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Lyon : mort de Roger Accart, fondateur de Musique du Temps (23 janvier 2007). Hommage

Un chimiste musicien

Roger Accart (1920-2007) était chimiste de formation et de métier. Mais sa vie – qu’il avait menée en voiture à une allure déraisonnable ! – était aussi vouée à l’art. Interprète passionné du lied romantique et de la mélodie française, il avait compris que les œuvres contemporaines ne pouvaient vivre que par diffusion volontariste. D’abord conférencier pour les J.M.F., critique musical, il avait fondé et dirigé le groupe Musique du Temps, actif de 1960 à 1972 et financièrement aidé par un mécénat…tout personnel. Ainsi les Lyonnais purent-ils rencontrer Messiaen, Jolivet, Stockhausen, Dallapiccola ou Luis de Pablo venus présenter leurs œuvres, écouter les frères Kontarsky, Jeanne et Yvonne Loriod, les Percussions de Strasbourg, les Quatuors Parrenin et Margand, Claude Helffer, M.F. Bucquet, J.François… Partant de l’Ecole de Vienne et de Varèse, les programmes incluaient Berio, Xenakis, Cage, Zimmermann, Boucourechliev, Dutilleux, Amy, Boulez, – à qui R.Accart vouait un culte -, mais durent renoncer pour diverses raisons aux premières œuvres de H.Dufourt. D’autres, que R.Accart accompagnait de son ardeur militante, prolongèrent son action : Opéra Nouveau (Louis Erlo), Musique Nouvelle, Ensemble Forum (Mark Foster), Temps Modernes, tous lui doivent une impulsion infatigable.

Contre les Philistins

Son amour de l’Italie et de l’Autriche était ardent, comme celui de la Hongrie, via Liszt et Bartok, et il joua jusqu’à ses dernières années un rôle déterminant à l’association France-Hongrie. Voyageur aux horaires et itinéraires extravagants – fût-ce pour aller écouter, toutes affaires cessantes, une seule œuvre en création -, il était avec élégance et fantaisie un Européen de la culture. Ses « lettres et téléphones d’insulte » aux tièdes et aux endormis, faisaient la joie de ses amis, qui en étaient parfois les destinataires amusés. Dans une ville portée à l’hibernation et aux valeurs reconnues, ce non-conformiste, fidèle sans affectation à son idéal, aura mené sans trêve, pour citer Schumann qu’il aimait tant, le combat « des compagnons de David contre les Philistins ».

La Folle Journée 2007 sur ArteLes 3 (direct) et 8 février 2007

La Folle Journée 2007 sur

De Nantes
Les 3 (direct) et 8 février 2007

Concert du 3 février 2007
à 22h30
En direct
de la cité des congrès de Nantes,
En simultané sur France musique

Le thème générique de La Folle Journée 2007 met à l’honneur « l’Europe des peuples ».
Les folklores et les musiques dites traditionnelles et populaires sont mise en avant, parce qu’elles ont en particulier au XIX ème siècle favorisé l’éclosion des musiques nationales, fondées sur la revendication de la langue et des cultures des terroirs. Arte retransmet en deux temps, l’activité des concerts de la Folle Journée 2007.

Musique tzigane et musique classique
Ouverture Tzigane
Orchestre Taraf des Haïdouks
Bartok,
Danses roumaines
Dvorak,
Danses slaves
Maurice Ravel
Rhapsodie pour violon et orchestre
dite « Tzigane »

Orchestre national de Varsovie,
Antony Wit
, direction

Concert du 8 février 2007
à 19h
La Folle Journée 2007
En direct de la cité des congrès de Nantes
En simultané sur France musique

Concert de clôture

Jean Sibelius,
Finlandia
Moussorgski,
Une nuit sur le mont chauve
Borodine
Dans les steppes de l’Asie centrale
Serge Rachmaninov,
Concerto pour piano n°2

Boris Berezovsky, piano
Orchestre philharmonique de l’Oural
Dmitri Liss
, direction

Thierry Escaich, Orchestre national de Lyon Lyon, Auditorium, le 25 février 2007 à 11h

Thierry Escaich,
Orchestre national de Lyon


Lyon, Auditorium Maurice Ravel,
le 25 février 2007 à 11h

Le 5 ème résident

Préfiguration d’une résidence. On sait l’importance que revêt dans la vie d’un orchestre et dans le lien vivant avec le public le principe d’une résidence. L’Orchestre National de Lyon en arrive à sa 5e expérience, depuis qu’Emmanuel Krivine avait inscrit cette formule dans la charte de l’ONL, avec M.Jarrell, P.Dusapin, J.L.Florentz, et P.Hersant. Le patron actuel de l’Orchestre, Jun Märkl, reprendra pour la saison 2007-08 cette « bonne coutume », dont le climat peut d’ailleurs varier en regard des goûts pédagogiques du résident, de son contact avec les musiciens, de son désir d’aller à la rencontre des spectateurs. Et puis être un compositeur de haut talent ne signifie pas forcément pouvoir séduire les uns et les autres par ses qualités d’interprète : si l’histoire musicale est remplie de Mozart, de Beethoven ou de Debussy, elle note sans doute quelques Berlioz, instrumentistes médiocres voire incapacités. Le prochain résident de l’ONL ne court pas le risque-Berlioz : Thierry Escaich est un irréprochable virtuose, mais a priori isolé en tribune comme tous les organistes d’églises et de cathédrales . Et l’Auditorium Ravel est doté d’un Cavaillé-Col (côté tuyaux), maintes fois« rhabillé » pour sa carrière au Trocadéro et à Chaillot, avant de gagner Lyon où son installation dans la salle de concerts suscita de jolies polémiques. Mais Thierry Escaich, spécialiste de l’orgue, est aussi un généraliste du clavier, donc pianiste.

Sous l’écran et la croix

A Lyon, il sera aux claviers pour son premier récital d’intégration soliste en …musique de chambre. Ce jeune compositeur (41 ans), surlauréé par les Conservatoires – où il enseigne à son tour-, successeur des Duruflé à la tribune de Saint-Etienne-du-Mont répudie les théories, le langage pour le langage ; sa musique de lyrisme veut toucher, voire emporter dans un tourbillon dont l’inspiration chrétienne se teinte de mystique (Dernier Evangile ; Vertiges de la Croix). Messiaen figure donc très logiquement à son programme de bienvenue lyonnais, avec les Corps Glorieux, un extrait de l’Ascension, et une improvisation sur le nom d’Olivier. Au milieu de ses futurs « collègues », T.Escaich écoutera F. Kowalski et N. Hartmann rendre hommage au Ravel âpre du Duo violon-violoncelle, et les rejoindra au piano (avec A.Détienne, altiste, et V.Jacquart, violoniste) pour un quintette, la Ronde, d’après Schnitzler. Et là, c’est un autre visage du compositeur : le parfum de la Vienne sur le bord de l’abîme, les obsessions de ritournelles tournoyantes, la mécanique des pantins dérisoires ne peuvent que s’y mélanger avec le souvenir du film de Max Ophuls. Et replacer le compositeur français sous l’écran de sa mémoire, selon une « double postulation baudelairienne » : Dieu contre Eros, sans savoir qui sera vainqueur.

Programme

Ravel: Duo pour violon et violoncelle (18’)
Florent Kowalski (violon), Nicolas Hartmann (violoncelle)

Messiaen: Les Corps glorieux, pour orgue (5’)
Messiaen: « Alléluias Sereins d’une âme qui désire le Ciel » extrait de l’Ascension, pour orgue (7’)
Escaich: Improvisation sur le nom de Messiaen (10’)
Thierry Escaich (orgue)

Escaich: La Ronde, pour quatuor à cordes et piano (12’)
Thierry Escaich (piano), Florent Kowalski (violon)
Andréane Détienne (violon), Valérie Jacquart (alto)
Nicolas Hartmann (violoncelle).

Crédit photographique
Thierry Escaich (DR)

Paris. Maison de La Radio. Salle Olivier Messiaen, le samedi 27 janvier 2007. Concert Bartok, Chausson, Sibelius. Orchestre National de France, Eivind Gullberg Jensen, direction.

Paris. Maison de La Radio, Salle Olivier Messiaen, Samedi 27 janvier 2007. Concert Bartok, Chausson, Sibelius. Orchestre National de France, Eivind Gullberg Jensen, direction.

Il y a quelques semaines, nous avions entendu sur France Musique un concert d’Eivind Gullberg Jensen avec l’Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine, où figurait notamment une Titan de Mahler, impressionnante par sa rigueur et ses emportements dionysiaques. Dire que nous étions pressés d’entendre en vrai ce jeune chef de trente-quatre ans est un euphémisme. Jensen a étudié la direction d’orchestre avec le grand pédagogue Jorma Panula, dont on trouve notamment chez Finlandia, Bis et Naxos de remarquables enregistrements sibéliens (Lemminkainen et les jeunes filles de Saari, Cinquième Symphonie, Kullervo, Mélodies avec orchestre). Ensuite, Jensen se perfectionne  auprès de Leopold Hager à Vienne. Il suit ensuite les masterclasses de Kurt Masur en Pologne et à New York. En décembre 2005, il donne pour la première fois avec notre orchestre National une Sixième de Chostakovitch, très remarquée.
Son nouveau programme à la tête de l’Orchestre National de France, était passionnant et contenait une œuvre rare en France, géniale et bouleversante : Kullervo de Sibelius, poème symphonique pour soprano, baryton, chœur d’hommes et orchestre. La conception de Jensen était magnifique par sa construction et sa progression. Ainsi l’Introduction, assez étonante au tout début par l’allègement de ses textures et une certaine distanciation, s’emplissait de couleurs noires et sombres, préfigurant l’issue tragique du héros du Kalevala, Kullervo, qui se suicide, ne pouvant supporter de revoir l’endroit où il a violé sa sœur. La conception de Jensen culmine en un troisième mouvement d’une efficacité dramatique indéniable. Dans le monologue de la sœur, la soprano Malin Byström s’est révélée une diseuse exemplaire. Par son élocution, très recitativo, elle traduit une grande palette de sentiments : l’angoisse, le désespoir comme la colère. Le baryton sombre de Juha Uusitalo fut tout aussi impressionnant par sa puissance déclamatoire. Seul le chœur nous a semblé trop rustre et manqué un peu de précision. L’orchestre fut sans aucun doute le plus extraordinaire. Couleurs magnifiques, lumineuses, à la fois denses et transparentes, dans tous les pupitres et ceci dès le thème du premier mouvement énoncé aux hautbois, aux clarinettes et aux cors. Toutes les voix sont parfaitement lisibles, s’enchaînent avec une remarquable continuité (les cordes au début du deuxième mouvement), la précision des articulations (Kullervo part à la guerre) est admirable. Tout s’avère souple, presque agile, et vécu intensément. Un enchantement sonore, d’où notre regret de ne pas avoir entendu une conception de Kullervo plus intensément épique, tragique, et parfois plus vivace rythmiquement.
Les Danses Populaires Roumaines de Bartók et le Poème pour violon et orchestre de Chausson composaient la première partie de la soirée. Le Bartók exposait à notre sens une caractéristique essentielle du style de Jensen, bien présente aussi dans Kullervo. Jensen aime les mélodies, le lyrisme, le chant, au détriment parfois de la vigueur rythmique. Ces petites pièces du compositeur hongrois sonnent sous sa direction comme de petites études gorgées de couleurs, et pleines de sensualité. Le Poème de Chausson fut un grand moment de lyrisme et d’intériorité. Nicolas Dautricourt planait au-dessus du National, dont les couleurs rondes et chaleureuses nous ont rappelé à quel point il est à l’aise dans la musique française…

Paris. Maison de la Radio, Salle Olivier Messiaen, le 27 janvier 2007. Béla Bartók (1881-1945) : Danses Populaires Roumaines.Ernest Chausson(1855-1899) : Poème pour violon et orchestre. Jean Sibelius(1865-1957) : Kullervo.Nicolas Dautricourt, violon. Malin Byström, soprano. Juha Uusitalo, baryton-basse. Chœur d’hommes de Radio France, Hannu Norjanen. Orchestre National de France Eivind Gullberg Jensen, direction.

II ème Concours Jeunes Compositeurs de Boulogne-Billancourt

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Deuxième Concours
Jeunes Compositeurs de Boulogne-Billancourt

Remise des partitions jusqu’au 16 février 2007
Finale Publique, le 31 mars 2007

A la péripérie de Paris, Boulogne-Billancourt accompagne et favorise la vitalité de la musique contemporaine. Du 31 mars au 6 avril 2007, le Conservatoire National de Région de Boulogne-Billancourt, profite de la résidence du compositeur Gilbert Amy, pour présenter un cycle d’atelier-rencontres et de concerts.
Pendant la même période, aura lieu le II ème Concours de Jeunes Compositeurs. Ouvert aux compositeurs de toutes nationalités, âgés de moins de 35 ans au 1er janvier 2007, il s’agit d’un rendez-vous incontournable de la jeune création musicale. L’inscription au concours est gratuite.
Cette année, le Concours propose la composition d’une œuvre instrumentale pour un maximum de huit instruments. Le jury est présidé par Alain Jacquon, directeur du Conservatoire national de Région, Centre Georges Gorse.
Les candidats devront attester par écrit que les œuvres présentées sont inédites et n’ont jamais été exécutées en public ni primées à d’autres concours.
La finale du Concours de Jeunes Compositeurs aura lieu en public le samedi 31 mars 2007 au Conservatoire. A l’issue de cette finale sera décerné le Prix du jury, d’un montant de 1500 euros.
Les oeuvres primées seront programmées dans le cadre de la saison musicale 2007-2008 du Conservatoire au moment de la Semaine Contemporaine.

Appel à candidature
Le Conservatoire national de région de Boulogne-Billancourt invite les jeunes compositeurs à remettre leur partition (composition d’une oeuvre instrumentale pour un à huit instruments), au plus tard le 16 février 2007. Renseignements: [email protected]. Règlement du concours et formulaire d’inscription disponibles par courrier et sur place, du lundi au vendredi, de 9h à 20h30. CNR, Centre Georges Gorse. 22, rue de la Belle-Feuille, 92100 Boulogne-Billancourt. Site: www.bb-cnr.com. Finale publique du concours, le samedi 31 mars 2007.

IIème Concours Jeunes Compositeurs de Boulogne-Billancourt

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Deuxième Concours
Jeunes Compositeurs de Boulogne-Billancourt

Remise des partitions jusqu’au 16 février 2007
Finale Publique, le 31 mars 2007

A la péripérie de Paris, Boulogne-Billancourt accompagne et favorise la vitalité de la musique contemporaine. Du 31 mars au 6 avril 2007, le Conservatoire National de Région de Boulogne-Billancourt, profite de la résidence du compositeur Gilbert Amy, pour présenter un cycle d’atelier-rencontres et de concerts.
Pendant la même période, aura lieu le II ème Concours de Jeunes Compositeurs. Ouvert aux compositeurs de toutes nationalités, âgés de moins de 35 ans au 1er janvier 2007, il s’agit d’un rendez-vous incontournable de la jeune création musicale. L’inscription au concours est gratuite.
Cette année, le Concours propose la composition d’une œuvre instrumentale pour un maximum de huit instruments. Le jury est présidé par Alain Jacquon, directeur du Conservatoire national de Région, Centre Georges Gorse.
Les candidats devront attester par écrit que les œuvres présentées sont inédites et n’ont jamais été exécutées en public ni primées à d’autres concours.
La finale du Concours de Jeunes Compositeurs aura lieu en public le samedi 31 mars 2007 au Conservatoire. A l’issue de cette finale sera décerné le Prix du jury, d’un montant de 1500 euros.
Les oeuvres primées seront programmées dans le cadre de la saison musicale 2007-2008 du Conservatoire au moment de la Semaine Contemporaine.

