mardi 8 juillet 2025
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Jean Sibelius (1865-1957)1957-2007 : le cinquantenaire de la mort

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2007 marque le cinquantième anniversaire de la mort de Jean Sibelius, le compositeur Finlandais le plus célèbre dans le monde. Il reste pourtant peu connu en France. Sibelius n’en est pas moins essentiel et nous espérons, tout au long de cette année qui commence vous donner quelques clefs pour aborder ou redécouvrir cet univers dont la beauté et la puissance visionnaire restent inépuisables. Nous vous offrirons chaque mois de quoi vous allécher : quelques interviews, grand bilan discographique sur les symphonies et les poèmes symphoniques, et des problématiques plus générales. La question de la relative rareté des œuvres du Finlandais dans les programmes de concerts en France sera ainsi abordée. Au cours des prochains mois, nous tenons par ailleurs à recueillir vos réactions sur ce dossier, qui est l’un de nos grands chantiers éditoriaux de la nouvelle année.

Dossier

1. Jean Sibelius ou l’Art du Paradoxe
Les grandes créations sonores de Jean Sibelius, compositeur Finlandais qui par la force de son génie est devenu universel, cultive un certain art du paradoxe. Profondément influencé par les grands compositeurs de l’âge classique, comme peut-être aucun autre à son époque, Jean Sibelius a pourtant immédiatement affirmé sa profonde modernité dans l’agencement structurel et sa conception de l’orchestration. Pour certains, la musique de Sibelius semble rigoureuse ou austère. Pour nous, c’est la vie, l’émotion pure. Par Pierre-Yves Lascar

Entretien: Benoît Dratwicki évoque l’opéra « Callirhoé » de Destouches

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En janvier 2007, le label Glossa fait paraître en cd l’opéra « Callirhoé » de Destouches, un ouvrage méconnu d’un compositeur à redécouvrir. A l’occasion de la paurtion de l’enregistrement, dirigé par Hervé Niquet, nous avons rencontré Benoît Dratwicki, responsable de la programmation artistique du Centre de musique baroque de Versailles, qui a apporté son concours à l’exhumation de la partition. Eclaircissements sur l’œuvre, l’auteur, leur contexte.

L’opéra Callirhoé s’inscrit-il dans une tradition musicale, laquelle ?
Callirhoé, composé par Destouches en 1712, s’inscrit complètement dans la « deuxième génération » de l’opéra français, celle due à la plume des Desmarest, Campra, Colasse, Destouches, Marais. C’est la génération que l’on considère souvent simplement comme « l’entre-Lully-et-Rameau », génération qui n’aurait était qu’une transition sans apport saillant dans le domaine du théâtre lyrique. C’est bien sûr faux ! certes, tous ces compositeurs – à commencer par Destouches – ont Lully dans l’oreille. C’est le maître, la référence… mais pourtant chacun va développer à partir de ce modèle un style propre. Campra sera plutôt « décoratif » avec un réel talent pour composer les divertissements, les « ariettes », les ballets ; Desmarest sera plutôt « tragique » avec de grands récitatifs accompagnés, très développés et très dramatiques ; Marais sera plutôt « symphonique » avec des tempêtes, des tremblements de terre, des chaconnes démesurées… Destouches, lui, sera plutôt « mélodiste » avec un récitatif toujours chantant, un goût pour la belle mélodie, à la fois simple et touchante, une certaine immédiateté du discours…

En quoi l’ouvrage méritait-il d’être enregistré ? Apporte-t-il un éclairage particulier sur le style de Destouches ?
Parmi la dizaine d’opéras de Destouches, Callirhoé est un cas à part : c’est le livret le plus fort, le plus dramatique que le compositeur ait mis en musique. Et, dans Callirhoé, le poème et la musique fusionnent totalement pour obtenir – tout au long des cinq actes – une intensité très soutenue. A ce titre, le dernier acte est époustouflant : il dure quelques minutes seulement. Les trois rôles principaux sont confrontés une dernière fois avec, pour les soutenir, le seul continuo. L’un des trois met fin à sa vie brutalement, et l’opéra s’achève sur ses derniers mots, sans commentaire, sans page instrumentale, sans ballet… Il n’y a ici aucun des divertissements « obligés » dans l’opéra à cette époque. C’est neuf, saisissant, déjà un peu « romantique » avant l’heure…
Enregistrer Callirhoé est une grande première… tout simplement parce qu’aucun des opéras de Destouches n’a à ce jour été ni joué, ni enregistré. Le premier mérite de ce disque est donc – déjà – de rendre accessible la musique de l’un des maîtres de l’opéra français baroque. Tout le monde connaissait son nom, personne ne connaissait sa musique. Ce sera désormais possible, en espérant que Callirhoé ne soit qu’une première pierre. Car Omphale, Issé, Amadis de Grèce, Marthésie… et tant d’autres attendent encore leur tour !

Que savons-nous de Destouches exactement et qu’a-t-il apporté à la musique ?
De Destouches, on connaît la jeunesse originale (il était Mousquetaire du Roi avant de se mettre à la composition !) et la carrière exemplaire : il sera Surintendant de la Musique de la Chambre du Roi et directeur de l’Académie royale de Musique. Sur les pas de Lully, il occupera donc les deux postes les plus en vue du monde musical de l’époque. Et puis, on sait le succès qui accueillit certains de ses opéras, Omphale et Issé notamment, qui seront repris tout au long du XVIIIe siècle, à côté des ouvrages de Lully et de Rameau. Par contre, pour ce qui est de sa musique, peu de monde peut prétendre bien cerner le style et l’art de Destouches. Tout est encore en friche de ce côté-là ! Et quand on a écouté Callirhoé, on imagine de belles surprises en perspective…

Savoir ce que Destouches a véritablement apporté à la musique est plus difficile. Sans doute pas autant que Lully, Rameau ou Gluck, c’est certain. Il n’est pas un novateur. Disons plutôt qu’il sait faire son miel des innovations des autres et rester très personnel en se fondant dans la « manière » d’une époque. Ce qui est sûr par contre, c’est qu’il a un véritable sens du théâtre. Sa musique va droit au but, sans développements excessifs, sans décoration superflue. Callirhoé en est la preuve irréfutable !

Avez-vous d’autres projets discographiques ? Lesquels ?
Des projets, ce n’est pas ça qui manque ! Il ne faut pas se leurrer : le répertoire d’opéras français des XVIIe et XVIIIe siècles totalise plus d’un demi millier d’ouvrages. Aujourd’hui, on n’en connaît même pas trente ! Il y a donc de quoi faire pour ceux qui aiment cette période. Bien sûr, tout n’est pas génial, mais il y a encore beaucoup de perles à découvrir. Le Centre de Musique Baroque s’y emploie depuis 20 ans avec les artistes les plus talentueux et assez curieux pour se lancer dans ce genre d’aventure. Car c’est un véritable challenge. Hervé Niquet est de ceux-là et rien ne lui fait peur ! Après Callirhoé de Destouches, Proserpine de Lully et Sémélé de Marin Marais sont annoncées chez Glossa (deux opéras inédits montés dans la saison 2006 du Centre). Lully-Marais-Destouches : trois jalons essentiels dans l’histoire de la tragédie lyrique. Pour la suite, soyez sûrs que le Centre de Musique Baroque de Versailles et Le Concert Spirituel ne manquent ni d’idées, ni d’enthousiasme, ni d’audace !

Propos recueillis par Alexandre Pham

Illustration
Portrait d’André Cardinal Destouches (DR)

Menotti, Le Medium. Poulenc, Les Mamelles de Tirésias Tourcoing, Valenciennes, Douai, Reims, Lille Du 20 janvier au 6 avril 2007

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Menotti,

Le Medium.
Poulenc,

Les Mamelles de Tirésias

Tourcoing, Valenciennes,
Douai, Reims, Lille
Du 20 janvier au 6 avril 2007

Depuis 1997, La clef des chant diffuse en région Pas-de-Calais, de nouvelles oeuvres lyriques auprès des populations. A partir du 20 janvier 2007, la structure propose deux oeuvres composées en 1947. L’une créée à New York, Le Medium de Menotti; l’autre, créée à Paris, Les Mamelles de Tirésias de Poulenc. Chez Menotti, Flora est un faux médium qui abuse ses clients. Chez Poulenc, l’indomptable Thérèse quitte son époux, devient homme pour mener une guerre, celle de la liberté et de l’émancipation, pour le plaisir et la jouissance.
Deux héroïnes subversives et volontaires. Deux ouvrages choc, réunis avec esprit, qui ont suscité les délices des libres penseurs. Les deux ouvrages, joyaux d’intensité et de pétulance, de délire et de sarcasmes sur les dérives du genre humain, révèlent surtout deux compositeurs soucieux de renouveler la scène lyrique.
Chaque représentation est introduite par une conférence explicative sur les oeuvres et leurs auteurs (par Alain Nollier, musicologue et professeur au Conservatoire National Superieur de Musique de Paris).

Agenda

Samedi 20 janvier 2007 à 15h30, Tourcoing, Théâtre municipal
Dimanche 21 janvier 2007 à 15h30, Tourcoing, Théâtre municipal
Mercredi 31 janvier à 20h, Valenciennes, Le Phénix
Vendredi 9 février à 20h, Douai, L’Hippodrome
Samedi 24 mars à 20h30, Reims, Grand Théâtre
Dimanche 25 mars à 14h30, Reims, Grand Théâtre
Jeudi 5 avril à 20h, Lille, Opéra
Vendredi 6 avril à 20h, Lille, Opéra

Approfondir
Lire notre dossier sur Les Mamelles de Tirésias de Francis Poulenc
Découvrir la fiche de production et la distribution du spectacle de la Clef des chants

Musique en ligne : DRM or not DRM ?

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DRM or not DRM?

Le milieu musical vit un rythme inédit, celui de la révolution numérique. Au moment de la 41ème édition du Midem, salon international des professionnels de la musique (du 21 au 25 janvier 2007) au Palais des festivals de Cannes, plusieurs indices forts ont marqué l’ébullition des esprits.
Des distributeurs prêts à jouer le tout digital en dynamisant sur leur plateforme de téléchargement, l’offre de la musique en ligne ; des éditeurs vigilents à défendre leurs intérêts contre le piratage mais pour certains, comme Emi, non fermés à réviser les conditions du téléchargement. D’autres comme Universal, au travers de son concept visionnaire, DG concerts et Decca concerts ont pris une longueur d’avance, en proposant des titres musicaux uniquement accessibles sur Internet…

Reste qu’en dépit de la volonté des uns pour ouvrir et soutenir la croissance du marché de la musique en ligne, -le seul marché aujourd’hui capable de croître-, d’autres lèvent une tempête de boucliers pour diaboliser toujours la révolution en marche.
Qu’on le veuille ou non, le disque et les supports physiques traditionnels, vivent les dernières années de leur cycle de vie. La crise du marché du disque et la chute régulière des ventes de disque le montre clairement depuis plusieurs années.
A ceux qui s’inquiètent que la croissance de la musique digitale ne compense pas encore le déficit structurel du marché du disque, on aimerait les inviter à revoir leur gestion de la crise du marché traditionnel, en trouvant les bonnes recettes afin d’atténuer la chute des ventes en dur. Bien peu de majors ont vu venir le déclin annoncé des supports et de la distribution traditionnels.
Le marché actuel chute de façon terrifiante : après une année 2005 stable, 2006 confirme la baisse du marché du disque en France : -14% en valeur, -27% en volume. Le marché a perdu 40% de sa valeur depuis 2002, soit en l’espace de quatre ans. Il convient donc de prendre la mesure du potentiel offert par Internet. 2007 sera à ce titre une année décisive par les mesures stratégiques décidées chez les uns et les autres. De son côté, le numérique (Internet et la téléphonie mobile) a augmenté de 40% générant près de 45 millions d’euros, soit 5% du marché global. La part de marché de 20% aux USA sera-t-elle bientôt atteinte en Europe, comme l’espèrent les professionnels du secteurs?

La question des DRM : un enjeu vital
DRM or not DRM ? Telle est la question. Les dernières semaines de janvier 2007 ont été significatives. Emi a lancé le débat en décidant de produire certains de ses albums sans DRM. De quoi s’agit-il précisément? « Digital rights management » : les DRM sont des verrous qui permettent de contrôler l’utilisation de la musique enregistrée. Grâce à eux, un éditeur peut vérifier que l’internaute a bien payé la musique téléchargée : c’est donc le moyen actuel le plus efficace contre le piratage.
Grâce à eux, le même éditeur peut limiter le nombre de copies de la musique ainsi achetée ; grâce à eux, enfin, un système de téléchargement peut verrouiller la chaîne complète téléchargement/écoute et dans le cas d’Apple, obliger les mélomanes qui téléchargent leur musique depuis la platerforme iTunes, de ne l’écouter que sur les baladeurs de la marque à la pomme, les fameux iPod. En imposant l’exclusivité de son système, Apple a pris une longueur d’avance et défend aujourd’hui sa position de leader… parfois au mépris du libre arbitre et du confort des consommateurs.
Eternelle question du libre marché et de la concurrence. On voit bien en conséquence les avantages des DRM et comme tout système, ses inconvénients.
Si les DRM permettent aux éditeurs de lutter efficacement contre le piratage, ils réduisent la liberté du marché de la musique en ligne en empêchant les consommateurs d’écouter leur musique téléchargée sur le baladeur numérique de leur choix. Etouffer le marché embryonnaire de la musique en ligne est suicidaire pour certains. D’autant que la croissance de ce nouveau marché, comme nous l’avons dit, ne compense pas encore les pertes du marché traditionnel.
Dès lors, le théâtre des prochaines actions se précise, le profil des acteurs aussi. Contre le DRM, les plateformes commerciales, lesquelles en favorisant le confort et la liberté des acheteurs, appellent au dévérouillage. Ainsi les mesures de Virginmega.fr et de la Fnacmusic.fr qui ont annoncé à la mi-janvier 2007, la mise en ligne de, respectivement : 200.000 et 150.000 fichiers musicaux au format MP3, qui ne comporte aucun DRM. Les associations de consommateurs leur emboîtent le pas, désignant en particulier la position dominante et très contraignante d’Apple, en imposant son « modèle » technologique, iTunes/iPod.
De l’autre, les éditeurs dont les majors qui ne souhaitent prendre aucun risque quand le spectre du piratage continue d’effrayer: selon les dernières études, 5% seulement des téléchargements sont légaux!

2007, année numérique

Pour nous, la révolution numérique est une occasion inespérée pour la musique en général, et le classique en particulier de retrouver une santé tant espérée. Précisons cependant que le marché du classique a de nouveau montré son excellente santé dans un contexte déprimé: plus de 13% de croissance en 2006, grâce entre autres aux performances des coffrets thématiques. Si l’offre sur internet, en téléchargement, s’étoffe, se structure, s’enrichit, car elle trouvera inévitablement les modes sécurisée et légaux, simplifiés et ergonomiques de son essor, les éditeurs comme les acheteurs en seront récompensés. Demain bientôt des titres nouveaux, des rééditions, des joyaux historiques, en téléchargement payant, transférables sur n’importe quel support numérique d’écoute. Qualité, diversité, accessibilité, liberté.
Le chemin sera long. Les obstacles à vaincre nombreux : qualité du son, confort et facilité d’achat en ligne, diversité de l’offre, etc… Mais jamais l’industrie du disque n’eut à portée de main, une telle opportunité.
Le prochain bilan du Midem précisera les pistes à suivre, les tendances émergeantes, comme l’évolution future des plateformes existantes, et les décisions des majors, et des labels indépendants, dans les prochains mois, seront décisives. 2007, année numérique : nous n’en doutons plus.

Approfondir

Retrouvez chaque semaine, dans le mag « écoutez » de classiquenews.com, la rubrique « musique en ligne » qui offre une sélection de l’actualité de la musique en ligne (téléchargement et podcasting).
Lire notre édito : « Musique en ligne, quels seront demain les acteurs du marché?« 

Crédit photographique
DRM ©

Nikolaus Harnoncourt, portrait

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2007 marque les 400 ans de la création à Mantoue du premier opéra de l’histoire, l’Orfeo de Claudio Monteverdi. Deutsche Grammophon fait paraître l’enregistrement légendaire de la partition qu’en donna en 1978 dans la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle, Nikolaus Harnoncourt. Portrait du chef baroqueux.

Un aristocrate devenu musicien
Nikolaus Harnoncourt descend par sa mère de l’Archiduc d’Autriche Johann de Styrie dont elle est la petite-fille. Né à Graz, le jeune Nikolaus étudie la musique à Vienne. En 1953, le musicien passionné par la musique baroque, alors violoncelliste au sein du Philharmonique de Vienne, mais soucieux d’une nouvelle exigence sur la sonorité et le sens profond des oeuvres préclassiques, fonde avec son épouse Alice née Hoffelner, le Concentus Musicus : un ensemble d’instrumentistes sensibilisés et formés à la rhétorique et à la dramaturgie spécifique du répertoire abordé. A partir des années 1970, avec l’engouement que suscite auprès du public le mouvement baroqueux, dont Harnoncourt devient une figure militante, le Concentus Musicus fait figure d’exemple, dans le défrichement des oeuvres méconnues, et la recherche vers une approche plus authentique des partitions.
Recherche et interprétation, curiosité et expérimentation guident une démarche révolutionnaire qui réinvente un répertoire et une esthétique de l’approche instrumentale. Avec le Concentus Musicus, Nikolaus Harnoncourt a laissé des interprétations fondatrices du mouvement musical qu’il a contribué à développer dans Bach dont il interprète les Concertos Brandebourgeois, en 1964. Il poursuit ensuite avec l’intégrale des Cantates, dirigées dès 1968. Le projet s’étoffe et débouche bientôt avec la complicité de Gustav Leonhardt, sur un cycle discographique de l’intégrale des cantates, jouées sur instruments d’époque, avec des chanteurs uniquement masculins. Le chantier s’est poursuivi jusqu’en 1990 et représente la première intégrale du genre.

L’interprète révolutionnaire de Bach, Monteverdi, Beethoven
L’oeuvre novatrice de Nikolaus Harnoncourt concerne aussi l’opéra qui reste au coeur de sa réflexion sur la dramaturgie et la poétique baroque : en particulier Monteverdi, un auteur dont il a su exprimer le premier, la modernité visionnaire sur le théâtre des passions humaines : ainsi ses lectures de l’Orfeo (1968) et de l’incoronazione di Poppea (1974).
Comme chef d’orchestre, Harnoncourt a dirigé de nombreuses autres phalanges. Sa lecture des partitions a influencé aussi la compréhension des répertoires non baroques, y compris la musique classique et romantique.
A ce titre, son approche des Symphonies de Beethoven, avec le Chamber Orchestra of Europe, reste tout autant décisive.
Musicologue, penseur, instrumentiste et chef d’orchestre de génie, Nikolaus Harnoncourt a écrit plusieurs recueils et traités fondamentaux sur sa démarche et le sens de son travail. Il s’agit en particulier de retrouver la vitalité première des oeuvres anciennes non pas dans le sens d’une reconstitution décorative mais dans l’esprit d’une résurrection vivante où la sensibilité propre aux interprètes des XX et XXI ème siècles fait oeuvre de recréation. A lire en particulier,
« Le dialogue musical, Monteverdi, Bach et Mozart« , Éditions Gallimard, 1985.

Crédits photographiques
Nikolaus Harnoncourt (DR)

Richard Wagner, Tannhäuser (1845)Mezzo, du 3 au 23 février 2007

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Richard Wagner,
Tannhäuser
, 1845


Le 3 février 2007 à 20h45
Le 13 février 2007 à 15h45
Le 16 février 2007 à 3h31
Le 23 février 2007 à 15h45

Réalisation: Brian Large. 1995, 3h15. Direction: Zubin Mehta. Orchestre de Bavière, chœur et ballet de l’Opéra de Bavière. Avec : Jan-Hendrik Rootering (Hermann), René Kollo (Tannhäuser), Waltraud Meier (Venus), Nadine Secunde (Elizabeth), Bernd Weikel (Wolfram).

Tannhäuser, de Dresde à Paris (1845-1860)
En composant Tannhäuser, Wagner aborde la question inépuisable du choix qui se présente à tout homme d’action, entre sensualité et renoncement, désir et raison, faiblesse et sagesse. L’homme peut-il être maître de ses passions? Sujet brûlant qui semble inspirer tout génie lyrique, et déjà débattu par Monteverdi dans son Orfeo (1607), opéra des origines du genre. Pour Wagner, l’amour est une bénédiction comme un empoisonnement. L’auteur de Tristan sait de quoi il parle.
L’oeuvre connaît elle-même une histoire en péripéties. Sa première représentation a lieu en 1845 à Dresde. Quinze années plus tard, pour le Paris Impérial du Second Empire, le compositeur satisfait le désir de Napoléon III et réadapte pour la scène française son drame médiéval, à partir de 1860. Mais entre temps, Wagner avait composé son Tristan révolutionnaire. Le musicien avait fait évoluer son style et sa conception du drame musical. En se replongeant dans les vertiges de l’érotisme du Venusberg, Wagner, remis sur l’ouvrage de Tannhäuser, ne pouvait pas reprendre la partition sans intégrer les fruits de son expérience musicale et remodeler Tannhäuser dans la perspective symphonique de Tristan et dans celles de ses autres oeuvres plus tardives.
A ce titre, Il a fait évoluer la figure de Vénus qui dans sa nouvelle forme de 1860, annonce Kundry.
Avant les représentations à l’Opéra de Paris, Wagner organise une mise en bouche destinée aux auditeurs parisiens : en janvier puis février 1860, il donne plusieurs extraits de Tristan, du Vaisseau Fantôme, surtout de Lohengrin qui enthousiasma tant Baudelaire, saisi par l’ascension miraculeuse de l’ouverture. Le poète nous laisse un article désormais célèbre, publié en avril 1861, sur la modernité du théâtre wagnérien quand Berlioz, qui s’évertuait à faire produire par le grande maison lyrique, ses Troyens, s’obstina dans une querelle jalouse contre son rival germanique.

