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Bruno Procopio, clavecin Récitals, les 19 mars puis 29 avril 2007

Bruno Procopio,
clavecin

Récitals
Paris, Musicora, le 19 mars 2007
Nanterre, maison de la musique,
le 29 avril 2007

A 31 ans, le claveciniste Bruno Procopio fait montre d’une éloquente aguerrie: clarté incisive du jeu, engagement et vie, tempérament articulé et communicatif, le jeune claveciniste est un talent à suivre. Né au Brésil en 1976, il commence ses études musicales à Rio de Janeiro auprès de Marcelo Fagerlande et Pedro Personne. En France en 1993, l’élève suit l’enseignement de Noëlle Spieth au Conservatoire Régional de Paris où il obtient un premier prix. A 20 ans, en 1996, il est premier nommé au Concours d’Admission du Cnsm de Paris dans la classe de Christophe Rousset.
Il perfectionne son art de toucher le clavecin avec Blandine Ranou et Kenneth Weiss, ainsi que le Pianoforte auprès de Patrick Cohen, tout en suivant aussi les conseils de Pierre Hantaï.
En juillet 2001, Bruno Procopio termine ses études avec l’obtention de deux Premiers Prix en Clavecin et Basse Continue. C’est d’ailleurs comme continuiste, qu’il participe en mai 2001 à la production de l’Opéra Acis et Galatea de Haendel, sous la direction de Richard Egarr, comme il joue dans le cadre de l’intégrale du Clavier Bien Tempéré de J.S.Bach à la Cité de la Musique.
En septembre 2002 il participe au concert d’ouverture du Festival de Musique Ancienne de Rio de Janeiro avec Hugo Reyne et Emmanuelle Guigues. En juillet 2003, il est invité par le Centre Culturel Banco do Brasil à São Paulo pour réaliser plusieurs concerts dédiés à la musique baroque française. Bruno Procopio est professeur invité de l’Université Catholique de Santiago de Chili (2002) et de l’Unirio-Université de Rio de Janeiro (2003) où il a réalisé des cours d’interprétation au clavecin.
En 2003, son premier volume des Partitas de J.S. Bach pour le label « La Guilde des Musiciens » distribué par Intégrale Classique a démontré la souplesse incisive de son style.
En février 2007, paraît un nouvel album Bach (Partitas pour clavecin, BWV 829, 826, 830) sous étiquette « Paraty », le nouveau label discographique que le claveciniste brésilien vient de fonder.

Agenda

Bruno Procopio est en concert pendant le salon Musicora, le 18 mars 2007.
Au programme, oeuvres de Jean-Sébastien Bach, Couperin.
Puis, à la Maison de la musique de Nanterre, le 29 avril 2007 à 16h30

Programme du récital à Nanterre, Maison de la musique:

J.S. Bach : Partita n°3 en la mineur pour clavecin, Partita n°4 en ré majeur pour clavecin.
D’Anglebert : Quatrième Suite

Maison de la musique – 8 rue des Anciennes-Mairies – Nanterre
Tarifs : de 9 à 22 euros. Renseignements-réservations : 01 41 37 94 21

Crédit photographique
Bruno Procopio (DR)

Philippe Manoury, entretien

Philippe Manoury, entretien

Le compositeur français Philippe Manoury, né en 1952, vit désormais la plus grande partie de l’année aux Etats-Unis, où il a une chaire d’enseignement à l’Université de San Diego (Californie). Mais il revient régulièrement en France, et y assure la mise en jeu de ses œuvres. Ainsi était-il le 1er mars 2007 à Lyon et à Villeurbanne, pour la création de sa Partita I (alto solo – Christophe Desjardins – , électronique en temps réel). Comme en 2006, où dans le cadre du festival Musiques en Scène avait été créé le plus vaste On Iron, Philippe Manoury est l’hôte du Grame 2007. Quelques questions-réponses avec le compositeur, entre deux répétitions.

En revenant sur votre parcours, apercevez-vous une continuité cohérente, ou plutôt des bifurcations et la surprise des hasards ?
Je pense avoir été fidèle à de grandes orientations de départ qui m’ont été données dans l’adhésion admirative à la pensée de Pierre Boulez, de Berio, de Stockhausen. Ces créateurs ont représenté pour moi une totalité, puis est venu le temps –normal – où la conscience esthétique s’est élargie, assouplie, et d’une certaine manière s’est libérée pour que je devienne… moi-même. Mais tout en restant fidèle à ces grandes figures et à leurs leçons.

Il y avait d’ailleurs eu d’autres influences ?

Oui, dans un domaine plus théorique qu’esthétique, celles de Michel Philippot et de Pierre Barbaud. Mais le rapport avec l’électronique et l’informatique s’est accompli dans le monde de l’IRCAM, avec un grand travail en compagnie du mathématicien Miller Puckette.

Votre départ de l’hexagone en 2004 a pu être interprété dans un certain climat d’amertume et de dramatisation, style Berlioz ?
Oui, mais je n’ai pas du tout quitté mon pays en le maudissant artistiquement. Et on n’a pas alors souligné à quel point je rendais hommage au « climat », aux institutions, aux grandes maisons de création et de diffusion, aux ensembles et aux individualités qui m’ont permis et me permettent d’accomplir mon œuvre. Même s’il n’est pas en France toujours facile de dialoguer, de construire, ou même d’enseigner, je maintiens que je suis parti aux Etats-Unis parce que je trouvais là-bas des conditions pédagogiques ou tout simplement financières infiniment plus favorables qu’en France. « Professeur à vie » de l’Université de San Diego ( sans âge limite pour la retraite !), j’ai donc ma vie outre-Atlantique, mais je reviens faire chaque année plusieurs séjours en France.

Ce qui ne signifie pas que les conditions soient bien meilleures là-bas pour les jeunes compositeurs que vous contribuez à former ?

En effet, les structures de la société culturelle américaine sont différentes de ce qu’on peut imaginer. La majeure partie des étudiants qui ont acquis leurs compétences et leurs diplômes en Université vont pouvoir à leur tour travailler comme enseignants dans des structures très valables. Mais s’ils veulent accomplir leur métier de compositeur, se faire jouer, il leur faudra se retourner vers …la vieille Europe ! C’est le paradoxe de ce système très efficace avec ses réseaux, mais qui demeure très « en vase clos », d’un point de vue territorial et idéologique.

Donc on peut vivre confortablement, mais en autarcie par rapport à la création ?

Oui, et mis à part trois grandes conurbations – New-York, Los Angeles, Chicago – le cloisonnement dans ces lieux privilégiés et riches des universités est la règle. D’autant que sur les campus où les contraintes de programmes pour l’enseignement sont très discrètes, il n’y a pas du tout le bouillonnement des générations de la guerre du Vietnam ; d’ailleurs, si ça bougeait, ce serait maintenant partagé entre les « progressistes » et les fondamentalistes chrétiens, très actifs. Ce que par contre la guerre en Irak a amené, c’est une restriction considérable des budgets culturels, notamment pour les grands orchestres qui en sont réduits pour survivre et fidéliser leur public à faire du rentable médiatique, pour ne pas dire de la soupe et du n’importe quoi. Cela fait envier la vieille Europe, où la puissance publique, les institutions d’orchestres et d’opéras, permettent aux créateurs de ne pas vivre dans le vide et la théorie de composition. Sur place, on essaie bien de faire bouger les choses, mais c’est très aléatoire et d’un impact modeste.

Vivre aux Etats-Unis ne vous inspire pas dans votre création ?

Je n’en tire rien de particulier, pas plus que des grands problèmes qui se posent après le 11 septembre, la guerre d’Irak, la « bushisation » du pouvoir, des esprits, des conduites.

Même vos opéras ne faisaient de toute façon pas grande place au « réel social et politique » ?
Cela dépend de ce qu’on appelle réel, et à quel degré… de réalisme. Je ne veux évidemment pas faire de l’opéra sur des thèmes bien cadrés, genre John Adams ! L’opéra, toutes époques confondues, prend par nature trop de distance avec le réel immédiat, il est porteur de trop de codes, de symboliques, de « représentation » spécifique, de réflexion. Mais il peut aussi évoquer tout cela en termes plus généraux et universels qui irriguent sa substance et son imaginaire, et cela dès le début de son histoire, avec le Couronnement de Poppée et le Combat de Tancrède chez Monteverdi. Il doit, il peut y avoir en lui une résonance générale, qui synthétise le rapport à l’Histoire, fût-elle en train de s’accomplir. Dans ce que j’ai composé, cela donne bien sûr K, avec le thème de la culpabilité, et même 60e Parallèle et la Frontière prennent appui sur des situations réelles ou des questions de toujours, l’attente, les femmes devant la guerre…Mais dans les trois cas, on ne doit pas oublier l’arrière-fond littéraire – ce n’est pas un décor ou une manière de s’abriter derrière les auteurs ! – : pour Kafka évidemment, mais aussi Tchekhov (Sur la grand route, pour 60e Parallèle) ou Faulkner (Lumière d’août, pour la Frontière).

Propos recueillis par Dominique Dubreuil, le 1er mars 2007

Johann Sebastian Bach: la Passion selon Saint Jean BWV 245Bruxelles, Anvers et Gand en mars 2007

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A peine installé dans sa fonction de Cantor à l’église Saint-Thomas de Leipzig en 1723, Bach commence la préparation de la mise en musique d’une passion en forme de cantate à l’occasion du Vendredi saint de l’année suivante. La première exécution de cette passion eut lieu le Vendredi saint 7 avril 1724, en l’église Saint-Nicolas.

Au centre de l’oratorio, on trouve le récit de l’Evangile : celui du narrateur (l’Évangéliste, en avant de la scène) et celui des personnages agissant et parlant en leur nom (Jésus, Pierre, Pilate…), personnages au nombre desquels figurent les différents groupes ou « turbae » (la foule, les grands Prêtres etc.). Le texte évangélique fragmente l’œuvre en plusieurs scènes : l’arrestation, Jésus devant les chefs des prêtres ; Jésus devant Pilate, la crucifixion et la mise au tombeau. Bach respecte ce schéma et termine chaque partie par un choral. Dans les récitatifs, Bach éclaire l’usuel récitatif accompagné d’un seul instrument, par des tournures émotionnelles et évocatrices dans le chant et dans le continuocorpus. Dans cette passion, Bach donne un relief particulier aux chœurs de la populace en délire. Ces chœurs sont liés les uns aux autres par les thèmes et les motifs, ces groupes sont directement impliqués dans la décision de mettre Jésus en croix.

Programme
Johann Sebastian Bach: La Passion selon Saint Jean, BWV 245

Collegium Vocale Gent. Philippe Herreweghe, direction. Christoph Prégardien, Evangelist. Konrad Jarnot, Christus. Camilla Tilling, soprano. Ingeborg Danz, alto. Jan Kobow, tenor. Peter Kooij, basse

Bruxelles, Palais des Beaux-Arts
Dimanche 25.03.2007 à 15h

Anvers, de Singel
Lundi 26 mars 2007 à 20h

Gand, de Bijloke
Mardi 27 mars 2007 à 20h

Récital Gidon Kremer Bruxelles. Palais des Beaux-Arts, lundi 19 mars 2007 à 20h

Né le 27 février 1947 à Rïga, Gidon Kremer commence l’étude du violon à l’âge de quatre ans avec son père et son grand-père, tous deux violonistes professionnels. Il poursuit l’étude de l’instrument à l’Ecole de musique de Rïga, puis comme élève de David Oistrakh au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou. Lauréat en 1967 du troisième prix au Concours musical international Reine Elisabeth de Belgique, il remporte également le premier prix du Concours Paganini en 1969 et le premier prix du Concours international Tchaïkovski à Moscou en 1970.

