance du drame scénique ? Reste que l’objet mi chorégraphique mi plastique et visuel signé Hervieu/Montalvo exprime jusqu’à ses limites, les options parfois radicales d’une mode. A défaut d’être pleinement captivés, on se laisse prendre par les »trouvailles » gestuelles. Côté voix, deux chanteurs relèvent le défi de la production comique et physique, le jeune Topi Lehtipuu, et l’irrésistible Sandrine Piau, à son aise dans les airs de coquette taquine. Avoir indiscutablement pour connaître, à défaut d’être touché.

L’oeuvre : contexte et genre

Comédie lyrique, qui allie la musique, le théâtre et la danse, Les Paladins sont créés avec un succès très modeste, le 10 février 1760. C’est une oeuvre tardive dont l’éclectisme et la flamboyance féerique ne furent pas compris à l’époque de Rameau. Mais Les Paladins ne sont pas la seule partition du musicien, en avance sur leur temps. Le librettiste de Rameau, Monticourt, s’inspire de La Fontaine, en particulier du conte : « Le petit chien qui secoue de l’argent et des pierreries« . Mais La Fontaine s’inspirait lui-même de l’Arioste. A la trame originelle, de nombreux épisodes sont ajoutés… en résulte une intrigue impossible, « décousue » et « inepte » si l’on s’en rapporte aux critiques de l’époque qui fustigèrent tout autant, la musique, d’une faiblesse insupportable. De fait, l’oeuvre disparut de l’affiche, -pour n’y plus jamais revenir-, le 20 mars 1760.

Une partition où la musique souveraine mêle les genres poétiques

En 1760, la Querelle des Bouffons a eu lieu, opérant une distinction emblématique dans le goût du XVIII ème siècle : comédie ou tragédie, intrigue fraîche et domestique, ou épopée superfétatoire et héroïque… Or Rameau qui aima troubler son monde, et guerroyer avec Rousseau, s’ingénie ici à brouiller les pistes, opérer une combinaison inédite et sans limites du chant, du théâtre, de la danse, et associer les registres poétiques : merveilleux, exotique, pastoral, parodique, comique et sérieux. Au final, l’humour l’emporte souvent.
En définitive, Rameau espiègle, revient au délire de son opéra antérieur, Platée (1745). Aux côtés des évidentes prouesses caricaturales dans lesquelles Rameau parodie le chant amoureux (Nérine au geôlier…), le musicien redouble d’inspiration dans les entrées chorégraphiques : il excelle dans le rythme et les évocations dansantes. Entrées des paladins, entrées des troubadours, entrée des Chinois… le feu de la musique embrase la scène. Exceptionnel orchestrateur, Rameau déploie une science des timbres associant aux cordes, clarinettes (comme dans Zoroastre), cors, bassons… L’orchestre moderne puise ses racines dans Les Paladins.

Crédits photographiques
Les Paladins, 2004 (DR)

Philip Glass, 70 ansMezzo, jusqu’au 29 janvier 2007

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Le 19 janvier 2007 à 20h45
Le 20 janvier 2007 à 13h45
Le 29 janvier 2007 à 5h45
Le 7 février 2007 à 16h45
Jay Gottlieb (piano) joue Glass. Concert, 2001, 52 mn.

Né à Baltimore (Maryland) le 31 janvier 1937, Philip Glass soufle ses 70 ans en 2007. Il découvre la musique grâce au fonds de disques de la boutique de son père. Le jeune Glass se familiarise très tôt avec la musique de chambre de Beethoven, de Schubert, les symphonies de Chostakovitch. Il entre à l’Université de Chicago où il étudie, à 19 ans, les oeuvres de Charles Ives et Webern. Il explore les possibilités du dodécaphonisme, puis à New-York, accepté à la Julliard School, il découvre l’oeuvre des compositeurs américains : Aaron Copland, William Schuman. Le compositeur en apprentissage suit les cours de Darius Milhaud, et abandonne le sérialisme.
Son style est encore instable. C’est à Paris auprès de Nadia Boulanger qu’il affine son écriture, et trouve sa voie : à la demande du cinéaste Conrad Roods, il transpose dans le système tonal occidental, les ragas de Ravi Shankar. La découverte de la musique indienne, celle du nord de l’Afrique et de l’Himalaya, féconde son oeuvre à présent originale. Il retourne à New York avec un système musical qui lui est propre.
Pour son groupe, The Philip Glass ensemble, à partir de 1974, le compositeur élabore de nombreuses partitions qui demeurent emblématiques de sa démarche qui en fait le représentant désigné de la musique minimaliste et répétitive : Music in twelve parts (1974), Einstein on the Beach (1976), opéra de 5 heures créé avec le système scénique de Bob Wilson. Glass intègre Einstein on the beach dans une trilogie composée de Satyagraha (1982) et Akhnaten (1984).
Wilson et Glass se retrouveront pour d’autres projets : Civil wars (Rome), écrit pour les Jeux olympiques de 1984, ou encore, Monsters of Grace (1998), opéra digital en 3 D.

Outre ses oeuvres majeures qui se sont imposées sur la scène lyrique au XX ème siècle, la création de Philip Glass englobe de nombreuses formes : musique de chambre, écriture symphonique, danse, théâtre, films.
L’ouvrage lyrique le plus récent reste Galileo Galilei (2002) composé avec Mary Zimmerman. Ses symphonies atteignent le nombre de 6 avec en 2001, sa Symphonie n°6, « Plutonian ode ».
La collaboration de Glass avec d’autres disciplines a surtout marqué le cinéma, comme en témoigne son travail autour de la trilogie de Godfrey Reggio (1983 à 2002). La critique a relevé la réussite de sa musique pour Kundun de Martin Scorcese (1997), et plus encore, celle de The Hours (2002) de Stephen Daldry’s, qui a obtenu un nombre retentissant de récompenses.
Notons aussi ses adaptations musicales d’après trois films de Jean Cocteau : Orphée (1993), La Belle et La Bête (1994), Les Enfants Terribles (1996).

Approfondir
Lire notre critique du dvd Philip Glass réalisé par Eric Darmon, paru chez Ideale Audience, en 2006

Crédit photographique
Philip Glass au piano (DR)
Philip Glass (DR)

Festival Présences 2007, « Thomas Adès » Paris, Maison de la Radio. Du 9 février au 5 mars 2007

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Thomas Adès,
invité d’honneur

Vous ne connaissez pas ? C’est pourtant l’un des compositeurs contemporains les plus doués de sa génération. Né en 1971, pianiste et chef d’orchestre, le compositeur britannique a d’emblée suscité un enthousiasme unanime quant à son inspiration et son écriture, en particulier avec son opéra « La Tempête » d’après Shakespeare (créé à Londres au théâtre Almeida en 2000).
Le créateur a confirmé qu’il aimait provoquer pour faire réagir, en témoigne le personnage de la duchesse dans son opéra « Powder her face » (1995), une nymphomane, amatrice de fellation, qui ne se prive pas d’évoquer ses talents sur scène. Mais la liberté du ton est surtout défendue par un style original et convaincant. Lui-même élabore son langage à partir d’un imaginaire personnel qui emprunte à de nombreuses traditions antérieures, de toutes les époques : musique élizabéthaine, jazz et tango… mais il ne s’agit jamais de simples citations : la présence des formes préexistantes (Passacaille, sonates, scherzos, mélodies…) suscite un travail de reconstruction savante, pour une dramaturgie très efficace et redoutable sur le plan expressif. A cela se mêle une recherche attentive sur la texture, sur l’amplitude sonore (aigus éthérés et murmurés, graves profonds…), sur la multiplicité d’un discours pluriel qui se joue d’allusions et de références, suscitant une relation permanente avec le public qui est invité à reconnaître les clins d’oeil et nombreuses réminiscences, plus ou moins explicites qui lui sont offerts. Soulignons la permanente actualité Adès au théâtre, avec, après Présences 2007, la reprise de son opéra majeur « La tempête« , à Londres au mois de mars 2007 (Royal Opera House, Covent Garden, du 12 au 26 mars 2007).
L’homme cultive son mystère. Il sait être silencieux, refusant les entretiens. C’est certainement le propre des grands auteurs: prendre du recul sur le tempo infligé par les medias de plus en plus zappeurs. Outre ses coups de provocations, la musique d’Adès révèle une assimilation géniale des compositeurs anciens: Beethoven et Liszt, mais aussi Franck (dont il aimait, enfant, écouter en boucle la Symphonie en ré mineur) et Fauré. Le pianiste qui donne encore quelques concerts de musique de chambre, aime jouer Schubert, Strawinsly, Janacek avec une aisance maîtrisée, qui dévoile l’interprète intime et sensible. Depuis 1999, le compositeur dirige le Festival d’Aldeburgh, fondé par son compatriote Benjamin Britten, qui fut comme lui, compositeur et pianiste.

On peut donc se féliciter que le festival Présences 2007 consacre au musicien la majorité de sa 17 ème programmation. Un événement d’autant plus attendu que c’est la dernière année où les concerts auront lieu dans l’enceinte de la maison de Radio France puisqu’en 2008, le festival voyagera dans les capitales de province, le temps que soit réaménagé un nouvel auditorium ; 2007 sera aussi l’occasion d’accueillir la prestigieuse Philharmonie de Berlin qui sous la direction de Simon Rattle, un fervent défenseur de la musique d’Adès (spécialiste d’Asyla, depuis 1997) créera en France, sa nouvelle oeuvre symphonique, « Tevot », Salle Pleyel, le 5 mars 2007, (auparavant créée à Berlin, le 21 février 2007), sorte de conclusion magistrale aux concerts qui se seront déroulés du 9 février au 4 mars 2007, à la Maison de Radio France. Au cours de ce « festival Adès », « Violon concerto, Concentric Paths », « January Writ », « Brahms », « three premises are alarmed », « America (a prophecy) » seront joués en « création française ».
Fidèle à sa ligne artistique, Présences 2007 permettra aussi la création de nombreuses oeuvres d’autres compositeurs contemporains, souvent des commandes de la Maison ronde : « La plus forte » de Barry (9 février), « filigranes » de Fourgon (16 février), « Vague de pierre » de Pécou (17 février), « Partitas et quatuor » de Bancquart (2 mars), « concerto pour cor  » de Decoust (4 mars 2007)… Un programme des plus alléchants pour les amateurs de musique contemporaine. Au total, 23 oeuvres du compositeur britannique seront jouées dont 7 en création française.

Festival Présences 2007. 4 week ends, du 9 février au 4 mars 2007, Maison de la Radio. Le 5 mars, salle Pleyel. Informations : www.concerts.radiofrance.fr

DVD
Powder her face : l’opéra créé à Londres en 1995, fait d’un sujet scabreux voire pornographique, une partition facétieuse et subtile, satirique mais surtout humaine. La Duchesse d’Argyll, qui a réellement existé, est une débauchée émouvante. La musique d’une inspiration virtuose, toujours juste, éblouit du début à la fin des 7 actes. La version filmée ici pour la télévision est particulièrement réussie. Sous la baguette du compositeur, chacun des accents dramatiques est rehaussé par la complicité de l’effectif instrumental. Bonus : un documentaire de 50 mn sur Thomas Adès. Version anglaise. Pas de traduction ni sous-titre en français. 1 dvd Digitalclassicsdvd.

Crédit photographique
Thomas Adès 2001 © Emi/D.Thompson

Ludwig van Beethoven, Symphonies n°1 à 9France musique, les 8, 9 et 10 janvier 2007

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Ludwig van Beethoven

Intégrale des Symphonies

10h
Le lundi 8 janvier 2007
Le mardi 9 janvier 2007.
Le mercredi 10 janvier 2007,
à 10h et à 20h

Orchestre du XVIII ème siècle
Franz Brüggen, direction

Brüggen, orfèvre du timbre
Voilà plus de 20 ans déjà, que Franz Brüggen enregistrait pour Philips, son intégrale des symphonies de Beethoven (le premier enregistrement, la symphonie n°1, le fut dès 1984). Beethoven avec instruments du XVIII ème siècle? Ne s’agit-il pas d’une boutade rétrograde, usant de factures d’instruments historiques voire passéistes d’autant inopportuns pour le compositeur de l’avenir? Qu’a le compositeur à gagner dans ce retour systématique à la sonorité dite « d’époque »?

A y regarder de plus près, « réconcilier » Beethoven avec le XVIIIème n’est pas en soi incorrect : tout son bagage doit à Haydn et Mozart, les maîtres du classicisme viennois dont le maître de Bonn est un disciple naturel. Ses Symphonies n°1 et 2 ont ce classicisme mesuré qui d’ailleurs, a fait qu’elles ont été mises de côté, correspondant, dans le goût des admirateurs, bien peu à l’énergie romantique et passionnelle des autres opus…
Brüggen s’est expliqué sur sa démarche en mettant en avant dans chaque symphonie beethovénienne, la notion du timbre. Beethoven pense la musique par famille d’instruments. Chaque grain, chaque couleur d’instrument constitue son vocabulaire. Et le compositeur les agence selon sa conception. L’importance de l’instrument est d’autant plus frappante dans les deux premières symphonies qui sont en étroite parenté avec celle de Haydn.