Une version française de Tannhäuser

Pour l’Opéra de Paris, Wagner composa une version française de Tannhäuser. Il restructure son oeuvre originelle en soulignant la part de l’enchantement dont est victime le chevalier, prisonnier du charme infligé par Vénus.
A l’été 1860, Wagner réorchestre la partition en incluant le texte français de Charles Truinet, avec l’obligation de satisfaire au goût local : développer un ballet pour chaque acte, destiné à contenter les yeux des membres du Jockey Club, avides de contempler les courbes élégantes des jeunes danseuses. Mais Wagner malgré les pressions, demeura inflexible : pas de ballet au deuxième acte. La grande Bacchanale du premier acte suffit amplement à nourrir le désir des spectateurs. Ailleurs, outre la scène du Vénusberg, Wagner refond aussi le concours de chant, au deuxième acte : le solo de Walther est supprimé. La figure de Tannhäuser y gagne son éclat magique faisant de la scène, le coeur du drame intégral.
Pendant les répétitions, le compositeur se plaint au maître de ballet, Petipa, de la gestuelle misérable des danseuses françaises. Leurs poses
imposent une série de gestes lourds et conventionnels qui contredisent l’érotisme bacchique et l’envoûtement fascinant de la musique.
Pourtant le luxe de la mise en scène prévoyait, ce qui fut fait, chevaux et meute de chiens pour la chasse du premier acte au moment de la création parisienne du Tannhäuser en français, le 13 mars 1861. Jusqu’au solo de cor du petit pâtre, l’audience dont le couple Impérial fut sage mais ensuite, une partie du public commença de hurler et de gémir contre la musique, conduisant à l’échec, lorsqu’après deux autres représentations (les 18 et 25 mars 1861), l’oeuvre fut retirée de l’affiche. Il fallut attendre 1895 pour revoir Tannhäuser sur les planches parisiennes, et dès la cessation des représentations de Tannhäuser, les costumes de l’opéra de Wagner servirent idéalement pour Robert le Diable de Meyerbeer, un succès assuré, à l’affiche dès le 1er avril suivant.

Approfondir
Lire notre dossier Tannhäuser de Richard Wagner

Illustration
John Williams Waterhouse, Lemia, 1905 (DR)

Quatuor Danel. Flagey, 100% Schubert (du 6 au 11 février 2007)

C’est une véritable Saison Danel que Bruxelles nous offre. Après un récital au Conservatoire le 27 janvier dernier, revoici le Quatuor Danel à Flagey dans le cadre du festival 100% Schubert. Pas moins de sept apparitions pour ce jeune quatuor à cordes qui fait partie des ensembles de chambre les plus en vue du moment, accompagné d’artistes aussi attachants qu’Abdel Rahman El Bacha, Pascal et Pierre Moraguès, Marie Hallynck … Avec, en cerise sur le gâteau, une Leçon de musique de Jean-François Zygel. Une double première, puisque c’est la première fois que le séduisant conteur-pédagogue investit la Belgique et que pour la première fois c’est à Schubert qu’il consacre son enseignement.

Le souvenir d’une intégrale Chostakovitch d’anthologie, il y a près d’un an au Conservatoire de Bruxelles, reste vivace pour nombre de mélomanes. En trois concerts largement acclamés, le Quatuor Danel invitait à la redécouverte d’un corpus magistral, les quinze quatuors du grand compositeur russe, dont 2006 fêtait le centenaire de la naissance.

Entretemps le Quatuor Danel a présenté partout dans le monde ces partitions qui sont un peu devenues sa carte de visite. Du Japon au Royaume-Uni en passant par la France et la Belgique, la lecture de Chostakovitch par le Quatuor Danel fait l’unanimité par sa rigueur, la clairvoyance et la pertinence de ses options interprétatives.

Mais le Quatuor Danel n’est pas que le digne héritier des Quatuors Beethoven et Borodine, incomparables interprètes de Chostakovitch. Car le répertoire du Quatuor Danel, particulièrement vaste, s’étend de Haydn à Nicolas Bacri, embrassant ainsi la quasi totalité des XVIIIe, XIXe et XXe siècle. 100% Schubert donne l’occasion d’approcher la sensibilité du Quatuor Danel dans quelques uns des plus grands chefs d’oeuvre imaginés par Schubert.

A épingler également, deux événements qui sortent assurément des sentiers battus : le vendredi 9 février à 19h le son et l’image se donnent rendez-vous, puisque l’Octuor pour cordes et vents sera agrémenté d’une illustration visuelle en VJing, technique de mixage d’images en direct née dans les années 90. Et le samedi 10 février à 22h, Schubert rencontrera l’ensemble rock Raymondo, dans une création de Renaud Lhoest autour de « La jeune fille et la mort« . Deux projets contemporains qui attestent de la vitalité et de l’actualité du message schubertien. Il y a fort à parier qu’ils figureront parmi les rendez-vous les plus courus de 100% Schubert.

Agenda et programme
Flagey, 100% Schubert, du mardi 6 février au dimanche 11 février 2007
Consultez notre présentation générale du festival 100% Schubert à Flagey et reportez-vous à notre agenda pour le programme complet concert par concert.

Approfondir
Le site du Quatuor Danel : www.quatuordanel.com
Toutes les infos pratiques sur www.100p100schubert.be ou www.flagey.be

Crédit photographique
Quatuor Danel (DR)

Les 30 ans de l’Ensemble IntercontemporainDu 17 mars au 15 avril 2007

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Au départ, quelques compositeurs décidaient de se regrouper pour mutualiser leurs ressources afin de faire jouer leurs oeuvres. Du Premier Ensemble Intercontemporain, il ne reste aujourd’hui, 30 ans après sa création, que trois membres d’origine. Chacun a fait son chemin, comme soliste ou comme créateur solitaire. Mais trente ans après sa fondation, l’Ensemble Contemporain n’a jamais semblé plus actif et militant dans la défense de la création contemporaine. Il appartient à Pierre Boulez d’avoir trouvé les moyens, le cadre et le confort permanent, permettant aux compositeurs d’aujourd’hui et à leurs interprètes de travailler sans préoccupations d’argent ni de calendrier. Qui plus est, outre la professionnalisation de l’Ensemble, chaque musicien (31 à ce jour) partage le même statut que son confrère et peut participer à l’approche interprétative. Chacun enrichit les lectures, rendant plus inventive, l’expérience du concert et la compréhension des oeuvres.

La joie de l’accomplissement
Musiques concrètes, oeuvres spéculatives, concours de l’électro-acoustique, le répertoire et les programmations de sa saison font aujourd’hui de l’EIC, l’une des formations les plus ouvertes sur les tendances plurielles de la création musicale actuelle. Il s’agit de créer un répertoire à partir d’oeuvres toujours nouvelles. Pour Boulez, l’interprète en s’adressant au public, doit lui communiquer « la joie de l’accomplissement ».
Pour accompagner la compréhension des oeuvres jouées, l’EIC met à disposition ses ressources documentaires, au sein de sa médiathèque attenante à la salle de concert, et bientôt sur internet, où sur le site de l’Ensemble, l’auditeur, connaisseur ou néophyte, peut accéder à des textes d’initiation et d’explication, écouter les oeuvres en question, mises à l’honneur pendant la saison musicale.
Le confort de travail s’est révélé bénéfique : en disposant à présent d’un lieu fixe, l’EIC a pu perfectionner jour après jour, la qualité de son jeu, l’équilibre des pupitres, la clarté et la cohérence de l’interprétation grâce à une salle qui présente les mêmes dispositions acoustiques, à chaque répétition.
Trente après son premier concert, l’Ensemble est devenu un joyau instrumental au service des créateurs modernes et contemporains. Autre signe de son ouverture et de son dynamisme, la nomination comme directrice musicale, de Susanna Mälkki. Une femme à la tête d’une formation d’instrumentistes au service des créations ? Voilà un signe fort de diversité et de renouvellement, sur le plan de la sensibilité comme des usages.

Susanna Mälkki
Née à Helsinki, Susanna Mälkki a pris la direction musicale de l’Ensemble Intercontemporain au début de la saison 2006-2007, après avoir quitté ses fonctions de Directrice artistique de l’Orchestre de Stavanger à la fin de l’année 2005.
Violoncelliste, la jeune femme a suivi son cursus de direction d’orchestre auprès de Jorma Panula, Eri Klas et Leif Segerstam à l’Académie Sibelius. Entre 1995 et 1998, elle est premier violoncelle de l’Orchestre Symphonique de Göteborg. En 1999, elle dirige la création finlandaise de Powder Her Face de Thomas Adès au Festival Musica Nova d’Helsinki. À la demande du compositeur, elle dirige de nouvelles représentations de cet opéra au Festival Almeida de Londres en 1999, puis en tournée au Royaume-Uni. En 2004, elle assure la direction musicale de Neither de Morton Feldman, d’après Samuel Beckett, avec le Danish National Symphony and Choir à Copenhague ainsi que L’Amour de loin, de Kaija Saariaho à l’Opéra National de Finlande, qu’elle reprendra au Holland Festival 2005 et au printemps 2006, à Helsinki. C’est en août 2004 que la Finlandaise fait ses débuts avec l’Ensemble intercontemporain au Festival de Lucerne dans un programme entièrement consacré à Harrison Birtwistle. Une première qui a séduit les instrumentistes de l’Ensemble. Par affinité et par conviction, Susanna Mälkki est l’une des personnalités les plus engagées pour la diffusion des oeuvres contemporaines.

En 2007, en concert et sur Arte, à partir du 17 mars jusqu’au 15 avril 2007, l’Ensemble Intercontemporain fête ses 30 ans. Découvrez sur le site de l’Ensemble Intercontemporain, toutes les infos et l’agenda des concerts.

Agenda
Samedi 17 mars 2007 à 20h. Paris, Cité de la musique
Vendredi 23 mars 2007 à 20h30. Paris, centre Pompidou
Jeudi 5 avril 2007 à 20h30. Paris, Ircam, salle de projection

Télé
Arte, le 14 avril 2007 à 22h30. Documentaire de Michel Follin
Arte, le 15 avril 2007 à 19h. Concert du 17 mars 2007.

Crédit photographique
Susanna Mälkki © Tanja Ahola

Sergey Khachatryan, violon. En concert à Issy, Lyon et Paris, jusqu’au 11 juin 2007

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Sergey Khachatryan,
violon

Paris,
Théâtre des Champs-Elysées
Le 27 avril 2007 à 20h

A 22 ans, (il est né en Arménie en 1985), le jeune violoniste Sergey Khachatryan s’est imposé sur la scène musicale grâce à sa musicalité et son instinct d’interprète. Ses parents et sa soeur sont pianistes. Il a toujours été éduqué et initié à la musique, une formation qui a porté ses fruits quand il obtient en 2005, le premier prix du Concours Reine Elisabeth de Belgique. A ce titre, le musicien joue le violon signé Stradivarius, le « Huggin » de 1708, prêté par la Nippon Music Foundation.
Sergey Khachatryan a enregistré chez Naïve, un programme où il aborde, avec le National de France sous la direction de Kurt Masur, les deux concertos pour violon de Chostakovitch. L’interprète s’y montre d’une sensibilité supérieure, intérieure et plaintive, sans affect ni mièvrerie.
Opulence de la sonorité rentrée et pudique, et comme nous l’avons souligné, intuition musicale d’une justesse personnelle. Sergey Khachatryan est l’un des violonistes les plus attachants de l’heure, doué d’une vituosité époustouflante et d’un tempérament déjà impressionnant. Le musicien est en concert en France, à Lyon et à Paris, jusqu’au 11 juin 2007.

Agenda

Prochains concerts de Sergey Khachatryan en France :

Paris,
Le 27 avril 2007

Théâtre des champs élysées
Récital de musique de chambre
avec sa soeur au piano, Lusine Khachatryan.
Beethoven : sonate n°3
Bartok : sonate pour violon solo
Franck : sonate

Paris,
Le 11 juin 2007

Salle Pleyel
Beethoven : Concerto pour violon
Leipzig Gewandhaus orchestra
Riccardo Chailly, direction

Crédits photographiques
Sergey Khachatryan © S. Gallois
Portrait de Jean Sibelius (DR)
Sergey Khachatryan (DR)

Luc Brewaeys, L’uomo dal fiore in bocca (création)Bruxelles, La Monnaie. Du 9 au 14 février 2007

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Luc Brewaeys
L’uomo dal fiore in bocca


Création mondiale
Bruxelles, La Monnaie.
Du 9 au 14 février 2007

Le 9 février 2007, sur les planches de La Monnaie, Luc Brewaeys , compositeur né en 1959, crée sa première oeuvre lyrique.
Sur la proposition de Bernard Foccroulle, directeur de l’Opéra Bruxellois, le compositeur, élève d’André Laporte au Conservatoire royal de Bruxelles, proche de Xenakis et de Ferneyhough, a adapté la pièce de Pirandello, « L’uomo dal fiore in bocca » (1923) : un texte où il ne se passe pas grand chose mais dont l’intensité psychologique l’a inspiré immédiatement.
L’écriture est spectrale : le compositeur s’intéresse aux couleurs et aux timbres. Brewaeys avoue être inspiré par Mahler et surtout Debussy (en particulier des Préludes. Entre « drame et ironie », le compositeur précise qu’il a traité particulièrement le trouble entre tragique et humour. Pour accentuer l’imprécision brumeuse des couleurs harmoniques, l’auteur a repoussé les limites du spectralisme jusqu’aux confins de la tonalité.
Brewaeys a déjà traité le style vocal avec l’adaptation en 1990 du Désert des Tartares
de Dino Buzzati dont il a tiré un monodrame pour soprano et orchestre. Mais avec « L’uomo », il aborde pour la première fois, l’écriture pour voix d’homme. Au final, l’oeuvre doit aussi à Boulez et au Janacek de « La maison des morts ».

La création mondiale de « L’uomo dal fiore in bocca » est présentée couplée avec Monsieur Choufleuri de Jacques Offenbach. Le sujet est celui d’un homme qui manque son train… erre devant les vitrines, s’accroche à quelques inconnus, leur parle pour mieux saisir l’ennui dérisoire de leur propre existence…

Opéra en un acte
Livret du compositeur
d’après la pièce de théâtre de
Luigi Pirandello, « l »uomo dal fiore in bocca »

Distribution

Davide Damiani, l’uomo dal fiore in bocca
Yves Saelens, un pacifico avventore.
Hendrieckje Van Kerckhove,
Pati Helen-Kent,
Isabelle Everarts de Velp,
Les voix féminines
Orchestre de La Monnaie
Patrick Davin
, direction
Frédéric Dussenne, mise en scène

Crédit photographique
Luc Brewaeys (DR)

Julia Fischer, violonMonaco, le 18 février 2007 à 18h

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Julia Fischer, violon
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
Monaco, Auditorium Rainier III
Le 18 Février 2007 à 18h

Félix Mendelssohn
Concerto n°2 pour violon et orchestre
en mi mineur, opus 64

Dmitri Chostakovitch
Symphonie n°11 en sol mineur,
« L’année 1905 », opus 103

Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
Yakov Kreizberg
, direction

Nouveau chapitre de la saison événementielle des 150 ans de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo : le concert du 18 février 2007 à l’Auditorium Rainier III promet d’être hautement symphonique et surtout virtuose. A 23 ans, la violoniste Julia Fischer impose son archet rayonnant, à la fois lumineux et tonique, structuré et incandescent. On se souvient qu’elle n’avait que 15 ans, lorsqu’un concert à Paris, en 1998, dévoilait une technicienne accomplie, affirmant malgré son jeune âge, sa prodigieuse musicalité. Puis vinrent les cd Katchaturian et Glazounov, publiés chez le label hollandais Pentatone, dans lesquels la sonorité de l’artiste Munichoise a confirmé son excellence : sensibilité ciselée et vive, jeu alerte et puissant.
Mais la jeune femme n’est pas uniquement violoniste, elle est aussi pianiste. Sa mère, professeur pour le clavier, lui a enseigné la musique. Peut-être donnera-t-elle effectivement quelques concerts au piano, comme elle l’a récemment annoncé.
Quoiqu’il en soit, sa maîtrise de l’archet la rend fascinante. Dès 8 ans, la jeune élève jouait les concertos pour violon de Bruch et de Mendelssohn.
Immédiatement les parallèles ont fleuri entre son jeu solaire et celui d’Oïstrakh (en particulier quand la violoniste aborde Tchaïkovsky). Mais Yehudi Menuhin a loué aussi son talent éblouissant dans Bach. Aujourd’hui, la grâce et la jeunesse portent très haut un talent indiscutable, et davantage que cela, une personnalité musicienne.

Crédit photographique
Julia Fischer (DR)

Haendel, Ariodante (1735) Paris, TCE, du 14 au 22 mars 2007

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Georg Friedrich Haendel
Ariodante
Nouvelle production
Paris, TCE, du 14 au 22 mars 2007

Haendel ne cessa jamais de maintenir son idéal : implanter l’opéra italien à Londres. Directeur de théâtre, négociateur hors pair pour s’assurer les stars du chant à son époque (dont il Senesino, le castrat célèbre qui à défaut de Farinelli lui sera le plus fidèle), le compositeur émerveilla les londoniens par la magie, l’héroïsme, le pathétique et aussi le comique, magistralement mêlés par exemple dans Serse (1738). Ariodante appartient à la période où il doit intégrer les changements irréversibles du public, moins concerné par le moralisme des épopées en langue italienne, que les drames de langue anglaise, en particulier, le nouveau genre des oratorios. Si Haendel, dès l’été 1733, compose Esther, Deborah et Athalia, trois ouvrages sacrés, exaltant les vertus des Saints, le compositeur poursuit néanmoins sa propre définition de l’opéra seria, lequel reste pour lui, en dépit de tout, le genre noble par excellence.
Christophe Rousset s’attaque à l’un des derniers chefs-d’oeuvre du théâtre lyrique haendélien. Les chanteurs réunis autour du chef français sont prometteurs : en particulier, dans le rôle titre, Angelina Kirchschlager qui vient d’enregistrer un récital Haendel chez Sony Bmg : « Handel arias« . La mezzo autrichienne y interprète quatre airs d’Ariodante dont l’émouvant lamento tragique et suicidaire : « Scherza infida« , morceau anthologique pour tout mezzo actuel, désireux en près de neuf minutes, de démontrer la palette des affects les plus ténus.
La force des évocations chevaleresques, la gravité sombre et tragique du rôle-titre révèle le compositeur, expert depuis ses premières oeuvres italiennes, telle Agrippina (Venise, 1708), dans l’expression de la psychologie musicale des caractères. L’oeuvre approche le thème des illusions et de la fatalité apparente : tout détermine Ariodante à accepter le fatalisme d’un destin contraire (trahison de sa promise Ginevra), mais l’intuition individuelle défait la conspiration du visible.
Ariodante est un chevalier fidèle et loyal qui souffre et se tourmente sur sa condition d’homme et ses aspirations affectives. Haendel n’a jamais touché au plus près de la grandeur morale, des fragilités et des contradictions de la personne. Avec Ariodante, il agrège certes de nouveaux styles et les tendances du goût contemporain (ballet français par exemple), il crée surtout un nouveau type de héros. Dans le cadre des conventions scéniques, il laisse s’épanouir une nouvelle typologie d’individu : faillible, acceptant ses propres doutes, humain, profondément humain. Ariodante est une féerie médiévale où la folie menace l’équilibre mental des protagonistes. Psyché, action, esthétique, dramaturgie : l’opéra de 1735 est une oeuvre charnière dans la carrière lyrique de Haendel.
La discographie de l’oeuvre est dominée par l’interprétation qu’en donna Anne-Sofie Otter chez Archiv. Sur la scène parisienne, Rousset et ses Talens Lyriques, feront-ils tout aussi bien?

Ariodante
Opéra en trois actes
Livret de Antonio Salvi
D’après le Roland furieux de L’Arioste (1516)
Londres, Covent Garden, le 8 janvier 1735

Distribution

Angelika Kirchschlager, Ariodante
Vivica Genaux, Polinesso
Danielle De Niese, Ginevra
Sandrine Piau, Dalinda
Topi Lehtipuu, Lurcanio
Ildebrando D’Arcangelo, Il Re

Lukas Hemleb, mise en scène
Marc Audibet, costumes
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction

Mercredi 14 mars, 19h30, vendredi 16 mars, 19h30, dimanche 18 mars, 17h, mardi 20 mars, 19h30, jeudi 22 mars, 19h30
France Musique enregistre cet opéra. Spectacle chanté en italien, surtitré en français. Durée de l’ouvrage : environ 3h

Illustrations

Haendel (DR)
François Boucher, Renaud et Armide (DR)

Dmitri Chostakovitch, les concertos pour piano Radio classique, le 29 janvier 2007 à 21h

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Dmitri Chostakovitch
Les deux concertos
pour piano



Lundi 29 janvier 2007 à 21h

Concerto n°1 pour piano, trompette et orchestre à cordes en ut mineur, opus 35
Chostakovitch crée lui-même son premier concerto pour piano le 15 octobre 1933 à Léningrad. L’orchestre est limité aux seules cordes, tandis que la trompette intervient comme un partenaire épisodique concertant (elle est absente dans le troisième mouvement), en particulier dans les micro tableaux où l’auteur parodie des airs de jazz. Néo-classique, Chostakovitch cite tout autant Haydn et Beethoven, et propre au style des années 1930, affiche une apparente insouciance, c’est à dire une légèreté feinte, volontiers humoristique qui peut se montrer sarcastique (trait emblématique du compositeur), en particulier dans le premier et le dernier mouvement du concerto, lequel en comporte quatre. Chostakovitch s’y révèle encore enthousiaste, propre aux temps héroïques de l’heure : il ne souffre pas encore de l’ostracisme politique et du désavoeu de Staline à son égard. Le scandale de sa Lady Macbeth (créée en janvier 1934), mais déclarée « obscène » et « anti-peuple » en 1936, allait bientôt changer tout cela, et l’auteur basculer dans une mise à l’écart éprouvante.
Programme du concerto n°1 : Allegretto, lento, moderato et allegro con brio. Durée indicative : circa 22 minutes.