Gidon Kremer explore, tout au long de sa carrière, le répertoire classique et romantique et donne une importance majeure aux répertoire du XX ème siècle (Henze, Berg, Stockhausen). Il est l’un des violonistes les plus actifs dans l’essor de la musique contemporaine et fut dédicataire d’un nombre important d’œuvres pour violon. Parmi les nombreux compositeurs qui lui ont dédié des œuvres, on peut citer Sofia Gubaidulina (Offertorium) et Luigi Nono (La lontananza nostalgica utopica futura). Ses partenaires de concert sont, entre autres, Martha Argerich, Mischa Maïsky, Keith Jarrett, Yo-Yo Ma, Kim Kashkashian, Valery Afanassiev, Oleg Maisenberg, Vadim Sakharov… Artiste prolifique, Gidon Kremer a plus de cent albums à son actif et fut récompensé par de nombreux prix.

Il fonde en 1997 le Kremerata Baltica, orchestre de chambre regroupant les jeunes talents des pays Baltes avec lequel il effectue de nombreuses tournées sur les scènes internationales. A Bruxelles, accompagné par Oleg Maisenberg, le violoniste qui vient de souffler en février 2007, ses 60 ans, interprète les oeuvres du compositeur hongrois Gyorgy Kurtag, du Géorgien Giya Kancheli ainsi que celles de Schubert, pivot central du concert.

Programme

Franz Schubert: Sonate pour violon et piano, D 408, op. 137/3, Introduktion & Variationen  » Über trockne Blumen  » D 802, Sonate pour violon et piano, D 574, op. 162
György Kurtag: 3 pezzi, op. 14e
Giya Kancheli: « Time… and again » (1996) – « Was ich Euch hier schreibe – Gott weiss, dass ich nicht lüge » (Gal. 1,20)

Gidon Kremer, violon. Oleg Maisenberg, piano

Bruxelles, Palais des Beaux-Arts,
Lundi 19 mars 2007 à 20h

Crédit photographique
Knud Rauff Nielsen (DR)

Glenn Gould, piano. Portrait sur Radio ClassiqueLes 7 et 14 mars 2007 à 21h

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Carole Bouquet raconte….
Glenn Gould, piano



Mercredi 7 mars 2007 à 21h
Mercredi 14 mars 2007 à 21h

Deux mercredis pour évoquer l’un des plus grands pianistes du XX ème siècle, c’est peu… mais par la voix de Carole Bouquet, la figure du pianiste canadien qui se consacra exclusivement à l’enregistrement, préférant le micro d’un studio à la chaleur d’une audience, se précise sans ombre.
A en croire ses admirateurs les plus ardents, succomber au jeu de Gould, c’est comme entrer en religion. Son engagement, son charisme, sa silhouette fantasque aussi ont beaucoup nourri le mythe.
Aujourd’hui, il nous reste un documentaire signé en 2006, par Bruno Monsaingeon, « au-delà du temps ». Et surtout, ses témoignages discographiques dans lesquels ses Bach surtout restent indémodables.

Approfondir

Lire notre dossier Glen Gould à l’occasion de la sortie au dvd du documentaire « Glenn Gould, au delà du temps ».

Illustration
Glenn Gould (DR)

Georg Friedrich Haendel, Ariodante, 1735France Musique, le 24 mars 2007 à 19h

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Georg Friedrich Haendel,
Ariodante
, 1735

France Musique, le 24 mars 2007 à 19h

Distribution

Angelika Kirchschlager, Ariodante
Vivica Genaux, Polinesso
Danielle De Niese, Ginevra
Sandrine Piau, Dalinda
Topi Lehtipuu, Lurcanio
Olivier Lallouette, Il Re

Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction

Représenté du 14 au 22 mars 2007 dernier au TCE à Paris, Ariodante de Haendel est l’un des opéras les plus aboutis du compositeur. Grave, sombre, désenchanté.
Lire notre présentation d’Ariodante de Haendel et de la production parisienne.

Illustration

Haendel (DR)

Suisse, Genève. Festival Archipel Du vendredi 23 mars au dimanche 1er avril 2007

Suisse, Genève. Festival Archipel

Festival des musiques d’aujourd’hui
Du 23 mars au 1er avril 2007
Concerts, théâtre, installations, expositions

Le festival genevois Archipel, qui se tient habituellement à la naissance du printemps, consacre son édition 2007 à trois thèmes. Un large portrait de Giacinto Scelsi, le mystérieux compositeur italien (1905-1988), permettra d’entendre un grand nombre d’œuvres – dont une inédite – de celui qui a orienté bien des courants musicaux d’après le sérialisme, en centrant l’écriture sur l’unicité de la note et du son. La Symphonie diagonale montrera les rapports de la musique et de l’image, à la croisée de la vidéo et du cinéma expérimental. L’Atelier cosmopolite présentera des compositeurs d’Amérique, d’Asie et d’Europe Centrale. Du vendredi 23 mars au dimanche 1er avril, un triptyque en 37 créations d’œuvres.

« Nous n’avons qu’un devoir vis-à-vis de la musique, c’est de l’inventer » : la formule lapidaire de Stravinsky inspire bien des conceptions de festivals ou concerts dans le domaine contemporain. Mais : inventer, réinventer ? retrouver pour mieux comprendre où l’on va ? Et n’est-ce pas le sens de la démarche entreprise par l’Archipel pour son festival 2007 ? Car cette édition est placée sous le signe d’un large hommage à un compositeur mort octogénaire il y a presque 20 ans, aristocrate italien, superbement autocentré, à contre-courant, redécouvert seulement à la fin de sa vie… Vous devinez, bien sûr ? Oui, il s’agit de Giacinto Scelsi, une figure comme l’histoire des arts en trace une fois par siècle, et encore…

Je est un autre : la planète Scelsi

L’influence posthume de Scelsi a été aussi vaste que le silence entourant sa vie « médiatique ». Contre le sérialisme – dont il avait pourtant reçu l’enseignement schoenbergien -, il construisit un monde compositionnel fondé sur l’unicité du son. Voire de la note elle-même, à l’instar de ce do (ut) qu’il frappait inlassablement sur le clavier, dans une « maison de santé » ainsi qu’on disait au XIXe. ; et comme Nerval utilisant sa « folie » pour écrire Aurelia, ayant « deux fois vainqueur traversé l’Achéron », il ressortit d’un séjour de quatre ans« là-bas » avec ce concept qui armaturera désormais son œuvre : « le son sphérique », cœur et générateur de tout développement, libérateur d’énergie, de tension et de résolution dans l’espace et le temps. Avant l’époque psychiatrique – coïncidant avec celle de la 2nde guerre mondiale – , les influences de Scriabine en musique, et des sagesses d’Asie sur le plan philosophique avaient irrigué ses compositions. Au-delà, commence le vrai et total Scelsi. Mais qui était-il ? Plusieurs en une seule enveloppe, comme son « voisin latin d’ouest », le poète portugais Pessoa aux innombrables identités (ses hétéronymes) ? Comme Hölderlin devenu dans son enfermement un Scardanelli du XVIIe : de plusieurs époques, ce Scelsi qui prétendit avoir eu une première vie au XXVIIe avant Jésus-Christ, ou porter en lui deux dieux, celui de la destruction et celui de l’apaisement ? Un héros de la création aux marges, comme le plasticien suisse Louis Sutter ou Antonin Artaud, victimes plus permanentes du grand renfermement, ou superbement engagé dans les luttes du siècle, comme l’Américain Nancarrow ? Une part de la fascination qu’il exerce tient certainement à cette vie rêvée qu’il eut, ne voulant pas se laisser photographier, pratiquant un humour ravageur, créant à l’écart du bruit une somme qui allait irriguer la fin du XXe et la suite. En tout cas, sur ses quelque 150 œuvres, tout n’est pas encore sorti de l’oubli : ainsi Archipel crée une partition de jeunesse, révisée en 1940, Rotativa, ouvre son triptyque des « trois âges de la vie » (un peu comme au XIXe, Alkan avait consacré sa sonate op.33 à un parcours de la vie humaine), fait entendre l’intégrale de sa musique chorale et de chambre, ou diffuse un film de F.van der Kooij sur le mystère Scelsi.

Une symphonie diagonale

L’homme qui accomplissait son « voyage à l’intérieur du son », ce messager (« je suis facteur », disait Scelsi en souriant ) n’eût probablement pas rejeté les deux autres thèmes d’Archipel. Une Symphonie Diagonale y prend acte de l’importance historique et à venir de ce qui s’est d’abord nommé « théâtre musical » : « un art total qui doit rester de poche », et aussi comme l’écrit le « patron » le musicien grand navigateur en cet Archipel, Marc Texier, « la musique-écoute attentive du paysage sonore, celle qu’on se projette intérieurement comme un film ». Le maître ès-infra-langages imaginaires, Georges Aperghis, est évidemment célébré par ses Machinations, écho du dérisoire brinquebalant d’un Tinguely, où l’être se débat en tout illogisme avec l’univers de la pensée unique-informatique. Le déplacement de l’art vers la plastique, l’imaginaire du son et de l’image, remonte vers les tentatives des années 20 – le cinéma abstrait de Richter – et la musique optique (Moholy-Nagy), puis redescend vers cinéma ultérieur et vidéo. En témoignent maintenant l’opéra-vidéo (Julien Taride), les cartes postales sonores (Stefano Giannotti), les instruments inventés (J.F.Laporte).

Halte à la world music aseptisée

A côté de cette « vie sonore mode d’emploi », on pénètre dans un « atelier cosmopolite », qui décline le thème classique et futur d’une ouverture mondialiste des musiques, et selon Marc Texier, « ne donne pas naissance à une world music unifiée, aseptisée, mais au contraire favorise l’émergence de fortes personnalités qui ne sont plus réductibles à un style européen ». Ce cosmopolitisme – l’exil extérieur et intérieur – est en fait celui de certains « aînés » exemplaires, comme Ligeti auquel un hommage-concert est rendu, Varèse, Cage, l’Italien à la Passion bien Sadienne Bussotti, ou l’inventeur-tromboniste Globokar. Un microcosme à part, tout nourri de culture romantique, picturale, « spectrale » et philosophique, celui de Hugues Dufourt qui poursuit son exploration pianistique, goethéenne et schubertienne, dans un polyptique clos avec la chevauchée d’un nouvel Erlkönig. Chez les cadets, les références littéraires ne manquent pas non plus : Pessoa pour X.Dayer, le « voyageur chérubinique » du XVIIe, Silesius, pour S.Gervasoni, le coup de dés mallarméen pour N.Bolens. Mais l’exotisme, comme on disait jadis, marque des rencontres (extrême)orient-occident (sheng pour Wu Wei, accordéon pour P.Contet), et la part belle est faite aux jeunes créateurs aux Américains (nord, centre, sud) comme aux Européens du nord-est…et de l’ombilic du monde, franco-suisse !.
Si on aime les chiffres : 26 événements dont 13 concerts, 6 spectacles de théâtre musical et vidéo, 7 installations ou expositions ;15 créations mondiales (dont 3 canadiennes, 4 suisses, 1 chinoise), 22 premières en Suisse (10 italiennes, 3 argentines), et dans ce total 12 écrites par des moins de 30 ans, 16 des 30-50 ans. Une large semaine qui fait appel entre autres aux Neue Vocalsolisten, Newondon Choir aux Musiques Inventives d’Annecy, aux groupes genevois Contrechamps, Séquence, Vortex, à La Muse en Circuit, aux solistes F.F.Guy et A.Deforce. Embarquement pour Archipel : voyageurs, à vos projets !

Approfondir

Tél. : (41)22 329 42 42 ou www.archipel.org

Œuvres de Scelsi (24), Ligeti, Cage, Varèse, Romitelli, Aperghis, Dufourt, Lenot, Kurtag, Laporte, Wu Wei, Chalosse, Tarriode, Giannotti, Jacobs, Babel, Bolens, Garnero, Mackay, Schuler, Stahmer, Ceccarelli, Dapelo, Robin, Suarez, Vassena….

