jeudi 18 avril 2024

Compte rendu, opéra. Poitiers. CGR Castille en direct de Milan. Verdi : Giovanna d’Arco, opéra en un prologue et trois actes sur un livret de Temistocle Solera d’après le livre de Friedrich von Schiller «La pucelle d’Orléans». Anna Netrebko, Anna, Francesco Meli, Carlo VII, Devid Cecconi, Giacomo … Orchestra e coro alla Scala. Riccardo Chailly, direction. Mosche Leiser et Patrice Caurier, mise en scène; Agostino Cavalca, costumes; Christophe Forey, lumières; Christian Fenouillat, décors; Leah Hausman, chorégraphies; Etienne Guiol, vidéos.

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Avec l’abandon de sa collaboration avec le Royal Opera House de Londres, les cinémas CGR de la région-Poitou Charentes en général et de Poitiers en particulier n’ont plus de partenariat squ’avec les grandes scènes lyriques italiennes. C’est ainsi que nous avons pu voir hier en direct, l’ouverture de la saison lyrique de la plus prestigieuse d’entre elles : la Scala de Milan. Pour cette saison 2015 / 2016, La Scala présente un opéra très méconnu de Giuseppe Verdi (1813-1901) : Giovanna d’Arco. Pour cette œuvre, Verdi et son librettiste, Temistocle Solera, se sont inspirés du livre de Friedrich von Schiller «La pucelle d’Orléans». Absente de la scène milanaise depuis cent cinquante ans, Giovanna d’Arco y revient estampillée du label «nouvelle production». Dans le rôle-titre, la diva verdienne Anna Netrebko en très grande forme. Quant à la mise en scène, elle a été confiée à un duo français : Mosche Leiser et Patrice Caurier.

 

Anna Netrebko chante Giovanna d’Arco

La Scala ressuscite Giovanna d’Arco des cartons après … 150 ans d’absence à Milan

 

La mise en scène, justement, est quelque peu étrange. Se basant sur la faiblesse, réelle cependant, du livret les deux metteurs en scène ont placé l’action au XIXe siècle dans ce qui ressemble étrangement à un hôpital psychiatrique version bourgeoise. Dans cette optique nous ne quittons jamais vraiment la chambre de la jeune fille qui se prend pour Jeanne d’Arc. De temps en temps, le mur de fond bouge pour permettre au choeur ou aux solistes d’aller et venir sauf dans le premier acte où il est totalement ouvert juste après la victoire de Jeanne et de Charles. Ce qui sauve l’ensemble, ce sont les lumières superbes de Christophe Foret et les chorégraphies de Leah Hausman : la danse des démons lors du duo Carlo/Giovanna est une réussite malgré la crudité de la scène. Les derniers épisodes de l’opéra sont hors sujet. Quelle drôle d’idée de laisser Giovanna sur la scène pendant que son père commente l’ultime bataille dans laquelle elle trouve la mort en sauvant le roi de France. Quant à la mort de Giovanna, elle est un peu bizarre, voire totalement hors sujet. Comme on ne sait plus vraiment si on est sur le champs de bataille du XVe siècle ou dans un hôpital psychiatrique du XIXe siècle, les metteurs en scène font mourir Giovanna, en une scène de la folie de la jeune fille qui se prenait pour la pucelle. Quant aux costumes à part ceux de Giacomo, qui reste résolument au XIXe siècle et de Carlo qui est un peu trop doré détonnant ainsi sur la scène de la Scala, ils vont plutôt bien aux personnages. Dans un tel mélange d’époques et de styles, seul le choeur est bien servi avec des costumes XVe superbes.

