mardi 1 juillet 2025
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CRITIQUE, spectacle musical. LUXEMBOURG, Grand-Théâtre, le 17 mai 2025. NEW BEGINNING / Variable Matter (création)

Le studio du Grand Théâtre de Luxembourg propose un spectacle ciselé aux effets visuels et de lumières particulièrement calibrés, qui focusent l’attention sur un texte continu, très beau et poétique (signé Zakiya McKenzie) lequel interpelle sur le miracle de la Nature, ses équilibres originels fragilisés, à présent particulièrement menacés.

 

 

Il en découle un théâtre fort et intense,- conçu et désigné par David Shearing-,  aux images essentielles qui questionnent notre place et le sens de nos vies. La musique et la bande sonore (de James Bulley) y contribuent dans une large mesure, associant habilement textes enregistrés et vibrations musicales. À chaque séquence, la récitante [voix off qui est la voix de l’Humanité] rappelle l’urgence à se reconnecter avec le vivant et notre terre, surtout à reprendre sa juste place : ici et maintenant. Le spectacle invite très allusivement à prendre conscience de la situation qui nous concerne ; d’autant qu’il y a urgence comme le rappelle le sable qui s’écoule en une longue traînée depuis les cintres jusque dans une grande coupe qui accueille ainsi chaque visiteur.

Pour guides [qui nous placent avant le spectacle], une vingtaine d’ados portent tout le spectacle : gestes précis et réfléchis, visages graves et impliqués, ils distribuent aux spectateurs, pendant la représentation, les éléments symboles en complément des images projetées [graines, feuilles…]. Ces jeunes interprètes, par leur jeune âge, soulignent le véritable enjeu de la performance : de quelle planète vont-ils hériter?

Leur engagement se manifeste sur la scène, mais aussi surtout par un travail très fouillé sur la narration : tous ont enregistré des récits qui émaillent le texte de la récitante principale ; le ton est là aussi grave et précis ; chacun témoigne, sensibilise, célèbre le miracle d’une Nature originellement harmonieuse, aujourd’hui détruite. En 1h de temps, le texte aborde plusieurs phénomènes constitutifs du cycle naturel : carbone, racines, feu, croissance, souffle…

 

 

reconnexion pour un nouveau recommencement

Photo © Alfonso Salgueiro

 

Mais au fil des évocations, le constat est sombre… Au centre de l’espace, suspendue, une souche d’arbre, aux racines coupées comme un trophée témoignant d’une ère révolue. De même les arbres que suggèrent le déplacement des jeunes acteurs sont réduits à des troncs secs, que les images vidéo restituent avec leurs frondaisons vertes et dansantes, vite perdues elles aussi.

L’humanité qui nous parle, jalonne son alerte du mot  » Sankofa « , – vocable en twi de la tribu akan du Ghana qui signifie « retournez le chercher ». Revenir en arrière pour préserver ce qui a été oublié [ou volontairement négligé]. La citation a valeur d’injonction et s’adresse aux hommes actuels : reconnectez-vous avec la Nature et apprenez à préservez ce dont vous dépendez essentiellement. Le bilan qui nous est proposé envisage un recommencement, un reset qui porte un ultime espoir avant l’extinction irréversible ; d’où le titre « New Beginning ».

Présenté en anglais puis en français, le spectacle outre sa grande séduction visuelle, réalise avec art, les principes d’une culture engagée qui implique judicieusement les adolescents ; ceux ci sont d’autant plus concernés qu’ils sont les citoyens et les spectateurs de demain. C’est l’un des volets nombreux du cycle dédié aux adolescents et intitulé « focus adolescence », belle initiative défendue par Tom Leick-Burns, directeur des Théâtre de la Ville de Luxembourg, tout au long de la saison 2025 – 2026, et qui fait de l’établissement l’un des plus impliqués à l’échelle européenne, en terme de projets éducatifs et participatifs.
La culture ouvre le débat, souligne les sujets importants pour la société actuelle et de demain… Rien de plus jubilatoire qu’un spectacle artistiquement accompli qui sait dénoncer et sensibiliser, tout impliquant au plus haut point les jeunes générations. Ce soir en est un exemple plus que convaincant.

Tous vêtus de noir, comme s’ils portaient le deuil, très dignes et graves, ces jeunes sont nos lanceurs d’alerte. Leur conscience éveille la nôtre. A nous d’agir. Le message est reçu 10 sur 10.

 

Photo © Alfonso Salgueiro

 

 

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CRITIQUE, spectacle musical. LUXEMBOURG, Grand Théâtre le 17 mai 2025. NEW BEGINNING / Variable Matter (création) – Photo © Alfonso Salgueiro

 

 

 


Photo : New Beginning © Zbigniew Kotkiewicz

 

 

 

prochains rdvs au Grand Théâtre de Luxembourg

Prochains temps forts au Grand Théâtre de Luxembourg : LA CENERENTOLA de Rossini les 21 et 23 mai 2025 [Fabrice Murgia, mise en scène], sans omettre deux temps forts danse, genre dans lequel le Grand Théâtre est particulièrement actif : AFRICA SIMPLY THE BEST – 3 des meilleurs solos d’Afrique [Ankara / Serge Coulibaly], les 23 et 24 mai 2025 ; puis le NEDERLAND DANS THEATER NDT1, les 18,19 et 20 juin 2025 [« Figures in extinction » / Cristal Pyte with Simon McBurney]…
Toutes les infos sur le site du Grand Théâtre de Luxembourg : https://theatres.lu/fr

 

 

 

LIRE aussi notre grand entretien avec Tom Leick-Burns, directeur des Théâtre de la Ville de Luxembourg, à propos de la saison 2024 2025 : https://www.classiquenews.com/entretien-avec-tom-leick-burns-directeur-general-des-theatres-de-la-ville-de-luxembourg/

 

ENTRETIEN avec Tom LEICK-BURNS, directeur général des Théâtres de la Ville de Luxembourg, à propos de la saison 2024 / 2025

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. LA SEINE MUSICALE, le 16 mai 2025. Robert SCHUMANN : Le Paradis et la Péri (Leipzig, 1843). Mandy Fredrich, Victoire Bunel, Sebastian Kohlhepp… Insula Orchestra, Choeur Accentus. Daniela Kerck (mise en scène), Astrid Steiner (vidéo), Laurence Équilbey (direction)

On attendait beaucoup du Paradis et la Péri, somptueux oratorio de Robert Schumann (1842-43) car Insula Orchestra annonçait en quasi clôture de sa saison en cours, un spectacle total, associant au déroulement scénique – de fait opératique -, au chœur Accentus, à l’Orchestre sur instruments historiques, en effectif complet, un déploiement vidéo, prolongeant l’action scénique… ce qui ce soir, s’avère plutôt réussi. La partition plonge dans le romantisme germanique le plus sombre, mais aussi suggère dans le cas de la Péri déchue, une trajectoire certes semée d’épreuves et d’échecs, surtout une fin salvatrice qui permet sa rédemption finale.

 

 

CHANT, THÉÂTRE, VIDÉO : UN SPECTACLE TOTAL

Le Paradis et la Péri par Insula Orchestra/ Laurence Equilbey © Julien Benhamou

 

Le sujet est emprunté à l’épopée orientale « Lalla Rookh » (1817) de Thomas Moore. Toute la musique de Schumann, malgré le format puissamment symphonique de l’oratorio, semble prolonger le genre du lied, expression la plus raffinée des champs intimes de l’âme humaine ; la musique explore et dévoile la vibration intérieure des émotions aussi multiples que souterraines. En fin psychologue, le compositeur que porte un tempérament conquérant, victorieux [à l’inverse de ce que fut sa fin, marquée par l’effondrement psychique], exprime toutes les nuances du sentiment, dans un dramatisme qui va crescendo ; Schumann édifie comme un rite de passage et au delà, une manière de labyrinthe émotionnel dont les instruments expriment doutes, espoirs, accablement de la Péri, avant sa volonté finale, impérieuse et ardente, qui affirme en fin de parcours, une héroïne transfigurée, confiante, déterminée.

Toute la partition permet l’accomplissement de cette transcendance espérée, enfin réalisée, l’affirmation d’une œuvre progressive qui s’élève par détermination vers la lumière [tout le déroulement de la 3è et dernière partie, ce soir après l’entracte]. Mais auparavant le compositeur sait exprimer 1001 nuances de désolation, de misère ou de terreur où jaillit la pureté d’un acte d’une noblesse morale absolue : ce que recherche la Péri pour obtenir enfin l’accès au Paradis.
Le chœur [ACCENTUS] et les solistes cisèlent dans la sobriété et une intensité maîtrisée chaque sentiment que Schumann a serti dans une somptueuse enveloppe orchestrale : si les cordes, bois et vents sont bien engagés, le relief des cuivres se fait souvent (trop) timide. Répartis dans la fosse au devant de la scène, les instrumentistes réalisent l’éloquente texture schumannienne avec infiniment de tact et de mesure, permettant aux solistes sur les planches de ciseler chacun leur partie, leur texte exalté, imploratif, s’apparentant souvent au lied.

 

D’UN JAILLISSEMENT NOIR PRESQUE CYNIQUE,
UNE POÉTIQUE DE LA TRANSCENDANCE

LAURENCE ÉQUILBEY et la metteure en scène DANIELA KERCK ont été bien inspirées de procéder à une relecture attentive du texte, ôtant à juste titre ses références plutôt datées, relevant d’une religiosité passée de mode, voire d’un orientalisme [persan] en réalité anecdotique, … pour accentuer l’universalité de son sujet central qui est la transcendance.
Ainsi pour obtenir enfin l’ouverture des portes de lumière et donc l’accès au Paradis, la Péri à demi ailée [preuve qu’il ne suffit pas d’avoir deux ailes pour s’élever mais que le salut s’obtient aussi par un cheminement spirituel total] fait don d’offrandes de plus en plus pures, – la dernière [les larmes d’un coupable repenti] suscitant finalement l’ouverture attendue.

Ainsi, créature céleste, la Péri traversant le ciel terrestre, rejoint dans sa quête, l’Inde, l’Afrique, l’Égypte… A chaque étape elle éprouve fragilité et vanité de la condition humaine, – terrassée par la guerre, la peste, la haine fratricide…
L’oeuvre est donc aussi en sous texte, un manifeste de compassion et d’humanisme, le sort de la Péri étant lié étroitement à sa faculté à s’émouvoir, et à offrir en conséquence, ce qui semble être la manifestation la plus admirable du sacrifice. Ainsi l’enfant en Inde qui défie le tyran au prix de sa vie ; la fiancée qui embrasse son aimé pestiféré en toute connaissance de cause et par amour ; le cas du coupable repenti, ému par sa victime, serait ici le cas le plus décisif de cette quête fraternelle.

 

Le Paradis et la Péri par Insula Orchestra / Laurence Equilbey © Julien Benhamou

 

 

LAURENCE EQUILBEY, familière à présent du dispositif d’opéra total associant chant, théâtre, vidéo [cf. son dernier spectacle « Beethoven Wars » d’une splendide inventivité lui aussi : LIRE notre critique du spectacle Beethoven Wars par Laurence Equilbey, mai 2024 : https://www.classiquenews.com/critique-concert-la-seine-musicale-le-26-mai-2024-beethoven-wars-insula-orchestra-accentus-laurence-equilbey/] a bien mesuré tous les enjeux de l’oratorio schumannien, plus audacieux et moderne qu’il n’y paraît. La forme en un continuum de plus en plus exalté, fusionne action lyrique et parure orchestrale comme une force irrésistible à la fois tragique et magique, ininterrompu, notion moderne qui suscite l’admiration du public et aussi celle de Wagner très admiratif dont le Lohengrin trouve des échos directs chez Schumann.

De même, sous la direction de Laurence Equilbey, le spectateur aura pu remarquer la profondeur prenante de certains chœurs comme celui de déploration chez les égyptiens terrassés par la peste, qui préfigurent la couleur et la gravité sourde du Requiem de Brahms (cette dernière œuvre, mise en scène, dans un dispositif complet, sera d’ailleurs l’un des temps forts de la prochaine saison 2025 – 2026).

L’apport des instruments d’époque rétablit le juste équilibre cordes / bois / vents /cuivres… Laurence Equilbey ciselant en particulier le flux Mendelssohnien de la première partie dans une lecture plus intimiste que dramatique. Une vision d’autant plus intime conçue comme une vanité que la cheffe ajoute deux ballades (magnifiquement chantées par accentus) au début et en fin de première partie : rappel poétique des plus bouleversants ; chacun ici bas disparaîtra retournant à la poussière [première ballade], pendant de la seconde (John Anderson), tout aussi bouleversante dans son dénuement d’une justesse absolue. Là s’inscrit ce réalisme stricte que propose Laurence Equilbey qui met en doute la sincérité du tyran repenti à la fin, évoquant l’enfant agenouillé de Maurizio Cattelan (cf. son entretien publié dans le livret programme)… Voilà qui nuance et enrichit magnifiquement le geste artistique, et qui tend à l’appui des somptueux phrasés orchestraux, à exprimer de l’oratorio que Schumann tenait pour son œuvre la plus aboutie, ce jaillissement noir voire cynique et glaçant.

 

PLATEAU CONVAINCANT

Pour étayer son oratorio, et enrichir une action proche de l’opéra, Schumann ajoute plusieurs personnages clés qui accompagnent la Péri dans son cheminement mystique éprouvant. Parmi la distribution vocale, se distingue l’ange noir de la très convaincante VICTOIRE BUNEL, hiératique, qui en thuriféraire sculpturale, tel une Isis romantique, accompagne à chaque séquence, les victimes foudroyées et sait prononcer solennelle, l’arrêté attendu : les portes vont-elles s’ouvrir?

Le narrateur [SEBASTIAN KOHLHEPP] qui décrit et commente chaque avancée de la Péri, précisant les enjeux de son parcours, ne manque pas d’aplomb et de crédibilité autant scénique que vocale ; le ténor ici grimé en Schumann lui-même, convainc par son sens du texte et un chant parfaitement articulé. De même l’alto AGATA SCHMIDT concourt à la force du chant et de l’action.
Enfin saluons la prestation de la soprano MANDY FREDRICH dans le rôle-titre, qui remplace l’interprète initiale portée souffrante : chant vif et engagé, la soprano qui a rejoint la production pour la générale, c’est à dire quelques jours à peine avant la première (!), affirme une belle flamme scénique et vocale, en particulier dans la dernière partie qui requiert ce chant exalté, impliqué, en fusion intime avec l’Orchestre, dans une courbe ascensionnelle menant à l’éblouissement et à la victoire finale.

 

Le Paradis et la Péri par Insula Orchestra / Laurence Equilbey – la tableau final (le repentir du coupable) © Julien Benhamou

 

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. LA SEINE MUSICALE, le 16 mai 2025. Robert SCHUMANN : Le Paradis et la Péri (Leipzig, 1843). Insula Orchestra, accentus. Laurence Équilbey (direction), Daniela Kerck, (mise en scène) Astrid Steiner (vidéo) – Crédit photos © Julien Benhamou / Insula Orchestra mai 2025

 

 

 

LIRE notre critique du précédent spectacle d’INSULA ORCHESTRA,  » Beethoven Wars « , spectacle total en création à La Seine Musicale (mai 2024) :

CRITIQUE, concert (création). BOULOGNE-BILLANCOURT, la Seine Musicale, le 26 mai 2024. BEETHOVEN WARS : Insula Orchestra / Choeur Accentus / Laurence Equilbey (direction).

 

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CRITIQUE, concert, PHILHARMONIE DE PARIS, 12 MAI 2025. SCHUMANN : Das Paradies und die Peri. L. Johnson, K. Carrel, M.B. Kielland, N. Brooymans… Concert des Nations, Capella Nacional de Catalunya, Jordi Savall (direction)

Avec Das Paradies und die Peri, Robert Schumann signait en 1843 un oratorio profane, tout à la fois fresque mystique et épopée de la rédemption. Ce n’est pas une œuvre de ferveur liturgique, mais un poème sonore qui puise dans l’imaginaire oriental de Thomas Moore pour ciseler une méditation sur la grâce, le sacrifice et la pureté conquise par l’effort, la constance et le dépassement. Cette même quête qui a marqué depuis longtemps les héroïnes et héros des opéras baroques, le sempiternel : « Vincer se stesso« . Le choix de Jordi Savall d’exhumer cette perle du romantisme allemand, avec ses complexités harmoniques et ses strates symboliques, relève moins de la relecture que de la transfiguration. Il ne s’agit pas ici de ressusciter une partition, mais de l’éclairer d’un feu nouveau — celui d’une écoute régénérée, incarnée, presque visionnaire. 

 

Dès les premières mesures, l’on pressent le dessein de Savall : faire respirer l’œuvre depuis l’intérieur, en révéler les moires expressives, caresser ses élans, sans jamais les brusquer. Il y a chez lui cette manière unique de sculpter le silence autour de la note, de donner à chaque accent, chaque nuance, la densité d’un mot chuchoté dans l’intimité d’un monde qui rêve. Sous sa direction, le Concert des Nations, admirablement fusionné avec la Capella Nacional de Catalunya, devient un organisme sensible, un chœur instrumental habité, éminemment plastique. 

Le velouté des cordes, les couleurs des vents, toujours finement ciselés, déploient une aura sonore qui rappelle l’orchestre schumannien dans ce qu’il a de plus introspectif. L’orchestre ne soutient pas la voix, il la devance, l’enveloppe, la provoque même dans ses inflexions les plus intimes. L’osmose est quasi-totale dans les grandes scènes d’ensemble où le chœur, magnifiquement articulé, chante moins un texte qu’un idéal. Le seul reproche que l’on pourrait faire est l’équilibre entre l’orchestre et les voix solistes. Jordi Savall, dans son enthousiasme, fait de l’orchestre un monstre qui avale parfois les voix vibrantes des solistes et c’est bien dommage. 

Et quelles voix ! Lina Johnson incarne la Péri avec une noblesse incandescente : jamais sirupeuse, toujours sur le fil de la lumière, elle confère à son rôle un mysticisme bouleversant. Elle ne séduit pas, elle élève. Cette sublime soprano norvégienne nous avait déjà émerveillés dans la première mondiale de l’Arsace d’Orlandini à Trondheim. À ses côtés, le ténor Kieran Carrel (le narrateur), d’une clarté quasi céleste, scande l’épopée avec la ferveur d’un prophète revenu d’un rêve. Les autres solistes, d’une justesse irréprochable, contribuent à cette fresque chamarrée avec une discrétion fervente. Nous saluons tout particulièrement la basse veloutée et sophistiquée de Nicolas Brooymans, dont son Gazna est hiératique et voluptueux à la fois. 

Mais au-delà de la réussite formelle, ce concert aura surtout été un moment de grâce par sa capacité à faire de Das Paradies und die Peri non pas une rareté romantique dépoussiérée, mais une parabole atemporelle. Savall, comme toujours, transcende les siècles et les esthétiques. Il lit entre les notes ce que les autres se contentent de jouer. Il insuffle à l’œuvre un souffle premier, archaïque, presque sacré. Sa direction, à la fois humble et prophétique, nous rappelle que la musique, quand elle touche à l’essentiel, est toujours une prière, une supplique primordiale même sans Dieu.

 

 

 

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CRITIQUE, concert, PHILHARMONIE DE PARIS, 12 MAI 2025. SCHUMANN : Das Paradies und die Peri. L. Johnson, K. Carrel, M.B. Kielland, N. Brooymans… Concert des Nations, Capella Nacional de Catalunya, Jordi Savall (direction)

 

CRITIQUE, opéra. VENISE, Teatro La Fenice, le 16 mai 2025. VERDI : Attila. M. Pertusi, A. Bartoli, V. Stoyanov… Leo Muscato / Sebastiano Rolli

Une nouvelle production de l’Attila de Giuseppe Verdi à Venise, au sublime Teatro La Fenice, dans une mise en scène qui évite les audaces d’une transposition et se met au service de la partition. Distribution de haute tenue dominée par la prodigieuse Odabella d’Anastasia Bartoli.

 

L’un des premiers chefs-d’œuvre de l’opéra patriotique verdien, Attila, inspiré d’un drame allemand, consolide surtout la typologie des personnages du compositeur parmesan en offrant l’un des plus beaux rôles de basse, tandis que Odabella, véritable protagoniste de l’œuvre, se révèle être une soprano dramatique plus puissante, plus virtuose et à l’ambitus vocal encore plus étendu que chez Abigaille. Nouvelle Judith, elle feint d’être éprise du roi des Huns pour assouvir personnellement sa vengeance et s’adonner enfin à un Foresto qui se croyait trahi. Les personnages sont rapidement esquissés, l’œuvre étant l’une des plus brèves du compositeur, et on ressent l’urgence de Verdi dans un contexte politiquement chaotique : donné dans une Venise occupée par les Autrichiens, ce neuvième opus ne pouvait que fortement résonner auprès du public de 1846, à la veille de la deuxième guerre d’indépendance.

179 ans plus tard, une même ferveur a saisi le public vénitien et à juste titre. Leo Muscato ne cherche ni à surprendre, ni à déranger ; sa lecture reste fidèle à la partition et au déroulement de l’intrigue, fidèle en cela aux directives de Verdi lui-même qui attachait une grande importance à l’atmosphère sombre du drame. Sur le plateau, celle-ci est surtout rendue par un subtil jeu de lumières, intelligemment orchestré par Alessandro Verazzi, jouant sur les ombres chinoises qui se détachent des branches d’arbres plantées verticalement et qui évoquent tout à la fois une forêt et les joncs de la lagune vénitienne où la ville allait être érigée après la destruction d’Aquilée par Attila. Les décors sobres, minimalistes de Federica Paolini mettent d’autant mieux en valeur les somptueux costumes à la fois réalistes et stylisés de Silvia Aymonino qui permettent de bien identifier les différents personnages et les forces en présence. Hasard du calendrier, on y voit le pape Léon 1er, l’un des modèles déclarés de l’actuel Léon XIV pour avoir arrêté Attila dans sa volonté de poursuivre ses destructions dans la péninsule.

La distribution réunie pour cette nouvelle production (la dernière remonte à 2016) est de très haute facture. Si Michele Pertusi, que l’on a vu récemment à Lyon dans la Force du destin, a la voix un peu tremblotante, sa présence scénique, la beauté de son timbre et la noblesse du chant (splendide « Mentre gonfiarsi l’anima ») en font toujours l’une des meilleures basses verdiennes du moment, capable d’une grande palette expressive oscillant entre la férocité, le lyrisme amoureux et le seuil de la folie. Le baryton bulgare Vladimir Stoyanov campe un remarquable Ezio, plein de fougue dans son célèbre « Avrai tu l’universo / Resti l’Italia a me » du prologue ou dans le « È gettata la mia sorte » du troisième acte. Antonio Poli est un ténor racé dans le rôle dramatiquement riche de Foresto, tandis que l’autre ténor Uldino a les traits et la belle voix limpide d’Andrea Schifaudo. Le pape Léon, qui apparaît sporadiquement mais constitue un élément essentiel du drame, est impeccablement interprété par la basse Francesco Milanese, hiératique à souhait et impérial dans ses invocations solennelles qui scellent positivement le sort de l’Italie. Mais la grande triomphatrice de la soirée est l’exceptionnelle Odabella de Anastasia Bartoli à l’abattage impressionnant, passant avec une aisance stupéfiante de la bravoure héroïque (« Allor che i forti corrono » du prologue qui lui vaut aussitôt l’admiration d’Attila) au lyrisme le plus chaleureux (comme dans l’air intimiste qui ouvre le premier acte, « Oh, nel fuggente nuvolo »). Si son chant manque parfois de subtilité et de délicatesse, notamment dans le registre aigu, il est en réalité conforme à l’ethos du personnage voulu par Verdi.

Une mention spéciale pour les Chœurs du Teatro La Fenice, personnage à part entière du drame, et plus encore de l’Orchestre du Teatro La Fenice dirigé de main de maître par Sebastiano Rolli qui, malgré les faiblesses dramaturgiques de l’œuvre, a su pleinement exploiter la puissance théâtrale de la phalange vénitienne dans une partition riche en scènes grandioses.

 

 

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CRITIQUE, opéra. VENISE, Teatro La Fenice, le 16 mai 2025. VERDI : Attila. M. Pertusi, A. Bartoli, V. Stoyanov… Leo Muscato / Sebastiano Rolli

 

 

CRITIQUE, opéra. BORDEAUX, Grand-Théâtre, le 16 mai 2025. BEETHOVEN : Fidelio. J. Wagner, J. McCorkle, S. Mechliński, P. Gay… Valentina Carrasco / Joseph Swensen

La nouvelle production de Fidelio à l’Opéra National de Bordeaux, sous la direction audacieuse de Valentina Carrasco, est bien plus qu’une simple représentation lyrique : c’est un manifeste théâtral et historique, ancré dans l’actualité brûlante des luttes pour la liberté. Transposant l’action dans le Bordeaux occupé de 1939-1945, Carrasco donne à l’œuvre de Ludwig van Beethoven une résonance profondément humaine et politique, tout en honorant la partition magistrale du compositeur.

Valentina Carrasco, dont l’enfance en Argentine sous la dictature militaire inspire une sensibilité particulière aux récits de résistance, déplace l’intrigue de la prison espagnole du livret original vers les sombres heures de l’Occupation nazie à Bordeaux. Les décors de Carles Berga et les costumes de Mauro Tinti recréent avec une précision troublante l’atmosphère d’un grand hôtel bordelais réquisitionné par les Allemands, où se mêlent collaborateurs et résistants. Le premier acte, dans les sous-sols de l’hôtel transformé en prison, est marqué par des cages métalliques et des symboles de collaboration (comme un tableau de Matisse spolié). Au second acte, la cellule de Florestan, cernée de murs gris, s’effondre littéralement lors de la libération, sous un ciel bleu projeté – une métaphore visuelle saisissante de l’espoir triomphant, à l’image du célèbre tableau de Delacroix « La liberté guidant le peuple« . Des projections d’archives en noir et blanc (photos de Jean Moulin, Lucie Aubrac, ou des femmes tondues) renforcent l’immersion, tandis que Don Pizarro incarne à la fois Maurice Papon et Klaus Barbie, symboles de la tyrannie locale. Autre idée marquante de Carrasco, celle d’intégrer au chœur des prisonniers des personnes en réinsertion suivies par le Service pénitentiaire de la Gironde. Leur présence ajoute une authenticité poignante à la scène du chœur des prisonniers (« O welche Lust »), où la soif de liberté devient palpable.