Crédits photographiques
Visuel Archipel ©
Giacinto Scelsi (DR)

Fazil Say, piano Paris, TCE, le 19 mars 2007 à 20h

Fazil Say, piano
Paris, TCE, le 19 mars 2007 à 20h

Domenico Scarlatti
Sonate en fa majeur K. 378
Sonate en ré mineur K1,
Sonate en ut majeur K 159 « La Caccia »

Mozart
Sonate n°11 en la majeur K331 « alla turca »
Fazil Say
« Inside Serail »
Modeste Moussorsgki
Tableaux d’une exposition

Né en 1970 à Ankara (Turquie), Fazil Say étudie le piano au Conservatoire de sa ville natale avant de rejoindre Düsseldorf où il suit l’enseignement de David Levine. De 22 à 25 ans, il entre au Conservatoire de Berlin. En 1994, à 24 ans, sa victoire aux Young concert artists international auditions lui ouvre la voie d’une carrière mondiale.
Outre les récitals symphoniques, le pianiste turc joue la musique de chambre avec quelques partenaires réguliers, Yuri Bashmet, Shlomo Mintz et Maxim Vengorov avec lequel il a réalisé une tournée en 2004, aux USA et en Europe.

Pianiste et compositeur

Le répertoire classique n’est pas le seul que l’interprète aime aborder. Fazil Say a fondé un Quartett de worldjazz avec son compatriote Kudsi Ergüner, virtuose du ney. Curieux, hyperactif, le pianiste est aussi compositeur. Dès l’âge de 16 ans, il compose « Black Hymns » auquel succèdent son premier concerto pour piano et violon créé en 1991 avec les Berliner Sinfoniker, son deuxième concert pour piano « Silk road » (Boston, 1996), l’oratorio « Nazim », d’après les vers du poète turc Nazim Hikmet (Ankara, 2001) qui est une commande du Ministère de la Culture de Turquie, son troisième concerto pour piano (Paris, 2002), commande de Radio France et créé sous la direction d’Eliahu Inbal à la tête du Philharmonique de Radio France, son « Requiem pour Metin Altiok » (Istanbul, 2003), son Quatrième concerto pour piano, commande de l’ETH Zürich (Lucerne, 2005)…
Le pianiste a réalisé de nombreuses transcriptions et variations d’après Mozart (Sonate alla turca) ou Paganini (Paganini Jazz). Fazil Say a joué en concert la transcription pour 2 pianos que Strawinsky a réalisé de son Sacre du Printemps, en assurant les deux parties de piano.

Du style et du caractère

Jeu spectaculaire, puissance cathartique, charisme de feu: le style du pianiste qui a 37 ans en 2007 suscite l’admiration ou le rejet. Son jeu ne laisse pas indifférent et l’engagement personnel et inventif de chaque prestation agace par sa personnalité ou captive par ses prises de risques et son incarnation flamboyante. Le talent de l’interprète se mesure quand la suprême technicité ne sert pas un calcul d’effets mais exprime une sensibilité. De ce point de vue, chacun des récitals ou des albums de Fazil Say se montre extrêmement convaincant.

Crédit photographique
Fazil Say © H.Fair

Giuseppe Verdi: Rigoletto, 1851Radio Classique, le 11 mars 2007 à 21h

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Giuseppe Verdi
Rigoletto
, 1851

Dimanche 11 mars 2007 à 21h

Après avoir adapté Hernani de Hugo pour Verdi, le librettiste Francesco Maria Piave adapte un nouveau texte de l’écrivain français, Le roi s’amuse, créé en 1832, à la Comédie Française. Piave respecte l’esprit des grandes tirades mais en les synthétisant, sans en atténuer l’ampleur, afin de souligner l’action sans la contraindre ni la ralentir. A la différence de sa source théâtrale, Rigoletto a immédiatement trouvé son public et ses défenseurs, dès sa création à La Fenice de Venise, le 11 mars 1851, devenant l’une des grandes réussites lyriques de Verdi. L’air du volage autant qu’irresponsable Duc de Mantoue: « La donna è mobile », de même que le quatuor final, d’une très grande intensité dramatique, avec ses éclairs fantastiques, ont installé l’ouvrage dans le coeur des publics.
Verdi trouve le ton juste. En écartant d’emblée le schématisme et la caricature, il parvient à exprimer la psychologie inquiète et vulnérable, tout au moins double voire contradictoire de ses personnages. Le bouffon est sarcastique et grimaçant, mais tout autant un père attendri et soupçonneux: Verdi construit son drame à partir de ses apparitions, lui confère une présence scénique forte en lui réservant d’ample récitatif, véritable monologue tragique… Gilda, sa fille, est une âme pure qui s’offre jusqu’à la mort… D’emblée, Rigoletto impose le génie dramatique de Verdi.
Radio Classique diffuse une version anthologique avec Dietrich Fischer-Dieskau dans le rôle-titre, Renata Scotto en Gilda, Carlo Bergonzi dans le rôle du Duc de Mantoue, sous la direction orfêvrée et épique, en 1964, de Rafael Kubelik. Incontournable.

Crédit photogaphique
Dietrich Fischer-Dieskau (DR)

Claudio Monteverdi, Orfeo (1607) Mezzo, du 24 mars au 13 avril 2007

Claudio Monteverdi,
Orfeo
(1607)

Le 24 mars 2007 à 20h45
Le 25 mars 2007 à 13h45
Le 3 avril 2007 à 15h45
Le 6 avril 2007 à 3h45
Le 14 avril 2007 à 15h45

Opéra en 1 prologue et 5 actes, créé le 24 février 1607 à Mantoue. Livret : Alessandro Striggio. Les chanteurs et l’Orchestre du Nouveau Studio de l’Opera de Lyon, direction musicale : Philip Pickett, mise en scène : Antonio Latella, costumes et scénographie : Emanuela Pischedda. Lumières : Giorgia Cervesi Ripa. Réalisation : Stephane Lebard. Production de 2004. 2h30mn.

L’Orfeo, aboutissement esthétique des premières manifestations florentines du genre lyrique, est considéré par l’unité et la cohérence de sa forme et de sa construction comme le premier opéra de l’histoire musicale.
2007 marque ainsi les 400 ans de l’opéra, genre flamboyant qui n’a jamais connu un tel engouement dans le monde. Besoin de merveilleux, scène critique sur les désordres psychiques d’une humanité qui ne sort pas des scénarios freudiens, divertissement bourgeois, expression extrêmiste et radicale de la passion, l’opéra est tout cela à la fois. Sur le plan artistique, il opère une fusion stimulante entre les arts (le chant, la danse, le théâtre, la musique: tout y concoure pour la magie et l’enchantement du spectateur. Son principe est un mensonge mais son résultat, un tour de force.
Ainsi, en illustrant le pouvoir du chant d’Orphée, capable par son art d’émouvoir jusqu’aux dieux des enfers, et de libérer de la mort sa promise, Eurydice, Monteverdi nous dévoile une vérité plus effrayante: l’homme possède son destin. Il ne dépend que de lui de triompher s’il sait maîtriser ses passions.

Que penser de la prodution lyonnaise?
En 2004, Serge Dorny directeur de l’Opéra de Lyon, présente le travail de la classe des élèves de son « studio-opéra », un cycle de professionnalisation de jeunes chanteurs qui pendant 3 mois, et sans interruption, (« à la façon de la Star Ac », ce n’est pas nous qui le disons!) ont suivi l’enseignement et les stages de perfectionnement des « professionnels »: en l’occurrence ceux du metteur en scène Antonio Latella et du chef Philip Pickett. Le projet est passionnant, l’intention noble et formatrice pour de jeunes apprentis musiciens et acteurs, désireux d’éprouver leurs capacités personnelles et étendre leur expérience du travail d’équipe.
Le résultat, en dépit de l’enthousiasme affiché par Eve Ruggiéri (qui présente, interroge entre les actes, les interprètes), se montre plutôt décevant. Orfeo est transplanté par un Latella déconstructeur et provocant, dans le monde plus délirant et vulgaire que fantasmatique, de Lewis Caroll et de son » Alice au Pays des Merveilles ». Ici, l’Espérance est une femme lapin (on appréciera le parallèle et sa pertinence), la tenue des acteurs reste figée, les mouvements statiques, sous une lumière froide, dans une salle de théâtre avec ses loges qui est une sorte d’arène. Les chanteurs manquent encore d’aisance et de souffle. Même sur le plan scénique, les options théâtrales et les références visuelles ont des airs de déjà vu. Le frisson se fait exceptionnel… Dommage.

Approfondir
Lire notre dossier « 2007: les 400 ans de l’Orfeo de Monteverdi« 

Illustration
Gustave Moreau: Orphée pleure Eurydice (DR)

L’Affaire Joyce Hatto.(édito de mars 2007)

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Haro sur Hatto

Joyce Hatto, histoire d’un mythe pianistique démonté

Une étoile déchue

En quelques jours, de février à début mars 2007, une pianiste britannique défunte, portée aux nues quelques jours avant son décès (juin 2006), aura été déchue de son prestige musical. La machine technologique que beaucoup continue en toute mauvaise foi de diaboliser, surpasse le « génie » d’un fraudeur en en démasquant l’artifice et la tromperie. Merci donc à iTunes de réparer une injustice et de restituer à César ce qui appartient à César. Le nom de Joyce Hatto est désormais lié à l’un des scandales les plus fracassants jamais démasqués dans le milieu du classique.
Dans la guerre commerciale à laquelle se livre les majors, condamnant -avec raison la piraterie et le plagiat, au nom du respect de la propriété intellectuelle et de la création artistique, le fait que la vérité ait été permise par le biais de la machine, est un enseignement à méditer. Non Internet ne permet pas les pires pratiques; non, la technique du son digital n’autorise pas toutes les manipulations éhontées. Quand en février 2007, le logiciel d’iTunes découvre la supercherie, en identifiant les bandes originelles outrageusement maquillées et attribuées à Joyce Hatto, on doit se féliciter de ce rapprochement salvateur que l’oreille humaine n’aurait pas su réaliser.

D’autant que l’arnaque aurait pu durer sans susciter le moindre soupçon, tant dans les esprits britanniques, la pianiste Joyce Hatto était une légende vivante du clavier, surtout un modèle d’endurance et d’abnégation. Or comme toujours, l’image entretenue est le fruit d’une mystification d’autant plus incroyable et douloureuse qu’elle égratigne la mémoire d’une artiste décédée le 9 juin 2006 à 77 ans; d’autant plus insupportable qu’un faiseur de disque, donc un professionnel de la musique n’a pas hésité à plagier, mépriser les droits de la propriété en usurpant des oeuvres d’autres pianistes.

Joyce Hatto, une artiste du studio

En 1976, frappé par un cancer foudroyant, la pianiste Joyce Hatto, élève de Serge Krish, un disciple du compositeur Busoni, lui-même pianiste virtuose, décidait de suspendre tournées et récitals pour ne se consacrer qu’à l’enregistrement. Une démarche qui en rappelle une autre, celle de Glenn Gould. On sait les dérapages possibles sur le plan marketing quand les artistes qui ont néanmoins besoin d’un public, décide de tout filter par le biais de procédés purement mécaniques. L’ingénierie du son, permet des trucages bien connus des détracteurs de la mise en boîte. Gageons que si Hatto avait donné un concert public, (pendant les années où la critique la consacrait à l’écoute de ses seuls disques, en particulier entre 2004 et 2006, deux années où elle était couronnée plus grande pianiste au monde, étoile du clavier), spécialistes et proclamateurs en tous genres auraient constaté le style de la dame, accablée par une longue et incurable maladie. Du moins auraient-ils remarqué que son jeu en concert n’avait rien à voir avec celui que laissaient supposer ces nombreux albums réalisés en studio. Il s’agit bien avec le recul de l’un des scandales les plus aberrants jamais démasqués.
L’électrochoc s’est produit lorsqu’un internaute mélomane désireux de transférer l’enregistrement des Etudes d’exécution transcendante de Liszt par Joyce Hatto, avait remarqué sur son iPod, l’apparition d’un autre nom, celui du pianiste hongrois, Laszlo Simon. Quelle ne fut pas sa surprise en comparant le cd Hatto avec le cd originel de Simon chez Bis records, de constater que sur les 12 études comparées, dix étaient strictement identiques!