Concerto pour piano n°2 pour piano et orchestre en fa majeur, opus 102
Créé le 10 mai 1957, l’oeuvre précède la Symphonie n°11. Souvent moins estimé que le premier concerto pour piano, le « fa majeur », comporte néanmoins, en dépit d’une inspiration assez faible dans les mouvements un et trois, un superbe mouvement lent, « andante », coeur du tryptique musical. La virtuosité pianistique se rapproche souvent de l’écriture de Prokofiev ; elle atteint même un développement spectaculaire, parfois délicat et dangereux pour le soliste, dans l’ultime et troisième mouvement.

Programme

Dmitri Chostakovitch

Concerto n°1 pour piano
Joseph Haydn
Symphonie n°95
Dmitri Chostakovitch
Concerto n°2 pour piano

Mikhaïl Rudy, piano
Fabien Bollich, trompette
Orchestre de Bretagne
Mosche Atzmon
, direction

Concert enregistré en septembre 2006.

Approfondir
Lire notre dossier Dmitri Chostakovitch
Lire notre dossier Lady Macbeth de Mzensk

Illustration
Dmitri Chostakovitch (DR)

Musique en ligne. Concert du Nouvel An 2007. Wiener Philharmoniker, Zubin Mehta. DG

Le concert du Nouvel An à Vienne, retransmis à la télé, cette année,
sur Arte et France 2, est un rituel de début d’année parfaitement
installé, – il serait même l’événement musical le plus regardé au
monde!-. Le succès de la recette tient à l’excellence de l’orchestre
et, selon les années, le charisme médiatique du chef, soucieux d’égayer
une performance marquée par l’esprit de la célébration et des voeux. Le
concert 2007 est le cinquième enregistré par DG, qui publie donc ce
nouveau volume quelques jours à peine après le concert du 1er janvier.
Performance technologique assurée par les ingénieurs de la marque jaune,
le programme est téléchargeable sur vos plateformes habituelles, depuis
le 2 janvier 2007 ! Le dvd sort quant à lui le 19 janvier 2007.
Le
chef d’origine indienne, Zubin Mehta, né à Bombay en 1936, connaît bien
la phalange viennoise. Il la dirigeait dès 1961, et depuis 2001, fait
partie de ses membres d’honneur. Quant au concert du Nouvel An,
celui-ci est son quatrième, après avoir dirigé à cette occasion, les
Wiener Philharmoniker, en 1990, 1995 et 1998. Mehta connaît
parfaitement le répertoire de la valse. Comme directeur de l’Opéra
d’Etat Bavarois, il dirige souvent Die Fledermaus, mais aussi Le chevalier à la rose d’un Strauss lui-même inspiré par la Vienne immortelle.
Le chef reprend des oeuvres traditionnelles de Josef Strauss, comme « Delirium » (1867), tout en ajoutant des pièces nouvelles pour un concert de Nouvel An (« Flatter geister » de 1858 ; ou les polkas « Irene« , écrite à l’été 1861, et « Matrosen« ,
composée en 1858 pour l’Archiduc Maximilien…). Autre nouveau volet
musical au rituel viennois, ajouté cette année par Mehta, « Erinnerungen an Ernst », et « Elfenreigen »
de Joseph Hellmesberger. Ce dernier qui est mort, il y a 100 ans, fut
Kapellmeister à l’Opéra Impérial, successeur de Hans Richter.

Rien
n’atténue le charme de cette édition 2007 : le chef conduit son
exceptionnelle phalange dans la succession des parades enjouées (« Zivio« ), des pochades humorisitique (« Moulinet polka« ), des évocations poétiques dont l’inusable « An der Schönen, blauen Donau »
– dix minutes de pure féerie suggestive-, signé Joseph Strauss II)…
Les musiciens sont à la hauteur de leur réputation : cordes
transparentes, bois et vents brillants, cuivres fanfaronnants… le
tout servi avec cette élégance et cette sonorité somptueuse qui écarte
toute vulgarité. La Philharmonie de Vienne n’a rien perdu de ses
couleurs ni de son acuité expressive.
Bénéfique disposition quand
parfois, certains passages accumulent crème fouettée et oeillades, un
brin racoleuses… Mais tout ici est relevé par le sentiment de
légèreté voire d’insouciance, particulièrement bien illustré dans « Dynamiden« , ou dans le « furioso-Galopp« , aux rythmes échevelés.
Et
comme nous l’avons dit, le succès de chaque concert du Nouvel An doit
comprendre une communion entre public et musiciens, et dans ce sens, la
Marche de Radetzky, hymne printanier aux allures martiales qui
conclut le concert, nécessite les applaudissements du public pendant
l’exécution. Et le programme ne serait pas vraiment complet sans les
voeux du chef, qui souhaite bienvenue aux deux nouveaux membres de la
communauté européenne, la Roumanie et la Bulgarie. Bonne Année !

Programme

Johann Strauss II (1825–1899)
Živio! March op. 456

Josef Strauss (1827–1870)
Flattergeister Waltz op. 62

Josef Strauss
Moulinet-Polka op. 57

Joseph Hellmesberger (1855–1907)
Elfenreigen (la danse des elfes)

Josef Strauss
Delirien Waltz op. 212

Johann Strauss I (1804–1849)
Einzugs-Galopp op. 35

Johann Strauss II
Ouverture de l’opérette « Waldmeister »

Josef Strauss
Irenen-Polka op. 113

Johann Strauss II
Wo die Zitronen blühen Waltz op. 364

Eduard Strauss (1835–1916)
Ohne Bremse Polka schnell op. 238

Johann Strauss II
Stadt und Land Polka mazur op. 322

Josef Strauss
Matrosen-Polka op. 52

Josef Strauss
Geheimer Anziehungskraft (Dynamiden) Waltz op. 173

Johann Strauss I
Erinnerungen an Ernst oder Der Karneval von Venedig Fantasy op. 126

Johann Strauss I
Furioso-Galopp op. 114

Joseph Hellmesberger
Leichtfüssig Polka schnell

Johann Strauss II
An der schönen, blauen Donau Waltz op. 314

Johann Strauss I
Radetzky-Marsch op. 228

Wiener Philharmoniker
Zubin Mehta
, direction

Récital Elisabeth LeonskayaBruxelles, Conservatoire, le 20 janvier 2007 à 20h

Une légende vivante, ou presque : Elisabeth Leonskaya. Un patronyme qui sonne comme un Steinway à l’accent slave, l’âme russe dans toute sa noblesse sous les doigts élégants d’une très grande Dame du piano.

Chambriste de haut vol (le Quatuor Alban Berg l’adore), concertiste hors pair (ses concertos de Chopin et Tchaïkovski sont légendaires) et soliste d’exception, Elisabeth Leonskaya n’a plus rien à démontrer, trente ans après de brillants débuts à Salzbourg et Lucerne. Cette grande Dame du piano appartient à la lignée des Gilels, Oïstrakh, Nikolaeva … A la fois disciple et amie de Sviatoslav Richter, elle est unanimement reconnue comme une des interprètes les plus inspirées du moment. Son répertoire s’étend du classicisme à Chostakovitch.

A l’invitation de Bozar Music, elle revient en récital au Conservatoire de Bruxelles ce 20 janvier 2007.

Le piano d’Elisabeth Leonskaya se fera tour à tour hongrois, polonais et – bien entendu – russe, avec successivement Liszt, Chopin et Tchaïkovski au programme.

On a hâte de la retrouver dans ce programme dont le centre de gravité, si bien accordé à son talent varié, se situe entre le Danube et l’Oural. Un rendez-vous incontournable pour tout amateur de piano au tempérament affirmé !

Programme
Franz Liszt (1811-1886): Sonetto del Petrarca no. 104, Sonetto del Petrarca no. 123
Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893): Sonate n° 2 Op. 37
Frédéric Chopin (1810-1849): Scherzo n° 1 Op. 20, Scherzo n° 2, Op. 31, Nocturne n° 8 Op. 27/2, Scherzo n° 3 Op. 39, Scherzo n° 4 Op. 54

Lien direct vers le programme Bozar

Crédit photographique
Elisabeth Leonskaya (DR Rafael Martin)

Vidéo en ligne. Le mystère Stradivarius, documentaire de Stéphane Bégoin (2006). Arte VOD

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L’art et la science. Voici une enquête magistralement menée sur un phénomène musical incontesté depuis le XVIII ème siècle, l’époque de son inventeur : la sonorité des violons du facteur crémonais, Antonio Stradivarius. En 2006, de nouvelles études pensaient avoir percé le mystère du son Stradivarius en identifiant la nature des vernis posés, et l’essence du bois sculpté. Tout cela est abordé dans le film de Stéphane Bégoin.

L’intérêt du document, est son angle de vue. Pas d’a priori en définitive dans la question centrale : si aujourd’hui, un « Strad », se vend entre 1,2 et 3 millions d’euros, la notoriété et le prestige associé à la facture du maître Crémonais, ne sont-ils pas en définitive surestimés? Analyse scientifique (rayons X et fluorescence X), témoignages multiples de luthiers, de musiciens surtout (Pierre Amoyal qui évoque le vol dont il fut victime, et Anne-Sophie Mutter qui définit les qualités d’un bon violon…), et plus encore, expérience acoustique en aveugle apportent chacun leur éclairage, parfois aux conclusions troublantes. Entre les résultats de l’enquête scientifique, et le lien affectif de l’interprète et de son instrument, entre phénomène physique et sonore et subjectivité liée à la culture musicale et la tradition du goût, le spectateur a tous les éléments pour se faire sa propre opinion. Passionnant.

Télécharger le film « le mystère Stradivarius » sur le site d’Arte vod

Approfondir
Lire notre présentation du film « Etienne Vatelot, sculpteur d’âmes », diffusé sur Mezzo en octobre 2006

Henri Dutilleux, Tout un monde lointainBruxelles, Conservatoire Royal, les 14 et 15 février 2007

Henri Dutilleux
Tout un monde lointain…

concerto pour violoncelle
en présence du compositeur

Bruxelles, Conservatoire Royal
(section néerlandophone)
Les 14 et 15 février 2007


Au départ d’un poème de Baudelaire, un des plus fascinants concertos pour violoncelle de notre temps, interprété par l’orchestre du « Koninklijk Conservatorium Brussel » en présence du compositeur. Un concert-hommage à Henri Dutilleux qui a fêté ses 90 ans en 2006 et un événement musical et pédagogique pour les étudiants de la section néerlandophone du Conservatoire Royal de Bruxelles.

« Tout un monde lointain … ». Titre à la fois fascinant et énigmatique pour un des plus beaux concertos pour violoncelle de la seconde moitié du XXe siècle qui, acclamé dès sa création à Aix-en-Provence en 1970 par son commanditaire Rostropovitch, s’est trouvé hissé au premier rang, celui des concertos de Chostakovitch, Penderecki, Britten, également composés pour ou créés par le grand violoncelliste russe. De caractère atonal, cette composition minutieuse, dont chaque mesure est travaillée avec précision, évoque en cinq mouvements (Enigme, Regard, Houles, Miroirs, Hymne) le monde onirique à la personnalité si affirmée de Dutilleux. D’une durée totale d’une trentaine de minutes, toutes les ressources de l’instrument soliste sont intégrées dans une orchestration à la fois limpide et somptueuse.

C’est d’une lecture de La chevelure, poème tiré des Fleurs du Mal de Baudelaire, qu’a jailli la source première du concerto de Dutilleux, qui déclare volontiers s’inspirer plus d’oeuvres littéraires ou picturales (Timbres, Espace, Mouvement ou La nuit étoilée trouve son inspiration dans le tableau homonyme de Van Gogh), que de la nature en tant que telle : « Tout un monde lointain, absent, presque défunt / Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique … »

Un Concert anniversaire
Pour fêter l’oeuvre et son compositeur, Henri Dutilleux sera, les 14 et 15 février prochain, l’invité du « Koninklijk Conservatorium Brussel » pour un triple événement (voir l’agenda ci-dessous). Evénement d’autant plus unique que le nonantième anniversaire d’Henri Dutilleux, en 2006, fêté abondamment en France, est passé presqu’inaperçu en Belgique … L’hommage en France continue d’ailleurs en ce début 2007, puisque le Midem 2007 mettra Dutilleux à l’honneur lors de la remise des Midem Classical Awards, le 24 janvier 2007.

Agenda
14 février 2007 à 14 h 30 : répétition générale avec le concours du compositeur, accessible au public

15 février 2007 à 19 h 30 : entretien public avec le compositeur en guise d’introduction au concert

15 février 2007 à 20 h : concert dans la grande salle du Conservatoire en présence du compositeur

Programme et interprètes
André Laporte (né en 1931) : Nachtmusik
Henri Dutilleux (né en 1916) : Tout un monde lointain … , Concerto pour violoncelle et orchestre (1970)
Jean Sibelius (1865-1957) : Symphonie n°5 en mi bémol majeur Op. 82
Orchestre symphonique du « Koninklijk Conservatorium Brussel », Olsi Leka (violoncelle),
Ronald Zollman (direction)

Infos pratiques et réservations
Lieu : Conservatoire Royal de Bruxelles, Rue de la Régence 30, 1000 Bruxelles
www.kcb.be
e -mail : [email protected]
tél. : + 32 2 213 41 37
fax : + 32 2 213 41 13

Approfondir
Lire notre entretien avec Henri Dutilleux, réalisé en avril 2006 dans le cadre du Printemps des Arts de Monaco

Illustration
Henri Dutilleux (DR)

Jules Massenet, Le roi de Lahore (1877)Radio Classique, le 28 janvier 2007 à 21h

Jules Massenet,
Le roi de Lahore
, 1877



Soirée lyrique
Dimanche 28 janvier 2007 à 21h

Le roi de Lahore est un opéra en 5 actes, sur un livret de Louis Gallet qui est créé à l’Opéra de Paris, le 27 avril 1877. Dans l’Inde envahie par le Sultan Mahloud (XI ème siècle), les amours empêchés, entre la Prêtresse Sita et le Roi Alim, donnent prétexte à Massenet, trentenaire, de brosser le tableau d’un Orient fantasmatique. Le compositeur a commencé les esquisses dès 1872. Il finit l’orchestration pour les répétitions à l’Opéra, en octobre 1876. La création remporte un grand succès et l’éditeur Ricordi propose à l’auteur célébré, une version italienne qui créée au Teatro Regio de Turin, avec un tableau supplémentaire, le 13 février 1878, suscite, là encore, un triomphe.
Qui aujourd’hui connaît l’oeuvre, ou même, l’a-t-il vue sur la scène? Heureusement le disque a réparé l’oeuvre de cet oubli illégitime. Et qui plus est, dans une version légendaire, produit par Decca, avec la soprano Australienne, Dame Joan Sutherland, dans le rôle de la prêtresse Sita. La cantatrice s’est aussi impliquée à réhabiliter un autre ouvrage de Jules Massenet, Esclarmonde, de la même façon, par le disque et chez le même éditeur.
L’oeuvre comporte de superbes duos entre les deux amants, Sita/Alim, des scènes de ballet (tradition lyrique française, oblige) et de nombreuses évocations orientalisantes.

Radio classique diffuse l’opéra de Massenet en alternance avec la comédie musicale « Godspell », succès des années 1970, sur la thème générique de « lyrique mystique ».

Illustration

Enluminure indienne(DR)

Leif Ove Andsnes, pianoFrance musique, les 21 et 27 janvier 2007

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Leif Ove Andsnes, piano

Dimanche 21 janvier 2007 à 12h
Samedi 27 janvier 2007 à 9h

France musique a bien raison de nous offrir en deux temps, le meilleur du clavier contemporain. Le prince du grand froid qui vient de faire paraître chez Emi, un disque somptueux, en forme de journal intime, « Horizons », inspiré par une carrière déjà bien remplie de bis et de souvenirs, où la poésie se réconcilie avec la confession, Leif Ove Andsnes est l’un des interprètes les plus subtils et les plus originaux de l’heure.
Attention gradation sur les ondes, toute en délicatesse : le 21 janvier, d’abord, récital en soliste, lors de ce concert enregistré dans la grande salle du MusikVerein de Vienne, le 5 juin 2006. Au programme, Schumann et Beethoven, surtout, Sorensen (Shadows of silence), et Moussorsgki (Tableaux d’une exposition). En bis, plusieurs perles, (d’ailleurs jouées dans son dernier album dont « Liebestraum » de Liszt…)
Ensuite, le 27 janvier, concert chambriste avec le Quatuor Artémis, enregistré en décembre 2006 à Paris. Jubilation en perspective : Quintette de Brahms, Six petites pièces pour piano de Schönberg…

A presque 37 ans (Il est né à Karmoy en Norvège), le pianiste éblouit par un art de la ciselure, une articulation caressante et précise, par la tendresse suggestive de son toucher : un « pianisme » transparent et dynamique. Directeur de l’Orchestre de chambre norvégien, il dirige depuis le clavier : ses Mozart (Concertos pour piano n°9 et 18, parus chez Emi, prouvent que l’ont peut encore enregistrer des oeuvres abondamment reprises, sans instruments d’époque, et avoir des choses, tant de choses, à dire). Andsnes aime le partage et la passion, jouer en prise directe avec les musiciens, pour le public. Un public très nombreux qui a saisi la personnalité à la fois, généreuse et passionnée de l’artiste. Actif, le musicien codirige également le festival de musique de chambre à Risor, en Norvège. Le charme du nord est le plus incandescent. Le jeu de ce prince du clavier le prouve à l’évidence.

Approfondir

Lire notre chronique de l’album Horizons de Leif Ove Andsnes, édité en décembre 2006 par Emi

Crédit photographique
Leif Ove Andsnes (DR)
En Une : Leif Ove Andsnes © S. Fowler/Emi

Measha Brueggergosman, sopranoBruxelles, Conservatoire Royal de Bruxelles, le mercredi 31 janvier 2007 à 20h

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Une présence expressive, un art déjà intense, dynamique et rayonnant : la jeune soprano canadienne, Measha Brueggergosman, s’impose peu à peu sur la scène lyrique : forte d’un tempérament qui jaillit dans chacune de ses incarnations, la chanteuse, née en 1977 à Fredericton (Nouveau-Brunswick), fait entendre un timbre riche et épanoui, tant en français qu’en allemand et même en espagnol. La lauréate du Concours International de chant de Montréal en 2002, présente à Bruxelles, un récital qui dévoile, au Conservatoire Royal, l’étendue de ses possibilités.
Cantatrice, diseuse intimiste dans le lied, dramatique quand il faut : l’art et la maîtrise la mèneront loin. Mais déjà, tous ceux qui l’écoutent pour la première fois restent subjugués par la richesse et les dons prometteurs de l’interprète.

Programme
Reynaldo Hahn
A Chloris, Les fontaines, L’heure exquise
Hector Berlioz,
Les nuits d’été, op. 7
Hugo Wolf,
In dem Schatten meiner Locken (Aus dem Spanischen Liederbuch),
Sagt ihm, dass er zu mir komme (aus dem Spanischen Liederbuch),
Bedeckt mich mit Blumen (aus dem Spanischen Liederbuch),
Geh’, Geliebter, geh’ jetzt (aus dem Spanischen Liederbuch)
Joseph Marx,
Selige Nacht, Hat dich die Liebe berührt, Waldseligkeit,
Und gestern hat er mir Rosen gebracht
Xavier Montsalvatge,
Cinco Canciones negras, pour voix et piano

Measha Brueggergosman, soprano
Roger Vignoles, piano

Approfondir
Découvrez l’artiste sur son site officiel http://en.measha.com/index.php

Crédit photographique
© Bozar 2007
Measha Brueggergosman (DR)

Richard Strauss, Le chevalier à la rose (1911)France musique, samedi 27 janvier 2007 à 19h

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Richard Strauss
Le Chevalier à la rose
, 1911


Samedi 27 janvier 2007
à 10h

Soirée lyrique jusqu’à 23h
Présentation : Jérémie Rousseau

Une comédie de moeurs
et une réflexion sur le temps


En quoi la comédie de moeurs imaginée par Strauss et son librettiste Hugo von Hoffmansthal, -d’après une série de tableaux peints par William Hogarth au XVIII ème siècle-, est-elle aussi une subtile réflexion sur le temps qui passe?
Bien qu’encore jeune et désirable, La Maréchale éprouve déjà les ravages du temps, aussi renonce-t-elle, à la fin de l’opéra, à son amant Quinquin (Octavian), car ce dernier lui en préfère déjà une autre, plus jeune. Certes la fable lyrique qui relit les décors et la courtoisie de l’Ancien Régime à l’époque de l’Impératrice Marie-Thérèse, à Vienne, accumule les effets historiques, collectionne les rapports sociaux comme autant de rituels analysés avec finesse (et même plus fantasmés que réalistes, comme par exemple la remise de la rose d’argent qui est aussi essentielle dans l’oeuvre théâtrale qu’elle n’a jamais existé!). Le couple que forme La Maréchale et Quinquin/Octavian, est remarquablement exprimé mais le personnage de la Maréchale reste le pivot de l’intrigue. C’est elle qui ouvre l’opéra et conduit sa résolution. C’est par sa voix, son point de vue privilégiée, qu’est esquissée la philosophie de l’oeuvre.

Gérard Mortier a décidé de reprendre à l’Opéra Bastille, la production présentée à Paris dès 1997 et qu’avait conçu pour le festival de Salzbourg en 1995, Herbert Wernicke, décédé depuis. Dans la vision du metteur en scène, de grands panneaux de miroirs transformaient la scène, en particulier dans le tableau final, en perspective à l’infini. Qui sommes-nous véritablement? L’oeuvre du temps est d’effacer certes, mais il métamorphose aussi. A chacun d’accepter chaque étape de ce changement perpétuel. Le Chevalier à la rose est un chef-d’oeuvre lyrique, et l’oeuvre la plus jouée de Richard Strauss.