La distribution vocale fait honneur au chef d’oeuvre beethovénien. Jacquelyn Wagner (Leonore/Fidelio) incarne une héroïne à la fois fragile et déterminée, notamment dans l’aria « Komm, Hoffnung », où sa voix lumineuse porte l’espoir face à l’oppression. Lé ténor afro-américain Jamez McCorkle (Florestan) offre un « Gott! Welch Dunkel hier! » qui s’avère un moment d’une intensité vocale rare, passant de l’épuisement à la rédemption avec une maîtrise impressionnante. Le baryton polonais Szymon Mechliński (Don Pizarro) campe un tyran glaçant, dont la cruauté est soulignée par un timbre incisif et une présence scénique dominatrice. Paul Gay offre une interprétation nuancée du geôlier Rocco, tourmenté entre obéissance et compassion, ajoute une profondeur psychologique au drame. Avec son timbre clair et souple, la soprano russe Paola Shabinuna est une Marzelline rayonnante, quand Kévin Amiel offre un Jaquino au timbre solaire malgré ses airs de nazillon sans foi ni loi. Enfin, la basse française Thomas Dear convainc en Don Fernando, deus ex machina ici grimé en Général de Gaulle, à la voix chaleureuse comme il convient.

Le nouveau directeur musical de l’Orchestre national Bordeaux-Aquitaine (depuis septembre), le chef étasunien Joseph Swensen, grand spécialiste de Beethoven, insuffle une énergie symphonique remarquable à la phalange girondine. Son interprétation vise ici à l’universel, en proposant une lecture qui en magnifie le lent cheminement vers la lumière. Les airs sont introduits par de véritables miniatures instrumentales, visant moins à créer une atmosphère qu’à sertir le chant dans un contexte toujours plus tendu, jusqu’à la formidable libération de l’utopie finale. Et l’ouverture Leonore III, jouée en finale avec les chanteurs éclairés de petites lumières et une projection de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, est un coup de génie en clôturant l’opéra sur une note d’universalité !…

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. BORDEAUX, Grand-Théâtre, le 16 mai 2025. BEETHOVEN : Fidelio. J. Wagner, J. McCorkle, , K. Amiel, S. Mechliński, P. Gay… Valentina Carrasco / Joseph Swensen. Crédit photographique © Eric Bouloumié

 

 

VIDEO : Valentina Carrasco s’exprime sur sa production de « Fidelio » à l’Opéra national de Bordeaux

 

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GENEVE, 17ème Festival AGAPÉ, du 28 mai au 1er juin 2025 Festival international de musique et d’art sacré. Bertrand Cuiller, Jean Tubéry, La Fenice aVenire (Cantico Amoroso), Cappella Pratensis, Nairyan, Le Concert universel, Gabriel Rignol, Correspondances

GENEVE accueille la 17è édition du festival Agapé, « festival pour la Paix », à partir du 28 mai 2025, dans la salle Frank Martin, lieu emblématique du festival de musique et d’art sacré. Au total, une douzaine de concerts et d’événements artistiques s’affichent ainsi dans la capitale hélvetique. De nouveaux moments forts à vivre dans le partage,la rencontre, la découverte…

 

 

Parmi les temps forts de cette nouvelle édition genevoise, deux concerts mercredi 28 mai, dédiés au génie de Monteverdi (et ses contemporains à 18h / Maitrise et Camerata baroque du CPMDT], puis à 20h30, spectacle autour du Combat de Tancrède et Clorinde, chef d’œuvre absolu, joyau lyrique et dramatique (Le Caravensérail, Bruno Cocset)…Jeudi 29 mai à 17h, florilège pour l’Ascension, les fameuses Sonates du Rosaire de Biber (Ensemble Memorare).

Incontournable également, le 30 mai le Cantique des cantiques : « Il cantico amoroso » (des origines à la naissance du Baroque), nouveau programme événement conçu par Jean Tubéry et son formidable ensemble La Fenice aVenire [20h]. Sans omettre le récital de théorbe samedi 31 mai à 12h : Gabriel Rignol (œuvres signées Le Moyne, Bartolotti, Hotman, Bach,…)… et aussi l’ensemble Correspondances (Les Maîtres de Notre-Dame, dim 1er juin, 17h), et le 11è Festival des enfants (programmation réservée aux plus jeunes…)…

 

TOUTES LES INFOS et le détail des programmes directement sur le site du Festival AGAPÉ 2025 : https://festivalagape.org/

 

 

 

 

 

LIRE aussi notre première annonce du Festival Agapé 2025 à Genève :

GENEVE, 17ème Festival AGAPÉ, du 28 mai au 1er juin 2025. Festival international de musique et d’art sacré. Bertrand Cuiller, Jean Tubéry, La Fenice aVenire, Cappella Pratensis, Nairyan, Le Concert universel, Gabriel Rignol, Correspondances

 

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COMPIEGNE, Espace Jean Legendre, ven 23 mai 2025. Hélène ou la voix disparue (création). Collégiens de Compiègne, Les Frivolités Parisiennes, Pascal Neyron (mise en scène)

Après Silence sur la ville en 2023, les Théâtres de Compiègne présentent avec la compagnie Les Frivolités Parisiennes, – ensemble en résidence, un nouveau projet artistique et participatif : « Hélène ou la voix disparue ». Le spectacle en création implique musiciens professionnels et collégiens…

 

 

 

Mystères et enquêtes sont à résoudre ; ils attendent une bande de 120 jeunes élèves, à travers un trépidant polar-opéra … l’action d’Hélène ou la voix disparue conduit dans un théâtre abandonné, un ancien palais de la culture, à la recherche d’une vérité cachée, la disparition d’une âme meurtrie, celle d’Hélène, épouse enlevée et disparue. Mais un groupe d’élèves déterminés, entrés dans ce monde pour y célébrer la fin de leurs études et le début d’une nouvelle vie, s’y retrouvent coincés et n’ont d’autres choix que de résoudre cette énigme. Accompagnés par un personnage mystérieux, Oscar Brocard, époux esseulé, hanté par une voix incessante… les enfants relèveront-ils le défi ?
Le spectacle présenté à l’Espace Jean Legendre de Compiègne célèbre le théâtre et le chant dans une épopée lyrique aux accents tragiques… C’est un thriller pourtant joyeux porté par une jeunesse curieuse des contes mythiques, voire mythologiques.
Qui se cache derrière cette disparition ? Comment résoudre le mystère ? Ensemble, ils vont devoir dépasser leurs divergences pour servir et dévoiler la vérité.

Les Théâtres de Compiègne osent et réussissent les rencontres formatrices ; ils rassemblent à nouveau artistes en résidence et jeunes interprètes amateurs pour cette nouvelle création collective. Un opéra participatif et éducatif où les jeunes apprennent aux côtés d’artistes professionnels à devenir un chœur et à jouer sur scène, participent à la mise en œuvre et à la réalisation d’un spectacle ; chacun découvre la diversité du répertoire de l’opéra et du théâtre musical.

Une soirée unique qui promet une belle aventure fédératrice, transgénérationnelle et participative, pleine de joie, d’expérience, de découvertes et de musique !

 

 

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COMPIEGNE, Espace Jean Legendre

vendredi  23 mai 2025, 20h
Hélène ou la voix disparue

RÉSERVEZ vos places directement sur le site de l’Espace JEAN LEGENDRE / Théâtre de Compiègne : https://www.theatresdecompiegne.com/helene-ou-la-voix-disparue-548

 

 

distribution
Mise en scène : Pascal Neyron
Orchestration : Antoine Lefort
Chanteurs-comédiens : Philippe Brocard et Parveen Pavart
Jeune chœur de l’Atelier Musical de l’Oise et Chœurs d’élèves des collèges Gaëtan Denain et André Malraux de Compiègne

Orchestre Les Frivolités Parisiennes

 

 

CRITIQUE, concert. BORDEAUX, Auditorium, le 15 mai 2025. FAURE : Requiem (+ Extraits de « Hamlet » d’A. Thomas et de « Tristia » de H. Berlioz). S. Devieilhe (soprano), S. Degout (baryton), Ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon (direction)

Sous la direction superlative de Raphaël Pichon, l’Ensemble Pygmalion a offert une soirée d’une rare intensité à l’Auditorium de Bordeaux, tissant un fil narratif autour de la Mort, tantôt tragique, tantôt apaisée. Le choix de lier des œuvres diverses (Extraits de Hamlet de Thomas et de Tristia de Berlioz, aux côtés du Requiem de Fauré), données sans interruption (ni applaudissements) a renforcé l’immersion, transformant le concert en une expérience quasi liturgique.

 

La soirée s’est ouvert avec la Méditation religieuse de Berlioz (Tristia), où le chœur, d’une précision cristalline, psalmodiait des versets empreints de résignation : « Ce monde entier n’est qu’une ombre fugitive ». L’orchestre, sobre et intimiste, a souligné l’aspect funèbre du texte, préparant le terrain pour les extraits d’Hamlet d’Ambroise Thomas. Stéphane Degout, en Hamlet tourmenté, a captivé par son engagement dramatique. Dans « Ô séjour du néant ! », son baryton à la fois puissant et fragile a incarné la folie et le doute, tandis que Sabine Devieilhe, en Ophélie éthérée, a ébloui par sa virtuosité et sa palette émotionnelle. Sa scène de la folie (« À vos jeux, mes amis… »), ponctuée de rires glaçants et de vocalises en suspension, fut un moment d’une intensité bouleversante. Le chœur, tantôt narrateur, tantôt personnage, a magnifié l’atmosphère shakespearienne, notamment dans la Marche funèbre (extraite de Tristia) de Berlioz qui a suivi, où les « ah » sans paroles évoquaient une plainte collective.

La transition vers le Requiem de Fauré s’est opéré naturellement, comme une réponse spirituelle aux tourments terrestres. L’orchestre sur instruments d’époque a révélé des couleurs inédites : les cordes dépouillées du Sanctus, les harmonies éthérées de l’Agnus Dei, et le dialogue entre le soprano de Devieilhe (« Pie Jesu ») et l’harmonium ont créé une atmosphère de sérénité lumineuse. Stéphane Degout, dans le Libera me, a apporté une gravité poignante, tandis que le chœur, d’une transparence remarquable, a achevé l’œuvre dans un In Paradisum enveloppant, comme une promesse d’éternité.

Raphaël Pichon a magistralement uni les partitions par des silences éloquents et des enchaînements subtils, exploitant la acoustique de l’Auditorium pour des effets spatiaux (chœur disposé en arc, échanges entre solistes et instruments). Sa direction, à la fois rigoureuse et intuitive, a souligné les contrastes entre la noirceur d’Hamlet et la lumière du Requiem, tout en respectant l’intimité propre à Fauré. Un concert qui a été bien plus qu’une succession d’œuvres : une méditation sur la Mort, où la musique s’est révélée à la fois miroir de nos angoisses et vecteur de consolation.

 

 

 

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CRITIQUE, concert. BORDEAUX, Auditorium, le 15 mai 2025. FAURE : Requiem (+ Extraits de « Hamlet » d’A. Thomas et de « Tristia » de H. Berlioz). S. Devieilhe, S. Degout, Ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon (direction). Crédit photographique (c) Emmanuel Andrieu

 

 

ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO. PAUL McCARTNEY : Liverpool oratorio, ven 25 juil (Chorégies d’Orange) puis dim 27 juil (Monaco, Grimaldi Forum). Kazuki YAMADA (direction)

Composée par Paul McCartney, le Liverpool Oratorio est à l’origine, une œuvre musicale, conçue en collaboration avec le chef d’orchestre Carl Davis, pour célébrer les 150 ans de l’Orchestre philharmonique royal de Liverpool. La composition marque la première contribution de McCartney à la musique classique, reflétant son intérêt pour ce genre déjà perceptible dans des chansons comme « Yesterday » ou « Eleanor Rigby ».

 

 

Une épopée autobiographique créée en 1991

Structuré en 8 mouvements, l’oratorio évoque la vie du héros « Shanty », né pendant la Seconde Guerre mondiale à Liverpool ; l’œuvre explore les thèmes de la guerre, de l’éducation, de la religion, de la famille, du travail, des crises et de la paix. Dans un cadre fictif, l’action contient néanmoins des éléments autobiographiques inspirés par la propre vie de Paul McCartney. Pour ce faire, ce dernier combine habilement ses dons de mélodiste avec le cadre symphonique, exploitant toutes les ressources expressives de l’orchestration symphonique ; l’ancien Beatles explore la profondeur de ses racines et de ses émotions en racontant l’histoire poignante de son enfance à Liverpool.
La création eut lieu en 1991 à la cathédrale de Liverpool, avec des solistes renommés et expérimentés, telle la chanteuse d’opéra Dame Kiri Te Kanawa et Jerry Hadley ; l’oratorio a été enregistré chez EMI Classics la même année (1991), remportant un grand succès commercial, suscitant un classement dans la catégorie musique classique, inattendu voire spectaculaire, des deux côtés de l’Atlantique, quand les critiques étaient partagés.
La réalisation de l’ouvrage produit un spectacle inoubliable, porté par une orchestration somptueuse et des voix puissantes. Sous la direction de son directeur artistique et musical, Kazuki Yamada, toujours soucieux autant d’expressivité que de subtilité, les instrumentistes de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo proposent ainsi un voyage musical qui transcende les genres. L’expérience unique séduira autant les amateurs de musique classique que les fans des Beatles, entre nostalgie et modernité, séduction mélodique et souffle orchestral.

Paul McCartney y réserve un hommage vibrant à la ville qui a forgé sa sensibilité et décidé de son destin singulier, devenant comme membre du groupe mythique des Beatles, puis réussissant sa carrière en solo (entre autres avec les Wings), l’un « des plus grands artistes de tous les temps » …

 

 

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Liverpool Oratorio
Paul McCartney et Carl Davis
VENDREDI 25 JUILLET 2025 / 21h30
ORANGE, Théâtre antique
Report au lendemain, en cas de mauvais temps
Durée : 1h45
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
Chorus of City of Birmingham Symphony Orchestra
Chœur d’enfants de l’Académie Rainier III de Monaco
Kazuki Yamada; direction musicale
PLUS D’INFOS sur le site des Chorégies d’Orange 2025 : https://www.choregies.fr/programme–2025-07-25–liverpool-oratorio-paul-mccartney–fr.html

 

 

 

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CONCERT du 27 juillet 2025 à MONACO
PLUS D’INFOS sur le site de l’OPMC Orchestre Philharmonique de Monte Carlo : https://opmc.mc/concert/paul-mccartneys-liverpool-oratorio/

Tenue correcte exigée (veste et cravate non obligatoires)

Venez vivre le grand concert du 27 juillet 2025 au Grimaldi Forum (Monaco) avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo dirigé par Kazuki Yamada, accompagné du CBSO Chorus et du Chœur d’enfants de l’Académie Rainier III.

À l’affiche : Liverpool Oratorio, œuvre emblématique de Paul McCartney et Carl Davis, entre musique symphonique et récit autobiographique.

#OPMC #LiverpoolOratorio #PaulMcCartney #KazukiYamada #ConcertMonaco

 

 

 

VIDEO TEASER PAUL McCARTNEY : Liverpool oratorio

CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 10 mai 2025. VERDI : Rigoletto. G. Gagnidze, S. Zamecnikova, D. Korchak… Andrea Battistoni / Claus Guth

Un des chefs-d’œuvre de Giuseppe Verdi revient à l’affiche de l’Opéra de Paris, Rigoletto, dans la mise en scène de Claus Guth, créée en 2016 et reprise pour la seconde fois cette saison. Si la production n’est pas nouvelle, elle s’avère toujours aussi efficace et intéressante : une mise en scène moderne qui sert parfaitement l’œuvre, sans tomber dans un classicisme ronronnant, ni à chercher à raconter une autre histoire que celle du livret.

 

L’opéra s’ouvre avec la présence d’un acteur, double de Rigoletto vieilli (interprété par Henri Bernard Guizirian), portant au bras le lourd carton de ses souvenirs. Il en tire sa veste de bouffon, puis la frêle robe blanche tachée de sang de Gilda. De ce carton ouvert ressortent tous les souvenirs obsessionnels d’un père brisé. Derrière lui, le carton gigantesque qui compose la scénographie s’ouvre d’abord vers le haut puis sur les côtés. La cour de Mantoue est rassemblée à l’intérieur, comme une caisse de tristes jouets qui encombre un grenier. Les costumes sont issus de la Renaissance, tandis que la direction d’acteurs est réglée avec beaucoup d’équilibre, les chanteurs étant toujours à l’aise pour s’exprimer. 

Dmitry Korchak (Le Duc de Mantoue) joue admirablement son personnage détestable, dégageant par ses mouvements une dégoûtante assurance, pleine de prétention. Si les qualités d’acteur du ténor sont indéniables, et que sa voix est très belle, il lui arrive cependant d’être en retard avec l’orchestre. Le chœur maison, que l’on sait parfois réticent au jeu scénique, est plus vivant qu’à son habitude, jouant des sentiments de surprise et de frayeur à l’arrivée de Monterone, glaçant Daniel Giulianini à la diction parfaite et au timbre précis. Frappé par la malédiction, Rigoletto – incarné par Georges Gagnidze – apparaît abattu, comme le souffle coupé. Nous apprenons à l’entracte que le rôle-titre est souffrant, mais qu’il assurera tout de même l’intégralité de la représentation… ce qui peut expliquer le léger voile sur sa voix, sans obérer les grandes qualités artistique et vocale du baryton géorgien. Gilda est interprétée par la très « callasienne » Slàvka Zámečníková. Tout lui semble naturel et facile, l’air “Caro Nome” est chanté avec le détachement candide et charmant d’une adolescente devenant femme. Brillante idée à ce moment, où Rigoletto ne regarde jamais directement sa fille, car il ne la voit pas, mais seulement des doubles de Gilda, enfant ou adolescente. Les trois doubles de Gilda sont élèves à l’école de danse de l’Opéra de Paris : elles dansent avec grâce et innocence. Gilda, devenue adulte, les quitte. L’enlèvement de Gilda est également porté par une magnifique idée de mise en scène, où les chœurs sont vêtus de noir et sont masqués de blanc, distillant une atmosphère à la fois infernale et élégante. Sparafucile est interprété par la basse russe Alexander Tsymbalyuk, hiératique et discret, comme doit être un bon tueur à gages. La voix est pleine et sonore, mais la diction approximative. Enfin Maddalena se fait terriblement méchante et diabolique, sous les traits de Justina Gringytė.

Le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra de Paris s’avèrent à la fois précis et lyriques, sous la baguette du chef italien Andrea Battistoni. Pendant l’ouverture, vibrante, il ose des nuances forte sans concession, laissant pleinement s’exprimer les passions propres à la partition de Verdi. Lors des airs et des chœurs, l’orchestre ne se fait pas bêtement un accompagnateur discret mais se pose un véritable acteur du drame, riche et éloquent à la fois !

 

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra Bastille, le 10 mai 2025. VERDI : Rigoletto. G. Gagnidze, S. Zamecnikova, D. Korchak… Andrea Battistoni / Claus Guth. Crédit photographique © Benoîte Fanton

 

 

 

CRITIQUE, concert. POITIERS, Théâtre-Auditorium de Poitiers (TAP), le 14 mai 2025. « Le Verdict de minuit » (en Création mondiale). Ars Nova, Gregory Vajda (direction)

Le TAP de Poitiers a accueilli, ce 14 mai, la création mondiale du Verdict de minuit, une œuvre ambitieuse mêlant musique contemporaine, poésie et mythologie. Inspiré du poème éponyme de Seamus Heaney, ce triptyque musical explore le mythe d’Orphée à travers le prisme de trois compositeurs aux univers distincts : Benoît Sitzia, Deirdre McKay et Gregory Vajda. Sous la direction de ce dernier, sept instrumentistes de l’ensemble Ars Nova ont été rejoints par deux solistes aux instruments évocateurs, Farnaz Modarresifar au Santour et Katalin Koltai à la « Ligeti Guitar, » pour un voyage sonore d’une rare intensité.

 

Une ouverture envoûtante : l’improvisation au Santour
Le spectacle s’ouvre sur une improvisation de Farnaz Modarresifar, dont le Santour, cithare persane aux timbres cristallins, installe d’emblée une atmosphère mystérieuse. En quatre minutes, la musicienne tisse des arabesques mélodiques qui, comme les chants d’Orphée, semblent suspendre le temps. Les nuances subtiles et les résonances métalliques de l’instrument évoquent à la fois l’émerveillement et la mélancolie, annonçant les thèmes du mythe.

Tableau 1 : Orphée et Eurydice (Benoît Sitzia)
Benoît Sitzia plonge l’auditeur dans l’idylle tragique des amants mythiques. Sa partition, d’une grande densité expressive, alterne entre fulgurances orchestrales et moments de fragile intimité. Les cuivres et les cordes d’Ars Nova dialoguent avec une tension dramatique, tandis que des parties dissonantes symbolisent l’irréversible. La section centrale, plus lyrique, évoque la descente aux Enfers, avec des glissandi aux cordes et des percussions sourdes qui soulignent l’angoisse du retour.

Tableau 2 : Le Verdict de minuit (Deirdre McKay)
Deidre McKay livre une pièce hypnotique, structurée comme une litanie. Le titre, emprunté à Heaney, renvoie au moment fatidique où Orphée se retourne. L’écriture, minutieuse, joue sur les répétitions et les micro-intervalles, créant un effet de vertige. Les bois (basson et clarinette) y sont mis à l’honneur, leurs phrasés saccadés évoquant les battements d’un cœur affolé. L’entrée progressive du santour, en contrepoint, introduit une dimension méditative, comme un écho lointain d’Eurydice.

Tableau 3 : La Mort d’Orphée (Gregory Vajda)
Vajda signe une partition furieuse et viscérale, restituant le démembrement du héros par les Bacchantes. Les percussions (timbales, toms) dominent, scandant une rythmique sauvage, tandis que les cordes crissent en un chaos organisé. La Ligeti Guitar de Katalin Koltai intervient par bribes, son mécanisme innovant produisant des harmoniques spectrales. L’épilogue, où la musique se délite en souffles étouffés, laisse planer l’image de la tête d’Orphée chantant encore.

…Et une clôture magique : Orpheus Songs
En guise de finale, sur une musique de Benoît Sitzia interprétée par Katalin Koltai, la Ligeti Guitar offre une épitaphe minimaliste. Les notes arpégées, entre consonance et désaccord, semblent questionner l’échec du héros. L’instrument, par sa capacité à modifier les hauteurs en temps réel, incarne l’idée de métamorphose chère au mythe.

De son côté, la scénographie, sobre mais efficace, se compose d’un jeu de lumières, mais surtout de projections de textes écrits par Benoît Sitzia à partir des Métamorphoses d’Ovide relatant le mythe d’Orphée (tableaux I et II), puis de textes (en anglais) du poète irlandais Seamus Heany sur le même mythe orphique (tableau III). Les éclairages, tantôt froids (Enfers), tantôt dorés (l’âge d’or perdu), renforcent la dimension onirique. Porté par des interprètes exceptionnels (notamment Modarresifar, virtuose du santour, et l’ensemble Ars Nova, d’une précision chirurgicale), Le Verdict de minuit réussit à actualiser le mythe sans le trahir. La complémentarité des compositeurs – Sitzia (dramaturgie), McKay (introspection), Vajda (violence rituelle) – donne une lecture kaléidoscopique d’Orphée, où la musique devient à son tour un pont entre les mondes.

Une création audacieuse – qui confirme le TAP comme lieu incontournable de la création contemporaine en France !

 

 

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CRITIQUE, concert. POITIERS, Théâtre-Auditorium de Poitiers (TAP), le 14 mai 2025. « Le Verdict de minuit » (en Création mondiale). Ars Nova, Gregory Vajda (direction). Crédit photographique © Stéfanie Molder

 

 

CRITIQUE, concert. PARIS, Grand Salon des Invalides, le 12 mai 2025. GLUCK, STRAUSS, CASELLA… Federico Altare (flûte), Nadja Dornik (piano)

Le lundi 12 mai, le prestigieux Grand salon de l’hôtel des Invalides a accueilli deux jeunes artistes pour un récital flûte et piano. Tous deux issus du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, Federico Altare et Nadja Dornik se sont produits dans le cadre du programme Premières armes. Ce cycle de concerts dédié aux jeunes artistes repose sur un partenariat avec le CNSMDP existant depuis la première saison musicale des Invalides, il y a trente ans.

 

Le programme est construit autour du traité de Locarno qui, en 1925, scelle une entente de courte durée entre la France et l’Allemagne. La romance pour flûte et piano de Camille Saint-Saëns prélude avec beaucoup de charme cet excellent choix de pièces. Federico Altare y exprime très naturellement toute sa sensibilité artistique. Il donne par sa double expérience du traverso et du répertoire contemporain une très grande richesse de couleurs au répertoire post romantique. En ce qui concerne la pianiste Nadja Dornik, on note rapidement que la connaissance du répertoire français n’est pas approfondie. Le toucher manque de légèreté et donne un effet de flou à cette musique qu’il serait dommage de réduire à son aspect coloriste. Le constat est le même pour la sonate pour flûte et piano de Charles-Marie Widor. Si on peut admirer un très haut niveau pianistique, la fusion entre les deux artistes semble difficile. Le flûtiste s’adapte trop souvent à une accompagnatrice qui ne lui laisse que peu de temps pour respirer. Il fait pour autant preuve d’une ébouriffante virtuosité dans le 4ème mouvement de la sonate sans pour autant perdre l’élégance qui le caractérise toujours.

Le programme continue avec une pièce rare, la Siciliana e burlesca d’Alfredo Casella. Le compositeur italien est avec cette pièce, le premier étranger à composer une pièce d’examen pour le conservatoire de paris en 1919. Également très virtuose, la pièce permet à Federico Altare d’exprimer toute sa fantaisie. Preuve que malgré l’origine pédagogique de la pièce, il est possible pour les artistes de ce niveau d’en faire une formidable et originale pièce de concert. Le programme s’achève sur la très belle sonate pour violon, ici transcrite pour la flûte de Richard Strauss. On sent nettement Nadja Dornik plus à l’aise dans ce répertoire germanique même si son jeu n’est pas d’une grande clarté. Federico Altare est encore une fois d’une virtuosité impressionnante, clair, tout en restant sensible.

Après un tonnerre d’applaudissements, le duo offre en bis une version extrêmement touchante de l’air du ballet des Ombres heureuses extrait d’Orphée et Eurydice de Gluck. Moment où les deux musiciens se sont mis d’accord comme par enchantement nous laissant sur cette note belle et apaisée. Nous attendons avec beaucoup d’impatience les prochains jeunes qui feront leurs premières armes dans le cadre de la saison musicale des invalides et vous invitons en attendant à suivre ces deux excellents musiciens.