Un mari aimant peu scrupuleux

Que penser alors du legs discographique laissé par Joyce Hatto, à partir de 1976 et jusqu’à sa mort, en 2006, soit trente années d’enregistrement, accompagné par son époux, William Barrington-Coupe : soit près de 119 cd, enregistrés prétendument à Cambridge, et édités sous le label Concert Artist fondé par son mari. Ainsi, au moment de la mort de l’artiste, en juin 2006, la presse britannique (The Guardian entre autres) n’hésitaient pas à regretter l’une des légendes du piano, parmi les plus essentielles qu’ait produit la Grande-Bretagne!

Au fur et à mesure des vérifications et comparaisons, c’est tout un mythe qui s’effondre, et l’oeuvre d’un plagiaire qui apparaît dans toute son horreur. L’époux de la pianiste fut aussi aimant que peu scrupuleux. Ainsi de la même façon, l’album « Concert Artist » Chopin-Godowski, était-il réattribué à son interprète d’origine, Carlo Grande; de même, l’album Ravel de Hatto serait une réutilisation tronquée d’un album Roger Muraro paru chez Accord… la liste des usurpations est longue, accablante pour William Barrington-Coupe.

Le milieu musical britannique est en émoi. Public et critiques restent agacés d’avoir été ainsi dupés. L’examen au cas par cas des bandes incriminées paraît inévitable. Il faudra de toute façon identifier la part authentique de Joyce Hatto dans ce programme de maquillage à répétition. Démêler les enregistrements initiaux de Hatto et leurs ajouts usurpés… De nombreuses questions demeurent sans réponse.
L’artiste, elle-même, avait-elle conscience de ce que faisait son mari? Que ce dernier désire la paix, s’il a semble-t-il détruit ses stocks, l’affaire prend un jour nouveau: le mythe qu’il a su fabriquer ne lui appartient plus. C’est désormais les « victimes », acheteurs des cds Hatto, comme critiques hier enthousiastes, aujourd’hui amers et déconcertés, qui voudront être dédommagés… Qu’il ait fait cela par amour, Barrington-Coupe, c’est rendu coupable de trois crimes impardonnables: tromper le public, mépriser la propriété intellectuelle, surtout, bafouer la mémoire de son épouse.
Sous le scandale Hatto, c’est l’éthique d’un métier qui est ciblée du doigt. Que la technologie, en particulier un logiciel de téléchargement soit à la source du dévoilement de la vérité, est une autre source d’enseignement tout autant révélatrice. Une tromperie qui aurait pu durer pour l’éternité est défaite par une intelligence artificielle. Voilà qui vient opportunément prouver que le tout technologique peut servir la musique et assainir les agissements de la profession. Tout détournement a ses limites, et ses revers produisent un couperet radical. Désormais, le seul nom d’Hatto sera inéluctablement lié au scandale et à la honte. Une malédiction que l’intéressée n’avait probablement jamais imaginée. Paix à son âme.

Illustrations

Joyce Hatto (DR)
William Burrington-Coupe © G.Pugh

Week end hommage à Frédéric ChopinLyon, « piano à Lyon », les 16 et 17 mars 2007

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Hommage
à Frédéric Chopin


Saison musicale
Piano à Lyon

Salle Molière.
Vendredi 16 mars à 20h30
Samedi 17 mars à 12h30 et à 18h

Jérôme Chabannes, créateur de la saison musicale « Piano à Lyon », présente les 16 et 17 mars 2007, deux journées de musique entièrement consacrées à l’un des musiciens majeurs de l’âme romantique. Fin de semaine Chopin, donc, avec une pléiade d’artistes de premier choix: N.Goerner, J.F.Zygel, D.Bismuth, B.Chamayou, pianistes. P.Fritsch et I.Serban, violons. V.Julien-Laferrière, violoncelle. C.Laize, alto. Que cela soit nommé « Hommage à Chopin » ou « regards croisés », Piano à Lyon prend pour son avant-dernier programme de la saison la thématique d’un compositeur emblématique du romantisme. Quatre pianistes et un quintette à cordes vont de 1er concerto en Etudes et de 3e Sonate en Leçon de Musique. Coup d’œil sur les cartes du voyage.

En d’étranges espaces

«Je voyage en d’étranges espaces » : n’est-ce pas Frédéric Chopin lui-même qui aura donné la meilleure formule pour un autoportrait ? Car ce compositeur déroutant, on ne songe pas immédiatement à l’habiller en wanderer, en voyageur du romantisme : trop peu de germanitude, sans doute, trop de distance et de réserve, françaises si on tient à cette référence traditionnelle …Pourtant il s’agit d’un exilé, mais l’habitude a été prise d’étendre à ce qui fut d’abord seulement un épisode volontaire de sa vie (un choix de carrière, dirait-on maintenant) le sentiment en profondeur qu’il eut ensuite de son expatriation. Et la révolution qu’il prône est tout intérieure, ou stylistique : il a sur le monde qui l’entoure – en Pologne, puis en France, et dans l’Europe des grandes révoltes – un regard à la fois pessimiste quant au progrès social et détaché des formes les plus « vulgaires » du réel : un aristocrate, comme on dit, mais sans l’altruisme enthousiaste ni surtout la théâtralisation d’un Lord Byron. Un fervent patriote polonais, certes, mais dédaigneux de toute idée démocratique. Au fond assez semblable idéologiquement à l’artiste français qui fit son portrait le plus intuitif, ce Delacroix au classicisme et au conservatisme de goût esthétique – (re)lisons son Journal – qui ne déchaînait ses démons qu’en dessins ou peintures….Un amant dont l’histoire eût mis en folie la presse-peopl (rien que cette moitié d’anglicisme, il eût adoré !) et sa relation en fureur le héros malgré lui. Un longuement, douloureusement malade qui surmonte peur et souffrance pour « créer tant qu’il fait encore jour », comme l’écrit en même temps Schumann, celui-là même qui s’écriait en écoutant le jeune compositeur polonais : « Chapeau bas, messieurs, un génie ! » Un créateur anti-destin, mais qui déteste le « déboutonné » social de cet autre énergique absolu que fut Beethoven.

Leçons sur la lumière

Alors, esquisse pour un portrait ? C’est ce que tente la « fin de semaine » que Piano à Lyon consacre à l’exilé sans barricades. Bien sûr, l’œuvre est immense, bien que limitée au quasi-seul clavier. Elle est aimée, voire idolâtrée par toutes les générations qui ont fréquenté les salles de concert et même aujourd’hui les écoutes baladeuses. Les titres en sont privés de « sentiment », voire abstraits. Ce seront donc ici plutôt trois regards, trois angles de vue. Le pianiste argentin Nelson Goerner, admiré par la Grande Martha (Argerich), est le « plus classique » de programme : deux nocturnes de l’op.27, et la lumière pour sonate et études. La 3e Sonate de 1845 n’est pas tragique comme la 2e (1840) avec son désespoir funèbre et la folie du finale : et son largo ruisselle de chant presque opératique mais aussi « hors du monde ». Avec les Etudes op.10 (1829 à 1832), le jeune virtuose conquiert par éblouissement pyrotechnique, mais fait de la pédagogie supérieure une poésie sublime.
Trois jeunes Français succèdent à N.Goerner : Bertrand Chamayou (un Victorieux-2006 de la Musique, dont le 1er disque – Liszt, chez Sony – a été produit par Piano à Lyon) joue la transposition-réduction d’effectif, et s’affronte à un rôle de soliste-en-chambre pour un 1er concerto devenu quintette cordes avec piano, qui rééquilibre la domination pianistique. David Bismuth choisit les correspondances baudelairiennes ; il tend le miroir aux Français fin-de-siècle qui le fascinent, Fauré, Debussy, ce dont témoigne sa plus récente discographie (Dukas-Debussy : Ame-Son) : lumière d’essence parfois impressionniste qui prolonge la subtilité de Chopin. Quant à Jean-François Zygel, désormais passé 1er médiatique-dvd-et-tv, il consacre sa Leçon d’éclairages inattendus et stimulants à l’auteur des Scherzos, des Ballades et de la Barcarolle.

Approfondir
Téléphone: 04 78 47 87 56 ou www.pianoalyon.com

Programme

Chopin : 3e Sonate, Etudes op.10, 2 Nocturnes op.27 par N.Goerner
Version chambre 1er concerto, par B.Chamayou, P.Fritsch, I.Serban, V.Julien-Laferrière, C.Laize, Y.Dubost
Fantaisie, 20e Nocturne, Mazurka op.67/4, Andante Spianato ; Fauré, Saint-Saëns, Debussy par D.Bismuth
Leçon de musique sur Chopin, par J.F.Zygel

Crédit photographique
Nelson Goerner (DR)
Bertrand Chamayou (DR)

Debussy, Pelléas et Mélisande, Liège, Opéra royal de Wallonie. Du 9 au 17 mars 2007

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Debussy,
Pelléas et Mélisande
(1902)

Liège, Opéra royal de Wallonie
Du 9 au 17 mars 2007
Nouvelle production

Et si Pelléas et Mélisande, le seul opéra intégralement abouti de Debussy, créé à l’Opéra-Comique en 1902, soulignait sous la faillite des mots, et l’errance des êtres qui se dérobent, la souveraine activité de la musique?
Poésie, musique: on parle souvent d’une fusion étroite et mystérieuse qui cisèle l’articulation et le phrasé du texte, qui ouvrage comme nul part, la déclamation du verbe…
La prose de Maeterlinck, dont la portée symboliste ne cesse d’interroger l’auditeur, offre au compositeur ce qu’il recherche: un tremplin vers l’autre monde, un passage vers l’invisible, l’indicible dont seul le flot musical témoigne.
Qui est Mélisande? D’où vient-elle? Le sait-elle seulement?

Dans une nouvelle production, l’Opéra Royal de Wallonie aborde la fascination et l’action énigmatique de Pelléas et Mélisande, l’opéra de la modernité, celui qui d’essence chambriste, acclimate le mode des tonalités suspendues et irrésolues, dans le sillon tracé par Richard Wagner dans Tristan et Parsifal.

Distribution
Mélisande, Anne-Catherine Gillet
Geneviève, Hanna Schaer
Pelléas, Jean-François Lapointe
Golaud, Marc Barrard
Arkel, Antoine Garcin
Le médecin, Léonard Graus

Opéra Royal de Wallonie
Orchestre et Chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie
Direction musicale, Patrick Davin
Mise en scène et lumières, Philippe Sireuil

Approfondir
Lire notre présentation de l’ouvrage présenté à l’Opéra de Toulon en 2006 et notre dossier « Pelléas et Mélisande » de Debussy
Lire la fiche de la production sur le site de l’Opéra Royal de Wallonie

Illustration

Claude Debussy (DR)

Concours International de musique de chambre de Lyon,Lyon, du 2 au 5 avril 2007

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A partir du 2 avril 2007 et jusqu’au 5 avril, le 4 ème Concours international de musique de chambre de Lyon (CIMCL) met à l’honneur la forme du duo violon/piano. Les jeunes candidats constitués en binôme, seront invités à concourir autour d’un répertoire souvent peu joué dans les salles de concert. Un répertoire d’autant plus passionnant qu’il « recèle des trésors d’émotions musicales » comme le souligne le directeur de l’évènement, Joël Nicod.
Depuis sa première édition en 2004, qui mettait en avant la discipline « trio avec piano », le Concours international de musique de chambre de Lyon s’ingénie chaque année à explorer la diversité des formes et des répertoires de la musique de chambre. En 2005, les épreuves réunissaient les candidats en « quintettes de cuivres », et en 2006, le Concours avait choisi le genre du duo « voix et piano ».