Représentation enregistrée le 2 décembre 2006
Paris, opéra Bastille
Comédie en trois actes en musique (1911)
Livret d’Hugo von Hofmannsthal
En langue allemande
Direction musicale, Philippe Jordan
Mise en scène, décors et costumes, Herbert Wernicke
Lumières, Werner Breitenfelder
Chef des Choeurs, Peter Burian

Distribution

Die Feldmarschallin, Anne Schwanewilms,
Der Baron Ochs, Franz Hawlata
Octavian, Vesselina Kasarova
Herr von Faninal, Olaf Bär
Sophie, Heidi Grant Murphy
Marianne Leitmetzerin, Michèle Lagrange
Valzacchi, Ales Briscein
Annina, Helene Schneiderman
Ein Sänger, Tomislav Mužek
Ein Polizeikommissar, Scott Wilde
Der Haushofmeister bei der Feldmarschallin, Wilfried Gahmlich
Der Haushofmeister bei Faninal, Mihajlo Arsenski
Ein Notar, Lynton Black
Ein Wirt, Christoph Homberger
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine/Choeur d’enfants de l’Opéra national de Paris

Approfondir
Lire notre dossier le Chevalier à la rose de Richard Strauss
Lire notre dossier « les opéras de Richard Strauss« 

Illustration

Ingres, Madame Haussonville (DR)

Téléchargement audio. Quel sera, demain, le marché de la musique ? Et quels en seront les acteurs ?

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Edito

Musique digitale versus « marché du disque ». Le temps où l’on ne parlera plus de « marché du disque », mais de marché digital, c’est-à-dire de musique dématérialisée que vous achèterez, non plus sous sa forme « matérielle »(celle d’un cd par exemple), mais en téléchargement sur une plateforme ad hoc, se précise peu à peu. Les restructurations vont bon train et le visage de l’offre concrète se dessine avec de plus en plus de précision.
Hier, les enregistrements foisonnants (nouveautés, rééditions, historiques), dans tous les répertoires (musique ancienne, baroque, classique, romantique, moderne et contemporaine), dans tous les genres (opéras, symphonique, sacrée, chorale, chambriste, etc…)-, étaient de moins en moins représentés en grandes surfaces. La diversité culturelle en prenait un coup et l’offre, dans les linéaires, affichait une standardisation dangereuse.
Aujourd’hui, Internet offre une alternative de plus en plus attrayante. Les premières boutiques de cd et récemment, les premiers sites de téléchargement, spécialisés musique classique, s’organisent. Internet rend possible, -enfin!-, l’accès à de nouveaux catalogues, comprenant nouveautés et perles historiques… Quand la technique se met au service d’une offre bientôt quasi exhaustive… Cependant, les plateformes de vente sont loin d’être complètes. Il y aura donc encore du travail mais les indices se font jour : un nouveau type d’internautes mélomanes télécharge, compare, recherche, traque le « filon », repère la perle, le concert ou le titre tant convoités…

Quels acteurs demain pour le marché de la musique en ligne ?
De toute évidence, un marché asphyxié a trouvé son remède, et trouve même de nouvelles perspectives de développement via le Net. Internet sera-t-il le nouvel Eldorado du classique? Très certainement. Mais à quel rythme ? Et dans quelles proportions ?Attendons toutefois de relever le taux de progression et les chiffres concrets de la musique en ligne (5% à ce jour tous genres confondus versus les achats de cd). Patientons encore quelques semaines, avant que ne soient déclarés les premiers indices de consommation sur les semaines qui ont précédé et qui ont succédé Noël 2006. Les mois qui viennent promettent de nouveaux lancements, de nouveaux « coups » technologiques ou médiatiques. L’année 2007 annonce un cycle passionnant, dont nous suivrons pas à pas sur classiquenews.com, les étapes et les manifestations.
En tout état de cause, les éditeurs et les distributeurs qui prendront le train du Net seront gagnants. Du moins, s’ils opèrent leur conversion technologique avec les ressources techniques et les moyens humains nécessaires, trouveront-ils une porte de sortie au marasme structurel touchant la distribution actuelle.

Trois inconnues, trois défis. Restent trois inconnues essentielles. Quelle sera précisément la nature des catalogues en ligne de musique téléchargeable? Quels seront tout autant la manière et le confort d’utilisation du téléchargement ? Comment toucher les utilisateurs de plus en plus nombreux ? Demain, les principaux acteurs de la musique en ligne ne seront pas forcément les majors ou les distributeurs en ligne d’aujourd’hui. Un catalogue de qualité, réellement diversifié ; un mode de fonctionnement fiable, clair et pratique qui préserve la liberté de l’acheteur ; une communication continue, réactive et qui fidélise : voilà le trio des atouts pour les gagnants de demain !

Sommaire
1. Retrouvez dans nos dépêches quotidiennes, l’actualité de la musique en ligne, dans le monde et en France
2. Consultez notre rubrique « Musique en ligne », dans « le mag cd » ou « le mag radio« , en particulier notre rubrique « Téléchargement et Podcasting : les sites qui innovent, Analyse de l’offre« 
3. Découvrez l’offre d’un éditeur visionnaire qui a créé un cycle d’enregistrements inédits uniquement accessibles en téléchargement, depuis octobre 2006 : les concerts publics des grands orchestres de DG concerts et Decca concerts
4. Lire notre article « DRM or not DRM?« 

Sergey Prokofiev. L’Ange de Feu, 1955Bruxelles, La Monnaie. Du 23 janvier au 10 février 2007

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Sergey Prokofiev
L’Ange de Feu
, 1955

Une oeuvre moderniste
et flamboyante

Ecrit en 1927, et créé en 1955, soit deux années après la mort du compositeur (1953), L’ange de feu ne gagne que tardivement une reconnaissance sur les scènes lyriques. Et pourtant, l’inspiration du compositeur qui a choisi et rédigé le livret, témoigne d’une créativité supérieure. Preuve qu’il existe encore des partitions de première valeur, injustement représentées.
D’après le roman de Valeri Brioussov, auteur symboliste, le sujet met en scène une jeune femme tentée et corrompue par le diable. Sommée de répondre de ses actes, la pécheresse perd la raison, par faiblesse et lâcheté, par désarroi ou folie, entre extase et hystérie. Combat du bien contre le mal, l’opéra est expressionniste et flamboyant. C’est la lutte de la liberté et de l’indépendance, de la volonté et la rébellion d’une âme perdue. Autant de thèmes qui offrent à Prokofiev le prétexte d’une musique orchestralement somptueuse, passionnée et même enfiévrée. Davantage que la question du péché, ou que l’illustration manichéenne du désir et du renoncement, L’ange de feu raconte l’activité d’une névrose psychique, rongeant une misérable créature, haïssable mais pourtant si humaine.

Opéra en cinq actes et sept tableaux
Livret du compositeur

d’après le roman de Valeri Brioussov
Première création en version de concert

au Théâtre des Champs Elysées
à Paris, le 25 novembre 1954.
Création scénique à La Fenice de Venise,
le 19 septembre 1955.

Distribution
Igor Tarasov/ Tomas Tomasson, Ruprecht
Svetlana Sozdateleva, Renata
Elena Manistina, La Voyante

Orchestre symphonique et choeurs de La Monnaie
Kazuchi Ono
, direction
Richard Jones, Mise en scène

Consultez les dates des productions dans notre agenda

Approfondir
Découvrir le détail de la distribution sur le site de La Monnaie

CD
Valery Gergiev, 1993
La version de référence de l’opéra demeure celle dirigée par le chef russe avec Galina Gorchakova et Serguei Leiferkus, avec les équipes du Mariinski.
Epoustouflant de flamboyance et d’expressionnisme maîtrisé. Du grand art. 2 cd Philips

Illustration
Le gardien du paradis (DR)

Edwin Crossley-Mercer, barytonRadio classique, le 30 janvier 2007 à 21h

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Edwin Crossley-Mercer,
baryton



Mardi 30 janvier 2007

« La soirée contemporaine« ,
Récital enregistré au Sénat
en mars 2006
Schubert, Schumann, Fauré, Busoni

Né en 1982, élève au conservatoire de Clermont-Ferrand dans la classe de clarinette, ECM intègre, à 18 ans, le Centre de Musique Baroque de Versailles sous la direction d’Olivier Schneebeli : il y étudie pendant trois années, la rhétorique et l’articulation du chant baroque. Mais les rôles romantiques, tels Roméo de Gounod ou Onéguine de Tchaïkovsky, sont l’objet d’un travail parallèle. Depuis 2003, Le jeune bayrton a rejoint la « Hochschule für Musik Hanns Eisler » de Berlin auprès de Heinz Reeh. Avec Reiner Goldberg, il se spécialise dans les lieder. Il suit aussi l’enseignement de Julia Varady, et a bénéficié des masterclasses de Thomas Quasthoff, Udo Reinemann et Dietrich Fischer-Dieskau. Excusez du peu…

Concert

Paris, Auditorium du Louvre
Jeudi 22 février 2007 à 12h30


Edwin Crossley-Mercer, baryton
Michael Guido, piano
Schubert, Fauré
Concert enregistré par France Musique

Crédits photographiques
Edwin Crossley-Mercier (DR)

Têtes d’affiche 2007 : « nos » artistes à suivre…

Têtes d’affiche 2007 :
« nos » 9 artistes à suivre

Envie de découvertes ou de valeurs sûres, de jeunes talents ou d’artistes confirmés ? Chaque nouvelle année est l’amorce d’un nouveau cycle d’émotions à venir, au concert comme à l’opéra, au disque comme en dvd. A l’affût du grand frisson, nous avons consulté les programmations, parcouru les annonces de presse pour choisir celles et ceux qui seront, pour nous, les « têtes d’affiches » 2007 : des artistes d’exception que nous aimons et dont nous accompagnons pour vous, réalisations et projets.
Consultez régulièrement notre sommaire, il sera actualisé en cours d’année. Voici nos favoris. Nous avons décidé d’accompagner leur parcours.

Sommaire

Daniel Barenboim, piano

Un « surhomme », ce n’est pas nous qui le disons mais le jeune pianiste David Kadouch, à l’occasion d’une masterclass que l’apprenti musicien suivait auprès du « maître », à Chicago. Le fondateur du West-Eastern divan orchestra, militant pour une musique sociale et pacifiste , qui veut réconcilier palestiniens et israéliens, contre les bruits de la guerre, qui est aussi le directeur musical de l’Opéra de Berlin, poursuit son oeuvre de pianiste. Un coffret de dvd à paraître chez Emi, en février 2007, le dévoile avec maestrià. « Barenboim on Beethoven » regroupe l’ensemble des concerts publics donnés à Berlin, autour des 32 sonates de Beethoven. En complément, les récitals sont associés aux masterclasses que le pianiste a donné à Chicago. Arte en diffuse quelques temps forts des récitals et des cours du maestro Barenboim, du 11 au 25 février 2007. Car, s’il est interprète, Daniel Barenboim est aussi pédagogue : il a la passion de la transmission. Informer pour éduquer. Autour de Beethoven, l’artiste se démasque. Avec d’autant plus de finesse en d’engagement devant la caméra d’Andy Sommer qui fait tourner l’objectif autour du pianiste. Outre sa valeur musicale, chacun des films est magistralement filmé.

Joseph Calleja, ténor

Déjà, deux disques chez Decca : le ténor maltais a imposé en quelques années son timbre singulier, à la Tito Schipa ou David Devriès, dont la délicatesse et l’émotivité renvoie à une patine que l’on pensait surannée. A tort. L’intensité et la musicalité du style, des aigus de plus en plus sûrs, font de lui, l’un des chanteurs les plus prometteurs de sa génération. Deux récitals en janvier 2007 en France, et bientôt, souhaitons-le, un rôle sur une scène française afin d’applaudir en plus du ténor, le jeu de l’acteur… en particulier chez Donizetti.

Janine Jansen, violon
C’est une musicienne accomplie, et davantage. La violoniste hollandaise qui est déjà unanimement célébrée dans son pays, est une beauté dont la photogénie éblouit quiconque l’approche. Son dernier disque consacré aux concertos pour violons de Mendelssohn et Max Bruch, impose une personnalité fine et réfléchie. En rien poseuse. Son carnet de bal est rempli jusqu’en juillet 2007, ou après l’Europe et les Etats-Unis, la violoniste jouera au Japon. Hélas pas encore d’étapes en France… mais France Musique diffuse son concert en direct de Leipzig, le 26 janvier 2007. Pour la suite… il reste son album, paru chez Decca.

Solveig Kringelborn, soprano
Née en Norvège, Solveig était forcément destinée à chanter Grieg. Mais pas seulement, déjà à l’affiche de l’Opéra Bastille où elle vient d’incarner pour quelques dates, la Maréchale, l’excellente diseuse, alchimiste et orfèvre des climats poétiques dans le lied, revient en 2007 pour chanter Strauss, pour la reprise de Capriccio. Pour l’heure, découvrez son superbe legato, ses harmoniques opulentes et sa diction de rêve dans son dernier album, « Erwartung« .

Nikolaï Lugansky, piano
Le lauréat du concours Tchaïkovsky en 1994, est né en 1972 à Moscou. L’autorité de son jeu et l’intensité émotionnelle de son toucher ne sont plus à souligner. Ses concertos pour piano de Rachmaninov, sous la direction de Sakari Oramo, restent incontournables. Les deux artistes se produiront le 31 janvier 2007 au Théâtre des Champs Elysées à Paris. Fin janvier 2007, Warner publie les sonates pour violoncelle et piano de Chopin et Rachmaninov, avec Alexandre Kniazev. La fusion complice des deux instrumentistes se renouvelle : le chant ivre et ardent du violoncelliste, la passion ciselée du pianiste rééclairent les deux oeuvres qui restent étonnament rares au concert. Un disque admirable. Lire notre chronique de l’album Chopin/Rachmaninov par Alexander Kniazev et Nicolai Lugansy. Nicolai Lugansky de son côté, est à l’affiche de nombreuses villes, en France, du 26 janvier au 23 mars 2007. Quelques temps fort d’un agenda très dense qui passe aussi par Bruxelles (Bozar, le 7 février) : le 10 février au Grand Théâtre d’Amiens avec Vadim Repin (violon), le 22 mars au Grand Théâtre à Dijon puis le 23 mars, Salle Pleyel à Paris.

Denis Matsuev, piano
Le pianiste d’origine sibérienne, Denis Matsuev, à peine trentenaire, confirme les promesses de son jeune âge. Une sensibilité rentrée et intérieure, exceptionnellement habitée, qui a su affirmer déjà une grande maturité musicale. Après un album Stravinsky/Tchaïkovsky (dont trois mouvement d’après Petrouchka, transposés au piano), Bmg publie en février 2007, une nouvelle gravure des plus prometteuses : concertos de Tchaïkovsky et de Chostakovitch. Denis Matsuev est aussi en concert en France, jusqu’au 21 avril 2007. Gageons que son prochain disque mettra en avant ses prodigieuses dispositions : délicatesse de l’articulation, intensité et même feu de la dynamique… Un immense interprète grandit pas à pas. A suivre forcément.


Emmanuel Pahud
, flûte
Il a fait de l’élégance et de la séduction, un art de vivre et de jouer. Rien ne peut résister à la subtilité de son jeu : un souffle souverain, une couleur solaire, le flûtiste Emmanuel Pahud, membre de la vénérable Philharmonie de Berlin, à qui nous avions posé plusieurs questions au moment où s’annonçait une nouvelle édition du festival dont il est co-fondateur, -le Festival de l’Emperi- (juillet 2006), publie un récital envoûtant consacré aux concertos de Vivaldi (Emi : lire notre chronique de l’album Vivaldi par Emmanuel Pahud). Né comme Mozart, un 27 janvier, le musicien qui jouait de son instrument dès 6 ans, est surtout un travailleur acharné qui sait élargir ses répertoires : classique et romantique, contemporain et dernièrement, baroque. L’instrumentiste est à l’affiche du théâtre des Champs-Elysées à Paris, le 3 février 2007 à 20h, dans un programme Vivaldi, Telemann et Bach, où il sera accompagné par les Berliner Barock solisten. Arte diffuse le 4 mars 2007 à 19h, son portrait. Et si 2007 sonnait comme une consécration ?

Lise de La Salle, piano
A 18 ans seulement, Lise de la Salle, s’est fait un nom et une réputation. Après deux disques en soliste, parus chez Naïve, la jeune interprète fait paraître en janvier 2007, son troisième album sous la même étiquette, mais en compagnie d’un orchestre (Orchestre de la Fondation Gulbenkian, direction : Lawrence Foster). Au programme, trois concertos signés Chostakovitch, Liszt, Prokofiev. Un jeu intense et déterminé, parfaitement construit, une maturité déjà épanouie, une main gauche agile et souple, et cette qualité des silences habilement gérés qui recherche et sait cultiver l’intériorité… autant de qualités à présent très identifiables qui contredisent son jeune âge. Lise de La Salle est un talent surprenant qui se fait attendre, espérer et qui comble les auditeurs, tombés sous le charme de son évidente musicalité. La pianiste sera en concert à Paris (14 février puis le 17 avril) mais aussi Lyon (le 28 février dans le cadre de la saison « Piano à Lyon »).

Sergey Khachatryan, violon
22 ans, un archet de braise qui enflamme les oeuvres abordées. Non seulement, Sergey Khachatryan déploie une musicalité riche et fluide mais il impose un feu intérieur qui se consumme avec pudeur et intensité. Son premier disque consacré aux deux concertos pour violons de Chostakovitch (Naïve) éclaire sa capacité à exprimer un chant souverain à la fois intérieur, dense, humain. L’interprète d’origine arménienne, est en concert en France jusqu’au 11 juin 2007. Point fort en connexion avec l’Année de l’Arménie en France, le concert du 14 février 2007 à Issy au cours duquel le violoniste jouera le concerto pour violon de Sibelius. Lire notre portrait de Sergey Khachatryan, et l’agenda de ses concerts en France.

Crédits photographiques
(1). Emmanuel Pahud © L.Denim/Emi
(2). Daniel Berenboim (DR)
(3). Joseph Calleja (DR)
(4). Janine Jansen (DR)
(5). Solveig Kringelborn (DR)
(6). Nicolai Lugansky (DR)
(7). Denis Matsuev (DR)
(8). Emmanuel Pahud © L.Denim/Emi
(9). Lise de La Salle © S. Gallois
(10). Sergey Khachatryan © S. Gallois

Dossier réalisé par Carter Chris Humphrey, Guillaume-Hugues Ferney, Delphine Raph, Tristan Montségur et Alban Deags, sous la direction d’Anthony Goret et d’Alexandre Pham

Dietrich Buxtehude (1637-1707)2007 : année des 370 ans de la naissance et du tricentenaire de la mortBiographie et agenda

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D’origine scandinave (il est né au Danemark), Buxtehude est le compositeur baroque le plus important, dans les pays germaniques du Nord, aux côtés de Schütz et de Bach. 2007 marque le 370 ème anniversaire de sa naissance, et le tricentenaire de sa mort. Une double célébration qui devrait inspirer les programmateurs de concerts et susciter davantage d’intérêt pour le musicien et son oeuvre. L’ensemble baroque de Nice consacre concerts et conférence au « Maître de Lubeck »(en mars 2007). Lire nos précisions en fin d’article.

A la Marienkirche de Lübeck

Il reprend à Lübeck, à partir de 1668, à 31 ans, le cycle des concerts publics au temps de l’Avent, les « Abendmusiken », à la Marienkirche. Il subsiste quelques oratorios de ce rituel musical, social et religieux. Une initiative qui relevait de son prédécesseur, Franz Tunder dont il épouse la fille. A la Marienkirche, Buxtehude occupe le poste d’organisateur mais aussi d’administrateur. Hélas, l’église et son orgue ont été détruits pendant la Deuxième guerre mondiale. Bien que l’homme et son quotidien demeure assez obscur, l’activité du musicien est foisonnante. Beaucoup de ses créations n’ont pas subsisté car elles n’ont pas été publiées. Ou bien d’autres encore reposent dans les fonds d’archives à défaut d’avoir été encore enregistrées, en particulier sa musique vocale.

Quoiqu’il en soit, Buxtehude jouit de son vivant d’une considération remarquable parmi ses pairs. A Stockholm, Düben, compositeur à la Cour de Suède, collectionne assidûment les oeuvres de son contemporain. Buxtehude en contrepartie, qui ne fit jamais le voyage au Nord, dédie à Düben ses cantates demeurées célèbres, les 7 cantates composant le cycle sur les membres du corps de Jésus, « Membra Jesu nostri », en 1680.
A Hambourg, ainsi qu’un tableau en témoigne en 1674, il est le proche du cercle des musiciens formés par Theile, Reincken et Bernhard. Il est estimé de Haendel, Bach Mattheson, et Pachelbel lui dédie son Hexachordum Appolinis en 1699. Parmi ses élèves, Bruhns et son gendre, Schieferdecker qui lui succédera.

Concerts
Nice, ensemble baroque de Nice. Les 20, 21, 22 avril 2007. Concerts et conférence « Buxtehude » par Gilles Cantagrel. Détails et informations : consultez notre « agenda des concerts ».

Illustrations
Portrait supposé de Dietrich Buxtehude (DR)
Simont Vouet, portrait de jeune homme (DR)

Daniel Barenboim joue Beethoven Arte, du 11 au 25 février 2007

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Daniel Barenboim
pianiste
& pédagogue

Dimanche 11 février 2007 à 19h
Dimanche 18 février 2007 à 19h
Dimanche 25 février 2007 à 19h

Barenboim on Beethoven

Berlin-Chicago : le directeur musical de l’Opéra de Berlin est aussi pianiste et pédagogue. Il l’a montré au cours de l’année 2005, où tout en se consacrant à une intégrale des 32 sonates de Beethoven, il a aussi donné plusieurs master classes à Chicago, autour des mêmes partitions, auprès de 20 jeunes et brillants princes du clavier dont David Kadouch, Lang Lang, Jonathan Bis ou Shai Wosner…
Andy Sommer a filmé au total huit concerts live à Berlin, et Allan Miller, près de 6 sessions de pédagogie appliquée à Chicago. Au final, détenteur d’un ensemble intitulé « Barenboim on Beethoven », le mélomane dispose d’un ensemble cohérent, offrant deux aspects complémentaires de toute approche artistique : la préparation et la réflexion sur l’interprétation, la lecture en public. Chaque film mélange les deux approches, celle du professeur et celle de l’interprète.
Arte diffuse en trois soirées une sélection de ces documents audio et vidéo, du 11 au 25 février 2007. Chaque dimanche, Maestro à 19h. Trois concerts et master classes filmés par Andy Sommer, 43 mn chacun, 2005.