Avec Beethoven, la singularité de l’instrument acquiert ses lettres de noblesse : les timbales deviennent solistes, et les bois ne se bornent pas simplement à doubler les cordes. D’ailleurs, un témoin de la deuxième symphonie s’étonna de « l’emploi immodéré des vents ». Chaque timbre est associé à une couleur spécifique de sentiment. La force de l’orchestration impose Beethoven comme le fondateur de l’orchestre romantique. Le musicien élabore une totalité douée désormais de sa personnalité propre. C’est une action abstraite mais expressive, féconde, et foisonnante grâce à la qualité de sa palette de timbres.
La marque de Brüggen en « osant » jouer Beethoven avec son Orchestre du XVIII ème siècle, se révèle gagnante en ce qu’elle dévoile la richesse expressive de la texture, des combinaisons et des alliages instrumentaux. Brüggen éclaire l’une des composantes clés de l’esthétique beethovénienne.
Avec d’autant plus de pertinence que son approche articule la tenue rythmique, la dynamique et la « dramaturgie » des partitions. Cette intégrale enregistrée en décembre 2006 à Paris (théâtre des champs élysées) apporte un éclairage original sur le testament de l’un des génies symphonistes de l’histoire.

CD
Franz Brüggen, intégrale des symphonies de Beethoven. Coffret 5 cd, Philips 1994 (notre photo).

Illustrations
Beethoven (DR)
Franz Brüggen (DR)

Anvers. deSingel, le 14 décembre 2006. Altenberg Trio Wien, Herbert Kefer, alto. Quatuors avec piano de Brahms.

Cinq concerts de musique de chambre axés sur Johannes Brahms, c’est ce que propose deSingel, le centre d’art à Anvers, jusqu’à la mi-janvier 2007. Après le Artis Quartett Wien, deux fois à l’affiche en novembre, voici en décembre deux soirées avec le Altenberg Trio Wien, « Trio en Résidence » au Musikverein de Vienne.

 
Alors que le Artis Quartett avait joué les perspectives en opposant Brahms à Mozart, Mendelssohn, Wellesz, c’est exclusivement Brahms qui est au programme du Altenberg Trio. Rejoints par leur ami Herbert Kefer (qui n’est autre que l’altiste du Artis Quartett), le concert du 14 décembre 2006 était consacré à deux oeuvres essentielles de la musique de chambre brahmsienne, les Quatuors avec piano n° 1 et 2.
 
Composés quasi simultanément en 1861, il n’est pas étonnant que les deux quatuors présentent des similitudes formelles. Tous deux sont bâtis autour d’une structure classique en quatre mouvements : un allegro introductif et un allegro final encadrent un andante et un scherzo. Mais au-delà de ces ressemblances extérieures, chacun présente un caractère nettement affirmé, révélé par l’interprétation intelligente du Altenberg Trio et d’Herbert Kefer. La qualité première de leur jeu étant précisément d’avoir évité une certaine monotonie en choisissant de mettre en lumière ce qui sépare les deux oeuvres, plutôt que ce qui les rapproche. La forme sonate, dans l’Op. 25, paraît de prime abord un peu académique. En fait, elle est tout simplement rigoureuse, aboutie. De par ses dimensions, l’oeuvre donne une impression monumentale, mais l’interprétation du Altenberg Trio n’est jamais écrasante : si la pâte sonore est onctueuse à souhait (le magnifique alto d’Herbert Kefer n’y est pas pour rien), grâce à la finesse des cordes et à la légèreté du clavier, à aucun moment elle ne se solidifie. Le discours du Altenberg Trio reste fluide de bout en bout, malgré la densité de la partition. Le final alla Zingarese offre aux quatre instrumentistes une belle échappatoire de bravoure, d’humour et de fraîcheur.
 
Après le dramatisme presque symphonique du premier quatuor, le second apporte une manière d’apaisement, qui n’est d’ailleurs pas étranger au traitement formel que lui a donné le compositeur. Les formes quelque peu rigides rencontrées dans le premier quatuor sont ici sublimées, et c’est à un vaste continuum sonore aux allures rhapsodiques que le Altenberg Trio et Herbert Kefer, affranchis du carcan de la forme sonate, convient l’auditeur. Les interprètes évitent ici aussi le piège du monotone et du monochrome, en jouant de façon judicieuse sur le volume sonore et en variant la riche palette des teintes automnales. L’andante se construira au départ d’un pianissimo très prenant, pour se développer en une ample mélopée aux accents mélancoliques si typiquement brahmsiens.
 
Le cycle Brahms à deSingel se poursuit avec bonheur. Aimez-vous Brahms ? Le public a répondu par l’affirmative, en applaudissant chaleureusement l’excellente prestation du Altenberg Trio. Le lendemain, les musiciens viennois poursuivaient leur périple brahmsien à deSingel, avec deux trios et le Quatuor avec piano n° 3.
 
Anvers. deSingel, le 14 décembre 2006. Johannes Brahms (1833-1897) : Quatuor avec piano n° 1 en sol mineur Op. 25, Quatuor avec piano n° 2 en la majeur Op. 26. Altenberg Trio Wien, Herbert Kefer, alto.
 
Approfondir
Le programme complet du cycle de musique de chambre Brahms à deSingel.
Notre compte-rendu du concert donné le 18 novembre 2006 par le Artis Quartett Wien dans le cadre du cycle Brahms à deSingel.
Le site du Altenberg Trio Wien avec une discographie complète : www.altenbergtrio.at (en allemand et en anglais)
  
Illustrations
Le Altenberg Trio Wien (DR)
Caspar David Friedrich, Paysage de Bohême, Dresde, Gemäldegalerie
 

Maurice Ravel (1875-1937)Biographie

2007 marque les 70 ans de la disparition du compositeur Maurice Ravel. Né à Cibourne, dans les Pyrénées-Atlantiques, le 7 mars 1875, mort à Paris, le 28 décembre 1937, avant la deuxième guerre mondiale, l’auteur du célébrissime boléro, illustre un style marqué par la concision et la subtilité dont l’écriture orfévrée, en particulier sur le plan de l’orchestration, révolutionne la musique orchestrale. Quelques mois après la naissance de Maurice, la famille Ravel déménage pour s’installer à Paris.
Les parents, en particulier son père, encouragent les talents musicaux de leur fils qui dès l’âge de 6 ans, suit des cours de piano. Il entre à 13 ans au Conservatoire de Paris, se lie avec le pianiste espagnol Ricardo Vines dont il joue les oeuvres au piano. Très vite, l’apprenti devient compositeur, façonnant son propre univers autour des maîtres admirés, Mozart et Saint-Saëns, Debussy et Satie, tissant d’indicibles et délicates correspondances entre poésie et musique car il est lecteur de Baudelaire et Poe, Villiers de l’Isle-Adam et Mallarmé.
En 1897, il suit les leçons de Fauré qui prend sous son aile, l’avenir du jeune compositeur. Il est l’auteur de Pavane Pour une Infante défunte, de l’Ouverture de Shéhérazade (créée en mai 1899 sous les sifflets, oeuvre à ne pas confondre avec le cycle des poèmes d’après Klingsor de 1904). Son engagement auprès des « modernes », Chabrier et Satie, lui vaut dès le début de sa carrière, de profondes inimitiés.

Ravel se présenta sans succès quatre fois au Prix de Rome, en 1901, 1902, 1903 puis 1905. Ses échecs suscitèrent une affaire retentissante, opposant partisans de la modernité et conservateurs. Le piano lui offre ses premiers triomphes : Jeux d’eau (1901) affirment l’éclat exceptionnel d’un compositeur délicat et secret, envoûtant et conteur qui fut immédiatement étiqueté comme un « Debussyste ». Jusqu’en 1908, Ravel produit d’incomparable chefs-d’oeuvre : Quatuor à cordes (1902), Shéhérazade (1904), Introduction et allegro pour harpe (1906), puis comme un feu d’artifice, rien qu’en 1908 : Rhapsodie espagnole, Ma mère l’Oye, Gaspard de la nuit.

En avril 1909, Ravel est à Londres pour une tournée de concerts. Son activité pour diffuser la musique contemporaine se concrétise davantage quand il crée avec Charles Koechlin et Florent Schmitt, en 1910, le Société musicale indépendante, clairement opposée la Société nationale de musique, foyer du conservatisme présidé par Vincent d’Indy.
Le style ravélien que l’on trouve aujourd’hui si ciselé et raffiné, suscita de beaux scandales. L’heure espagnole, à l’humour savoureux, créée en 1911 sur un livret de Franc-Nohain, fut taxé de « pornographie ». Sa symphonie chorégraphique, Daphnis et Chloé, conçue avec Michel Fokine, dans l’esprit d’une évocation de la Grèce antique, suscita un accueil mitigé en juin 1912. Le compositeur vivait alors dans un vaste appartement famillial de l’avenue Carnot, près de la place de l’Etoile. Il souhaitait manifester dans la partition, son indéfectible vénération pour les maîtres classiques, Couperin et Rameau. L’indifférence ainsi exprimée vis à vis d’une oeuvre parmi les plus longues et les plus ambitieuses du musicien, affecta profondément son auteur.
Le modernisme du compositeur trouva une nouvelle occasion de se manifester en 1913, quand la création du Sacre du Printemps déclencha le scandale que l’on sait : Ravel assuma un indéfectible soutien à son ami Stravinski.

A l’époque de la guerre, Ravel compose son trio (créé en 1915). Le défenseur de l’art moderne entend s’engager aussi dans les combats mais il est réformé pour raison de poids. Il s’entêtera et finira par devenir conducteur de camion (mars 1916), puis atteint d’une péritonite, il est démobilisé. La mort de sa mère qui survient en janvier 1917, le plonge dans une mélancolie tenace. Il regroupe six pièces pour piano afin de concevoir le cycle du Tombeau de Couperin, suite pour piano, dans le goût du classicisme français, déjà pratiqué dans Daphnis et Chloé. Au souvenir à peine suggéré des anciens, Ravel dessine comme une épure, favorise la lente et progressive décantation de son style.

Après la guerre, le dandy tombe le masque des mondanités. Ravel approfondit son écriture, compose une oeuvre par an avec un génie intact, marqué par l’effroi et le traumatisme de la guerre. Après la mort de Debussy (1918), Ravel devient le plus grand compositeur français vivant. Celui qui fut calomnié pour ses oeuvres et ses engagements modernistes, est à présent honoré mais il n’oublie pas les faux-semblants et la vanité des honneurs. Il refuse la légion d’honneur que l’Etat souhaite lui remettre en 1920. La même année, il compose la Valse pour Serge de Diaghilev (avril 1920). Suit sa sonate pour violon et violoncelle à la mémoire de Debussy.

Retiré à Montfort l’Amaury, dans la maison qu’il appelle « le belvédère », à partir de 1921, Ravel se concentre davantage sur son oeuvre, parmi ses collections de porcelaines et d’automates. Paraissent ainsi les trois chansons Madécasses (1923), Tzigane (1924). Célibataire non parisien, le compositeur reste une personnalité en vue. Un milieu musical l’entoure dont Arthur Honegger, Florent Schmitt, Marguerite Long ; surtout ses deux élèves, Roland-Manuel et Manuel Rosenthal).
Ravel semble éclairer ses jours solitaires par les feux colorés des Tableaux d’une exposition de Moussorsgki dont il réécrit l’orchestration, à sa façon en 1922. A 50 ans, en 1925, le compositeur produit une oeuvre atypique, L’enfant et les sortilèges, sur un livret de Colette : la fantaisie lyrique suscite lors de sa création en mars 1925 à Monte-Carlo, un accueil glacé. Il y mêle les thèmes qui l’ont toujours fasciné : le rêve et l’enfance, l’enchantement et l’insouciance, le mystère et le fantastique.
La notoriété de Ravel ne cesse de croître. En 1928, il part en tournée aux Etats-Unis et au Canada, partout applaudi sans hésitation. Il se lie avec Gershwin dont il admire immédiatement le talent.
A son retour, Ravel se met au travail. Il achève la composition du Boléro, commande de la chorégraphe et danseuse, Ida Rubinstein, qui avait manifesté ce désir dès 1927. Là aussi la création le 22 décembre 1928 stupéfia l’auditoire. La partition qu’il déclarait « vide de musique », ne tarde cependant pas à être reprise dans le monde entier, pour devenir au XX ème siècle, l’une des pages les plus jouées.
1932 voit l’aboutissement de ses deux concertos pour piano, dont la genèse simultanée n’empêche pas des climats totalement opposés : le concerto pour la main gauche est méditatif et sombre ; le concerto en sol, rayonnant, et d’une incomparable splendeur sereine dans son adagio. Ravel écrit enfin les chansons de Don Quichote à Dulcinée, d’après les poèmes de Paul Morand.
Les dernières années de la vie du musicien sont graves et douloureuses. Affecté depuis 1933, par une maladie neurologique, il est dans l’incapacité de composer ou d’écrire, tout en conservant intacte sa vive intelligence. Son projet pour un opéra consacré à Jeanne d’Arc restera lettre morte. Ravel subit une intervention chirurgicale en décembre 1936, et devait s’éteindre un an plus tard, le 28 décembre 1937, à l’âge de 62 ans.

Caravage, Monteverdi : le chant de l’âmePeinture et musique

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En 2007, l’Orfeo de Claudio Monteverdi, premier opéra de l’histoire, souffle ses 400 ans depuis sa création, le 24 février 1607. Interrogeons la modernité de Monteverdi à la lumière de la peinture du Caravage. Au passage du XVI ème et du XVII ème siècle, le peintre opère une révolution radicale de l’art pictural, comme le fera Monteverdi, dans le langage musical, quelques années plus tard. Caravage et Monteverdi, deux créateurs baroques qui ont réformé l’art occidental.