Le jury

Cette année, le jury est composé de John Gilhooly (directeur du Wigmore Hall, Irlande), Mark Lubostky (violoniste, Russie), Patrice Fontanarosa (violoniste, France), Ichiro Nodaïra (pianiste, Japon), Pamela Frank (violoniste, USA), Emmanuel Strosser (pianiste, France), et Daniel Blumenthal (pianiste, Allemagne).

Déroulement

Toutes les épreuves sont en entrée libre.

Epreuve éliminatoire, le 2 avril 2007, de 14h à 23h
puis le 3 avril 2007, de 9h30 à 18h
Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon

Demi-finale, le 4 avril 2007, de 9h30 à 18h
Salle Molière

Finale, le 5 avril 2007, de 9h30 à 17h
Salle Molière

Concert des lauréats

Jeudi 5 avril 2007 à 20h30
Salle Molière
Entrée libre
Soirée enregistrée par France Musique
Remise aux lauréats de leurs prix et récompenses.

Journée d’étude

En parallèle aux épreuves du Concours, une journée d’étude est proposée en entrée libre également, le mercredi 4 avril 2007, de 10h à 18h, salle Molière.
Autour du thème annoncé : « violon & piano: histoire, langages et perspectives », plusieurs interventions sont annoncées sur les sujets suivants (liste non exhaustive):
1. Ecole française du duo violon et piano
2. Analyse de la 2ème sonate « le lys » de Lucien Durosoir
3. Analyse d’une partition de Webern
4. Durosoir et Maréchal: « les musiciens dans la grande guerre »
5. Analyse d’une sonate d’Olivier Greif…
(sous réserve de confirmation)

Approfondir

Toutes les infos pratiques, le programme des épreuves, les conférences confirmées dans le cadre de la journée d’étude sur www.lyon.fr/cimcl ou contact: [email protected]

Régine Crespin, soprano Radio Classique, le 18 mars 2007 à 21h

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Régine Crespin


Radio Classique,
Dimanche 18 mars 2007 à 21h

Pour ses 80 ans, la soprano Régine Crespin évoque au micro de Radio Classique, son parcours, ses rôles, ses rencontres…

Légende vivante, Régine Crespin fut l’une des chanteuses françaises au rayonnement international, adulée dès sa prise de rôle d’Elsa dans Tannhäuser de Wagner, en 1950 (à Mulhouse). Wagner, d’ailleurs qui avec Richard Strauss (pour le rôle de La Maréchale, chantée au Met en 1962 sous la baguette de Lorin Maazel, et dans la mise en scène de Lotte Lehmann), représente dans la mémoire de la diva, ses meilleurs souvenirs. A Bayreuth, sa rencontre avec Wieland Wagner reste inoubliable. Pour lui, la Crespin qui était Elsa, devint Kundry, en 1958. Une Kundry inespérée, imprévue, admirée: « la meilleure » selon Hans Knappertsbusch.
Au cours des années 1960, la décennie en or, la carrière de la cantatrice enchaîne les grands rôles pour soprano dramatique: La Maréchale déjà citée, dès 1959 à Glyndebourne (avant le Met), Tosca et Ariane auf Naxos, Charlotte, Cassandre et Didon (dans les Troyens de Berlioz), Brünnhilde à Salzbourg (sous la direction de Karajan)… Icône mondiale d’un chant souverain, la Crespin assuma totalement son succès planétaire car elle risqua d’apprendre les langues étrangères, en particulier l’allemand, qui lui ouvrit les portes de Bayreuth, Salzbourg, New York.

Mais le rêve Crespin se poursuit jusqu’en 1977 quand elle crée en anglais le rôle de la Première Prieure dans Dialogues des Carmélites de Poulenc au Met. En 1987, Régine Crespin fait ses adieux à la scène, au Met, au Colon, à San Francisco, puis à Paris, en 1988, dans le rôle de la Comtesse de la Dame de Pique de Tchaïkovski.
Dans l’itinéraire de Crespin, la femme s’est rebellée car la diva prenait trop de place. Tel fut l’enjeu d’une crise personnelle dont pâtit sa courte participation dans les Contes d’Hoffmann version Chéreau à Paris en 1974. Ses doutes dissipés, l’équilibre revenu, une nouvelle cantatrice reprenait son territoire sur la scène, dans Carmen en 1975.

Au début 2007, la diva qui s’est remise de deux cancers, affronte le cours de la vie avec sérénité et détachement mais pas indifférence. La politique la passionne et l’enseignement lui permet de transmettre les clés de son expérience exceptionnelle. Régine Crespin devait s’éteindre quelques mois après la diffusion de cet entretien radiophonique, le 5 juillet 2007.

Crédit photographique
Régine Crespin (DR)

Haendel à Londres (1710-1759)

Haendel à Londres

Né saxon, apprenti compositeur en Italie, Haendel s’impose sur la scène londonienne. A l’époque où Vivaldi lutte contre la concurrence des napolitains à Venise, quand Rameau éblouit à Paris, le théâtre français par son génie dramatique et musical, Haendel l’européen ne cesse de soutenir l’essor de l’opéra seria à Londres. Pari insensé, défi inhumain, pourtant relevé avec les honneurs et dans la souffrance. Maître du théâtre héroïque, tragique et même comique, opiniâtre autant que visionnaire, le plus grand compositeur anglais après Purcell, reste un dramaturge né.
La véritable histoire, celle qui fait avancer l’esprit humain, ne serait-elle au fond qu’une histoire de génies? C’est peut-être ce que l’on pourrait penser en contemplant l’évolution du fait lyrique en Angleterre. A peine tiré de l’ancienne tradition du masque, le public britannique découvrit avec Purcell, après Locke, la réalité du drame musical, ses possibilités, ses démesures poétiques et expressives. Mais hélas, l’Orpheus Britannicus meurt à 36 ans, en 1695. Dure loi de la vie: la fragilité des génies ne s’atténue pas avec l’expérience. Et même, le travail et la peine semblent user plus vite les facultés physiques de celui ou celle qui les portent. Après Purcell, point de salut. Le théâtre lyrique sombre, faute de successeur. Heureusement paraît Haendel, né saxon et pour l’heure, attaché à sa terre germanique.

L’éclosion d’un génie précoce

Très tôt, le compositeur dévoile une carrière d’entrepreneur et de meneur : impresario, homme de théâtre, dramaturge exigeant et perfectionniste, Haendel écrit ses premiers opéras avant ses 20 ans pour la scène hambourgeoise. Mais rien ne vaut le séjour italien. Aucun maître des arts, aucun penseur et concepteur d’envergure qui n’ait trouvé l’inspiration et la maturité de son style, sans la confrontation avec le motif toscan et romain, l’étude des anciens, la contemplation des ruines antiques. De Poussin à Subleyras, de Lebrun à Vouet, tous les artistes d’ampleur, peintres et musiciens, se sont trouvés à Rome ou à Florence. Entre 1706 et 1710, le jeune homme de 21 ans découvre Monteverdi, Vivaldi, Corelli, Scarlatti.
Germanophone, il assimule et adopte une autre langue, celle de l’opéra italien approfondi à Rome, Venise, Naples. A son retour, il est un compositeur de première importance, et obtient du Prince-électeur de Hanovre, le titre de Kapellmeister.

La scène londonienne

Très vite, Haendel réussit à rejoindre Londres pour y créer le premier opéra seria en terre britannique, Rinaldo. Premier ouvrage, coup de maître. Le coup d’éclat se mue en coup de foudre: Haendel s’est trouvé une seconde patrie. Il sera londonien. Son patron lui demande cependant de revenir en Allemagne, mais Haendel rechigne. L’histoire le sort d’une tension dangereuse: le Prince de Hanovre devient Georges Ier d’Angleterre. Ainsi le musicien tout en servant son maître peut rester en Angleterre.

Roi du seria

Le séjour londonien de Haendel se confond avec l’évolution du genre seria. Haendel supplante tous ses rivaux, Buononcini et Porpora. Serviteur d’un théâtre asséché et conventionnel, le compositeur naturalisé anglais, n’eut de cesse d’acclimater les rigueurs invraisemblables des livrets, la performance déconcertante des prime donne et des musici ou castrats, à sa propre conception dramatique. Du reste, même le genre populaire des Ballads opera tel The Beggar’s opera (l’Opéra des gueux) de John Gay (1727), pour rival qu’il soit à son encontre, compose en définitive, une sorte d’hommage à son génie théâtral car le livret parodie l’opéra haendélien, en lui reconnaîssant indirectement un statut indiscutable.
A Londres, Haendel compose près de 36 opéras et presque autant d’oratorios. La musique occupe une place privilégiée: c’est elle qui insuffle la véhémence et la tendresse des airs, le souffle épique des scènes mythologiques et bibliques.
Après Rinaldo, Giulio Cesare marque en 1724, un point culminant de son style mais aussi des équipes de chanteurs qu’il était capable de réunir: Senesino, l’un des musici les plus fidèles de son théâtre, chantait le rôle-titre, quand un non moins célèbre castrat, Gaetano Berenstadt, jouait Ptolémée. Ils avaient comme partenaires, l’immense Francesca Cuzzoni dans le rôle de Cléopâtre.

Affaires de divas

Disposant de tels interprètes, Haendel put sans encombre éblouir spectateurs et mécènes. Mais cela n’alla pas sans heurts, cris ni hurlements. La Cuzzoni refusa à plusieurs reprises de chanter des airs qui ne lui plaisaient pas. Haendel, capable de colères terrifiantes, sut recadrer l’arrogante écervelée qui, vaincue, chanta les airs de Cléopâtre, lesquels lui valurent un triomphe retentissant.
Usé par les caprices de divas incontrôlables, Haendel invita une nouvelle soprano, dès 1726, Faustina Bordoni, aussi mince et belle que la Cuzzoni était petite et pataude. La scène londonienne, dans un opéra de Buononcini précisément en juin 1727, porte encore le souvenir d’une joute assez inhabituelle, qui fit les potins du tout Londres des semaines durant: rivales jalouses, la Cuzzoni et la Bordoni qui jouaient dans le même opéra, se crépêrent le chignon sans grâce ni féminité, devant l’audience hébétée, dont la Princesse de Galles. John Gay dans son Beggar’s Opera a immortalisé cette jouxte de divas, quand ses héroïnes, Polly Peachum et Lucy Lockitt, se disputent le coeur de leur aimé, Mackie.
La Cuzzoni ne supportant pas que la Bordoni soit mieux payée qu’elle, partit, excédée, pour Vienne. Elle devait revenir à Londres en 1734 pour se produire sur les planches du théâtre rival de celui de Haendel, sous la direction de Porpora… aux côtés de Farinelli. De son côté, Faustina Bordoni épousa Hasse et rejoignit le vieux continent. Haendel pour son nouveau théâtre de Covent Garden jeta finalement son dévolu, en 1732, sur une soprano plus égale et équilibrée, Anna Strada del Po.
L’oeuvre de Haendel reste titanesque. Elle montre la détermination d’un homme passionné par le théâtre qui aurait disposé de conditions plus équitables et confortables hors d’Angleterre. Pourtant, souvent sur ses propres fonds, il dirige deux théâtres, d’abord le King’s Theatre ou Académie Royale de musique, jusqu’en 1728. Puis, reforme une troupe au sein d’une seconde Académie, mais doit encore affronter la concurrence d’un nouveau théâtre, l’Opéra de la noblesse qui a appelé Porpora afin de produire de nouveaux opéras, avec les stars de l’heure, l’infidèle et ingrate Cuzzoni, l’inacessible Farinelli qui ne chantera jamais dans le théâtre de Haendel.