Dimanche 11 février 2007

Opus 27/2 « Clair de lune »,
Opus 49/1,
Opus 81a « Les Adieux »
Récital dense qui plonge dans les méandres de la passion Beethovénienne. Selon un rituel présent en préambule à chaque document, Danie Barenboim est conduit en voiture jusqu’à la salle de l’Opéra de Berlin, présente lui-même l’importance artistique des oeuvres concernées, avant de les donner en concert. En l’occurence, s’agissant des sonates du film, il s’agit comme des oeuvres essentielles qui sont la base de notre culture musicale. Comme l’a dit Hans von Bülow, si « Le clavier bien tempéré » de Bach est l’Ancien Testament de la musique, les sonates de Beethoven, sont le Nouveau Testament. Si les formules de ce type nous paraissent aujourd’hui d’un lyrisme radical, il s’agit de comprendre l’appréciation et le statut de la musique de Beethoven, dans l’estime des musiciens. De ce point de vue, rien n’a changé : ses Sonates se placent au panthéon de tout pianiste : leur modernité, leur expérimentation visionnaire ne cessent d’interroger l’esprit des praticiens de la musique et des mélomanes.

Dimanche 18 février 2007

Opus 53 « Waldstein »
Opus 31, sonate n°16 en sol majeur

Il faut ressentir le mystère du début de la Waldstein, accompagner l’intensité lyrique du dernier mouvement de l’opus 111 pour comprendre Beethoven… Après une courte présentation sur le message humain et fraternel des sonates abordées, Barenboim joue la Waldstein. Grâce à la caméra d’Andy Sommer, le regard tourne autour du pianiste, avec plans rapprochés sur son visage et les mains courant sur le clavier. Les options de cadrage sont exemplaires : la salle d’opéra de « l’Unter der Linden » devient le temps de ce récital, un écrin serti pour l’intimité et la confession d’un seul homme… avant de jouer la sonate n°16 opus 31, Daniel Barenboim conseille le jeune David Kadouch dans ses choix d’interprétation. Un bon pédagogue explique et argumente, il s’agit d’informer et d’éduquer. Le professeur vérifie les indications de dynamique, rappelle s’il s’agit d’un forte ou d’un piano. Il accompagne l’apprenti dans ses propres options, quitte à lui démontrer en quoi l’élève fait fausse route.

Dimanche 25 février 2007

Opus 111
Opus 57 « Appassionata »
Il faut reconnaître le courage et le génie du compositeur dans ces intervalles dynamiques : oser accompagner un crescendo jusqu’à son terme, et brusquement enchaîner sur un piano murmuré… Daniel Barenboim rappelle la modernité d’un Beethoven réformateur, créateur totalement subjugant, qui rompt toute la littérature pianistique après Mozart et Haydn. L’interprète assume pleinement l’enjeu des sonates choisies. Il reprend l’articulation des dynamiques, justement dans l’Appassionata avec Lang Lang au cours d’une trop brève master class. La confrontation des deux personnalités est là encore fascinante. Il s’agit moins d’une leçon classique, que de la confrontation de deux points de vue sur une partition capitale. Ce document est un nouveau moment électrisant.

DVD
En février 2007, Emi publie le cycle « Barenboim on Beethoven » en dvd, dans son intégralité.

Crédits photographiques
Daniel Barenboim (DR)

Robert Schumann Orchestre de Paris, Orchestre national de France Paris, du 24 janvier au 10 mai 2007

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2007, année Schumann ? 2006 marquait le 150 ème anniversaire de la disparition du plus grand compositeur romantique allemand. Nous avions à ce titre développé un important dossier sur l’oeuvre de Robert Schumann (en particulier sur son unique opéra, Genoveva, contemporain de Lohengrin de Wagner).
Alors que l’année passée a programmé, assez tièdement, l’auteur de Genoveva ou de Faust, le début 2007 fait naître une envolée schumanienne certes tardive mais des plus enthousiasmantes. Sous la baguette de trois chefs (Janowski, Varga, Masur), deux orchestres, abordent l’oeuvre de Robert Schumann, l’Orchestre de Paris et l’Orchestre national de France. Le second, en résidence au Théâtre des Champs Elysées à Paris, partage avec le premier, les symphonies 1, 3 et 4 (amateurs de comparaison : à vos agendas!), et en complément, offre deux concerts de musique de chambre à 18h. Les deux cycles, hélas, essentiellement parisiens, nous permettent d’évoquer le travail du Schumann symphoniste.

Concerts

Les 24 et 25 janvier 2007

Salle Pleyel à 20h
Manfred
Concerto pour violon et orchestre
Soliste : Thomas Zehetmair, violon
Symphonie n°4 opus 120
Orchestre de Paris,
Marek Janowski, direction

Les 7 et 8 février 2007
Symphonie n°3 opus 97, dite « Rhénane »
Orchestre de Paris,
Gilbert Varga, direction

A partir du 8 février et jusqu’au 16 février 2007

Cycle Robert Schumann
Théâtre des Champs Elysées, Paris
Le 8 février 2007 à 20h
Genoveva, ouverture
Concerto pour piano opus 54
Soliste : Ragna Schirmer, piano
Symphonie n°1 opus 38, dite « Le Printemps »
Orchestre national de France,
Kurt Masur, direction

Le 10 février 2007
à 18h, musique de chambre
Solistes de L’Orchestre national de France (ONF).
A 20h, concert symphonique
Hermann et Dorothée, ouverture op. 136
Ouverture, Scherzo et Final
Konzertstück pour quatre cors et orchestre en fa majeur op. 86
Symphonie n° 2 en ut majeur op. 61
Vincent Léonard, David Guerrier, Philippe Gallien, Jocelyn Willem, cors
Orchestre national de France,
Kurt Masur, direction

Le 15 février 2007 à 20h
Schumann : Manfred, ouverture op. 115
Concerto pour violon et orchestre en ré mineur
Soliste : Leonidas Kavakos, violon
Symphonie n° 3 en mi bémol majeur op. 97 «Rhénane»
Orchestre national de France,
Kurt Masur, direction

Le 16 février 2007
A 18h, concert de musique de chambre
Solistes de l’ONF
A 20h, concert symphonique
Introduction et Allegro appassionato pour piano et orchestre en sol majeur op. 92
Introduction et Allegro de concert pour piano et orchestre en ré mineur op. 134
Concerto pour violoncelle et orchestre en la mineur op. 129
Symphonie n° 4 en ré mineur op. 120
David Fray, piano
Xavier Phillips, violoncelle
Orchestre national de France,
Kurt Masur, direction

Le 10 mai 2007
Symphonie n°1 opus 38, dite « le printemps »
Orchestre de Paris
John Axelrod, direction

Approfondir

Lire notre dossier Robert Schumann
Lire notre dossier le théâtre lyrique de Robert Schumann
Lire notre dossier Schumann symphoniste

Illustrations
Robert Schumann, jeune étudiant (DR)

Robert Schumann en 1839 (DR)

André Messager, L’amour masqué (1923)Opéras de Metz et de ReimsJusqu’au 18 février 2007

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André Messager,
L’amour masqué
(1923)

Opéra-théâtre de Metz
Les 9, 10 et 11 février 2007

Grand théâtre de Reims
Les 17 et 18 février 2007

Personnalité adaptable selon les goûts et les envies des époques, sans pour autant rompre le fil de son évolution propre, André Messager est un compositeur à redécouvrir. Il dirigea la création houleuse à l’Opéra-Comique, de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, en 1902.
A partir de Véronique (1898), puis Monsieur Beaucaire (1918), il démontre un tempérament musical sûr qui se renouvelle totalement, suivant les usages du théâtre de boulevard et de l’opérette, propre à la Belle Epoque. Orchestre de chambre, chanteurs comédiens, sujets délicieusement légers, anecdotiques mais porteurs d’une ironie, plus profonde qu’en apparence. Il est vrai, ainsi, que pour sa nouvelle oeuvre, L’amour masqué, Messager travaille avec Sacha Guitry, roi de la scène théâtrale parisienne avec le tact et l’humour cynique que l’on sait.
C’est Guitry lui-même qui incarne le rôle-titre ; Yvonne Printemps, son épouse, est à ses côtés, dans les airs polissons, taquins façonnés par un Messager complice qui se souvient de Mozart quand Guitry revisite Musset et Marivaux.
Au soir de sa carrière, Messager met son talent au service du genre de la comédie musicale à la française : chic parisien, sujet frivole, mais justesse du goût et finesse dans l’humour. L’Amour masqué atteint un sommet d’unité et de cohérence, c’est l’affirmation du goût d’une époque, celle des Années folles, exprimant l’insouciance et le désir d’oubli et de légèreté, propre à l’Entre-Deux guerres.

Illustration
André Messager (DR)

Carmina BuranaMardi 9 janvier 2007 à 20hBruxelles, Bozar

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Le programme qui est proposé lors de ce concert du 9 janvier 2006 réunit deux des chefs-d’œuvre les plus connus pour grand chœur, solistes et orchestre symphonique.

Au programme : la 9e symphonie de Beethoven et Carmina Burana

Carmina Burana : l’œuvre
Création le 8 juin 1937 à Francfort-sur-le-Main.
Personnages : soprano, ténor, baryton, petits ensembles : 2 ténors, 2 basses, baryton, chœur d’enfants et chœur.

Carl Orff s’inspira de chansons en bas latin et en moyen haut allemand tirées d’un manuscrit datant de 1250 qui fut publié pour la première fois en 1847.

Il fut tellement subjugué par les sonorités de cette poésie qu’il ébaucha une cantate scénique achevée en 1936.

L’œuvre est divisée en cinq sections, elles-mêmes composées de différents mouvements. Les cinq sections sont:

– Fortuna Imperatrix Mundi
– Primo vere
– In Taberna
– Cours d’amours
– Blanziflor et Helena

La structure de l’œuvre est basée sur le concept de la Roue de la fortune.

Ces pièces illustrent tant des scènes religieuses que d’attaques en règle contre la décadence et la corruption du clergé et du pouvoir public. Parallèlement, on y trouve une série de textes qui célèbrent avec parfois beaucoup de sensualité, les plaisirs de la table. Ces derniers passages mirent le régime nazi mal à l’aise mais l’oeuvre parvint à percer en Allemagne et fut considérée par les allemands comme célébrant la race aryenne. En cela, Carl Orff se montrait fidèle à son allégeance sans ambiguité au régime hitlérien. C’est tout autant, comme compositeur officiel du III ème reich, qu’il avait livré en 1936, une oeuvre de commande pour les célébrations des Jeux Olympiques. Après Carmina Burana, Orff composera même à la demande des nazis, en 1939, un nouveau « Songe d’une nuit d’été« , destiné à remplacer la partition de Mendelssohn, interdite depuis 1933, en raisons des origines juives du musicien romantique…


L’ensemble et les solistes
Czech Symphonic Orchestra, Soloists & Choir, Prague sous la direction de Peter Chromczak

Illustration
Otto Dix, Die Skatspieler (Invalides de Guerre Jouant aux Cartes), 1920

Roberto Alagna »Je ne suis pas le fruit du hasard » (Ed. Grasset)Présentation

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Des crises et des scandales, l’opéra en a connu au cours de son histoire. Le dernier avatar d’un genre qui célèbre sa prodigeuse longévité (400 ans en 2007, avec le 24 février 2007, les 400 ans de la création du premier opéra moderne : Orfeo de Claudio Monteverdi) demeure en décembre 2006, l’abandon sur la scène de la Scala de Milan, du ténor français, empêché de poursuivre, quittant les planches en pleine représentation d’Aïda, sous les sifflets d’un public hostile.

Après les éclats fracassants, le temps de la réflexion. Et l’enchaînement des événements, s’agissant du ténor, relève d’une communication qui frise la perfection… Mains posées, en vue, regard direct sans détours : la photo de couverture indique une volonté de mise au point. Les écrits plutôt que la parole ou le chant : le récit autobiographique du ténor Roberto Alagna est une confession sur ses origines et sa famille, sa vie professionnelle, les personnes qui ont compté, ses débuts et aujourd’hui la révélation que rien n’est plus fragile que l’être qui se destine artiste, et plus encore l’attraction exclusive du chant qui dévore les forces et l’énergie de celui qui en est passionné.

Plus qu’une simple narration, évocatrice des choix de vie et de répertoire, le texte du ténor est à l’égal de sa personnalité : entier, déterminé, tranché mais aussi tendre et généreux. Quelques semaines après son « scandaleux » abandon lors de la production d’Aïda à la Scala, en décembre dernier, le livre vient à poing nommé. Il apporte sens et cohérence. Tout en éclairant de nombreux aspects de l’homme et du chanteur, plusieurs chapitres sont des éléments de réponse sans ambiguïté, sur les conditions de son engagement à la Scala. Ils expliquent surtout pourquoi le ténor a décidé de se retirer en pleine représentation sur la scène milanaise.

Approfondir
Lire notre chronique du livre de Roberto Alagna, « Je ne suis pas le fruit du hasard » (Editions Grasset).
Lire notre portrait de Roberto Alagna
Lire notre revue de presse l’affaire Aïda, autour de l’abandon du ténor, le 10 décembre 2006, sur la scène de la Scala de Milan, où il chantait le rôle du général Radamès dans Aïda de Verdi.

Jean-Baptiste Lully Biographie & discographie

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Préambule
Chaque compositeur de génie a marqué souvent un lieu particulier. Soit qu’il ait été sa résidence ou le cadre de sa création, sous la tutelle d’un mécène généreux. Un musicien, un lieu. Chaque musique de la même manière a marqué le goût d’une époque. Dans le cas de Lully né florentin, Versailles est le lieu de son oeuvre. Son legs demeure la tragédie française, l’opéra du Roi, Louis XIV. Cette biographie est parue pour la première fois dans le magazine Goldberg. Le texte a été relu et actualisé en partie, par l’auteur, Alexandre Pham.
© Alexandre Pham pour classiquenews.com

Introduction
Voici un nouveau volet de l’histoire de la musique dont le récit ressuscite une personnalité dans un lieu qu’elle a marqué.
Certes l’éclat de Versailles est né de la volonté d’un roi, Louis XIV, que la jeunesse mortifiée par les outrages de la Fronde a rendu insatiable de pouvoir et de reconnaissance. Premier serviteur de sa gloire, un nom surgit. Celui d’un étranger, italien de surcroît, que l’amitié royale élève jusqu’aux plus hautes fonctions, Jean-Baptiste Lully (1632-1687).
Dans le temple de la royauté française, Lully travaille pour la musique du “plus grand souverain de l’univers”. Versailles incarne dans la carrière du musicien, la réalisation d’une ambition esthétique qui impose l’art français en Europe : assimiler le modèle italien, égaler le théâtre classique légué par Sénèque, illustré par Corneille et Racine, donner à la France au sein de la Cour, la plus fastueuse de l’Europe baroque, un “opéra français ”.
Ce dessein se réalise en 1673 quand naît la tragédie lyrique. Mais la création musicale à Versailles illustre aussi une autre alliance propice, celle de l’art et du pouvoir.
A l’exemple des antiques, Périclès, Alexandre, Auguste et Hadrien, Louis-Le-Grand élabore pour sa propagande et son plaisir, une politique féconde où, à la Chapelle, à la Chambre, à l’Ecurie, dans les bosquets et le parc, véritable opéra de verdure, la musique favorisée, construit le mythe de Versailles.

Lulli avant Lully
Rien ne laisse présager la fulgurante ascension du florentin Giovanni Battista Lulli au moment de son arrivée à Paris en 1646. Le jeune violoniste n’a que quatorze ans. Sa présence souligne la place des italiens à la Cour. Elle est conforme au goût du cardinal Mazarin qui révèle en France, l’art italien. Ramené de Florence par le chevalier de Guise, le petit Lulli est “garçon de chambre” auprès de la Grande Mademoiselle, duchesse de Montpensier, qui aime converser en italien. Bientôt Lulli devient “grand baladin” de la duchesse. Pendant la Fronde, la princesse ralliée à Condé depuis 1651, dirige les canons de la Bastille contre les troupes royales. Le Roi punit l’insolence des Grands et La Montpensier est exilée à Saint-Fargeau. Lulli quitte un navire condamné. Il paraît déjà dans l’entourage de Mazarin, de retour à Paris en février 1653. L’affirmation du raffinement italien marque le rétablissement de l’ordre monarchique, de la Reine Anne d’Autriche, du Cardinal et du jeune Louis XIV.

Lulli est propulsé. Ses talents pour la danse séduisent un autre danseur passionné, le jeune roi. Tous deux figurent, côte à côte, dans le ballet royal de la nuict, le 23 février 1653 où Louis paraît en soleil triomphant, vainqueur des frondeurs et de la guerre civile. La faveur royale se précise. Lulli succède à Lazzarini au poste de “compositeur pour la musique instrumentale”. Il rejoint les Vingt-Quatre violons du Roi mais il obtient du souverain de fonder son propre orchestre, les Petits Violons ou la Petite Bande. De 1654 à 1666, Lulli dirige son orchestre dont la renommée gagne l’Europe. L’année 1654 est emblématique de son activité : le ballet des proverbes, en février, Les Noces de Pellée et de Thétis, en avril, le ballet du temps en novembre. De 1653 à 1655, le baladin met en musique les vers du poète Benserade. Pour Louis XIV, Lulli est un compagnon de jeu et l’ordonnateur de ses plaisirs. Jeunesse de prince, source de belle fortune écrit La Bruyère. Désormais la carrière du musicien est liée à l’ascension du Roi.

Lulli devient Lully
La place du musicien grandit. L’œuvre de Mazarin a porté ses fruits. Le cardinal est très amateur de musique. Avant Paris, il a participé, à Rome, à l’éclosion de l’opéra romain en organisant les spectacles de musique pour son protecteur, le cardinal Antonio Barberini. Mazarin veut importer le luxe italien à Paris. Par sa volonté, l’Italie s’implante en France. La présence de Lulli s’inscrit dans ce courant. Dès 1645, le Cardinal commande à Paris, La Finta Pazza de Sacrati. La magie de la musique italienne et les décors du magicien Torelli, captivent. L’Orfeo de Luigi Rossi renouvelle l’expérience l’année suivante quand Lulli arrive à Paris. Le faste des productions contribue à l’impopularité de Mazarin. Les mazarinades, pamphlets contre le politique, citent la trop riche dépense du “grand faiseur de machines”. En définitive, Lulli réalise le projet de Mazarin mais après la mort de ce dernier.

Très vite, Lulli œuvre pour sa position. Ses ballets intégrés aux opéras du vénitien Francesco Cavalli, assurent sa réussite. C’est d’abord, Serse, représenté à la demande de Mazarin, devant la Cour, pour le mariage de Louis XIV, au Louvre, le 22 novembre 1660. Les danses de Lulli se détachent et l’imposent comme un compositeur français. Verve, tempérament scénique, intelligence des situations confirment le talent de Lulli que le Roi nomme en mai 1661, “Surintendant et compositeur de la Chambre”. Le compositeur s’élève à mesure que le danseur s’efface. En décembre 1661, Lulli obtient ses lettres de naturalisation. Il épouse le 24 février 1662 à Saint-Eustache, Madeleine Lambert, fille de Michel Lambert, maître de musique de la Chambre, célèbre auteur d’airs de cour.

Ainsi au début des années 1660, lorsque, après la mort de Mazarin (1661), le jeune Louis XIV prend le pouvoir, l’ambition du musicien se dessine : Lulli meurt afin que naisse Lully.

Seconde habileté, Lully “le Français” favorise le retour définitif de Cavalli, l’Italien, à Venise. L’opéra de ce dernier, Ercole Amante joué le 7 février 1662 devant la Cour est un échec. Les six heures de musique italienne où sont intercalés les ballets de Lully pâtissent des machineries trop bruyantes. Mais les ballets ont séduit. Cavalli quitte Paris. Lully triomphe.

Son succès suscite la jalousie des écrivains et des hommes de théâtre. La Fontaine, Boileau, Bossuet sont irrités par ce jeune ambitieux opportuniste que l’amitié du Roi protège. L’affection du souverain va grandissante. Les tragédies de Lully lui vaudront bientôt l’obtention de ses lettres de noblesse et son titre de conseiller-secrétaire du Roi en 1680. La position que lui permet le Souverain, inaugure un statut inconnu avant lui. Elle témoigne de la reconnaissance d’un musicien dans son temps.

Un lieu, un musicien

Si Louis XIV a créé Versailles sur le thème des plaisirs, la Cour ne dispose pas d’une salle de théâtre digne de son éclat. De plus, la création d’un opéra français est tardive dans le siècle. La première tragédie de Lully est créée en 1673 quand l’opéra vénitien a inauguré son théâtre public payant depuis 1637.

En France, les autres arts bénéficient de structures déjà anciennes. Richelieu a créé l’Académie française dès 1634, Mazarin, l’Académie de peinture en 1648. Il faut attendre 1669 pour que naisse une Académie de musique. L’école de peinture est florissante dès le règne de Louis XIII. Sous l’impulsion de Mazarin, de nombreuses sensibilités talentueuses attestent de la diversité de la maturité française : Jacques Stella, Laurent de La Hyre, Lubin Baugin, Eustache Le Sueur, Sébastien Bourdon. Le cas de la musique est tout à fait différent.

L’Italie —berceau des arts depuis l’Antiquité romaine, statut renforcé pendant la Renaissance— a fécondé la France du Grand Siècle. Dans le cas du théâtre lyrique, avant la naissance et l’éclosion d’un style original, un temps d’apprentissage et d’assimilation est nécessaire. La musique s’impose peu à peu grâce au ballet de cour. Sur la danse puis la comédie, elle étend son empire et deviendra tragédie. Lully, de naissance italienne, réalise le projet d’un opéra français.