Appel à candidature

Le Conservatoire national de région de Boulogne-Billancourt invite les jeunes compositeurs à remettre leur partition (composition d’une oeuvre instrumentale pour un à huit instruments), au plus tard le 16 février 2007. Renseignements: [email protected]. Règlement du concours et formulaire d’inscription disponibles par courrier et sur place, du lundi au vendredi, de 9h à 20h30. CNR, Centre Georges Gorse. 22, rue de la Belle-Feuille, 92100 Boulogne-Billancourt. Site: www.mairie-boulogne-billancourt.fr. Finale publique du concours, le samedi 31 mars 2007.

Orchestre Philharmonique de Nice, les 9 et 10 février 2007Concert Beethoven et Richard Strauss, à l’opéra de Nice

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Orchestre
Philharmonique de Nice


Nice, Opéra
Le 9 février 2007 à 20h
Le 10 février 2007 à 16h

Beethoven: Concerto pour violon en ré majeur op.61
Richard Strauss: Ein Heldenleben (Une vie de héros)
Isabelle Faust, violon
Orchestre Philharmonique de Nice
Marco Guidarini
, direction

Beethoven: le concerto du destin

Le Concerto pour violon opus 61 de Beethoven (1806) ouvre la voie royale des grands concertos romantiques dont ceux qui lui succèdent, de Mendelssohn (1844) ou de Tchaïkovsky (1878).
Beethoven a composé son œuvre en quelques jours pendant les mois de novembre et décembre 1806 pour Franz Clement, Konzertmeister du Théâtre an der Wien qui d’après les témoignages, recevant une partition à quelques minutes de la première, la joua a vista, sur le vif !
Déconcertante et même sifflée, l’œuvre ne convainc pas lors de sa première viennoise : on l’a trouve décousue et ennuyeuse. C’est Joseph Joachim (prodige âgé de 12 ans) qui sous la direction de Mendelssohn, à Londres, en mai 1844, impose les mérites de la partition. Brahms s’en souvint pour son propre concerto, opus 77 (1878). Et plus proche de nous, le jeune Yehudi Menuhin lui offrit plusieurs interprétations célèbres, lui réservant même une place d’honneur dans ses écrits.
L’œuvre appartient à une période active : Beethoven compose alors la dernière version de Fidelio, L’Eroica, le triple concerto, le Quatrième concerto pour piano, les trois Quatuors « Rasoumovsky » opus 59, mais aussi ses Quatrième et Cinquième symphonies.
Beethoven réfléchit depuis longtemps à un vaste concerto où le jeu dialogué du rapport orchestre/soliste, renouvelle la partie lyrique et mélodique de l’instrument solo. Dès le début, les sauts d’octave qui introduisent le violon, sont d’une redoutable difficulté.

Strauss: l’oeuvre d’un héros

Dès 1896, Strauss est à l’œuvre, dans la conception de sa grande symphonie autobiographique qui devait être pleinement aboutie en décembre 1898.
Deux mois après sa nomination comme Maître de chapelle à Berlin, à la Cour de l’Empereur Guillaume II, il concluait presque ainsi son cycle de partitions symphoniques, magistralement inauguré avec Don Quichotte, opus 35. Sa dernière œuvre comparable, sans le concours de la voix, la Sinfonia Domestica (1904) allait marquer la fin de la veine purement instrumentale de Strauss, avant l’avènement des opéras. Mais n’oublions pas non plus, en 1915, un nouveau massif éblouissant : La Symphonie Alpestre.
La partition d’Une vie de héros n’est pas que narrative. C’est un cycle qui montre les facettes d’un génie orchestrateur, directeur puissant et lyrique de la matière symphonique, et qui, avant les opéras à venir, donne la mesure d’un compositeur maître de la recherche musicale la plus audacieuse et la plus expérimentale. Musique descriptive, donc à programme, et sur ce point, le manuscrit suit explicitement des sujets parfaitement précis, mais aussi musique pure et visionnaire.
Dans ce développement personnel en 6 parties, le créateur célébré et reconnu, qui a encore beaucoup de choses à dire, vise les hauteurs de l’autoproclamation mais aussi souhaite régler ses comptes, en particulier avec les « petits », critiques et jaloux, qui s’entendent depuis toujours, à lui contester sa suprématie artistique.
En héros, conscient de sa valeur, qui a été applaudi et même adulé avec Don Juan, Macbeth, Till Eulenspiegel et Zarathustra, Strauss voit large. L’opus 40, comprend 60 cordes, cinq trompettes, et aussi, entre autres, un dispositif de percussions ahurissant, qui annonce les couleurs et le spectre sonore de son opéra, composé pendant la Première Guerre, La femme sans ombre.

Grandeur narcissique, anecdotes conjugales
Contemporain de Gustav Mahler et de ses tentatives symphoniques, en particulier de la création de la Deuxième Symphonie dite « Résurrection », Strauss dirige lui-même la création de son opus, le 3 mars 1899 à Francfort-sur-le-Main. Les six parties identifiées par l’auteur sont des indications pour l’auditeur. Il ne s’agit en rien d’un programme strict. La musique raconte bien d’autres choses qui dépassent cette simple ossature explicative. C’est pourquoi on aurait tort de s’y conformer à la lettre. L’idée centrale est celle d’une lutte, le combat du musicien contre ses détracteurs.
Depuis ses premiers affrontements, contre les incultes et les critiques jaloux de son art, l’artiste trouve auprès de la compagne idéale, la femme éternelle, constante consolatrice de ses angoisses et de ses peines, un réconfort permanent. Quoique le compositeur ne dissimule rien non plus les irrégularités d’humeur de son épouse, parfois inconstante voire capricieuse. Entre intimité attendrissante et réaliste, et thème de la curie féroce, la partition mêle sarcasmes expressifs et lyrisme passionné en rapport avec sa propre expérience conjugale.
Contrapuntiste, mélodiste, coloriste aussi, Strauss repousse les règles, les limites du cadre de la sonate, expérimente, réinvente en quelque sorte le langage musical.
Dans cette peinture égotiste, Strauss ce cite lui-même, affirmant une sorte de rétrospective autographe qui entend rappeler le cheminement de son travail, les étapes de ses avancées… vers la grandeur : citations de son opéra de jeunesse Guntram, et de ses partitions instrumentales, Zarathustra, Macbeth, Mort et transfiguration : autant d’éléments au dossier du créateur infatigable, admirable par son orgueil assumé, mais pourtant pris à partie.
Contre l’avis de son ami Romain Rolland, qui lui trouvait une impudeur violente, parfois « écoeurante », la symphonie « Une vie de héros » reste aujourd’hui, un morceau de bravoure qui défie et éprouve les plus grands orchestres.

Plan de l’oeuvre

Ein Heldenleben (Une vie de héros), poème symphonique, op. 40
I Der Held (Le héros)
II Des Helden Widersacher (Les adversaires du héros)
III Des Helden Gefährtin (La compagne du héros)
IV Des Helden Walstatt (Les champs de bataille du héros)
V Des Helden Friedenswerke (Les œuvres de paix du héros)
VI Des Helden Weltflucht und Vollendung (La retraite et la fuite du héros du monde et son accomplissement final)

Crédits photographiques
Isabelle Faust (DR)
Marco Guidarini (DR)
Richard Strauss (DR)

Camille Saint-Saëns, Samson et Dalila, 1877Mezzo, le 16 mars 2007 à 15h45

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Camille Saint-Saëns,
Samson et Dalila
, 1877

Le 16 mars 2007 à 15h45

Opéra, 2h10mn. Samson et Dalila, 1877. Production du Teatro degli Arcimboldi à Milan, 2002. Avec Placido Domingo (Samson), Olga Borodina (Dalila), Jean-Philippe Lafont (Dagon), Orchestre e coro del teatro alla Scala, direction: Giuseppe Montanari. Mise en scène: Silvia Fava.

Le compositeur
Comme organiste et pianiste virtuose, Saint-Saëns (1835-1921) s’impose sur la scène musicale. Concertiste au piano, il fascine à 11 ans le public de la Salle Pleyel. Il est organiste à Saint-Merry de Paris, dès l’âge de 18 ans, puis enchante un parterre nom moins subjugué, aux grandes orgues de la Madeleine. Les personnalités romantiques l’admirent dont Berlioz et surtout, Liszt qui l’encourage à créer son opéra, Samson et Dalila, en 1877 à Weimar. Pilier du renouveau de la musique française, membre fondateur de la Société nationale de Musique en 1871, à l’heure où après la défaite de 1870, la France veut redorer son blason artistique contre le wagnérisme dominant, Saint-Saëns souffre toujours d’une image académique que démentent ses oeuvres, claires, magnifiquement orchestrées, à la structure puissante et lyrique. Le symphoniste a montré sa valeur: cinq symphonies dont la dernière, éblouissante avec orgue, est composée en 1886 et dédiée à Liszt qui avait compris l’étendue de son génie. Il a oeuvré pour la redécouverte de Rameau et encourage le talent de ses élèves, Fauré et Messager.

Samson, un Tannhäuser français
Samson qui fait partie des 13 opéras de Saint-Saëns, est créé à Weimar en allemand, le 2 décembre 1877. Samson, héros des hébreux, conduit son peuple à se soulever contre les Philistins. Aussi, Dalila aidée du Grand Prêtre Dagon, entend séduire le champion et lui soustraire le secret de sa force… La manipulatrice réalisera son dessein mais Samson, grâce à un pacte avec le Tout-Puissant reprendra l’avantage en payant le prix fort.
Saint-Saëns travaille à son chef-d’oeuvre, dès 1867. Même si le compositeur reste le défenseur de la musique française, -il sera élu membre de l’Institut-, son oeuvre trahit une indiscutable influence de Wagner, en particulier de Tannhäuser, dont le compositeur français aida la création parisienne! La confrontation Samson/Dalila, n’est pas sans rappeler la force sensuelle de la relation Tannhäuser/Vénus. Harmonie chromatique, lyrisme exacerbé, utilisation maîtrisée des leitmotive, somptuosité orchestrale (duo de l’acte II: « mon coeur s’ouvre à ta voix »; Acte III, aube puis bacchanale orientalisante suscitée par Dagon), Saint-Saëns connaît parfaitement l’art wagnérien. En composant Samson, il en offre une résonnance flamboyante.

Illustrations
Portrait de Camille Saint-Saëns à l’orgue (DR)
Pierre Paul Rubens, Samson vaincu dans les bras de Dalila, 1609/1610 (Londres, National Gallery)

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bonjour anhonty

La lettre du musicien – n°337 – 4 euros

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C’est l’heure des bilans: retour sur « les événements de l’année 2006 ». De l’année Mozart aux conservatoires qui « ont bénéficié de bâtiments flambant neuf ». Marc Bleuse, président de l’Union nationale des directeurs de conservatoires, dresse un état de la situation musicale en France, côté pédagogique: « ce qu’il aurait fallu faire », « … ce qui a été si mal fait », voeux pieux pour le futur président de la République.
Point sur « les orchestres d’harmonie en Alsace ». Actualité des artistes: Les 20 ans du Trio Wanderer et de l’ensemble Musicatreize, Présences 2007 à Radio France, …
« Solfèges »: « L’imagination, source inestimable »: comment stimuler et développer notre imagination, par Pascal Le Corre. Bilan du dernier colloque (Bordeaux, les 8 et 9 décembre 2006) consacré à la pratique artistique et les méfaits in/avoués du stress: « la situation est préoccupante.16% des musiciens refusent des offres de concert en raison d’un trop grand stress. »
‘Ecoles et conservatoires »: retour sur la publication de l’arrêté fixant les critères de classement des établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et l’art dramatique, arrêté paru le 15 décembre 2006.
Publication des 12 articles concernés.
« Le point juridique »: Contrats à durée déterminée: légalité des refus de renouvellement.
Retrouvez dans la Lettre du Musicien n°337: les comptes rendus d’opéras et de concerts, les offres d’emplois, l’agenda des concours et des stages, la vie des ensembles et des orchestres… 62 pages.

Ce que nous avons aimé

La « lettre ouverte aux candidats à la fonction suprême » : le bilan des actions ratées et des chantiers à reprendre, dressé par Marc Bleuze, est éloquent. Analyse des points de désaccord dans « vos programmes de gouvernance! ».

Prochaine parution: le 12 février 2007.

Bruxelles. Conservatoire, le 20 janvier 2007. Récital Elisabeth Leonskaya

Un sourire lumineux, empreint de simplicité et d’un brin de malice, celui d’Elisabeth Leonskaya, accueillant le public du Conservatoire royal de Bruxelles dans l’intimité d’un salon où l’art de la musique est pratiqué avec convivialité et distinction. Dans les Sonnets de Pétrarque n° 104 et 123 de Liszt, le chant est respiré, déclamé, presqu’étiré. Elisabeth Leonskaya prend le temps de réciter ces poèmes, qui se languissent d’amours inaccessibles et de guerres que l’on se résigne à ne pas mener : « Pace non trovo, e non ho da far guerra« . Sous les doigts d’Elisabeth Leonskaya, Liszt chante autant que Pétrarque, exprimant l’exaltation du poète, et l’admiration tout aussi exaltée du musicien pour le poète.

Avec la Grande Sonate de Tchaikovsky, Elisabeth Leonskaya se fait l’ambassadrice engagée d’une oeuvre peu fréquentée du répertoire. Le dynamisme et le tonus de cette partition méconnue ont tout pour mettre en valeur l’ample sonorité et l’endurance technique d’Elisabeth Leonskaya, sa virtuosité, son style étant intacts depuis la seconde moitié des années 60, où elle remportait coup sur coup les concours Enesco, Long-Thibaud et Reine Elisabeth. La Grande Sonate est une oeuvre foisonnante, parcourue d’une multitude d’idées et de climats, indubitablement marqués du sceau de Tchaikovsky. Leonskaya défend avec conviction les presque quarante minutes de la partition, s’attachant à y déceler tendresse et nostalgie, humour et finesse, grandeur et sensibilité, dans un jeu tour à tour perlé et impétueux. Les thèmes principaux des premier et quatrième mouvements, conquérants, éminemment schumanniens, sont magnifiques : à notre sens, ils justifient à eux seuls la programmation de cette oeuvre à redécouvrir.

La deuxième partie de la soirée est entièrement consacrée à Chopin, avec l’intégrale des Scherzos, couplés deux par deux, et entrecoupés d’un moment de rêverie avec le Nocturne n°8. Voilà un Chopin au lyrisme haletant, faits de contrastes violents plus que de continuité mélodique, et très loin de toute mièvrerie romantisante. Leonskaya aborde ses partitions avec une énergie proprement épique, sans le moindre maniérisme, donnant raison à Cortot qui disait que les Scherzos de Chopin « sont des jeux, mais terrifiants; des danses, mais enfiévrées, hallucinantes, qui ne semblent rythmer que l’âpre ronde des tourments humains« . Elisabeth Leonskaya se joue de tous les écueils techniques, dompte avec maîtrise les flux vertigineux de l’âme chopinienne, met en place les couleurs et les plans sonores avec une stupéfiante efficacité.

Le public, conquis, acclame longuement la noblesse toute naturelle et la vivifiante musicalité d’Elisabeth Leonskaya. A noter dès à présent qu’Elisabeth Leonskaya sera à nouveau l’invitée de Bozar Music les 13 et 15 mai 2007, pour interpréter le Concerto n° 2 de Prokofiev avec l’Orchestre National de Belgique sous la baguette de son nouveau directeur musical Walter Weller.