 

 

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Vocalement en revanche, nous n’avons que des satisfactions. Anna Netrebko qui campe Giovanna est éclatante de santé. La voix est somptueuse et la soprano russe utilise son instrument avec une maîtrise quasi parfaite donnant à la jeune héroïne une puissance bienvenue. Si Netrebko a fait de grand progrès comme actrice, elle révèle cependant de sérieux soucis concernant la diction pas toujours très nette. Face à elle, Francesco Meli incarne un Carlo VII flamboyant. Si nous regrettons qu’il soit affublé d’un costume et d’un maquillage excessivement dorés, – trop de dorure tue la dorure-, la voix est chaleureuse, ronde, puissante ; la tessiture correspond parfaitement au rôle. Survolté le jeune ténor donne à Carlo un charisme très fort qui manquait cruellement au véritable Charles VII dans les premières années de son règne. Le cas de Devid Cecconi (Giacomo) est un peu particulier. Appelé par la Scala pour la pré-générale, la générale et l’ante-prima (réservée au jeune public) pour remplacer Carlos Alvarez souffrant qui se contentait de jouer, il a été rappelé en catastrophe pour remplacer son collègue atteint par une bronchite carabinée et interdit de scène juste avant la première par le médecin qui l’a ausculté. Dans ces circonstances, si particulières nous passerons rapidement sur une performance scénique très en-deça de celle de ses deux collègues survoltés par un public tout acquis à leur cause. Il faut quand même bien reconnaître que ce pauvre Giacomo n’est servi ni par la mise en scène ni par son costume XIXe. Vocalement en revanche, Cecconi n’a rien à envier à Alvarez, qu’il remplace très avantageusement, ni à ses partenaires. Et d’ailleurs le public a si bien compris la situation qu’il a acclamé le jeune baryton autant que les deux autres chanteurs. Saluons rapidement le Talbot très honorable de Dmitry Beloselskiy et la trop brève apparition de Michele Mauro (Delil). Dernier personnage de cette Giovanna d’Arco : le choeur de la Scala. Il a été parfaitement préparé par son chef que ce soit pour ses interventions hors scène, les plus difficiles, ou sur scène.

Dans la fosse c’est Riccardo Chailly qui prend en main l’orchestre de la Scala. Excellent musicien et fin connaisseur des opéras de Verdi, le chef, dont nous avions d’ailleurs salué le superbe concert d’ouverture du festival Verdi de Parme en 2013, prend ses musiciens en main avec une belle autorité. La direction de Chailly, qui inaugure ainsi ses prises de fonction comme nouveau directeur musicale de La Scala, est dynamique, juste, sans défaillance. Très attentif à ce qui se passe sur la scène, il veille à ne jamais couvrir ses chanteurs et les accompagne avec un soin tout particulier, ciselant chaque note, chaque phrase tel un magicien soignant ses tours.

Ainsi, nonobstant une mise en scène qui se trouve un peu entre la poire et le dessert, la nouvelle Giovanna d’Arco est musicalement superbe avec un trio complètement survolté. Le pari est d’autant plus grand que cet opéra de Verdi ne renait de ses cendres que depuis peu d’années. Notons aussi qu’il s’agit d’un retour important et très attendu étant donné que Giovanna d’Arco n’avait pas été donnée à la Scala de Milan depuis … 1865. Dans de telles conditions, nous aurions apprécié de voir une mise en scène plus sobre. Il y a néanmoins un vrai travail de réflexion, et nous aurions préféré qu’elle soit effectivement située à l’époque à laquelle se déroule l’histoire et non dans un obscur hôpital psychiatrique du XIXe siècle avec des allers-retours au XVe siècle qui ajoute de la confusion.

Compte rendu, l’opéra au cinéma. Poitiers, CGR Castille en direct de Milan. Giuseppe Verdi (1813-1901): Giovanna d’Arco, opéra en un prologue et trois actes sur un livret de Temistocle Solera d’après le livre de Friedrich von Schiller «La pucelle d’Orléans». Anna Netrebko, Anna; Francesco Meli, Carlo VII; Devid Cecconi, Giacomo; Dmitry Beloselskiy, Talbo;, Michele Mauro, Delil. Orchestra e coro alla Scala. Riccardo Chailly, direction. Mosche Leiser et Patrice Caurier, mise en scène; Agostino Cavalca, costume; Christophe Forey, lumières; Christian Fenouillat, décors; Leah Hausman, chorégraphies; Etienne Guiol, vidéos.

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