A Versailles, la difficulté de construire un théâtre d’opéra est l’écho de ce constat. Si les fondations d’une salle de ballets et d’opéra sont amorcées dès 1688, à l’extrémité de l’aile du nord, les guerres et les difficultés de la fin du règne font avorter les plans. Les conditions du spectacle à Versailles sont particulières. Quand les représentations n’investissent pas, à la belle saison, les sites de plein-air —les façades du château ou le cadre des jardins—, le Roi s’accommode d’un “modeste” petit théâtre ou salle des comédies.

Versailles est d’abord le lieu de séjours de plus en plus enchanteurs du jeune souverain. Dès octobre 1663, Louis et sa suite s’installent au château pour y chasser. La troupe de Molière donne ses pièces, le Prince jaloux, L’école des Maris, les Fâcheux, l’Impromptu de Versailles et Sertorius de Corneille. C’est un lieu de villégiature, cynégétique et théâtral où la musique n’a pas encore sa place. Il abrite les amours royales, celles du Roi et de Mademoiselle de la Vallière.

Lully et Molière

De 1662 à 1663, les ailes des Communs (écuries et cuisines) sont rebâties. Une première orangerie, l’amorce du dessin des jardins, élaborés par Le Nôtre, occupent les équipes d’ouvriers. Versailles est un chantier étendu aux transformations continuelles. Lully et Molière qui se sont rencontrés dès 1661, pour la comédie Les Fâcheux, représentée à Vaux, commencent une collaboration fructueuse. Pour “Les plaisirs de l’Ile Enchantée”, premier grand divertissement de Versailles, donné à l’été 1664, ils réalisent Le Mariage forcé et La Princesse d’Elide. “Les deux grands Baptistes” font danser, rire et rêver la Cour de France. Tout œuvre à faire du parc, un lieu propre à l’amour et à la fête dont le sujet s’adresse secrètement à l’aimée, Mademoiselle de La Vallière, celle qui, l’année précédente avait inspiré au Roi, sa première escapade versaillaise. La magie règne.

Carlo Vigarani élabore les décors de ce superbe “opéra chevaleresque” où Roger et les chevaliers sont prisonniers des enchantements de la belle Alcine. Désormais Molière et Lully conçoivent les divertissements royaux. En 1665, c’est L’Amour Médecin. Parallèlement Lully produit l’ensemble des ballets du Roi auxquels participent Beauchamps pour la chorégraphie et Vigarani pour décors et machineries : ballet de la naissance de Vénus (janvier 1665, Palais-Royal), ballet de Créquy ou le triomphe de Bacchus dans les Indes (janvier 1666). Après le deuil de la Cour qui suit la mort d’Anne d’Autriche, Lully créée à Saint-Germain, le ballet des muses, mi-ballet, mi-comédie-ballet où s’intègre une pastorale comique, nouveau genre inauguré en 1654 par de Beys et La Guerre.

1668 indique la deuxième tranche des grands travaux. Le corps central se pare d’une “enveloppe de pierre” : c’est le Château Neuf. La façade sur les jardins déploie élégance et unité minérale, selon le dessein de Le Vau : trois étages rythment l’élévation, un rez-de-chaussée à bossages, aux lignes horizontales marquées, un étage noble haut sous plafond réservé aux Grands Appartements, celui du Roi et de la Reine, enfin un attique ou dernier étage dont la balustrade dissimule les toitures, selon le modèle antique. Une large terrasse dont le vide central engendre ombre et lumière, s’inspire de l’architecture baroque italienne.

A cet essor de l’architecture correspond un ambitieux projet musical qui veut célébrer la Paix d’Aix-la-Chapelle signée en mai 1668. Lully prépare le “grand divertissement de Versailles” dont l’œuvre maîtresse est la comédie-ballet Georges Dandin. Félibien admire dans la pastorale, “un puissant crescendo final” qui réunit plus de cent exécutants. La Grotte de Versailles indique aussi le rôle de plus en plus important de la musique : plusieurs symphonies rustiques voire imitatives (évocation du chant des rossignols), premier schéma de musique récitative, contrepartie française de l’opéra italien, confirment la maturité de Lully.

1669 précise cette orientation personnelle : le ballet de Flore dansé par le Roi est la dernière chorégraphie que Lully écrit avec le poète Benserade. L’œuvre est une ébauche d’opéra. Lully semble préoccupé par la création d’un véritable drame musical. L’expérience des ballets et des comédies-ballets avec Molière, lui apportent la maîtrise des éléments constitutifs du futur opéra français : danse et tension dramatique. Mais Perrin prend la place. Il obtient le 28 juin 1669, le privilège d’une Académie d’opéra, grâce à l’appui de Colbert. Monsieur de Pourceaugnac (octobre 1669) précise la primauté de la musique. La “musicalisation” des comédies-ballets s’affirme avec Les Amants Magnifiques (février 1670) et Le Bourgeois Gentilhomme (octobre 1670), turquerie délirante où Lully devenu Chiaccheron tient le rôle du Mufti dans la célèbre cérémonie turque. La musique revendique un rôle moteur au sein d’un spectacle où l’action est encore essentiellement parlée.

L’obtention du privilège de Perrin et l’évolution de Lully correspondent dans l’histoire de la musique française à la nécessité de produire un opéra national, c’est à dire un drame continûment chanté en français. Psyché, représentée aux Tuileries le 17 janvier 1671, est une tragédie-ballet conçue par Molière et Corneille dont Lully fait un opéra. L’œuvre comprend déjà prologue, symphonies, ample conclusion instrumentale. Ses transformations s’achèveront de façon symbolique quand en 1678, fidèle à ses intentions dramatiques, Lully reprend l’œuvre de 1671 et en fait, sept ans plus tard, une tragédie lyrique. Les spectacles d’opéras en français connaissent leurs premiers succès. L’activité de Perrin se précise avec le triomphe de sa Pomone, présentée au Jeu de paume de la rue Mazarine, le 3 mars 1671. Le théâtre de Lully est encore imparfait. Il n’a proposé jusque là qu’un spectacle hétéroclite où, contrairement à l’opéra italien, parlé et chanté ne sont pas fusionnés. En vérité, la musique ne fait pas corps avec le poème dramatique, elle l’ornemente et n’apparaît sous forme d’intermèdes dansés qu’au moment où elle a sa place, comme un épisode. Il importe à Lully d’élaborer un nouveau langage musical où le chant portant l’action, accordent poésie et musique.

Lully et Quinault, un opéra français

Le succès de Pomone favorise une série de créations d’opéras français à Versailles : les Amours de Diane & Endymion de Sablières et les Amours du soleil de Marais puis en 1672, les Amours de Bacchus et Ariane de Donneau de Visé. Des événements imprévus placent Lully. De graves malversations financières dues à ses associés, obligent Perrin à quitter ses fonctions de directeur de l’Académie d’opéra. Il est même emprisonné à la Conciergerie (août 1671). Lully lui fait une offre : le rachat de son privilège contre pension. Perrin accepte. Mais Colbert s’oppose. Finalement, c’est du Roi que Lully obtient son privilège. Le 13 mars 1672, Louis XIV accorde au musicien des lettres patentes qui permettent à Lully de créer une “Académie royale de musique” avec la condition exorbitante “de faire chanter aucune pièce entière en musique soit en vers français ou autres langues, sans sa permission, à peine de 10.000 livres d’amande”. S’agissant de la musique théâtrale, Lully dispose désormais d’un monopole.

La nouvelle Académie ouvre ses portes, rue de Vaugirard avant le 26 novembre. Lully a constitué avec Carlo Vigarani, une société d’exploitation à parts égales. Après la première de Cadmus et Hermione, le 27 avril 1673, en présence du Roi, Lully obtient du souverain une ordonnance lui permettant sans obligation de loyer, la représentation de ses ouvrages dans la salle du Palais-Royal, berceau du théâtre où jouait la troupe de Molière, qui vient de mourir le 17 février pendant la première du Malade Imaginaire.

Représenté à Paris dans une salle réservée, le théâtre de Lully s’inscrit aussi dans l’histoire de Versailles. Après les fêtes de 1664 puis celles de 1668 qui se déployaient dans les jardins de Le Nôtre, le bâtiment s’affirme comme le cadre des représentations, tel un décor naturel. L’adéquation de la musique au lieu se cristallise en 1674, avec la représentation d’Alceste : la cour de marbre, cabinet minéral, par ses panneaux de briques et ses chaînages de pierre, véritable ébénisterie monumentale, ses dorures, son décor sculpté comprenant bustes et statues à l’antique, constituent un écrin idéal, édifié pour le spectacle. Ce comble esthétique contient la poésie lyrique de Lully. D’ailleurs la genèse d‘Alceste est liée au château : toutes les répétitions y sont exécutées. Madame de Sévigné, admiratrice de Lully, a laissé des témoignages éloquents sur les séances auxquelles le Roi participe. Le Pautre a gravé le souvenir d’Alceste dans la cour de marbre de Versailles. Il représente l’orchestre de Lully. Pour le continuo, pas de clavecin mais une trentaine de luths. D’une manière générale, les basses sont privilégiées, le dessus est un petit effectif très coloré. L’orchestre français sonne plus grave que l’italien : la tenue des violons est emblématique. Comme le souhaite Lully, le jeu des violons n’est pas sous le menton mais à l’épaule ce qui interdit les notes aiguës.

La période de maturité, après Atys représenté en 1676, indique dans l’écriture le souci d’une plus grande efficacité dramatique. Elle se dévoile au moment de la troisième tranche des grands travaux lancés en 1678. La terrasse à l’italienne de Le Vau est comblée par la galerie des glaces, prestigieux couloir de circulation qui réunit l’appartement du Roi et celui de la Reine. Le décor peint de Lebrun, comme les prologues des tragédies de Lully, célèbre les victoires du Roi : guerre contre l’Espagne, Aix-La-Chapelle, conquête de la Hollande, prise de Gand. Le chantier s’étend encore avec le début des travaux de l’aile du midi, achevée en 1682. C’est l’année où Louis XIV fixe le siège du gouvernement et la Cour, à Versailles. L’aile du midi doit loger la foule des courtisans et le personnel attaché au service du Souverain. Hardouin Mansart est l’architecte de ce Grand Versailles, résidence permanente du monarque. Persée, nouvel opéra de Lully représenté sur un théâtre provisoire dans le manège de la Grande Ecurie, en juillet 1682, célèbre par l’ambition et la magie de ses décors, l’extension du château et la nouvelle affectation que le roi a ordonné.

Plus tard, Roland, est représenté en janvier puis février 1685, dans les mêmes conditions, quand est détruite la grotte de Thétys afin de construire le dernier membre qui donne à Versailles sa symétrie, l’aile du nord.

Versailles est l’écrin du spectacle. Sans posséder de théâtre à la mesure de l’activité musicale, le château est un lieu permanent de création. Louis ne décide-t-il pas du sujet de Psyché et des Amants magnifiques ? N’a-t-il pas suggéré Amadis en 1683, Roland en 1684, Armide en 1685? Aucun autre lieu n’exprime mieux que Versailles, le goût et la sensibilité d’une époque. Le château a favorisé l’essor de la musique en général, de la tragédie lyrique en particulier.

La tragédie lyrique

La difficulté de créer un opéra français n’est pas tant d’accorder théâtre et musique, ballets et machineries, chant et chœurs que d’adapter la musique à la langue de Racine, à son articulation spécifique afin que par la musique, le texte soit intelligible et l’action s‘accomplisse. Jamais ne s’est posée avant Lully, avec autant d’acuité, la question d’une œuvre esthétique complète, littéraire, linguistique et musicale. Non seulement Lully réussit cette délicate alliance grâce à Quinault, son librettiste, mais il élève le théâtre en musique au rang d’art noble. Ambition permise grâce à sa position à la Cour. Autoritaire voire irascible, il ne néglige rien à ce projet. Dans sa forme, la tragédie lyrique débute par une ouverture puis un prologue suivi de cinq actes. D’où vient-elle et quels sont ses caractères?

Lully puise à plusieurs sources. Son théâtre est un ensemble cohérent composé d’éléments hétéroclites. L’apport du théâtre parlé classique, de la tradition du ballet de cour est essentiel. Les innovations de Lully et de Quinault concernent un récitatif français, un type d’ouverture “versaillaise”, l’utilisation des chœurs et l’affection pour l’illusion scénique, l’enchantement et la magie des effets de scène.

Le théâtre classique est sur le plan littéraire et dramatique, un modèle. A partir de l’effet visuel des tragédies à machines, dont Andromède de Corneille (1650) est un remarquable exemple, Lully cède une place importante à la “mécanique”. Elle favorise illusion et onirisme. En outre, le théâtre offre un exemple de déclamation littéraire. Jusqu’à Lully, le théâtre occupe le sommet de la hiérarchie des arts de la scène. Il perd sa position exclusive avec la naissance de la tragédie en musique.

Dans les tragédies de Lully, un élément fondamental, lié à l’essor des machineries, se renforce, le merveilleux. Il distingue théâtre de Lully et théâtre de Racine.

L’imagination des décorateurs contribue à la richesse du spectacle. Comme son père Gaspare, Carlo Vigarini (1623-1713) a travaillé avec Lully et Molière pour les fêtes de Versailles, en 1664, 1668 et 1674. Il collabore avec Lully jusqu’en 1680 quand Jean Bérain, nommé pour décors, costumes et machines de Proserpine, met en scène une irruption de l’Etna. Dans Phaëton, outre la scène finale de la chute, Berain émerveille quand il imagine Neptune surgissant des flots.

Par ailleurs, la tragédie de Lully se complaît plus que Corneille, à peindre et exprimer l’horreur des situations extrêmes : mort, tempêtes, cris, gémissements. Il assimile le théâtre de Sénèque, auteur des tragédies sanglantes. L’action dispense sa vertu purgative. Le théâtre assure sa fonction cathartique dans l’exaltation des sentiments ultimes.

Atys illustre la progression spécifique du théâtre illusionniste de Lully et Quinault. Son sujet est une intrigue galante et amoureuse qui suscite par le jeu des choix poétiques un renversement du sentimentalisme au tragique où le merveilleux favorise la métamorphose du héros. La musique de Lully pénètre dans l’indicible, le rêve, le caché. Cybèle éprise d’Atys profite du sommeil du jeune homme pour exercer magie et envoûtements. L’évocation du sommeil est une remarquable page instrumentale. Passage du réel à l’irréel, il œuvre pour que l’enchantement enfante horreur et cauchemar. Au terme d’une tension ininterrompue canalisée par l’écriture musicale et le rythme des vers —courts, précipités, fulgurants—, le sujet sombre dans l’effroi tragique : Atys est fou, il tue celle qu’il aime —Sangaride, rivale de Cybèle—, puis se tue lui-même après avoir réalisé l’horreur de son crime.

Armide aussi souligne la place de l’enchantement, comme sujet principal. En choisissant pour héroïne, une magicienne, Lully nous rappelle ce qui distingue la tragédie lyrique du théâtre classique dont elle provient. Si le canon cornélien préconise unité de temps, de lieu et d’action, vraisemblance, héroïsme voire idéalisme sentimental —la nature décrite n’est pas ce qu’elle est mais ce qu’elle doit être—, si le théâtre de Racine est façonné sur la tranchante acuité du réalisme lequel dévoile le feu des passions et des désirs cachés, Lully innove. Il est soucieux de perfection et d’originalité et préfère changements incessants de cadres et de tableaux. Tout favorise le merveilleux, le spectaculaire, la magie qui commandent des effets de machineries de plus en plus ambitieux. Le mouvement de la scène convoque d’autres déplacements, ceux des danseurs.

Ainsi Lully intègre le ballet, propre à la tradition française du loisir de cour. Chaque acte comprend en général un divertissement, tableau spectaculaire qui accorde danses et chœurs. Le ballet est par définition ce que ne peut accomplir le théâtre. En cela, l’opéra conquiert une spécificité indiscutable. La danse marque la sublimation nécessaire à la purgation des passions. Détente, apothéose, le divertissement s’inscrit lorsque l’accomplissement du sujet nécessite une pause contemplative. Par la fascination des corps en mouvement, l’opéra produit sa propre magie. Le divertissement cite l’essence du ballet français dont découle l’opéra de Lully : la solennité, la grâce, la théâtralisation du mouvement. Depuis le ballet comique de la Reyne (1581), la France des Valois et des Bourbons danse. Louis XIII compose (ballet de la Merlaison, créé à Chantilly le 15 mars 1635). Louis XIV danse et paraît costumé. Le théâtre français est le plus visuel d’Europe : costumes, décors, machineries, ballets et chorégraphies, tout est bâti sur le mouvement et les déplacements minutieusement codifiés.

Sur le plan musical, l’ouverture dit la magnificence du style français, la pompe et la grandeur versaillaise. Lully élabore un type d’ouverture à la française sur le schéma lent-vif-lent quand l’Italie préfère la succession tripartite inverse, vif-lent-vif. Voilà des caractères nettement marqués. Ses élèves Sigismond Cousser, Georges Muffat et Jean Fischer diffusent l’ouverture française en Allemagne. L’orchestre de Lully est célèbre pour sa tenue d’archet impeccable, ses rythmes précis qui éclairent la masse sonore, écrite à cinq parties.

Sur le plan vocal, le compositeur réintroduit les chœurs qui avaient presque disparu du théâtre vénitien et qui caractérisaient l’opéra romain. Contre l’avis de Corneille, il est question de démontrer qu’un groupe de chanteurs, selon le modèle du théâtre antique, peut articuler un texte. Que la quantité n’exclue pas la précision. Son écriture suit un rythme syllabique respectueux de la compréhension des vers. Lully les utilise en général à la fin des actes pour les grands ensembles de triomphe, à l’apparition des dieux, aux dénouements, quand ils s’accordent avec la danse : ils sont trois dans Psyché, vingt-sept dans Proserpine. Le chœur souligne les accents majeurs de l’action : sacrifice de Bellerophon, combat de Thésée, folie meurtrière d’Atys et meurtre de Sangaride, pompe funèbre d’Alceste, cris de la terre brûlée et chute de Phaëton.

L’invention de Lully dont la musique veut égaler la poésie du théâtre classique, se réalise dans la création d’un récitatif à la française, simple ou accompagné. La musique s’adapte à la prosodie de la langue. Le récitatif est le corps stable et continu du drame, c’est pourquoi il en est l’élément le plus soigné. Il exprime l’action en marche. Celle-ci s’épanouit grâce à lui. A l’inverse de l’opéra italien où il va s’asséchant au profit de la vocalità expressive de l’aria, le récitatif français est une composante essentielle de l’expression lyrique, la césure air/récitatif qui a cours en Italie, n’existe pas.

Le récitatif de Lully est régulier et continu, noble et tranquille. L’opéra français ne partage pas avec l’opéra italien, la passion des ornements lyriques et mélodiques du bel canto italien. Il préfère une accentuation naturelle et lisible qui préserve l’intelligibilité du poème. On sait l’exigence de Lully sur le choix des vers finaux. Quinault de bonne grâce adapte, reprend, coupe : ses vers sont rythmés et diversifiés, plutôt accentués. En accord avec le Roi et l’Académie, Lully et son librettiste affinent. Permanent, le récitatif exprime le poème sans s’interrompre. Les airs sont fondus dans ce continuum. Mais si Lully comprend que l’alexandrin n’est pas idéal à un traitement musical —c’est pourquoi il apparaît comme une exception—, il s’inspire directement de sa déclamation, en particulier du théâtre de Racine où la projection du texte s’apparente au chant. Contrairement au théâtre parlé, les vers mis en musique sont courts. La mélodie du récitatif suit rythme et intonation des paroles. Et son adaptation à la musique découle de la déclamation théâtrale. Aux côtés de Thésée, Armide éclaire les caractères de cette déclamation chantante accentuée. Les récitatifs “Enfin, il est en ma puissance” (Acte II, scène 5), “le perfide Renaud me fuit” (acte V, scène V) sont des modèles de concision et de justesse expressive.

Par ailleurs, Lully introduit le récitatif accompagné par l’orchestre (récitatif obligé), formule privilégiée dans l’acte V d’Armide et dans l’acte II d’Acis et Galatée, pastorale héroïque qui est sa dernière partition achevée.

Chez Lully, l’air découle du récitatif et la limite entre les deux formes est ténue. Les airs sont de deux sortes : l’air maxime, d’une part, illustrant de la voix d’un personnage comique ou secondaire, une maxime psychologique, pratique et amoureuse, une sagesse populaire pénétrante par son cynisme. Le tout Paris reprend et chante les chansons faciles à mémoriser de monsieur Lully. Le grand air dramatique d’autre part, qui au moment clé de l’histoire stigmatise un paroxysme dans l’illustration des passions. L’air en rondeau est le plus employé. Déclamation de la langue (récitatif, air, chœurs) et danse constituent les caractères de l’opéra français. Ils expriment la “différence française”.

Fortune critique de la tragédie lyrique

Notre sensibilité contemporaine pourra-t-elle rétablir les qualités du duo Lully/Quinault, rare exemple de collaboration féconde ? La construction du drame lullyste est sujet à maints débats. Après la représentation d’Alceste à Versailles, l’écrivain Charles Perrault prend la défense du spectacle. En comparant le sujet hérité du théâtre antique et les éléments qu’y apportent Lully et Quinault, il démontre la supériorité des modernes sur les anciens .

Pourtant, si Lully réussit à élever la tragédie en musique au même degré que le théâtre parlé, son œuvre, de 1673 à la Révolution, ne cesse d’être comparée au théâtre et dépréciée par rapport à ce dernier. On lui refuse le statut d’art poétique et littéraire. Quand la musique “passe”, les insuffisances du livret sont systématiquement épinglées. Les vers de Quinault sont “pauvres”, “indignes” d’exprimer la grandeur des sujets héroïques. On doit reconnaître aujourd’hui la valeur du librettiste, la qualité de ses vers qui sont parfaits pour être mis en musique: brefs, rythmés, imagés, expressifs.

Au XVIIIème siècle, la tragédie lyrique fixée par Lully suscite de vives critiques pendant la Querelle des Bouffons (1753). Si elles opposent les anciens aux modernes, elles ravivent aussi la rivalité des styles italiens et français.