Bruxelles. Conservatoire, le 20 janvier 2007. Franz Liszt (1811-1886) : Sonetto del Petrarca n° 104, Sonetto del Petrarca n° 123. Piotr Ilitch Tchaikovsky (1840-1893) : Sonate n° 2 Op. 37. Frédéric Chopin (1810-1849) : Scherzo n° 1 Op. 20, Scherzo n° 2 Op. 31, Nocturne n° 8 Op. 27/2, Scherzo n° 3 Op. 39, Scherzo n° 4 Op. 54. Elisabeth Leonskaya, piano.

Crédit photographique
Jean Mayerat

Le Monde de la musique – février 2007 – 5,50 euros

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Tout d’abord, tribune offerte à Roberto Alagna qui s’explique sur les conditions de son abandon à la Scala de Milan, le 10 décembre 2006. Retour sur une affaire amplement médiatisée, précisions de l’interprète qui se dit victime d’une cabale. Pleins feux sur Thomas Adès: le compositeur britannique, 36 ans, est l’invité du festival Présences 2007. « Le grand souffle du flûtiste Emmanuel Pahud pour son dernier cd consacré à Vivaldi, chez Emi. Mais aussi, une « fête (qui) dure depuis 400 ans », celle de l’opéra, célébré lors de l’opération « tous à l’opéra », du 16 au 18 février 2007.
En liaison avec le thème générique de la Folle Journée 2007, dossier spécial sur « L’harmonie des peuples »: avec un focus sur l’oeuvre de Bartok (qui fait la couverture de votre mensuel) parmi les « autres fronts ». 5 grands chapitres au sommaire cette aventure musicale : « Russie: les chants de la terre », « Scandinavie: soleils divers », « Espagne: entre rêve et réalité », « France: le verbe se fait musique », « Europe centrale: les milles et une musique ». Portraits des musiciens à l’affiche de la Folle Journée: Brigitte Engerer, Laurence Equilbey, Jean-François Heisser, Barbara Hendricks, le Quatuor Prazak. Dossier complémentaire: « Bartok, l’usage du monde ». Comment le compositeur a su puiser dans les folklores populaires afin de concevoir sa propre musique (discographie sélective). Sélection des concerts phares de la Folle Journée. Invité du mois: Yann Queffélec, présent à la Folle Journée de Nantes « pour parler de Bartok, le sujet de son premier livre… »

Dans votre mensuel, retrouvez aussi toute l’actualité des livres, dvd et cd dont le palmarès des 17 « chocs de la musique »; l’agenda des concerts et opéras à l’affiche en février 2007. Banc d’essai: 6 enceintes françaises, de 990 à 120 000 euros la paire. 138 pages. Supplément: le guide radio-télévision de février.

Lin Hwai-Min, Cursive II Mezzo, du 18 au 28 février 2007

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Lin Hwai-Min, Cursive II

Le 18 février 2007 à 20h45
Le 19 février 2007 à 13h45
Le 28 février 2007 à 3h35

Cursive II. Chorégraphie de Lin Hwai-Min. Danseurs du Cloud Gate Dance Theater de Taiwan.
Ballet. Réalisation: Ross Mac Gibbon. 2005, 1h05mn

Fondateur en 1973, et depuis directeur artistique du Cloud Gate Dance Theatre de Taiwan, Lin Hwai-Min a étudié la gestuelle de l’opéra chinois, l’une des plus sophistiquées (et des plus codifiées) qui soient parmi les arts du spectacle de l’Orient traditionnel. Sa connaissance parallèle de la danse contemporaine occidentale, apprise à New York, crée des passerelles toujours passionnantes entre Orient et Occident. Dans Cursives II, volet central d’une oeuvre conçue comme une trilogie, filmé ici à Genève en 2005, les caractères de sa recherche apparaissent avec clarté: distorsion courbe et asymétrique des corps comme suspendus en état d’apesanteur; gestion de la tension dont les lignes inclinées, en bascule, ondoyantes contredisent la verticalité classique occidentale. C’est une recherche d’équilibre constante, primaire tendue par les danseurs: hommes en jupes noires, femmes vêtues de blanc immaculé. A la fluidité des mouvements, courbes des épaules, arabesques des mains, répond la nervosité de certaines figures où souvent, la posture sur une seule jambe défie la tenue du danseur. Entre atemporalité et épure, le corps de ballet du Cloud Gate Dance theatre de Taiwan délimite aussi un espace idéal où paraît comme toile de fond, de superbe aplats graphiques, nervures végétales ou craquelés de porcelaine chinoise. Le travail impeccable de la lumière qui dessine l’ultime figure en contrejour, indique cette quête de la pureté et d’une flexibilité idéale des corps. Quant à la musique choisie, celle de John Cage (1988-1992), elle souligne la volonté de rupture avec notre espace et notre temps, ce désir de s’abolir de toute référence pour inventer un autre langage.

Approfondir
Visitez le site du Cloud Gate Dance Theatre of Taiwan

La Sylphide Mezzo, les 25 et 26 février 2007

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La Sylphide, 1832
Adaptation de Pierre Lacotte
Ballet de l’Opéra de Paris, 2004.

Le 25 février 2007 à 20h45
Le 26 février 2007 à 13h45

Ballet. Réalisation: François Roussillon. 1h15mn, 2004.
En 2004, l’ancien danseur et conseiller à la direction de la Danse de l’Opéra de Paris, Pierre Lacotte, reprend à la demande de Brigitte Lefebvre et d’Hugues Gall, une précédente résurrection, initiée dès 1971: reconstituer la chorégraphie du ballet La Sylphide, tel qu’il fut créé pour la ballerine d’origine suédoise, Marie Taglioni (1804-1884), à Paris en 1832.
L’oeuvre est le premier ballet romantique, il cristallise les fantasmes masculins de la société de la Monarchie de Juillet. Dans une Ecosse de pacotille, James bien que fiancée, reste l’objet d’une obsession nocturne. Créature féerique et surnaturelle, une Sylphide lui est apparue en songe. Le jeune homme est habité par cette apparition qui l’entraîne jusque dans la forêt. Il perdra l’amour de sa fiancée. L’amour inaccessible et la solitude de l’amant, la possession dont il est la victime, ses visions vécues comme des idées fixes appartiennent au vocabulaire romantique, et rappelle d’ailleurs les même tourments de Berlioz, auteur de la Symphonie fantastique contemporaine (1830).
Le sujet assez faible sur le plan scénographique, offre un prétexte pour traiter sur un mode poétique (les apparitions des sylphides volant dans les airs) et aussi fantastique (le personnage de la sorcière rehausse l’évocation romanesque), le thème d’un amour impossible.
Le corps de Ballet de l’Opéra de Paris s’engage jusqu’à la perfection dans cette reconstitution millimétrée, qui sans la beauté des tableaux, en particulier lorsque James et sa fiancée, Effie, sont rejoints par la Sylphide, en un trio aérien, lorsque plus tard, James et la Sylphide se retrouvent seuls, jusqu’à l’apothéose finale de l’héroïne, offre peu de rebondissements. L’impeccable prestance des deux protagonistes, l’étoile Aurélie Dupont et Mathieu Ganio dans le rôle de James, font oublier et certaines longueurs, en particulier dans les scènes collectives, et l’académisme d’un genre qui se répète. Les amateurs de danse classique seront évidemment ravis car tout est conçu comme faire-valoir de la danseuse étoile. Les autres, plus exigents, pardonneront cet excès de reconstitution, tout en reconnaissant comme nous, l’excellence interprétative.

La Sylphide, ballet adapté par Pierre Lacotte. Musique: Jean-Madeleine Schneitzhoeffer. Ballet en deux actes d’après Philippe Taglioni. Livret: Adolphe Nourrit. Production de l’Opéra national de Paris. 2004. Avec Aurélie Dupont, Mathieu Ganio, Mélanie Hurel, Jean-Marie Didière, Corps de Ballet de l’Opéra national de Paris, Orchestre national de Paris, direction: Ermanno Florio.

Illustration

Marie Taglioni, pour laquelle fut créé le ballet La Sylphide, en 1832 (DR)

Paris. Salle Pleyel, le jeudi 25 janvier 2007. Concert Schumann. Thomas Zehetmair, violon. Orchestre de Paris, direction : Marek Janowski.

Après les Scènes de Faust, au début décembre 2006 sous la direction de Christoph Eschenbach, l’Orchestre de Paris continue son exploration de l’oeuvre de Robert Schumann, avec un programme au cours duquel figuraient trois grandes créations orchestrales du compositeur romantique : l’Ouverture de Manfred, le superbe et difficile Concerto pour violon et la Symphonie n° 4, dans sa version révisée de 1851. De cette dernière, Janowski a une conception architecturée, d’une très grande rigueur. Le chef travaille sur la continuité du discours musical, sur le naturel des enchaînements entre les mouvements. La transition entre le Lebhaft et le Finale, en particulier les quelques mesures notées « Etwas zurückhaltend », juste avant le « Langsam » qui débute le dernier mouvement, est à cet égard une belle réussite. Moment où l’auditeur est comme en suspension. Empli d’inquiétude, néanmoins nimbé de lumière, ce passage annonce magnifiquement les quelques mesures sombres du début du Finale. Un Schumann très équilibré donc. Un Schumann trop calme pourtant. Jamais la passion, l’exaltation ne le saisit. L’Ouverture de Manfred, guère passionnée, tragique ou morbide, nous le faisait déjà pressentir. Ce Schumann-là, sans tourments intérieurs, sans fébrilité ou fragilité, un Schumann avant tout animé de la raison des classiques, ne se rapproche guère de celui que nous aimons. L’élan, les éclairs sont majoritairement absents, comme en témoignent les projections des cordes – bien sages- au coeur du premier mouvement, ou la timidité des cuivres dans le Finale.

Dans le Concerto pour violon, Marek Janowski et le soliste Thomas Zehetmair ne semblent pas s’accorder. Zehetmair affiche dans le mouvement initial un ton assez rhapsodique, guère suivi en cela par son partenaire, qui reste dans une optique délibérément plus classicisante, démarche qui rattrape d’ailleurs le violoniste au cours des mouvements suivants. L’accompagnement orchestral manque d’arêtes et se confine trop souvent dans un excès de langueurs brumeuses. Les superpositions rythmiques et harmoniques violon/cordes du deuxième mouvement, si originales, sont guère mises en valeur. Le solo du violoncelle qui le débutait était pourtant le plus beau de la soirée.

Paris. Salle Pleyel, le 25 janvier 2007. Robert Schumann (1810-1856) :Manfred (Ouverture), Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, Symphonie n° 4 en ré mineur opus 120 (version révisée).Thomas Zehetmair, violon. Orchestre de Paris.Marek Janowski, direction
 
Discographie
1. Schumann / Dvorak : Concerto pour violon en ré mineur (1853) / Concerto pour violon en la mineur. Thomas Zehetmair, violon. Philharmonia Orchestra, Christoph Eschenbach.  Apex
2. Schumann : Quatuors à cordes n° 1 & 3. Quatuor Zehetmair. ECM

Jean-Philippe Rameau (1683-1764)Les opéras

Jean-Philippe Rameau
Dramaturge et orchestrateur


L’actualité des concerts de février 2007, met à l’honneur un compositeur trop peu joué, Jean-Philippe Rameau. Grâce à la Cité de la musique à Paris( voir notre agenda en fin de texte), grâce à France Musique qui lui consacre une journée dédiée, le 19 février 2007, retour sur un génie de la scène lyrique baroque à l’époque de Louis XV. Et pour nous, superbe occasion d’évoquer l’audace du créateur.

Le plus grand musicien de son temps, dont on aime souligner le génie musical avant l’esprit dramatique, au regard de la faiblesse (supposée) de ses livrets, fut un dramaturge exigeant. Parcours au sein de ses oeuvres lyriques: aux côtés du bouillonnant orchestrateur, qui put aisément composer des symphonies mais préféra les intégrer dans ses opéras, visite guidée dans son antre lyrique, tragique et comique.

Assez de musique pour en faire dix

Dès l’âge de 12 ans, Rameau se déclare possédé par le démon de l’opéra. C’est le seul genre à la mesure de son génie. Il viendra tard sur le sujet, créant à 50 ans son premier opéra, en 1733, Hippolyte et Aricie, mais avec quel éclat: les fulgurances enharmoniques de la musique,- en particulier du trio des Parques qui terrifièrent les chanteurs-, le spectaculaire de l’écriture, firent l’effet d’une révolution. On n’écrira plus de musique pour l’Académie royale, de la même façon, après le choc d’Hippolyte.
Rameau commence d’abord à composer quelques pièces théâtrales pour le Théâtre de la Foire avant de franchir le perron de l’Académie Royale. Dans une lettre qu’il adresse au faiseur de livrets à la mode, Houdar de la Motte dont les textes font le succès des musiciens fameux tels Campra et Destouches, le compositeur de 44 ans réclame un livret se prévalant, mieux que les autres, de posséder la maîtrise des « couleurs et des nuances ».
Finalement, c’est un autre écrivain, l’abbé Pellegrin, qui lui fournira les vers de sa première tragédie en musique, Hippolyte et Aricie, inspiré de Racine. Le fleuve musical regorge de tempêtes et de déchaînements, d’invocations et de passions exacerbée, autant dans la tendresse que dans la haine. La peinture tragique connaît l’une de ses manifestations les plus fascinantes et Campra avouera, étonné, qu’il y a  » dans cet opéra, assez de musique pour en faire dix« .
Ne dira-t-on pas à propos de Mozart, au moment de la création de son Enlèvement au sérail, (1782) qu’il y avait trop de notes? Le génie ne s’encombre pas des capacités de son auditoire. Mais le pire vient de Voltaire: « c’est exact et ennuyeux » seront ses paroles. Des mots choisis qui ont l’apparence de la vérité, et qui, du vivant de Rameau, épinglera définitivement le compositeur scientifique, théoricien autant que pédant, d’une sophistication désincarnée, aux assommants artifices.Si le philosophe ne manquait pas de discernement et d’esprit critique, il n’avait aucun goût en matière musicale. Et au moment de la Querelle des Bouffons (1752), Jean-Jacques Rousseau portera un même avis générique sur Rameau: un scientifique pesant et artificiel, en rien séduisant comme l’opéra italien et la saveur des intermèdes buffa napolitains tel La Serva padrona de Pergolesi. Longtemps, l’idée d’un Rameau empoulé et solennel sera brandie, l’opposé des facéties légères et naturelles du Théâtre Italien.