Une communauté d’esprit
et d’intention

Les musiciens contemporains du Caravage ne manquent pas. Plus exceptionnels, sont ceux avec lesquels, qu’il y ait eu rencontre ou non, le peintre partage une communauté d’esprit et d’intention. Là, se précise la proximité esthétique de Claudio Monteverdi.
Notons un infime décalage (six années précisément) entre le moment où le peintre réalise ses oeuvres de maturité, et celui où le musicien met en oeuvre sa réforme linguistique. Caravage a déjà fui Rome quand Monteverdi se produit à Mantoue. Quelques années après le séjour romain de Caravage, le Crémonais accomplit, en effet, un semblable bouleversement de la langue artistique qui prolonge la lignée novatrice de ses madrigaux et enfante l’esthétique baroque. Son premier opéra, Orfeo, mélodrame créé le 24 février 1607 devant la cour ducale de Mantoue, est le premier ouvrage dont la conception et la clarté du discours musical, s’imposent. L’unité et la cohérence de la langue composent un système construit, puissamment expressif, dramatiquement symétrique, qui se rapproche du théâtre caravagesque tel que le peintre l’a défini par exemple dans les Histoires sacrées conçues pour l’église Saint-Louis des Français, sur le sujet de Saint-Mathieu. La simultanéité de ses deux oeuvres majeures car réformatrices, rapprochent leurs auteurs.

Le chant de l’âme
Certes Monteverdi est lié à l’aristocratie, et la création mantouane de son opéra Orfeo, qui met en scène des dieux et des demi dieux, est indissociable d’un événement dynastique lié au goût du commanditaire, le Duc de Gonzague, seigneur de Mantoue. Héros et divinités grecs occupent le devant de la scène montéverdienne. A l’opposé, Caravage, bien que travaillant pour l’élite romaine, célèbre comme des dieux, les types humains de la rue, la dignité des plébéiens, les faces ridées et la plante des pieds noircie par la poussière. pourtant leur sensibilité est semblable. les deux artistes ont en commun une véritable fraternité : ils mettent en lumière, une source première, la vérité de l’individu. Et ce qu’ils ciblent est le chant de l’âme.
En réalisant la rupture avec le maniérisme, ils permettent la réforme et la décantation du langage aristique. Soucieux d’explorer en miroir, la carte impalpable des affetti, le tracé obscur des mouvements de la psyché, ils disent ce qui ne fut jamais dit : les ténèbres, les souffrances souterraines, le drame des passions humaines. Ils ont exprimé la part la plus tragique de l’homme. Ses angoisses, ses incertitudes, ses aspirations, ses contradictions douloureuses. L’homme que peint Caravage, que chante Monteverdi, est dévoré par des ombres que n’avaient pas envisagé l’idéalisme de la Renaissance ni les afféteries décoratives et artificielles du maniérisme.
Plus de décorum ni d’allégories abstraites. Contre la sophistication formelle, ils opposent la réalité latente et dramatique des passions. D’ailleurs, l’opéra n’est-il pas né de la volonté de retrouver la vérité du théâtre grec tel que les érudits se l’imaginaient alors ?

Le style monodique chante la tragédie de l’individu

Cette nouvelle figuration (qui correspond aux figularismes chez Monteverdi) établit un nouveau rapport d’équivalence entre poésie et peinture, poésie et musique, drame et chant. La modernité des deux artistes découle de cette intention fusionnelle. Caravage et Monteverdi engendrent un nouveau champ sémantique qui possède son propre système mental : une intériorité se dessine.
Touche ténébriste chez Caravage, style monodique chez Monteverdi : il s’agit de peindre le jaillissement de l’individu.
Les deux dramaturges imaginent le monde secret de leurs personnages : ce profond humanisme qui suscite dans la représentation de l’être, tout son mystère, et révèle son opacité signifiante, les rapproche. En 1642, Monteverdi âgé de 42 ans, représente à Venise, son dernier opéra, L’incoronazione di Poppea. Le livret est de Francesco Busenello. Contre toute tradition, les deux artistes, doués d’un extraordinaire talent dramaturgique, imaginent non plus une fable héroïque et morale sur le thème de la Rome impériale mais tout au contraire, revendiquent l’éternelle omnipotence des caprices de l’amour où ce sont jalousie, cruauté voire perversité cynique qui dirigent les actes des puissants, dans un drame domestique sordide : la perfide Poppea capte le désir du jeune Néron et fait assassiner le philosophe Seneca. Eros et Thanatos : dans un monde où les hommes sont conduits par la pulsion du désir et du meurtre, la raison porte le deuil.

Cri Montéverdien, fureur caravagesque
A Venise, ni les ors de sa pension ni la célébrité qui en fait le plus grand compositeur de l’heure, n’affectent l’austérité, le sentiment des vanités ni la spiritualité du vieux Monteverdi. Le compositeur entre dans les ordres. A Rome, pourtant splendides par ses fastes, Caravage se concentre sur l’être, ses errances, ses vestiges introspectifs. Ils partagent tous deux, cette humanité qui se concentre sur la part mystérieuse du destin, sur les forces cachées du désir. Sous les masques flétris par l’expérience, sur les visages lisses et délicatement fardés, se lisent les signes de la faute, du déchirement, de la culpabilité et du mensonge, le travail des regrets.
Sacrifiant volontiers l’idéalisme formel afin de sertir l’acuité des accents réalistes, Caravage annonce la préoccupation du Monteverdi de la maturité : la création d’un nouveau style musical, capable d’exprimer la violence des passions. Sur le constat que la musique ne s’était consacrée qu’à deux modes expressifs, tempérance et prière, le compositeur italien, ainsi qu’il s’en explique dans la préface de son Livre VIII de madrigaux, publié à Venise en 1638, souhaite offrir l’illustration musicale d’une troisième passion de l’âme : la colère. Cri montéverdien, rage et fureur caravagesques.
Comment ne pas attester de la parenté des styles? Chez Caravage, les contrastes de lumières et de l’ombre, font basculer les lois de la vraissemblance réaliste vers une sublimation surnaturelle de l’image, telle qu’elle apparaît dans les versions de la Conversion de Saint-Paul : dans la première version du thème, Caravage représente le Christ, les bras tendus vers Paul, terrassé par cette apparition qu’aucun peintre avant lui n’avait osé peindre de cette façon. Dans les deux tableaux de Saint-Jean-Baptiste (Kansas City et Galerie Corsini de Rome), les ténèbres dévorent les visages. Ils sont frappés par le même sceau transcendant qui imprime chez les personnages de Monteverdi, les dérèglements de la folie, le surgissement des pulsions indicibles.
La même fulgurance dans l’expression du désarroi de l’âme en prises aux tumultes, aux troubles de la déraison, faille où s’immiscent les possibles du délire et du miracle, de l’inéluctable ou de l’improbable, s’affirme dans le climat de panique du martyre de Saint-Mathieu ou dans le mouvement halluciné de l’Arrestation du Christ (dont la découverte récente du tableau original en 1993 a révélé l’absolu prodige) : daté de 1602, la toile atteste de la nature musicale du geste pictural. Elle donne à penser la véhémence lyrique du tableau : le son déchire ce nocturne silencieux par la bouche ouverte du dernier personnage à gauche.
La révolte du Caravage trouve dans le dernier Monteverdi, un pair dans l’esprit et dans la sensibilité. Le musicien complète le théâtre des passions humaines en apportant la troisième pierre de son édifice linguistique et musical. Aux cycles de l’amour et de la foi, il ajoute la haine guerrière, vengeresse et destructrice. Le Combattimento di Tancredi e Clorinda dévoile une guerre amoureuse exprimée avec fureur et tendresse par ce troisième genre expressif, le stile concitato (style agité) qui fixe les ultimes éclairages musicaux de la passion sensuelle. Inspiré par le chant XII de la Gerusalemme Liberata du Tasse, le Combattimento fut représenté à Venise dans la maison du patricien Girolamo Mocenigo, en 1624, soit plus de vingt ans après les toiles du peintre baroque. Ici, l’illustration hallucinée d’un martyre dialogue avec les fulgurances de la passion montéverdienne. La peinture se fait chant, cri, hurlement. Son effroi musical fixe sur la toile du Martyre de Saint-Mathieu, la terreur du jeune garçon de droite, bouche béante, gouffre exprimé de l’horreur, tempête musicale ! Caravage et Monteverdi créent une exceptionnelle dramaturgie du sentiment.
Il existe entre eux, une communion de style, une fraternité poétique. Ils illustrent chacun, le fond de l’âme, la part sublime de l’homme, sa vulnérabilité, son éphémère présence qui sombre ou s’exalte dans le sentiment de l’absence, de la perte, du renoncement. les tableaux du Caravage, les madrigaux et les opéras de Monteverdi ont produit de sublimes vanités humaines.

Illustrations

(1) L’arrestation du Christ (DR)
(2) David et Goliath. Détail de la tête de Goliath qui serait un autoportrait du Caravage (DR)
(3) David et Goliath (DR)
(4) L’arrestation du Christ. Détail du jeune homme à gauche (DR)

© Article par Alexandre Pham pour classiquenews.com

Ludwig van Beethoven, Variations opus 34France musique, le 29 décembre 2006 à 14h20

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Ludwig van Beethoven

Variations opus 34

Vendredi 29 décembre 2006 à 14h20

Notes du traducteur, magazine par Philippe Cassard

Chaque vendredi, Philippe Cassard analyse l’enjeu esthétique et la genèse d’une partition. Il s’agit aussi de dévoiler les obstacles auxquels est confronté l’interprète s’il veut saisir et exprimer le message du compositeur

Variations opus 34 en fa majeur
A l’été 1802, Beethoven se repose à Heiligenstadt sur le conseil de son médecin. C’est dans la banlieue de Vienne, malgré un contexte douloureux (Beethoven sait sa surdité incurable), qu’il compose les Variations, de même que sa Deuxième symphonie.
L’œuvre est d’une inspiration bien supérieure à ce qui avait précédé dans le même genre, et le sommet sera atteint avec les Variations Diabelli. Beethoven lui-même avoue sa fierté : « Comme ses Variations se distinguent visiblement de mes précédentes, je dois, au lieu de les désigner comme elles par un simple numéro…les comprendre dans le nombre réel de mes grandes œuvres musicales, d’autant plus que les thèmes sont de moi-même ». Le thème cantabile initial, est un adagio en fa majeur d’essence bucolique. Chacune des sept variations qui en dérive, possède son climat propre. Elles constituent par leur métrique et leurs tonalités des pièces quasi indépendantes. On sait que Beethoven les fit travailler à ses élèves (Ries en particulier) et attachait beaucoup d’importance dans l’interprétation des nuances, et les nombreuses indications de la partition. Un régal semé d’obstacles pour l’interprète.

Plan
Le découpage de l’œuvre s’opère de la manière suivante :
Thème à 2/4 en fa majeur
Variation I à 2/4 en ré majeur
Variation II à 6/8 en si bémol majeur
Variation III à 2/2 en sol majeur
Variation IV à 3⁄4 en Mi bémol majeur
Transition en ut majeur
Variation V (Marcia) 2/4 en ut mineur
Variation VI à 6/8 en fa majeur
Variation VII à 2/4 en fa majeur
Epilogue

Paul Hindemith, Cardillac (1926)Arte, le 17 février 2007 à 22h30.

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Paul Hindemith
Cardillac
, 1926



Samedi 17 février 2007 à 22h30

En 2007, un samedi par mois, Arte diffuse un cycle de documentaire sur l’art lyrique : « découvrir un opéra ». Cette semaine, « Cardillac », documentaire réalisé par Chloé Perlemuter, 2006, 57mn.

Eros et Thanatos

Après Platée, diffusé le 6 janvier 2007, Arte poursuit son cycle de documentaire permettant au plus grand nombre de pénétrer la magie du spectacle total, l’opéra. L’initiative est d’autant plus bienvenue que 2007 marque les 400 ans d’un art plusieurs fois enterré, et qui connaît depuis le début du XXI ème siècle, en dépit des querelles de clocher qui éclaboussent ici et là, le petit landernau des milieux lyriques, un formidable essor.
Présenté en octobre 2005, la production de Cadillac, l’opéra de Paul Hindemith, était légitime : outre l’incontestable intérêt de la partition, l’action se passe à Paris, à l’époque de Louis XIV. Le documentaire de Chloé Perlemuter met en avant le commentaire du metteur en scène, André Engel à l’élocution vive et précise, et le directeur de l’Opéra de Paris, Gérard Mortier qui a programmé l’ouvrage. Dans un studio de cinéma, les intéressés analysent sans termes énigmatiques, le sujet, l’importance et la signification des scènes choisies : Que penser de cette histoire d’un orfèvre qui méprise en définitive ses clients, car ceux-ci le dépossèdent des chefs d’oeuvre que son génie met des heures à produire, dans une fièvre intense qui tient de la folie démente… et meurtrière.
La musique dit souvent autre chose que ce que chantent les interprètes sur la scène et les commentateurs démontrent ce phénomène.
De longs extraits mettent en lumière les relations entre les personnages : désir, excitation mais aussi possession et meurtre. Eros et Thanatos, amour et mort, se livrent dans l’opéra de Paul Hindemith, une lutte fascinante.