La fraîcheur domestique du buffa napolitain renverse le statut de la tragédie lyrique incarnée après Lully par Rameau. Monstrueux par ses dérèglements décoratifs, ses protubérances mécaniques, ses sujets poussiéreux tirés d’une mythologie usée, le genre subit les évolutions du goût comme la peinture officielle. A l’armure des héros, on préfère le tablier des soubrettes. Armide est un modèle vivement contesté. D’un côté, Jean-Jacques Rousseau adversaire de l’opéra français fustige un genre grandiloquent et démodé (Lettre sur la musique, 1753). De l’autre, Rameau, disciple de Lully, écrit sa réponse en 1754 dans l’Observation sur notre instinct pour la musique. Rien ne peut dépasser les sublimes récitatifs de Lully : puissance intelligible, dignité, éloquence des vers déclamés, pureté de la construction, progression et lisibilité du sentiment. Avec la Régence, le goût s’incline devant les sujets familiers du plein air, de la pastorale, des ballets, comme l’indique le succès d’un nouveau spectacle lyrique, florissant depuis, l’opéra-ballet. Décalée, la tragédie lyrique hors de son contexte versaillais semble une survivance désuète et passéiste de l’ordre monarchique. Pourtant jamais aucun autre opéra que ceux de Lully et de Rameau, ne connaîtront autant de reprises et de succès.

La fin

Quand s’affirme dans le cœur du Roi, l’ascendant de madame de Maintenon qui rappelle au monarque ses devoirs d’époux et de chrétien, la position de Lully faiblit. La nouvelle compagne royale —que Louis XIV épouse secrètement en 1683— ne goûte pas le faste, les fêtes ni la musique quand elles ne servent pas d’intentions spirituelles. Le grand projet de cette année est le concours pour le recrutement de la Chapelle. Il n’est plus question de théâtre mais de piété.

En 1686, Paris applaudit Armide quand madame de Maintenon fonde Saint-Cyr, institution charitable destinée à l’éducation des jeunes filles pauvres de la noblesse. Si la Cour boude les joies du spectacle, la Ville réserve un accueil triomphal aux ouvrages de Lully. Après Armide, Quinault quitte Lully. Le poète renonce au théâtre pour se consacrer à la rédaction d’un texte sur l’Extinction de l’hérésie.

Les mœurs du musicien conspirent contre lui : plusieurs maîtresses dont Fanchon Moreau, la sublime Scylla d’Acis, ne l’empêchent pas d’honorer son épouse dont il a six enfants. L’éventail de ses conquêtes manque de provoquer un scandale lorsque Brunet, jeune page de la Chapelle, est compromis. Louis intervient, sermonne. La tempête se calme.

Mais Lully ne semble plus avoir sa place chez le Roi. Aussi lorsque le Duc de Vendôme, en septembre 1686, convoque Lully pour donner un spectacle à Anet, en l’honneur du Grand Dauphin, le musicien accepte. La troupe du Surintendant donne Acis et Galatée. Le nouvel ouvrage s’adapte au lieu de sa création, moins solennel qu’à Versailles ou qu’à Paris. Ici, un prologue et trois actes composent une pastorale héroïque. La dernière œuvre de Lully, tout en recueillant les fruits de l’expérience versaillaise, approfondit les caractères d’Armide. Elle apporte une conclusion visionnaire. Lully confirme la place de l’orchestre qui tisse une somptueuse parure poétique. Le chant des instruments est dominant : divertissements au Prologue et au I, chaconne au II. L’acte III est une suite quasi ininterrompue de récitatifs accompagnés : ample déploration de Galatée (III, 7), abandonnée, solitaire, prenant le deuil d’Acis, puis la prodigieuse Passacaille, poème pastoral où les chœurs des divinités aquatiques se joignent à Neptune et aux naïades et chantent métamorphose et résurrection d’Acis. La subtile texture orchestrale exprime les oscillations des flots qui confèrent à l’évocation de la nature, sa coloration aquatique. Allégorie liquide, la partition indique le dernier style de Lully. Sa fluidité poétique et formelle dit l’imaginaire et cet éloignement onirique voire nostalgique du Grand Siècle. Lyrisme, poésie, rêverie.

Le 8 janvier 1687, pour célébrer la guérison du Roi, Lully donne à ses frais, un Te Deum, aux Feuillants de la rue Saint-honoré. Le Surintendant indique la mesure avec une canne mais un mouvement du bras déplace la pointe du bâton sur le pied. Plaie. Mauvais soins. En quelques jours la gangrène emporte la jambe. Lully s’éteint le 22 mars 1687.

Après sa mort, son œuvre continue de séduire

Elle est reprise et suscite des relectures telle l’Amadis des Gaules de Johann-Christian Bach qui témoigne à la fin du XVIIIème siècle (1778) de l’actualité du modèle lullyste. Le livret est inspiré de l’Amadis de Lully et Quinault (1686) et le plan reprend celui d’Acis : une ouverture et trois actes mais sans prologue. Qu’on le veuille ou non, Lully a conçu l’opéra français avec grâce, intelligence, originalité, opérant par synthèse et par intuition. De son exemple se réclament Rameau puis Gluck. Dès son vivant, ses œuvres sont données dans toute l’Europe, et son style, considéré comme l’emblème du goût français. En Allemagne, Reinhard Keiser —dans Adonis— recueille les enseignements de son action théâtrale, transmis par Cousser. En Angleterre, Charles II est un admirateur zélé. Il envoie à Paris, Pelham Humphry qui transmet à Purcell, l’art du français. Enfin, Thésée est joué dès 1682 à La Haye comme en témoigne la correspondance de Christian Huygens.

La musique de Lully a constitué la quintessence du style français au moment de son apogée. Elle manifeste la maturité de la France, la vérité poétique et solennelle du Grand Siècle. Si le théâtre de Lully, conçu pour Louis XIV, perd avec l’avènement de La Régence, son actualité, la tragédie lyrique perdure en tant que modèle, parfaite illustration du grand spectacle, par la magie des machines et de son foisonnement visuel, par la dignité de ses sujets puisant dans l’Histoire noble, dans ses danses et ses ballets, son accomplissement scénique et vocal qui fusionne poésie et musique. Elle est à l’honneur tant que dure l’ordre monarchique lié au règne des Bourbons.

Dans l’histoire de Versailles, Lully a réalisé le rêve de Louis XIV. Ses divertissements, ses comédies-ballets, ses tragédies ont donné au château ses heures les plus enchanteresses avant que la piété de madame de Maintenon, les deuils, la fin du règne, presque honteuse, marquée par de cuisantes défaites, ne répandent à Versailles l’austérité et la contrition. Contre ses détracteurs qui la trouvent répétitive et compassée, décorative et flatteuse, reconnaissons-lui sa singularité : sa profondeur est à la surface et la densité de ses accents dansés et chantés produit le rythme de sa magie.

Discographie

1. Armide
Philippe Herreweghe, Chapelle Royale , Collegium Vocale Gent
Guillemette Laurens, Howard Crook
Harmonia Mundi 901456.57
1992 – 2h36mn
Cinq ans après Atys, Armide grâce à la sensibilité de Philippe Herreweghe est l’objet d’un accomplissement rare. Depuis Cadmus (1673), Lully travaille la déclamation chantée dont le meilleur exemple ici est dans les nombreuses langueurs qui étreignent le cour d’Armide, le célèbre « Enfin il est en ma puissance » (II,4), modèle de l’art lullyste, cité par Rameau pendant la Querelle des Bouffons (1753). Voici la seconde approche de l’ouvrage par le chef flamand. La lisibilité de la progression dramatique est assurée par la définition d’un orchestre, précis, fascinant, véritable acteur. Outre Acis (passacaille finale), ouvrage ultime, aucune ouvre à part Armide, n’exprime à ce degré, l’émotivité instrumentale de Lully. Tous les airs dramatiques sont précédés d’un prélude, accompagnés par un flot poétique, rugissant ou murmuré, d’un orchestre aux sonorités somptueuses. La direction est fine, légère, nuancée. Voilà qui révise l’idée d’un Lully mécanique, répétitif, froid, académique. Herreweghe éclaire la construction poétique du drame, ses tensions croissantes, ses colorations souterraines, ses pointes et ses détentes (envoûtants actes IV et V). La tragédie produit ses vertus : exaspération puis soulagement, exaltation salvatrice des esprits. Armide est un opéra réaliste. La musique dit l’impuissance de la magicienne dont les charmes et astuces n’empêchent pas que parte l’aimé. L’autorité vocale de Guillemette Laurens dit cette fureur de magie et cette tendre désillusion. La partition raconte le parcours de cette expérience. Voilà en substance, l’enseignement qui a guidé Philippe Herreweghe. Voilà pourquoi grâce à lui, nous pouvons entrevoir magie et purgation du théâtre lullyste.

2.
Alceste
Jean-Claude Malgloire, La Grande Ecurie et La Chambre du Roy , Ensemble Sagittarius, Astrée E 8527, 1992 – 2h39mn
Malgoire a traité deux fois le sujet d’Alceste, la plus versaillaise des tragédies du Surintendant Lully gravé par Silvestre. Sa seconde approche plus inspirée prolonge une série de représentations à Versailles justement (mais à l’opéra royal de Gabriel), puis au Théâtre des Champs-Elysées à l’hiver 1991. La prise live restitue la tension liée aux mouvements de scène. Comparé à sa première lecture, Alceste II captive grâce à la sincérité et la spontanéité des chanteurs. Certes, l’Hercule/Alcide de Laffont est un peu raide (où sont les nuances qu’apportait en 1975, Max Von Egmont?) mais Howard Crook campe un Admète convaincant dans le style et l’articulation. Les instrumentistes se délectent à ciseler les passages, les rythmes, les couleurs (castagnettes infernales du IV), la diversité des tableaux. Le chour est constamment juste (cynisme murmuré par les suivants de Pluton aux Enfers : « Tout mortel doit ici paraître, on ne peut naître que pour mourir « , IV, 3). Tonicité, style, cohérence, Malgloire confirme une intuition sûre propre à dévoiler la nostalgie et l’éloquence morale du propos d’Alceste. Comme le précise le sous-titre, c’est bien la vertu d’Alcide, vainqueur des Enfers et de lui-même, qui est le caractère principal de l’ouvrage et donne le sujet de la pièce : vertus du demi-dieu.

3. Atys
William Christie, Les Arts Florissants, Guy de Mey, Guillemette Laurens
Harmonia Mundi 901257-59, 1987 – 2h45mn
Atys est « plus propre que les autres [opéras] à rendre le goût français », et Lully y triomphe par « cette manière étrange qu’il a de lier chaque détail au tout » : les témoignages de l’époque encensent le talent particulier de Lully dans Atys. Le spectacle dirigé par William Christie qui marqua avec panache le tricentenaire de la mort du compositeur s’est affirmé comme l’une des productions baroques les plus enchanteresses des années 1980. La texture de l’orchestre à cinq parties, la concision fascinante des récitatifs reprennent vie et grâce à l’implication des interprètes. La magie du drame brûle l’élégance des voix. Tous les chanteurs expriment leur rôle. Et sur l’horreur d’Atys dont la tragédie souligne combien l’homme est la proie dérisoire de ses propres passions, le duo Christie/Villégier a dévoilé ce que personne n’avait pressenti jusque là de Lully, la tendre profondeur de sa poésie.

4. Phaeton
Marc Minkowski, Les Musiciens du Louvre , Ensemble Sagittarius, Howard Crook, Rachel Yakar, Erato 4509917372, 1993 – 2h24mn.
Pour Phaëton, Quinault soumis à l’exigence de Lully, dut vingt fois reprendre, changer les scènes, corriger, raccourcir des vers. Le résultat est éclatant : l’action est serrée, efficace sans longueurs. Sans chute de tension jusqu’à la conclusion tragique, l’oeuvre laisse envisager le dessein des auteurs, un embrasement permanent. A son heure, Phaëton profita des superbes costumes, de la magnificence des effets de machineries conçus par Bérain, dont la chute du char marque une indiscutable réussite.
Derrière le mythe de Phaëton se profile l’apothéose du Roi : comme Apollon, Louis le Grand ne souffre aucun rival. Rien ni personne ne peut lui être comparé. L’allusion politique rappelle la vocation des tragédies de Lully : propagande monarchique. Mais sur le plan artistique, l’ouvrage ne manque ni de profondeur ni de vérité. La qualité des vers de Quinault, l’inspiration de Lully en font une oeuvre emblématique du Grand Siècle, élogieuse et poétique (duo Lybie/Epaphus : « Hélas ! Une chaîne si belle… », V, 3). Howard Crook donne chair au personnage de Phaëton, sublime invention de Quinault qui dans le traitement du « caractère  » a donné le meilleur de lui-même et suscité l’admiration de Voltaire. Son chant respire, s’emporte, s’enflamme. Il dessine une humaine et sincère exaspération jusqu’à la mort. Marc Minkowski cisèle climats et tableaux avec nervosité et dramatisme. Son Lully rugit, s’alanguit, édifie cette brillante architecture bâtie pour la gloire du Soleil.

5. L’Idylle pour la paix
Hugo Reyne, La Simphonie du Marais, Accord 206872, 1998, 53mn.
En 1685, quand naît Bach, Lully, quinquagénaire, compose d’après Racine, la musique de l’Idylle sur la Paix. L’oeuvre célèbre Louis XIV. Elle est une apologie du Roi victorieux certes, surtout civilisateur. Grâce au talent de Racine, l’Idylle de Lully incarne aussi l’alliance idéale des arts, musique et poésie. Hugo Reyne s’ impose d’emblée par une compréhension naturelle du pastoralisme de la partition. Certes, l’Idylle commémore la trêve de Ratisbonne (1684), qui met fin aux hostilités entre la France et l’Espagne. Pour souligner l’événement, le fils du défunt Colbert (décédé en 1683) accueille Louis XIV en son château de Sceaux. Lully et Racine chantent la puissance française dont l’éclat permet aux arts de s’épanouir. Ainsi la partition de Lully, l’une des plus inspirées par son caractère champêtre et élégiaque, imagine un monde arcadien de courtoisie bucolique où voix et instruments dévoilent l’activité frémissante de la Nature. Sous les allégories charmantes, Lully nous offre à contempler les jardins de Versailles, cet opéra de verdure, bosquets et cascades du Roy. Tout l’orchestre, en particulier bois et vents, redouble de sensibilité. L’ enjeu est capital pour Lully. Après le scandale qu’a suscité à la Cour, sa liaison avec le page Brunet, il faut reconquérir l’estime du Roy. Et la musique à laquelle la Symphonie du Marais insuffle un brio indiscutable, compose la défense du Florentin. Subtil, évocatoire, le jeu des instruments (hautbois, flûtes et basson) au diapason 415Hz rend justice à cette oeuvre maîtresse. Dans l’aréopage des lullystes, aux côtés des Christie, Herreweghe, du récent Minkowski (cf. notre dossier dans Goldberg 5), Hugo Reyne s’affirme avec d’autant plus de pertinence que l’oeuvre de Lully demeure toujours injustement incomprise.

6. Acis et Galatée
Marc Minkowski, Les Musiciens du Louvre, Jean-Paul Fouchécourt, Véronique Gens
Archiv 453 497-2, 1996, 2h8mn.
Pour la France, Lully est un pari musical à reconquérir. Suscité par les célébrations du tricentenaire de la naissance du musicien en 1986, le choc que fut Atys n’a pas tenu l’épreuve du temps. Après l’engouement de la découverte, l’usure et l’oubli ont reparu. Le disque réparerait-il la gloire du compositeur? Dix années sont passées. En 1996, Marc Minkowski, sur les traces du pionnier Pierre Monteux qui la dévoilait à Amsterdam en 1930, donnait en concert cette oeuvre ultime. Acis indique la dernière maturité de Lully. Un prologue qui chante la gloire du Dauphin, puis trois actes forment une pastorale héroïque. L’atténuation du propos épique, (pas de héros victorieux mais une fable amoureuse qui est prétexte à maintes effusions tendres), offre à Lully, le prétexte d’une partition insolite, inquiète de sa propre forme : des audaces, une parure spectaculaire à l’orchestre. Les respirations des cordes, bois et vents illustrent « l’ambition symphonique » du dernier Lully. Minkowski prête sa verve éclatante et son brio narratif à une action captivante. Il éclaire couleur sensuelle et limpidité agissante de l’orchestre à cinq parties. Les voix, articulées, mélodiques, naturelles, servent la déclamation du texte: inspiration sans emphase, tendresse sans affectation, nécessaire et vitale intelligibilité. Palmes au trio principal, Fauchécourt/Gens/Naouri, au Neptune de Thierry Félix, mordant, viril, véhément et nuancé, absolument convaincant. La poésie du Grand Siècle s’écoule avec grâce. Minkowski dévoile dans l’acte III, le merveilleux de la métamorphose : Acis mort se transforme en fleuve et Galatée, nymphe attendrie, peut se baigner dans le corps de son amant. La passacaille conclusive, apothéose de l’amour sublimé, est un hymne orchestral et vocal d’une prodigieuse séduction formelle. Voici un Lully juste et précis : inventif, élégant, nostalgique. Solennel mais profond.

Antonio Vivaldi, Tito Manlio (version de concert)Bruxelles, Bozar, le 16 janvier 2007 à 19h30

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Antonio Vivaldi,
Tito Manlio
, 1719
Bruxelles, Bozar
Mardi 16 janvier 2007 à 19h30

Ottavio Dantone est un musicien complet : diplômé de la classe d’orgue et de clavecin au Conservatoire Giuseppe Verdi de Milan, cet orfèvre de la sonorité juste et de l’accentuation détaillée, est passé depuis quelques années à l’opéra baroque, avec un instinct magistral. Intonation, articulation, sens du dramatisme et de la progression, sens surtout des couleurs, autant de qualités qui se sont pleinement épanouies depuis ses débuts dans la fosse, en 1999, au théâtre Alighieri de Ravenne, où à la tête de l’Académie Bizantina, il recréait l’opéra de Giuseppe Sarti, « Giulio Sabino ». Depuis, l’attention à l’esthétique baroque, et à son articulation, s’est magistralement imposée dans Vivaldi auquel il a dédié de nombreux disques chez Naïve. Dont, l’opéra « Tito Manlio », l’une des perles de l’intégrale lyrique en cours chez l’éditeur français.
Les spectateurs Bruxellois de l’opéra en version de concert retrouveront quelques chanteurs de l’enregistrement paru chez Naïve (notre photo), comme Karina Gauvin (Manlio) ou Ann Hallenberg (Servilia)… Pour les autres personnages, de nouvelles voix donneront chair et sang pour la fureur passionnelle de ce drame inspiré de l’Histoire romaine. Mais c’est moins l’épopée et la reconstitution archéologique qui intéressent Vivaldi que l’exploration des coeurs solitaires, amoureux, languissants, terrassés, vainqueurs ou amers. Le compositeur écrivit la musique en cinq jours, accouchant d’un chef d’oeuvre qui ne fut jamais créé pour l’occasion initiale : les Noces du Gouverneur de Mantoue. Le mariage fut annulé! Mais l’opéra put être joué malgré tout, au Carnaval suivant, en 1719.
C’est une partition majeure de l’inspiration vivaldienne, portée avec engagement et vitalité par l’équipe réunie autour du chef Ottavio Dantone.

Tito Manlio, RV 738 A
Mantoue, Teatro Arciducale, Carnaval de 1719
Livret de Matteo Noris

Distribution
Palais des Beaux-Arts, Salle Henry Le Bœuf
Carlo Lepore, Tito (basse)
Karina Gauvin, Manlio (soprano)
Lucia Cirillo, Lucio (soprano)
Ann Hallenberg, Servilia (mezzo)
Romina Basso, Vitelia (mezzo-soprano)
Barbara di Castri, Decio (mezzo)
Mark Milhofer, Geminio (ténor)
Vito Priante, Lindo (baryton)
Accademia Bizantina Ensemble
Ottavio Dantone direction

Approfondir
Lire notre critique du cd Tito Manlio par Ottavio Dantone (Naïve)
Lire notre dossier les opéras d’Antonio Vivaldi (dont un chapitre concernant la genèse de Tito Manlio)

Crédit photographique
Ottavio Dantone (DR)
Antonio Vivaldi (DR)

George-Emmanuel Lazaridis, pianoParis, Bruxelles. Les 9 et 14 janvier 2007

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George-Emmanuel Lazaridis,
piano

Paris, le 9 janvier 2007 à 20h
Bruxelles, le 14 janvier 2007 à 11h

Après la Cité de la musique à Paris, la Salle Henri Le Boeuf, au Palais des Beaux-arts de Bruxelles, met à l’honneur un nouveau tempérament prometteur, élu rising star 2005/2006 : le jeune pianiste grec, George-Emmanuel Lazaridis, interprète de deux programmes romantiques : Moussorgski et Liszt à Paris (le 9 janvier), Schubert et Schumann à Bruxelles (le 14 janvier 2007).

Le pianiste joue la Sonate en si mineur de Franz liszt qu’il a enregistré au disque (couplée avec les Grandes études de Paganini, publication du label Linn). L’oeuvre est un défi pour l’interprète : ses harmonies audacieuses, ses mélodies originales, agencées en contrastes vertigineux, en visions fulgurantes, exigent la totalité des ressources du pianiste. C’est dire qu’il s’agit d’une partition qui éprouve immédiatement le talent d’un jeune artiste. Liszt y repousse les limites atteintes par Beethoven, se souvient aussi de la Wanderer Fantaisie de Schubert. Une oeuvre que le pianiste joue ensuite à Bruxelles. Dans la salle du Bozar, Lazaridis reprend aussi Carnaval de Schumann, qu’il a également enregistré pour le label Somm : souci de la texture claire et structurée, expressivité émotionnelle contrôlée : l’interprète maîtrise autant que dans Schubert, l’art du discours et de l’émotivité, de l’architecture et de l’intériorité.
D’une façon générale, le style du jeune musicien se distingue par son sens de la dramaturgie, adossé à un rubato qui lui est propre. Son jeu est lumineux, affirmé, déjà puissant comme il est capable aussi de climats suggestifs qui dévoilent sous le masque de la ténacité, une richesse évocatoire tout autant aboutie. Un talent à suivre incontestablement.