Essor du tragique et du comique


Or c’était bien mal connaître l’auteur d’Hippolyte. Quatre autres tragédies verront le jour, toutes aussi élaborées, expressionnistes et voluptueuses, forçant la nature à se surpasser. Le théâtre de Rameau ne singe pas les passions et le coeur humain, il les exaltent.
Ainsi, Castor & Pollux (1737), Dardanus (1739), enfin Les Boréades en 1763, dont la création est annulée parce que son auteur meurt avant la fin des répétitions.
Castor prolonge les évocations extrêmes d‘Hippolyte: tableaux des enfers et grandeur pathétique des sentiments. L’esthétisme de la musique ramiste ne passera pas inaperçu auprès de Telemann qui reste subjugué par la vérité de la partition. En définitive, il faut rétablir le statut particulier de Castor & Pollux, en particulier dans sa seconde version de 1754, dans laquelle Rameau coupe, resserre l’action, façonne une manière de chef-d’oeuvre inégalé, inégalable du grand genre; un coup de génie qui fut applaudi pendant la Querelle des Bouffons, et que tentera, à peine, d’égaler Gluck, 20 ans plus tard, lorsque Marie-Antoinette lui demandera de renouveler la grande boutique.
Avec Dardanus porté à la scène en 1739, puis 1744, Rameau poursuit son exploration des passions. La musique y paraît de plus en plus en décalage avec le texte. L’intensité expressionniste des climats de l’orchestre atténue faiblement la déficience du livret. De même Zoroastre, qui connut également deux versions, celle de sa création en 1749, puis celle de sa reprise en 1756 et ne conquit pas véritablement le public. L’inclination de Rameau pour le versant des coeurs, cette âme qui tarde à se dévoiler quant elle est dite ou déclamée mais qui s’embrase dans la modulations du chant et les nuances de l’orchestre, dilue l’essence tragique du sujet. On voit bien que ce qui intéresse le musicien, sont ces liens et ces chaînes amoureux, entremêlant les destins opposés. Finalement Rameau est un grand sentimental. Du moins fit il fondre d’émotion D’Alembert qui ne tarit pas d’éloges sur Zoroastre. Comme d’ailleurs, il en sera de Rousseau, ailleurs rival et critique, ébahi par les outrances formidables de Platée.
Enfin, la véhémence rythmique des Boréades, l’audace de l’orchestre contredit le grand âge de l’auteur. A près de 81 ans, Rameau, plus inventif que jamais, ouvre de nouvelles perspectives dans l’écriture musicale, et même dans la dramaturgie. Il profite du prétexte mythologique, pour lever et souffler des vents cosmiques. C’est l’univers qu’il reconstitue à l’échelle de la fosse. Enterrée avec son auteur, l’oeuvre est créée à Aix-en-Provence, en 1982, sous la baguette de John Eliot Gardiner, cadeau préludant au Tricentenaire de sa naissance.

Platée

Mais l’on ne peut évoquer la richesse du paysage ramiste sans restituer aux côtés des profondes cavernes tragiques, l’arête affûtée des massifs comiques.
Les débuts du compositeur s’imposent d’abord à la Foire. Comme en témoigne, L’Endriague, représenté à Saint-Germain en 1723, le quadragénaire ne manque ni de cynisme ni de mordante ironie. Sur un texte d’Alexis Piron, un libre penseur et joyeu drille, comme notre musicien, dijonais de naissance, Rameau caricature gaillardement le mythe de Persée et d’Andromède. La veine comique de Rameau se cristallise dans une partition inédite, délirante, tissée de pure poésie, régalant l’esprit par sa liberté et son invention: Platée est un sujet jamais mis en scène, dans une forme inédite. L’oeuvre jouée devant le parterre royal à Versailles, en mars 1745, valut au compositeur titre et pension. Rameau se joue de tout, multiplie les points de vue: tragique, larmoyant, déchirant, triomphal et cinglant. Ce « ballet bouffon » est magistralement porté par l’invention magistrale de la Folie qui vole la vedette à la Reine des grenouilles. Aucun doute, par la voix de la Folie, capable de tirer les larmes comme exciter un diable, c’est Rameau qui parle: il affirme avant tout, la souveraine musique. C’est elle qui peut tout. Paroles ou musique? Rameau a tranché.

Agenda

Domaine privé de John Eliot Gardiner. Jardin secret du chef britannique, son travail musical de Mozart à Rameau. Paris, Cité de la musique. Du 10 au 17 février 2007.
Point fort:
Jean-Philippe Rameau
Castor & Pollux
Paris, Salle Pleyel
Les 16 et 17 février 2007 à 20h

Radio

Journée spéciale John Eliot Gardiner sur France musique
Le 19 février 2007. A 18h, Rameau. A 20h, Castor et Pollux.

Approfondir

Lire notre dossier Platée de Jean-Philippe Rameau
Lire notre critique du cd « La Symphonie imaginaire » par Marc Minkowski (Archiv)
Lire notre présentation du documentaire « Rameau retrouvé » de Reiner Moritz (2004, 52 mn), lors de sa diffusion sur Mezzo, en octobre 2006

Illustrations

Aved, portrait de Rameau
Les Dioscures

Le Jardin des Voix, William ChristieRadio Classique, le 13 février 2007 à 21h

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Le Jardin des Voix


Radio classique, le 13 février 2007 à 21h

William Christie a fondé une école de jeunes chanteurs baroques, encore en apprentissage mais qui se prêtent au jeu d’une première expérience professionnelle: « Le Jardin des voix », offre depuis sa création en 2002, une opportunité de professionalisation aux plus talentueux.
Jardin parce que le vieux chef baroqueux de la première heure, qui se targue non sans fierté, d’avoir permis aux français de redécouvrir leur patrimoine musical des XVII ème et XVIII ème siècle, est lui-même un amateur de bosquets à la française et de roses.
Aujourd’hui, l’homme veille à transmettre sa connaissance du style et des répertoires anciens. Soucieux d’équilibre autant que d’harmonie, Christie accompagne donc avec son coéquipier Kenneth Weiss, dans ce projet pédagogique, une jeune équipée de boutons à naître, 9 artistes en 2002, 7 en 2005, presque 10 en 2007.
Les jeunes élèves chanteurs, de neuf nationalités différentes, sélectionnés après moultes auditions, répètent, articulent, se perfectionnent dans l’art difficile du chant dramatique et linguistique propre au baroque. Le programme présenté en 2007 est un savant assemblage d’airs d’opéras où chacun, de Cavalli, Carissimi, Monteverdi à Haendel, Piccinni ou Haydn, pourra déployer l’essence de son timbre et la courbe de sa couleur.
En tournée après les premiers concerts en Normandie, la brillante équipe se produira ensuite à Paris (Cité de la musique, les 10 et 11 mars 2007), Madrid, Lisbonne, Francfort, Londres, et même New York. Preuves de la qualité de l’enseignement académique version Christie, plusieurs chanteurs issus du cocon musical, débutent leur carrière avec les honneurs: Céline Ricci (session 2002), Amel B.-Djelloul (session 2005).
Evocation de la mission, des réalisations, de l’actualité et des perspectives du Jardin des Voix.

Crédit Photographique
William Christie (DR)

Hervé Niquet, portraitRadio Classique, le 15 février 2007 à 21h

Hervé Niquet



Radio classique, le 15 février 2007 à 21h

Défenseur de Charpentier, depuis la création de son ensemble Le Concert Spirituel, qui fête en 2007 ses 20 ans de bons et loyaux services, Hervé Niquet s’est aussi impliqué sur la scène lyrique. De nouvelles oeuvres, méconnues au répertoire des salles d’opéra, telle Médée de Charpentier ou Persée de Lully ont surgi de l’ombre avec un éclat convaincant. Preuve que, sous la constellation baroque, il reste de nombreuses résurrections à faire et à venir. D’ailleurs, 2006 fut l’année d’une nouvelle découverte, la tragédie lyrique d’André Cardinal Destouches, Callirhoé (1712). Une oeuvre grandiose et solennelle prolongeant avec rigueur le modèle lyrique hérité de Lully mais qui sait aussi s’adoucir et développer des inflexions nouvelles comme de somptueuses courbes sentimentales, prélude indiscutable à l’esthétique de Louis XV.
En Destouches, il faut voir le précurseur de Rameau. Hervé Niquet évoquera l’oeuvre à l’occasion de la parution en janvier 2007, de Callirhoé au disque, en un superbe livre-cd, édité chez le label Glossa. Itinéraire et carrière d’une personnalité aux multiples facettes, qui avant de manier la baguette, fut d’abord ténor…

Approfondir
Lire notre dossier Callirhoé de Destouches

Crédit photographique
Hervé Niquet (DR)

Jessye Norman, portraitRadio Classique, le 28 mars 2007 à 21h

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Jessye Norman,
portrait


Radio Classique, le 28 mars 2007 à 21h
Carole Bouquet raconte…

Autour d’un rôle qu’elle marqua de son beau timbre soyeux et grave, Ariane abandonnée, esseulée et suicidaire qui renaît à la vie grâce à sa rencontre avec le dieu Bacchus, dans l’opéra « Ariadne auf Naxos » de Richard Strauss et de son librettiste Hugo von Hoffmannsthal, la soprano américaine, Jessye Norman est le sujet de ce portrait légitime. Le public parisien lui voua une adoration rare, d’une exceptionnelle ferveur retrouvée en 2006 quand sous la baguette de Pierre Boulez, la diva à 60 ans, chantait Judith dans Le château de Barbe-Bleue de Bartok, en juin 2006 au Châtelet.
Pour nous, chacun ayant ses souvenirs selon sa sensibilité, l’assoluta divina restera Phèdre dans l’Hippolyte et Aricie de Rameau, sous la baguette de John Eliot Gardiner, un certain soir de 1983, sous la voûte étoilée d’Aix-en-Provence.
En 2006 également, Decca fit paraître une première série de volumes discographiques, retraçant l’art de la tragédienne et de la diseuse dans Brahms, Mahler et Schubert.

Approfondir

Lire notre portrait de Jessye Norman
Lire notre dossier consacré aux premiers volumes de la Jessye Norman collection
Lire notre dossier consacré la Jessye Norman collection (2)
Crédit photographique
Jessye Norman © I.Penn

Richard Strauss, Ariadne auf Naxos (1916)Mezzo, du 17 au 27 février 2007

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Richard Strauss,
Ariadne auf Naxos
, 1916

Le 17 février 2007 à 20h45
Le 18 février 2007 à 13h45
Le 27 février 2007 à 15h40

Opéra de Paris, saison 2003/2004. Réalisation: Don Kent, 2h

Dans la mise en scène de Laurent Pelly, plus habitué aux facéties d’Offenbach qu’à la délicate poésie de Strauss et de son librettiste génial, Hugo von Hoffmannsthal, cette Ariane sur le plateau de l’Opéra Bastille, s’impose surtout par la prestation des chanteurs. Si elle reste encombrée et peu lisible sur le plan scénographique, la production suscite néanmoins une totale adhésion sur le plan vocal. Natalie Dessay (Zerbinette) est en grande forme, le couple Ariane/Bacchus, très inspiré, et surtout, dans le Prologue, Sophie Koch incarne un compositeur, exalté, intransigeant, à fleur de peau, à la rayonnante et incandescente présence.
Le sujet de l’opéra interroge la dualité des registres poétiques, entre le seria et le buffa, le comique et le tragique. En décidant d’oser mêler à la tragédie d’Ariane abandonnée par Thésée, selon la fable mythologique, le délire bouffe de la Commedia dell’arte, par la présence de Zerbinette et de ses amants, les auteurs ciblent en définitive l’histoire même du genre lyrique. Le duo compositeur/librettiste s’interroge sur la définition et l’enjeu du théâtre musical. Quel rapport entre le comique et le sérieux? Comment exprimer la vie et le mystère de l’identité sur une scène? Quelle est la part de la métamorphose et du salut? Autant de valeurs clés qui fondent au début du XX ème siècle, le travail de deux créateurs exceptionnels, dans le genre lyrique. En usant volontiers du pastiche, – Ariadne au Naxos revisite l’idéal classique de l’opéra baroque, Lully et les italiens-, Strauss/Hoffmannsthal, co fondateurs du Festival de Salzbourg en 1922, analysent l’histoire même de l’opéra, récapitulent son évolution, ses perspectives. Leur démarche, toute en finesse, pose la question irrésolue de l’illusion et de la vérité. Ils tournent autour du thème moteur de l’essence des choses et de la vie. Une interrogation déjà posée dans le Chevalier à la rose, en 1911.

Et sur la scène, lorsque tous les caractères s’agitent quand il faut selon la volonté du mécène, unir la troupe des comédiens et la dignité des tragédiens, fusionner la fable antique et le masque dansé, chacun exerce son droit à défendre son pré carré. Strauss et Hoffmannsthal, conscients de la signification profonde du drame lyrique, expriment la clé qui fonde l’art: cette magie de l’instant qui permet à tant d’activités et d’intentions multiples (danse, poésie, musique, mécène…) de se fondre dans l’accomplissement de la représentation. Le duo qui conclut le Prologue, entre le Compositeur et Zerbinette, souligne le miracle d’un moment volé, rendu éternel dans le partage de ces deux sincérités, fugaces mais foudroyantes.
L’oeuvre est une partition éblouissante par sa portée poétique et les multiples questions qu’elle propose. Si l’on peut émettre de justes réserves sur le dispositif visuel et scénique, sur la direction du chef, bien peu articulée et chambriste, la production parisienne par sa grande cohérence vocale, est à ne pas manquer. Saluons Mezzo de rediffuser la performance.

Distribution

opéra en un prologue et un acte
Version de 1916
Livret de Hugo von Hofmannsthal

Majordome : Waldemar Kmett
Maître de Musique : David Wilson-Johnson
Compositeur : Sophie Koch
Ténor (Bacchus) : Jon Villars
Officier : Mihajlo Arsenski
Maître de Danse : Graham Clark
Perruquier : Sergei Stilmachenko
Laquais : Yuri Kissin
Zerbinette : Natalie Dessay
Primadonna (Ariadne) : Katarina Dalayman
Naïade : Henriette Bonde-Hanssen
Dryade : Svetlana Lifar
Echo : Sine Bundgaard
Arlequin : Stéphane Degout
Scaramouche : Daniel Norman
Truffaldin : Alexander Vinogradov
Brighella : Norbert Ernst

Orchestre de l’Opéra National de Paris
Direction musicale : Pinchas Steinberg
Mise en scène et costumes : Laurent Pelly
Décors : Chantal Thomas
Lumières : Joël Adam

Approfondir
Lire notre dossier les opéras de Richard Strauss

Illustration

Natalie Dessay (Zerbinette) et le Compositeur (Sophie Koch) © Opéra national de Paris 2003/2004
Sophie Koch (DR)

Voyage musical en NorvègeMezzo, du 1er au 15 février 2007

Voyage musical en Norvège


Le 1er février 2007 à 13h45
Le 10 février 2007 à 11h45
Le 12 février 2007 à 16h50
Le 15 février 2007 à 3h45

Documentaire. Réalisation: Nicolas Lebrun et Anaïs Leguennec. 52mn, 2006

Laissant son tablier et ses instruments de luthier à Oslo, Jacob von der Lippe, originaire de Tongsberg est notre guide pour cette épopée qui a pour étapes, Stavanger: la ville natale du violoncelliste Truls Mork qui y a fondé en 1991, le célèbre festival international de musique de chambre; Bergen, la capitale de l’Ouest norvégien qui abrite aussi un non moins prestigieux festival depuis 1953. La ville entourée de 7 montagnes est un lieu magnifique qui abrite encore quelques églises viking, construites en bois. A Oslo, Jacob nous fait visiter les lieux musicaux dont la Philharmonie que Mariss Jansons, qui en fut le chef pendant 25 ans, a hissé au plus haut niveau artistique. Oslo compte aussi un grand chantier, son nouvel opéra qui abritera deux scènes et sera inauguré en 2008.
Fidèle à son concept, le documentaire nous offre plusieurs rencontres avec des musiciens: Leif Ove Andsnes, pendant une répétition dans le cadre du festival de Stavanger, évoque l’oeuvre de Grieg, lequel plus inspiré par Ravel (qui l’estimait) et Debussy (qui fut plus tranchant à son égard) que par les compositeurs germaniques, donna à la jeune nation norvégienne (instituée comme telle qu’en 1905), une musique traditionnelle, savante et populaire, nationale. Les instrumentistes du Quatuor Ostro string quartet, évoquent quant à eux la figure de Johann Svensen, immense chef d’orchestre et compositeur contemporain de Grieg. Enfin, la dernière partie du film, restitue la place du violoniste né en 1810 à Bergen, Oll Bulls, qui faisait s’évanouir ses admiratrices, rien qu’en paraissant sur la scène de ses récitals. Découverte de sa collection de Stradivarius, Amati et fleuron des instruments conservés dans sa maison d’été, aux allures de palais russo-byzantin, son fameux « Guarneri del Gesu » de 1734. Ne manque que la diva du nord, désormais célébrée comme l’une des voix les plus accomplies de l’heure, Solveig Kringelborn à laquelle nous avons dédié un premier portrait.