Liberté de l’oratorio

Les 18 ans dernières années de sa carrière, avant sa mort en 1759 à l’âge de 75 ans, se concentrent sur l’avènement d’un genre dramatique, débarassé de toutes les contingences asphyxiantes de l’opera seria : l’incohérence des livrets, la tyrannie des chanteurs aux caprices ahurissants, la langue: l’italien qui demeura en définitive une barrière vis à vis du public londonien. Haendel se libère de tout cela en choisissant de perfectionner dans le genre de l’oratorio, l’expression des passions humaines mais sur le registre sacré.
Même dépourvus d’action scénique, ses oratorios en langue anglaise, diffusent une force dramatique exceptionnelle et la peinture psychologique des personnages choisis, dépasse souvent ce qu’il avait composé pour le cadre traditionnel des théâtres d’opéra.

Illustrations

Balthazar denner: portrait de Haendel, vers 1726/1727 (DR)
Un trio triomphal: Senesino, Cuzzoni, Berenstadt (DR)
Faustina Bordoni (DR)

Haendel et les castrats

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Autorisée pour l’église

A l’origine interdite, la castration est tolérée quand le Pape Clément VIII (1592-1605) autorise la « fabrication » des castrats ou « musici » s’ils honorent par leur chant, la gloire divine. Une précaution bien utile tant le prestige des voix angéliques portées par les eunuques captive les auditoires venus en masse dans les églises, en particulier à Rome. Or de fervents et d’adorateurs, l’Eglise Romaine, secouée par la Réforme, a bien besoin. Il lui faut des voix capables de chanter ses mérites et convertir de plus en plus d’âmes impressionnables. Le chant romain sera celui des castrats.

Essor au théâtre

Dès l’avènement de l’opéra florentin puis vénitien, les castrats participent à l’essor du théâtre vocal. Ils sont trois dans la distribution de l’Euridice de Caccini, l’inventeur de la langue mi chantée mi parlée, du nouveau style baroque. Très vite, les cimes éthérées atteintes par leur timbre angélique et céleste fascinent les audiences, et contribuent pour beaucoup au succès du genre opéra. Monteverdi réserve à un musico soprano, le rôle de son Néron dans Le Couronnement de Poppée.
A Naples, avec Alessandro Scarlatti, vers 1680, les castrats s’imposent définitivement sur la scène des théâtres. D’autant que la ville, regroupant pas moins de quatre conservatoires (Sant’Onofrio, La Piétà dei Turchini, Santa Maria di Loreto, Li Poveri di Gesù Cristo) se spécialise dans la fabrication des musici. Pour un jeune garçon, la gloire et le prestige associés à la carrière d’un musico, devient un but déclaré, encouragé par la famille, surtout si trop modestes mais avides, parents et amis envisagent de substantiels dividendes grâce au succès de leur avorton. Chacun rêve d’une formation sous les directives de Nicolo Porpora, tel le jeune Cafarelli, l’un de ses meilleurs élèves. Les études d’un musico sont alors complètes: théorie, pratique, gestuelle, art dramatique, culture antique et littérature. Outre leur don, les musici étaient aussi, pour certains, de fins lettrés.
Dans les faits, comme partout et à toute époque, beaucoup de candidats et très peu d’élus. L’art reste exceptionnel et rare. C’est là son prix et sa valeur. Combien de vedettes adulées, recherchées, honorées, célébrées sur les presque 4000 garçons opérés par an (!)? Combien ont traversé les épreuves de la convalescence, de l’apprentissage, des doutes, des sacrifices?
Au XVIIIème, les héros castrés ont pour nom, Giuseppe Appiani, Giuseppe Aprile, Giovanni Manzuoli, Felice Salimbeni (admiré par Casanova). Le castrat est un fanstasme, un dieu terrestre encore adulé quand Gluck lui réserve le rôle de Paris, dans Paride ed Elena. Le musico Giuseppe Millico relève alors le défi du personnage. Et Mozart fait de même pour son Idamante dans Idomeneo: aucun autre chanteur ne pourrait prétendre incarner le caractère que son cher « amato castrato Del Prato ».
Et que dire à propos de cet autre idolâtré, le soprano Venanzio Rauzzini auquel Wolfgang avait, avant Idomeneo, reservé le rôle de Cecilio dans Lucio Silla et composé son exceptionnel Exsultate, Jubilate… L’Europe applaudit sans tarir leur divine tessiture, en Italie naturellement mais aussi jusqu’à Munich, Vienne, Varsovie et … Saint-Pétersbourg.
Bologne est aussi un foyer actif. Les plus grands chirurgiens y professent et opèrent les futurs grands : tel, Gaetano Berenstadt, Tolomeo du Giulio Cesare de Haendel.
Entre 1720 et 1750, le phénomène des castrats marque l’âge d’or de l’opéra virtuose, acrobatique, théâtre de la performance moins de la cohérence dramatique. Les chanteurs sont des « monstres » à vocalises dont l’agilité et les performances attirent les foules. Contradiction notoire: la voix des castrés pénètre avec une acuité jamais connue jusqu’alors, l’ouïe la plus délicate comme la plus exigeante. Mieux, l’eunuque privé de sa semence dangereuse, devient l’objet du désir féminin, excité par la perspective d’une union répétée, sans risque de procréation.

Les castrats de Haendel

L’un des plus grands compositeurs de l’opéra seria compose au moment où Naples, Bologne et Rome offrent aux cours européennes médusées, les fleurons de leurs écoles lyriques. Quand Haendel écrit ses plus grands ouvrages, le chant des castrats connaît son âge d’or.

Nicolini

Le chanteur préféré du compositeur napolitain Provenzale, Nicolo Grimaldi dit Nicolini (1673-1732) fut membre de la chapelle royale de Naples.
Il marque les grands rôles des opéras d’Alessandro Scarlatti avant de chanter pour Haendel à Londres. Il sera le premier Amadigi et surtout un Rinaldo mémorable. Son art du récitatif, son élocution dramatique sont restés des références pour ses successeurs.

Senesino

Contemporain de Haendel, et né comme lui vraisemblablement en 1685, le contralto Francesco Bernardi dit Senesino en raison de sa naissance à Sienne (1685-1759), fut adulé pour le naturel de son chant comme de son jeu scénique. Dès 1719, Haendel le recrute pour son Académie Royale de Musique, comme « primo uomo ». De fait, londonien dès 1720, Senesino chante les 14 opéras haendéliens présentés jusqu’en 1728 au King’s Theatre. Radamisto, Ottone, Admeto, Orlando, Andronico (dans Tamerlano), Bertarido (dans Rodelinda), surtout Giulio Cesare seront ses grands succès sur les planches londoniennes. Mais en dépit de son art d’une souplesse désarmante, il ne cessait d’agacer le compositeur
lui-même difficile et d’humeur variable. Pourtant leur collaboration se déroule sur quinze années: Senesino chante encore dans les oratorios Esther et Deborah.

Carestini

Le mezzo ample et grave, Giovanni Carestini (circa 1704-1760) est formé à Rome. Il chante pour Vivaldi dans Siroe (1727), puis pour Haendel qui en fait son premier Ariodante, puis Ruggiero dans Alcina. C’est en refusant un air que Haendel lui présentait que l’interprète arrogant, suscita l’une des colères fameuses du Saxon. Haendel qui ne transigea jamais sur son art, évaluant à sa juste mesure, la tyrannie du chanteur, affirma son génie dramatique bien supérieur à la vision d’un chanteur, fût-il Carestini.

Cafarelli

Né à Bari, village des Pouilles en 1710, Gaetano Majorano, dit Cafarelli, est d’origine noble comme Farinelli. Disciple comme ce dernier de Porpora, Cafarelli impose un feu bouillonant sur la scène comme à la ville. A Londres, en 1735, Haendel lui taille le rôle sur mesure de Serse.

Il Gizziello

Soprano léger et tragique, Gioacchino Conti dit Il Gizziello (1714-1761) triomphe dans Artaserse de Vinci à Rome. Haendel écrit pour lui plusieurs opéras : Atalanta (1736), Berenice (1737)
enthousiasmé par les performances d’un soprano dont il sollicita le contre-ut.

Guadagni
Gaetano Guadagni (1729-1792) est à l’opposé de ses rivaux et contemporains, Farinelli ou Bernacchi, tendre, simple, « poète ». Ni ornementation ni acrobatie artificielle, il impose son timbre d’alto avec mesure et simplicité. En particlier, dans les « notes mourantes » et l’art de diminuer les sons… Sa rencontre avec Haendel à Londres en 1749, à 20 ans, est décisive pour sa carrière: le compositeur adapte pour son volume et sa tessiture, plusieurs airs de Samson et du Messie, mais aussi le rôle de Didymus dans Theodora. Il devait ensuite triompher dans le rôle d’Orfeo pour Gluck et Cazalbigi, à Vienne et 1762.

Farinelli

Une place particulière doit être réservée au plus grand castrat de tous les temps, Farinelli (1705-1782). Bien qu’il ne participa à aucune production de Haendel, son chant demeure incontournable à l’époque du compositeur. Arrivé en 1734 à Londres, le chanteur y sème une tempête d’admiration qui a compté dans le succès de l’opéra italien. Né dans une famille noble le 24 janvier 1705, Carlo Broschi, castré après une mauvaise chute de cheval (raison familièrement avancée pour justifier l’acte honteux), suit à Naples les leçons de Porpora, comme Cafarelli. L’ami proche de Métastase, se spécialise très vite dans les rôles travestis, ceux des femmes angéliques. Fin, sensible, intelligent, le chanteur retient la critique de l’Empereur Charles VI qui le trouvait ampoulé, maniéré, grotesque. Farinelli reprend son style: plus direct, sincère, sobre. Il acquiert une technique désormais irrésistible et un talent d’acteur renouvelé.
A partir de 1737, l’illustre vocaliste enchante le mélancolique souverain d’Espagne, Philippe V, dont la nature suicidaire sera prolongée grâce à la voix céleste du musico, jusqu’à sa mort, survenue en 1747. A 42 ans, Farinelli poursuit sa carrière sous le règne du successeur de Philippe V, Ferdinand VI qui le nomme directeur de l’Opéra de Madrid, dont Métastase est le poète officiel.
Etrange destinée que celle du chanteur ministre, médecin d’une âme royale qui resta plus de 20 ans en Espagne, adulé, estimé, choyé. Or Farinelli ne chantera pas pour Haendel. Pire, à Londres, le castrat se produira en 1734, sur la scène du théâtre rival de celui de Haendel, quand l’opéra de la Noblesse, demande à Porpora de produire de nouveaux opéras italiens, suscitant la banqueroute du Saxon.

Nouvelle interdiction

Mais dès la fin du XVIII ème siècle, les révolutionnaires et surtout, Jean-Jacques Rousseau s’en prennent à un acte honteux et contre nature. Napoléon renchérira en interdisant la castration sur les jeunes garçons. En 1878, un décret papal prohibe la castration. Et la boucle est ainsi bouclée. Le castrat a fini sa carrière. Il appartient désormais à l’histoire et à la légende. Un rêve ou un fantasme que certains aujourd’hui tentent de ressusciter grâce à nos altistes et sopranistes masculins modernes.

Illustration
Portrait de Haendel (DR)
Portrait de Senesino qui fut l’un des musici les plus fidèles de Haendel (DR)
Portrait de Carlo Broschi dit Farinelli (DR)

Haendel, génie de l’opéra baroque

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Il est né saxon à Halle, se perfectionne à l’école italienne des compositeurs lyriques à Florence, Rome et Venise, s’impose sur la scène londonienne: Haendel est européen. Avant Gluck, son oeuvre opère une synthèse musicale à son époque toute occupée par le théâtre et la dramaturgie des passions humaines. Défenseur du seria, le compositeur s’ingénie à renouveler un genre pourtant mécanique et sec. Mais comme ses contemporains Vivaldi et Rameau, l’opéra trouve en lui, l’un des ses créateurs les plus innovants et les plus visionnaires.
Le mois de mars 2007 met à l’honneur l’oeuvre lyrique du plus grand compositeur baroque. Si Naïve nous émerveille grâce à son intégrale lyrique dédiée à Vivaldi, si le concert à défaut de la scène lyrique convoque avec maestrià Rameau, comme nous l’avons vu lors des Journées Gardiner à la Cité de la musique, Haendel, de son côté est bel et bien ancré sur nos scènes modernes. Il reste le créateur baroque le plus joué à l’opéra. En l’absence de ses contemporains tout autant méritants, qui s’en plaindra? Magie baroque, théâtre des illusions et des métamorphoses, plongez dans l’univers d’un enchanteur irrésistible. Dossier spécial.