Programme
Paris, Cité de la musique
Mardi 9 janvier à 20h
Modeste Moussorgski,
Tableaux d’une exposition.
Modeste Moussorgski/G-E Lazaridis,
Paraphrase sur Une nuit sur le mont Chauve.
Franz Liszt,
Sonate en si mineur

Bruxelles, Bozar
Dimanche 14 janvier à 11h
Franz Schubert,
Fantasie, D 760, « Wandererfantasie ».
Robert Schumann,
Carnaval, op. 9.

CD
Robert Schumann. Fantasiestücke Op. 12; Papillons Op. 2; Carnaval Op. 9. 1 cd Somm 024.
Franz Liszt. Sonate en si mineur. Grandes Etudes de Paganini. 1 cd Linn CKD 282.

Crédit photographique
George-Emmanuel Lazaridis (DR)

Janine Jansen, violonFrance musique, vendredi 26 janvier 2007 à 20h

Janine Jansen, violon

France musique
En direct de l’Opéra de Francfort
Vendredi 26 janvier 2007 à 20h

L’essor d’une étoile est toujours un moment passionnant. A-t-on raison de vouloir croire dans le jeu et la personnalité prometteurs d’un jeune talent? Concert après concert, disque après disque, les espoirs se nourrissent de ce qu’ils peuvent saisir… mais la passion immédiate n’altère-t-elle pas le jugement? Et la tenue de l’inteprète sera-t-elle à la hauteur ?
Entre attentes et illusions, doutes et espérances, l’oreille fragilisée aime toujours croire au prodige. S’agissant de la jeune violoniste néerlandaise, qui est déjà une star dans son pays, Janine Jansen, l’impression de vivre les débuts d’un nouveau grand nom de l’archet, se confirme davantage. Sera-t-elle la nouvelle élue d’une scène où brille depuis plusieurs années, l’allemande Julia Fischer?
Sous les feux de la rampe, Janine Jansen est une jeune beauté dont la photogénie frappe : et d’ailleurs, des langues aussitôt inspirées, n’ont pas tardé à épingler de la part de Decca, un coup marketing surévaluant les réelles dispositions artistiques de la Néerlandaise.
La musicienne a récemment signé un contrat exclusif chez Decca, la maison qui avait signé avec une précédente jeune artiste, assurant la relève, Leila Josefowicz… D’emblée ce qui frappe chez Jansen, – qui joue un Stradivarius de 1727 prêté par la Stradivari Society de Chicago-, c’est l’éclat souple de ses phrasés, la lisibilité de la ligne, un jeu qui gagnera certainement de la profondeur, et qui déploie déjà, une musicalité indiscutable.
A défaut de ne pouvoir écouter la jeune prodige en France, France musique retransmet un concert en direct du vieil opéra de Francfort, ville qui est l’une des escales européennes de la tournée mondiale de l’artiste (son tour du monde la mène jusqu’au Japon, en juillet 2007!).

Au programme, entre autres, le concerto pour violon de Max Bruch, que Janine Jansen vient d’enregistrer chez Decca et qui nous a convaincu. Lire notre chronique du cd Decca de Janine Jansen (aux côtés du concerto de Bruch, la violoniste joue aussi le concerto de Mendelssohn).

Programme

R. Danielpour,
Celestial night
Max Bruch
Concerto pour violon n°1
G. Holst
Les Planètes opus 32
Europa Chor Akademie,
Hessicher Rundfunk orchester
Andrew Litton
, direction

Crédits photographiques
Janine Jansen (DR)

Leonard Bernstein, Candide (1956)Arte, samedi 20 janvier 2007 à 22h30

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Leonard Bernstein
Candide


(Boston, 1956)

Arte, Musica
Samedi 20 janvier 22h30

Production enregistrée lors de la création parisienne de Candide, au théâtre du Châtelet, en décembre 2006.

Une philosophie du réalisme pour un monde cruel

« Notre société est la meilleure ». « Tout va pour le mieux »… A-t-on le droit de proclamer contre tout réalisme social ou géopolitique, l’idée que le progrès ne cesse d’accomplir des miracles?
Déjà Voltaire invitait à la réserve critique, et Bernstein, deux siècles après le philosophe, lui emboîtait le pas. Tant que la scène lyrique dénoncera la progression de l’intolérance et des despotismes, quels qu’ils soient contre la liberté de la pensée, l’opéra tiendra son rang. Cette assertion fut-elle la clé qui décida Leonard Bernstein à se passionner pour la nouvelle de Voltaire, Candide? Le musicien qui a toujours montré ses engagements revisite une oeuvre baroque qui a conservé son acuité terrifiante. Candide est un conte moral et philosophique qui appelle à la démocratie critique et intellectuelle dont l’actualité sembla résonner avec acuité dans l’Amérique des années 1950… « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes » peut-il s’appliquer à la dérive de nos sociétés humaines?
Alors occupé à son futur grand chef-d’oeuvre, West side story, le chef et compositeur américain, âgé de 38 ans, avait été inquiété par les partisans de l’épuration morale et intellectuelle, ce vent de Maccarthysme organisant au pays de l’oncle Sam et des sacro-saintes libertés, une chasse aux sorcières à peine masquée. Si l’oeuvre musicale est créée le 29 octobre 1956 à Boston, son accueil reste trop sage, et après 73 représentations (quand même…), l’ouvrage est retiré de l’affiche… La partition subira de nombreuses modifications plus ou moins validées par le compositeur qui se décide quelques mois avant sa mort, en décembre 1989, à reprendre le drame musical et de l’enregistrer, fixant ainsi de façon définitive, « la » version de Candide.

La production du Châtelet

Le Châtelet accueillait en décembre 2006, la version révisée de Bernstein, pour la première fois à Paris, mais dans une version du livret réécrit par Robert Carsen et son dramaturge, Ian Burton.
Pour le metteur en scène, il s’agit de souligner le caractère « mordant, débridé, railleur et irrévérencieux » du sujet. Candide est d’abord, une satire. La carrière du jeune Candide, s’apparente à une traversée cruelle qui est la destinée de chacun de nous : à la candeur originelle, succède très vite, sous la pression des rencontres les plus terrifiantes, « un réalisme désillusionné ».
Dans la nouvelle de Voltaire, l’ingénu Candide fait l’expérience du monde des hommes : duplicité, hypocrisie, calcul, manipulation, trahison et mensonge. Entre l’optimisme de son maître Pangloss, le scepticisme aigre de son nouveau professeur Martin, le jeune homme apprend à se construire malgré tout, à façonner son identité propre, se préserver des pestes du genre humain, en « cultivant son jardin ». Leçon de réalisme désabusé, leçon de vie sans complaisance sur la nature humaine, Candide est un conte qui s’achève néanmoins avec l’espoir que les hommes peuvent s’améliorer, et sauveront le monde.
En 1956, Bernstein éclaire l’actualité de la pensée Voltairienne sur la société américaine. L’oeuvre s’élève là aussi comme une satire et un appel à la conscience des citoyens : contre « le snobisme puritain », le « faux sens moral », les « pressions inquisitrices »… les formes « modernes » de la barbarie humaine.

Bernstein et Voltaire : le réalisme à l’épreuve

Le projet du compositeur, aidé de Lillian Hellman, est d’adapter la satire cruelle et désenchantée de Voltaire au genre de la comédie américaine sans sombrer dans le « clinquant ». Eviter l’écueil artificiel du « Broadway show ». Ainsi les auteurs ont-ils sur-titré leur Candide, « opérette ». Il s’agit en particulier pour Voltaire de démontrer les limites de la philosophie optimiste de Pangloss qui incarne les idées de Leibniz. Comprendre le monde, c’est le voir tel qu’il est, certes bon, humain et fraternel, mais aussi (surtout), cruel, barbare et inhumain.
Le monde est injuste. La vision a d’autant plus saisi le réaliste Voltaire lorsque l’Europe assiste impuissante et démunie au tremblement de terre de Lisbonne en 1735, qui suscite des milliers de morts. « Comment penser que tout est bon et juste, quand le mal est partout », précise Bernstein.
A l’époque du compositeur et de la dramaturge Lillian Hellman qui lui propose l’adaptation de la nouvelle de Voltaire, ce mal qui ronge l’esprit des Lumières, sévit sous couvert du Maccarthysme. Une nouvelle peste dont les méthodes sont « si apparentées à l’Inquisition espagnole ». Le puritanisme bien-pensant du sénateur du Wisconsin, Joseph McCarthy et de ses acolytes inquisiteurs, entendait redresser le pays moralement, en mettant en pratique une série d’épurations culturelles et intellectuelles : liste noire à Hollywood, censure à la télévision, etc… Sous la forme d’une croisade contre les communistes, tout suspect contre le nouvel ordre politique était suspecté, exilé, suspendu de son emploi, humilié directement ou indirectement…
Bernstein acide et critique retrouve dans le roman de Voltaire, l’arme qu’il a toujours ciselée : l’ironie doublée d’un cynisme affûté.
En souhaitant respecter le propos satirique et pénétrant du texte Voltairien, Bernstein a conçu avec son équipe, Hellmann mais aussi les paroliers des chansons à caractère qui composent la trame de l’action, un ouvrage très dense, dont l’apparente légèreté s’avère piquante par les idées féroces du livret. « Il était donc assez naturel que Lillian et moi, soyons fascinés par l’esprit mordant et la sagesse de Voltaire », poursuit Bernstein dans les commentaires qui accompagnent la révision définitive de l’oeuvre en 1989.

Candide de Bernstein : joyau musical

Bernstein a le génie de renouveler le genre de la comédie musicale américaine, en traitant sur un mode futile ou léger, des idées très violentes. Candide est une oeuvre dont le propre est de mêler les styles et les genres : comique et sérieux ; « opérette », comédie musicale et opéra, tout à la fois. Mais quelle que soit sa forme, ou ses formes, la tenue du livret, transmetteur des idées de Voltaire : réalisme, ironie et sarcasmes, espoir … est intacte.
Séduction formel, sérieux des idées. Bernstein combine opéra, music-hall, variété, opérette, comédie musicale. L’intention est de coller au plus près de la vie familière contemporaine. Quand le compositeur imagine Candide, il suit la voie tracée par Mozart qui emprunte au genre du Singspiel, la forme visionnaire de son opéra « La flûte enchantée », qui cependant est l’écrin des idées franc-maçoniques et de l’esprit des Lumières.
Lors de sa création en 1956, Bernstein trop en avance sur son temps, ou plus précisément sur les habitudes du public familier des comédies musicales, désarçonna les auditeurs. Pas de répétitions des mélodies faciles, surtout sujet philosophique empruntant à Voltaire l’un de ses textes les plus fins et incisifs : l’oeuvre resta inaccessible pour beaucoup. D’où les nombreuses modifications postérieures, jusqu’à la révision officielle de 1989 par Bernstein lui-même dont l’invention sur la scène du personnage de Voltaire, ne fut pas la moindre création. Pour ceux qui ne connaissaient ni le philosophe ni ses idées, le nouveau personnage fut un médiateur des plus efficace, qui éclaircit comme par magie le propos de l’opéra, son fonctionnement parodique et grinçant. Au final, un opéra plus lisible, en deux actes, d’une heure et quarante cinq minutes, sans entractes, portée par le dynamisme et l’énergie dansante de la musique de Bernstein.

Approfondir
Pour une approche complète de l’oeuvre, reportez vous au livret-programme accompagnant les représentations de Candide au théâtre du Châtelet. En vente aux comptoirs commerciaux du théâtre du Châtelet à Paris. 104 pages. Synthèse et présentation de l’oeuvre : genèse, historique, analyse du sujet, texte intégral en français, équipes de la production présentée du 11 au 31 décembre 2006.

Crédits photographiques
(1) Leonard Bernstein (DR)
(2) La production du Châtelet qui dans la version en partie réactualisée par Robert Carsen, met en scène les présidents des républiques européennes, en maillot de bain sur un océan de pétrole. © Châtelet 2006
(3) Portrait de Voltaire (DR)
(4) Couverture du livret programme de la production de Candide, édité par le Châtelet (DR)

L’Harmonie des peuplesLa Folle Journée 2007à partir du 26 janvier et jusqu’au 4 février 2007

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Peut-on parler d’harmonie des peuples quand depuis le XIX ème siècle, les nationalismes ont su s’imposer sur la scène européenne? Qu’est ce qu’une musique nationale ? Pourquoi défendre l’idée d’un nationalisme musical?

Volonté des nations, essor des écoles nationales

Qu’on le veuille où nous, au cours du XIX ème siècle, avec le printemps des révolutions qui naissent en Europe, recomposant une partition géographique où prime désormais l’appartenance à une nation autoproclamée, surgissent de nombreux états modernes soucieux d’affirmer leur culture, une identité forte qui s’appuie essentiellement sur l’unité structurée autour de la langue et du folklore. C’est la volonté des peuples, aspirant à une reconnaissance démocratique de leur existence et de leurs racines.
Musique des nations, musique des peuples : historiquement, l’éclosion des écoles musicales, – russe ; tchèque et hongroise ; plus au nord : norvégienne, suédoise, finlandaise et danoise-, démontre l’irrépressible désir d’émancipation des peuples. Il s’agit souvent d’imposer son identité pour se libérer : ainsi, tchèques et hongrois, trop longtemps soumis à l’Empire Autrichien ; ainsi, les finlandais, désireux de se défaire de l’Emprise Russe… Comme d’ailleurs, il appartient aux compositeurs de la seconde génération romantique d’oeuvrer chacun dans leur pays, sur le plan musical, « contre » l’hégémonie du wagnérisme.

Etre soi, vivre ensemble

Aujourd’hui, l’Europe vit une autre direction : vivre ensemble tout en constituant une totalité unie et cohérente. On voit bien les difficultés de faire partition commune pour des nations disparates, diverses, singulières. Aujourd’hui l’Europe des 27 membres a-t-elle encore des chances d’incarner une unité culturelle et sociale cohérente?
Le thème générique de la Folle Journée 2007 vient à propos soulever des questions essentielles qui intéressent notre actualité : comment être soi tout en appartenant à l’union européenne, rapport aiguisé dans la confrontation du local et de la mondialisation, de la spécificité et de l’unité.
En soulignant la disparité des cultures européennes, en particulier en mettant en avant la culture populaire et les folklores, la Folle Journée 2007 indique à sa façon, une réponse qui pourrait s’avérer salutaire : renforcer l’idée d’une harmonie européenne en se fondant sur la richesse de ses composantes diverses.
Le développement des particularités s’est réalisé dans la libre communication, la circulation des savoirs, le brassage des expériences et des sensibilités. On sait bien que dans la nature, tout biotope qui vit sur lui-même, est condamné à l’asphyxie et à la mort, s’il ne recueille pas le bénéfice d’apports étrangers. L’idée d’une culture riche et forte qui se suffit à elle-même, est une utopie… dangereuse.

Quelques exemples ? Voyez comme par exemple, dans la programmation musicale de la Folle Journée, les compositeurs espagnols exilés à Paris, Albeniz, De Falla, Granados ont inspiré les auteurs français, dont le plus « réservé », et même le plus authentiquement hexagonal, Maurice Ravel s’est laissé pénétré par son hispanisme fièvreux. Au final, les nations n’ont jamais paru tant fondées que lorsqu’elles étaient éclectiques. Oui pour un art national mais pas nationaliste. Et cette idée paraît aujourd’hui d’autant plus louable avec l’inéluctable mondialisation.

Moussorgski et Bartok réécrivant ou réinventant des mélodies populaires n’ont jamais paru plus authentiques ni mieux inspirés, offrant à leur écriture propre des voies et des possibilités plurielles, « modernes » : c’est à dire ouvertes à d’autres expériences. Et même les compositeurs du Groupe des Cinq, pour nationalistes qu’ils paraissent, se disaient autant héritiers de Beethoven que du folklore russe. Eclectisme quand tu nous tiens : De Falla, Szymanowski s’abreuvent à de très nombreuses sources qui ne tiennent pas qu’à leur appartenance « nationale ».

L’harmonie des peuples serait donc l’ambition la plus noble : créer un espace libre et tolérant où chaque identité fondée sur sa propre expérience aurait enfin la possibilité d’échanger et de partager librement. La culture n’est valable que si elle favorise la rencontre, la découverte, la différence, comme autant de biens et de richesses en partage.

A partir du 26 et jusqu’au 28 janvier 2007 (dans 11 villes de la Région des Pays de la Loire) puis à Nantes, du 31 janvier au 4 février 2007, La Folle Journée vous invite à parcourir l’Europe musicale, identifiant les particularités nationales tout en adhérant au projet d’une harmonie des nations.

Approfondir
Arte diffuse en direct deux temps forts de la Folle Journée 2007. Les 3 et 8 février 2007 à partir de 19h.
Consulter notre grille des programmes télé pour connaître les oeuvres et les interprètes concernés.

La lettre du musicien n°336 – décembre 2006/janvier 2007 – 8 euros

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Actualités : pleins feux sur le nouveau directeur de l’Opéra de Paris, Nicolas Joel, dont la première saison en 2009 annonce la continuité du niveau artistique assumé par Gérard Mortier. Bilan sur les questions discutées lors du colloque « Les nouveaux territoires des festivals » qui s’est tenu les 16 et 17 novembre 2006.

Ensembles et orchestres : le canadien Kwamé Ryan, 36 ans, nouveau chef de l’orchestre de Bordeaux ; Lionel Bringuier, choisi par Pekka-Salonen, à Los Angeles ;
Musiques en scène : L’opéra contemporain « tient l’affiche » : Golem à Rennes, Faustus au Châtelet, Into the little hill à l’Opéra Bastille…
Dossier instrument : tout sur le hautbois, « instrument de charme ». Histoire, écoles, enseignement, accessoires… point complet sur les aspects professionnels, historiques, musicaux de l’instrument. En complément, discographie.
Solfèges : question d’interprétation. « Sans imagination point de musique » par Pascal Le Corre.
Ecoles et conservatoires : Bilan du 29 ème congrès de FFEM (Fédération française des écoles de musique) : « décentralisation et Europe : les nouveaux défis de l’enseignement spécialisé ».
Le point juridique : « promotion interne mode d’emploi » ; « comment se vendre : le contrat de coréalisation ».

Dans la lettre du musicien n°336, retrouvez aussi les offres d’emplois des musiciens, les concours et les stages, l’actualité des disques et des dvds…
62 pages. Prochaine parution : 15 janvier 2007.

Maurice Ravel (1875-1937)1937-2007 : 70 ans de la mort

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2007 marque le 70 ème anniversaire de la mort de Maurice Ravel. Classiquenews.com souhaite marquer l’événement. Tout au long de l’année 2007, nous vous invitons à consulter régulièrement ce sommaire pour y découvrir les concerts et programmes télé ou radio en liaison avec le compositeur, mais aussi les chapitres de notre dossier Maurice Ravel qui s’étoffera jusqu’au 28 décembre 2007, date anniversaire des 70 ans de sa disparition.

Dossier
1. Biographie de Maurice Ravel. Par Guillaume-Hugues Fernay
2. L’Enfant et les sortilèges, 1925. Par Guillaume-Hugues Fernay
3. Maurice Ravel et l’écriture lyrique. Par Carter Chris Humphrey

Orchestre philharmonique de NiceLes 12 et 13 janvier 2007 à 20hOpéra de Nice

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Orchestre
Philharmonique de Nice

Les 12 et 13 janvier 2007 à 20h
Nice, opéra

Benjamin Britten,
Peter Grimes, Quatre interludes marins
Edward Elgar,
Concerto pour violoncelle, opus 85
Dmitri Chostakovitch,
Symphonie n°10 en mi mineur opus 93

Tatiana Vassilieva, violoncelle
Orchestre philharmonique de Nice
James Judd
, direction

Trois compositeurs majeurs
du XX ème siècle

Concert ambitieux mené par un philharmonique en grand effectif les 12 et 13 janvier 2007 à l’Opéra de Nice : trois compositeurs majeurs du XX ème siècle poursuivent ainsi en ce début de nouvelle année, la saison de l’orchestre.
Le concerto pour violoncelle en mi mineur opus 85 d’Edward Elgar, bien que d’une durée assez brève, environ 30 minutes, est la dernière partition majeure du compositeur britannique, créée à Londres le 26 octobre 1919. Orchestration dense et concise (et même pointilliste dans l’allegro molto), part prépondérante réservée à l’instrument soliste qui fusionne avec l’orchestre en fin de cycle : l’oeuvre brillante permettra à la violoncelliste Tatiana Vassilieva, première violoncelliste russe lauréate du Concours Rostropovitch, d’éclairer la partition de son feu ardent et communicatif.

Autre musique éblouissante d’autant plus dramatique qu’elle est extraite du premier opéra de Benjamin Britten, Peter Grimes (Sadler’s Wells theater de Londres, 1945), les quatre interludes marins constituent des pauses dans l’action, tout en rehaussant l’expression lyrique du drame. Ce sont à la fois des intermèdes entre les tableaux de l’action, mais aussi des commentaires de la tragédie qui se déroule. L’inspiration de Britten est marine, et même océane : il s’agit d’évoquer la dureté et la poésie du village de pêcheurs d’Aldeburg dans lequel se passe l’action.

La Dixième symphonie de Chostakovitch est traversée par un sentiment tragique, là aussi, et même lugubre, en liaison avec la mort de Staline, puisque la partition fut créée le 17 décembre 1953 à Léningrad. Tout en réglant ses comptes avec le tyran soviétique qui ne l’épargna pas, Chostakovitch compose ici une oeuvre testament. L‘allegro (troisième mouvement) cite sa signature musicale « DSCH », constitué de l’initiale de son prénom (Dmitri) et des trois premières lettres de son nom : une citation autobiographique qui insiste sur le caractère intense et dramatique de la Symphonie.

Crédit photographique
Tattiana Vassilieva (DR)