Illustrations

Portrait d’Edvard Grieg (DR)
Portrait du violoniste Olle Bulls (DR)

Maurice Ravel, L’enfant et les sortilèges, 1925 France Musique, le 9 février 2007 à 20h. Direct

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Maurice Ravel
L’enfant et les sortilèges
, 1925

Vendredi 9 février 2007 à 20h
En direct de la salle Pleyel

Un enfant pas très sage

Le sujet plonge dans l’enfance. C’est une évocation de la figure maternelle, recherchée, adorée. L’Enfant qui n’a pas été sage, se venge sur les objets, les arbres et les animaux de son entourage. A l’esprit barbare et cruel du jeune être, s’oppose bientôt une armée de victimes innocentes, qui toutes directement ou indirectement, ont perdu un compagnon, ont souffert sans raison à cause du petit diable. Chacun se dresse contre le tyran qui finit par demander grâce, suppliant Maman de le réconforter.
Maurice Ravel travaille après la mort de sa mère, à une partition qui le conduit sur les traces de son héros, l’Enfant. L’écrivain Colette écrit le livret de cette oeuvre commandée par le directeur de l’Opéra de Paris. Le musicien emprunte les chemins rétrospectifs du souvenir quant il était lui-même petit garçon. Plusieurs passages sont inspirés par la magie de l’illusion, de la féerie. Ainsi le tableau de l’arbre blessé et du jardin enchanté auquel le compositeur associe la fascination des automates animés et des objets vivants.
Par la musique, il joue au magicien, recréant à la manière d’une légende, un monde enchanté, où les horloges, les tasses, les théières s’animent, parlent et se lamentent. En pleine gestation, en 1923, Ravel déclare : « je songe à une fantaisie lyrique… dont j’espère faire l’oeuvre de ma vie« .
L’orchestration y est particulièrement raffinée. Chaque instrument souligne une couleur ténue dans un paysage suggestif, entre onirisme, cruauté et enchantement. C’est finalement la figure de l’écureuil blessé, soigné par l’Enfant qui donne le sens de l’oeuvre générale. L’animal si fragile parvient à susciter un sentiment de compassion chez celui qui était dépourvu de toute sensibilité. La partition est achevée au début de l’année 1925 quand Ravel s’apprête à souffler ses 50 ans (le 7 mars). C’est la synthèse stylistique de toute une vie occupée par l’écriture musicale et l’exigence poétique. Le concert retransmis en direct de la Salle Pleyel marque opportunément les 70 ans de la disparition du compositeur.

Distribution
Orchestre Philharmonique de Radio France
Choeur de Radio France
Maîtrise de Radio France
Kazushi Ono : direction

Toni Ramon : chef de choeur
Frank Markowitsch : chef de choeur invité
Patricia Petibon : soprano
Valérie Gabail : soprano
Nora Gubisch : mezzo-soprano
Karine Deshayes : mezzo-soprano
Jean Delescluses : ténor
Nicolas Rivenq : baryton
Christophe Fel : basse

Programme

Maurice Ravel: L’Enfant et les Sortilèges
Entracte
Maurice Ravel/Francis Poulenc/Georges Auric…: L’Eventail de Jeanne
Maurice Ravel: Boléro

Approfondir
Lire notre dossier « L’enfant et les sortilèges » de Maurice Ravel

Illustration

Kazushi Ono (DR)

Jean-François Zygel explique ChopinMezzo, à partir du 12 février 2007 à 21h38

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Frédéric Chopin
La Leçon de musique
de Jean-François Zygel


Le 12 février 2007 à 21h38
Le 13 février 2007 à 14h45
Le 18 février 2007 à 11h45
Le 26 février 2007 à 4h48
Le 4 mars 2007 à 6h

Conférence concert. Réalisation: Marie-Christine Gambart. 52mn, 2004

Chopin, prince de la mélodie

Quelques années après ses premières sessions à la Mairie du 19 ème arrondissement de Paris, et disponibles à présent en dvd grâce à l’initiative de l’éditeur Naïve, les leçons de maître Zygel, pianiste et compositeur, ont bel et bien ouvert une voie salvatrice pour l’avenir de la musique, celle qui réconcilie les grands maîtres avec le grand public.
Dans cette leçon brillantissime, où le pianiste n’hésite pas à pousser la chansonnette pour illustrer l’arabesque allongée d’une ligne mélodique, plastique et fluide, tout Chopin, du moins l’essentiel vous est dévoilé.
En prince de la mélodie, Chopin se précise. Grâce à la démonstration de Jean-François Zygel, vous connaîtrez ce qui caractérise son style et sa manière de composer (proche de celle de Mozart): Chopin aurait compris comme son prédécesseur, le chant de l’âme, la voix du coeur et celle du sentiment.
Autour du concept moteur, la mélodie, Zygel explicite des éléments complémentaires tout autant fondamentaux: la coupe (symétrique dans le cas du compositeur romantique, comme les classiques comprenant très distinctement, la phrase et sa réplique, sur un même nombre de mesures); l’ornementation (avec la définition de chaque figure tels l’appogiature, le gruppetto, les trilles, les arpèges, les gammes, etc…); surtout, le rubato, notion fondamentale pour comprendre l’énoncé et la gestion du flux rythmique dans une partition romantique.

Joyau pédagogique!

Comme à son habitude, Jean-François Zygel manie l’art des images et des analogies en parfait divulgateur. Il brosse à coup d’anecdotes parfaitement placées, quelques éléments de la vie de Chopin à Paris, soucieux de maintenir son train de vie, citant sa correspondance à Liszt ou à l’ami Titus, resté en Pologne.
Inspiré par le chant vocal, en particulier l’opéra italien, Chopin a laissé aussi quelques pièces pour violoncelle dont la transposition d’un Nocturne, pour violoncelle et piano. L’oeuvre est prétexte à une analyse particulièrement vivante des phrases et de leurs répliques par chacun des instruments, -monologues et dialogues, propositions/déclarations et réponses-, de la part de Jean-François Zygel, accompagné par le violoncelliste François Salque. Lumineux donc incontournable

Approfondir

Lire notre critique des leçons Mozart, Haydn de Jean-François Zygel, qui comme cette session dédiée à Chopin, sont publiées en dvd chez Naïve.

Illustration
Eugène Delacroix, Portrait de Frédéric Chopin (DR)

Martin y Soler, La Capricciosa Corretta (1795)Mezzo, les 24 et 25 février 2007

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Martin y Soler (1754-1806)
La Capriocciosa Corretta, 1795

Mezzo
Le 24 février 2007 à 22h55
Le 25 février 2007 à 12h45

Documentaire. Réalisation: Olivier Simmonet. 52mn, 2003.

Alors qu’il assurait une académie d’été à Sienne, dans un palais historique, Christophe Rousset se penche sur la richesse de la bibliothèque locale, y découvre une partition d’époque d’un opéra buffa signé Martin y Soler, La Capricciosa Corretta. La qualité de la musique, le piquant des situations orfévrées par Da Ponte soi-même, lui indiquent une oeuvre à redécouvrir, qui connut à Londres en 1795, un succès phénoménal. Créée au King’s Theater de Haymarket le 26 mai 1795, l’ouvrage fut monté ensuite en Italie, à Venise, Florence, Gênes, Pise et Naples, où la Morichelli s’imposa dans le rôle-titre. On dénombre aussi une reprise de la Cappriciosa à Paris, en 1819. Belle longévité scénique pour un oeuvre aujourd’hui totalement oubliée.

Connaisseur du genre buffa au XVIII ème siècle
, Christophe Rousset éclaire la part active que tint le compositeur espagnol sur la scène lyrique, à Vienne, et à Londres en compagnie de son librettiste Da Ponte. Les deux hommes partageaient la passion des jupons et aimer collectionner les conquêtes féminines. Séducteur, léger et plein d’humour, mais aussi à l’écoute des publics, Martin y Soler avait à coeur de flatter l’oreille de ses spectateurs. Son style montre une facilité à intégrer les modes et les tendances des lieux où il se produit. Ainsi cette Caprciciosa qui créée pour le public londonien, assimile les tendances alors à la mode. « Si Soler était de notre époque, il aurait certainement utiliser les artifices de notre monde, pour mieux nous séduire. Il aurait fait la Star Ac. » précise Rousset. Comparaison qui vaut son pesant d’or!
Claveciniste, le chef des Talens Lyriques explique ensuite (avec plus de pertinence) en quoi l’écriture de Soler annonce, après la mort de Mozart, la facétie de Rossini. Son ornementation séductrice là encore qui semble déjà annoncer le Barbier de Séville…

Le film d’Olivier Simmonet accompagne les répétitions de l’opéra, représenté après sa découverte à Sienne, sur les planches de l’opéra de Lausanne (il a aussi été donné à Bordeaux et à la Zarzuela à Madrid). Voici un spectacle bourgeois qui parle de querelles et d’affaires de mariage et de séduction où la noblesse n’a plus sa place. L’héroïne, Ciprignia, capricieuse délirante, est assez agitée: elle ne cesse de séduire et tromper, infligeant un vaste désordre dans sa maisonnée. Chaos familial, désordre domestique qui en 1795, préfigure les révolutions à venir… Quand Da Ponte demande à Soler de composer la musique de sa Capricciosa, il n’est plus en grâce à Vienne: il a rejoint Londres pour y reprendre ses activités d’aventurier. Mozart est mort depuis quatre ans. Mais l’esprit des opéras Cosi Fan tutte et Les Noces de Figaro qu’il a conçu avec l’auteur de Don Giovanni, se retrouve chez Soler: l’action de la Capricciosa se déroule durant une journée. 24 heures de la vie d’une femme manipulatrice, trompée et repentante. Christophe Rousset a prolongé les représentations scéniques par un enregistrement discographique qui reprend le même plateau vocal (Naïve).

La Capricciosa corretta
ossia La scuola dei maritati
, 1795
Opera buffa en 2 actes
Livret de Lorenzo da Ponte

Distribution

Donna Ciprignia, soprano : Marguerite Krull
Isabella, soprano : Katia Velletta
Cilia, soprano : Raffaella Milanesi
Bonario, baryton : Enrique Barequizo
Valerio, ténor : Emilio Gonzalez-Toro
Lelio, ténor : Yves Saelens
Don Giglio, baryton : Carlos Marin
Fiuta, baryton : Josep Miquel Ramon

Les Talens Lyriques
Christophe Rousset
, direction

Illustrations

Portrait de Lorenzo da Ponte (DR)
Goya, L’ombrelle, 1777 (Madrid, musée du Prado) (DR)

Fromental Halévy, La Juive (1835)Paris, Opéra Bastille, du 16 février au 20 mars 2007

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Fromental Halévy (1799-1862)
La Juive, 1835

Après plus de 550 représentations sur la scène de l’Opéra de Paris, La juive, opéra populaire, applaudi par les romantiques, est retiré de l’affiche, en avril 1934. Le signe est sans appel: le public parisien n’aime plus les grands opéras spectaculaires. Ainsi en est-il du goût, de ces césures brutales. Finis, comme La Juive, les machines ambitieuses signées Auber (La Muette de Portici), Meyerbeer (Les Huguenots), Rossini (Guillaume Tell, 1829).
Pourtant quand fut créé le 23 février 1835, Salle Le Peletier, l’opéra de Halévy, le triomphe fut immédiat: il est vrai que l’ouvrage bénéficiait de chanteurs légendaires qui ont imposé l’autorité dramatique du groupe de protagonistes, un quintette de voix caractérisées, comprenant deux ténors (l’un cultivant le médium: Eléazar; l’autre l’aigu: Léopold), deux sopranos (l’une dramatique: Rachel et l’autre, lyrique: Eudoxie), surtout une basse profonde et noble (Brogni).
Pour la création, Halévy put compter sur les meilleurs chanteurs de son temps, avantage de taille pour la réussite d’un ouvrage nouveau et pour son impact sur le public: Adolphe Nourrit (Eléazar), Cornélie Falcon (Rachel), Nicolas-Prosper Levasseur (Brogni).

La vision de Pierre Audi

Qui ne connaît, au détour d’un récital lyrique, porté par un ténor audacieux, le fameux air d’Eléazar: « Rachel, quand du Seigneur… »? La passion sombre et vénéneuse emporte les personnages de cette intrigue où s’affrontent le Cardinal de Brogni et le marchand juif Eléazar, lequel a adopté Rachel, une jeune juive qui se révèle être la fille… du Cardinal, qui fut un homme marié avant d’être homme d’église.
Pour la scène de l’Opéra Bastille, Pierre Audi, metteur en scène britannique, actuel directeur de l’Opéra d’Amsterdam, remonte une oeuvre dont le style doit être retrouvé pour le plaisir des spectateurs. C’est un ouvrage actuel dont il faut mettre en lumière, ce « pathétique de la haute tragédie » dont parle Wagner. Ce dernier avoue avoir été profondément influence par Halévy. Pierre Audi décèle dans La Juive, plusieurs préfigurations du Verdi de Don Carlo, ou du Massenet de Werther. Les cinq actes de cette tragédie française touchent par leur intensité, leur énergie, une noirceur intime et grandiose. Sans lourdeur intentionnelle, le metteur en scène veut renforcer la part fantastique de cet ouvrage contemporain de la révolution industrielle. Il précise que pour lui, les choeurs seront plus une présence dans l’esprit des personnages qu’une masse physique sur la scène; de même, l’antisémitisme et l’actualisation, seront mesurés, mais à leur place. « Dans La juive, l’aliénation vient du pouvoir, de la société et catholicisme », affirme-t-il.

Aujourd’hui, Paris semble être séduit par le grand genre. Après Guillaume Tell de Rossini, ouvrage qui a marqué de façon décisive l’évolution du grand opéra à la française, voici La Juive d’Halévy, programmée à l’Opéra Bastille, du 16 février au 20 mars 2007. Sans présager de la réussite de la production, cette reprise attendue est l’événement lyrique parisien de février 2007.

