C’est assurément l’un des temps forts de la saison lyrique en cours au Grand Théâtre de Genève. Illustrant à merveille sa thématique générale « Jeux de pouvoirs », le nouvel opéra d’Hèctor Parra, aborde sans fard, la domination choquante des géants industriels dans certains pays, écrasant les intérêts de la nation…
Après La Clémence de Titus réalisée en streaming pendant la pandémie
voici aussi la deuxième incursion à l’opéra du plus connu des metteurs en scène suisses Milo Rau, lequel est d’autant mieux inspiré que la thématique des jeux politiques et de pouvoirs suscite de vastes questions.
Catastrophe humaine, écologique
au Congo…
Dans les anciennes colonies, il y a déséquilibre entre le pouvoir immense des société minières et la nation ; ainsi au Congo, l’industrie, soutenue par les politiques, soumet le peuple à ses lois commerciales…
L’opéra s’enracine dans l’actualité congolaise, dénonçant les conséquences que fait peser un géant industriel sur la population locale… Février 2019, en République démocratique du Congo, un camion-citerne transportant de l’acide percute un bus sur une route du Katanga, entre Lubumbashi et Kolwezi (région minière au sud). Non seulement la collision fait plus de vingt morts et de nombreux blessés…. mais l’acide (utilisé dans le traitement des minerais) s’écoule jusqu’à la rivière avoisinante au risque de polluer la ressource vitale pour les habitants, pour toute la faune et la flore locale… L’action évoque cette catastrophe causée par une multinationale suisse en RDC.
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JUSTICE, opéra de Hèctor Parra
Livret de Fiston Mwanza Mujila d’après un scénario de Milo Rau
Création mondiale
lundi 22, vendredi 26 janvier 2024 — 20h
mercredi 24 janvier 2024 — 19h
dimanche 28 janvier 2024 — 15h
Réservez vos places directement sur le site du Grand Théâtre de Genève :
https://www.gtg.ch/saison-23-24/justice/
Nouvelle production en coproduction avec le Festival Tangente St. Pölten
Chanté en français avec surtitres en français et anglais
Durée : approx. 1h40 sans entracte*
Déjà remarqué pour ses remarquables et puissantes adaptation de textes littéraires vers la forme opératique (cf Les Bienveillantes, d’après le roman de Jonathan Littel, Anvers 2019), Hèctor Parra signe à Genève, une œuvre chorale et élégiaque sur le destin d’un village, dont il fait un questionnement universel et une réflexion sur les forces du bien et du mal et les intérêts des uns contre ceux des autres. Entre ONG et multinationales, pouvoirs politiques et populations locales, les enjeux de pouvoir sacrifie volontiers la cause humaniste et écologique pour les profits les plus immédiats. L’écriture déploie sa riche texture à la mesure des violences barbares et des crimes perpétrés.
La terre des minerais est aussi celle des légendes ; c’est une danse macabre animée, ponctuée par les multiples sujets évoqués dans le livret de l’écrivain congolais Fiston Mwanza Mujila.
Du fait réel, le metteur en scène Milo Rau explore toutes les réalités les plus accablantes selon un format théâtral qui lui est propre, entre le genre du théâtre narratif et le tribunal. En 2015, Rau a ainsi réuni 60 témoins et experts dans la zone de la guerre civile congolaise pour son Tribunal du Congo, brillant et ambitieux théâtre politique.
La distribution réunie pour cette création genevoise est particulièrement prometteuse – elle aussi à la hauteur de l’événement : les spectateurs retrouvent le Zurichois Titus Engel, grand spécialiste de musique contemporaine, qui avait conduit avec brio la machine Einstein on the Beach (2019) ; ils découvriront le ténor étasunien Peter Tantsits, (qui avait déjà chanté le rôle de Max Aue dans Les Bienveillantes du même Parra) ; la légende Willard White, le contre-ténor congolais – originaire de Kolwezi – Serge Kakudji, connu, entre autres, pour son spectacle avec Alain Platel Coup fatal ; sans omettre la jeune et irradiante soprano française Axelle Fanyo (qui vient de réaliser sa première Tosca à Compiègne, en novembre 2023)
Citation
« Les routes qui mènent vers la vérité et l’honnêteté sont coupées par des inondations, crasses, croûtes de chiens, mensonges, délestages, mais pourquoi s’entêtait-il à croire en un monde possible ? Pourquoi s’efforçait-il de réduire l’humanité aux rêves et citations qu’il glanait sur ses paperasses ? Ça s’appelle lâcheté, peut-être même amnésie ou même le mélange des deux. Le monde est irrécupérable, dixit Requiem. «
Fiston Mwanza Mujila, Tram 83 (2014)
Auteur du livret de « Justice »
Distribution
Direction musicale : Titus Engel
Mise en scène : Milo Rau
Scénographie : Anton Lukas
Costumes : Cedric Mpaka
Lumières : Jürgen Kolb
Vidéos : Moritz von Dungern
Dramaturgie : Clara Pons
Direction des chœurs : Mark Biggins
Le Directeur : Peter Tantsits
Femme du Directeur : Idunnu Münch
Chauffard : Katarina Bradić
Prêtre : Willard White
Jeune Prêtre : Simon Shibambu
Garçon : Serge Kakudji
Voix : Lauren Michelle
Mère : Axelle Fanyo
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse Romande
avec la participation de Kojack Kossakamvwe
ENTRETIEN avec Hèctor PARRA à propos de « JUSTICE », son dernier opéra en création à partir du 22 janvier 2024, au Grand Théâtre de Genève