La vision d’André Engel

L’ouvrage s’inspire du roman d’Hoffmann, Mademoiselle de Scudéry, qui se passe dans le Paris baroque, à l’époque de l’affaire des poisons.
La parole est donnée au metteur au scène : André Engel qui a transposé l’action dans un Paris luxueux style art déco. Cardillac a installé son atelier dans la suite d’un Palace car il s’apprête à recevoir la commande d’un nouveau bijou, de la part d’une personnalité. Si le sujet illustre la démence d’un créateur, le metteur en scène souhaite atténuer le sens qu’apporte le pardon et l’admiration finale du choeur. En effet, il aurait été insupportable de comprendre que l’artiste, même s’il a tué pour préserver son génie, se croyant supérieur à la loi des hommes, mérite le pardon et obtient l’impunité. Ce que la fin de l’ouvrage et ce que souhaitait apparemment Hindemith laisserait supposer.
A l’opposé de cette lecture, Engel explique pourquoi il a préféré mettre en avant une sordide histoire de famille, où Cardillac paie de sa vie sa démence criminelle et son orgueil irrépressible.
Rythme, démonstrations et explicitations argumentées et pertinentes, immersion dans l’oeuvre, extraits à l’appui : ce nouveau chapitre exauce notre attente. Il est passionnant et remplit sa mission annoncée : faire découvrir l’opéra, de l’intérieur.


Production


Paul Hindemith, Cardillac.
Opéra en trois actes et quatre tableaux (version de 1926)
Livret de Ferdinand Lion. D’après la nouvelle de E.T.A Hoffmann Das Fräulein Von Scuderi
Mademoiselle de Scudéry. Production présenté à l’Opéra de Paris, en octobre 2005.

Mise en scène, André Engel
Décors, Nicky Rieti
Costumes, Chantal de La Coste-Messelière
Lumières, André Diot
Dramaturgie, Dominique Muller
Chorégraphes, Frédérique Marie-Nicole Chauveaux et Françoise Gres

Cardillac, Alan Held
Die Tochter, Angela Denoke
Der Offizier, Christopher Ventris
Die Dame Hannah, Esther Minutillo
Der Kavalier, Charles Workman
Der Goldhändler, Roland Bracht
Anführer der Prevote, Stephen Gadd

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Direction musicale : Kent Nagano

Crédit photographique
© Eric Mahoudeau/Opéra national de Paris

Anton Bruckner, Symphonie n°7 (1884)France musique, le 28 décembre 2006 à 10h

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Anton Bruckner
Symphonie n°7

en mi majeur opus A. 109

Le 28 décembre à 10h

Orchestre philharmonique de Munich
Christian Thielemann
, direction
Concert enregistré à Paris, TCE
le 18 novembre 2006.

L’oeuvre d’un compositeur enfin reconnu

Depuis son utilisation dans la bande-originale du film de Visconti, Senso, la Septième de Bruckner a beaucoup oeuvré pour la reconnaissance du symphoniste, et tend, à tort ou à raison, à supplanter les autres symphonies, dans l’évaluation globale de son oeuvre. L’opus ainsi mis en avant, avec la Quatrième, incarne à son apogée, l’inspiration musicale du compositeur : architecture limpide, ampleur des thèmes, orchestration flamboyante et maîtrisée.
Dans la carrière du musicien, l’opus A. 109, valut, lors de sa création par Arthur Nikisch, à Leipzig, le 30 décembre 1884, un triomphe qui mit en oeuvre sa tardive notoriété. Contrairement aux autres symphonies, la Septième n’a pas été retouchée du vivant de l’auteur : elle ne suscite donc pas de polémique sur la version historique à choisir et interpréter. Il subsiste cependant l’affaire du « coup de cymbales« , au sommet de l’Adagio : indiqué sur un papier ajouté en marge de la partition autographe, avec la mention de Bruckner, « non valable ». Clairement abandonnée par l’auteur, l’utilisation des cymbales reste d’actualité : les chefs d’aujourd’hui, la cite, contre tout respect des indications finales du compositeur, tant sa réalisation coule de source et produit un effet saisissant…
L’oeuvre est dédiée à Louis II de Bavière et porte un hommage continu à Wagner (citation maîtrisée des tuben wagnériens). C’est d’ailleurs pendant la composition, en 1882, que Bruckner se rend à Bayreuth pour la première de Parsifal, et rencontre Wagner. L’adagio est une ample déploration d’un musicien pour un autre musicien, conçu comme un « in memoriam », particulièrement poignant.
Auteur d’une Septième célébrée à sa juste valeur, le compositeur confirmé entreprend la composition de sa Huitième symphonie qui est son ultime ouvrage.

Plan
Quatre parties. Durée indicative : 65-70 mn.
1. Allegro moderato
2. Adagio (Sehr feierlich und langsam, « d’une très lente solennité ») : intensité du sentiment de deuil, qui cite « In te Domine speravi« , extrait du Te deum, partition contemporaine de la Septième, s’épanouit par le chant lugubre et grave des quatre tuben wagnériens.
3. Scherzo vivace, « très rapide »
4. Finale, « mouvementé mais pas trop rapide ».

Complément
Autre oeuvre au programme du concert :
H. Pfitzner : Palestrina, trois préludes

Maurice Ravel, Shéhérazade (1904)France musique, les 7 et 12 janvier 2007

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Maurice Ravel
Shéhérazade
, 1904



Le 7 janvier à 12h07
Le 12 janvier à 20h05

France musique semble ouvrir les célébrations des 70 ans de la mort de Maurice Ravel, décédé en 1937. A moins d’une semaine d’intervalle, la chaîne radiophonique diffuse Shéhérazade par la même interprète, Anne-Sofie von Otter (mezzo-soprano) deux concerts de musique française, mettant à l’honneur Maurice Ravel, mais aussi Albert Roussel (dont 2007 marque également les 70 ans de la mort). Le 7 janvier (à 12h07), il s’agit d’un concert en différé ; le 12 janvier suivant, la cantatrice est en direct de la salle Pleyel à Paris.

Poèmes du rêve

Créé le 17 mai 1904 par « Madame Hatto », et l’orchestre de la Société Nationale sous la direction d’Alfred Cortot, le cycle des poèmes pour soprano et orchestre, Shéhérazade, réalise une alliance subtile entre poésie et musique, grâce à l’inspiration d’un Ravel de 29 ans, aux affinités littéraires autant que musicales, qui est bercé par Debussy et la musique russe, en particulier celle de Rimsky-Korsakov.
D’après les poèmes de Tristan Klingsor, (de son vrai nom, Léon Leclère), Ravel suit avec un souci méticuleux, chaque image du poème, trouvant, en orfèvre de l’orchestration, les couleurs et les accents justes.
« Asie », le premier et le plus long des trois poèmes, excite en particulier la verve millimétrée du compositeur : Klingsor a témoigné à l’époque que la difficulté du texte était ce qui inspirait le plus le compositeur. Evocations, visions, extase et évanouissement : les vagues ciselées par l’orchestre et le chant expriment un désir d’onirisme qui captive. Il faut une exquise diction, à la fois claire et dramatique. Quant à l’orchestre, le geste qui le dirige doit être transparent et puissamment évocateur.
Dans la Flûte enchantée et L’indifférent, la musique accompagne comme une épure le murmure du chant. Il semble que Ravel aille plus loin dans la fusion de la voix humaine et de l’orchestre. Et chacune des deux pages, s’achève comme une interrogation posée sur le dernier souffle de la voix et de l’orchestre, laissant le spectateur, dans un bain de vapeur et d’étrangeté.

Programme

Asie
La Flûte enchantée
L’indifférent

Compléments
Au programme du concert du 7 janvier, également :
Ma mère l’Oye
Daphnis et Chloé

Orchestre Philharmonique de Radio France
Myung-Whun Chung
, direction
concert enregistré le 29 octobre 2006
Salle dorée du Musikverein de Vienne, Autriche

Au programme du concert du 12 janvier également :
Albert Roussel, Le festin de l’Araignée
Paul Dukas, La Péri
Orchestre Philharmonique de Radio France
initialement programmé sous la direction
d’Armin Jordan.

Bruxelles. Bozar, le 10 décembre 2006. Récital Frank Braley et Augustin Dumay

Après son récital électrisant de la veille au Conservatoire de Bruxelles, Frank Braley revenait ce dimanche 10 décembre 2006 dans la grande salle Henry Le Boeuf du Palais des Beaux-Arts, en compagnie de son compatriote le violoniste Augustin Dumay. Deuxième étape de la « résidence » de Frank Braley à Bozar Music, mettant en évidence une autre facette de son talent, celui d’un chambriste accompli. Au programme, l’intégrale de l’oeuvre pour violon et piano de Brahms.
 
La musique de chambre a accompagné Brahms toute sa vie, du Trio pour piano Op. 8 (1854) aux deux Sonates pour piano et clarinette Op. 120 (1894). Toutefois hésitations et incertitudes ont fait que ce n’est qu’à 45 ans qu’il a jugé digne de publication une première sonate pour violon et piano. Plusieurs esquisses antérieures ont été détruites, n’ayant pas trouvé grâce aux yeux du compositeur. Pour le plus grand malheur du mélomane, puisque les trois sonates qui ont survécu n’ont eu aucune peine à entrer d’emblée au panthéon du répertoire.
 
Interprétation sans parti-pris de la part d’Augustin Dumay et de Frank Braley, si ce n’est celui de mettre de côté toute esbrouffe et tout esprit de virtuosité. Une approche faite de pudeur, de modestie, et d’un grand respect pour la musique, caractérisent l’entente des deux musiciens. C’est une vision qui a tout pour nous enchanter, car elle met en valeur tout ce qu’il y a de mélodieux et de séduisant dans cette musique, que l’on a parfois interprétée avec moins de simplicité, ou avec plus de sévérité. Sur le plan formel les trois sonates sont construites sur un plan sensiblement comparable, deux mouvements vifs – mais jamais trop : chez Brahms l’allegro sera amabile ou moderato, le vivace sera ma non troppo – entourant un mouvement lent – andante ou adagio. Seule la troisième sonate intercale un court scherzo entre le mouvement lent et le final. Les allegros et les prestos sont restitués avec verve et inventivité. Les mouvements lents – tant attendus, car c’est eux qui expriment le Brahms le plus secret -sont magnifiquement servis par le violon ample et grave d’Augustin Dumay. On admire la maîtrise de son phrasé, la souplesse de son archet, manifestations évidentes de sa filiation avec le maître Grumiaux. Le toucher aérien de Frank Braley fait lui aussi merveille dans la partie de piano, rendue avec intelligence et retenue, ce qui n’exclut d’ailleurs nullement la puissance et la force, dans la coda du premier mouvement de l’Op. 78 par exemple, ou dans le final de l’Op. 108. Le Scherzo composé en 1853 pour la Sonate F.A.E., oeuvre collective composée en hommage au violoniste Joseph Joachim, vient compléter le programme. Oeuvre de jeunesse, sa fraîcheur légèrement sarcastique complète avec bonheur cette soirée intimiste et expressive, privilégiant l’échange, le dialogue, dans la semi-lumière automnale si typique de l’art du maître de Hambourg. La prestation d’Augustin Dumay et de Frank Braley est accueillie chaleureusement par un public de toute évidence conquis.

Bruxelles. Bozar, le 10 décembre 2006. Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate pour violon et piano n° 1 Op. 78, Sonate pour violon et piano n° 2 Op. 100, Sonate pour violon et piano n° 3 Op. 108 ; Scherzo de la Sonate F.A.E. Augustin Dumay, violon. Frank Braley, piano.
 
Approfondir
L’agenda et le programme complet du cycle Frank Braley à Bozar Music
Notre compte-rendu du récital de Frank Braley au Conservatoire de Bruxelles le 9 décembre 2006
  
Illustrations
Carl David Friedrich, Le soir, huile sur toile, Hannovre, Niedersächsiches Landesmuseum
Augustin Dumay (DR)

Télé et radio de Noël et du Nouvel AnTous les programmes de Noël et du RéveillonNotre sélection, du 23 décembre 2006 au 7 janvier 2007

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Après la course dans les magasins, entre la préparation de la veillée de Noël et celle du repas du Réveillon, le temps de Noël et du Nouvel An, offre malgré tout, un peu de temps. Un temps pour soi. Livre à la main, dos calé dans le canapé ou le fauteuil, enfin du temps, l’esprit libéré pour se ressourcer, … écouter la radio ou regarder la télévision. Que nous proposent les chaînes pour les fêtes? Nous avons repéré quelques incontournables et réalisé notre sélection, du 23 décembre 2006 au 7 janvier 2007.

Avant et pour Noël
France musique et Arte s’associent (qui refuserait un simultané? tant ils se font trop rares), le 23 décembre pour un opéra d’Humperdinck, qui malgré son titre, plaira autant aux petits qu’aux grands : « Hänsel et Gretel« . Les deux même chaînes diffusent (à croire qu’elles se sont donné le mot) leur « oratorio de Noël« , le seul qui nous enchante, celui de Bach (quoique l’un des membres de la Rédaction vient de découvrir l’oratorio de Noël composé par Camille Saint-Saëns dans une version discographique éblouissante). Radio classique de son côté, célèbre le ténor qui, privé de scène lyrique à la Scala, fait depuis le 10 décembre, entendre sa voix. Il a du tempérament et la journée spéciale du 25 décembre qui lui est consacré, le démontrera assurément! Enfin, les amateurs des Concerts du Nouvel An seront comblés : soirée sur Arte dès le 31 décembre en direct de Saint-Pétersbourg, puis un autre direct depuis la Philharmonie de Vienne, en simultané sur France musique et France 2, le 1er janvier 2007 à 11h15…

Le 23 décembre 2006

19h
en simultané sur Arte
et France musique
Engelbert Humperdinck
Hänsel et Gretel
, 1893

Production du
Semperoper de Dresde

Le 24 décembre 2006



19h

Arte
Jean Sébastien Bach
Oratorio de Noël

(première partie)
Bach collegium,
Peter Schreier
, direction


vers minuit
France 2
L’Amour des trois oranges
(1921)
Opéra de Serge Prokofiev
France 2 diffuse la production de l’opéra, présentée sur la scène de l’Opéra Bastille à Paris, sous la direction de Sylvain Cambreling, dans la mise en scène de Gilbert Deflo. Que deviendra le prince hypocondriaque ? Truffaldino arrivera-t-il à le faire rire? Prokofiev revisite le monde de la comédie buffa dans une partition où le bien (le mage Tchelio) et le mal (Fata Morgana) s’affrontent… Un spectacle pour toute la famille.