La Juive à l’Opéra Bastille

Opéra en cinq actes (1835)
Livret d’Eugène Scribe

Direction musicale, Daniel Oren
Mise en scène, Pierre Audi
Décors, George Tsypin
Costumes, Dagmar Niefind
Lumières, Jean Kalman
Dramaturgie, Willem Bruls
Chorégraphe, Amir Hosseinpour
Chef des Choeurs, Peter Burian

La princesse Eudoxie, Annick Massis
Rachel, Anna Caterina Antonacci
Éléazar, Neil Shicoff / Chris Merritt (3, 20 mars)
Le cardinal de Brogni, Robert Lloyd / Ferruccio Furlanetto (14, 18, 20 mars)
Léopold, John Osborn / Colin Lee (3, 10, 14, 14,18 et 20 mars)
Ruggiero, André Heyboer
Albert, Vincent Pavesi

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
France Musique diffuse La Juive le 21 avril 2007

Illustrations

Cornélie Falcon, la créatrice en 1835 du rôle de Rachel
Le trio des créateurs en 1835, Levasseur, Nourrit et Falcon (DR)

Gustav Mahler, Symphonie n°6 « Tragique » Orchestre national des Pays de la Loire. Nantes, les 13 et 14 février 2007

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Gustav Mahler
Symphonie n°6
« Tragique »

Orchestre national
des Pays de la Loire
Isaac Karabtchevsky
, direction

Nantes, Cité des Congrès
Mardi 13 février 2007 à 20h30
Mercredi 14 février 2007 à 20h30

Présentation de l’oeuvre

La Sixième est un chant désespéré qui peint un paysage dévasté. Son registre est le défaitisme qui marque une expérience amère et sans illusions du héros, sur sa propre carrière et face à l’univers. Cette percée dans un lyrisme défait, mordant, désabusé qui n’a pas perdu, pour autant son orgueil ni sa démesure, est assez surprenant à la période où Gustav Mahler la conçoit.

Sa collaboration pour l’Opéra de Vienne se déroule de mieux en mieux, en partie grâce à la participation du peintre Alfred Roller. Son activité de compositeur commence à être reconnue. Récemment marié, il est père de la petite Maria. Les sources sur la genèse de l’œuvre sont moins documentées et nombreuses que pour ses autres symphonies. Il semble que Mahler cependant, arrive à Mayernigg, en juin 1903 et compose presque immédiatement son nouvel opus.
Pour se remettre de l’écriture, il prend comme à son habitude le train et sa bicyclette pour parcourir la campagne incomparable des Dolomites. A l’été 1903, seront couchées sur le papier, les deux mouvements intermédiaires, et l’esquisse du premier. L’été 1904 est moins heureux : Alma allitée à la suite de la naissance de leur deuxième fille, le rejoint tardivement ; et le temps, orages et pluies, l’empêche de sortir ; il vit claustré et peu inspiré. Pourtant, le compositeur achève les Kindertotenlieder. Ce sont encore les massifs et les paysages de ses chères Dolomites qui lui inspirent la suite de sa Sixième symphonie. Fin août, le cycle entier est terminé. Mahler en joue une réduction au piano à Alma qui est émue jusqu’aux larmes, affirmant qu’il s’agit d’une œuvre « foncièrement personnelle », celle qui semble avoir jailli directement du cœur. Alma ira même jusqu’à reconnaître rétrospectivement, dans les trois déflagrations du Finale, la prémonition claire des trois événements tragiques qui surviendront en 1907 : la mort de leur fille aînée, le diagnostic de l’insuffisance cardiaque qui frappe Mahler, son départ forcé de l’Opéra de Vienne.

Symphonie du destin

Même lorsque Mahler dirige la Sixième, en mai 1906, dans le cadre du Festival de l’Allgemeiner Deutscher Musikverein à Essen dans la Ruhr, rien ne lui permet d’entrevoir les événements à venir. Pendant la création, il se sent mal. Alma et Mengelberg, présents, s’inquiètent de son apparent malaise. Œuvre personnelle, trop peut-être pour celui qui est invité à la diriger, la partition suscite sentiments et émotions qui submergent leur auteur.

Contrairement aux symphonies précédentes bercées malgré leur aigreur, par le chant idéal du Knaben Wunderhorn, la Sixième indique un déchirement : Mahler y peint un monde désenchanté, cruel et violent. Cette conscience nouvelle de la vie, de sa cruauté et sa froideur, il l’a déjà exprimé dans la texture de la Cinquième. La caisse claire marque le rythme haletant et syncopé de la marche initiale, une marche au supplice et une déclaration de guerre. Le déroulement de tant de catastrophes n’ouvrant sur aucun répit ni aucune vision réconfortante est d’autant plus forte, presque insoutenable. Le motif d’Alma, et celui des vaches renforcent l’humeur autobiographique de la partition qui conserve sa force réaliste et son dénuement poétique.

Le Scherzo est à lui seul, une évocation lugubre de la mort, moins dansante que convulsive. L’andante offre une pause dans un monde agité, sans grâce. Et c’est encore l’évocation du monde pastoral, des oiseaux (flûtes et clarinettes) et des vaches, qui renforce toujours ce lien vital entre Mahler et l’élément naturel, sans lequel il ne pourrait vivre et composer, trouver le mode de vie transitoire, ce pacte régulateur, absorbant ses innombrables angoisses.

Dans le Finale, la peinture s’obscurcit encore et les perspectives sont bouchées. Sans issue, muré dans son errance, Mahler fait l’expérience du chaos et de l’effondrement. Il fallait qu’il explore les Ténèbres dans son âme pour mieux s’ouvrir dans les Huitième puis Neuvième, aux champs élyséens en un chant de paix pleinement atteint. Mais cet accomplissement devait encore passer par des traversées fondatrices, celle de la Septième symphonie, aussi personnelle et dans laquelle le héros est le spectateur et l’observateur, -ni acteur, ni victime-, qui a pris le recul face aux forces, mystérieuses, terrifiantes et insondables qui façonnent l’univers.

Approfondir

Consultez le site de l’Orchestre national des pays de la Loire
Lire notre dossier Les Symphonies de Gustav Mahler

Illustration

Gustav Mahler (DR)

John Eliot Gardiner joue RameauConcerts et Radio. Du 10 au 19 février 2007

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John Eliot Gardiner
interprète
Jean-Philippe Rameau

Castor & Pollux, 1754
Paris, Salle Pleyel
Les 16 et 17 février 2007 à 20h

France Musique
Le 19 février 2007
Journée Spéciale
John Eliot Gardiner

A 18h, Gardiner et Rameau
A 20h, Castor & Pollux, concert enregistré les 16 et 17 février 2007, salle Pleyel.

Un ramiste fervent
John Eliot Gardiner a enchanté les soirs d’Aix-en-Provence, tout en ressuscitant deux ouvrages de pure féerie et d’héroïque grandeur: Les Boréades (1982), puis Hippolyte et Aricie (1983). La France estivale vivait alors à l’heure baroque, envoûtée par l’un de ses plus brillants magiciens, Jean-Philippe Rameau.
Plus de vingt ans après, Paris et France Musique rendent hommage à l’activité d’un chef baroqueux, ramiste convaincu. En février, le chef britannique dirige à Paris plusieurs concerts à la Cité de la musique et à la salle Pleyel, dans le cadre d’un domaine privé (du 10 au 17 février 2007). France Musique lui consacre peu de temps après, le 19 février 2007, une journée spéciale.
Intelligence de la prosodie, intelligence émotionnelle, Rameau reste exceptionnel, orfèvre de la transparence, de l’élégance, de l’humour, de la fantaisie. Le chef britannique qui aime tout autant Debussy et Berlioz se montre un connaisseur fervent de la musique française, en particulier de son plus grand compositeur baroque.

Point d’orgue des concerts Rameau à Paris, la représentation en version de concert, de Castor & Pollux, tragédie lyrique (Salle Pleyel) dans laquelle Rameau sait accorder solennité et poésie, dignité du sujet mythologique et sentimentalité des coeurs. L’ouvrage suscite l’admiration de Debussy et de Vincent d’Indy, ces pro-ramistes, pionniers du mouvement baroque au XX ème siècle. Abondamment discuté pendant la Querelle des Bouffons (1754), Castor et Pollux incarna un idéal académique, hérité de Lully, le créateur du genre tragique, par sa vérité psychologique autant que par sa mesure néogrecque. Gluck allait s’en rappeler lorsque vingt ans plus tard, il redéfinira le standard de l’opéra classique, héroïque et tragique, propre au XVIII ème siècle prérévolutionnaire.
En choisissant la version de 1754, Gardiner souligne une partition remarquable par son sens de la continuité dramatique, l’excellence amoureuse des récitatifs, la fluidité de sa structure. Le chef retrouve la soprano Jennifer Smith dans le rôle de Phébé, une tragédienne indiscutable qui a participé à l’aventure ramiste de Gardiner depuis ses débuts.

Castor et Pollux

Tragédie en musique
en un prologue et cinq actes,
Créé à l’Opéra de Paris en 1737

Anders Dahlin : ténor (Castor)
Laurent Naouri : basse (Pollux)
Sophie Daneman : soprano (Télaire)
Jennifer Smith : soprano (Phébé)
Julia Doyle : une suivante d’Hébé
Miriam Allan : une ombre
Katharine Fuge : Cléone
Matthew Brook : Jupiter
Tom Raskin : un Athlète
Marc Molomot : Mercure
Nicholas Mulroy : un Spartiate
Sam Evans : le Grand Prêtre

English Baroque Soloists
Monteverdi Choir
Sir John Eliot Gardiner, direction

Programme du concert

Jean-Philippe Rameau
Castor et Pollux (version de concert)
Livret de Pierre-Joseph Gentil-Bernard
(version révisée de 1754)
1ère partie (Prologue, actes I,II,III)
entracte
2ème partie (actes IV et V)

Approfondir
Lire notre dossier Les opéras de Jean-Philippe Rameau

Illustration

John Eliot Gardiner (DR)
Nicolas Poussin, Apollon et le poète ou l’inspiration du poète, 1628 (Hanovre, Landesgalerie) (DR)

Lise de La Salle, pianoActualités cd et concerts, jusqu’au 17 avril 2007

Un jeu intense, parfaitement construit, une maturité déjà épanouie, une main gauche agile et souple, et cette qualité des silences habilement gérés, qui recherche et sait cultiver l’intériorité… A 18 ans, Lise de La Salle a imposé un style résolu, déterminé qui contredit sa jeunesse. Le talent n’attend pas l’expérience ni l’acquis des années: le jeu de la pianiste le démontre amplement. Son premier disque (Naïve) qui faisait dialoguer Ravel et Rachmaninov en 2003, avait frappé les esprits. Deux ans plus tard, un nouvel album Bach/Liszt, confirmait l’envergure et la maturité d’une artiste accomplie, au succès déjà international. Sa formation lui a permis de recueillir les conseils de ses professeurs: Pascal Nemirovski, Pierre Réach (CNR de Paris), Bruno Rigutto (CNSM de Paris) et Geneviève Joy-Dutilleux.

Le choix des répertoires dit assez l’ambition et l’aplomb de la jeune pianiste. Pour son troisième album qui paraît fin janvier 2007, toujours chez Naïve, Lise de La Salle gravit une nouvelle marche en « s’offrant » un orchestre (l’Orchestre de la Fondation Gulbenkian dirigé par Lawrence Foster). Au programme, Chostakovitch (concerto pour piano, trompette et cordes n°1 opus 35, de 1953), Liszt (Concerto pour piano et orchestre n°1) et Prokofiev (Concerto pour piano et orchestre n°1 opus 10, de 1912). Un programme dense dans lequel les qualités de son style promettent d’être aussi convaincantes que dans ses précédentes gravures. Lise de La Salle est en concert en France jusqu’au 17 avril 2007.

Cd

Chostakovitch, Liszt, Prokofiev. 1 cd,Naïve. Lire notre critique du troisième album de Lise de la Salle

Agenda

Paris, le 14 février 2007 à 20h
Auditorium du Louvre.
Bach/Busoni/Liszt/Mulsant.

Lyon, le 28 février 2007 à 20h30
dans le cadre de la saison « Piano à Lyon »
Salle Molière. Mozart, Prokofiev.

Paris, le 17 avril 2007 à 20h
Théâtre des Champs-Elysées
Ensemble Orchestral de Paris, direction: Dmitri Sitkovetsky
Chostakovich: Concerto n° 1

Approfondir
Consultez le site de Lise de La Salle

Crédit photographique
© S.Gallois

André Cardinal Destouches, biographie

André Cardinal
Destouches

(1672-1749)

D’origine aristocratique, Destouches participe à l’évolution de l’écriture lyrique dans la première moitié du XVIII ème siècle. C’est une personnalité remarquable, acteur à Versailles sous Louis XIV et sous Louis XV, il synthétise les orientations postlullistes et prépare l’avènement de l’opéra de Rameau dont la première d’Hippolyte et Aricie en 1733, marque les débuts fracassants au théâtre musical.

Eduqué par les jésuites, Destouches voyage jusqu’au Siam (1687-1688). Mousquetaire dans l’armée royale, il participe au Siège de Namur. Il quitte l’épée (1694) pour la plume et la musique, comme apprenti compositeur auprès de Campra. Pour ce dernier, il compose trois airs de l’opéra-ballet, l’Europe galante (1703).
Mais il donne l’ampleur de son talent personnel avec le concours de son cousin, Houdar de La Motte qui lui écrit le livret de ses opéras : Issé (1697), produit avec l’aide de son ami, le Prince de Monaco. Louis XIV, enthousiaste, en commandera une reprise pour le mariage du Duc de Bourgogne. Puis, s’imposera de la même façon, Omphale (1701) dont la reprise en 1752, aiguisa l’intensité des oppositions entre musiciens, philosophes et théoriciens, pendant la Querelle des Bouffons.
En 1712, Destouches assure l’intérim de la direction de l’Académie royale de Musique dont il prendra la direction en 1728, après en avoir été l’inspecteur général à partir de 1713, selon le voeu de Louis XIV. En cela, la carrière administrative de Destouches confirme la stature officielle du compositeur, garant de la pérennité de l’académisme dont ses tragédies lyriques, en particulier Callirhoé (1712) offrent un exemple majeur.

A partir de 1718, Destouches participe activement au divertissement du jeune Louis XV, en collaborant avec Lalande. Leur ballet, « Les éléments » qui profite du livret composé par Pierre-Charles Roy (lequel écrira le texte de Callirhoé), est dansé par le jeune monarque aux Tuileries le 31 décembre 1721 : le Souverain y occupe son propre rôle dans le prologue. En 1725, à la mort de Lalande, Destouches et Blamont sont nommés directeurs de la Musique de la Chambre. Ils dirigent à Versailles, les concerts de la Reine Marie Leczinska.

Destouches appartient au nombre des compositeurs baroques injustement oubliés dont la réhabilitation s’impose. Le dernier enregistrement de Callirhoé par le Concert Spirituel (Glossa, janvier 2007) dévoile avec raison, le génie du compositeur lyrique.

Approfondir
Lire notre dossier Callirhoé, 1712 d’André Cardinal Destouches

Illustration

Hyacinthe Rigaud, portrait d’un gentilhomme, vers 1690 (DR)

André Cardinal Destouches, Callirhoé (1712)Résurrection discographique d’un génie de l’opéra

Le label Glossa fait paraître un enregistrement d’un opéra d’André
Cardinal Destouches, Callirhoé. Résurrection remarquable qui dévoile le
style d’un compositeur d’opéra, entre Lully et Rameau.