 

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, Grand Salon des Invalides, le 12 mai 2025. GLUCK, STRAUSS, CASELLA… Federico Altare (flûte), Nadja Dornik (piano)

 

CRITIQUE, opéra (en version de concert). CLERMONT-FERRAND, Opéra-Théâtre, le 13 mai 2025. HAENDEL : Acis and Galatea. R. Redmond, H. Hymas, R. Bockler… Ensemble Masques, Olivier Fortin (direction)

Ce mardi 13 mai 2025, Clermont Auvergne Opéra offert une superbe interprétation de Acis and Galatea, l’un des plus délicats joyaux lyriques de Georg Friedrich Haendel, donné ici sous forme d’une version de concert. Sous la direction amoureuse du chef franco-québécois Olivier Fortin, depuis son clavecin, cette pastorale amoureuse et tragique a pris vie avec une grâce et une intensité rares, portée par l’Ensemble Masques et une distribution vocale irréprochable.

Olivier Fortin, à la tête de l’Ensemble Masques, a ainsi su insuffler une énergie à la fois poétique et rigoureuse à cette partition. Son approche du continuo au clavecin était d’une fluidité remarquable, soutenant les chanteurs avec une sensibilité constante, tandis que sa direction unissait transparence des textures et expressivité dramatique. Les tempi, toujours judicieux, laissaient respirer les airs tout en maintenant une tension lyrique ininterrompue. Les musiciens, visiblement en symbiose avec sa vision, ont restitué chaque nuance avec une finesse exemplaire.

Du côté des voix, Rachel Redmond (Galatea) a captivé par la pureté cristalline de son timbre et son phrasé délicatement ornementé. Son « Heart, the seat of soft delight » fut un moment de grâce absolue, où émotion et technique se confondaient. Son incarnation de la nymphe éplorée, notamment dans le poignant « Must I my Acis still bemoan », a arraché des frissons à l’auditoire. Hugo Hymas (Acis) a séduit par la jeunesse rayonnante de sa voix, alliant clarté du texte et legato souverain. Son « Love in her eyes sits playing » fut une déclaration d’amour aussi virtuose que touchante, tandis que sa mort imagée dans « Help, Galatea! » a bouleversé par son intensité dramatique. Le baryton français Romain Bockler (Polyphemus) a imposé une présence vocale aussi puissante que nuancée, évitant toute caricature dans le rôle du cyclope. Son « I rage, I melt, I burn! » a déployé une rage contenue et un grave impressionnant, sans jamais sacrifier la musicalité. Philippe Gagné (Damon), avec sa voix chaude et agile, a apporté une sagesse pastorale bienvenue, notamment dans « Consider, fond shepherd », où sa déclamation élégante a contrasté avec la fougue des amants. Enfin, Marie Pouchelon (soprano) a rejoint avec beaucoup d’efficacité ses quatre collègues pour délivrer toutes les interventions du choeur – dont le célèbre « Wretched lovers! » n’a pas manqué d’émouvoir l’auditoire.

Malgré l’absence de mise en scène, la force narrative de l’œuvre a pleinement émergé, grâce à la direction millimétrée de Fortin et à l’engagement des interprètes. La salle, quasi comble, a réservé une belle ovation amplement méritée à l’issue du choeur final.

Notons, en guise de conclusion, qu’Olivier Fortin et l’Ensemble Masques reviendront (du 3 au 7 juin) dans différents quartiers de la ville et de ses alentours, avec un outil de diffusion original et innovant : un semi-remorque transformé en salle de spectacle ! Le projet, appelé « L’’Échappée » proposera ainsi des représentations gratuites en lien avec la Pastorale de Haendel, ainsi que des ateliers pour aller à la rencontre des publics sur le territoire clermontois… une initiative à saluer !

 

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CRITIQUE, opéra (en version de concert). CLERMONT-FERRAND, opéra-théâtre, le 13 mai 2025. HAENDEL : Acis and Galatea. R. Redmond, H. Hymas, R. Bockler… Ensemble Masques, Olivier Fortin (direction). Crédit photo (c) Emmanuel Andrieu

 

 

CRITIQUE, opéra. LIMOGES, Opéra, le 13 mai 2025. POULENC : Les mamelles de Tirésias (nouvelle production). Sheva Téhoval, Jean-Christophe Lanièce, … Théophile Alexandre (mise en scène) / Samuel Jean (direction)

Particulièrement fidèle à l’esprit de sédition libertaire d’Apollinaire dont Il a à 18 ans assisté à la création des Mamelles [1916], Francis Poulenc déploie dans l’opéra qu’il en a déduit, une invention jubilatoire entre loufoque, fantaisie, gravité : ses Mamelles de Tirésias de 1947 pétillent de possibilités poétiques et musicales avec des surgissements tendres et lyriques, aussi réjouissantes qu’irrésistibles.

 

 

30 ans après le texte d’Apollinaire, et dans le contexte de la reconstruction voire de la remise en ordre de la France d’après-guerre, Poulenc éblouit même dans une verve qui provoque et questionne tout autant ; le rire ici n’étant que le prolongement d’une profonde et consciente remise en question des normes sociales et des fonctions humaines assignées par genre.
Et pourquoi une femme n’aurait-elle pour seul destin que de procréer, d’être mère au foyer, exclusivement dévolue au confort et à l’épanouissement de son mari (et de leurs enfants) ?
La question est au centre d’un opéra bouffe d’autant plus subversif qu’il est pertinent. D’autant que la mise en scène aussi esthétique que poétique de Théophile Alexandre en sachant éviter l’instrumentalisation actualisante, sert au plus près le jaillissement créatif et critique de la partition,… sans féminisme asséné, envahissant. Cette nouvelle création est pur régal, créée ainsi à Limoges [dernière date demain, jeudi 15 mai] et que reprend l’Opéra Grand Avignon [les 6 et 8 juin 2025].

 

Sheva Téhoval, Thérèse, Tirésias, cartomancienne © Steve Barek

 

SOIRÉE THÉMATIQUE… L’Opéra de Limoges orchestre toute une soirée autour des thèmes abordés par Poulenc. En particulier la fonction que la société assigne à la femme…. Comment fabriquer une femme parfaite : mère, maîtresse de maison et corps désirable ? Question posée dans le documentaire « Good Girl » (2022) projeté avant l’Opéra, réalisé par Mathilde Hirsch et Camille d’Arcimoles (avec la voix d’Agnès Jaouy). Puis après le spectacle, rencontre avec le metteur en scène et deux éminents chercheurs, l’incontournable spécialiste de Poulenc, Hervé Lacombe et Michèle Riot-Sarcey, « historienne, professeure émérite d’histoire contemporaine et du genre, spécialiste du féminisme, du surréalisme, de la politique et des révolutions du XXe » : passionnante intervention à 2 voix qui a permis de mieux comprendre les enjeux et le contexte du texte originel d’Apollinaire [1916] et la partition de Poulenc 30 ans après en 1947…

 

Mamelles séditieuses et foutraques
L’élégance surréaliste de Théophile Alexandre

 

Sur un canapé bouche [style dada version Dali, 1936], combiné selon les séquences à un gigantesque nez à moustaches et d’ immenses yeux suspendus depuis les cintres, le spectateur découvre d’abord la féminité ambitieuse et volontaire de Thérèse, changée en homme soit Tirésias (percutante Sheva Téhoval qui fait aussi une cartomancienne maîtresse et conquérante) ; puis tout aussi développée voire davantage, la transformation en miroir de son mari qui découvre et se délecte de son nouveau statut d’homme-femme, à présent concepteur géniteur de pas moins de 40 049 nouveaux nés [!] … L’appel au changement, à tous les possibles, l’ivresse des permutations libres… sont ainsi au centre d’un ouvrage parmi les plus radicaux et qui sur le plan poétique, permet un déploiement théâtral et scénique infini, dont s’empare Théophile Alexandre, comme il a été dit précédemment, avec finesse et justesse.

Tous les solistes défendent avec aplomb et mesure ce théâtre foutraque et loufoque, fantasque et fantaisiste, précisément surréaliste, avec ses jeux de mots et son verbe délirant, déjanté : cf « La Boulangère qui tous les 7 ans change de peau, elle exagère » …

SURRÉALISME ET MUSIC-HALL : UNE FANTAISIE VISUELLE RÉUSSIE… Le dispositif scénique et l’univers visuel du spectacle mêlent avec beaucoup de goût les références au surréalisme, au rêve, à un onirisme fantaisiste souvent délirant et drôlatique ; Théophile Alexandre y mêle aussi le pur esprit du Music Hall qui innerve la partition de Poulenc, avec entre autres écart savoureux, l’intégration du duo de danseurs noirs, claire référence à Joséphine Baker et sa jupe bananes, chorégraphiée dans la marque du metteur en scène, entre élégance et impertinence.

Le spectacle affiche une vitalité collective délectable. La cohérence que lui confère Théophile Alexandre s’avère jubilatoire, d’autant que la partition de Poulenc structurée comme une succession de saynètes et de numéros [en particulier tout le début où Thérèse enchaîne ses airs et séquences de femme de pouvoir] pourrait tendre facilement à l’éclatement. Rien de tel non plus dans la direction fluide, détaillée, soignée et plutôt efficace de Samuel Jean qui à la tête de l’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Limoges Nouvelle-Aquitaine, veille à la continuité de l’action et aussi à l’équilibre sonore fosse / plateau… un réglage essentiel pour la lisibilité des interventions solistes / chœur, lesquels sont d’autant plus exposés que le débit textuel exige un abattage prosodique redoutablement précis. Défi vocal auquel les membres du chœur maison [très habilement intégrés à l’action scénique] et le couple vedette apportent précision et naturel en particulier le Mari de l’excellent baryton Jean-Christophe Lanièce dont la maîtrise rétablit tout le relief du personnage, souvent moins fouillé que celui de Thérèse / Tiresias.

Le spectacle est un superbe moment théâtral et musical ; dernière demain jeudi 15 mai 2025 (réservations sur le site de l’Opéra de Limoges, ici : https://www.operalimoges.fr/reservation/les-mamelles-de-tiresias). Les Avignonais pourront le découvrir et l’applaudir ensuite début juin car l’opéra bouffe de Poulenc est repris les 6 et 8 juin 2025 à l’Opéra Grand Avignon : https://www.operagrandavignon.fr/les-mamelles-de-tiresias-poulenc#
Incontournable.

 

Jean-Christophe Lanièce, le mari, et
Marc Scoffoni, le gendarme / le Directeur de théâtre © Steve Barek

 

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CRITIQUE, opéra. LIMOGES, Opéra, le 13 mai 2025. POULENC : Les mamelles de Tirésias (nouvelle production). Sheva Téhoval, Jean-Christophe Lanièce, … Théophile Alexandre (mise en scène) / Samuel Jean (direction) – Toutes les photos : Opéra de Limoges / POULENC : Les Mamelles de Tirésias par Théophile Alexandre © Steve Barek 2025

 

 

LIRE aussi notre présentation des Mamelles de Tirésias de Poulenc, mises en scène de Théophile Alexandre : https://www.classiquenews.com/opera-de-limoges-poulenc-les-mamelles-de-tiresias-les-13-et-15-mai-2025-sheva-tehoval-jean-christophe-laniece-samuel-jean-direction-theophile-alexandre-mise-en-scene/

Pour Les Mamelles de Tirésias, Guillaume Apollinaire invente de toute pièce, le terme de « surréaliste » ! Le texte est la source du livret que Francis Poulenc choisit pour son premier opéra. Le compositeur y trouve le loufoque et le délire, l’étrangeté et l’inédit qu’il souhaitait absolument mettre en musique…

 

OPÉRA DE LIMOGES. POULENC : Les mamelles de Tiresias, les 13 et 15 mai 2025. Sheva Téhoval, Jean-Christophe Lanièce… Samuel Jean (direction), Théophile Alexandre (mise en scène)

 

 

distribution complète

Samuel Jean, direction musicale
Théophile Alexandre, mise en scène
Arlinda Roux Majollari, cheffe de chœur
Elisabeth Brusselle, cheffe de chant
Daphné Mauger, assistanat à la mise en scène
Camille Dugas, scénographie
Nathalie Pallandre, costumes
Judith Leray, lumières

 

Sheva Téhoval, Thérèse, Tirésias, cartomancienne
Jean-Christophe Lanièce, le mari
Marc Scoffoni, le gendarme / le Directeur de théâtre
Philippe Estèphe, M. Presto
Blaise Rantoanina, M. Lacouf, le Fils
Ingrid Perruche, la Marchande de journaux
Matthieu Justine, le Journaliste
Floriane Duroure, la Dame élégante
Christophe Di Domenico, le Monsieur Barbu

 

Lucille Mansas, Dimitri Mager, danseurs.ses

 

Orchestre Symphonique de l’Opéra de Limoges Nouvelle-Aquitaine
Chœur de l’Opéra de Limoges

 

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COFFRET CD événement, annonce. BRUCKNER : Symphonies 1 – 9. Lü Jia / China NCPA Orchestra

Un nouveau Bruckner, profond, dense, contemplatif venu de Pékin… Lü Jia et l’Orchestre NCPA de Pékin signent une intégrale Bruckner aussi inattendue que convaincante. La parution de l’intégrale des 9 Symphonies de Bruckner par l’orchestre pékinois et son chef LÜ JIA aura marqué l’actualité discographie du Printemps 2025.

 

 

À l’occasion du bicentenaire de la naissance d’Anton Bruckner (1824-2024), le maestro Lü Jia et l’Orchestre NCPA de Chine (Pékin) célèbrent cette étape historique et publient l’intégrale des symphonies de Bruckner qu’ils ont jouée durant l’année 2024 en concert. Le somptueux coffret qui en découle, paraît au printemps 2025. La pertinence et l’engagement des musiciens de Pékin rendent cette lecture indiscutable ; ils ont même suscité la surprise, confirmant la très haute tenue de l’Orchestre et des instrumentistes requis.

 

Lü Jia et l’Orchestre NCPA de Pékin : une intégrale Bruckner aussi inattendue que convaincante

Fruit de plusieurs années d’engagement et de rigueur artistique, l’intégrale des 9 Symphonies de Bruckner réalise in fine un projet monumental qui interroge en Orient l’écriture orchestrale du grand créateur autrichien, symphoniste fervent, rival de Brahms, préfigurant la démesure mahlerienne.

Un accomplissement d’autant plus méritoire que les œuvres abordées constituent un défi redouté de tous les orchestres symphoniques.

Avec une profonde sensibilité interprétative, Lü Jia et l’Orchestre NCPA immergent les auditeurs dans un voyage à travers les vastes paysages musicaux de Bruckner : de ses imposantes structures symphoniques à l’essence spirituelle de ses œuvres, évoquant la grandeur d’une cathédrale sonore. BRUCKNER fut un organiste reconnu, dont l’écriture symphonique fut reconnue après sa mort et qui exprime une sensibilité aiguë à la nature, comme elle témoigne aussi de la quête d’un croyant dont la foi inextinguible s’inscrit dans la doute autant que l’espérance. Sa musique prolonge ce questionnement personnel et intime ; la foi de Bruckner expliquant dans un doute permanent les incessantes reprises et corrections que le composteur n’a cessé de réaliser sur chacun de ses opus symphoniques.

Enregistré au prestigieux Concert Hall du Centre national des arts du spectacle de Chine / NCPA National Center for performing arts, à Pékin, le cycle symphonique complet marque une étape importante non seulement pour l’orchestre, mais aussi pour la scène musicale asiatique en général. Il s’agit d’une avancée majeure pour faire découvrir les chefs-d’œuvre de Bruckner à un public plus large en Chine et au-delà ; à l’appui des prochains projets artistiques de l’Orchestre et de son directeur musical, il s’agit aussi de confirmer le statut de l’Orchestre du NCPA comme l’un des acteurs majeurs sur la scène extrême-orientale voire internationale. Prochaine critique complète sur classiquenews.

 

 

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Coffret cd événement, annonce. BRUCKNER : Symphonies 1 – 9. Lü Jia / China NCPA Orchestra —parution printemps 2025 – CLIC DE CLASSIQUENEWS printemps 2025

 

 

 

CRITIQUE, opéra. SAINT-ETIENNE, Grand-Théâtre Massenet, le 11 mai 2025. SAINT-SAËNS : Samson et Dalila. F. Laconi, M. Gautrot, P-N. Martin… Immo Karaman / Guillaume Tourniaire

L’Opéra de Saint-Étienne renoue avec Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, une œuvre absente de sa scène depuis 2008, sous la direction artistique du regretté Jean-Louis Pichon. Cette nouvelle production, importée d’Allemagne (Theater Kiel) et mise en scène par Immo Karaman, se distingue par une esthétique épurée, où le noir et le blanc dominent, créant un jeu de contrastes saisissant.

 

La scénographie, minimaliste, repose sur une structure courbe polyvalente évoquant tour à tour une place publique, un temple ou une geôle. Quelques chaises, tables et armoires – telles des portes vers l’invisible – suffisent à suggérer les lieux, tandis que les éclairages de Pascal Noël jouent un rôle clé, alternant entre ténèbres oppressantes et lueurs éblouissantes pour souligner les conflits. Les costumes renforcent cette dualité : les Hébreux, vêtus de noir, s’opposent aux Philistins en blanc, symbolisant l’affrontement entre opprimés et oppresseurs. La tension dramatique est portée par une direction d’acteurs précise et des chorégraphies dynamiques signées Fabian Posca, où les danseurs incarnent avec force les passions du récit, des mouvements lents aux emportements fiévreux, créant des images aussi puissantes que photogéniques.

Mais la superbe distribution réunie ce soir à Saint-Etienne (par Eric Blanc de la Naulte et son bras armé Giuseppe Grazioli, à la fois directeur musical et conseiller artistique pour les voix), n’est pas en reste, à commencer par le Samson à toute épreuve et superlatif de Florian Laconi qui, un mois après son non moins saisissant Sigurd (de Reyer) à l’Opéra de Marseille, se positionne comme notre ténor héroïque national (aux côtés du vétéran Roberto Alagna bien sûr…).  Il se montre ainsi capable de maîtriser la tessiture de bout en bout sans l’ombre d’une fatigue, tandis que le timbre est projeté avec incroyable insolence, doublée d’une diction tout à fait satisfaisante. Le sublime air de la meule, “Vois ma misère”, phrasé avec beaucoup de nuance, est l’un des temps forts de la soirée. Face à lui, grande habituée du rôle de Dalila, la mezzo Marie Gautrot séduit également l’auditoire stéphanois dès son premier air “O mon bien aimé”, et plus encore dans “Printemps qui commence”, chanté avec un respect des annotations et de l’alternance du piano/forte qui force le respect ! Sa voix dense, d’une palette extrêmement variée, possède la projection nécessaire dans “Samson recherchant ma présence”, ainsi que dans le duo avec le Grand Prêtre où Saint-Saëns a appris la leçon de l’affrontement entre Ortrud et Telramund ; elle a surtout le mordant et cette autorité rageuse que toute Dalila se doit de posséder, mais sait également retrouver l’accent.

De son côté, le baryton français Philippe-Nicolas Martin s’avère un impressionnant Grand Prêtre de Dagon, à la fois par la précision de sa diction que par son art de la déclamation. Le baryton-basse français Alexandre Baldo impose des qualités analogues en Abimélech, tandis que le jeune Louis Morvan est tout bonnement un luxe dans le personnage du Vieil Hébreux, tant il confirme à nouveau sa position de basse française la plus prometteuse du moment (après ses interventions à l’Opéra de Nice en mars ou celui de Clermont-Ferrand en avril) ! 

Côté musique, l’évidence du chef d’œuvre s’impose dès les premières mesures données par le chef Guillaume Tourniaire, placé à la tête de l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire : la magnifique plainte des contrebasses, puis le chœur des Hébreux “Ecoute la prière de tes enfants”. De cette extraordinaire partition – notre préférée dans le répertoire français aux côtés des Troyens de Berlioz – le chœur, personnage collectif, et l’orchestre, à la somptueuse instrumentation, appellent un maître d’œuvre, et il conviendra de louer la direction du chef français, souple, précise, naturelle surtout, faisant respirer la musique. La phalange stéphanoise sonne tout en finesse et en transparences, parfaitement apte à exprimer toute la sensualité de la partition de Camille Saint-Saëns. Enfin, le Chœur Lyrique Saint-Etienne Loire se couvre également de gloire, aussi poignant de délicatesse dans “Hymne de joie, hymne de délivrance” qu’héroïque dans “Israël, romps ta chaîne !”.

 

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CRITIQUE, opéra. SAINT-ETIENNE, Grand-Théâtre Massenet, le 11 mai 2025. SAINT-SAËNS : Samson et Dalila. F. Laconi, M. Gautrot, P-N. Martin… Immo Karaman / Guillaume Tourniaire. Crédit photographique © Cyrille Cauvet

 

 

CRITIQUE, opéra. STRASBOURG, Opéra national du Rhin, le 11 mai 2025. LEHAR : Giuditta. M. Louledjian, T. Bettinger, S, Ratia… Pierre-André Weitz / Thomas Rösner

Directeur général de l’Opéra national du Rhin depuis 2020, Alain Perroux créé une nouvelle fois l’événement en montant Giuditta (1934), une rareté jamais présentée en Alsace : l’ultime ouvrage lyrique de Franz Lehar émerveille par son inspiration crépusculaire, d’un raffinement orchestral proche de son ami et rival Puccini, sans parler de l’inventivité mélodique toujours aussi étourdissante. La production joyeusement loufoque imaginée par Pierre-André Weitz n’atteint pas au même génie, loin s’en faut, mais préserve l’essentiel par ses qualités scénographiques.

 

Tout dernier maître de l’opérette viennoise, Franz Lehar (1870-1948) a fait sa célébrité des rythmes de valse revisités à l’envie, avec une imagination jamais prise en défaut. Trop souvent réduite en France à son chef d’oeuvre La Veuve joyeuse (1905) – voir notamment à Marseille en 2023 -, la musique de Léhar a su progressivement évoluer vers davantage de profondeur, osant en fin de carrière des livrets à l’issue malheureuse, comme c’est le cas pour Giuditta. Promis à une inédite et prestigieuse création par l’Opéra de Vienne, cet ouvrage figure parmi les plus ambitieux de son auteur, ce qui explique pourquoi Lehar a travaillé son orchestration dans les moindres détails, offrant des harmonies mouvantes et chatoyantes, d’une superbe variété. Le livret, malgré ses aspects bavards, inspire le compositeur par l’évocation  d’atmosphères locales au parfum truculent, du sud de l’Europe aux confins de la méditerranée. Il est à noter que la version française, ici présentée, modifie le nom des personnages comme des lieux représentés, qui nous transportent du midi français au Yemen, en passant par le Maroc.

Adapté du film Coeurs Brûlés (1930), avec Marlene Dietrich et Gary Cooper, le livret navigue entre plusieurs contrées comme un roman d’aventures, prétexte à une coloration délicieuse de l’action, admirablement rendue par le chef Thomas Rösner (né en 1973). En maître des transitions, l’Autrichien se joue des ambiances foraines initiales, avant d’embrasser les parfums orientaux d’une sensualité féline, sans parler des dernières scènes de cabaret, tout aussi pittoresques dans leur évocation. Si Lehar garde toujours le cap d’une bonne humeur revigorante, à rebours d’un livret plus mélancolique, il sait toutefois offrir quelques scènes d’une hauteur d’inspiration tendre et désabusée, à l’instar des solos réservés à Octavio.

La mise en scène de Pierre-André Weitz, plus connu comme scénographe habituel d’Olivier Py, déçoit par sa conception trop tournée vers l’évocation visuelle, des cartes postales exotiques aux ambiances festives, à l’énergie roborative. Le recours omniprésent à la farce, surtout pour les seconds rôles, tourne en rond à force d’outrance et d’exagération, sans parvenir à faire rire. La direction d’acteur ne trouve jamais le ton juste entre caricature et cabotinage, à l’image de la tonitruante comédienne Sissi Duparc, faisant passer au second plan les interrogations liées aux amours contrariés de Giuditta et Octavio. On pense ainsi au retournement soudain de Giuditta à la fin du troisième tableau, lorsque l’héroïne se met à danser après avoir été délaissée par son promis dans le désert : aucune amertume ou ambivalence ne vient nuancer l’acceptation de l’échec de sa relation trop fusionnelle, ni souligner l’avènement de sa nouvelle carapace, celle d’une femme désormais fière de sa liberté chèrement acquise.  

Peu aidée par cette mise en scène qui laisse les chanteurs à eux-mêmes dans des situations redondantes, Melody Louledjian (Giuditta) peine à rendre crédible l’évolution de son personnage, de la beauté initialement prisonnière de son mari vieillissant à l’égérie de cabaret, désormais forte de sa célébrité. Vocalement, sa présence manque de charisme pour faire oublier un médium insuffisamment audible. Fort heureusement, la chanteuse française d’origine arménienne assure l’essentiel par ses phrasés à la ligne toujours bien dosée. On préfère toutefois le chant incarné de Thomas Bettinger (Octavio), qui perd en substance dans les hauteurs de l’aigu, mais parvient à toucher au cœur par sa sincérité dans les passages doux-amers. Habituellement plus à l’aise, Sahy Ratia (Séraphin) ne parvient pas à s’imposer dans un rôle en grande partie comique, qui demande un débit à la diction millimétrée. Sa voix trop blanche et son manque de graves sont particulièrement préjudiciables dans ses duos avec la lumineuse Sandrine Buendia (Anita), aux phrasés mordants et bien projetés. L’expérience de la soprano française acquise dans le domaine de l’opérette avec les Frivolités parisiennes (notamment dans Normandie de Misraki en 2019) est un atout indéniable et immédiatement audible. Tous les seconds rôles se montrent à la hauteur, même si la tendance au surjeu, évoquée plus haut, reste palpable, y compris pour des interprètes aussi rompus au genre que l’excellent Rodolphe Briand. Avec l’orchestre, l’autre grand motif de satisfaction vient du Chœur de l’Opéra national du Rhin, toujours aussi parfait de précision et d’engagement.

