samedi 20 avril 2024

Compte rendu, opéra. Bordeaux. Opéra National de Bordeaux, le 27 mai 2014. Donizetti : Anna Bolena. Elza van der Heever, Keri Alkema, Sasha Cooke… Orchestre National Bordeaux Aquitaine. Leonardo Vordoni, direction. Marie-Louise Bischofberger, mise en scène.

A lire aussi

annabolena0Bordeaux, Opéra. Touchante Anna Bolena… Fin de saison lyrique belcantiste à l’Opéra National de Bordeaux avec la nouvelle production d’Anna Bolena de Donizetti, dans une mise en scène de Marie-Louise Bischofberger. La distribution réunit de jeunes chanteurs, plutôt investis, dont en première place la soprano Elza van der Heever dans le rôle-titre. L’Orchestre National Bordeaux Aquitaine est à son tour dirigé par le chef italien invité Leonardo Vordoni. Donizetti, grand improvisateur italien de l’époque romantique, compose Anna Bolena en 1830, à l’âge de 33 ans. L’opéra seria sur le livret de Felice Romani inspiré de l’histoire d’Anne Boleyn, Reine d’Angleterre, sinspire en réalité en fait de deux pièces de théâtre : l’Anna Bolena de Pepoli et l’Enrico VIII de Marie-Joseph de Chénier (dans une traduction italienne d’Ippolito Pindemonte). Comme souvent dans les opéras belcanto, le texte n’est que prétexte pour les envolées lyriques.

 

Beauté touchante d’un destin tragique 

L’histoire est celle d’Anne Boleyn, deuxième femme du Roi d’Angleterre Henri VIII, auparavant favorite du Roi. C’est grâce à leur mariage, après l’annulation du précédent avec Catherine d’Aragon, que le Royaume Uni réalise le schisme de l’Église d’Angleterre avec le Vatican. Sa fortune durera peu, puisqu’elle est condamnée à la guillotine et remplacée par l’une de ces dames de compagnie, Jeanne Seymour. Le succès glorieux de l’oeuvre dans toute l’Europe fait de Donizetti une véritable célébrité, il s’agît en effet de son premier opéra de maturité, qui, tout en étant moins personnel que Lucia di Lamermoor, demeure une tragédie lyrique flamboyante. La performance des interprètes s’inscrit ainsi parfaitement dans la nature de l’ouvrage. Ils ont tous un bel investissement qui est remarquable dès le début de la présentation. Le trio des femmes est extraordinaire.

Elza van der Heever dans le rôle-titre fait penser et fait songer à … Giuditta Pasta (cantatrice créatrice du rôle), par sa prestance sur scène, par la force dramatique de ces gestes, par l’humanité imposante et altière qu’elle dégage. C’est une Anna Bolena troublée, belle, appassionata, sincère. Elle déploie ses talents vocaux et théâtraux d’une façon captivante. Son duo avec Giovanna Seymour au deuxième acte : « Dal moi cor punita io sono » est un sommet dramatique et musical. La rivale Seymour est interprétée par Keri Alkema, soprano au chant plaisant et souvent dramatique. Sa complicité avec van der Heever est évidente, elle est d’ailleurs beaucoup plus touchante et mémorable dans ses échanges avec Anna Bolena qu’avec le Roi Enrico VIII. Avant d’aborder la performance des hommes, moins heureuse, remarquons également la fabuleuse prestation de la mezzo-soprano Sasha Cooke dans le rôle travesti de Smeaton, page et musicien de la Reine : belle agilité vocale tout à fait belcantiste et timbre corsé très séduisant. Sa prestation est un mélange de mélancolie et de bravoure, sans prétention : excellente.

Nous sommes plus partagés face aux solistes masculins. Le ténor Bruce Sledge dans le rôle de Percy fait de son mieux avec sa partie, d’une difficulté redoutable. Il reste pourtant affecté par une mise en scène plutôt superficielle et ne dépasse pas vraiment les difficultés du rôle. Matthew Rose dans le rôle du Roi Enrico VIII, réussit, lui, à captiver la salle. Certes, la musique est flatteuse pour sa voix sans être particulièrement sophistiquée ni difficile, mais c’est surtout au niveau dramatique où il excelle. Sa caractérisation du monarque a quelque chose de grossier, de rustique ; sa méchanceté ne laisse pas le public insensible.

Sur le plan artistique, les créations de l’Atelier de costumes de l’Opéra de Bordeaux sont ravissantes. Les habits sont d’inspiration historique et les matériaux paraissent très riches rehaussés par la noblesse des interprètes qui les portent. L’opéra étant axé sur les destins de ses personnages féminins, nous trouvons la mise en scène de Marie-Louise Bischofberger entièrement pertinente mais avec une grande réserve. Elle arrive à faire d’Enrico VIII un enragé crédible, et d’Anna Bolena, l’incarnation de la classe et de la véracité émotionnelle. Son travail est beau et efficace, mais paraît peu profond et manquant de caractère. L’Orchestre National Bordeaux Aquitaine est, quant à lui, en grande forme. Le chef Leonardo Vordoni offre une ouverture pleine de pompe et d’héroïsme. La partition est souvent martiale, parfois monotone. Si la direction aurait pu gagner en dynamisme, nous avons aimé cependant les nombreux effets spéciaux de la baguette de Vordoni, avec le frémissement des cordes, la candeur pétillante des bois, la sonorité idyllique de la harpe. Remarquons également la performance du Chœur de l’Opéra, très sollicité, dirigé avec intelligence par Alexander Martin.

Ouvrage extraordinaire à l’Opéra National de Bordeaux ! Il s’agît aussi presque d’un avant-goût des moments forts de la saison prochaine, qui se terminera aussi avec un bijoux du belcanto italien romantique, la Norma de Bellini, avec Elza van der Heever également dans le rôle-titre. Vous pouvez encore voir Anna Bolena de Donizetti à l’affiche les 2, 5 et 8 juin 2014.

Illustration : Elsa van den Heever, Anna Bolena à Bordeaux en 2014 © Frédéric Desmesure

 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE CD événement. JULIUS ASAL, piano : Scriabine / D Scarlatti (1 cd DG Deutsche Grammophon)

Voilà assurément un programme fascinant en ce qu’il est aussi bien composé qu’interprété. S’y distingue le tempérament intérieur, d’une...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img