Aux côtés de Collasse, Desmarets, Campra, Mouret ou Gervais, Destouches incarne après le dernier opéra de leur maître, Lully (Armide, 1686), et avant le premier opéra révolutionnaire et scandaleux de Rameau (Hippolyte et Aricie,
1733), la vitalité de la scène lyrique française. Or l’intéressé qui
consacra quasiment toute sa carrière musicale à l’opéra, fut de son
vivant, célébré et applaudi. En choisissant de ressusciter sa Callirhoé,
Hervé Niquet et les musiciens du Concert Spirituel ne dévoilent pas
seulement le génie d’un très grand compositeur, ils restituent aussi un
maillon essentiel dans l’évolution de l’opéra, entre la mort de Louis
XIV et les premières années du règne de Louis XV.
Destouches a connu
très tôt la magie du voyage, raccompagnant les ambassadeurs de Siam
jusqu’en leur contrée aussi lointaine qu’exotique. Il fut ensuite
militaire dans les armées de Louis XIV, témoin du Siège de Namur.
L’homme devient même mondain, proche d’Antoine de Grimaldi, futur
prince de Monaco. Mais sa passion de la musique oriente ses choix de
vie. Il sera musicien.
Le compositeur parfait ses armes auprès de Campra qu’il accompagne dans le succès de L’Europe Galante: il écrit trois airs pour l’opéra-ballet (1703). Le Roi applaudit Issé,
pastorale héroïque (1697) et lui reconnaît du talent en le gratifiant
d’une bourse de deux cents louis. Dix ans après la mort de Lully,
Destouches fait figure désormais de continuateur, éclairé et
talentueux. C’est la génération montante. Nommé par Louis XIV,
inspecteur de l’Opéra en 1713, le compositeur reprend son opéra, Callirhoé. L’ouvrage reste le plus applaudi du musicien. C’est l’oeuvre d’un auteur officiel, reconnu par le pouvoir.

En
maître de la dramaturgie et de la cohérence psychologique, Destouches
affine avec son librettiste Roy, la part du couple des amants
Callirhoé/Agénor (dont l’amour partagé, force insolente, brave les ordres
divins), la figure du prêtre amoureux malheureux de la jeune femme,
Corésus, surtout les auteurs favorisent la place du choeur, renouant
ainsi avec la tragédie grecque, laquelle reste le modèle de la grande
machine française.
Avec Callirhoé, Destouches accompagne les
évolutions de la tragédie lyrique vers Rameau : déjà, s’affirme cette
inclinaison à la suavité et à la tendresse, présente dans l’opulence de
l’orchestre, dans la conception des caractères dont ici, la vertu peut
sauver des situations les plus funèbres : Callirhoé et son amant,
Agénor sont prêts à mourir; Corésus accomplit son destin vertueux en
s’immolant lui-même. Vision idyllique qui unit le destin des nations à
la vertu de quelques personnalités. Et dans la musique, la part du
divertissement qui gonfle sa voilure, en particulier dans les tableaux
du Quatrième Acte, prélude au flamboiement à venir de Rameau.
C’est
un tableau de Fragonard qui offre une illustration idéale au propos de
Destouches : dans son sacrifice de Corésus (Corésus et Callirhoé), le peintre qui présente
dans l’imposante toile du musée du Louvre, son morceau de réception à
l’Académie royale de Peinture, en 1765, soit près de cinquante ans après l’oeuvre de Destouches, développe un langage semblable. Héroïsme
des attitudes et extrémisme des expressions sont compensés par le
gonflement sensuel des étoffes et des drapés, la séduction des
épidermes, l’enveloppe caressante des nuages de fumée produits par les
autels du temple. Aucun doute, à quelques années de distance, nous
sommes bien dans le même sillon de sensibilité. Courbes et contre
courbes, chatoiement chromatique de la palette, contrastes du
clair-obscur, inclinaisons sentimentales : autant de qualités
plastiques propres à l’esthétisme Louis XV.

Approfondir

Lire notre entretien avec Benoît Dratwicki, responsable de la programmation artistique au Centre de musique baroque de Versailles

Lire notre critique du livre-disque Callirhoé de Destouches édité par le label Glossa.
Créée le 27 décembre 1712, Callirhoé subjugue aujourd’hui par la
tendresse et le sensualisme de sa musique, son dramatisme serré et
dense, efficace et direct, son orchestre fourni, l’équilibre des
ingrédients qui composent après Lully, la réussite et l’attrait d’une
tragédie lyrique : un prologue qui flatte le souverain, « le plus grand
des héros »…

Lire notre biographie d’André Cardinal Destouches (1672-1749)

Illustrations
Une du dossier : Largillière, portrait d’un gentilhomme inconnu (DR)
Fragonard, Corésus et Callirhoé (Paris, musée du Louvre)
Largillière, portrait d’un gentilhomme inconnu (DR)

Mireille Delunsch chante BerliozFrance Musique, le 31 janvier 2007 à 20h

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Hector Berlioz
La mort de Cléopâtre
, 1829

France musique, le 31 janvier 2007 à 20h
Concert donné le 16 janvier 2007
au Grand Théâtre de Bordeaux

Hector Berlioz: La Mort de Cléopâtre
Cantate pour soprano et orchestre
Francis Poulenc: La Voix humaine
Tragédie lyrique en un acte
sur un texte de Jean Cocteau

Mireille Delunsch, soprano.
Orchestre National Bordeaux Aquitaine.
Kwamé Ryan
, direction

Passion berliozienne

Quand Berlioz travaille à l’illustration musicale de Cléopâtre, il vit l’une des périodes les plus misérables de sa carrière. Le manque d’argent se fait sentir et en décidant d’écrire sa cantate académique pour le Prix de Rome de 1829, sa motivation est surtout d’ordre pécuniaire. Mais le génie se souciant peu de la comptabilité, et comme bravant les difficultés, suscite une oeuvre intense et profonde qui dévoile avant les grands opéras à venir, la veine dramatique d’un exceptionnel créateur. Un jeune tempérament d’autant plus opiniâtre qu’il se présente déjà pour la troisième fois au Concours du Prix de Rome.
Construction harmonique audacieuse, scène impressionnante de la Méditation (qui frappa Boieldieu), instabilité tonale en liaison avec la panique intérieure de la Reine d’Egypte, nous paraissent aujourd’hui d’une modernité visionnaire; mais le jury du Concours ne l’entendit pas de cette oreille et refusa d’accorder son Prix à l’insolent candidat.
Outre le dramaturge, l’orchestrateur se révèle déjà : clarinette, basson, cuivres et cordes graves imposent dès le début, cette sonorité tragique et lugubre qui façonne immédiatement le climat de l’Egypte antique. Le sang empoisonné qui coule dans les veines de la Souveraine défaite, le dernier spasme royal, l’expiration fatale et dernière : tout cela s’entend par la voix d’un orchestre convulsif et sanguin.
Auber réclama plus de retenue, de mesure, de clarté et de sérénité. Ce que Berlioz fit l’année suivante, avec sa nouvelle cantate, « la Mort de Sardanapale » laquelle lui permit, enfin, de remporter le Concours et de rejoindre à Rome, les pensionnaires de la Villa Medicis.

Illustration

Alessandro Turchi, La mort de Cléopâtre (Paris, musée du Louvre)

Journée Laurent Korcia, violonRadio Classique, le 6 février 2007

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Laurent Korcia, violon
Invité d’honneur
sur
Radio classique

Le 6 février 2007, de 9h à 21h
A 18h, Laurent Korcia
répond aux questions de Jean-Luc Hees

Cultiver l’improbable

Il a commencé une carrière fulgurante depuis 2002, l’année de sa nomination comme « soliste instrumental de l’année » aux Victoires de la musique classique. Né à Paris en 1964, le violoniste Laurent Korcia, formé au Conservatoire de Paris par Michèle Auclair, est aussi lauréat des prix aussi prestigieux que le Concours Paganini de Gênes, le Concours Long-Thibaud, le Concours Zino Francescatti. Sa musicalité lui permet d’aborder tous les répertoires, classique et contemporain, et même le tango, comme il l’a montré dans son dernier album « Doubles jeux » (Naïve) : un concentré de duos et de trios surprenants, passant de Django Reinhardt à Bartok, de Ravel à Michel Legrand, de Massenet à Denza, grâce à la complicité de ses partenaires : Michel Portal (qui y troque sa clarinette pour le bandonéon), Nemanja Radulovic (violon), Tatjana Vassiljeva (violoncelle), entre autres…
Laurent Korcia joue le « Zahn », un Stradivarius de 1719 (prêt du groupe LVMH). Son premier disque consacré aux sonates d’Ysaÿe (Lyrinx) avait imposé un instinct musical exceptionnel, intérieur et chaleureux, fragile et intense. Depuis, l’interprète a encore évolué, favorisant les rencontres, les répertoires apparemment distincts (folklorique, populaire, classique), pour que s’accomplisse par la magie de la complicité et de l’improvisation, ce miracle de « l’improbable ».
Laurent Korcia a créé la sonate pour violon seul de Hans Werner Henze et le concerto pour violon d’Edith Canat de Chizy. Il a aussi participé au spectacle « Achterland« , créé par la chorégraphe Anne-Teresa de Keersmaeker à partir des sonates d’Eugène Ysaÿe.
Pour lui, jouer signifie au premier sens du terme, cultiver le plaisir et le partager, interpréter, incarner, dialoguer… avec le public, et avec ses partenaires.

Crédit photographique
Laurent Korcia (DR)
A la Une du mag radio: Laurent Korcia © Lisa Roze

Staatskapelle Berlin, Daniel Barenboim (direction)Bruxelles, Bozar, lundi 29 janvier 2007 à 20h

Un orchestre de prestige sous la baguette d’un chef charismatique et profondément humain : la Staatskapelle de Berlin dirigée par Daniel Barenboim est l’invitée de Bozar, ce 29 janvier 2007, pour interpréter l’ultime et crépusculaire Neuvième Symphonie de Gustav Mahler. Présentation d’un concert-événement.

L’extraordinaire polyvalence artistique de Daniel Barenboim, son charisme, son engagement musical et humain, en font une des Têtes d’affiche 2007 de classiquenews.com. En ce début 2007, le fondateur du West-Eastern Divan Orchestra se voit largement placé sous les projecteurs, à la faveur de plusieurs événements concomittants. En février, c’est le pianiste qui sera mis à l’honneur, avec la parution chez EMI d’un coffret dvd autour des sonates pour piano de Beethoven, regroupant des récitals et masterclasses donnés en 2005. Les temps forts de ces enregistrements passionnants sont diffusés sur Arte du 11 au 25 février 2007. Et dans un registre entièrement différent – illustratif de la diversité des talents de Barenboim -, depuis le 19 janvier ce sont, avec les Septième et Neuvième Symphonies de Mahler, les deux premiers volets de ce qui est destiné à devenir, chez Warner Classics, une toute nouvelle intégrale des symphonies mahlériennes avec la Staatskapelle de Berlin, qui est disponible en cd.

A l’occasion du lancement de cette nouvelle série d’enregistrements, Daniel Barenboim entreprend avec « son » orchestre, la Staatskapelle de Berlin dont il est le directeur musical à vie, une vaste tournée qui les mènera un peu partout en Allemagne et dans le Benelux, et qui culminera en apothéose en avril 2007, avec l’intégrale à Berlin, en dix concerts, de l’oeuvre symphonique de Mahler.

A Bruxelles ce 29 janvier, c’est la crépusculaire Neuvième Symphonie (1909) que Barenboim et sa Staatskapelle offrent au public de Bozar. Cette neuvième, ou dixième symphonie si l’on inclut le Chant de la terre, est l’oeuvre d’un homme éprouvé par la mort, en 1907, de sa fille de quatre ans, et marqué par la fin, après dix ans, de son poste de directeur à l’opéra de Vienne. C’est dans la nature où il séjourne en 1908, que Mahler retrouve, malgré les épreuves et la maladie qui le mine, une fécondité créatrice peu commune, qui se traduira par la composition de cet ultime opus, fait de renoncement et de déchirement, dans lequel la mort, perceptible en filigrane dans toute son oeuvre, se fait de plus en plus présente.

La Staatskapelle de Berlin est un des plus anciens orchestres d’Allemagne, voire du monde, puisque ses origines remontent à 1570, année de fondation de la Chapelle de la Cour de Brandebourg. Sous la houlette de Daniel Barenboim depuis 1991, l’excellence de la Staatskapelle de Berlin (qui n’est autre que la phalange musicale du Staatsoper de Berlin) la situe au niveau d’un Gewandhaus de Leipzig ou d’une autre Staatskapelle, celle de Dresde. Lorsque l’on sait le son mythique, historique que produisent ces deux orchestres au passé prestigieux et tout aussi séculaire, l’on ne peut qu’être impatient de découvrir – ou redécouvrir – la Staatskapelle de Berlin. Un concert qui a d’ores et déjà les allures d’un événement.

Programme
Gustav Mahler: Symphonie n° 9 (1909)

Orchestre de la Staatskapelle de Berlin, Daniel Barenboim, direction

Bruxelles, Bozar, lundi 29 janvier 2007 à 20h

Approfondir
Lire dans notre mag cd nos chroniques consacrées à la récente réédition de l’intégrale des symphonies de Gustav Mahler sous la baguette de Rafael Kubelik

Lire dans notre mag dvd nos chroniques consacrées à la récente parution en dvd de l’intégrale des symphonies de Gustav Mahler sous la baguette de Leonard Bernstein

Retrouvez l’actualité des concerts Mahler de la Staatskapelle de Berlin et Daniel Barenboim : www.staatskapelle-berlin.de

Crédit photographique
Daniel Barenboim (DR)

Les 20 ans des Ballets de Monte-CarloFrance 2, lundi 29 janvier 2007 à 1h10

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Les 20 ans des
Ballets de Monte-Carlo



Lundi 29 janvier 2007 à 1h10


Documentaire. Réalisation : Denis Caïozzi. 54 mn, 2006.

Depuis 1985, les Ballets de Monte-Carlo poursuivent l’expérience des Ballets Russes, première compagnie véritablement professionnelle qui avait fixé sa résidence sur le Rocher. En 2005, les Ballets célébraient leurs 20 ans : un moment important dans la vie d’une compagnie, à l’heure des bilans, de la maturité et de la réflexion sur les perspectives à suivre.
A la fois instigatrice et protectrice de la Compagnie, Caroline de Monaco, princesse de Hanovre répond aux questions d’Eve Ruggiéri sur les débuts du Ballet monégasque, la ligne artistique qui poursuit un dialogue interdisciplinaire fécond entre chorégraphes, compositeurs et plasticiens, et la nomination de Jean-Christophe Maillot, qui est depuis 1993, directeur des Ballets. Ce dernier explique son approche de la danse, évoque les dernières productions présentées dont « Altro Canto » sur la musique de Schütz. Une musique qui favorise l’ambiguïté des sexes et permet d’exprimer l’altérité comme c’est le cas dans la musique de Monteverdi que le Chorégraphe a choisi pour son spectacle « Songe » (2006). Deux confrontations s’avèrent instructives : celle de Jean-Christophe Maillot et de son confrère chorégraphe comme lui, Sidi Larbi Cherkaoui. La comparaison de leur travail fait apparaître des affinités évidentes comme des directions différentes. Si Maillot aime l’abstraction et l’expression d’un idéal esthétique, Cherkaoui n’hésite pas à s’engager pour une culture militante, humaniste voire politique. Côté danseurs, Marie-Agnès Gillot retrouve celle qui a toujours été un modèle, l’actuelle soliste vedette des Ballets de Monte-Carlo, Bernice Coppieters. La caméra suit leur répétition dans le Boléro de Ravel sous l’oeil affûté de Maurice Béjart, puis de Jean-Christophe Maillot.