Le 25 décembre 2006



9h-19h

Radio classique
Journée spéciale Roberto Alagna

Il a le sang chaud (ses origines siciliennes), n’aime pas être hué ni essuyer un échec, le ténor français le plus célèbre de l’heure est l’invité de Radio classique. Evidemment, il reviendra sur son abandon de la production d’Aïda à la Scala de Milan, le 10 décembre 2006…


10h

Jean-Sébastien Bach
Oratorio de Noël

Les Talens lyriques

Christophe Rousset
, direction



vers minuit
Joyaux
Ballet de Balanchine
.

Production de l’Opéra de Paris, 2005

Le 29 décembre 2006

23h40
Alain Duault reçoit sous le chapiteau du Cirque Phénix, la soprano Julia Migenes. Mixité des genres et des artistes : duo avec Florent Pagny, Victoria Abril, Chimène Bady et le baryton Franck Ferrari.

Le 30 décembre 2006

19h
Ludwig van Beethoven
Symphonie n°9

Concertgebouw d’Amsterdam
Mariss Jansons
, direction

19h07
Franz Lehar,
La Veuve Joyeuse

Production enregistrée à l’Opéra de Lyon
en décembre 2006

Le 31 décembre 2006

19h30
Gala du Nouvel An

en direct du Théâtre Mariinski de Saint-Petersbourg
Piotr Illych Tchaïkovsky
La Belle au bois dormant

Valéry Gergiev, direction

20h35
Soirée Philippe Genty.
Autour de son dernier spectacle, « Fin des terres ».

23h30

Réveillon à Buenos Aires
en direct de Buenos Aires
En simultané avec

Orchestre Estable del Teatro Colon
Daniel Barenboïm
, direction

Le 1er Janvier 2007


11h15

France musique
Concert du Nouvel à Vienne
En direct de Vienne

En simultané sur France 2
Strauss, Hellmesberger : Ouverture, danses, valses
Orchestre Philharmonique de Vienne,
Zubin Mehta
, direction

19h
Concert du Nouvel An

Valéry Gergiev, direction

Le 6 janvier 2007

22h30
Découvrir l’opéra
Jean-Philippe Rameau
Platée
Arte célèbre à sa façon les 400 ans du genre opéra en 2007. La machine lyrique se porte excellement. Avec Platée, la chaîne culturelle amorce un cycle de plusieurs documentaires con
sacrés à des ouvrages injustement méconnus : préparation des chanteurs, points de vue du metteur en scène et du chef, costumes, danseurs, dramaturgie : passage en revue des métiers qui font la magie et l’enchantement du spectacle…

Le 7 janvier 2007

19h
Jean-Sébastien Bach
Oratorio de Noël

(deuxième partie)
Bach Collegium,
Peter Schreier
, direction

Pour tous ces programmes sélectionnés, reportez vous à notre grille des programmes radio, notre grille des programmes télé où le détail des contenus est présenté.

Illustrations
Le temps de Noël : Georges de La Tour, Nativité (DR)
Le temps du Nouvel An : Jacobs Jordaens, Le roi boit, fête de l’Epiphanie (DR)

La flûte enchantée de Kenneth Branagh

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Un cinéaste Britannique, après Joseph Losey (Don Giovanni) et Francesco Rosi (Carmen), illustre le projet d’accorder opéra et cinéma. Certains continuent à douter de la réussite d’un tel rapprochement. Pour nous, la rencontre des deux disciplines se révèle fascinante. Kenneth Branagh a le sens du récit historique : il aime faire correspondre la liberté évocatrice des images aux contraintes de la narration littéraire. Il l’a montré dans Shakespeare (Beaucoup de bruit pour rien avec Emma Thompson et Keanu Reeves). Pour « ouvrir » son projet et rendre accessible au plus grand nombre, le message fraternel de Mozart, franc-maçon engagé, pénétré par l’esprit des Lumières, le réalisateur fait chanter les personnages en anglais. Mais la Grande-Bretagne n’a pas comme d’autres pays, le respect systématique de la langue originale. Peu importe d’ailleurs car le travail du traducteur Stephen Fry, auteur du nouveau livret, reste indiscutable.
La question est de savoir comment l’écriture cinématographique éprouve la partition de Mozart qui part ailleurs, fonctionne très bien dans son « concept » lyrique original? Qu’apporte véritablement le regard du cinéaste?
Du dernier chef-d’oeuvre musical et théâtral de Mozart, Branagh choisit la magie et l’émerveillement (beaucoup d’effets à la Méliès) ; il insiste surtout sur l’enseignement moral et philosophique, en situant l’action dans le théâtre d’une guerre ouverte, celui des tranchées de la première guerre, où le sang versé et l’illusoire fierté des nations belliqueuses, mettent en péril l’avenir des hommes. Le propos de la partition qui porte sans ambiguité un message de paix, d’humaniste et de fraternité n’en a que plus d’évidence, et même la modernité et l’actualité du divin salzbourgeois, au génie décidément atemporel, gagne en pertinence.
(A l’écran, les chanteurs deviennent acteurs. Le Sarastro de René Pape s’impose naturellement, comme le Papageno de Benjamin Jay Davis. Pour le reste chacun appréciera selon son goût. Les lyricophiles crieront encore au scandale, dépossédés de « leur » Mozart dans sa langue, sous l’oeil d’un cinéaste racoleur, sous la baguette assez terne de James Conlon. Qu’importe si le film suscite un regain de faveur pour la machine opéra au cinéma, c’est le genre tout entier, et Mozart pour son année (celle des 250 ans de la naissance) qui en sortiront vainqueurs !
Le dvd du film est annoncé courant 2007, chez l’éditeur Idéale Audience qui est aussi le producteur de la réalisation cinématographique.

La Flûte enchantée de Kenneth Branagh. Avec Joseph Kaiser, Amy Carson, Ben Davis. Sortie nationale en France : mercredi 13 décembre 2006.

Approfondir
Lire la présentation du travail de Kenneth Branagh sur le site d’Idéale Audience

Crédits photographiques
L’affiche du film (DR)
Kenneth Branagh (DR)

Concerts de Noël et du Nouvel An

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Que faire pendant les fêtes ? Que voir, qu’écouter le soir de Noël et jusqu’au Nouvel An? Les scènes de théâtre et les salles de concerts observent-elles une trêve ? Si certains ont fermé la boutique (Orchestre de Paris, Salle Pleyel, Orchestre national de Lille, Cité de la musique à Paris …), d’autres acteurs occupent les pistes musicales. Et si l’on suit les programmations à l’affiche, la période des fêtes, de la célébration de Noël au passage à la nouvelle année, concerts et opéras en France et en Belgique, concoctent de sémillantes soirées de musique. Voici notre sélection.

France

Province. A Lyon (Auditorium de Lyon), le dimanche 31 décembre 2006 à 20h30, puis le 1er janvier 2007 à 17h, « concerts de fin d’année », pour marquer la fin de 2007 et accompagner l’an neuf, Jun Märkl et l’Orchestre national de Lyon jouent la Symphonie n°9 de Beethoven : chant fraternel des plus bienvenus pour les premières heures de 2007.
Et si vous êtes de passage à Monaco, choisissez le 30 décembre (Auditorium Rainier III, à 20h30), le concert des Strauss, Père et fils, pour écouter par le Philharmonique qui fête cette année ses 150 ans, valses, polkas et ouvertures, sous la direction de Peter Guth.

Spectacles
A Paris, les spectacles branchés pour la fin de l’année sont : « La société anonyme des Messieurs prudents », jusqu’au 2 janvier 2007 (Théâtre de l’Athénée), « Le Chevalier à la rose de Richard Strauss, sur la scène de Bastille, dans l’impeccable et féerique mise en scène de Herbet Wernicke, jusqu’au 30 décembre 2006. Enfin, Candide de Bernstein sur la scène du Châtelet, jusqu’au 31 décembre 2006.
En province, à Montpellier (Opéra Comédie), vous pourrez écouter les 22 et 27 décembre, La veuve joyeuse de Lehar, traditionnellement de sortie à cette période. Et pour ceux qui amateurs de l’oeuvre ne peuvent se rendre à Montpellier, branchez vous sur France musique, le 30 décembre à partir de 19h. La chaîne radiophonique diffuse en différé, la production de l’opéra donnée les 21 et 23 décembre derniers, à l’Opéra de Lyon, avec Véronique Gens dans le rôle de Missia Palmieri. A Nantes, vous irez entendre Patricia Petitbon, les 29 et 31 décembre, à la Cité des Congrès, dans un spectacle conçu autour de la comédie musicale américaine. Comme Toulon, Reims aime Offenbach le temps de Noël : Sa Vie parisienne est à l’affiche du Grand Théâtre, les 29, 30 et 31 décembre. Et Strasbourg, à l’Opéra du Rhin, leur donne la réplique, qui programme du 23 au 30 décembre, La Belle Hélène… tout comme Toulon, où l’Opéra vous prépare les 29, 30 et 31 décembre, le même Belle Hélène d’Offenbach ; de son côté, Toulouse, choisit de divertir les spectateurs du Capitole avec La Chauve Souris de Johann Strauss, du 23 au 31 décembre 2006.

Belgique

Deux productions lyriques accompagnent les fêtes, jusqu’au 31 décembre 2006: La Traviata à la Monnaie de Bruxelles, et Orphée aux enfers d’Offenbach à l’Opéra royal de Wallonie. Offenbach encore et toujours, a l’art de décrisper les maxillaires…

Crédits photographiques
La Traviata, à l’affiche de La Monnaie à Bruxelles, jusqu’au 31 décembre 2006 (DR)

Livres pour enfantsGallimard Jeunesse fête ses 10 ans

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Voilà dix ans que Gallimard, en développant depuis 1997, ses nombreuses collections « Jeunesse Musique », fait naître et cultive l’éveil et la vocation des plus jeunes pour la musique… émerveillement, féerie, éducation et même spectacles : jamais le livre Jeunesse ne s’est mieux porté, n’a favorisé autant d’adhésions. Présentation des collections et sélection des titres récents.

1997-2007 : 10 ans de création pour la jeunesse
« Gallimard Jeunesse Musique » : trois mots accordés pour entonner un chant de découverte, pour emprunter une partition semée d’évasion et d’émerveillement, destiné aux plus jeunes. Les collections conçues sous la tutelle de Paule du Bouchet, abordent tous les sujets en s’adressant à tous les « publics jeunes ». Eveil musical, « premières découvertes » (pour les 3-6 ans), fables de sensibilisation et livres thématiques à l’adresse des plus grands (8-12 ans), le monde du livre de Jeunesse regorge de surprises, de découvertes, de féerie pour les enfants mais aussi pour leurs parents. Chaque titre est l’aboutissement d’une collaboration à trois : l’auteur, le compositeur, l’illustrateur.

Accordant l’image et le son, la magie du « livre-cd »

Un bon livre associe le son et l’image : c’est pourquoi depuis leur
origine, les collections font appel au disque pour compléter la
découverte par le texte. Musique composée spécialement pour l’histoire,
musique des grands musiciens du passsé, l’apport du son renforce le
pouvoir d’évocation de chaque album. Ainsi Pascal Dusapin a-t-il
imaginé le parcours musical du livre sur les cordes ; Eric Tanguy,
celui sur les claviers ; Betsy Jolas, celui sur les voix. Rodolphe
Burger ou Graziane Finzi ont également succombé au plaisir de relever
le défi d’émerveiller les plus jeunes… Et même certains scénarios
sont passés du papier sur la scène : Les Fables Enchantées, conçues par
Isabelle Aboulker, ont fait l’objet d’une production scénique à
l’Opéra-théâtre de Limoges (décembre 2005), puis au Théâtre 13 à Paris
(avril 2006).

Aujourd’hui, « les Imagiers », « Mes premières
découvertes de la musique », « Découvertes des musiciens », « Hors-série »

sont les collections phares d’un catalogue riche qui comporte 100
titres. La diversité des sujets, l’illustration tout aussi foisonnante,
l’inventivité et la qualité des cds sont autant d’escales pour l’évasion
et le rêve, la culture et l’émerveillement.

Notre sélection
Voici nos coups de coeur parmi les titres les plus récents.

Collection « mes première découvertes de la musique » (à partir de 3 ans)
La musique russe, « Emporte-moi, Lissa Ivanovna« . C’est un conte plein de rêverie et d’illusions qui suit le voyage de la petite Lissa Ivanovna, invité au mariage de la fille de l’ours. Au cours de sa course onirique, chacun s’invite au voyage : les matriochkas et la babouchka, les chevaux de la troïka et la samovar, le grand vent de la taïga et Sniegourouchka… Composé par la chanteuse Bielka, « emporte moi, Lissa Ivanovna », offre un prétexte pour découvrir les intruments et les anciennes chansons de la musique russe (1 cd, 32 pages).