 

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CRITIQUE, opéra. STRASBOURG, Opéra national du Rhin, le 11 mai 2025. LEHAR : Giuditta. Melody Louledjian (Giuditta), Thomas Bettinger (Octavio), Sandrine Buendia (Anita), Nicolas Rivenq (Manuel, Sir Barrymore, son Altesse), Sahy Ratia ( Séraphin), Christophe Gay (Marcelin, l’Attaché, Ibrahim, un chanteur de rue), Jacques Verzier (Jean Cévenol), Rodolphe Briand (L’Hôtelier, le Maître d’hôtel), Sissi Duparc (Lollita, le Chasseur de l’Alcazar), Pierre Lebon (Le Garçon de restaurant, un chanteur de rue, un sous-officier, un pêcheur). Chœur de l’Opéra national du Rhin, Hendrik Haas (chef de Chœur), Orchestre national de Mulhouse, Thomas Rösner (direction musicale) / Pierre-André Weitz (mise en scène). A l’affiche de l’Opéra national du Rhin à Strasbourg jusqu’au 20 mai, puis à Mulhouse les 1er et 3 juin 2025. Crédit photo © Klara Beck

 

 

VIDEO : Présentation de l’ouvage par Alain Perroux

 

GRAND THÉÂTRE DU LUXEMBOURG, ven 16, sam 17, dim 18 mai 2025. NEW BEGINNING. James Bulley (musique) / David SHEARING (Variable Matter)

Spectacle musical engagé, New Beginning immerge le public dans un voyage envoûtant à travers le temps et la nature, grâce aux nouvelles technologies. Conçu par l’artiste britannique David Shearing [du collectif Variable Matter], New Beginning plonge dans les profondeurs d’une forêt magique où se déploient à la fois le passé et l’avenir possible de notre planète ; …

 

 

 

… où l’interconnexion entre l’humanité et la nature se fait urgence. Pièce pluridisciplinaire qui bouscule les paradigmes théâtraux conventionnels, le spectacle mêle des projections vidéo multidimensionnelle spectaculaires à une partition musicale dramatique signée JAMES BULLEY, et un récit poétique… New Beginning est un voyage sensoriel et émouvant de lumière et de son, un drame manifeste qui alerte et appelle à un sursaut ; où des jeunes du Luxembourg, participant à la production, sont les nouveaux guide du public. Leur engagement souhaite susciter une prise de conscience…

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GRAND THÉÂTRE DE LUXEMBOURG
Grand Théâtre · Studio
3 représentations
ven 16 mai 2025, 20h [anglais]
sam 17 main 2025, 15h [anglais], 20h [français]
dim 18 mai 2025, 17h [français]
RÉSERVEZ vos places directement sur le site du Grand Théâtre de Luxembourg :
https://theatres.lu/fr/newbeginning
langue
16 mai 2025  (20h) & 17.05 (15h) : en anglais · 17.05 (20h) & 18.05 (17h) : en français
Durée : 1h (pas d’entracte)
Photo : © Zbigniew Kotkiewicz

 

ENGLISH
New Beginning offers a one-of-a-kind experience, a mesmerising journey through time and nature, using cutting-edge technologies. With multidimensional video projections by Labmeta, a dramatic sound score, and lyrical prose recorded by Michelle Newell, this immersive theatre production draws us into the depths of a magical forest where both the past and the possible future of our planet unfolds. As the hidden wonders of our natural environment and the impending dangers it faces materialise, we are invited to reflect on the intricate interconnection between humanity and nature. Helmed by award-winning UK artist David Shearing of the Variable Matter collective, this collaborative endeavour challenges conventional theatrical paradigms, exploring the nexus of artistry and stagecraft. Composer James Bulley’s evocative musical composition and Zakiya McKenzie’s poetic narrative add depth to the immersive experience, while Joshua Gadsby’s luminous tapestry guides audiences through an emotive voyage of light and sound. Embracing a departure from traditional theatre, New Beginning is a moving, sensory encounter re-created with students from Luxembourg, making it highly sustainable as only the director will travel.

OPERA DE SAINT-ÉTIENNE. MOZART : L’enlèvement au Sérail, les 13, 15 et 17 juin 2025. Ruth Iniesta, Benoît-Joseph Meier, Kaëlig Boché… Jean-Christophe Mast / Giuseppe Grazioli

Après avoir incarné à Saint-Étienne La Traviata en italien et Thaïs en français, la soprano espagnole Ruth Iniesta donne à nouveau la mesure de son talent en chantant en allemand le rôle de Konstanze dans L’Enlèvement au sérail. L’ouvrage est une commande de l’Empereur d’Autriche Joseph II, et fut créée le 16 juillet 1782 au Burgtheater de Vienne. « Trop beau pour nos oreilles, et trop de notes, mon cher Mozart » : c’est par ces mots que l’Empereur d’Autriche accueillit l’oeuvre.

 

L’action raconte le stratagème du nouvel arrivant Belmonte pour libérer sa fiancée Konstanze et ses deux serviteurs du sérail (Blondine et l’astucieux Pedrillo), prisonniers du Pacha Selim (rôle parlé). Dans une Vienne encore menacée par les Ottomans, Mozart imagine sa « turquerie » comme un délicieuse comédie amoureuse qui permet d’opposer deux cultures : l’Occident des Lumières et l’Orient barbare (incarnée surtout par le personnage d’Osmin), cependant relativisé grâce à l’intelligence et la philosophie du Pacha.

En réalité l’oeuvre dépasse la farce, et parle d’amour, de tolérance et de clémence… ainsi le pacha pardonne aux protagonistes, tous d’une nationalité européenne différente ; comme un appel à la fraternité entre les peuples. Cette création de l’Opéra de Saint-Étienne est mise en scène par Jean-Christophe Mast, qui avait déjà oeuvré pour Nabucco et effectué la réalisation de La Veuve joyeuse donnée sur notre scène en décembre 2022. Gounod, Saint-Saëns, Bizet… : Jean-Christophe Mast est un habitué des monuments de l’art lyrique. L’orchestre sera dirigé par le chef principal de l’Opéra de Saint-Étienne, Giuseppe Grazioli.

 

 

 

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GRAND THÉÂTRE MASSENET
OPÉRA DE SAINT-ÉTIENNE
MOZART : L’Enlèvement au Sérail
3 représentations
Vendredi 13 juin 2025 : 20h
Dimanche 15 juin 2025 : 15h
Mardi 17 juin 2025 : 20h
RÉSERVEZ vos places directement sur le site de l’Opéra de Saint-Étienne :
https://opera.saint-etienne.fr/otse/saison-24-25-1/spectacles//type-lyrique/l-enlevement-au-serail/s-801/
Livret de Johann Gottlieb Stephanie
Création le 16 juillet 1782 au Burgtheater de Vienne
Durée 2h50 environ, entracte compris
langue Chanté en allemand, surtitré en français, dialogues en français

 

 

 

 

distribution

Direction musicale : Giuseppe Grazioli
Mise en scène : Jean-Christophe Mast
Décors, costumes : Jérôme Bourdin
Lumières : Michel Theuil

Konstanze : Ruth Iniesta
Blondchen : Marie-Eve Munger
Belmonte : Benoît-Joseph Meier
Pedrillo : Kaëlig Boché
Osmin : Sulkhan Jaiani
Selim Bassa, le Pacha (rôle parlé) : Mostéfa Djadjam

Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire
Choeur Lyrique Saint-Étienne Loire
(direction : Laurent Touche)

Décors et costumes réalisés par
les ateliers de l’Opéra de Saint-Étienne

tarif A • De 10 € à 63 €

 

 

 

Propos d’avant-spectacle
Par Fabien Houlès, professeur agrégé de musique, une heure avant chaque représentation.
Gratuit sur présentation du billet du jour.
Pensez-y
Représentation en audiodescription
Dim. 15/06/25 • 15h.
Tarif spécifique. Voir page 80 de la brochure
Pensez-y
Découvrez cette oeuvre à travers la pratique,
en présence du metteur en scène,
d’une chanteuse et d’un pianiste.
Sam 08/02/25 • de 10h à 16h
Renseignements et réservation : 04 77 47 83 34 / [email protected]
L’Opéra en famille
Contactez les relations avec les publics afin d’être accompagné dans le choix de votre sortie lyrique avec vos enfants !
04 77 47 83 31 – [email protected]

 

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CRITIQUE, concert. LYON, Auditorium Maurice Ravel, le 10 mai 2025. FAURE / PEPIN / TCHAÏKOVSKY. Orchestre national de Lyon, Renaud Capuçon (violon), Simone Young (direction)

Les 9 et 10 mai, l’Auditorium de Lyon a vibré au rythme d’une programmation audacieuse et envoûtante, portée par l’excellence de l’Orchestre national de Lyon sous la direction inspirée de la cheffe australienne Simone Young (déjà applaudie in loco l’an passé dans la 8ème Symphonie de Bruckner). Aux côtés du violoniste star Renaud Capuçon, le public lyonnais a été transporté dans un voyage musical allant de la délicatesse française de Gabriel Fauré à la fougue romantique de Piotr Illitch Tchaïkovski, en passant par les paysages oniriques de la jeune compositrice française Camille Pépin.

Le concert s’est ouvert avec Masques et Bergamasques, op. 112 de Gabriel Fauré, une suite d’orchestre tirée de la musique de scène composée en 1919. D’emblée, l’orchestre a captivé par sa transparence et son équilibre, restituant avec élégance l’esprit néo-classique et pastoral de l’œuvre. Sous la baguette précise et sensible de Simone Young, les nuances des cordes, les traits légers des bois et les interventions discrètes des cors ont dessiné un tableau raffiné. L’Ouverture énergique mais sans lourdeur, le Menuet gracieux et la tendre Pastorale ont souligné la cohésion des musiciens, tandis que la Gavotte finale a apporté une touche de vivacité joyeuse. Un choix idéal pour entrer en matière, rappelant le génie de Fauré dans l’art de la miniature orchestrale.

Place ensuite à la modernité avec « Le sommeil a pris ton empreinte », concerto pour violon de Camille Pépin, commande conjointe de Radio France, de l’Auditorium-Orchestre national de Lyon et du Sydney Symphony Orchestra. La compositrice, présente dans la salle, a été longuement applaudie pour cette œuvre d’une poésie rare, inspirée par un poème de Paul Éluard. Dès les premières mesures, l’univers de Pépin s’est imposé : des harmonies irisées, des envolées étincelantes pour les cordes et une écriture virtuose pour le violon solo, magnifiée par Renaud Capuçon. Ce dernier a livré une interprétation magistrale, alliant pureté du timbre et engagement émotionnel. Les dialogues entre le soliste et l’orchestre, tantôt tourmentés, tantôt apaisés, ont évoqué les métamorphoses du sommeil et du rêve. Les percussions délicates (vibraphone, cloches) et les effets de souffle dans les vents ont ajouté une dimension presque cinématographique à l’ensemble. L’œuvre, exigeante mais accessible, a été chaleureusement saluée par un public conquis, scellant sans doute son succès futur dans le répertoire contemporain.

En seconde partie, la Symphonie n°4 en fa mineur de Tchaïkovski a embrasé la salle. Dès les cuivres annonciateurs du thème du Destin, l’orchestre a déployé une puissance dramatique et une cohésion remarquable. Simone Young, en grande tragédienne, a conduit l’œuvre avec une maîtrise implacable des dynamiques et des respirations. Le premier mouvement, tour à tour angoissé et lyrique, a mis en valeur la richesse des cordes (notamment les altos dans le thème mélancolique) et la vigueur des cuivres. Le Scherzo (et ses pizzicati obsédants des cordes) a été joué avec une précision mécanique et un humour discret, tandis que le troisième mouvement (trio des vents) a apporté une touche de grâce nostalgique. Mais c’est dans le finale endiablé que l’orchestre a véritablement explosé, emportant l’adhésion totale du public. Les timbales impétueuses, les cymbales éclatantes et les cordes virtuoses ont restitué toute la folie dansante de cette « fête populaire » chère à Tchaïkovski.

La longue ovation qui a suivi était amplement méritée !

 

 

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CRITIQUE, concert. LYON, Auditorium Maurice Ravel, le 10 mai 2025. FAURE / PEPIN / TCHAÏKOVSKY. Orchestre national de Lyon, Renaud Capuçon (violon), Simone Young (direction). Crédit photo (c) Emmanuel Andrieu

 

 

PARIS, SAINTE-CHAPELLE. 6ème Festival « RÉSONANCES », du 1er au 30 juin 2025. De Bach à Ellington : Emmanuel Smith, Max Zita, Julien Beautemps, Hyuk Lee, Kim Saehyun, Vanessa Wagner…

Chaque année, au cœur du Paris historique, sur l’île de la Cité, le Festival Résonances met les claviers à l’honneur. Il faut bien l’écrin de la Sainte-Chapelle, joyau architectural du XIVè siècle pour accueillir les nombreux artistes invités, tous prodiges et poètes des touches blanches et noires… La programmation met en lumière l’évolution des instruments à clavier à travers les époques, en proposant un cycle désormais attendu de concerts de clavecin, de pianoforte, de piano moderne, d’accordéon, d’orgue… En mettant le clavier souverain en résonance, le Festival imaginé et conçu par Yann Harleaux, dessinent entre musique et architecture des lignes de fuite inspirantes qui renouvellent aussi l’expérience du concert. Musique française (Satie, Ravel, Debussy…), spirituals, jazz, compositions contemporaines, transcriptions, concertos romantiques, joyaux baroques (de Buxtehude et JS Bach)…, les champs musicaux du 6ème festival CLAVIERS / RÉSONANCES affichent une inventivité artistique éclatante qui entre en vibration avec l’écrin architectural qui l’accueille : la Sainte-Chapelle… aux proportions musicales.

 

 

Pour Yann Harleaux, il s’agit bien, toujours de faire dialoguer l’immatérialité sonore de la musique et l’élégance de l’architecture, en une équation singulière entre deux magies : «  Chaque interprète, chaque programme devient une manière d’habiter le silence et la pierre, de faire résonner les voûtes comme autant de mémoires vivantes. À la Sainte-Chapelle, à l’ombre des vitraux et des siècles, le piano s’élève, se déploie, murmure et clame. Il dialogue avec les fantômes, avec les espaces, avec nos propres battements. Un festival de résonances, de contrastes, et de présences. Un festival où le piano devient architecture ».

 

 

PLUS D’INFOS sur le site d’EUROMUSIC : https://www.euromusicproductions.fr/
VOIR l’agenda des concerts et la présentaton de chaque programme à l’affiche :
https://www.euromusicproductions.fr/agendadesconcerts
https://www.euromusicproductions.fr/resonances

 

 

12 événements musicaux incontournables dans l’écrin spectaculaire de la Sainte-Chapelle à Paris, joyau de la l’île de la Cité, au cœur de l’ancien palais des Rois de France… La diversité s’annonce ainsi prometteuse dès les deux premiers concerts du dim 1er juin, 20h (« American Songbook, Spirituals & Jazz » – au programme, Standard jazz signés Parker, Ellington, Gillespie, Jones & célèbres Gospels… avec Emmanuel Smith, Max Zita & Lakeïa Smith) ; et du lun 2 juin 2025, 20h (Créoles, pop & jazz : Ray Charles, Gerschwin, Luan Pommier, G Gaynor par Luan Pommier, piano).
Puis ne manquez pas ven 6 juin, le Quatuor avec piano n°1 de Fauré (et la Suite Bergamasque de Debussy par les Solistes Français et Varduhi Yeritsyan) ; sam 7 juin, programme spécial autour du Centenaire Satie : Gymnopédies, Gnossiennes /
Ravel : Valses nobles & sentimentales, Jeux d’eau / Poulenc : hommage à Edith Piaf par Aya Okuyama, piano Steinway).

Sam 14 juin : programme «  LISZT : Funérailles » (Liszt. : Funérailles, Deux légendes , Sonates par Simon-Pierre Pollin, piano).
Dim 15 juin : récital Chopin (Études et Concerto par Les Solistes Français et Hyuk Lee); suivi lundi 16 juin, des Impromptus de Schubert (couplés avec Mendelsshon : Variations Sérieuses op.54 par Jacqueline Bourgès-Maunoury, piano). Dim 22 juin : récital de Vanessa Wagner (Mozart / Beethoven/ Grieg) ; … sans omettre, le récital de l’accordéoniste virtuose, lui-même compositeur, Julien Beautemps (29 juin) ; ni l’apothéose qui est le concert de clôture où performera le lauréat du dernier Concours Long-Thibaut (2025), le très passionnant Kim Saehyun… (30 juin).

 

 

Réservations :

-Directement sur le lieu du concert : 45 minutes avant le début du concert.

-A la sainte chapelle : tous les jours de concerts, à partir de 14h.

-Sainte-Chapelle – Paris, 10 Bd du Palais, 75001 Paris, France

 

Festival RÉSONANCES / CLAVIERS
6ème édition : 1er-30 juin 2025

12 concerts événements
à la Sainte-Chapelle, Paris

 

 

RETOUR AUX ORIGINES
Dimanche 1er Juin, 20h
American Songbook, Spirituals & Jazz
Emmanuel Smith, piano
Max Zita & Lakeïa Smith, chant

Emmanuel Smith réunit deux voix d’exception : Max Zita, figure emblématique du gospel en France, et Lakeïa Smith, chanteuse à la tessiture profonde et à la présence lumineuse. Ensemble, ils font revivre les grandes pages de l’American Songbook, des standards inoubliables de Parker, Ellington, Gillespie ou Quincy Jones, jusqu’aux chants traditionnels afro-américains qui portent les mémoires et les luttes.
À travers ce programme, retentit l’histoire d’un peuple, de ses douleurs et de ses espoirs, portée par l’expressivité intense du jazz et l’intensité des spirituals. Le piano devient la pulsation intime d’un souffle collectif, tandis que les voix, tour à tour suaves, rageuses ou bouleversantes, s’élèvent comme un chant de liberté.
Entre héritage et modernité, le programme célèbre la richesse d’une culture qui a transformé la musique du XXe siècle. Improvisation, groove, émotion brute : chaque morceau résonne comme un appel à la vie, un acte de mémoire, de résistance, d’espérance. Max Zita, avec son timbre généreux et son ancrage profond dans le gospel, et Lakeïa Smith, dont la sensibilité irradie chaque phrase, incarnent la grâce et la force de cette tradition vivante. Une célébration de l’âme noire américaine et de la liberté qu’elle chante, inlassablement.

 

 

 

Lundi 2 Juin, 20h
Créoles, Pop & Jazz
Luan Pommier

Le récital se fait mémoire vive de la pop, du jazz et de la soul. Luan Pommier engage sa virtuosité plurielle : le clavier s’embrase, virevolte, s’émeut et s’amuse, traversant les styles et les époques avec une liberté jubilatoire. De Ray Charles à Gershwin, de Gloria Gaynor aux grands thèmes de la musique américaine du XXe siècle, le concert trace une ligne sensible entre émotion populaire et exigence musicale. Il célèbre les métissages et les grands élans de la scène américaine : les syncopes jazzy de Gershwin, les grooves inimitables de Ray Charles, les hymnes disco de Gloria Gaynor, réinventés au piano solo, dans une interprétation où la virtuosité n’efface jamais l’âme.

 

 

XXe, LE PRODIGE
Vendredi 6 Juin, 20h
Varduhi Yeritsian, piano
Quintette des Solistes français,
Paul Rouger, violon

Voyage au cœur de l’élégance française, entre raffinement romantique et poésie impressionniste. Tout en nuances, la musique de chambre française rayonne de subtilité et d’émotion. Oeuvre de maturité, le Quatuor avec piano n°1 de Gabriel Fauré, chef-d’œuvre d’équilibre et de lyrisme, déploie sa richesse expressive : élans passionnés, tendresse rêveuse, virtuosité mesurée. L’œuvre raffinée et profonde parle à l’âme, dans une langue délicate où chaque voix trouve sa respiration.  En miroir, la Suite bergamasque de Claude Debussy berce et enivre comme une rêverie en clair-obscur, empreinte de grâce et de mystère. Du célèbre Clair de lune à la légèreté dansante du Passepied, chaque pièce évoque un monde suspendu, où la musique devient couleur, lumière, parfum. Deux compositeurs, deux esthétiques, mais une même quête de beauté et d’émotion, où les sons effleurent l’indicible.

 

Samedi 7 Juin, 20h
Hommage à Satie
Aya Okuyama, piano

La pianiste Aya Okuyama réalise un hommage en clair-obscur à Erik Satie, 100 ans après sa disparition. À l’occasion du centenaire de la mort d’Erik Satie, ce concert souligne l’un des esprits les plus singuliers de la musique française, figure insaisissable et précurseur de toutes les modernités. Autour de ses célèbres Gymnopédies et Gnossiennes, œuvres hypnotiques où le silence pèse autant que la note, se dessine un paysage sonore onirique, fait de simplicité radicale, d’humour discret et de mélancolie suspendue. Également à l’honneur en 2025, Maurice Ravel charme tout autant : la Valse noble et sentimentale et les Jeux d’eau célèbrent le raffinement extrême de la forme et l’invention harmonique. Les miroitements de l’eau, la danse stylisée, l’élan poétique : tout y répond, en écho ou en contraste, à l’austère fantaisie de Satie. Pour clore Édith Piaf de Francis Poulenc est un clin d’œil tendre et nostalgique à une autre icône française. Entre musique populaire et musique savante, c’est toute une époque qui revit, habitée par les mêmes contradictions, les mêmes élans du cœur.

 

XIXe, LE ROMANTISME
Samedi 14 Juin, 20h
Récital Liszt
Simon-Pierre Pollin, piano

Le pianiste Simon-Pierre Pollin propose un récital habité, entre vertige romantique et spiritualité transcendante qui explore les multiples visages du compositeur : poète, prophète, démiurge. D’abord, Franz Liszt, figure flamboyante du piano romantique, est au cœur du programme intense, où la virtuosité devient langage de l’âme. Funérailles, vaste fresque dramatique aux accents héroïques, ouvre le concert comme un cri funèbre, entre douleur intime et grandeur tragique. Œuvre de deuil et de révolte, elle exprime et partage la profondeur d’un compositeur visionnaire, toujours en quête d’absolu. À ses côtés, les Deux Légendes plongent dans une dimension mystique : Saint François d’Assise prêchant aux oiseaux et Saint François de Paule marchant sur les flots traduisent au piano, avec une puissance évocatrice saisissante, le miracle et la foi. Liszt le croyant sincère y témoigne de sa ferveur sincère. Et le clavier devient alors lieu de transfiguration, temple sonore où s’élève une parole sans mots. Enfin, l’une des grandes Sonates de Liszt (au choix selon le programme) couronne ce parcours d’ombre et de lumière. Architecture monumentale, richesse thématique, souffle épique : cette œuvre-somme, cette partition cathédrale, si bien adaptée à l’écrin patrimoniale de la Sainte-Chapelle incarne le génie de Liszt, entre audace harmonique et exigence formelle.

 

 

Dimanche 15 Juin, 20h
Chopin
Hyuk Lee – Lauréat du concours Long-Thibaud 2022
Les solistes français,
Paul Rouger, violon

Hyuk Lee, lauréat du concours Long-Thibaud 2022, et Les solistes français (Paul Roger, violon) dévoilent comment la grâce pianistique rencontre l’âme de Chopin.
Doté d’un toucher d’une rare poésie et d’une maturité musicale saisissante, le jeune pianiste Hyuk Lee fait rayonner l’univers de Frédéric Chopin avec une intensité toute intérieure, à la fois sensible et incandescente.
Le récital explore les sommets du répertoire chopinien : les Études, véritables joyaux techniques et expressifs, où chaque difficulté devient prétexte à la beauté ; les Ballades, récits puissants et lyriques, qui mêlent souffle narratif et dramatisme romantique ; et enfin le Concerto n°2, œuvre de jeunesse aux accents nostalgiques, traversée par une virtuosité lumineuse et un chant d’une tendresse infinie.  Sous les doigts de Hyuk Lee, le piano devient une voix, une respiration, un souffle de liberté. Sa lecture personnelle de Chopin, entre rigueur et abandon, affirme son tempérament singulier, à la fois élégant et profond. Un moment rare, suspendu qui est célébration de Chopin, grâce au talent éclatant d’un jeune pianiste capable du meilleur…

 

 

LA CLASSIQUE SAVANTE
Lundi 16 Juin, 20h
Schubert…
Jacqueline Bourgès-Maunoury, piano
Placé sous le signe de la profondeur et de l’élégance, entre héritage baroque et romantisme intime, le récital de la pianiste Jacqueline Bourges-Maunoury explore les différentes facettes de l’âme musicale, du recueillement à l’élan dramatique, du contrepoint rigoureux à l’expression la plus libre. Chaconne de Bach (architecture monumentale, intensité spirituelle, puissance tragique) fait écho à l’Adagio de Marcello, revisité par Bach, d’une pureté mélodique saisissante, véritable méditation sonore. Les Variations sérieuses de Mendelssohn fusionnent héritage de Bach et souffle romantique : dense, d’une grande exigence formelle, l’œuvre alterne gravité et virtuosité dans un enchaînement dramatique d’une rare cohérence. Enfin, les Impromptus op. 90 de Schubert déploient un monde intérieur à la fois fragile et lumineux. Chaque pièce y est un instant suspendu, une confidence musicale, où le piano devient voix humaine. Jacqueline Bourges-Maunoury y révèle toute la subtilité du toucher et la richesse des nuances propres à Schubert.

 

Dimanche 22 Juin, 20h
Mozart…
Vanessa Wagner, piano
Vanessa Wagner propose ici un programme à la croisée des époques et des sensibilités. De Mozart à Grieg, en passant par Beethoven, la pianiste française trace un fil subtil entre l’élégance formelle, la tension dramatique et la poésie des paysages intérieurs. Avec Mozart, c’est la grâce d’une écriture limpide qui s’exprime, où chaque note semble jaillir avec évidence, sans jamais trahir la profondeur cachée derrière la légèreté apparente. Beethoven impose sa force expressive, son goût du contraste et de l’inattendu : il bouscule, interroge, et fait du piano une force de caractère. Enfin, les œuvres d’Edvard Grieg apportent une touche singulière : empreintes de folklore et de nature nordique, elles s’inscrivent dans l’intime, le nostalgique, le contemplatif. Un programme d’équilibre et de contraste, porté par une interprète au jeu sensible et réfléchi.

 

 

BAROQUE & CO PLACE DES JEUNES
Vendredi 27 Juin, 20h
Couperin/Bach
Thibault Fajoles (orgue)
jeune titulaire des orgues de Notre Dame de Paris
avec Anne-Laure Hulin, soprano
Thibault Fajoles, jeune titulaire des orgues de Notre Dame de Paris avec Anne-Laure Hulin, soprano offrent un dialogue inspiré entre voix et orgue, au cœur du Grand Siècle et du Baroque allemand.
Entre la France de Louis XIV et l’Allemagne luthérienne, le programme éclaire deux génies du baroque : François Couperin et Johann Sebastian Bach. L’orgue y déploie toutes ses couleurs, de l’austérité majestueuse au raffinement ornemental, tandis que la voix trace des lignes pures, tour à tour méditatives, ferventes, jubilatoires. Le souffle de la spiritualité se mêle à la richesse expressive d’un répertoire où la forme rejoint l’émotion. Un concert comme une élévation, où les pierres résonnent des échos d’un temps suspendu, entre ciel et terre.

