CRITIQUE, opéra. LYON, le16 déc 2022. L BERNSTEIN : Candide. Orchestre et Chœurs de l’opéra de Lyon, Wayne Marshall. Voltaire, terre à terre.
Pour sa création lyonnaise, Candide convainc vocalement, mais déçoit scéniquement. Une lecture aseptisée qui gomme l’ironie et le comique de l’œuvre, comme de l’œuvre-source.
Sur scène, un plateau vide, une longue rangée de chaises sur lesquelles viennent progressivement s’assoir les chœurs et la vingtaine de personnages de cette « comic operetta », un énorme globe en plastique, qui passera de cour à jardin, symbolisant, on suppose, la terre et les voyages des protagonistes, et un énorme banc blanc lumineux et coulissant dont on ne comprend pas très bien l’utilité. La chorégraphie minimaliste de Annie B. Parson peut séduire au premier abord, mais s’avère très vite répétitive et vide de sens, statique, d’un ennui mortifère et peine à convaincre d’un point de vue dramatique, malgré une machine à mousse, qui réveille, bien brièvement, le spectateur de sa torpeur. Photo : L Bernstein (DR)
Candide à l’Opéra de Lyon
Voltaire, terre à terre
mais remarquable Cunégonde de Sharleen Joynt
Metteur en scène et chorégraphe ont oublié qu’il s’agit d’une œuvre comique, qui déploie des trésors d’ironie et d’inventivité auxquels les spectateurs lyonnais n’ont pu guère goûter. L’absence totale de direction d’acteur, déjà rédhibitoire pour toute œuvre scénique, l’est encore plus s’agissant d’une intrigue où l’on est censé constamment voyager. La très brève note d’intention du metteur en scène Daniel Fisch ne nous dit strictement rien sur ses intentions, se bornant à nous prévenir que l’on ne verrait pas « de représentation littérale » des nombreux événements qui ponctuent le conte et sa transposition lyrique. Fisch se fiche de nous dans un texte aussi minimaliste que sa lecture de l’œuvre pourtant très riche dans sa texture musicale en partie parodique des formes anciennes et modernes (tango, valse, jazz, grand air d’opéra romantique).
Le plateau vocal sauve timidement cette vision austère et à contre-emploi. Dans le rôle-titre, Paul Appleby campe un Candide crédible, séduisant vocalement, notamment dans ses parties élégiaques aux accents mozartiens qui électrisa le public par sa longueur de souffle impressionnante. Remplaçant Andrea Caroll, la soprano Sharleen Joynt est une Cunégonde stupéfiante d’un bout à l’autre et met K.O. debout la salle dans son air virtuose « Glitter and be gay », dont les vocalises d’une fluidité remarquable sont en outre impeccablement projetées. Tichina Vaughn incarne une Vieille Dame crédible, par sa présence et un abattage idoine, là encore entravé par une direction d’acteur quasi inexistante. Irrésistible vocalement, Derek Walton prête son timbre somptueux à un Pangloss autoritaire mais dépouillé de sa fonction narratrice confiée à un récitant laconique qui n’exerce plus vraiment la fonction narratrice si importante dans l’économie de l’intrigue.
Les autres interprètes ne déméritent pas. En particulier Robert Lewis et Pete Thanapath, qui se partagent divers rôles, tandis que Thanswa Mpongwana, dans le rôle de Paquette et l’impeccable Sean Michael Plumb, dans celui de Maximilien, sont excellents, mais peinent à exister vraiment, tant la mise en scène désincarnée les en empêchent.
Dans la fosse, la direction magistrale de Wayne Marshall, qui connaît son Berstein par cœur, parvient à tirer le meilleur d’une partition roborative, constamment inventive, et prouve une fois de plus l’excellence de la phalange lyonnaise, dont le jeu, d’une précision entomologiste, ravit les oreilles à défaut de ravir les yeux. Le chœur, toujours excellemment préparé par Benedict Kearns, est en parfaite osmose avec les pupitres mêlés d’élégance et d’énergie de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon ; cela fait d’autant plus regretter le hiatus incommensurable entre la fosse, qui atteint des sommets, et la scène très terre à terre, sans charme, sans l’ironie de Voltaire que Bernstein avait su si bien captée.
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CRITIQUE, opéra. LYON, le16 déc 2022. L BERNSTEIN : Candide. Paul Appleby (Candide), Sharleen Joynt (Cunégonde), Derek Walton (Pangloss), Tichina Vaughn (La Vieille Dame), Peter Hoare (Le Gouverneur / Vanderdendur / Ragotzki), Sean Michael Plumb (Maximilien), Thandiswa Mpongwana (Paquette), Robert Lewis (Charles-Édouard Alchimiste / Le Capitaine / 1er Señor / 1er Inquisiteur), Pawel Trojak (Martin / Hermann-Auguste / Un escroc / Un ferrailleur / 2e Inquisiteur), Pete Thanapat (Tsar Ivan / Croupier / 2e señor / 3e Inquisiteur), Tigran Guirasgoyan (Le Sultan Ahmet), Antoine Saint-Espes (Un montreur d’ours / Stranislas), Paolo Stupenengo (Un docteur), Didier Roussel (Un marchand de cosmétiques), Daniel Fish (mise en scène), Annie B. Parson (Chorégraphie), Catherine Galasso (Collaboration à la chorégraphie), Andrew Lieberman, Perrine Villemur (décors), Terese Wadden (costumes), Éric Wurtz (lumières), Benedict Kearns (Chef des chœurs), Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon, Wayne Marshall (direction). Jusqu’au 1er janvier 2023 : https://www.opera-lyon.com/fr/programmation/saison-2022-2023/opera/candide
/ photos : DR
TEASER vidéo :
Candide de L Bernstein à l’Opéra de Lyon, déc 2022