Collection « Grand Répertoire » (8-12 ans)
Rossini, Cendrillon. Dernier album publié dans la collection « Grand Répertoire », Cendrillon
est une invitation qui plonge dans l’univers féerique et facétieux de
l’opéra de Rossini. A partir de 8 ans, les jeunes mélomanes suivent en
écoutant le cd et découvrant les images, l’histoire de la pauvre
Cenerentola qui épousera le prince Ramiro… extraits judicieux,
conteuse amusée, illustrations oniriques, compléments pédagogiques, et
en prime, version musicale particulièrement convaincante. Une édition
jubilatoire ! (1 cd, 50 pages).

Bizet, Carmen. Le chef-d’oeuvre de Bizet qui meurt sans assister au triomphe public de son opéra, ressuscite ici grâce à la qualité du scénario : la combinaison texte, récit, extraits sonores, illustrations fonctionne à merveille. La présentation est soignée et permet aux jeunes auditeurs de découvrir l’une des musiques les plus passionnées… avec tact et style, deux qualités incarnées par le chant de la soprano Régine Crespin dont l’interpétation accompagne la découverte de la partition (1 cd, 46 pages).

Mozart, La Flûte enchantée. De l’opéra magique de Mozart, Gallimard fait un conte enchanteur, par les illustrations éblouissantes de poésie et de grâce, grâce tout autant à l’enregistrement retenu pour illustrer l’action : la version plus que convaincante de William Chrisite et ses Arts Florissants, avec en soliste, Natalie Dessay (la Reine de la nuit). Notre préférence va à cette superbe édition ! (1 cd, 65 pages).

Douce et Barbe-Bleue. Isabelle Aboulker a conçu un opéra contemporain, pour les enfants, créé en septembre 2002 d’après le conte de Perrault. C’est une relecture tendre et cruelle où le choeur des enfants et le narrateur recomposent l’histoire de Douce qui épousa le mystérieux homme à la barbe bleue. Ne jamais se fier à ce que l’on croît savoir des contes, car la fin peut être modifiée. Les superbes illustrations de Gianni de Conno expriment l’intensité et la poésie de chaque épisode : la soirée au château, le mariage, la remise de la clé, la découverte du cabinet, la prière de Douce à sa soeur Anne… Un récit haletant, raffiné et plein de surprises (1 cd, 50 pages).

Hors-série
Wolfgang Amadeus Mozart. Mozart à Vienne, Mozart à Versailles, Londres et Paris… en 46 pages magnifiquement illustrées, voici un conte musical enchanteur qui évoque la brêve carrière d’un compositeur de génie, « l’un des plus grands musiciens de tous les temps ». Jacques Bonnaffé raconte la vie du jeune voyageur, l’applomb du premier musicien libre de l’histoire. Il est à ses côtés pour nous parler de ses oeuvres et des événements que Mozart a connu. Et pour mieux nous immerger dans le monde enchanté du musicien, 2 cds riches en extraits, nous font entendre près de 30 partitions parmi les plus éblouissantes de Mozart. Un album à écouter en famille, pour les enfants et leurs parents (2 cd, 47 pages, grand format)

Livres de NoëlGallimard enchante les mélomanes en herbe

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Voilà dix ans que Gallimard en développant depuis 1997, ses nombreuses collections destinés aux plus jeunes fait naître et cultive les vocations pour la musique… émerveillement, féerie, éducation et spectacles : jamais le livre Jeunesse ne s’est mieux porté. Présentation des collections et sélection des titres récents.

1997-2007 : 10 ans de création pour la jeunesse
Gallimard Jeunesse Musique, trois mots accordés pour entonner un chant de découverte et d’émerveillement, destiné aux plus jeunes. Jamais le livre de jeunesse ne s’est mieux porté. Les collections conçues sous la tutelle de Paule du Bouchet, abordent tous les sujets en s’adressant à tous les « publics jeunes ». Eveil musical, « premières découvertes » (pour les 3-6 ans), fables de sensibilisation et livres thématiques à l’adresse des plus grands (8-12 ans), le monde du livre de Jeunesse regorge de surprises, de découvertes, de féerie. Chaque titre est l’aboutissement d’une collaboration à trois : l’auteur, le compositeur, l’illustrateur.

Accordant l’image et le son, la magie du « livre-cd »
Un bon livre associe le son et l’image : c’est pourquoi depuis leur origine, les collections font appel au disque pour compléter la découverte par le texte. Musique composé spécialement pour l’histoire, musique des grands musiciens anciens, l’apport du son renforce le pouvoir d’évocation de chaque album.

DVD de Noël

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Des dvds miraculeux comme s’il en pleuvait… notre sélection des dvds de Noël n’a pas l’ambition de regrouper tous les meilleurs titres de 2006, mais du moins, un florilège des plus réussis. Un Bernstein touchant la voûte céleste chez Mahler ; quelques opéras superbement réalisés dont le transfert en dvd nous paraît légitime : un Boris en provenance du Liceu ; La Maréchale sertie dans la mise en scène de Carsen à Salzbourg, sans omettre le coffret des opéras de Britten (notre photo), heureuse initiative qui fête les trente ans de la disparition du compositeur britannique… Opéra, danse, symphonique, film d’animation : voici nos coups de coeur, commentés pour l’essentiel, avec pour chaque titre, le lien vers la chronique développée.

Opéra
Mozart/Don Giovanni/Losey (Gaumont). Le voici enfin le « film-opéra » des origines, tant décrié, pour la direction déclarée « molle » de Maazel, pour certains chanteurs « indignes »… mais l’oeuvre cinématographique ici restituée en 2006, dans sa fleur originelle, après une série de restaurations exemplaires, audio et vidéo, impose le respect. Le chef-d’oeuvre indépassé de Losey gagne une poésie décuplée, une force et une violence, régénérées. Le coffret est d’autant plus captivant, qu’aux côtés du film, plusieurs documentaires racontent l’enquête qui a permis de retrouver les bandes sons originelles, dévoilent le travail des équipes techniques chargées de retrouver aussi les images originales. Si l’on devait ne choisir qu’un seul dvd lyrique pour Noël, ce serait celui-là, sans hésitation. Sublime ! (coffret de 3 dvds).

Wagner, Tristan und Isolde (Bel Air classiques). Armin Jordan nous a quitté en 2006, mais, pour nous consoler, il nous laisse cette production présentée à Genève en 2005 et que l’éditeur Bel Air classiques a fort judicieusement décidé d’enregistrer. La mise en scène d’Oliver Py recrée l’atmosphère empoisonnée, léthale, ivre de l’opéra Wagnérien. Et la direction du chef, aussi discrète que fluide, fonctionne à merveille, tissant la légende amoureuse où la malédiction voisine avec le salut, la mort avec la grâce (2 dvds).

Richard Strauss, Le Chevalier à la Rose (TDK). Certes nous avons connu Maréchale et Ochs, plus fins et ambivalents, quoique… mais la mise en scène de Robert Carsen est l’une des plus éblouissantes qui aient été réalisées à Salzbourg : le grotesque et la finesse Ancien Régime s’y côtoient amoureusement, tout à fait dans l’esprit des gravures qui mêlent minutie et humour, de William Hogarth, dont l’opéra de Strauss et Hofmannsthal est inspiré. Musicalement, perfectible ; mais dramatiquement, sans aucune faute de goût (2 dvds).

Moussorgski, Boris Godounov (TDK). Pas d’acte polonais, retour à la version originelle, sauvage, brute, âpre et tragique. La force de cette production vient de l’union entre une mise en scène expressionniste et efficace (Willy Decker) et la direction d’un chef engagé, Sebastian Weigle. Sur les planches du Liceu de Barcelone (Octobre 2004), les chanteurs sont d’une grande cohérence : autant dire, ce Boris, est l’une des meilleures publications de l’année 2006 (1 dvd).

Verdi, Rigoletto (TDK). Le Liceu a tiré son épingle du jeu : voici, une nouvelle mise en scène d’une rare intelligence, lisible et noire, parfaitement fantastique (le tableau final de l’auberge). Graham Vick signe l’une de ses meilleures réalisations dramatiques, et musiciens et chanteurs sont tout autant convaincants. La version de Rigoletto que nous préférons au dvd (1 dvd).

Natalie Dessay, le miracle d’une voix (Virgin classics). Voix miraculeuse certes oui ! Après son opération, Natalie Dessay a pu démontrer l’étendue de son diamant vocal retrouvé, sur la scène de l’Opéra Bastille en septembre 2006 (Lucia di Lammermoor). Voici une décennie exceptionnelle, composée d’extraits filmés de ses plus grands rôles : Lucia en français, Zerbinette, Olympia (par trois fois et dans trois productions différentes!), Cunégonde dans Candide de Bernstein… (2 dvds).

A tribute to Benjamin Britten. Le 4 décembre 1976 s’éteignait le plus grand compositeur d’opéra de langue anglaise, Benjamin Britten. Arthaus regroupe 6 dvds déjà publiés, complétés par deux titres complémentaires, tout aussi convaincants, Gloriana (1953) composé pour le couronnement d’Elisabeth II, et Let’s make an opera (1949), féerie pleine d’humour et de verve qui revisite dans le genre de la comédie musicale, le conte du Petit Ramoneur. Au total, le corpus rassemble dans des productions plus que convaincantes, les oeuvres majeures de Britten : Peter Grimes, The Rape of Lucretia, Billy Budd, Owen Windgrave, Death in Venice, The Turn of the Screw, en plus des deux inédits sus-mentionnés. La diversité des lectures, l’implication des chanteurs et des musiciens hissent le niveau interprétatif général, au sommet. Pour les trente ans de la mort de Britten, nous tenons là une somme dvd incontournable. D’autant plus opportune pour les fêtes de la fin de l’année 2006 !(1 coffret de 8 dvds avec bonus et livret général). D’emblée s’il n’y avait qu’un seul achat à faire pour tout amateur d’opéra du XX ème siècle, ce coffret cadeau est un achat qui s’impose de lui-même. En vente sur le site d’Intégral

Danse
Coffret Jiryi Kylian (Arthaus musik). Le plus grand chorégraphe du XXème siècle méritait bien ce coffret majeur de 4 dvds, qui retrace son travail sur les corps. Elégance puis expressionnisme, esthétisme et fulgurance, l’univers du créateur appartient aux classiques atemporels de la danse contemporaine (4 dvds).

Bach, « Cello suites, In den Winden im nichts »- Heinz Spoerli (Bel Air classiques). Sur la musique de Bach, Heinz Spoerli a conçu un spectacle d’une beauté à couper le souffle. Les jeunes danseurs du Zürcher Ballet sont transfigurés par la grâce des tableaux collectifs et des solos (1 dvd).

Symphonique
Mahler, intégrale des symphonies par Léonard Bernstein (DG). Entre 1972 et 1976, Leonard Bernstein à la tête du Wiener Philharmoniker accepte que les caméras de Humphrey Burton filme ses concerts Mahler pour DG/Unitel. Le chef danse, s’agite, commande depuis son estrade : sa photogénie captive de bout en bout. Les captations restent historiques par leur profondeur et leur humanité. Bernstein, un mahlérien pour l’éternité ! (8 dvds).

Symphonie n°2 de Gustav Mahler par Claudio Abbado (Euroarts)
Autre chef, autre intégrale : le geste Abbado est lent, mesuré, épique. C’est à dire, pour nous tout aussi fascinant que le fut vingt ans plus tôt son aîné Bernstein. Le chef médite, porte l’intensité spirituelle et l’aspiration vers l’autre monde. Ce qui se passe dans cette Résurrection est bouleversant. A vous tirer des larmes ! Une captation inoubliable (1 dvd).

Animation
Prokofiev, Pierre et le loup (Arthaus Musik). Dans l’esprit de la réalisatrice britannique Suzie Templeton, Pierre n’est pas du genre à se laisser impressionner, fut-ce par seigneur loup lui-même. Le film d’animation, d’à peine 30 minutes, est un chef-d’oeuvre absolu de tendresse, d’humour, de poésie, de liberté onirique aussi puisqu’ici, le conte est revisité avec originalité. Les nombreux bonus éclairent la conception de la réalisatrice et le travail du studio polonais qui a réalisé un miracle audiovisuel (1 dvd).

Documentaire
Gould, au-delà du temps/Monsaingeon (Idéale Audience). Monsaingeon a connu Gould comme personne : il fut son ami, un proche avec lequel le réalisateur a co-signé plusieurs films cultes. Après la mort du pianiste canadien, le documentaire ressuscite Gould qui nous parle de son art, de sa musique et de sa vie (1 dvd).

La Danse et Edgar Degas (Arte vidéo). En s’appuyant sur les recherches développées lors d’une rétrospective du Fine Arts of Detroit Museum, en 2002, le documentaire éclaire la relation du peintre français et des danseuses : hymne au corps, à la magie du spectacle, mais aussi portrait clinique d’une passion d’artiste, cet excellent film recrée l’ambiance de l’atelier du plus grand portraitiste du XIX ème, peintre et sculpteur. Une réalisation éblouissante dans l’art difficile du documentaire-fiction (1 dvd).

