La Dame de Pique, 1890
Opéra Bastille, Paris
7 représentations
Du 19 janvier au 6 février 2012
Dimitri Jurowski, direction
Lev Dodin, mise en scène
Vision fantastique, passion et même obsession pour le jeu, rage, vertige et aussi suicide, il ne manque rien à l’opéra de Tchaïkovski: La Dame de Pique redéfinit l’opéra romantique; d’après Pouchkine, composant même une trilogie pouchkinienne (qu’il clôt donc en 1890) avec Eugène Onéguine (1878) puis Mazeppa (1883), La Dame de Pique plonge au coeur des passions de l’âme: amour pur et éperdue de Lisa pour Hermann; quête aveugle et autodestructrice d’Hermann souhaitant dérober le secret de la botte magique détenu par La Comtesse… Comme dans Onéguine, Tchaïkovski lui-même si tourmenté se sent proche des inadaptés, des décalés, de tous ceux qui sont les victimes d’une impuissance, âmes sans ressource confrontées à la barbarie ordinaire… Le compositeur n’hésite pas à modifier le texte de Pouchkine: il reconstruit l’écheveau des liens entre les personnages. Cynique et fourbe chez Pouchkine, Hermann aime Lisa mais désire vaincre au jeu pour épouser la belle; celle-ci qui n’éprouve aucun amour pour le joueur chez l’écrivain, l’aime au contraire passionnément jusqu’à en mourir… L’orchestration atteint un sommet d’éloquence poétique grave et cynique, flamboyante et désespérée… elle comprend aussi une citation tendre, hommage à l’art classique français (chanson de la Comtesse d’après Richard coeur de lion de Grétry)… au diapason de l’esprit même du compositeur, âme ardente, secrète, maladive, mélancolique, solitaire voire dépressive mais si attachante…
Dans La Dame de Pique, Tchaïkovski éblouit par son écriture d’un raffinement comparable à son dernier ballet, aussi abouti et ciselé, Casse Noisette, également composé au début des années 1890. Soit quelques années avant sa mort (1893).