 

 

Samedi 28 Juin, 20h
Toccatas
Sébastien Grimaud (clavecin)
Le claveciniste Sébastien Grimaud propose un voyage flamboyant au cœur du clavier baroque, entre science du contrepoint et liberté de l’improvisation. Jeu incisif et inspiré, le claveciniste nous entraîne dans un programme d’une richesse vertigineuse, consacré à deux piliers du répertoire pour clavier : Johann Sebastian Bach et Dietrich Buxtehude.
Toccatas, préludes et fugues, fantaisies et sonates s’y succèdent comme autant de formes libres ou savamment architecturées, où l’instrument devient terrain d’exploration spirituelle, laboratoire d’une invention sans entraves. Chez Buxtehude, maître du stylus phantasticus, les contrastes éclatent, les rythmes s’accélèrent, les harmonies s’aventurent : le clavecin devient théâtre. Chez Bach, l’écriture se fait plus rigoureuse, plus profonde, mais tout aussi vibrante d’élan et de mystère. D’une génération à l’autre (car Bach était admirateur de Buxtehude), Sébastien Grimaud met en lumière la filiation, mais aussi les singularités de chaque compositeur. Virtuosité discrète, phrasé souple, richesse des couleurs : son interprétation restitue toute la vie intérieure de ces œuvres, entre rigueur formelle et expressivité fulgurante.

 

 

REMONTÉE DU TEMPS
Dimanche 29 Juin, 20h
Bach, Mozart…
Julien Beautemps (accordéon)

L’accordéoniste Julien Beautemps présente un souffle sacré venu d’ailleurs : l’accordéon au cœur du répertoire pour clavier. L’accordéoniste bouscule les frontières de l’instrumentarium dans un récital d’une intensité rare, entièrement dévolu au clavier à bretelles. Lauréat de nombreux concours internationaux, ce musicien audacieux s’empare des grands textes du répertoire sacré pour clavier et les fait résonner dans un souffle nouveau, à la fois fidèle et profondément personnel. La Passacaille et Fugue en do mineur de Bach, chef-d’œuvre de l’architecture contrapuntique, gagne une ampleur inédite, un grain organique, presque vocal. Elle entre en résonance avec les extraits du Requiem de Mozart, transcrits avec un sens aigu du phrasé et de la ligne, révélant la profondeur expressive de l’accordéon comme vecteur d’émotion spirituelle. Puis c’est une Sonate inspirée des œuvres sacrées de Bach, de sa propre composition : hommage contemporain à la tradition, elle explore les échos du passé dans une écriture sensible, où se mêlent ferveur, silence, densité harmonique. Ainsi l’accordéon se fait orgue, voix, respiration. Un moment suspendu, hors des cadres, où le souffle de l’instrument transcende les attentes et rappelle que l’essentiel de la musique ne tient pas à la forme, mais à l’intensité du geste.

 

 

CLÔTURE – RETOUR VERS LE FUTUR
Lundi 30 Juin, 20h
Kim Saehyun, piano
1er Grand prix du concours Long-Thibaud 2025
Prix du Jury (Rotary Club) & Prix de la Presse

En clôture du 6è Festival MIROIRS, carte blanche à Kim Sae-Hyun, 1er Grand prix du concours Long-Thibaud 2025 incarne la promesse éclatante d’un avenir pianistique. À seulement 17 ans, Kim Saehyun vient de remporter le prestigieux Concours Long-Thibaud 2025, séduisant le jury par la maturité de son jeu, la clarté de son interprétation, la profondeur de son expression. Pour cette carte blanche exceptionnelle, il dévoile une facette plus intime de son univers musical. Qu’il choisisse les grands classiques du répertoire ou des œuvres plus rares, chaque pièce devient sous ses doigts un espace de poésie et d’invention. À l’écoute du souffle de la phrase autant que de l’architecture d’ensemble, Kim Saehyun impressionne par la justesse de son regard musical et l’élégance de son toucher. Le récital promet une rencontre avec un jeune artiste déjà habité, capable de faire vibrer les lignes les plus familières avec une fraîcheur nouvelle, et d’imposer sa voix dans un monde pianistique en perpétuel renouvellement.

 

 

Infos pratiques

Tarifs :
20 – 60€
, 30€ abonnement Passion Monuments

Réservations :
Par téléphone : 01 42 77 65 65, puis achat sur place.
Sur place à la Sainte Chapelle tous les jours de concerts : entre 10h00 et 18h00
Dans les magasins : Fnac, Virgin et Galeries Lafayette
 – Par email : [email protected]

ACCÈS :
10 Boulevard du Palais – Paris I
Métro : ligne 4 Station Cité – lignes 1,7,11,14 : Station Châtelet RER B ou C : station Saint Michel
Bus : lignes 21,24,27, 38, 58, 81, 85, 96 et Balabus
La Sainte Chapelle est comprise dans le périmètre du Palais de Justice de Paris. Le Monument est soumis aux règles de sécurité et de sûreté spécifiques de ce lieu et définies pour sa protection – prévoir en conséquence au moins 15 mn pour passer les portiques de sécurité (recommandation de classiquenews)

 

 

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CRITIQUE CD événement. KAIJA SAARIAHO : Adriana Mater : Fleur Barron (Adriana), Axelle Fanyo (Refka), Nicholas Phan (Yonas), Christopher Purves (Tsargo). San Francisco Symphony and Chorus, Esa-Pekka Salonen (direction) – (2 cd Deutsche Grammophon, 2023)

Le 2ème opéra de Kaija Saariaho, créé à l’Opéra de Paris en 2006 : Adriana Mater est l’un des plus fascinants et des plus convaincants de la compositrice finlandaise ; le plus développé (et par son sujet, le plus perturbant) parmi les 6 ouvrages lyriques transmis. L’écriture orchestrale expressive, subtile, raffinée sait exprimer la violence et les enjeux de chaque séquence, fouillant la psyché des 4 protagonistes. Réalisé en juin 2023, l’enregistrement, première mondiale au disque, réalisé en Californie (San Francisco) permet avec le recul, 19 ans après la première parisienne (2006), de mesurer la beauté noire, la justesse déchirante de cet opéra des ténèbres, où perce enfin, l’éclair salvateur de la fin. Esa-Pekak Salonen livrait le plus bel hommage à sa consoeur, décédée quelques jours avant les premières sessions d’enregistrement.

 

 

 

SOMPTUEUSE PARURE ORCHESTRALE… Certes le livret d’Amin Maalouf, chaotique, décousu, alambiqué autant qu’est sauvage et brut son sujet, pose problème ; en cela la précédente collaboration de l’écrivain et de la compositrice (L’Amour de loin, Salzbourg, 2000) était plus réussie; mieux cohérente ; dans Adriana mater, la musique se montre à la hauteur et rétablit ce flux naturel âpre et tragique, suivant avec habileté et même efficacité les méandres philosophiques d’un texte littéraire qui à l’origine ne devait pas être livret d’opéra. Ainsi l’opéra transcende les faiblesses de départ (et l’adaptation que Maalouf a pourtant fait de son propre texte pour en déduire un livret).
L’intérêt d’Adriana mater demeure l’écriture musicale et la construction compositionnelle et dramatique conçue par Kaija Saariaho : la texture harmonique plutôt riche et dense de la partition ; la caractérisation surtout dramatique des situations (prélude instrumental onirique et sombre du 3è tableau de l’acte II, préludant à la confrontation de Yonas avec son père…) ; toujours très intérieure et introspective, la musique de la Finlandaise s’inscrit dans une esthétique psychologique et profonde, tout en veillant à insuffler à l’action et la passion des protagonistes, une épaisseur universelle voire archétypale (à travers leur propre trajectoire).

 

Adriana mater,
un opéra des ténèbres

Dans le corps et l’âme violés d’Adriana, hurle une question vertigineuse. Quelle réponse à la fatalité criminelle, au viol et au meurtre psychique ? A travers le chant du fils Yonas, né du viol de sa mère par l’infect Tsargo (sombre et hiératique Christopher Purves), la question de la vengeance ou du pardon se pose dans un trouble qui est lié à l’indétermination d’une réponse correcte : la victime, mère malgré elle (Adriana) peut-elle guérir de l’acte odieux dont elle porte la souillure ? Son enfant doit-il être le bras de la punition ? Le fils doit-il lui aussi payer sa part dans cet enfermement tragique ?
A l’inverse, le pardon et « l’oubli » peuvent-ils s’inscrire comme une alternative salutaire ? D’autant que le violeur dans le déroulement d’Adriana mater, est devenu un être aveugle et détruit ; une épave que le destin a bien abîmé voire puni à sa façon.

Même si elle avoue avoir pensé pendant la genèse de l’opéra, à ses sensations de mère, Kaija Saariaho impressionne par une écriture percutante aux scintillements hallucinés. Mystérieuse parfois parfaitement étrange, l’écriture musicale traverse des paysages orchestraux d’une beauté souvent extatique. Malgré la barbarie du sujet, qui dévoile l’horreur humaine, la compositrice ne semble jamais perdre son espérance dans l’humanité.
Tout autant Saariaho échafaude une machine cynique et infernale qui cède peu de place au lyrisme, bien que l’on comprend que c’est l’acte et la pensée du fils Yonas qui en épargnant finalement le père violeur, délivre cette famille, du cycle cauchemardesque. Toute la scène finale (ambitieuse et captivante de plus de 30 mn) exprime le regret de chacun, les relents d’une amertume enfouie, permamente, jamais acceptée ; elle prolonge et résoud d’une certaine manière, la charge émotionnelle qui s’est accumulée depuis son début.

La compositrice disparue en juin 2023, nous lègue cet enregistrement, réalisé en… juin 2023 (quelques jours après son décès), à San Francisco piloté par son compatriote, le chef Esa-Pekka Salonen : la direction sait être fine, précise, détaillée et suggestive, produisant cette texture émotionnelle constamment mouvante dans laquelle semblent être ballotées et se perdre les psychés éprouvées : la mère inconsolable et détruite, véritable volcan éruptif vocal (remarquable Fleur Barron dont le français reste d’un bout à l’autre parfaitement intelligible) ; le fils (non moins vif et percutant Nicholas Phan) qui veut savoir qui est son père et ne cesse de questionner sa mère ; en cela le premier tableau de l’acte III (« Aveux »), est le plus abouti : immersion musicale dans un enfer de sentiments, une apocalypse psychique qui fouille les moindres replis des âmes tourmentées… grâce à une orchestration particulièrement active et scintillante. Les instrumentistes du San Francisco Symphony (associé au coeur) réalisent comme une nuée murmurée, hyperactive qui ne cesse de faire jaillir les pensées les plus ténues comme les plus hallucinées. Ce point trouve son acmé dans la tableau final, qui isolant chacun des 4 protagonistes, est conçu comme un oratorio psychologique (« j’aurai dû »)… En cela le dernier lamento d’Adriana qui conclut la partition est bouleversant : son chant accordé à l’orchestre retrouve la pleine conscience d’une humanité préservée, qui répare.

L’orchestre produit un océan tourmenté qui emporte chaque héros, en exprime les sentiments ultimes, ainsi la violence dans la confrontation entre Yonas et sa tante, la sœur d’Adriana, Refka, complice déterminée, qui donc a caché l’identité et ce qu’a fait le père de son neveu (2è tableau de l’acte II : « Rages ») : le soprano éperdu, puissant, finement timbré de la soprano Axelle Fanyo fait mouche dans un rôle taillé pour son tempérament très dramatique.

On ne sort pas indemne de l’écoute de cet opéra intense à la riche résolution cathartique, dont la parure orchestrale est d’une indiscutable force émotionnelle : sa portée onirique et salvatrice au cœur d’un cauchemar le plus noir. Ici, la mère détruite reconnaît être sauvée par son fils qui n’est en rien le meurtrier qui fut son père ; et le cercle de la fatalité est définitivement rompu. Deutsche Grammophon est bien inspiré d’avoir gravé une partition magnifiquement servie, vocalement et orchestralement. Magistral première mondiale.

 

 

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CRITIQUE, cd événement. Kaija SAARIAHO : Adriana Mater (2006), première mondiale au disque. Fleur Barron (Adriana), Axelle Fanyo (Refka), Nicholas Phan (Yonas), Christopher Purves (Tsargo). San Francisco Symphony and Chorus, Esa-Pekka Salonen (direction) – Enregistré en juin 2023 au Davies Symphony Hall, San Francisco. 2 cd Deutsche Grammophon 2023 – CLIC de CLASSIQUENEWS

 

PLUS D’INFOS sur le site de l’éditeur DG Deutsche Grammophon : https://www.deutschegrammophon.com/en/catalogue/products/saariaho-adriana-mater-esa-pekka-salonen-13578

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CRITIQUE, opéra. OPÉRA DE LYON, le 9 mai 2025. BRITTEN : Peter Grimes. S. Panikkar, S. Campbell-Wallace, A. Foster-Williams… Christoph Loy / Wayne Marshall

La production de Peter Grimes signée Christof Loy, créée en 2015 et reprise à Vienne en 2021, débarque à l’Opéra de Lyon avec une sobriété puissante, loin des représentations traditionnelles de l’œuvre de Benjamin Britten. En collaboration avec le scénographe Johannes Leiacker, Loy opte pour une esthétique minimaliste, où l’ellipse et la suggestion remplacent le réalisme littéral. Un choix audacieux qui contraste avec la mise en scène plus mouvementée et figurative de Yoshi Oida, vue ici-même en 2014.

Pas de falaises ni de cabanes de pêcheurs : ici, l’espace scénique se résume à des murs sombres et un sol aux reflets mouvants, évoquant tantôt l’immensité menaçante de la mer, tantôt le brouillard étouffant du destin. Les lumières de Henning Purkrabek sculptent l’atmosphère, tantôt oppressantes, tantôt irréelles. Seules quelques chaises et un bateau-lit, à la fois refuge et prison, ancrent l’histoire dans une dimension tangible. Ce lit-bateau, objet central, devient le symbole des frontières floues entre réalité et folie, entre protection et prédation. Loy assume une lecture sans ambiguïté de la relation entre Grimes et son jeune apprenti, rejetant toute interprétation pudique de l’homosexualité du héros. Le metteur en scène donne une place inédite à l’enfant, ici incarné avec une présence troublante par le jeune danseur Yannick Bosc, en apportant une « physicalité » saisissante aux interludes orchestraux, durant lesquels la chorégraphie de Thomas Wilhelm renforce l’expressivité du drame. Les costumes de Judith Weihrauch, tout en contrastes, soulignent les tensions sociales et psychologiques qui traversent l’œuvre. En dépouillant la scène de tout superflu, Loy place l’accent sur la violence sourde et l’isolement de Grimes. Les excellents Chœurs de l’Opéra de Lyon, masses compactes et accusatrices, deviennent les gardiens d’une morale implacable, tandis que les solistes livrent des performances d’une intensité brute. 

La révélation de la soirée s’appelle Sean Panikkar, qui incarne un Peter Grimes bouleversant dans son enfermement intérieur. Avec son corps massif et musculeux, comme replié sur lui-même, ses gestes maladroits et brutaux, c’est une boule de nerfs prête à exploser à tout instant, qui marque une impossibilité physique d’exister, de vivre. Il faut l’entendre chanter, a capella, le fameux air “Now the great Bear”, les yeux fixes et embués, soudainement fragile et prêt à mourir. Qui plus est, le ténor américano-Sri Lankais affiche une santé vocale éblouissante, qu’il s’agisse du médium et des aigus, modulant son instrument avec aisance, alternant des pianisssimi somptueux et une puissance toute héroïque, avec un naturel qui force l’admiration. 

De son côté, Sinéad Campbell-Wallace chante le rôle d’Ellen Orford avec une voix chaude et riche, ainsi que des accents particulièrement éloquents. Bonne comédienne, elle fait parfaitement ressortir le côté maternel et la clémence du personnage, se montrant particulièrement touchante dans la scène finale, où la maîtresse d’école se voit obligée de céder à ses terrifiants voisins. Andrew Foster-Williams, dont on apprécie depuis longtemps la présence et la conviction, rend pleinement justice à l’humanité de son personnage, avec un Captain Balstrode d’une vraie générosité… et tiraillé par les mêmes pulsions que Grimes. La mezzo catalane Carole Garcia est parfaite en Auntie, tant vocalement que dans l’allure, entourée ses de deux nièces (Eva Langeland Gjerde et Giulia Scopelliti, solistes de l’Opéra Studio de Lyon), affublées ici de costumes rose-bonbon. Katarina Dalayman fait de la sinistre Mrs Sedley un véritable personnage, sans tomber dans la caricature. Citons encore le Bob Boles bien chantant de Philip Varik, le Révérend au ténor clair d’Eric Arman, le Swallow concupiscent de Thomas Faulkner, le Ned Keene cynique d’Alexander de Jong, ou encore le Hobson aux graves profonds de Lukas Jakobski

Avec un sens aigu de la théâtralité, le chef afro-britannique Wayne Marshall explore avec soin les détails de la partition de Benjamin Britten, même quand se déchaîne la violence orchestrale. Visiblement en osmose avec le plateau, Marshall ordonne une lecture tout en convulsions et rugissements, avec des silences qui coupent le souffle, explorant sans relâche l’âme insondable de Peter Grimes

 

 

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CRITIQUE, opéra. OPÉRA DE LYON, le 9 mai 2025. BRITTEN : Peter Grimes. S. Panikkar, S. Campbell-Wallace, A. Foster-Williams… Christoph Loy / Wayne Marshall. Crédit photo © Agathe Poupeney

 

 

 

VIDEO : Joseph Kaiser chante l’air « Now the great Bear » dans la production de Christoph Loy au Theater an der Wien

 

LES EPOPÉES. CHÂTEAU DE VERSAILLES (Salon d’Hercule), Mercredi 18 juin 2025. LANDI : La Morte d’Orfeo. Juan Sancho, Hasnaa Bennani, Paul Figuier… Les Épopées, Stéphane Fuget (direction)

Inspiré, relecteur audacieux et souvent très pertinent, Stéphane Fuget prolonge son exploration des premiers opéras italiens, ceux fondateurs du genre lyrique au début du XVIIè (Seicento) ; après avoir enregistré à Versailles la trilogie des opéras de Monteverdi dont L’Orfeo (créé à Mantoue en 1607) est l’ouvrage source de toute l’histoire opératique, le chef et claveciniste, en complicité avec les musiciens de son ensemble Les (si bien nommés) Épopées, interrogent en juin 2025, La Morte d’Orfeo de Stefano Landi

 

 

L’ouvrage daté de 1619, met en musique le retour du héros qui a échoué à ramener son aimée Euridice sur terre. Tout à sa douleur, Orfeo renonce aux joies terrestres. Dionysos s’en offusque et le livre à la furie des Bacchantes : il meurt déchiqueté sous leurs coups. Cette fin tragique est dans certaines versions de l’opéra de Monteverdi, retenue bien qu’on lui préfère a contrario une fin plus heureuse et positive : son apothéose en quasi dieu, sous la protection de son « père » Apollon.
Ciselure du verbe agissant, justesse des nuances expressives, Stéphane Fuget (photo ci contre © Pascal Le Mée) pour chaque réalisation, choisit avec soin les solistes capables de défendre la juste caractérisation des personnages du drame : la nouvelle production promet dans ce sens une incarnation particulièrement convaincante grâce à la participation entre autres, de du ténor espagnol Juan Sancho dans le rôle-titre…
Faisant alterner la rage de Bacchus, la cruauté de ses prêtresses, l’étrange indifférence d’Euridice ayant bu l’eau de l’oubli, La Morte d’Orfeo de Stefano Landi offre un opéra alternatif à l’ouvrage originel de Monteverdi ; Landi inféode les effets musicaux au service d’une dynamique émotionnelle riche en contrastes, à la manière des clairs-obscurs de la peinture caravagesque : une beauté hypnotique qui exprime en un vérisme avant l’heure, l’horreur et la grâce des passions humaines…

 

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RÉSERVEZ vos places directement sur le site du CHÂTEAU DE VERSAILLES : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/landi-la-morte-dorfeo/
Stefano LANDI : La Morte d’Orfeo, 1619
CHÂTEAU DE VERSAILLES, Salon d’Hercule
Mercredi 18 juin 2025, 21h
2h30 entracte inclus
Tragi-comédie pastorale en cinq actes sur un livret de Stefano Landi, créée à Padoue en 1619.

 

 

 

distribution

Juan Sancho, Orfeo
Hasnaa Bennani, Primo euretto, Euridice
Paul Figuier, Mercurio, Bacco
Eva Zaïcik, Terzo euretto, Calliope
Claire Lefilliâtre, Teti, Nisa
Anaïs Yvoz Aurora, Lincastro
Floriane Hasler, Secondo euretto, Fosforo
Vlad Crosman Fato, Fileno
Alessandro Ravasio, Furore, Caronte
Alexandre Adra Ebro, Giove
Marco Angioloni, Ireno, Apolline

Les Épopées
Stéphane Fuget, clavecin, orgue et direction

 

Coproduction Opéra Royal / Château de Versailles Spectacles, Les Épopées.
Ce programme est enregistré en CD à paraître au label Château de Versailles Spectacles.

déroulement de la soirée

Première partie : 1h
Entracte
Deuxième partie : 1h

 

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CRITIQUE, opéra. MADRID, Teatro Real, le 8 mai 2025. RIMSKI-KORSAKOV : Le Conte du Tsar Saltane. A. Jerkunica, S. Aksenova, B. Volkov, C. Wilson, N. Minasyan… Dmitri Tcherniakov / Ouri Bronchti

L’une des plus belles productions de Dmitri Tcherniakov fait étape au Teatro Real de Madrid pour fêter le 225e anniversaire de la naissance de Pouchkine : après Bruxelles en 2019, puis Strasbourg en 2023, Le Conte du Tsar Saltane (1900) de Nikolaï Rimski-Korsakov s’offre une première de l’ouvrage dans la capitale espagnole, en forme de triomphe public amplement mérité.

 

Le metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov frappe fort avec ce spectacle, au moins aussi marquant que son autre grande réussite, le doublé Iolanta/Casse-Noisette créé à l’Opéra de Paris en 2016 ; en adaptant l’un des plus parfaits chefs d’oeuvre de Rimski-Korsakov, jamais plus inspiré que dans le domaine du merveilleux, Tcherniakov enrichit le livret d’une manière audacieuse, en faisant du Prince Guidon une sorte d’autiste traumatisé par l’exil injuste subi par sa mère. Raconté par la Reine, le conte prend une dimension autrement plus actuelle, en donnant une distanciation sur les événements, tout autant qu’un éclairage sur l’impossibilité du fils à affronter la réalité, trop dure pour lui. Le refuge dans le monde des contes devient alors une sorte de béquille de survie, à la fois salvatrice et « enfermante ». Les allers-retours constants entre le texte non modifié du livret et cette nouvelle histoire, seulement montrée, se jouent de tous les artifices : la direction d’acteur inventive oppose ainsi l’univers des contes, aux postures volontairement caricaturales, à la réalité plus cruelle du monde ordinaire. Le recours surprenant à la vidéo, autour des dessins réalisés par Tcherniakov et animés avec une maestria sans artifices inutiles, donne également un intérêt soutenu au spectacle, dont chaque scène trouve un double regard toujours passionnant.

Le public madrilène, d’une concentration manifeste pour découvrir ce chef d’oeuvre, ne s’y trompe pas et fait un accueil enthousiaste à la musique de Rimski-Korsakov, qui varie les atmosphères d’une inspiration mélodique étourdissante, du célèbre vol du bourdon aux effluves aériennes de la Princesse-Cygne. Le Russe fait aussi l’étalage de ses qualités d’orchestrateur dans les différents passages à la gloire du souverain, tout autant que lors des scènes de célébration populaire, aux choeurs admirables de cohésion à Madrid. On aime aussi l’attention du chef Ouri Bronchti à ne pas couvrir le plateau, entre allègement des textures et mise en valeur des détails de la partition. Si le tempo est parfois un peu trop lent, notamment dans les parties dévolues au merveilleux ou à l’ivresse marine, le parti-pris fonctionne bien tout du long, grâce à l’engagement sans faille des musiciens, admirables dans la fluidité des transitions.

Le plateau vocal se montre d’un haut niveau, en étant pratiquement identique à celui de la création bruxelloise, à quelques exceptions près. Ainsi de Nina Minasyan, qui se distingue dans le rôle de la Princesse-Cygne par ses aigus rayonnants et agiles, même si elle se montre moins convaincante dans les accélérations, notamment dans les trios avec Guidon et sa mère. A ses côtés, Ante Jerkunica (Saltane) montre quelques faiblesses dans les hauteurs de la tessiture, un rien arrachée, mais fait montre de sa grande classe interprétative par ailleurs. C’est en ce dernier domaine que Svetlana Aksenova (La Tsarine Militrissa) donne le meilleur, alors que la voix s’est un peu durcie avec les années. Rien de tel pour Bogdan Volkov, qui s’épanouit sans difficultés apparente sur toute la tessiture, tout en habitant son personnage d’une aura intrigante et toujours stimulante. Tous les seconds rôles se montrent à la hauteur de l’événement, à l’instar de la Babarikha très incarnée de Carole Wilson ou du haut en couleurs Evgeny Akimov (Le Vieil Homme). Assurément un superbe plateau vocal pour un spectacle qu’on ne se lasse pas de voir et de revoir, comme en témoignent plusieurs yeux encore embués par tant d’émotions, à la sortie du spectacle.

 

 

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CRITIQUE, opéra. MADRID, Opéra, le 8 mai 2025. RIMSKI-KORSAKOV : Le Conte du Tsar Saltane. Avec Ante Jerkunica (Le Tsar Saltane), Svetlana Aksenova (La Tsarine Militrissa), Bogdan Volkov (Le Tsarévitch Guidone), Marie Fischer (La Tisserande Stine), Bernarda Bobro (La Cuisinière), Carole Wilson (Babarikha), Nina Minasyan (La Princesse-Cygne), Evgeny Akimov (Le Vieil Homme, Premier Marin), Alejandro del Cerro (Le Messager, Deuxième Marin), Alexander Vassiliev (Le Bouffon, Troisième Marin), Chœurs et Orchestre du Teatro Real de Madrid, José Luis Basso (chef des chœurs), Ouri Bronchti (direction musicale) / Dmitri Tcherniakov (mise en scène). A l’affiche de l’Opéra de Madrid jusqu’au 11 mai 2025. Crédit photographique © Javier del Real / Teatro Real

 

 

VIDEO : Trailer du « Conte du tsar Saltane » selon Dmitri Tcherniakov au Teatro Real de Madrid

 

CRITIQUE, opéra. OPÉRA DE RENNES, le 9 mai 2025. MOZART : La Flûte enchantée (nouvelle production). Elsa Benoit, Nathanaël Tavernier, Damien Pass, Lila Dufy… Nicolas Ellis (direction), Mathieu Bauer (mise en scène)

C’est la nouvelle production lyrique événement de cette fin de saison 2024 – 2025 en Bretagne et dans les Pays de la Loire : d’abord créée à Rennes (jusqu’au 15 mai) puis reprise à Nantes et à Angers (à partir du 24 mai), La Flûte enchantée de Mathieu Bauer s’affiche lumineuse et facétieuse, d’autant plus convaincante que la distribution vocale sait réjouir voire captiver et que la mise en scène sert un propos cohérent et juste, à mille mieux des décalages et réécritures habituels.

