Un peu plus d’un an après avoir été étrennée à l’Opéra Grand Avignon fin 2023, puis présentée (en coproduction) dans les Opéras de Nice et de Toulon, la production de Rusalka d’Antonin Dvorak – dont l’univers aquatique est transposée dans une piscine d’entraînement de natation synchronisée par les iconoclastes Clarac & Deloeil > Le Lab – atteint une nouvelle fois les bords de la Méditerranée, à l‘Opéra de Marseille cette fois (pour trois représentations). Notre confrère Philippe-Alexandre Pham ayant largement et judicieusement commenté le spectacle lors de sa création avignonnaise, nous n’aurons pas grand-chose à rajouter, sinon féliciter encore les deux compères pour leurs “relectures” toujours sensibles et intelligentes des ouvrages qui leur sont confiés, à l’instar du génial Serse (haendélien) transposé dans un skateport l’an passé à l’Opéra de Rouen.
La distribution est entièrement renouvelée à Marseille, et l’on applaudira en premier lieu l’intense Rusalka de la soprano roumaine Cristina Pasaroiu. La beauté de sa voix et l’expressivité de son chant font du personnage bien davantage qu’une héroïne de conte de fées. La souplesse de son émission fait particulièrement merveille dans le haut médium et l’aigu, où elle envoûte littéralement les spectateurs. La richesse et la chaleur de son médium la rendent encore plus performante dans le bouleversant air initial du III que dans le célébrissime « Chant à la lune » du I. Plus puissant et percutant que jamais, le ténor ardéchois Sébastien Guèze (Le Prince) se marie idéalement avec les accents de sa partenaire, dont il épouse également la qualité des nuances. Triomphe mérité aussi pour le magistral Vodnik de la basse russe Mischa Scheliominaski, à la fois puissant, incisif, expressif et émouvant. De son côté, le trio des Nymphes (Mathilde Lemaire, Marie Kalinine, et Hagar Sharvit) se révèle d’une homogénéité parfaite, alors que la Jezibaba de Marion Lebègue ravit par ses aigus pleins d’aplomb, doublés de graves sonores. L’intense mezzo de Camille Schnoor, pour courte que soit sa partie, déploie la beauté vénéneuse de la Princesse étrangère, avec un médium moiré et riche, que couronnent quelques notes exposées au superbe éclat. Enfin, aux côtés du solide Garde forestier de Philippe-Nicolas Martin, la jeune Caroline Dutilleul séduit par la pure beauté vocale de son Marmiton.
En fosse, l’ancien directeur musical de la phalange maison, le chef américain Lawrence Foster, tire le meilleur d’un Orchestre Philharmonique de Marseille techniquement parfait. La performance est ovationnée au rideau final, au même titre que l’ensemble d’une distribution courageuse et méritante. Une ferveur qui salue à juste titre cet opéra miraculeux, qui tient à la fois du conte de fées et du conte philosophique.
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CRITIQUE, opéra. MARSEILLE, opéra municipal, le 16 février 2025. DVORAK : Rusalka. C. Pasaroiu, S. Guèze, M. Schelomianski, M. Lebègue… Clarac & Deloeil > Le Lab / Lawrence Foster. Toutes les photos © Christian Dresse
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La CRITIQUE de RUSALKA de DVORAK, à l’Opéra Grand Avignon en octobre 2023, par Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil : https://www.classiquenews.com/critique-opera-opera-grand-avignon-le-13-octobre-2023-dvorak-rusalka-ani-yorentz-sargsyan-jean-philippe-clarac-et-olivier-deloeuil-benjamin-pionnier/