Dossier réalisé par le service DVD de classiquenews.com : Alban Deags, Carter Chris Humphrey, Anthony Goret, Alexandre Pham et David Tonnelier.

Monaco. Grimaldi Forum, le 3 décembre 2006. Wagner, Parsifal en version de concert. Saison événementielle des 150 ans  de l’orchestre Philharmonique de Monaco

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Après la Deuxième symphonie de Gustav Mahler, voici le deuxième temps fort de la saison des 150 ans du Philharmonique de Monte-Carlo. Un nouveau concert qui permettait d’écouter le niveau exceptionnel atteint par le Philharmonique monégasque. Marek Janowski retrouve les musiciens de l’Orchestre dans l’ultime opéra de Richard Wagner. Pourquoi Parsifal ? Parce que la partition eut sa première en dehors des murs de Bayreuth (1882), en 1913 à Monte-Carlo. Parce que l’oeuvre est l’aboutissement spirituel de la pensée musicale du compositeur. Autant dire que les interprètes conduits par le maestro se sont montrés à la hauteur de l’oeuvre.

Janowski manifestement inspiré, conduit l’intensité à son paroxysme se souvenant en son déroulement premier de la lenteur d’un Furtwängler. D’emblée, le chef a ce don de ne pas simplement interpréter une partition mais de la commenter. Comment ne pas céder au pouvoir de la musique, superbement gérée, accomplie avec cohérence et finesse? Imaginons ce qu’auraient pu être les critiques des oreilles en mal d’exigence critique : Des défauts ? Toujours l’acoustique écrasant les médium de la salle, met en difficulté les solistes, toujours le même problème. Qui est placé ici, aura trouvé que Robert-Dean Smith n’avait pas la stature wagnérienne pour Parsifal ; qui est assis là, aura trouvé que Konrad Jarnot, baryton clair, était un peu faible dans son interprétaiton d’Amfortas. Mais pour avoir entendu Villazon et Alagna dans cette même salle, pour avoir écouté les trois actes de Parsifal en trois endroits différents, votre témoin assure que Konrad Jarnot est brave et vigoureux, Robert-Dean Smith exceptionnel et magnifique.
 
Autres critiques ? Même problème pour le Rundfunkchor de Berlin dans la distinction des barytons et des ténors au timbre proche, la stéréophonie héroïque de certains airs masculins, tombe à plat encore à cause de l’acoustique et aussi de la disposition de la version de concert. Reprocherait-on qu’on y préfèrerait de vrais choeurs d’opéra ? On reconnaîtra que la puissance et la violence de certaines émotions ne peuvent être rendues que par une formation plus lyrique, mais quel choeur d’opéra pourrait fournir des pianissimi aussi merveilleux et appropriés au thème du Graal ? Quel choeur d’opéra peut prétendre à cette précision d’horloge
mécanique ?
De son côté, Petra Lang en Kundry, est une voix géante et splendide qui rappelle les interprètes de Karl Boehm, avec un physique de Marlène Dietrich. L’opulence du timbre envoûte le public, il est lui-même, soumis aux artifices de la vénéneuse séductrice, prêt à succomber aux maléfices de Klingsor.
Et laissons ceux qui disent que les cloches avaient une sonorité plus « puccinienne » que celles de Bayreuth, dernier refuge de la critique, et louons le choix et l’effet des filles fleurs, aux timbres parallèles d’un côté et de l’autre de la scène, le premier registre, puissant, le second frais avec le timbre de l’innocence (en particulier Claudia Galli), le troisième, chaleureux. Mais on peut encore louer le choix de la basse vibrante et profonde Bjarni Thor Kristinsson pour un Titurel souverain, de Eike Wilm Schulte pour un Klingsor ferme et d’une prosodie maîtresse, et d’un Gurnemanz, Kristunn Sigmundsson, chargé d’émotion

Musicalement, on peut reprocher à Wagner qu’il ait favorisé la puissance du flux infini dans Parsifal, au détriment parfois de la richesse thématique et de sa force telle qu’il les synthétisa dans Tristan und Isolde. On peut regretter, surtout, le galbe naturel des thèmes des opéras antérieurs. On peut être agacé par sa vision philosophique du monde, certes prenante, mais que la transcription dans le texte fait paraître lente et fastidieuse : elle n’a pas le charme de l’inconscient qui abonde et s’écoule sous la plume d’un Maeterlinck.
On peut se dire qu’il faut un temps de maturation dans la vie de chaque auditeur pour comprendre ce que la vieillesse apporte de simplification, de décantation et de maîtrise (comme pour le Falstaff de Verdi). On se dit qu’il faudrait être musicologue pour admirer tous les présages de Strauss et de Schoenberg dans la partition wagnérienne. Mais, quand, sous la baguette de Janowski, dans le tableau du Graal à la fin du premier acte, le choeur d’hommes s’empare du fameux thème, l’élève jusqu’à ce que tous les instruments et les choeur de coulisse le hissent aux cimes des fréquences sonores, c’est le public tout entier qui pleure.

Monaco. Grimaldi Forum, le 3 décembre 2006. Richard Wagner (1813-1883) : Parsifal en version de concert. Saison événementielle des 150 ans  de l’orchestre Philharmonique de Monaco

Approfondir
Lire notre dossier sur l’oeuvre et la distribution du concert « Parsifal de Richard Wagner« 

Bruxelles. Bozar, le 9 décembre 2006. Récital du pianiste Frank Braley

Frank Braley « en résidence » à Bozar Music, à Bruxelles. Coup d’envoi du mini-cycle dédié au pianiste français ce 9 décembre 2006, avec un récital d’anthologie qui nous mène de Schubert à Gershwin, en passant par Ravel et Mozart. Le public belge adore Frank Braley et Frank Braley adore son public belge. Tout a commencé un soir de juin 1991 avec une interprétation miraculeuse du Quatrième Concerto de Beethoven, lors de l’épreuve finale du Concours Reine Elisabeth. Proclamé premier parmi les douze lauréats, il se voit également récompensé du Prix du Public : le début d’une passion fusionnelle ! Passion qui n’est pas prête de s’estomper, la spectaculaire ovation à l’issue du récital donné par Frank Braley au Conservatoire Royal de Bruxelles le 9 décembre 2006 prouvant que l’attachement du public à « son » pianiste, est intact.

Sur les pas du Wanderer…
Quelques notes de Kurtag suffiront à créer un bonheur qui enveloppera toute la soirée. Programmées moins pour elles-mêmes qu’en guise d’introduction à l’ultime sonate de Schubert, enchaînée sans interruption, ces courtes esquisses, par leur caractère tranchant et contrasté, apportent une dimension inédite à l’une des oeuvres les plus sublimes du répertoire. Braley nous livre la Sonate D. 960 avec un sens de l’architecture très aiguisé, mais c’est surtout la pureté du style et la variété des climats sans cesse renouvelés, qui nous ont enchanté. Du molto moderato introductif au final allegro ma non troppo, Frank Braley nous fait entrer dans plusieurs mondes, celui de Schubert assurément, le sien peut-être, le nôtre aussi. Un monde multiple fait tour à tour de charme, de rêves, de promesses innocentes, de questionnements qui parfois restent sans réponse. En cheminant dans Schubert avec Frank Braley, on entend aussi un bruissement, celui des feuilles d’automne, un crissement, celui des pas du Wanderer. Trop courte, « l’interminable » D. 960 : en compagnie de Frank Braley on aimerait qu’elle ne finisse pas, tant la promenade est agréable, la journée lumineuse, le ciel serein.  
 
La deuxième partie du programme est tout aussi enthousiasmante. Après Mozart (le Rondo K. 511, si mélodieux et si plein de tristesse retenue sous les doigts de Frank Braley, dont le Steinway se fait presque pianoforte) et Ravel (les Valses Nobles et Sentimentales, à la fois piano et orchestre, restituant avec caractère, les rythmes syncopés et les couleurs chatoyantes de Ravel), c’est un autre Frank Braley qui apparaît, avec Rhapsody in Blue, de Gershwin. Dans cette musique au caractère improvisé dont il raffole manifestement, quelque peu rabâchée à l’orchestre mais pleine de raffinement et d’attraits dans sa version d’origine pour piano, Frank Braley s’en donne à coeur joie. Plus encore que dans Ravel, il joue le jeu des rythmes et des sonorités, et nous fait osciller entre la salle de concert désuète d’un conservatoire XIXe et un club de jazz new-yorkais des années 30. C’est en triomphe que s’achève la prestation de ce séducteur du clavier avec, en bis, le célèbre The man I love, de Gershwin également, composé en 1924 pour le musical Lady, Be Good.
 
Bruxelles. Bozar, le 9 décembre 2006. György Kurtag(1926) : Jeux (extraits). Franz Schubert (1797-1828) : Sonate n° 21 en si bémol majeur D. 960.Wolfgang Amadeus Mozart(1756-1791) : Rondo en la mineur K. 511.Maurice Ravel (1875-1937) : Valses Nobles et Sentimentales. George Gershwin (1898-1937) : Rhapsody in Blue, The man I love.  Frank Braley, piano.
 
Le programme complet du cycle Frank Braley au Bozar
 
Crédits photographiques
Frank Braley (DR)
George Gershwin en 1937 (DR)

György Ligeti (1923-2006)Portrait hommage

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Celui qui est mort à Vienne le 12 juin 2006, nous laisse un héritage musical indiscutable. Depuis sa naissance, le 28 mai 1923, la musique est sa vie même s’il vient à la pratiquer sur le tard, à l’âge de 14 ans. Il le dira lui-même d’ailleurs, né au coeur de la Roumanie actuelle, il est l’élève emblématique de l’Académie Liszt de Budapest. Une activité l’emporte davantage aux autres : la composition. Pendant la durée du chemin jusqu’à l’école ou jusqu’au domicile de son professeur de piano, l’enfant imagine et construit ses premières architectures musicales, à la façon de Beethoven ou de Tchaïkovski. Déjà, tout concevoir jusqu’à la dernière note, dans sa tête. A 16 ans (1939), l’adolescent compose une grande Symphonie en la mineur avec explosions d’engins pyrotechniques dont le lyrisme et l’envolée à la fois parodique et facétieuse, veut conjurer son état de pauvre élève provincial.

Période hongroise

Heureusement, ses aînés reconnaissent ses dispositions : son professeur Ferenc Farkas au Conservatoire de Kolozsvar (actuel Cluj), mais aussi Kodaly, l’encouragent. Le jeune homme de 26 ans, démuni et sans le sou en 1949 (sa famille d’origine juive a été durement touchée par la guerre et la tyrannie nazie : si sa mère réchappe aux camps d’Auschwtiz, son père y mourra), trouve en Kodaly un appui, et un poste. Ligeti, non instrumentiste, compositeur de son état mais compositeur contemporain donc interdit par le système Stalinien, participera à l’édition de musique populaire, menée par Kodaly et Bartok. Professeur d’harmonie, il compose tout de même : Musica Ricercata pour piano (1952), Quatuor à cordes (1954) indiquent une inspiration marquée par l’influence de Bartok, tout en soulignant la nécessité d’en sortir.

L’échappée de 1956 : découverte de l’électronique et du sérialisme

Au moment du soulèvement de Budapest, percée inespérée dans la toile soviétique, les Ligeti quittent le pays. D’autant que l’épouse a trouvé un poste à Vienne. Ce changement de lieu provoque un renouvellement total des champs d’écriture : musique électronique (Glissandi), puis bande magnétique (Artikulation) dénotent la rencontre avec Stockhausen. Mais le compositeur éprouve les limites de la technologie musicale, il revient à l’orchestre traditionnel dans Apparitions qui, créé le 19 juin 1960 à Cologne, l’impose immédiatement sur la scène de l’Avant-garde. La pâte Ligeti s’y déploie en presque 10 minutes : un sillon original et totalement inédit, qui n’a rien de commun avec Webern ou Messien. Le style accumule diverses strates polyphoniques, créant des interférences selon ce que le compositeur appelle alors « micropolyphonie ». D’ailleurs, ses propres architectures doivent à l’étude de Machaut et d’Ockeghem, les premiers maîtres du genre polyphonique. Mais ce grand lyrique aime tout autant la plaisanterie décalée, l’absurde : il succombe aux gags de Dada, au Surréalisme libertaire comme en témoignent Bagatelles, Fragment et la conférence muette, « L’avenir de la musique »...
Mais le compositeur, au début des années soixante, maîtrise désormais son langage : en témoignent sans réserve, le Requiem pour deux solistes, choeur et orchestre, créé à Stockholm en 1965 ; Lux Aeterna pour choeur à 16 voix (Stuttgart, 1966), Lontano pour orchestre (Donaueschingen, 1967), le Kammerkonzert créé par Friedrich Cerha au festival de Berlin en 1970 : travail sur la texture, et le déséquilibre d’une structure désaxée, offrent sa réflexion sur le développement de la forme, issue d’un dérèglement.

Paradis californien

Ligeti cultive sa liberté. Il rejoint les espaces sans contraintes des Etats-Unis. Au début des années 1970, le musicien s’installe à Stanford. Finie la contrainte Viennoise où pèsent tant la tradition, le poids des maîtres baroques et romantiques, Bach et Beethoven. Et si l’air californien le dépayse, Ligeti conservera ses attaches à Hambourg où il enseigne. Son travail revient à la musique électronique, dans le studio de l’Université de Stanford.
Toujours l’esprit en éveil, Ligeti compose son Grand macabre (créé à Stockholm en 1978, mais pleinement assumé par l’auteur pour sa reprise Bolognaise en 1979), une manière de contre-objection à l’anti-opéra de Kagel. Expérimentateur, le musicien reste constamment préoccupé par l’idée de corps organique, dont la partition exprime la vie propre. A mesure qu’il cherche et trouve les lois de l’architecture du vivant, son oeuvre éprouve la forme pour en révéler la poésie profonde.