Photos : La Flûte Enchantée par Mathieu Bauer / Opéra de Rennes : © Laurent Guizard

 

 

FÉERIE FORAINE

Nathanaël Tavernier (Sarastro) et Elsa benoit (Pamina) © Louis Guizard / Opéra de Rennes, mai 2025

 

La vision qui convoque le monde des forains – manège tournoyant, roue géante, barbe à papa et pommes d’amour à l’avenant, en couleurs vives et acidulées, convoquant héros populaires et techniciens, demeure d’un bout à l’autre, continument grave et drôle, en cela fidèle à l’esprit même du spectacle voulu par le dernier Mozart [et son librettiste complice Shikaneder], la fusion du conte féerique et du parcours maçonnique se réalisant alors sans confusion.

Sarastro – personnage clé du drame et qu’une machination illusoire voudrait présenter comme un tyran sans cœur, assure d’abord, en vrai Mr Loyal, la présentation des personnages, de l’action, de ses enjeux…. À travers des péripéties multiples, les caractères [par ordre d’apparition : Tamino le prince, Papageno son double comique, Pamina la belle captive…] passent chacun autant d’épreuves décisives où les sujets en question sont l’amour, la fraternité, la sagesse…

Après un premier acte d’exposition [où aussi le prince reçoit la Flûte magique qui permettra aux hommes de retrouver leur humanité, sujet central de l’opéra], la seconde partie est bien celle des mutations profondes où chacun (ré)apprend l’humanité et les valeurs maçonniques [égalité, vérité, fraternité], passant symboliquement les épreuves du feu, de l’eau, de l’air et de la terre, dans un continuum à la fois féerique et symbolique ; des ténèbres [marquées par l’esprit de vengeance] à la pleine lumière finale [où la vérité est révélée et les forces du mal (c’est à dire La reine de la nuit, Monostatos et les 3 dames) sont démasquées.
Tout cela se voit et se comprend sans lourdeur, et dans une joie contagieuse grâce au travail de Mathieu Bauer, et dans le décors réalisés dans les ateliers de l’Opéra de Rennes.

 

 

OPÉRA POPULAIRE

En outre à Rennes, le rapport scène / fosse / parterre se révèle idéal pour un spectacle qui n’oublie jamais dans son déroulement la place du spectateur : Mozart invente véritablement l’opéra populaire de surcroît en langue allemande, somptueuse offrande qui prolonge et approfondit une compréhension exceptionnellement profonde de la nature humaine… Au début, le passage de la réalité [l’adresse de Sarastro au public] à la féerie se réalise très simplement par le truchement des effets de brouillard qui flotte au dessus des spectateurs et plonge la salle soudainement dans le rêve et l’illusion [première scène où Tamino est poursuivi par le serpent monstrueux]. Puis en spectacle fraternel ouvert à tous, le chœur des esclaves charmés par les clochettes de Papageno est entonné par le public dans la salle, superbe impression qui renoue avec l’essence populaire de l’opéra (tel qu’il est encore vécu en Italie ou à Malte où les habitants participent concrètement à chaque production des maisons d’opéras).

 

Le milieu des forains et des attractions foraines compose le cadre de la nouvelle Flûte Enchantée à l’affiche de l’Opéra de Rennes puis de Nantes et d’Angers, en mai et juin 2025 © Louis Guizard

 

 

RÉJOUISSANT PLATEAU VOCAL

Ce soir, outre l’intelligence et l’humour de la mise en scène, le spectateur a pu se délecter du chant très convaincant de l’équipe réunie sur scène. Le quatuor Pamina / Papageno / Sarastro / La Reine de la nuit se distingue particulièrement.

Assurant une prise de rôle attendue, la soprano ELSA BENOIT touche au coeur : sa PAMINA rayonne de sensibilité et d’intensité ; l’intelligence du verbe, la finesse des phrasés, la subtilité et le naturel s’avèrent superlatifs avec en particulier, face à Tamino alors contraint au mutisme absolu [l’épreuve du silence], l’air « Ach, ich fühl’s », déchirant de sincérité et de gravité…[acte II]. En outre le compositeur a réservé à la soprano les plus beaux duos avec Papageno [dont celui de l’acte I, sur 2 balançoires, hymne fraternel des plus émouvants qui célèbre l’art d’aimer : « Bei Männern »]. PAPAGENO pour sa part est magnifiquement campé par DAMIEN PASS, chant naturel lui aussi, ancré dans le bon sens populaire ; de même le SARASTRO de NATHANAËL TAVERNIER affirme sa prestance et sa noblesse naturelle, conférant au personnage du Grand maître du Temple, un charisme humain rayonnant. Reste LILA DUFY qui remplace ainsi Florie Valiquette initialement prévue : sa Reine de la nuit s’impose elle aussi par la facilité des coloratoures, un timbre naturel aux aigus faciles et percutants, en particulier dans le 2e air qui est celui de la manipulation haineuse et criminelle [« Der Hölle Rache… » : la mère exige de sa fille Pamina qu’elle tue Sarastro, ni plus ni moins], rare et génial emploi par Mozart d’un coloratoure stratosphérique d’un caractère rien que démoniaque.

Saluons aussi le Monostatos de BENOÎT RAMEAU, dont la verve naturelle confère au personnage du geôlier libidineux, une sincérité inédite quand d’ordinaire les productions soulignent son esprit rien que caricaturalement et étroitement maléfique.
Le Tamino de MAXIMILIAN MAYER vocalement assuré, manque à notre avis de douceur : ses aigus sont en tension et souvent forcés ; dommage car aux côtés de la Pamina luxueuse d’Elsa Benoit nous aurions pu applaudir un couple d’anthologie [même si selon nous le personnage du prince est moins travaillé et riche que celui de Papageno]. Enfin les deux hommes armés du temple [en particulier le baryton scéniquement très à l’aise et vocalement solide de THOMAS COISNON / l’Orateur, comme la Papagena d’AMANDINE AMMIRATI, complètent très habilement le plateau vocal.
Le Chœur Mélisme(s), ensemble en résidence à l’Opéra de Rennes, sait attendrir et humaniser chacune des interventions du Chœur comme le trio des garçons – guides bienveillants pour Tamino dans son parcours semé d’épreuves, ici tenu par 3 jeunes filles, issus de la Maîtrise de Bretagne.

 

Les membres du Choeur Mélisme(s) incarnent les esclaves sous la coupe de Monostatos © Louis Guizard

 

Vive et précise, enjouée et facétieuse comme la mise en scène, la direction du chef Nicolas Ellis réalise l’alliance réjouissante de l’humour et de la profondeur. Dès l’ouverture, la clarté et la légèreté s’invitent au bal de l’intelligence et de la finesse. Le spectateur séduit dès le début, (re)découvre le chef d’oeuvre mozartien dans sa richesse préservée : son imaginaire enfantin, son univers féerique parfois terrifiant, ses références maçonniques, toute sa trajectoire amoureuse et fraternelle d’une lumineuse éloquence. Spectacle réjouissant. Incontournable.

 

 

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Encore 3 représentations à l’Opéra de Rennes : les 11, 13 et 15 mai 2025 – TOUTES LES INFOS ici : https://www.classiquenews.com/opera-de-rennes-mozart-la-flute-enchantee-les-7-9-11-13-15-mai-2025-florie-valiquette-elsa-benoitnicolas-ellis-direction-mathieu-bauer-mise-en-scene/
Visitez aussi le site de l’Opéra de Rennes / page La Flûte Enchantée : https://www.opera-rennes.fr/fr/evenement/la-flute-enchantee
Puis à l’affiche d’Angers Nantes Opéra à partir du 24 mai au 18 juin 2025 : https://www.angers-nantes-opera.com/la-flute-enchantee….
Mercredi 18 juin 2025 (20h) : la production de La Flûte Enchantée sera projetée sur grands écrans en extérieur, et en direct pendant la dernière représentation scénique depuis la scène du Grand-Théâtre d’Angers, dans le cadre du dispositif « Opéra sur écrans » : projection sur tout le territoire en plein air et en accès gratuit – Place Graslin à Nantes et Place du Ralliement à Angers, mais aussi dans plusieurs lieux des Pays de la Loire / plus d’infos : https://www.angers-nantes-opera.com/opera-sur-ecrans-la-flute-enchantee
Retransmission sur la plateforme france.tv, le site internet de France 3 Pays de la Loire et les télévisions locales : Télénantes et Angers Télé, LM Tv Sarthe, TV Vendée, TVR, Tébéo-TébéSud et Val de Loire TV

 

MOZART : La Flûte enchantée par Mathieu Bauer

OPÉRA DE RENNES
Du 7 au 15 mai 2025

 

NANTES – THÉÂTRE GRASLIN

MAI
Samedi 24 – 18 h
Lundi 26 – 20 h
Mercredi 28 – 20 h
Vendredi 30 – 20 h

JUIN
Dimanche 1er – 16 h

ANGERS – GRAND THÉÂTRE

JUIN
Lundi 16 – 20 h
Mercredi 18 – 20 h
Retransmis en direct dans le cadre de l’opération « Opéra sur écran », spectacle en direct, en plein air, accès gratuit…

Opéra en allemand, surtitré en français
Durée : 3 h 15, avec entracte

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, Cathédrale Saint-Louis des Invalides, le 6 mai 2025. Philharmonie de Baden Baden, Chœur de l’Armée française, Heiko Mathias Förster (direction)

Le 6 mai dernier à la Cathédrale des Invalides à Paris, s’est déroulé un grand concert franco-allemand donné à l’occasion des commémorations des 80 ans de la fin de la seconde guerre mondiale. Offert par la Philharmonie de Baden-Baden, le Chœur de l’Armée française et un chœur de très jeunes élèves de l’Ecole allemande internationale de Paris, tous placés sous la direction du chef allemand Heiko Mathias Förster, ce magnifique concert organisé par le Bleuet de France et Toccata-Europe visait à promouvoir la solidarité, la réconciliation et l’amitié franco-allemande par-delà les générations.

 

 

 

 

Un hymne à la paix et à l’amitié entre les peuples

Devant un public dense, aussi curieux qu’impressionné, illustré par de nombreuses personnalités dont la ministre déléguée aux Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens Combattants, madame Mirallès et monsieur von Rimscha, conseiller culturel de l’Ambassade d’Allemagne à Paris, le concert a proposé un riche programme en deux parties, l’une orchestrale, et la seconde pour choeur et orchestre. Tous les artistes arboraient évidemment la fleur du Bleuet à sa boutonnière !

Après la Suite de Pelléas et Mélisande de Fauré, jouée dans une douce mélancolie, Ideue Yasushi, le violon solo de l’orchestre, a captivé son auditoire par une poignante et sensible Méditation de Thaïs de Jules Massenet, digne des plus grands solistes. Plus légère, la London Suite du compositeur britannique Eric Coates apportait sa touche d’humour rafraîchissante avant une Ouverture d’Egmont de Beethoven, grave et chantante à souhait. Honneur aux différents solistes de la Philharmonie, tous de grand talent : signalons particulièrement la flûte, la harpe, les cuivres, le timbalier et les percussions… réalisant ainsi un festival de timbres et de couleurs, source de délectation partagée par le public des Invalides.

Le concert commémoratif laissa la place au Chant des Partisans, toujours bouleversant, chanté avec émotion du fond de la Cathédrale par le Choeur de l’Armée française dirigé par sa cheffe charismatique, Aurore Tillac.

 

Concert du Bleuet de France avec l’Orchestre philharmonique de Baden-Baden pour la réconciliation et l’amitié franco-allemande, à la cathédrale Saint-Louis des Invalides, le 6 mai 2025 © Alexis Lepanot / Bleuet de France

 

Les auditeurs ont été tout autant convaincus et même pour certains, touchés par la magnifique symbiose des choeurs de l’Armée française et de la Philharmonie de Baden-Baden pour la partie suivante mêlant choeur et orchestre, à travers une succession de pièces diverses signées de Schubert, Verdi, Donizetti et Gounod ; du Gesang der Geister über den Wassern (Chant des esprits sur les eaux) à Rigoletto, de La Fille du Régiment à Faust.

Pour le Final, le choeur d’enfants de l’Ecole allemande de Paris rejoignait les artistes avec une gaité non dissimulée, pour chanter l’Hymne à la joie de Beethoven, symbole officiel de l’Europe, espoir de paix et de l’amitié entre les peuples.

 

Le projet a pu être réalisé grâce aux soutiens d’entreprises, ministères, fondations françaises et allemandes, notamment la Mission Libération / 80 ans, Allianz, le Fonds Citoyen franco-allemand, le programme « Nouveaux Horizons » de la Stiftung Baden-Württemberg, le Ministère de la culture du Land du Baden-Württemberg,….

 

 

Par notre envoyée spéciale, Lucile Féchoz – Photos © Alexis Lepanot / Bleuet de France

 

 

 

Concert du Bleuet de France avec l’Orchestre philharmonique de Baden-Baden pour la réconciliation et l’amitié franco-allemande, à la cathédrale Saint-Louis des Invalides / © Alexis Lepanot / Bleuet de France

 

 

Concert du Bleuet de France avec l’Orchestre Philharmonique de Baden-Baden pour la réconciliation et l’amitié franco-allemande, à la cathédrale Saint-Louis des Invalides © Alexis Lepanot / Bleuet de France

 

Concert du Bleuet de France avec l’Orchestre philharmonique de Baden-Baden pour la réconciliation et l’amitié franco-allemande, à la cathédrale Saint-Louis des Invalides © Alexis Lepanot / Bleuet de France

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CRITIQUE, opéra. GAND, Opera Ballet Vlaanderen, le 8 mai 2025. NONO : Intolleranza 1960. Stefan Klingele / Benedikt von Peter

La reprise de l’opéra-manifeste « Intolleranza 1960 » de Luigi Nono à l’Opéra de Gand est une expérience aussi bouleversante que nécessaire. Créé en 1961 à La Fenice, l’ouvrage porte un titre qui résume son essence : une dénonciation sans compromis de l’oppression sous toutes ses formes : Hiroshima, la guerre d’Algérie, la résurgence du fascisme, les inondations meurtrières du Pô (figurées par un déluge scénique final) servent de toile de fond à cette fresque sonore et visuelle. Le livret, patchwork de textes de Brecht, Éluard, Maïakovski, Sartre et d’autres, mêle slogans militants (« No pasarán », « Nie wieder ») et extraits d’interrogatoires, formant un cri collectif contre l’injustice.

Sous-titré « action scénique » plutôt qu’« opéra », l’œuvre défie les conventions. La production de Benedikt von Peter (déjà acclamée à Hanovre et Bâle) pousse cette logique à son paroxysme en immergeant le public dans l’espace scénique. Dès l’entrée, un acteur torturé, statue de douleur, annonce la tonalité. Guidés par les chanteurs, les spectateurs investissent le plateau, s’asseyant sur des chaises, des échelles ou à même le sol, se couchant sur des couvertures, devenant malgré eux complices de cette géographie mouvante.

La scénographie épurée de Katrin Wittig et les lumières de Susanne Reinhardt créent un espace organique, où les visages projetés (vidéo de Bert Sander) toisent les vivants. La musique, âpre et sérielle, portée par l’orchestre invisible de l’Opera Ballet Vlaanderen (dirigé avec brio par Stefan Klingele), fuse depuis les haut-parleurs. Le public, témoin et participant, résiste à l’envie de hurler « Morte al fascismo ! » avec les chanteurs. Une heure trente d’une intensité rare, où l’on vit plus qu’on ne regarde.

Ici, pas de héros nommés, mais des archétypes universels : Peter Tantsits, en Émigrant halluciné, traverse l’espace comme une âme en peine, vocalisant des suraigus vertigineux. Lisa Mostin (la Compagne) oppose une voix claire et spatiale, entre révolte et vulnérabilité. Tobias Lusser (l’Algérien) et Werner Van Mechelen (le Torturé) incarnent la résistance avec une gravité déchirante. Jasmin Jorias (la Femme) et Chia Fen Wu hurlent, chuchotent, électrisent. de son côté, le chœur, préparé par Jan Schweiger, est un personnage à part entière : tour à tour foule de migrants, prisonniers ou manifestants, il passe de la résignation à la fureur avec une précision glaçante.

La force de cette production ? Faire de l’art un acte politique partagé. Quand le « déluge » final emporte tout, le public, redescendu dans la salle, reste sidéré. Un silence lourd précède les applaudissements – comme si l’émotion devait d’abord se digérer. Preuve que Intolleranza 1960, loin d’être un vestige des années 1960, reste un miroir brûlant de notre époque !…

 

 

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CRITIQUE, opéra. GAND, Opera Ballet Vlaanderen, le 8 mai 2025. NONO : Intolleranza 1960. Stefan Klingele / Benedikt von Peter. Crédit photographique © OBV-Annemie Augustijns

 

 

VIDEO : Trailer de « Intolleranza 1960 » selon Benedikt von Peter à Gand

 

LILLE PIANO(S) FESTIVAL 2025, les 13, 14 et 15 juin 2025. Orchestre National de Lille, Jean-Claude Casadesus, Orchestre de Picardie, Antwerp Symphony Orchestra, Bertrand Chamayou, Dmytro Choni, Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle, Marie Vermeulin, Svetlana Andreeva, Alexander Kashpurin…

La 22e édition du Lille Piano(s) Festival promet d’être mémorable : festive, diversifiée, accessible… Au programme : une soixantaine d’artistes invités, dont les pianistes parmi les plus inspirés, sans oublier les musiciens de l’Orchestre National de Lille, l’Orchestre de Picardie et de l’Orchestre Symphonique d’Anvers. Près de 40 concerts sont prévus, entre classique, jazz (coopération fructueuse avec Jazz en Nord, Tourcoing Jazz et l’Aéronef), électro, spectacles pour les plus jeunes, conférences, récitals de piano bien sûr, mais aussi d’accordéon, d’orgue, de marimba ainsi qu’une animation sur un piano géant… sans omettre nouveautés cette année, l’apparition du disco et du boogie-woogie. L’offre est ainsi riche et complète : elle répond à tous les goûts. L’accès y est favorisé plus que jamais avec des places à partir de 10 €… A l’initiative de l’Orchestre National de Lille, LILLE PIANO(S) FESTIVAL démontre chaque printemps que la culture s’adresse à tous et concerne tous les Lillois,  résidents et visiteurs, ainsi pendant 3 journées festives où l’effervescence musicale stimule et électrise les esprits, offre un cadre exceptionnel pour les découvertes et les rencontres.

 

 

22ème LILLE PIANO(S) FESTIVAL
Une offre riche et complète

Pour sa 22è édition, le LILLE PIANO(S) FESTIVAL profite de la nouvelle situation (provisoire) de l’ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE, son initiateur, pour faire découvrir de nouveaux sites culturels dans la Métropole lilloise. La résidence habituelle de l’Orchestre (le Nouveau Siècle) étant en travaux pendant plusieurs mois, l’ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE propose pendant les 3 jours de programmation musicale (13, 14 et 15 juin 2025), une déambulation exceptionnelle à travers plusieurs lieux dont certains sont déjà emblématiques du Festival : la gare Saint-Sauveur, le Conservatoire, Notre-Dame de la Treille, la Chambre de commerce et d’industrie, sans omettre la maison natale de Charles de Gaulle (concert de musique celtique) ou le THÉÂTRE DU CASINO BARRIERE qui accueille les grands concerts symphoniques : le concert d’ouverture avec l’Orchestre National de Lille, le 13 ; puis le 14, pour l’Orchestre de Picardie ; enfin dimanche 15 juin, le concert de clôture par l’Orchestre Symphonique d’Anvers. Foisonannte, la programmation est aussi identifiable grâce à de nombreux fils conducteurs telle la place de la musique française, en relation avec les célébrations 2025 : 150 ans de Maurice Ravel, 180 ans de Gabriel Fauré, 100 ans de Pierre Boulez

Les amateurs de piano seront à nouveau comblés, (re)découvrant à travers de nombreux récitals les tempéraments les plus captivants de l’heure, déjà célèbres, ou en évolution et déjà particulièrement convaincants : ainsi, entre autres, Behzod Abduraimov (Concerto n°1 de Tchaikovsky, concert d’ouverture le 13 juin, 21h) ; puis, samedi 14 juin : le duo sur la scène et à la ville, Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle (11h), Fanny Azzuro (11h), Marie Vermeulin (14h), Florent Boffard (14h), Dmytro Choni (16h30), Théo Fouchenneret (20h30) ; enfin dim 15 juin : Florian Noak (11h), Célia Oneto Bensaid (14h), Alexander Kashpurin (14h), Svetlana Andreeva (16h), Martin Jaspard (18h)…
A ne pas manquer, l’intégrale Ravel (œuvres pour piano) par Bertrand Chamayou en deux sessions, dim 15 juin, au Conservatoire à 15h, puis 17h30.

Au total, pas moins de 38 concerts et événements musicaux qui rythment toute la ville de Lille, du jeudi 12 (18h30) au dimanche 15 juin 2025 (19h30).

 

TOUTES LES INFOS, le détail des programmes, les artistes invités, sur le site de LILLE PIANO(S) FESTIVAL, les 12, 13, 14 et 15 juin 2025 : https://www.lillepianosfestival.fr/2025/

 

 

LILLE PIANO

(S) FESTIVAL 2025
Nos coups de cœur

 

 

VENDREDI 13 JUIN 2025

21h : CASINO BARRIERE – CONCERT D’OUVERTURE – JEAN-CLAUDE CASADESUS, direction.
ORCHESTRE NATIONAL DE LILLEBehzod Abduraimov, piano
Concerto pour Piano n°1 de TCHAIKOVSKY

22h15 : Casino Barrière (Bar) / LA BOULE, électro

22h30 : Gare Saint-Sauveur (Bar) / DAÏDA, jazz

 

 

SAMEDI 14 JUIN 2025

11h : Chambre de commerce et d’industrie, Salle Descamps
Duo LUDMILA BERLINSKAÏA & ARTHUR ANCELLE : « PASSAGE SECRET »
Récital piano à 4 mains – Musique française
BIZET : Jeux d’enfants
DEBUSSY : Petite suite
RAVEL : Ma mère l’Oye

14h : Conservatoire
FLORENT BOFFARD, piano / 
HOMMAGE À PIERRE BOULEZ (Sonate n°3 – 12 Notations, …)

15h : ND de la Treille / Crypte moderne
BOGDAN NESTERENKO, accordéon
BACH-BUSONI : Chaconne en ré mineur
MOUSSORGSKI : Tableaux d’une exposition

16h : CASINO BARRIERE
ORCHESTRE DE PICARDIE – Johanna Malangré, direction
CHOSTAKOVITCH : Concerto pour piano, trompette et cordes
SCHUMANN : Concerto pour piano en la mineur
Piano : Florian Noack
Trompette : Sergei Nakariakov

16h30 : CONSERVATOIRE
DMYTRO CHONI, piano
Brahms, Schumann (Sonate n°2), Lysenko et Silvestrov

17h30 : NOTRE DAME DE LA TREILLE
REQUIEM de FAURÉ
Direction : Mathieu Romano
Orgue : Olivier Perrin
Soprano : Adèle Berard
Baryton : Christophe Gauthier
Chœur de chambre Septentrion
Orchestre National de Lille
En couplage :
DESENCLOS : Nos Autem
PÄRT : Fratres pour cordes et percussions
KOECHLIN : Les flots lointains

19h : CONSERVATOIRE
THÉO FOUCHENNERET, piano
Récital Fauré : intégrale des Nocturnes

21h : CASINO BARRIERE
PIANO FORTE / Jazz

22h30 : GARE SAINT-SAUVEUR (Bar)
LA BOULE / électro

 

 

DIMANCHE 15 JUIN 2025

11h : CASINO BARRIERE
Spectacle famille : LE PETIT PRINCE – Dès 6 ans
D’après la bande dessinée de Joann Sfar adaptée de l’œuvre éponyme d’Antoine de Saint Exupéry

Création de Marc-Olivier Dupin
Récitant : Benoît Marchand / 
Piano : Orlando Bass 
/ Violon : Arthur Decaris / Violoncelle : Lisa Strauss 
/ Clarinette, clarinette basse : Myriam Carrier 
/ Vidéo : Laurent Sarrazin

11h : CONSERVATOIRE
FLORIAN NOACK, piano
 / TRANSCRIPTIONS…
BACH : Concerto pour 4 clavecins
RIMSKY KORSAKOV : Schéhérazade
CHOSTAKOVITCH : Valse n°2
RAVEL : Five o’clock fox-Trott, L’Enfant et les Sortilèges, extrait (arrangement Henri Gil-Marchex)

14h : GARE SAINT-SAUVEUR, cinéma
ALEXANDER KASHPURIN, Premier Prix Étoiles du Piano 2021
RACHMANINOV : Intégrale des Études-Tableaux

14h30 : CASINO BARRIERE
MAURICE RAVEL par JEAN ECHENOZ / Lecture musicale
Musiques de Maurice Ravel
Récitant : Dominique Pinon
Piano : Hélène Tysman

15h : CONSERVATOIRE
BERTRAND CHAMAYOU, piano / Intégrale RAVEL n°1
RAVEL : Prélude / Miroirs / Menuet / Sonatine
/ À la manière de Borodine / Gaspard de la nuit

16h : GARE SAINT-SAUVEUR, cinéma
SVETLANA ANDREEVA, piano
Premier prix Concours Orléans 2024
SCRIABINE : Sonate pour piano n° 9, Messe Noire
ESCAICH : Les Litanies de l’ombre
JANÁČEK : Dans les Brumes
SCRIABINE : Sonate pour piano n° 7, Messe Blanche
FAURÉ : Agnus Dei, extrait du Requiem

17h30 : CONSERVATOIRE
BERTRAND CHAMAYOU, piano / Intégrale RAVEL n°2 (fin)
Valses nobles et sentimentales / À la manière de Chabrier
/ Menuet sur le nom de Haydn / Sérénade grotesque / Jeux d’eau
/ Menuet antique / Pavane pour une infante défunte / Tombeau de Couperin

18h : GARE SAINT-SAUVEUR, cinéma
MARTIN JASPARD, piano
Premier Prix Concours Detmold-Brahms 2024
RAVEL : Pavane pour une infante défunte
DEBUSSY : Étude n°10 – Pour les sonorités opposées
JASPARD : Vers les cieux
FAURE : « In Paradisum », extrait du Requiem (transcription G. Durliat)
MOUSSORGSKI : Tableaux d’une exposition

18h30 : CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE, salle Descamps
PHOTONS, LA NUIT SANS L’ENNUI / électro

19h30 : CONCERT DE CLÔTURE
CASINO BARRIERE
ORCHESTRE SYMPHONIQUE D’ANVERS
DVOŘÁK : Danses slaves, extraits
Concerto pour piano : son choix sera déterminé par le/la soliste invité(e)
Direction : Karl-Heinz Steffens
 / Piano : Premier Prix du concours Reine Elisabeth 2025 (identité à venir) / 
Antwerp Symphony Orchestra

 

 

 

TOUTES LES INFOS, le détail des programmes, les artistes invités, sur le site de LILLE PIANO(S) FESTIVAL, les 12, 13, 14 et 15 juin 2025 : https://www.lillepianosfestival.fr/2025/

 

 

BILLETTERIE
Tous vos spectacles du festival au tarif Pass, + 10 € de réduction sur votre Pass Flex 2025 / 2026 à l’Orchestre National de Lille (uniquement par téléphone et sur place muni de la référence de votre pass festival).
Pass nominatif. Pensez à bien le présenter à l’entrée des concerts !