Dossier
1. Biographie. Haendel, l’aventure lyrique. Par Adrien de Vries
2. Haendel et les castrats. Par Hugo Papbst
3. Handel à Londres. Par Stéphanie Bataille

CD

Floridante, 1721
Comme il l’a fait du Motezuma de Vivaldi, Alan Curtis dévoile et
réhabilite un opéra injustement écarté. Sensibilité dramatique,
exigence vocale et ici, superlative, respect de l’écriture palpitante
d’un Haendel sentimental et profond, le chef convainc. Mieux, il
enchante!

DVD

Intégral qui distribue en France, le label Arthaus Musik célèbre le génie dramatique de Haendel en proposant les divers titres du catalogue allemand, à prix « doux » pendant les mois d’avril et de mai 2007. Pour mieux vous permettre de sélectionner les opéras éligibles, voici nos coups de coeur:

Rinaldo, 1711
A l’Opéra de Munich, Harry Bicket dirige le premier grand triomphe
londonien du jeune Haendel, Rinaldo, en 1711. Mise en scène brouillonne
et diluée mais quatuor vocal percutant. Captée en 2001, au Prinzregententheater de Munich, la production
dirigée par Harry Bicket revisite l’épopée du Chevalier Chrétien
Rinaldo à Jérusalem, avec moultes références au cinéma et à la BD
américaine des années 40 et 50 (les fans d’Hitchcok apprécieront la
scène des enchantements et de la magie concoctée par Armida, qui
parodie Les oiseaux).

Teseo, 1713
Nicola Francesco Haym, le librettiste de Haendel, s’inspire de la
tragédie lyrique française, Thésée de Quinault et Lully, d’où sa
construction en cinq actes, quand trois actes suffisaient jusque là,
dans la tradition de l’opéra seria.
Haym concentre la tension
dramatique sur le couple Aeglé/Thésée, mis à mal par la jalousie de
Médée et les avances d’Egée (épris d’Aeglé).

Tamerlano, 1724
Pour son jubilé, en 2001, le festival Haendel de Halle s’offre sous la
baguette de Trevor Pinnock, l’un des ouvrages les plus accomplis et les
plus noirs de Haendel. Solistes de grande classe, baguette vive et
articulée: le témoignage est convaincant. La probité et la noblesse des chanteurs, l’élégance de la direction
rendent un superbe hommage à l’une des meilleures tragédies de Haendel,
de surcroît parfaitement filmée (mouvements fluides de la caméra, et
plans rapprochés sur les chanteurs).

Giulio Cesare, 1724
Sur les traces d’un Racine, le compositeur s’intéresse surtout à
fouiller le caractère des personnages, offrant une nouvelle carte
psychologique des sentiments humains. En témoigne son Giulio Cesare,
– un nouveau triomphe dès sa création le 20 février 1724 au King’s
Theatre de Londres-, qui affirme le dramaturge et l’excellent peintre
des âmes. Avec le castrat Senesino en Empereur romain, Haendel avait de
sérieux atouts pour séduire le parterre londonien. Ici, la
distribution de très haut vol, fixe l’art vocal et théâtral de Janet
Baker. Dans le rôle-titre la cantatrice signe là, l’un des
aboutissements de sa carrière.

Ariodante, 1735
La mise en scène du New Yorkais David Alden, présentée pour la première
fois en 1993 à l’English National opera, fait preuve d’une indiscutable
force de fascination. Décor cuivré, fenêtre et scène à la fois, qui
parodie dans l’action, les registres du théâtre, donnent au déroulement
de l’intrigue, son caractère mystérieux, à la fois ténébriste et
tendre.

Alcina, 1735
Comme Ariodante, Alcina plonge dans l’irréalité et le fantastique à une
époque où Haendel cherche une nouvelle syntaxe dramatique. Comme
Ariodante, la magicienne Alcina voit tout un monde décliner, une
réalité se dérober. Et son impuissance est d’autant plus explicite que
ses pouvoirs en théorie omnipotents, ne peuvent rien changer

Xerxes, 1738
Serse est une oeuvre de transition et de révélation: Haendel tente de
régénérer le genre asséché du seria en y glissant des éléments de la
farce comique et du genre buffa (le personnage truculent d’Elviro pour
basse chantante en est l’incarnation la plus frappante). Créé en 1738,
l’opéra ne connut aucun succès, comptant à peine cinq représentations.
Il est le dernier opus lyrique de Haendel représenté au Haymarket de
Londres. Totale réussite pour cette version chantée en anglais, au plateau vocal racé et stylé

Agenda
1. Hercules. Mezzo du 10 au 30 mars 2007.
Dossier Hercules de Haendel. Par Alban Deags

2. Poro. Arte, le 10 mars 2007 à 22h30.
Dossier Poro de Haendel. Par Guillaume-Hugues Fernay

3. Ariodante. Paris, TCE, du 14 au 22 mars 2007.
Dossier Ariodante de Haendel. Par Alexandre Pham

4. Teseo de Haendel à l’Opéra de Nice. Du 18 au 22 mars 2007.
Par Adrien de Vries

Lyon. Auditorium, le dimanche 25 février 2007. Concert Ravel, Messiaen, Escaich

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Thierry Escaich sera compositeur résident à l’Orchestre National de Lyon dès la saison prochaine. En avant-première de sa venue, il a donné un concert d’orgue et de piano à l’Auditorium de Lyon, le dimanche 25 février 2007. Son inspiration d’organiste éclatait dans ses hommages à Messiaen, tandis que son quintette de La Ronde, d’après Schnitzler et Ophüls, éclairait un autre visage de sa personnalité.

Un emportement voluptueux

Donc le résident 2007-2010 (trois saisons, un sacré c.d.d. !) vient de déposer sa 1ère carte de visite. Avant que Thierry Escaich ne paraisse, deux de ses futurs compagnons d’Orchestre (National de Lyon), Florent Kowalski et Nicolas Hartmann, font impeccablement frotter l’esthétique ravélienne du silex, dans la Sonate pour violon et violoncelle. Vers 1920, Paul Valéry disait : « l’insecte net gratte la sécheresse », et Falla le chantait à son aride façon dans un concerto avec clavecin : ça crépite, ça grince, ça s’ensable, ça frotte. On se prend à songer que la conque de l’Auditorium est aussi – forme et couleurs – gigantesque rose des sables, que les strates de l’orgue mis à nu, en fond de scène, avec leur éclairage ocre et bleuté, prolongent une métaphore de l’espace désertique : « des canyons aux étoiles », comme disait l’inspirateur de T.Escaich.  Car voici un hommage à Messiaen grâce à l’orgue que le bientôt-résident  étreint avec emportement voluptueux: citations des Corps Glorieux et de l’Ascension, puis improvisation sur le nom du Maître. En une virtuosité lisztienne, T.Escaich joue avec des crescendi par plaques, la saturation sonore de la conque, une esquisse de marche au déhanchement presque canaille, un éphémère calme trompeur, quelques gouttes d’eau dans une grotte, avant de céder aux vertiges d’une apothéose d’accords en tonnerre.

Petite mort chez François-Joseph
Après ces poèmes de terre et d’air conclus par orgie mystico-théâtrale,  au piano le compositeur se métamorphose en post-moderne viennois. Andréane Détienne(violon) et Valérie Jacquart (alto) sont là pour former avec lui et les deux ravéliens un quintette : Ronde vénéneuse, écho troublé de Schnitzler et d’Ophüls. Petits trilles angoissés, papillons de la dérision, mécanique de manège obsessionnel, fantôme solitaire en errance sensuelle (on se croirait du côté de chez Ligeti dans le film-testament de Kubrick, Eyes wide shut),  pour finir en un fallacieux apaisement, quelque épuisement par petite mort chez l‘empereur François-Joseph. Légitimement enthousiastes, les auditeurs – certains peut-être venus de et pour la messe -, repartent tout de même dans un drôle d’état pour le rôti dominical. L’Auditorium-Ravel, parfois, sait encore jouer à nous dépayser dans le rôle du Temple de Janus : vive son double visage !

Lyon. Auditorium, le dimanche 25 février 2007. Maurice Ravel (1875-1937) : Sonate violon-violoncelle. Olivier Messiaen (1908-1992) : Extraits des Corps Glorieux et de l’Ascension. Thierry Escaich (né en 1965) : Improvisation sur le nom de Messiaen, Quintette La Ronde. T. Escaich, orgue et piano. F. Kowalski, A. Détienne, violons. V. Jacquart, alto. N. Hartmann, violoncelle.

Crédit photographique
Olivier Messiaen (DR)

Georg Friedrich Haendel (1685-1759), l’aventure lyrique

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A partir de 1710, Haendel tente un pari fou: imposer à l’audience londonienne, l’opéra italien. L’engouement pour le genre venu du continent l’emporte totalement, lui insufflant même de sévères faillites. Les chef d’oeuvres sont nombreux (Rinaldo, Giulio Cesare, Ariodante, Alcina). Pourtant, le compositeur sévèrement concurrencé, doit se renouveler. Mais tenace, Haendel, toujours en rapport avec la dramaturgie musicale, réinvente un autre genre: l’oratorio.

L’enfant de Halle

Initié à l’orgue par Zachow à Halle, sa ville natale, le jeune Haendel ne tarde pas à devenir son assistant organiste en 1697, à 12 ans.
Mais le jeune instrumentiste rejoint Hambourg en 1703 (18 ans) où il fait partie de l’Orchestre de l’Opéra du Marché aux oies, alors dirigé par Keiser. Dans la fosse, où il est violoniste puis claveciniste, Haendel écoute, apprend, médite l’exemple des compositeurs dont il joue les oeuvres. Très vite, il y présente ses premiers opéras: Almira, Nero (1705), puis Florinda et Dafne.
Or point de salut ni d’accomplissement d’un talent ambitieux sans l’apprentissage italien. En 1706, Haendel s’embarque pour la terre des Caccini, Monteverdi, Cavalli, Cesti: les créateurs du genre opéra. D’ailleurs, l’opéra italien est unanimement apprécié par toutes les cours d’Europe. En connaisseur, le jeune homme se rend dans les deux foyers historiques de l’Opéra italien. Il y laisse une oeuvre personnelle remarquable qui en dit long malgré sa courte expérience, sur l’ambition qui l’anime et la maîtrise déjà atteinte.
A Florence, le jeune musicien écrit Rodrigo (1707); A Venise, Agrippina (1709), première oeuvre d’une étourdissante maestrià. A 24 ans, le jeune homme est plus italien qu’aucun autre auteur lyrique. Sa langue est italienne. Et davantage que la perfection de la musique, il a contracté le virus du drame.
De retour en Allemagne en 1709, Haendel se fixe à Londres dès 1710. Le jeune homme de 25 ans s’apprête à acclimater l’opéra italien dans un pays qui applaudit le genre du masque, idéalement perfectionné par Purcell, qui plus est, en langue anglaise quand l’étranger Haendel souhaite monter des productions dans la langue de Monteverdi. Son entreprise paraît risquée voire déraisonnable. Comment imposer un genre de spectacle auprès d’un public qui n’a jamais clairement manifesté son engouement?