Approfondir

Lire notre chronique du spectacle présenté par les Ballets de Monte-Carlo lors du Printemps des Arts 2006.
Découvrez le site des Ballets de Monte-Carlo

Crédit photographique
Jean-Christophe Maillot © Karl Lagerfield
Ballet « La Belle » © Philippe Laurent

La trilogie Montéverdienne par Nikolaus Harnoncourt(1977-1979) Deutsche Grammophon

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Zürich, 1975

En décembre 1975, Harnoncourt avait fait de Zürich, une capitale Monteverdi. Il fallait être fou pour oser représenter, en première mondiale, dans un Opéra quasi provincial, les opéras de l’illustre compositeur italien, trois au total, qui de 1975 à 1977, étaient ressuscités avec le style adéquat, qu’on a dit, depuis, « baroqueux ». Non seulement, le chef autrichien et le metteur en scène Jean-Pierre Ponnelle exhumaient un genre théâtral parfaitement méconnu jusqu’alors : la scène des passions baroques, mais ils proposaient un mode interprétatif musical, vocal et drammaturgique inédit, respectueux de l’esthétisme de l’époque. Un retour aux sources. Avec son Concentus Musicus, le chef autrichien avait déjà enregistré le cycle pour le disque, chez la firme Teldec, de 1968 à 1974, dévoilant depuis 10 ans déjà, la flamboyance psychologique du théâtre Montéverdien et aussi, la pertinence révolutionnaire de son approche.

Trente années sont passés et voici que les captations filmées, réalisées d’avril 1978 à novembre 1979, dans les studios Viennois avec les décors zürichois, paraissent en dvd sous étiquette Deutsche Grammophon, en provenance de l’inestimable fonds Unitel. Les images ont été diffusées sous laser disc en France dans les années 1980.
L’expressionnisme dense et âpre de Nikolaus Harnoncourt se déverse sans retenue. A la tête du Monteverdi Ensemble qui compte son épouse, la violoniste Alice Harnoncourt, le chef baroqueux fulmine, articule, électrise ses troupes, dévoilant un théâtre aux origines du genre, pour Orfeo (1607), suivi des deux chefs-d’oeuvres lyriques de la maturité vénitienne du compositeur italien, Le retour d’Ulysse dans sa patrie (1641) et Le couronnement de Poppée (1642).
Le théâtre de Monteverdi est une arène implacable où les héros sont défaits, trahis, trompés. Il ne doivent qu’à leur propre ressources, -Orfeo, son chant souverain ; Ulysse, sa force opiniâtre-, de ne pas mourir et vaincre un sort contraire. Le propre de l’opéra montéverdien est son désenchantement poétique, mais entre deux tableaux lugubres et tragiques que de vertiges sensuels et de passion amoureuse ! Cette géographie complexe des sentiments contrastés, Harnoncourt la connaît parfaitement. Il en exprime chaque arête, chaque nuance, avec une attention décuplée.

Une trilogie légendaire

La sonorité et la justesse des instruments ont fait, depuis la fin des années 1970, d’indiscutables progrès mais il n’y a pas que les seules qualités techniques et musicales. Il faut une vision poétique, un style, une philosophie du geste et de l’accomplissement. En cela, l’instinct d’Harnoncourt se révèle éblouissant. En disposant de chanteurs qui sont aussi des acteurs, bénéficiant d’un complice idéal en la personne de Jean-Pierre Ponnelle, le chef orchestre une prouesse historique. Voici le théâtre de Monteverdi en sa férocité fascinante. Voici la scène du premier baroque (XVII ème siècle) : sa quête d’un humanisme à venir, son constat des vanités terrestres, mais aussi son scepticisme et ses désillusions. Orphée éprouve la terrifiante malédiction de la condition humaine : lamentations, peines, douleurs, deuils et ressentiments. Ulysse, tout autant accablé par les dieux, mais protégé de Minerve, parvient à faire valoir son rang et son statut, à la force de ses bras. Quant aux couples des adolescents libidineux, Poppée et Néron, ils incarnent l’omnipotence de l’amour sur toute autre valeur : raison, justice, philosophie. Omnia vincit amor, « l’amour vainc tout » : la passion souveraine, la force du désir, la fragilité des hommes… Tout cela, le duo Harnoncourt/ Ponnelle l’a compris. Il en résulte une trilogie audiovisuelle qui mérite assurément la présente réédition au dvd.
Le résultat n’a pas usurpé son statut de document historique et légendaire. Qu’on soit ici ou là, agacé par un certain statisme (Orfeo) où une surabondance décorative contredite par nos mises en scène actuelles, a contrario, minimalistes et décallée, la violence sanguine, la fureur passionnelle, la fluidité de l’action dramatique, la maîtrise des contrastes entre les registres amoureux, épique, tragique, comique et bouffe, -puisqu’au XVII ème siècle, l’opéra mêle tous les modes avec une flamboyante liberté-, disent la justesse visionnaire du chef et de ses équipes. Le jeu des caméras est aussi à souligner car il ne s’agit pas de représentations filmés mais d’un travail sur l’action, dans lequel la caméra de Ponnelle accompagne le mouvement des personnages. Film d’opéra et non opéra filmé, le témoignage reste un prototype indiscutable. Faiblesse technique, la synchronisation, chant/image, est parfois bricolée. Qu’importe, le souffle épique reste intact.

Trente ans après, la trilogie montéverdienne conçue par Harnoncourt époustoufle par son intensité expressive. A croire que depuis, les successeurs du chef autrichien n’ont guère renouvelé la proposition, du moins n’ont-ils en rien dépassé leur maître. L’édition que nous offre Deutsche Grammophon est l’événement DVD de janvier et février 2007.

Sommaire
Orfeo, 1607. Par Alexandre Pham
La conception scénographique de Jean-Pierre Ponnelle est claire,
fluide, lisible avec de pertinentes inventions qui reliées les unes aux
autres, confèrent a posteriori, une évidente cohérence à la dramaturgie
recomposée. Si l’on ne sait pas réellement comment et où l’Orfeo
fut représenté à la Cour de Mantoue, ce 24 février 1607 (est ce
vraiment dans le salon des miroirs du Palazzo Ducale?), Ponnelle,
esthète affûté, cite Rubens et Titien, c’est à dire un monde culturel à
la croisée de la Renaissance et du Baroque, entre le XVI ème et le XVII
ème siècle, deux sources qui sont à l’origine de l’Orfeo.

Le retour d’Ulysse dans sa patrie, 1641. Par Guillaume-Hugues Fernay
Harnoncourt et ses troupes trouvent les arguments justes, déjà relevés dans le premier volet du cycle, Orfeo.
Mais ici, si le premier opéra de Monteverdi est une partition où prime
la prière et l’imploration, -Orphée impuissant et solitaire renonce à
sa vie terrestre et préfère s’élever au ciel aux côtés de son père
Apollon-, Ulisse, tout en incarnant la fragilité humaine (il
est vivement accablé par le Temps, la Fortune et l’Amour dans le
Prologue), personnifie equant à lui, l’obstination du héros, son courage…

Le couronnement de Poppée, 1642. Par Benjamin Ballif

Dernier volet de la trilogie des opéras de Claudio Monteverdi, Poppée
montre les capacités d’un compositeur âgé de 74 ans, inventif et
visionnaire, réformateur et génial. Créé en 1642, l’oeuvre fusionne
davantage l’action poétique et l’activité de la musique. Au coeur du
drame, le texte et son articulation sont favorisés. Pour se faire,
Harnoncourt bien avant Jacobs, cisèle l’arête contrastée des caractères.

Approfondir

Lire notre portrait de Nikolaus Harnoncourt
2007 marque les 400 ans de la création de l’Orfeo de Claudio Monteverdi. Lire notre dossier l’Orfeo de Claudio Monteverdi
Lire notre dossier Le retour d’Ulysse dans sa patrie, au moment de sa diffusion sur Mezzo en mai 2006 (version dirigée aussi par Nikolaus Harnoncourt, dans la mise en scène de Klaus Michael Gruber, à l’Opéra de Zürich).

Crédits photographiques
Portraits de Nikolaus Harnoncourt (DR)
Trudeliese Schmidt, interprète d’Ottavia dans l’Incoronazione di Poppea (DR)

Anton Dvorak, Roussalka (1901)Radio Classique, le 11 février 2007 à 21h

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Anton Dvorak,
Roussalka
, 1901


Dimanche 11 février 2007 à 21h

Opéra en trois actes, Roussalka suscite un succès immédiat dans la carrière de Dvorak qui jusque là, s’était surtout imposé dans le genre de la symphonie et de la musique de chambre. Le compositeur se passionna pour le livret du jeune poète Jaroslav Kvapil. Ce dernier n’avait essuyé que des refus polis de la part des compositeurs auxquels il avait proposé son texte, dont Joseph Suk. C’est l’oncle de Kvapil, Subert, qui, directeur du Théâtre national, fut l’intermédiaire entre les deux créateurs. L’histoire qui plonge dans la culture tchèque, raconte comment une ondine, Roussalka, aimée et chérie par son père, le roi Ondin, tombant amoureuse d’un prince, obtient non sans épreuves et conditions, de revêtir une forme humaine afin de se donner à lui. Roussalka sacrifie son passé et son identité par amour. Elle croit dans la fidélité du coeur humain. Mais le prince se détourne d’elle pour une autre femme.
L’ouvrage met à l’épreuve le serment amoureux. Est-on fidèle à sa promesse? Qu’est-ce que l’amour s’il ne fait que susciter sous le masque de la passion, l’irréversible, la trahison et la fatalité?
En dépit de son propos amer et désabusé, l’ouvrage permet à Dvorak d’aborder la féerie et l’onirisme. La fameuse scène où Roussalka invoque la lune, est une page qui appartient désormais au panthéon des chefs-d’oeuvre de l’opéra Tchèque. Sortilège, envoûtement, dramatisme continu, sans lourdeur ni maniérisme, Roussalka est une oeuvre majeure qui touche autant par sa poésie que par la profondeur tragique de son action. L’ouvrage est créé à Prague, au Théâtre national le 31 mars 1901.

Approfondir
Lire notre article « Roussalka de Dvorak » au moment de sa diffusion sur Mezzo, en mai 2006

Illustration

Titien, Diane surpris par Actéon (DR)

Jean Sibelius (1865-1957) ou l’Art du paradoxe

L’oeuvre de Jean Sibelius, compositeur Finlandais qui par la force de son génie est devenu universel, est aujourd’hui considérée comme essentielle à la compréhension de la vie créatrice du début du XX ème siècle. Profondément marqué par les grands compositeurs de l’âge classique, comme peut-être aucun autre à son époque, Jean Sibelius a pourtant immédiatement affirmé sa profonde modernité dans l’agencement structurel et sa conception de l’orchestration. Rigoureuse et austère, la musique de Sibelius ? Elle ne cesse pourtant d’être la vie et l’émotion pures.

Les sons de la nature

L’une des grandes forces de la musique de Sibelius est son aptitude à déconstruire nos habitudes d’écoute traditionnelles. Comme le remarque Pascal Dusapin dans sa préface au Jean Sibelius de Marc Vignal (Fayard), « écouter Sibelius relève d’une expérience où il convient en tout premier lieu de désécrire le fil de son propre apprentissage ». En cela, Sibelius appartient tout à fait à une génération de musiciens qui, avec ses contemporains Claude Debussy et Gustav Mahler, ont à cœur de renouveler le discours musical, chacun à leur manière. Le style orchestral du Finlandais, lui, se caractérise notamment par de brefs motifs incisifs, des pédales longuement tenues, des ostinato qui font lentement monter la tension, et souvent des superpositions de couches rythmiques « étrangères » l’une de l’autre, sans compter l’orchestration souvent très originale par strates. Tout ceci naît très rapidement chez Sibelius, puisque Lemminkaïnen à Tuonela (Légendes op. 22, n° 3, 1895), en demeure l’un des plus merveilleux exemples. Ainsi les grandes créations de Sibelius nécessitent-elles à la première écoute une grande concentration, peut-être davantage que d’autres œuvres de la même époque. L’auditeur recherche en effet tout autant une adéquation avec les éléments moteurs du flux musical qu’un nouvel équilibre intérieur.
Si la musique de Jean Sibelius est sans aucun doute d’une construction rigoureuse et austère, elle bannit cependant toute idée de robustesse, de stérilité. Durant toute sa vie, Sibelius n’a visé en réalité que l’approfondissement des moyens d’expression. Jamais il ne fut animé d’idées ou de projets didactiques. La Quatrième Symphonie (1911) en est un des plus beaux exemples. D’une complexité structurelle redoutable, entièrement fondée sur un seul intervalle, à savoir la quarte augmentée (ou triton), et abordant en bien des pages la bitonalité, cette œuvre parmi les plus radicales du début du XX ème siècle, avec Pierrot Lunaire de Schoenberg, Le Sacre du Printemps de Stravinsky ou Jeux de Debussy, étonne toujours par sa nudité, son dépouillement, voire son aridité désertique, et demeure pourtant poignante par son lyrisme mélancolique, son désespoir tragique. Comme avec Debussy, ou bien avant, avec Bach ou Beethoven, ce souci extrême de la perfection formelle ouvre d’infinis espaces de liberté poétique. La musique de Sibelius reproduit les sons de la vie, ou peut-être plutôt ceux de la nature. La nature dans toute sa générosité, dans toute sa violence intrinsèque, sa force et sa puissance organiques, sa capacité à se désintégrer puis à renaître. Une œuvre comme Tapiola (1924), par exemple, impressionne aussi par la « plasticité » de son matériau musical : dans cette évocation de la demeure de Tapio, le dieu de la Forêt dans la mythologie finlandaise, ce sont moins en définitive les feuilles qui bruissent, le vent qui murmure ou qui se meut tel une bourrasque que les notes qui ondulent, le matériau plastique qui se distord, qui s’aplanit, etc…S’opère en réalité ici, une véritable assimilation des « phénomènes » naturels par la matière sonore ou musicale.

Comme les temples antiques

On ne peut nier que la nature influence Sibelius. L’homme n’est cependant pas absent bien qu’il soit souvent mis de côté, et cette ambivalence explique peut-être que de nombreux thèmes sibéliens gardent un caractère profondément mélancolique, étrange et secret. Le « thème » des cordes qui ouvre la Sixième Symphonie (1924) en est un magnifique exemple, et les dernières mesures – plus extraordinaires encore – figurent comme une porte ouverte sur le paradis ; le silence – l’éternité ? – devient alors plus musical que la musique. L’homme se trouve dans un état d’émerveillement : plus rien ne viendra le troubler.
Par cette impression de plénitude absolue, cette sensation de suprême équilibre, et par leur perpétuelle poésie, les œuvres majeures de Sibelius sont dans une certaine mesure semblables aux temples grecs ou romains, où aucun élément ne semble agir véritablement, visiblement et de façon décisive sur le Tout ; pourtant nos yeux, nos oreilles nous affirment en permanence le contraire. Tout comme les temples antiques forcent indéniablement notre admiration, l’oeuvre de Sibelius fascine par son pouvoir littéralement enivrant. Voici une œuvre, qui n’affirme jamais sa modernité avec fracas, car son auteur concevait avant tout la modernité comme la possibilité d’un renouvellement des formes classiques et non comme leur destruction irréfragable. Voici une œuvre absolument unique par son identité et ses paysages sonores. Une œuvre poignante, bouleversante, sublime, qui atteint au plus profond de l’âme et de l’émotion humaines. « Il n’y a rien à prendre chez Sibelius, car il donne Tout », écrit Pascal Dusapin. Flodin, dans une partie de son compte-rendu publié dans Nya Pressen après la première exécution des Légendes du Kalevala opus 22 (1896), dit encore : il y a ici « un manque de compassion envers des auditeurs laissés dans l’ignorance du fait que pour parvenir à l’extase, il devront s’exposer à de fortes tensions nerveuses ! ». En réalité, notre compositeur Finlandais entretient avec génie le mystère de la création artistique.

Illustrations

Portrait de Jean Sibelius (DR)
Aksel Gallen-Kallela, le lac Keilele, 1905 (Londres, National Gallery)