 

RÉSERVATIONS
Dès 10h par téléphone au + 33 (0)3 20 12 82 40 et sur internet : Réservez ici :
https://onlille.notre-billetterie.com/billets?kld=festi25&site=lpf
Dès 13h sur place (3 place Mendès France, Lille)
Possible également par courrier à l’adresse ci-dessus.

 

PASS FESTIVAL
https://onlille.notre-billetterie.com/abonnements/?abo=passF25&site=lpf;

 

 

PENDANT LE FESTIVAL

Billetterie disponible 45 minutes avant chaque concert sur tous les lieux du festival.
Vous avez besoin d’un renseignement ? Vous souhaitez acheter des billets ?
N’hésitez pas à passer à la billetterie de l’ONL, ouverte tout au long du festival ! 
(le vendredi de 13h à 18h, samedi et dimanche à partir de 10h).

 

 

 

 

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CRITIQUE coffret cd événement – JOAN SUTHERLAND : the complete Decca recordings operas 1959 – 1970 – coffret 49 cd Decca classics

A travers cette première décennie lyrique d’enregistrements pour Decca, soit la décade, 1960  – se distinguent 10 ans d’excellence où la diva australienne JOAN SUTHERLAND (née en 1926 à Sydney – décédée en Suisse le 10 oct 2010) dévoile un art et une maîtrise absolus du bel canto, capable d’éblouir et de convaincre chez Bellini, Rossini, Verdi… Les 49 cd de ce coffret incontournable, le démontrent sans ambiguïté. C’est une autre étoile étincelante qui illumine aux côtés de Maria Callas, les planches lyriques de ces années faste pour l’opéra.

 

 

 

Agilité, puissance, subtilité, timbre cristallin et expressivité rayonnante… Joan Sutherland éblouit littéralement lors de prestations et performances scéniques et en studio réalisées à Londres : elle devenait ainsi « La Stupenda » ; sa Lucia (di Lammermoor, de Bellini à Covent Garden en fév 1959) a décidé de sa carrière : révélée ainsi, la soprano coloratoure ne devait plus dès lors déchoir, intronisée parmi les divinas assolutas…
Le coffret Decca témoigne de cette maîtrise à l’intensité directe, immédiate à travers 3 enregistrements fondateurs de 1959 : Alcina (déjà) de Haendel (live), Acis et Galatée du même, enfin Donna Anna dans Don Giovanni de Mozart sous la baguette de Giulini.
En La Stupenda, s’incarnent les héroïnes sacrifiées, détruites et dignes, immolées sur l’autel d’une société phallocratique… Le coffret rassemble surtout les joyaux d’une coopération majeure, réalisée avec le chef Richard Bonynge, qui fut son partenaire et devint son mari à la ville (en 1954), et qui ici dirige à peu près tout ce que Londres compte de phalanges orchestrales (New Symphony Orchestra pour Guilio Cesare ; London Symphony Orchestra pour Alcina, Norma, Semiramide, Tenda, Faust ; London Philharmonic Orchestra pour Griselda, Montezuma) ; Royal opera House de Covent Garden Orchestra pour La fille du Régiment ; English chamber Orchestra pour L’Elisir d’amore et Don Giovanni version II de 1968…).

 

Joan Sutherland, La Stupenda (DR)

 

 

1959 – 1970
SUTHERLAND / BONYNGE
sur les cimes du Bel Canto, un couple de légende

C’est une collaboration devenue légendaire laquelle commence ainsi au studio avec un premier recueil (cd 23) d’airs du Giulio Cesare de Haendel (1964), puis qui comprend les grands rôles belcantistes dont Norma (1964, à l’époque où La Callas abordait elle aussi le rôle de la prêtresse gauloise, personnage central du répertoire bellinien : la version de Sutherland ne manque pas d’autorité comme de justesse), Beatrice di tenda (avec un partenaire solaire, le jeune Luciano Pavarotti qui incarne un Orombello de toute beauté), Semiramide (Rossini : avec l’Arsace époustouflant de technicité musicale de l’immense Marylin Horne), La Fille du régiment (où Joan s’enivre et joue des vocalises facétieuses) et L’Elisir d’amore (Donizetti).
On ne saurait écarter un personnage aussi crucial que Violetta Valéry dans la trajectoire de la divina : sa Traviata en effet ici gravée en 1962 offre une alternative spectaculaire et très vraisemblable à celle de sa contemporaine… Maria Callas. Il est vrai que « son » Alfredo, le très élégant et aussi subtil Carlo Bergonzi, accrédite d’autant plus ce que réalise à ses côtés Joan Sutherland, décidément indiscutable.

Richard Bonynge a toujours eu un faible pour le répertoire français : figurent aussi Faust de Gounod, surtout sa Lakmé (Delibes), Les Huguenots de Meyerbeer (somptueuse Elisabeth de valois en 1969) ; mais aussi des perles, alors vraies découvertes, telles Montezuma de Graun, ou Griselda de Bononcini. Outre les dons d’actrice tragique sensible, Joan Sutherland avait toutes les qualités pour chanter Mozart, comme en témoigne après la version de 1959 déja citée (cd 4-6), la 2è version de Don Giovanni, sous la direction de  Bonynge toujours (1968, aux côtés d’un Gabriel Bacquier fauve et vorace, et de à nouveau Marylin Horne en Zerlina perlée et agile, de grand luxe… Decca classics annonce un 2è coffret complémentaire (20 autres opéras) tout aussi éblouissant. A suivre.

 

 

 

 

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CRITIQUE coffret cd événement – JOAN SUTHERLAND : the complete Decca recordings operas 1959 – 1970 – coffret 49 cd Decca classics – réf 485 3432 – CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2025

 

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OPMC / ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO. Kazuki Yamada, directeur artistique et musical ne souhaite pas prolonger son mandat actuel, s’achevant en août 2026

Dans un communiqué daté du 5 mai 2025, l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo / OPMC annonce que le mandat du maestro Kazuki Yamada comme directeur artistique et musical de l’Orchestre, ne sera pas prolongé, à la demande du chef, au terme de son contrat actuel s’achevant en août 2026. Nommé en 2016 à Monaco, Kazuki Yamada réalisera – pour la saison prochaine 2025-2026 – sa 10ème et dernière saison, accomplissement magistral qui a permis un enrichissement décisif pour le chef comme les instrumentistes monégasques.

 

CLASSIQUENEWS publiera bientôt les temps forts de la prochaine saison 2025 – 2026 de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo. Prochain cycle incontournable de l’Orchestre monégasque, les concerts au Palais princier : du 10 juillet au 7 août 2025. Kazuki Yamada y dirige 2 concerts événements, les 20 puis 27 juillet 2025…

 

LIRE ci-après le communiqué complet en français puis en anglais :

 

Communiqué
Monaco, le 5 mai 2025

 

 

En français
Maître Kazuki Yamada, Directeur Artistique et Musical de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo a récemment informé le Conseil d’Administration, présidé par S.A.R. la Princesse de Hanovre, de son souhait de ne pas solliciter le renouvellement de son mandat au-delà du terme de son contrat, en août 2026. Après presque dix années d‘une collaboration intense et fructueuse, Kazuki Yamada a effectivement fait le choix de s’investir dans une nouvelle aventure professionnelle, avec notamment sa nomination récente au Deutsches Symphonie-Orchester de Berlin, pour laquelle le Conseil d’Administration lui adresse ses plus vives félicitations.Cette nouvelle étape constitue une suite logique et remarquable dans le développement de sa carrière de chef d’orchestre.

 

L’OPMC et Kazuki YAMADA

Depuis sa nomination à la tête de l’OPMC en 2016, Kazuki Yamada (photo ci dessus © Sasha Gusov) s’est pleinement investi dans la vie culturelle monégasque. Par sa présence régulière et son implication dans les activités de l’Orchestre, mais également aux côtés des principales institutions de la Principauté, notamment les Ballets de Monte-Carlo, l’Opéra de Monte-Carlo et le Festival Printemps des Arts de Monte-Carlo, il a grandement participé à l’excellence de l’offre culturelle monégasque.
Kazuki Yamada a également contribué au rayonnement artistique international de la Principauté en dirigeant l’orchestre dans des lieux emblématiques tels que la Philharmonie de Paris, le Festival de Salzbourg, le Concertgebouw d’Amsterdam et au Japon en 2024, pour une tournée triomphale dans son pays natal. Sous son impulsion, l’OPMC a également enrichi sa discographie avec plusieurs enregistrements, dont certains inédits, pour les labels OPMC Classics, Bru Zane Label, Warner Classics et Alpha, marquant ainsi d’une empreinte durable son travail à la tête de l’OPMC.
Le Conseil d’Administration exprime sa reconnaissance à Maître Kazuki Yamada pour la qualité de son engagement et son exigence artistique. La solide relation professionnelle et amicale qui s’est nouée durant cette décennie avec les musiciens, l’équipe administrative et technique, mais également le public, se poursuivra tout au long de la saison 2025-2026, et bien au-delà. À un an de cette nouvelle page de son histoire longue de près de 170 ans, le Conseil d’Administration sous la présidence de S.A.R. la Princesse de Hanovre a d’ores et déjà lancé un processus de recrutement afin de désigner son/sa futur(e) Directeur(ice) Artistique, convaincu que cette nouvelle étape permettra à l’OPMC de poursuivre son développement, en restant fidèle à l’excellence apportée par Kazuki Yamada.

in english

Kazuki Yamada, Artistic and Musical Director of the Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, has recently informed the Conseil d’Administration, chaired by HRH the Princess of Hanover, of his wish not to seek renewal of his term beyond the end of his contract in August 2026. After nearly ten years of intense and fruitful collaboration, Kazuki Yamada has indeed chosen to embark on a new professional adventure, notably with his recent appointment to the Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, for which the Board extends its warmest congratulations. This new step represents a logical and remarkable continuation in the development of his conducting career.
Since his appointment as Director of the OPMC in 2016, Kazuki Yamada has been fully committed to Monaco’s cultural life. Through his regular presence and involvement in the Orchestra’s activities, as well as alongside the Principality’s major institutions, including the Ballets de Monte-Carlo, Opéra de Monte-Carlo, and Festival Printemps des Arts de Monte-Carlo, he has greatly contributed to the excellence of Monaco’s cultural offerings.
Kazuki Yamada has also contributed to the Principality’s international artistic influence by conducting the orchestra in iconic venues such as the Philharmonie de Paris, Salzburg Festival, Concertgebouw in Amsterdam, and in Japan in 2024, for a triumphant tour of his native country.
Under his leadership, the OPMC has also enriched its discography with several recordings, some of which have never been released before, for the OPMC Classics, Bru Zane Label, Warner Classics, and Alpha labels, thusleaving a lasting mark on his work at the helm of the OPMC.The Board expresses its gratitude to Maestro Kazuki Yamada for his commitment and artistic excellence. The strong professional and friendly relationship forged over the past decade with the musicians, theadministrative and technical staff, and the public will continue throughout the 2025-2026 season and well beyond.
One year into this new chapter in its nearly 170-year history, the Conseil d’Administration, chaired by HRH the Princess of Hanover, has already launched a recruitment process to appoint its future Artistic Director, convinced that this new phase will allow the Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo to continue its development while remaining faithful to the excellence brought by Kazuki Yamada.

 

 

VISITEZ le site de l’OPMC ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE CARLO :
https://opmc.mc/

 

 

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                                                   Crédit Photo : Grand portrait de Kazuki YAMADA (c) DR

 

 

CRITIQUE, danse. GENEVE, Grand-Théâtre, le 7 mai 2025. « Mirage ». Ballet du Grand-Théâtre de Genève / Damien Jalet & Kohei Nawa

Avec Mirage, présenté au Grand Théâtre de Genève (jusqu’au 11mai), Damien Jalet parachève une trilogie entamée en 2016 avec Vessel et prolongée la saison passée par Planet [wanderer] (nous y étions) – deux œuvres déjà marquées par une fascination pour les forces naturelles et leurs métamorphoses. Cette fois, toujours aux côtés du scénographe japonais Kohei Nawa, il plonge le spectateur dans un univers où l’humain se fond, se dissout et renaît au gré des éléments.

 

La terre : un désert d’ombres et de résonances

Dès l’ouverture, le plateau se transforme en un paysage minéral, modelé par une dune aux contours énigmatiques. Les danseurs, silhouettes fantomatiques, y tracent des chemins tantôt lents, tantôt frénétiques, comme mus par une force tellurique invisible. Leurs pas, scandés par des sons métalliques, résonnent en écho aux compositions électro-orchestrales de Thomas Bangalter – des basses profondes qui font vibrer la salle, sans jamais verser dans la brutalité gratuite. L’effet est hypnotique : les corps s’assemblent, se dispersent, tels des nomades égarés dans un mirage. La scène, baignée d’une lumière crépusculaire (signée Yukiko Yoshimoto), joue avec les reliefs et les ombres, créant une illusion optique où le réel et le fantasmé se confondent.

L’eau : un ballet organique d’une grâce bouleversante

Puis vient le tableau aquatique, moment d’une poésie rare. Assis en cercle, les interprètes déploient un langage chorégraphique fluide, leurs torses et bras ondulant comme des algues sous-marines. Les mains s’ouvrent en corolles, les corps s’enlacent en une slow-motion hypnotique, évoquant la danse des anémones sous la houle. Le brouillard, coulant comme un torrent, achève de noyer la scène dans une atmosphère liquide, presque mystique. Ce passage, d’une beauté à couper le souffle, rappelle la capacité de Jalet à transcender la danse pour toucher à l’universel.

L’air et le feu : une apothéose spectrale

L’ultime partie bascule dans le spirituel. Des duos lascifs, enveloppés d’une pluie de paillettes, évoquent des insectes phosphorescents, tandis que les éclairages sculptent des formes éphémères. Puis, l’image la plus forte : un mille-pattes humain, monstre onirique avançant en une procession cauchemardesque, avant que la scène ne soit engloutie sous un nuage rougeoyant. La disparition finale d’une danseuse, sublimée par un faisceau de lumière ascendant, clôt l’œuvre sur une note de dissolution cosmique.

Une prouesse technique au service du sublime

Si la performance physique semble moins acrobatique que dans Vessel, la maîtrise des danseurs – évoluant sur les pentes instables de la dune – reste impressionnante. Kohei Nawa et Yoshimoto signent une scénographie et des lumières d’une précision millimétrée, transformant chaque instant en tableau vivant. Mirage confirme Damien Jalet comme un alchimiste du mouvement, capable de mêler choc visuel et profondeur métaphysique. Le public, subjugué, réserve une ovation à cette œuvre qui, entre minimalisme et grand spectacle, redéfinit les frontières de la danse contemporaine. Une expérience totale, où le corps n’est plus qu’un vecteur des éléments – et le spectateur, un voyageur émerveillé !

 

 

 

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CRITIQUE, danse. GENEVE, Grand-Théâtre, le 7 mai 2025. « Mirage ». Ballet du Grand-Théâtre de Genève / Damien Jalet & Kohei Nawa. Crédit photographique © Rahi Revzani

 

 

VIDEO : Trailer de « Mirage » de Damien Jalet et Kohei Nawa au Grand-Théâtre de Genève.

 

CRITIQUE LIVRE événement. Jérôme BASTIANELLI : Edvard GRIEG (Actes Sud)

La trajectoire du compositeur norvégien EDVARD GRIEG (originaire de Bergen, né le 15 juin 1843) relève de l’épopée romanesque à la mesure de celui qui fut son modèle et le révélateur de sa vocation auprès de ses parents, l’illustre violoniste Ole Bull surnommé « le Paganini du Nord » (lui aussi né à Bergen et de 30 ans son ainé) : c’est lui qui décelant le tempérament artistique du jeune Edvard, convainc le père (bon pianiste) d’encourager absolument ses dons pour la musique et la composition (1858). Sensibilisé aussi par sa mère (pianiste et chanteuse), le jeune Edvard ira donc apprendre le métier au Conservatoire de Leipzig… avant celui de Copenhague où il fréquente Niels Gade et J.P.E Hartmann…

 

 

 

Parmi les auteurs du romantisme tardif, entre sa Scandinavie natale et les auteurs germaniques vénérés, Grieg se démarque cependant de ses nombreux confrères, par son tempérament singulier, unique, puissant et personnel que l’auteur-biographe, Jérôme Bastianelli, sait préciser page après page.
Ce n’est pas un hasard si Maurice Ravel avoue que pas une partition qu’il a écrite, n’est étrangère à l’influence de … Grieg (les 2 hommes se rencontrèrent à Paris en 1894 quand le jeune compositeur français put recueillir de Grieg lui-même, de précieuses et justes appréciations pour jouer correctement l’une des Danses norvégiennes). Sublime hommage pour le contemporain de Brahms et de Tchaikovski (qu’il a cotoyé simultanément lors d’un souper demeuré fameux… à Leipzig le 1er janvier 1888) ; estime majeure et bienvenue aussi pour l’auteur de Peer Gynt (sa partition la plus célèbre, inspirée de la pièce d’Ibsen, achevée l’année de la création de Carmen, en 1875) dont bon nombre de français ont boudé la valeur, s’entêtant à diminuer le génie (il faut en effet lire ce qu’écrivent Pierre Lalo ou surtout Debussy, vachard et aigre, concernant les œuvres de Grieg lors d’un concert à Paris en 1903…), ainsi sur son style provincial, folklorique, « vulgaire » (!). Aucun français ou si peu (dont le pertinent Fauré, à l’image du jeune Ravel comme de Bartok aussi) comprirent l’originalité poétique de Grieg, mesurèrent comment sa musique magicienne effaça en réalité la nature satirique de la pièce d’Ibsen, grinçante voire caricaturale et si critique vis à vis des norvégiens (Peer Gynt est un antihéros et l’amour que lui porte Solveig demeure une énigme…).

Le biographe dont le lecteur assidu ou éclairé de la collection édité par Actes Sud a précédemment lu ses biographies dédiées à Tchaïkovski, Bizet, Mendelssohn et Federico Monpou, retrouve cet esprit de synthèse, pourtant riche en développements pertinents sur les partitions majeures.

En 13 chapitres, Grieg, fascinant et inclassable surgit ainsi dans la sincérité de son génie personnel : l’alchimiste qui décrypte les mouvements inspirants de la divine nature ; le barde et le poète qui à l’image du finlandais Sibelius en son refuge d’Ainola, s’établit au cœur du motif naturel, dans sa maison « Troldhaugen », non loin de Bergen (avec son épouse Nina) dont la construction s’acheva en 1885. Il est fait mention – épisode insoupçonnée, de ses écarts extraconjugaux (dont une idylle avec la jeune peintre « Leis », en 1882…) … L’œuvre est abordée en clarté et dans la chronologie, depuis ses premières partitions significatives (Pièces lyriques pour piano seul…) jusqu’aux Danses Symphoniques, si peu connues et pourtant d’un authentique souffle orchestrale hors normes, sans omettre, sa musique de chambre (dont les 2 Quatuors), le fameux et immédiatement célébré Concerto pour piano et orchestre (1868) qui lui apporte succès et estime à l’échelle européenne.

En fin de texte, sont à savourer les incontournables et indispensables « annexes », compléments toujours très utiles à la compréhension de l’homme, son œuvre, leur contexte : les repères chronologiques majeurs, les éclairages de la discographique intitulée modestement « éléments discographiques » (lesquels entre autres indiquent les interprètes les mieux inspirés tels Bernstein et Guillaume Tourniaire, aux côtés de Esa-Pekka Salonen (pour Peer Gynt) ; Leif Ove Andsnes et Mariss Jansons pour le Concerto pour piano ; Neeme Järvi et l’Orchestre symphoniques de Gothenburg pour l’intégrale des pièces symphoniques… Biographie synthétique et indispensable.

 

 

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CRITIQUE livre événement : Jérôme Bastianelli : Edvard GRIEG. Editions Actes Sud, « Musiques ». 192 pages – ISBN : 978-2-330-20279-8. 2025. Plus d’infos sur le site de l’éditeur ACTES SUD : https://www.actes-sud.fr/edvard-grieg-0 CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2025

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STREAMING, documentaire, ARTE. les 150 ans de la création de CARMEN, naissance d’un mythe, Dim 1er juin 2025 sur ARTE.TV

L’anniversaire Carmen dont la création à Paris eut lieu début mars 1875 quelques semaines avant la mort de son auteur, Georges Bizet, a suscité une nouvelle production, reconstituant décors et costumes originels… À l’occasion du 150e anniversaire de sa création à l’Opéra-Comique, ARTE diffuse une passionnante exploration du chef-d’œuvre de Bizet, de sa genèse à ses relectures contemporaines, intitulée : « Carmen, naissance d’un mythe« .

 

 

 

Créé il y a 150 ans, c’est, de loin, l’opéra français le plus joué au monde. Et avec Tosca, le plus représenté. Son héroïne, CARMEN, offre un portrait fascinant : femme indépendante, frondeuse et passionnée, elle est devenue l’icône à la fois sauvage et ardente, de la liberté et de l’amour ; la figure est propice aux relectures les plus modernes. La partition de Bizet aux airs génialement orchestrés est connue sur tous les continents… Pourtant, Carmen, jugé trop inconvenant par le public bourgeois de l’Opéra-Comique, a reçu un accueil glacial le soir de sa première parisienne, le 3 mars 1875. Brisé par le scandale, son auteur mourra trois mois plus tard, d’épuisement, de découragement, de dépit, à seulement 36 ans, sans connaître le destin de son ultime chef-d’œuvre, qui s’apprêtait déjà à triompher sur les scènes européennes.

ROMANESQUE
Le docu diffusé par Arte propose un passionnant voyage musical : de sa genèse à ses innombrables interprétations contemporaines, il plonge dans l’histoire, follement romanesque, d’un monument absolu de l’opéra. Entre archives, extraits de ses plus belles représentations, intervenants multiples (historiens, chercheurs, chanteurs, metteurs en scènes, musiciens…) Carmen se dévoilent peu à peu ; à travers les nombreuses analyses qui témoignent de sa grande modernité, dans sa forme comme dans son propos. Le musicologue Hervé Lacombe évoque l’importance de Célestine Galli-Marié, première interprète du rôle-titre, sans qui la célébrissime habanera (« L’amour est un oiseau rebelle ») n’aurait jamais vu le jour ; le chef Louis Langrée, directeur de l’Opéra-Comique, commente la partition ; les chanteurs Elina Garanca et Roberto Alagna, qui ont incarné ensemble d’inoubliables Carmen et Don José, évoquent les 1001 nuances des rôles conçus par Bizet. Enfin, la sociologue Margot Giacinti offre un regard politique sur une héroïne, résolument féministe et libertaire, dont la fin tragique porte, dans ses transpositions modernes les plus récentes, une dénonciation des mécanismes féminicides.

Carmen, naissance d’un mythe – Réalisation : Jean Rousselot
Coproduction ARTE France, Andaman Films, Théâtre National de l’Opéra-Comique et le Centre Européen de Musique
(2025 – 52 min)

 

 

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VOIR sur ARTE.TV : « Carmen, naissance d’un mythe », documentaire inédit à l’occasion des 150 ans de sa création par Georges Bizet – Dimanche 8 juin à 18h sur la chaîne ARTE – Dès le 1er juin sur arte.tv :
https://www.arte.tv/fr/search/?q=carmen&genre=concerts

 

 

 

 

compléments en streaming

ARTE diffuse aussi deux autres programmes complétant le documentaire CARMEN, naissance d’un mythe…

 

 

GRACE BUMBRY, SUBLIME CARMEN NOIRE – Les grands moments de la musique à 18h55 et sur arte.tv du 7 juin 2025 au 7 juillet 2025
VOIR la soprano Grace BUMBRY chante Carmen : https://arte-magazine.arte.tv/programme/65286/274292

D’abord mezzo-soprano puis soprano, l’Américaine Grace Bumbry entre dans l’histoire en 1961 en endossant à Bayreuth le rôle de Vénus dans Tannhäuser de Wagner, devenant la première cantatrice noire à se produire sur la Colline verte. Quelques années plus tard, le chef d’orchestre Herbert von Karajan lui confie le rôle-titre de Carmen de Bizet au Festival de Salzbourg. Le maestro autrichien commence alors à porter à l’écran les opéras qu’il dirige, et cette production est retenue pour être tournée en studio. Devant les images mythiques de ce film, le ténor David Lee Brewer, que la soprano américaine – décédée en 2023 à l’âge de 86 ans – a adopté à l’âge adulte, et les chanteuses Felicia Weathers, Anna Tomowa-Sintow et Eliza Baleanu précisent la Carmen inoubliable de la diva Grace Bumbry.

 

 

 

 

CARMEN PAR ANDREAS HOMOKI – Mise en scène de Andreas Homoki filmé à l’Opéra-Comique, le 8 juin 2025 à 0.00 et sur arte.tv jusqu’au 01 septembre 2025
VOIR Carmen mise en scène par Andreas Homoki (PARIS, avril 2023) : https://arte-magazine.arte.tv/programme/62678/274296

Robes à frou-frou et chapeaux fleuris pour les dames, redingotes et hauts-de-forme pour les hommes : un public à l’humeur joyeuse se prépare à assister à la première de Carmen ce 3 mars 1875, ici reconstituée sur scène. Ces messieurs devisent lorsqu’une inconnue surgit. Inquiète, la sage jeune fille cherche Don José, son fiancé, brigadier à Séville : c’est Micaëla, sa promise. Alors qu’il assiste à la sortie de remuantes Andalouses de la manufacture de tabac voisine, celles-ci se moquent à l’unisson des fumeux serments de leurs courtisans. L’une des cigarières, Carmen, sirène latine irrésistible, est convoitée par tous les hommes alentour. Repérant parmi tous, Don José, elle s’en approche, avant de disparaître en lui lançant la fleur rouge piquée dans sa chevelure… le sortilège amoureux est à l’œuvre et Don José chante la possession soudaine dont il est victime : « la fleur que tu m’avais jetée… »
Frondeuse héroïne
L’opéra français le plus joué au monde a fait en 2023 son retour sur la scène de l’Opéra Comique qui l’a vu naître en 1875. S’emparant du tragique destin de la belle bohémienne et du brigadier Don José, le metteur en scène allemand Andreas Homoki transporte la partition dans trois époques : celle du scandale qui accompagna sa création (1875), celle de l’Occupation (1940), période troublée qui coïncide avec l’entrée dans la clandestinité des deux amants, puis la nôtre, où la farouche liberté d’aimer revendiquée par la frondeuse héroïne fait écho au mouvement #MeToo. Sous la direction de Louis Langrée, la production offre un splendide écrin à la soprano kosovare Elbenita Kajtazi (acclamée en Micaëla) et à la mezzo-soprano passionnée, volontaire de Gaëlle Arquez.