Partition graphique et cinéma
L’habile manipulateur des combinaisons, fasciné par les lois de la physique et des mathématiques, aime aussi travailler le graphisme visuel de ses partitions. C’est un plasticien qui aime citer le peintre français, Cézanne, parce qu’il lui a révélé l’ossature géométrique de la nature ; et tout autant, De Chirico et ses silhouettes sans visages, pour préciser la vibration indéterminée de ses amplifications dans Volumna pour orgue. Coup du destin, un destin malicieux là encore, Kubrick tourne 2001, l’odyssée de l’espace, entre la création du Requiem et celle de Lux Aeterna, deux musiques célestes, devenues depuis atemporelles lorsque le réalisateur les utilise par fragments, sans autorisation préalable, dans son film culte. Après des querelles juridiques, les deux parties trouvent un accord. Et même si Ligeti se déclare déposséder de ses oeuvres, la qualité visionnaire du film de Kubrick légitime d’une certaine façon qu’il ait saisi, sans préalable, la musique la plus cosmique à son époque. Ce vol signifie un hommage rendu aux partitions dérobées. Chez l’un comme chez l’autre, il y a cette fascination du mystère étiré, magnifié par des précipités de l’espace temps, ces fractales dont Ligeti était admirateur. Dérèglement intérieur d’un ordre apparemment figé. Silence, déflagration. Temps mort, vide hurlant. La musique de Ligeti nous parle d’une écriture où l’ordre naturel, en miroir avec le cosmos, a repris ses lois, son rythme, ses heurts. La surface du soleil, astre de vie, n’est-elle pas dévorée par explosions et distorsions d’un magma dansant?
La conscience et l’écriture de Ligeti sont là, dans l’écoute et la vision des mondes lointains si proches, dans l’harmonie du monde qui résonne par chaos. L’un n’allant jamais sans l’autre.

Crédits photographiques
2 portraits de György Ligeti (DR)

Roberto Alagna,L’affaire « Aïda »Dimanche 10 décembre 2006

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L’opéra est une arène riche en événements, scandales et rebondissements. La sortie fracassante de Roberto Alagna qui campait Radamès dans la production d’Aïda présenté à la Scala de Milan, suscite un débat houleux dans le milieu musical. D’autant plus que la production milanaise prend valeur de symbole : il s’agit de la première saison de la réouverture du Théâtre, et aussi le retour de Franco Zeffirelli, qui à l’âge de 83 ans, signe sa cinquième mis en scène du chef-d’oeuvre verdien. Abandon scandaleux d’une star capricieuse, attitude excessive d’un public préparé réputé pour son exigence ? Directeur au départ fan puis rendu tranchant par les événements, ou chanteur entier, sensible et droit ? Que croire ? Voici un bilan des événements et déclarations relayés par les medias depuis l’incident survenu le 10 décembre 2006.

Les faits

Jeudi 7 décembre 2006
: première d’Aïda à la Scala de Milan. Soirée prestigieuse pour la réouverture du théâtre milanais. Roberto Alagna chante Radamès, le général égyptien triomphateur des éthiopiens. Le spectacle est retransmis par de nombreuses chaînes de radios, dont France musique, en direct. Public et critiques accueillent chaleureusement le spectacle.
Dimanche 10 décembre 2006 : deuxième représentation de l’opéra à l’affiche de la Scala jusqu’au 12 janvier 2007. Après avoir chanté son air Celeste Aïda, le ténor français est l’objet de hués et de sifflets. Il décide d’interrompre sa participation à la représentation. Sa doublure (Antonello Palombi) le remplace illico (en jeans et chemise : une première historique sur les planches de la Scala) permettant que se poursuive le spectacle.


L’affaire Alagna relayée par les medias

Dimanche 10 décembre 2006
Dès dimanche 10 décembre 2006, le jour du retrait volontaire du ténor français de la production d’Aïda, l’AFP confirmait sa décision d’interrompre sa participation face à l’hostilité du public. Pour sa deuxième soirée, l’opéra de Verdi avait suscité de nombreux sifflets du public, après que le chanteur français terminait son premier grand air : « Celeste Aïda« .

Lundi 11 décembre 2006
Lundi 11 décembre 2006, Stéphane Lissner, toujours selon un communiqué transmis par l’AFP, faisait savoir sa décision de cesser la collaboration de Roberto Alagna à la production d’Aïda à la Scala de Milan.

Mardi 12 décembre 2006
Mardi 12 décembre, au micro de Marc-Olivier Fogiel, sur RTL (entretien quotidien « on ne pouvait pas le rater« , de 8h50 à 9h), Roberto Alagna depuis son Hôtel de Milan confirmait sa position, regrettait la décision de Stéphane Lissner en mettant en avant que le public des soirées suivant le 10 décembre, était composé de personnes différentes qui avaient peut-être réservé leurs billets pour l’écouter. A aucun moment, le chanteur n’estime avoir manquer de respect vis-à-vis du public. Au contraire, en décidant de se retirer de la scène en cours de représentation, il indique qu’il n’a fait que respecter l’hostilité d’une salle chauffée, décidée à le huer, évoquant même une cabale à son égard.
Découvrir et écouter l’entretien sur le site RTL (archive : « on ne pouvait pas le rater » du 12 décembre 2006)

Mardi 12 février, Le Figaro publiait une nouvelle déclaration de Stéphane Lissner dans laquelle le surintendant de la Scala mettait « en garde » le ténor Français, l’invitant à moins « se disperser » « après sa sortie fracassante  » de la représentation d’Aïda de Verdi. Le Surintendant soulignait les déclarations malheureuses du chanteur, avant la représentation du 10 décembre dans lequel la star du lyrique français aurait déclaré : « La Scala ne me mérite pas ». En conclusion, l’article validait en tout état de cause, aux côtés des titres de la presse italienne, qu’un « tel accident était la preuve de la résurrection de la Scala ». Ce en quoi était d’accord Lissner.

Le Monde de son côté, soulignait le « beau scandale » suscité par le ténor, dimanche 10 décembre. « Quelques sifflets ont suffi, dès le premier acte, à la fin de la périlleuse aria « Celeste Aïda », pour désarçonner le chanteur, qui a commencé par s’asseoir sur un gradin du décor, avant de sortir d’un pas furibond en dégrafant son costume de Radamès. » Laissant en particulier pantois, le chef Riccardo Chailly.
Le Quotidien parle d’un « coup de tête » de la part d’un chanteur qui n’avait pas supporté, après la Première du 7 décembre, le faible enthousiasme des critiques qui l’avait boudé, alors qu’il « avait été le meilleur ». Selon le Quotidien : « A la veille de son esclandre, Roberto Alagna avait déjà annoncé ses adieux à la Scala : « Je n’y reviendrai plus, avait-il confié aux journalistes. Ce n’est pas un théâtre fait pour moi, je chante les quatre représentations d’Aïda, puis j’annule Manon Lescaut programmée en 2008. »


Jeudi 14 décembre 2006

Selon un communiqué de l’agence Ansa, Roberto Alagna revenait sur le devant de la scène. Quelques minutes avant le début de la représentation d’Aïda, le ténor se plaçait devant la Scala et entonnait un air de Madama Butterfly de Puccini.
Voici la dépêche que la Rédaction de classiquenews.com mettait en ligne le 15 décembre 2006, suite à une confirmation de l’agence AFP de Rome.

MILAN : interdit d’Aïda, Roberto Alagna chante Madame Butterfly devant la Scala
Initialement programmé jeudi 14 pour Aïda de Verdi à la Scala de Milan, mais écarté de la production verdienne après qu’il ait quitté la scène en plein spectacle, sous les huées du public, dimanche 10 décembre, Roberto Alagna chantait un air de Madama Butterfly de Puccini, devant la Scala, jeudi 14 décembre à 19h45, devant photographes et caméras de télévision.
Le ténor français 43 ans entendait ainsi manifester sa détermination, montrer qu’il se tenait toujours prêt à reprendre le rôle de Radamès vis-à-vis de la direction du Théâtre milanais dont la surintendant Lissner avait décidé de l’exclure. « J’ai toujours été généreux avec le public (…) mais dimanche soir il n’y a même pas eu un applaudissement pour me dire Roberto reviens », a ajouté l’artiste.

Mardi 19 décembre 2006

Dans le corriere della sera, Franco Zeffirelli annonce qu’il aimerait embaucher le couple Alagna/Gheorghiu pour sa Traviata en avril 2007 à l’Opéra de Rome : une version « érotique » du drame sentimental d’après Dumas fils, à laquelle rêvait Verdi, et dans laquelle le couple à la ville comme sur la scène fera merveille. Il s’agira aussi d’offrir au ténor hué pour son incarnation de Radamès dans Aïda du même Verdi (Scala, décembre 2006), une revanche… après son abandon « impardonable », a précisé le metteur en scène octogénaire.

Crédit photographique
Roberto Alagna (DR)
Roberto Alagna, dans le rôle de Radamès à la Scala (DR)

Livres de Noël

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Pour Noël, faites un plein de livres, partagez vos coups de coeur, achetez malin. Livres disque, biographies, essais, guides, livres pour enfants… Voici notre sélection de livres pour Noël.

Livre-disque
Monteverdi, Livre VIII (Naïve). Reproduction
de tableaux, textes originaux dont la conception du chef Alessandrini
sur les madrigaux opératiques de Monteverdi : chacun y trouvera un
sujet de contemplation ou de délectation : d’autant que le choix des
peintures, en majorité de peintres vénitiens (Monteverdi meurt à
Venise) colle parfaitement à la sensualité expressive et dramatique des
musiques sélectionnées (dont l’exceptionnel Combat de Tancrède et
Clorinde, qui « dialogue » ainsi avec la composition sur le même sujet,
peinte par Tintoret), l’éditeur Naïve a réalisé un bien bel ouvrage,
aussi séduisant à l’écoute que stimulant pour les yeux, (2 cds).

Christophe Colomb, « Paradis perdus »/Jordi Savall (Alia Vox). Deuxième
livre-disque concocté par Savall et ses équipes. La narration aux
brumes poétiques incontestables évoque un monde qui avant le nôtre, a
perdu cet équilibre utopique où juifs, arabes et chrétiens vivaient en
paix. Outre la plasticité des tableaux d’une rare opulence sonore,
vocale comme instrumentale, Jordi Savall s’engage nettement pour un
retour au temps de paix. Musique exceptionnelle, musique engagée : que
demander de plus? Une édition éblouissante (2 cds).

Guides
Balades musicales dans Venise (nouveau monde). Se
perdre à Venise et mourir ! Se perdre tout en suivant un fil thématique
(pour ne rien manquer de chaque « balade musicale ») : le texte de Sylvie
Mamy regorge d’appétissantes anecdotes. Venise, berceau musical, ville
écrin pour musiciens (et aussi écrivains). Outre sa riche illustration,
le livre fonctionnera parfaitement comme un guide pratique que vous
consulterez in situ. Le manuel de tout mélomane amoureux de la Cité des
Doges. Incontournable !

Inventaire de l’Opéra
(Universalis). L’édition évolue sous l’influence d’Internet. Ce volume
de la collection « Inventaire », publiée par Universalis, multiplie les
angles d’approche, fragmente l’information sans la diluer. Chacun
pourra picorer le texte qui lui parle, selon son envie du moment. Des textes qui analysent les oeuvres clé du répertoire, des angles thématiques et des synthèses sur les évolutions de la planète opéra… A
offrir pour tout amoureux d’opéra, qu’il soit néophyte ou connaisseur.

Biographies
Benjamin Britten, Mildred Clary (Buchet/Chastel).
Enfin un texte en français, structuré, précis, fin : il n’existait pas
de biographie vraiment satisfaisante sur le plus grand compositeur
britannique de l’Après-guerre. Mildred Clary, anglophone, a lu la très riche correspondance du compositeur : l’auteur lève le voile sur la genèse des oeuvres, en particulier lyrique, apportant lumière et information sur un être réservé mais déterminé dont l’oeuvre s’appuie sur une très forte cohérence, de thèmes et d’options d’écriture. Une lacune comblée, et avec quelle
pertinence !

Gustav Mahler, Philippe Chamouard (Connaissances et savoirs). L’approche biographique de Philippe Chamouillard reste claire et accessible : grâce à la citation des propos de Mahler sur son oeuvre, philosophie et sujets de l’écriture, symphonique et mélodique, se précisent. Cet essai complète les textes plus érudits qui parfois se perdent dans d’inutiles détails. Une lecture documentée qui structure la perception des symphonies.

Jeunesse
Rossini, Cendrillon (Gallimard Jeunesse). Dernier album publié dans la collection « Grand Répertoire », Cendrillon est une invitation qui plonge dans l’univers féerique et facétieux de l’opéra de Rossini. A partir de 8 ans, les jeunes mélomanes suivent en écoutant le cd et découvrant les images, l’histoire de la pauvre Cenerentola qui épousera le prince Ramiro… extraits judicieux, conteuse amusée, illustrations oniriques, compléments pédagogiques, et en prime, version musicale particulièrement convaincante. Une édition jubilatoire ! (1 cd, 50 pages).