C’était à prévoir, le trublion belge Tom Goossens – à qui l’on doit déjà de surprenants traitements de “Don Giovanni” et “Cosi fan tutte” – n’allait pas clore sa Trilogie mozartienne de manière plus académique… c’est à nouveau la surprise qu’il crée à l’Opera Ballet Vlaanderen, où ces “Noces” ont été données à Gand (en juin) avant d’arriver à Anvers en cette fin juin/début juillet.
Cela commence fort avec le mélanges des idiomes, Marcellina et Bartolo s’exprimant en néerlandais, tandis que la scène du procès (donnée dans la version révisée par Gustav Mahler) est délivrée en allemand ! Du côté de la scénographie, c’est un décor en kit qu’a imaginé le scénographe Sammy Van den Heuvel ; sur un plancher incliné sont soigneusement alignés des éléments de décors, qui une fenêtre, qui une trappe, par lesquels arrive ou s’engouffre tel ou tel protagoniste. Dans le 4ème acte, des carrés de verdure – jusque-là dissimulés – font jour, l’une des belles idées d’un spectacle trépidant, inventif, drôle, parfois même poétique.
Pour ce qui est du plateau vocal, le baryton britannique Bozidar Smiljanic campe un Figaro plein de finesse, tout en faisant preuve d’abattage et de prestance. Il possède un joli timbre de baryton-basse, manquant peut-être encore d’ampleur, mais se distinguant favorablement par son agilité et son excellente diction de la langue de Dante. La délicieuse soprano étasunienne Maeve Höglund s’avère une Susanna débordant de panache et de sensualité. Son timbre rond et fruité est idéal pour caractériser vocalement la soubrette espiègle et son grand air “Deh, vieni, non tardar” est admirablement délivré. Dans le rôle du Comte, le baryton canadien germano-turc Kartal Karagedik en impose scéniquement parlant, mais aussi vocalement avec sa voix particulièrement puissante. Elle sait cependant se faire également caressante dans ses tentatives de séduction de Susanna ainsi que dans son repentir final. La soprano néerlandaise Lenneke Ruiten (la Comtesse) convainc par les magnifiques piani du “Porgi amor” et du “Dove sono”, quasi murmurés. Ses dons d’actrice confèrent au personnage une authentique gravité.
Le Cherubino de la mezzo italienne Anna Pennnisis est irrésistible. L’actrice est littéralement diabolique dans sa composition d’adolescent assoiffé d’amour, obsédé, presque maniaque. Avec son timbre chaud et cuivré, son “Non so più” est vraiment haletant. L’actrice belge Eva Van der Gucht offre une Marcellina acariâtre à souhait (rôle ici non chanté), tandis que la jeune soprano italienne Elisa Soster n’a pas de mal à camper la fraîcheur de Barbarina. De bons éléments aussi du côté des comprimari masculins ; ainsi des truculents Bartolo et Antonio de Stefaan Degand (rôle confiés également à un acteur), et du parfait Don Basilio de Daniel Arnaldos.
Enfin, côté fosse, l’on relèvera tout d’abord la formidable prestation de l’Orchestre symphonique de l’Opéra Ballet des Flandres, répondant avec promptitude aux sollicitations de la jeune cheffe française Marie Jacquot. Sa direction conduit ses musiciens avec beaucoup de dynamisme et de sens théâtral, tout en restant discrète et attentive à toutes les inflexions des chanteurs. Bravo à ce jeune espoir féminin de la baguette !
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CRITIQUE, opéra. ANVERS, Opera Ballet Vlaanderen, le 4 juillet 2023. MOZART : Les Noces de Figaro. M. Höglund, B. Smiljanic, L. Ruiten, K. Karagedic… T. Goossens / M. Jacquot. Photos © Annemie Augustijns
VIDÉO : Trailer des “Noces de Figaro” à l’Opéra Ballet des Flandres