 

CARMEN à l’Opéra Comique, avril 2023 – Opéra-comique en quatre actes de Georges Bizet (France, 2023, 2h45mn) – Direction musicale : Louis Langrée – Mise en scène : Andreas Homoki – Avec : Gaëlle Arquez, Frédéric Antoun, Elbenita Kajtazi, Jean-Fernand Setti, Norma Nahoun, Aliénor Feix, François Lis, Chœur Accentus, Maîtrise populaire de l’Opéra Comique, Orchestre des Champs-Élysées – Réalisation : François Roussillon, en collaboration avec Frédéric Savoir – Coproduction : ARTE France, TV5 Monde, Opéra Comique, François Roussillon et Associés – Enregistré le 26/04/2023 à l’Opéra Comique

 

 

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CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, Opéra Berlioz, le 6 mai 2025. LEIVISKÄ / SIBELIUS / DE FALLA. ONMO, Liya Petrova (violon), Michael Schonwandt (direction)

Quelle soirée envoûtante que ce mardi 6 mai à l’Opéra Berlioz de Montpellier ! Sous le titre évocateur Aurore boréale et ibérique, le programme nous a offert un voyage musical entre les brumes finlandaises et le soleil espagnol, porté par l’Orchestre National de Montpellier Occitanie et son ancien directeur musical, le charismatique Michael Schønwandt. Retrouver ce chef à la tête de son orchestre après huit années de collaboration fut un moment émouvant, et l’alchimie entre eux était palpable dès les premières notes.

La soirée s’est ouverte avec la Sinfonia brevis opus 30 de la compositrice finlandaise Toivo Leiviskä (1902-1982) dont la musique, encore trop rare en France, a immédiatement captivé le public. Les nuances délicates et les harmonies envoûtantes ont planté le décor d’une nature nordique, entre mystère et grandeur. Michael Schonwandt a su en révéler toute la poésie, avec des cordes soyeuses et des bois d’une expressivité remarquable. Puis vint le moment tant attendu : le Concerto pour violon en ré mineur de Jean Sibelius, interprété par la prodigieuse Liya Petrova (entendue à Strasbourg dans celui de Mendelssohn en février dernier). Dès les premières mesures, la violoniste bulgare a emporté la salle dans un tourbillon d’émotions. Son jeu, à la fois puissant et subtil, a magnifié cette partition où se mêlent virtuosité étincelante (notamment dans un finale endiablé) et lyrisme poignant (l’Adagio, d’une beauté à couper le souffle). Petrova a capté toute la dualité de l’œuvre – entre rudesse des paysages finlandais et chaleur humaine – avec une maîtrise stupéfiante. Les dialogues avec l’orchestre étaient d’une complicité rare, Schønwandt soulignant chaque couleur, des pizzicati inquiétants aux envolées des cuivres. Devant l’enthousiasme du public, elle lui a offert deux bis, d’abord un morceau endiablé du virtuose italien de Pietro Rovelli (1793-1838), à qui a appartenu le « Guarneri del Gesu » sur lequel elle joue (!), puis une section de l’une des Partitas de Bach.

La seconde partie nous a transportés sous le soleil d’Andalousie avec Le Tricorne de Manuel de Falla. Ce ballet, inspiré d’une farce populaire, est un feu d’artifice de rythmes et de couleurs. L’orchestre montpelliérain s’est livré à une interprétation pleine de verve, restituant à merveille l’humour piquant de l’intrigue (jalousie, quiproquos et tromperie !). Les percussions étincelantes, les guitares imaginaires dans les cordes, et les interventions des bois (hautbois et basson particulièrement expressifs) ont fait danser la salle. Le finale, avec ses jotas enflammées, a soulevé un tonnerre d’applaudissements !

 

 

 

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CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, Opéra Berlioz, le 6 mai 2025. LEIVISKÄ / SIBELIUS / DE FALLA. ONMO, Liya Petrova (violon), Michael Schonwandt (direction). Crédit photographique (c) OONM

 

 

VIDEO : Liya Petrova interprète le 1er mouvement du Concerto pour violon de Sibelius

 

PARIS, La Scala. Récital de Philippe Mouratoglou, guitare, lundi 2 juin 2025 : «  le voyage d’Alan » (avec Emmanuel Guibert, dessinateur)

Deux amis célèbrent la mémoire et le goût artistique d’un troisième, absent, disparu depuis quelques années. Le guitariste Philippe Mouratoglou et le dessinateur Emmanuel Guibert proposent une soirée en forme de parcours pour évoquer la mémoire d’Alan Cope en musique : « La musique d’Alan » évoque un mélomane passionné aux goûts très éclectiques.

 

Alors qu’il est en vacances sur l’Ile de Ré en juin 1994, le dessinateur Emmanuel Guibert rencontre Alan Ingram Cope, retraité américain, vétéran de la Seconde Guerre mondiale (débarqué en Normandie en 1945, à l’âge de vingt ans). Une amitié naît immédiatement entre eux, jusqu’à la disparition de l’ancien soldat en 1999.
Emmanuel Guibert a mis en scène les épisodes de la vie d’Alan Cope dans un roman graphique dont cinq volumes sont déjà parus. Le guitariste Philippe Mouratoglou offre à Alan un plaisir posthume en jouant les airs qu’il aimait : Manuel de Falla, Heitor Villa-Lobos, Niccolo Paganini, Bob Dylan, Woody Guthrie…

 

Il joint également sa voix à celle d’Emmanuel Guibert pour chanter plusieurs morceaux extraits de ce répertoire. Emmanuel Guibert est le dessinateur attitré du label Vision Fugitive, fondé par le guitariste Philippe Mouratoglou : www. visionfugitive.fr .
Leur dernier album conçu à 2 voix, à 2 coeurs a été distingué par le CLIC de CLASSIQUENEWS : «  LA BELLEZZA » / mars 2024 : https://www.classiquenews.com/critique-cd-evenement-la-bellezza-philippe-mouratoglou-guitare-francesco-da-milano-guilio-regondi-mario-castelnuevo-tedesco-nuccio-dangelo-1cd-vision-fugitive/

 

 

 

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PARIS, La Scala
Le Voyage d’Alan
Emmanuel Guibert, dessins
Philippe Mouratoglou, guitare
lundi 2 juin 2025, 20h30

 

 

RÉSERVEZ VOS PLACES directement sur le site de LA SCALA PARIS :
https://lascala-paris.fr/programmation/la-musique-d-alan/

 

 

distribution
Philippe Mouratoglou, guitares
Bruno Chevillon, contrebasse
Ramon Lopez, batterie

Tous les spectacles et concerts sont disponibles au pass culture individuel et collectif

 

 

 

PLUS D’INFOS sur le site de Philippe MOURATOGLOU : https://www.philippe-mouratoglou.com/fr/discographie/la-musique-d-alan/14

 

 

 

 

précédent cd de Philippe Mouratoglou

autre cd de Philippe MOURATOGLOU, critique sur CLASSIQUENEWS : Fernando SOR (avril 2019) :
https://www.classiquenews.com/cd-critique-fernando-sor-etudes-gradn-solo-le-clame-andante-largo-philippe-mouratoglou-guitare-solo-1-cd-vision-fugitive/

OPÉRA ROYAL DE VERSAILLES. RAMEAU : Les Fêtes de Ramire, jeu 22 mai 2025. Apolline Raï-Westphal, David Tricou… La Chapelle Harmonique, Valentin Tournet

Récemment le festival d’Aix (2024) a réalisé une reconstruction plus ou moins réussie du fameux Samson opéra envisagé à deux, mais jamais abouti… Voltaire et Rameau demeurent les plus grands auteurs du règne de Louis XV… période faste où se précisent les valeurs propres à l’esprit des Lumières… Ils avaient déjà collaboré pour La Princesse de Navarre, créée au début de l’année 1745.

 

La cour leur demande de remanier cette fastueuse comédie-ballet pour en faire un ballet en un acte, mais les deux hommes n’ont pas le temps – ils préparent Le Temple de la Gloire – et confient ainsi, la finalisation de l’adaptation à Jean-Jacques Rousseau. « Vous réunissez, monsieur, deux talents qui ont toujours été séparés jusqu’à présent », lui écrit Voltaire. « Voilà déjà deux bonnes raisons pour moi de vous estimer et de chercher à vous aimer. » Leur célèbre brouille n’interviendra que plus tard.

Pour l’heure, Rousseau ajoute quelques récitatifs, quelques airs, que Rameau révisera ensuite. Le 22 décembre 1745, la cour découvre ainsi une nouvelle œuvre : « Les Fêtes de Ramire« , mettant en scène une princesse espagnole captive (Fatime) à qui l’un de ses geôliers (Ramire), probablement épris, offre de superbes divertissements. Une œuvre à laquelle ont collaboré trois des plus brillants esprits du XVIIIe siècle.

 

 

 

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Opéra Royal de Versailles
Rameau : Les Fêtes de Ramire
Jeudi 22 mai 2025, 20h
Durée : 1h10 sans entracte
RÉSERVEZ VOS PLACES directement sur le site du Château de Versailles Spectacles / Opéra Royal :
https://www.operaroyal-versailles.fr/event/rameau-les-fetes-de-ramire/
Acte de ballet sur un livret de Voltaire, créé à Versailles en 1745.
Spectacle en français surtitré en français et en anglais

« 15 minutes avec »

Jeudi 22 mai à 19h30, partagez un moment d’échange exclusif avec un ou plusieurs artistes du spectacle (sous réserve) – Sur présentation de votre billet pour le soir-même et dans la limite des places disponibles.

 

 

Distribution

Apolline Raï-Westphal : Fatime
Marie Théoleyre : Isbé, Première Grâce
David Tricou : Ramire, Premier Guerrier
Laurent Naouri : Un devin, deuxième Guerrier, deuxième suivant de Ramire
Jehanne Amzal : Deuxième Grâce, première suivante de Ramire
Eva Zaïcik : Troisième Grâce

La Chapelle Harmonique
(Choeur et orchestre)
Valentin Tournier, direction

 

 

Coproduction Opéra Royal / Château de Versailles Spectacles, La Chapelle Harmonique.
ENREGISTREMENT … Ce programme sera enregistré en CD à paraître au label Château de Versailles Spectacles.

 

 

approfondir

SAMSON de Rameau par Pygmalion / Festival Aix en Provence 2024 : https://www.classiquenews.com/livre-stream-opera-arte-tv-ven-12-juillet-2024-21h30-samson-de-rameau-depuis-le-festival-daix-en-provence/

 

LIVE STREAMING, opéra. ARTE TV, vendredi 12 juillet 2024 : 21h30. SAMSON de RAMEAU, depuis le festival d’Art lyrique d’Aix en Provence.

 

 

 

 

Le Temple de la Gloire de Rameau par Nicholas McGegan, 2017 : https://www.classiquenews.com/cd-critique-rameau-le-temple-de-la-gloire-mcgegan-berkeley-2017-2-cd-philharmonia-baroque-orchestra/

CD, critique. RAMEAU : Le Temple de la Gloire (McGegan, Berkeley, 2017 – 2 cd Philharmonia Baroque Orchestra)

 

CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie de Paris, le 30 avril 2025. HAENDEL : La Resurrezione. A. Vieira Leite, J. Roset, L. Richardot, C. Auvity, C. Purves. Les Arts Florissants, Paul Agnew (direction)

À la suite des festivités pascales, Les Arts Florissants ont donné un oratorio de jeunesse de Georg Friedrich Haendel, La Resurrezione, avec un plateau de choix. Le concert avait été préalablement donné à la cathédrale de Luçon, dans le cadre du festival de Printemps des Arts Florissants dans la région vendéenne. 

 

Cet oratorio fut commandé en 1708 par le marquis romain Francesco Maria Ruspoli pour être représenté le jour de Pâques. Il est donc stylistiquement plus proche de la musique d’Alessandro Scarlatti (a qui Ruspoli avait commandé un autre oratorio à l’occasion des mêmes festivités) ou Arcangelo Corelli qui tenait d’ailleurs le premier violon lors de la création de La Résurrection comme dans les oratorios de la fin de la vie de Haendel comme Le Messie.  

L’ouverture est extrêmement virtuose, à la manière d’un concerto grosso où de nombreux instruments solistes comme le premier violon, les hautbois, trompettes et même un viole de Gambe magnifiquement tenu par Myriam Rignol répondent au tutti de l’orchestre. Les solistes des Arts florissants sont au niveau que l’on attend de cet ensemble. Le franco-italien Emmanuel Resche Caserta, éminent spécialiste du violon romain et napolitain tient avec brio la place de Corelli. La direction de Paul Agnew est claire, précise et sage. On sent parfois cet orchestre exceptionnel le dépasser un peu quand ce n’est pas lui qui donne un tempo pressé. 

La première scène est un dialogue entre un ange, la délicieuse Julie Roset, et Lucifer interprété par Christopher Purves vêtu d’un élégant kilt de concert. Julie Roset est charmante, la voix agile claire et légère mais dépasse difficilement l’orchestre derrière lequel elle se trouve. Christopher Purves fait lui preuve d’une grande théâtralité, adaptée au rôle. Malgré une diction parfaite, la voix se fait légèrement fatiguée, ce qui ne nuit pas au rôle et au spectacle. Anna Vieira Leite interprète très sagement le rôle de Marie Madeleine. Si tout est beau dans la voix, le registre des dynamiques dont on la sait capable n’est pas pleinement exploité, et nous le regrettons. Cyril Auvity interprète Saint Jean l’Evangéliste avec beaucoup de sensibilité, à la limite de l’excès. Enfin, Lucile Richardot est magnifique, déchirante, tout simplement parfaite. Un exemple de compréhension de son texte au-delà d’une diction magistrale, la voix est pleine de couleurs diverses, de nuances et de chaleur. Nous avons été marqués par son premier air « Piangete, piangete »

Une soirée qui fut fort agréable dans l’ensemble – malgré quelques points d’inégalités !

 

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie de Paris, le 30 avril 2025. HAENDEL : La Resurrezione. A. Vieira Leite, J. Roset, L. Richardot, C. Auvity, C. Purves. Les Arts Florissants, Paul Agnew (direction). Crédit photographique © Droits réservés

 

 

ONPL ORCHESTRE NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE. MAHLER : Symphonie n°1 « TITAN ». NANTES, le 4 puis ANGERS, le 5 juin 2025. KORNGOLD : Concerto pour violon (Blake Pouliot), Sascha Goetzel (direction)…

Pour ce concert symphonique spectaculaire, l’ONPL ORCHESTRE NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE invite le violoniste Blake Pouliot pour exprimer la fougue et les flamboiements du très célèbre Concerto pour violon d’Erich Wolfgang Korngold, composé en 1945. La partition a été conçue d’après plusieurs extraits des musiques de films que le compositeur exilé conçut pour la Warner (Le Songe d’une nuit d’été, Captain Blood, Beaucoup de bruit pour rien, Robin des bois ; Anthony Adverse pour la Romance de l’Andante ; enfin La Tornade / Another Dawn pour le mélodie principale).

 

 

 

Avec ses sonorités luxuriantes et ses mélodies expressives, cette partition hollywoodienne a conquis rapidement un large public. Le jeune Korngold (9 ans) doit à Mahler d’être reconnu tel un génie précoce dès 1906 à Vienne, alors que Mahler était directeur de l’Opéra. Le Concerto de Korngold est créé par Jascha Heifetz et l’Orchestre de Saint-Louis en 1947.

Dans sa Première Symphonie (achevée en mars 1888), Gustav Mahler ne décrit pas les dieux antiques combattant leurs pères mais un homme pris dans les tourments d’une nation allemande en pleine mutation.
Le compositeur puise à diverses sources en particulier littéraires.  Le sous-titre en est évocateur : “Titan”, en référence au roman de Jean Paul, pseudonyme de l’écrivain Paul Richter (1763-1825). Puis Mahler intitule le mouvement lent “à la manière de Callot”. Les œuvres du graveur français ainsi que les Pièces fantasques de E.T.A Hoffmann ayant particulièrement aiguisé son imaginaire poétique et fantastique. Mahler évoqua encore “les Funérailles du chasseur”. Le second mouvement devint “Blumine”, rappelant ses débuts à l’époque de l’écriture de la musique de scène pour Der Trompeter von Säckingen. Blumine fut écarté puis utilisé ultérieurement dans le matériau de la Seconde Symphonie.
Il ne restait donc plus que quatre mouvements. Avec le temps, Mahler supprima tous les titres et commentaires, reconnaissant que la musique se suffisait à elle-même
Ce récit d’un héros ardent, combatif qui monte sur le trône revêt les épisodes d’une fresque musicale envoûtante, mêlant fanfares de cuivres, thèmes bohémiens, musique klezmer, et même, clin d’oeil au très enfantin « Frère Jacques », avant la conclusion triomphale.
Noire, comme possédée, jamais neutre ni lisse, l’écriture de Mahler surmonte les affres du le travail procréateur ; il souligne, échafaude, force le trait expressif jusqu’au laid, mais toujours dans le sens d’un acte sincère et puissamment personnel. Tout ce que ne pouvait alors comprendre les adeptes des symphonies de Brahms ou de Bruckner …

 

Plan de la Symphonie « Titan » :
1. Langsam, schleppend. Wie ein Naturlaut / Lentement, en traînant. Comme une voix de la Nature / Immer sehr gemächlich / Toujours très modéré (souvenirs d’enfance, chant du coucou extrait des Lieder eines fahrenden Gesellen, avec fanfare militaire et bruits de la rue). Des épisodes aux tonalités diverses se succèdent dans l’étrangeté…
2. Kräftig bewegt, doch nicht zu schnell / Très agité, mais pas trop vif.Trio. Recht gemächlich / Bien modéré. Plus suggestif encore : Mahler y déploie entêtante et secrète, une marche funèbre – Bruder Martin d’un côté du Rhin, Frère Jacques de l’autre côté du
fleuve … puis c’est une danse qui se déploie Feierlich und gemessen, ohne zu schleppen (Solennel et mesuré, sans traîner) à la fois fluide et parodique, avec rengaines de villages et bastringue d’une fête qui s’amplifie…
3. Feierlich und gemessen, ohne zu schleppen / Solennel et mesuré, sans traîner
4. Stürmisch bewegt / Tourmenté et agité : Mahler y déploie et conjure le flux d’énergie qui se libère, mène de l’enfer au paradis, soulignant in fine la victoire de la vie sur la fatalité et la mort.

 

Tout le génie et le style inimitable de Gustav Mahler sont déjà réunis dans la Symphonie n°1… un monument du répertoire pour un concert d’autant plus magistral, qu’il affiche aussi la création mondiale d’une partition spécialement écrite pour l’ONPL Orchestre National des Pays de la Loire (dont l’orchestration est identique à celle de la  Symphonie Titan de Mahler) : « LO(I)RE POUR ORCHESTRE » d’Aurélien Dumont. Le titre et son (i) exprime deux visages : hommage au fleuve (la Loire, et ses crues spectaculaires) et aussi aux traditions et cultures qui lui sont propres (lore), la partition inédite évoque la problématique de l’homme et de son environnement, une thématique chère au compositeur Aurélien Dumont qui tout en évoquant directement la sauvagerie fascinante du fleuve, cite directement un thème de l’Or du Rhin de Wagner pour suggérer la découverte de la Grotte Dragon de Béraire, qui est une cavité souterraine naturelle, révélée suite à une crue de la Loire, en 1856… Pour évoquer le monde aquatique, Aurélien Dumont utilise un instrument spécifique : le waterphone qui imite le chant des cétacés.

 

 

 

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Concert symphonique « TITANESQUE »
2 représentations événements
NANTES, Cité des Congrès
mer 4 juin 2025, 20h
ANGERS, Centre de Congrès
jeu 5 juin 2025, 20h
RÉSERVEZ VOS PLACES directement sur le site de l’ORCHESTRE NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE / ONPL :
https://onpl.fr/agenda/titanesque/
Durée : 1h45 avec entracte

 

 

Programme

Déroulé de l’événement
Aurélien Dumont | Lo(i)re, pour orchestre (création mondiale) – 6’

Erich Wolfgang Korngold
Concerto pour violon – 24’
Blake Pouliot, violon

– entracte –

Gustav Mahler
Symphonie n°1 « Titan » – 53’

ONPL / ORCHESTRE NATIONAL DES PAYS DE LA LOIRE
Sascha Goetzel, direction

 

Sascha Goetzel, directeur musical de l’ONPL Orchestre National des Pays de la Loire DR

 

 

 

TÉLÉCHARGEZ le programme complet du concert TITANESQUE / ONPL :

télécharger ici le programme complet du concert TITANESQUE :
file:///Users/pham/Downloads/titanesque.pdf

 

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(Portugal) ALMADA. 5ème Festival dos Capuchos : du 30 mai au 27 juin 2025. Orchestre Métropolitain de Lisbonne, Orchestre Musica Vitae, Dang Thai Son, Naghash Ensemble, Filipe Pinto-Ribeiro, Concerto Atlântico…

Pour sa cinquième édition consécutive depuis sa renaissance en 2021, et sous la direction artistique du pianiste Filipe Pinto-Ribeiro, le Festival dos Capuchos revient en 2025 avec le thème « Entre les Mondes« , une réflexion artistique sur l’interculturalité, la diversité et le dialogue entre différents univers – civilisationnels, temporels et spirituels – révélés par le langage universel de la musique.

 

Du 30 mai au 27 juin, la ville d’Almada redeviendra le théâtre de l’un des événements culturels les plus importants du Portugal, avec des concerts et des activités ayant lieu au Convento dos Capuchos, matrice spirituelle du Festival, ainsi que dans plusieurs espaces emblématiques de la ville : le Théâtre Municipal Joaquim Benite, l’Auditorium Fernando Lopes-Graça, et pour la première fois, le Parc da Paz, qui accueillera un concert symphonique en plein air.

Un des grands moments de cette édition sera la première au Portugal de l’Orchestre suédois Musica Vitae, dirigé par le célèbre violoniste autrichien Benjamin Schmid, qui se produira dans deux concerts : un programme d’ouverture avec des œuvres de Mozart et Tchaïkovski, et la première nationale de son projet Jazz Violin Concertos, fusionnant musique classique et improvisation jazz.

L’esprit “entre les mondes” se manifeste également avec le Naghash Ensemble d’Arménie, qui mêle musique sacrée médiévale arménienne et influences contemporaines et post-minimalistes, et avec le concert « L’Histoire du Tango », dirigé par Marcelo Nisinman, disciple de Piazzolla, en hommage au tango argentin.

Dans le domaine du piano, deux récitals d’exception : le légendaire pianiste vietnamien Dang Thai Son, lauréat du prestigieux Concours Chopin de Varsovie en 1980, avec un programme consacré à Chopin et Debussy, et le pianiste et directeur artistique du Festival Filipe Pinto-Ribeiro, avec un récital hommage à Franz Liszt, explorant la poétique du rêve et du virtuosité romantique.

La musique ancienne sera mise en valeur à travers deux programmes de grande importance historique : “La Musique de la Lyrique Camonienne”, par le Concerto Atlântico de Pedro Caldeira Cabral, célèbre les 500 ans de Camões ; et l’ensemble baroque Tra Noi présente “Telemann goes East”, un voyage musical entre le baroque allemand et les traditions populaires d’Europe de l’Est.

La musique contemporaine sera représentée par le programme “Boulez 100”, avec le clarinettiste Jérôme Comte, soliste de l’Ensemble Intercontemporain de Paris, dans un récital célébrant le centenaire de la naissance de Pierre Boulez, avec des œuvres de Berio, Donatoni, Grisey et Stravinsky. Autre moment fort : le concert “Nuit Transfigurée”, avec des solistes de l’Académie Barenboim-Said et de la West-Eastern Divan Orchestra, en hommage au grand chef et pianiste Daniel Barenboim, avec des œuvres de Brahms et Schönberg.

La scène portugaise sera représentée par des artistes et ensembles de référence tels que l’Orchestre Métropolitain de Lisbonne, dirigé par Pedro Neves, qui interprétera au Parc de la Paix la célèbre Symphonie “Du Nouveau Monde” de Dvořák, le DSCH – Schostakovich Ensemble, avec des œuvres de Schubert, Dvořák et une création mondiale du compositeur Sérgio Azevedo, le João Barradas Trio avec son nouveau projet Aperture, et le quintette 100 Caminhos, avec un concert-promenade au Couvent, l’une des nouveautés de cette édition.

Comme toujours, le Festival dos Capuchos est aussi un espace de réflexion et de dialogue. Les Conversations des Capuchos, avec la modération de Carlos Vaz Marques, précéderont les concerts et aborderont trois sujets : le centenaire de José Cardoso Pires, les 100 ans de la publication de “Le Procès” de Franz Kafka, et une réflexion sur le thème du Festival – Entre les Mondes.

Le programme comprend également des activités parallèles renforçant le lien entre musique, éducation, patrimoine et nature : les Préludes des Capuchos (conversations avant concert), la promenade dans le paysage protégé de la Falaise Fossile, la visite guidée du Couvent des Capuchos, et les Masterclasses des Capuchos, données par des professeurs des universités de Salzbourg, Oslo et Lucerne.

En 2025, le Festival inaugure aussi l’initiative Opéra pour Enfants, avec des représentations de l’opéra Bastien et Bastienne de Mozart, dans une production dirigée par António Wagner Diniz, spécialement conçue pour le jeune public des cycles maternel et primaire.

En résumé, une programmation d’excellence qui confirme le Festival dos Capuchos, sous la direction artistique de Filipe Pinto-Ribeiro, comme une référence incontournable sur la scène musicale portugaise et internationale.

 

Le programme détaillé du Festival est disponible sur : https://festivalcapuchos.com

 

photo : Filipe Pinto-Ribeiro (c) DR