CD, événement, annonce. HANDEL : Joyce DiDonato chante Agrippina de Handel (3 cd ERATO – mai 2019). Enregistrée en mai 2019, cette nouvelle lecture du premier chef d’œuvre absolu du jeune Haendel, alors finissant son tour d’Italie et établi à Venise (l’opéra Agrippina est créé au San Giovanni Grisostomo le 26 déc 1709), renouvelle notre connaissance de l’œuvre, un accomplissement pour le Saxon qui s’y montre fin connaisseur de l’opéra seria auquel il apporte sa science des mélodies suaves, de l’élégance et aussi de l’expressivité tragique et impérieuse (s’agissant du rôle d’Agrippine, la mère autoritaire du jeune Néron). Pour l’une et l’autre, la version éditée par Erato réunit un superbe couple, caractérisé, fin, impliqué, au verbe rageur : Joyce DiDonato en impériale dominatrice ; Franco Fagioli en Nerone, un rôle que le contre-ténor argentin incarne à merveille tant depuis son Eliogabalo de Cavalli (Palais Garnier, sep 2016 : lire notre compte rendu critique : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-paris-palais-garnier-le-16-septembre-2016-cavalli-eliogabalo-recreation-franco-fagioli-leonardo-garcia-alarcon-direction-musicale-thomas-jolly-mise-en-scene-2/ ), son timbre acide et velouté à la fois excelle à exprimer l’essence des princes efféminés, décadents… soumis à l’empire des sens, portraiturés avant Haendel par … Monteverdi (l’Incoronazione di Poppea).
En « fosse », Fagioli retrouve d’ailleurs, le pétaradant et très articulé Maxim Emelyanychev et son ensemble sur instruments d’époque, Il Pomo d’Oro : une phalange prête à en découdre pour exprimer tous les vertiges de la passion haendélienne… Contre-ténor, chef et instrumentistes avaient précédemment convaincu dans un Serse (1738), enregistré en 2017 pour DG : Lire ici notre critique du cd Serse par Franco Fagioli ( CLIC de CLASSIQUENEWS d’oct 2018 : http://www.classiquenews.com/cd-critique-handel-haendel-serse-1738-fagioli-genaux-emelyanychev-2017-3cd-deutsche-grammophon/ ).
Autour de ce couple promis à devenir légendaire, Erato regroupe un parterre idéal qui joue lui aussi sur la finesse des caractérisations de chaque profil : Elsa Benoit (suave et sobre Poppea), l’impeccable Narciso de Carlo Vistoli, comme l’Ottone de Jakub Jozef Orlinski, lequel ajoute son timbre acide et musical lui aussi pour cette prise en studio proche de l’idéal. Après Monteverdi au siècle précédent, et lui aussi phare de l’opéra vénitien, Haendel se hisse à la plus haute marche de l’inspiration d’après l’Antiquité romaine : le cynisme et la passion embrasent tout ; rien n’arrête l’ivresse des hauteurs et du pouvoir ; s’il deviennent fous et inhumains, tous les candidats tentés par la toute puissance s’emballent au delà de toute mesure ; chaque politique ici libéré, peut exprimer sa soif de puissance, de gloire, de séduction. Et au sommet de la partition s’inscrit en lettres d’or et chant souverain, l’air accompagnato, très développé, incisif, halluciné de la prima donna barocca, Joyce DiDonato, au I : » Pensieri, voi mi tormentate « (de plus de 6 mn : un air essentiel dans la partition), dans laquelle la mère qui manipule, est hantée par ses propres craintes que tous ses stratagèmes n’échouent à faire de son fils Nerone, l’empereur, successeur de Claude… Traversée par les spasmes et les visions d’une fragilité inconnue jusque là, l’ambitieuse semble mesurer tout ce qu’elle peut perdre et tout ce qu’elle engage dans cette course au pouvoir. La vipère en chef voudrait nous faire croire qu’elle est pauvre victime. Génial Haendel ! Par sa cohérence et le relief ciselé de chaque protagoniste de ce huis clos bien romain, s’impose dans la discographie. Grande critique à venir dans le mag cd dvd livres de CLASSIQUENEWS
CD, événement, annonce. HANDEL : Joyce DiDonato chante Agrippina de Handel (3 cd ERATO – mai 2019)
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