Londres, 1711: Rinaldo

Rinaldo en 1711 est un coup d’éclat spectaculaire qui impose immédiatement le musicien dans son pays d’adoption. Les productions s’enchaînent avec plus ou moins de succès, d’autant plus difficiles ou improbables après le triomphe de Rinaldo. Ainsi, Il Pastor Fido (1712), Teseo (1713) d’après la tragédie lyrique en cinq actes de Lully et Quinault; Silla (1713), Amadigi (1715) qui marque une écriture renouvelée à l’échelle d’un orchestre de plus en plus participatif, inventif, coloré.

1719, directeur du King’s theatre

Consécration: Haendel est nommé directeur musical de l’Académie Royale de musique installée au King’s Theatre. Haendel dispose d’un lieu flambant neuf qui vient d’être inauguré en 1720. Le compositeur recrute les plus belles voix en vogue pour son Radamisto (1720). Suivent plusieurs ouvrages moins spectaculaires: Muzio Scevola (1721) opéra collectif composé avec Bononcini qui rejoint l’Académie Royale comme membre permanent en 1720, et Amadei. Seul l’Acte III serait de Haendel; Floridante (1721) dont on regrette l’incohérence du livret; Ottone (1723), très classique voire conventionnel; Flavio (1723) au texte lui aussi peu approfondi. Cependant, peu à peu, le génie de Haendel gagne l’estime du milieu musical, l’admiration d’un public fidélisé mais exigent. L’art et la maîtrise de Haendel se concentrent sur le flamboiement de la musique qui tout en respectant la faveur générale pour les acrobaties vocales distillées par castrats et prima donna, sait ne pas céder à la tyrannie capricieuse des chanteurs, surtout si l’action dramatique doit en pâtir.

Giulio Cesare, 1724

Haendel expérimente toujours. En cela, Giulio Cesare indique une nouvelle direction pour le spectaculaire: orchestre de fosse étoffé, et même orchestre sur scène. Tamerlano (1724) enchaîne les récitatifs accompagnés, aboutissant à la fameuse scène du suicide, composée d’une succession d’arias et de récitatifs. En maître de la tension et de la progression dramatique, le feu d’un Haendel passionnel et palpitant, s’impose indiscutablement. Rodelinda (1725) poursuit la veine expressionniste.

Saison 1725/1726

Le King’s theatre est devenu une scène incontournable de la vie musicale londonienne. Haendel a réussi son pari. D’autant que pour animer les débats, voire le chahut dans la salle, le public aime s’opposer, soutenant Bononcini contre Haendel, surtout, applaudir à tout rompre, la soprano vedette Faustina Bordoni contre la Cuzzoni. Joutes artistiques, clivages passionnés entre les partis d’un public conquis, montrent la ferveur de l’opéra à l’époque de Haendel lequel est fait citoyen anglais en février 1726.
Scipione (1726), Alessandro (1726) qui fit chanter les deux sopranos rivales, Admeto (1727), Riccardo Primo (1727), Siroe et Tolomeo (1728) prolongent le style de l’opéra seria selon un système à présent fonctionnel. Malgré les succès remportés, l’Académie Royale ferme ses portes en 1728.

La Seconde Académie Royale
Haendel qui n’a jamais baissé les bras, poursuit l’aventure de l’opéra italien avec l’impresario Heidegger. Les deux hommes produisent de nouveaux spectacles au King’s theatre mais à leur compte. Le compositeur gagne l’Italie pour recruter de nouveaux chanteurs. Lotario (1729) qui est un échec amer; Partenope (1730) comprenant intrigue comique et évocation spectaculaire d’une bataille; Poro (1731), Ezio (1732, plus faible), Sosarme (1732, plus inventif), surtout Orlando (1733, l’année où Rameau crée à Paris, son Hippolyte et Aricie), qui comprend la première mesure à 5/8, entre autres dans l’évocation de la folie du héros, imposent davantage la maturation critique de Haendel sur l’ouvrage lyrique.

Partition personnelle: Ariodante et Alcina

Face à la rivalité d’un nouveau théâtre, the « Opera of the Nobility », Heidegger rompt sa collaboration avec Haendel, lequel s’obstine, loin du King’s theatre laissé à ses rivaux, sur la scène du théâtre de Lincoln’s Inn fields. Hélas son Arianna (1734) ne parvient pas à séduire le public.
Ariodante marque son grand retour, sur la scène du Covent Garden en 1735, grâce entre autre au ballet d’influence française qui lui permait de compter sur le talent de la danseuse étoile Marie Sallé. Après Ariodante, Alcina, reproduit le même climat d’enchantement hypnotique grâce à l’expression de la passion parfaitement maîtrisée. Pourtant, ni Atalanta (1736), Arminio (1737), Giutisnio (1737) ne parviennent pas à relever l’entreprise de Haendel. Pire, les ouvrages montrent une inspiration qui tourne en rond. De même pour Berenice, Faramondo (1738). Exception faite de Serse (1738) admirable seria renouvelé sous les feux d’une veine comique inédite. Imeneo (1740) puis Deidamia (1741) tentent de nouveaux registres expressifs, à la marge du pur seria, « opérette », comédie ironique et sentimentale, les partitions montrent l’ampleur d’un genre lyrique qui dès lors, a épuisé ses ressources.

L’oratorio, genre de l’avenir

Haendel se tourne alors vers une autre forme théâtrale, non scénique, l’oratorio. Ainsi paraissent, Samson (1743), Semele (1744), Hercules (1745), surtout Jephtha (1752), composée à l’époque de la Querelle des Bouffons à Paris. Haendel y montre tout l’éclat d’une écriture revivifiée. L’absence d’un cadre scénique obligé, la mise à distance des « stars » du chant, plus soucieux d’effets que de cohérence scènique et de vedettariat, libèrent le compositeur des conventions stérilisantes du genre seria. De fait, ses oratorios ont souvent plus de puissance et de souffle que ses opéras antérieurs, grâce à l’inspiration des airs, la conviction du choeur, le sens évocatoire du récit dramatique. Le public ne s’y est pas trompé, qui immédiatement acclame en Haendel, l’un de ses plus grands compositeurs.
Sur les partitions de ses oratorios, Haendel a noté des remarques et effets scéniques: preuve que dramaturge exigent, il n’a cessé de préserver l’unité et la progression de l’action.

Illustrations
Haendel (DR)

Igor Strawinsky, The rake’s progress (1951)Bruxelles, La Monnaie. Du 17 avril au 6 mai 2007

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Igor Strawinsky
The rake’s progress
, 1951

Bruxelles, La Monnaie
Du 17 avril au 6 mai 2007

Souvent la peinture ou les arts graphiques sont à l’origine des oeuvres musicales les plus atypiques. L’exposition à Chicago des oeuvres de William Hogarth en 1947, dont la série ironique sur la carrière d’un libertin, donne l’idée à Strawinsky de son opéra, The rake’s progress.
Parabole philosophique et morale sur le destin tragique d’un « naïf » peu scrupuleux et paresseux, l’opéra est l’oeuvre d’un duo idéal, celui de Strawinsky et de son librettiste, Wystan Auden.

Un opéra « classique », radicalement progressiste

Dans la tradition du théâtre britannique baroque, le nom des personnages indique leur caractère: Ann Truelove aime éperduement le libertin Tom Rakewell. Mais cet idylle est bientôt pimentée par l’apparition d’une galerie de joyeux drilles mi comiques mi diaboliques: Nick Shadow, le diable; Baba la turque, la femme à barbe; Sellem, le commissaire priseur; Mother Goose, la maquerelle.
Au premier acte, Tom Rakewell refuse la destinée vertueuse que lui offre le père de son aîmée, Ann Truelove. Le jeune homme se laisse séduire par la vie facile et dissolue servie par un méphisto londonien, Nick Shadow. Le deuxième acte peint le délire superbe qu’est devenue la vie de l’ingrat. Son mariage avec la spectaculaire Baba la turque, la femme à barbe, montre à quel point l’âme docile et faible de Tom est asservie au plaisir et à ses illusions trompeuses. Dernier acte, ruine de Tom. Nick Shadow réclame son dû et propose à Tom sans le sou, de jouer son âme aux cartes. Mais Nick perd. Mauvais joueur, le Diable condamne néanmoins Tom à la folie. Il mourra seul, sa raison détruite, dans un asile.

Créé sous la direction de l’auteur à la Fenice de Venise, le 11 septembre 1951, The Rake’s progress suscite un triomphe. Mais critiques et compositeurs regrettent la trahison néo classique d’un Strawinsky qui avait jusque là toujours soutenu et nourri la veine moderniste.
Strawinsky s’est défendu lui-même, heureux de s’être diverti par la composition d’un sujet classique dont il regrettait quant à lui que certains trouvent la réalisation, « surannée ». A ceux qui lui opposaient l’impasse d’une oeuvre écrite dans le style ancien, donc inacceptable, le compositeur d’une facétieuse indépendance, précisait: « je n’en débattrai d’ailleurs pas ici, quoique The rake’s progress, que l’on accusa d’être rétrograde, soit, si je le compare à certains opéras d’avant-garde plus récents, radicalement progressiste ».

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Igor Strawinsky (DR)

Arnold Schoenberg, Gurrelieder (1913) Monte Carlo, le 25 mars 2007 à 18h

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Arnold Schoenberg
Gurrelieder
, 1913
Dimanche 25 mars 2007 à 18h
Monte Carlo, Grimaldi Forum

Orchestre Philharmonique
de Monte Carlo
« 150 ème anniversaire »

Rundfunkchor Berlin
Mitteldeutscher Rundfunchor Leipzig
Orchestre philharmonique de Monte Carlo
Marek Janowski, direction

Solistes
Alfons Eberz, Woldemar
Eva-Maria Westbroek, Tove
Petra Lang, Waldtaube
Kwahchul Youn, Bauer
Arnold Bezuyen, Klaus, Narr
François Leroux, récitant

Ancien et moderne

Est-ce parce que la partition écrite en 1900, ne fut créée que 13 ans après sa composition, en 1913, que Gurrelieder fait montre d’un certain anachronisme? Conçu quelques semaines après , le sextuor « La nuit transfigurée », l’ouvrage est entendu après la révolution atonale… comme un retour espéré au style classique.
Schoenberg illustre un monde de légende d’après les vers de Jens Peter Jacobsen (1868), prenant appui sur les héros de la mythologie nordique. Derniers feux romantiques et aube impressionniste se mêlent admirablement pour évoquer le destin tragique de Tove, rivale de la Reine, le blasphème du Roi qui en insultant Dieu, se condamne à un éternel voyage, celui de l’errance, blessure solitaire irrésolue. Le compositeur convoque le passé pour nourir son inspiration moderniste. Ancien, moderne: les sources de la création sont multiples, contradictoires. Elles suscitent un débat jamais éteint qui pose la question du sens et de l’enjeu du Gurrelieder. Oeuvre passéiste ou manifeste moderniste chargé d’histoire?
Le 23 février 1913, la création de la version orchestrale, dirigée par Franz Schreker à Vienne, suscite une passion enthousiaste de l’audience. Le néo-classicisme Haydnien de l’oeuvre chorale (trois solistes, trois cents exécutants), enchante critiques et public. Les opposants acerbes d’hier, reconnaissent enfin une oeuvre audible. Ils saluent l’assagissement du musicien, moins enclin aux scandales. C’était mal le connaître, ou présupposer de son travail sans discernement. Quelques jours après le triomphe des Gurrelieder, Schoenberg faisait jouer à Vienne, sa Symphonie de chambre et quelques oeuvres de ses élèves, Anton Webern et Alban Berg, suscitant l’un des scandales les plus retentissants de la vie musicale viennoise…

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Arnold Schoenberg, autoportrait (DR)

Entretien avec Jérôme ChabannesDirecteur du cycle musical, « Piano à Lyon »

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Directeur musical de la saison « Piano à Lyon », Jérôme Chabannes a choisi de rendre hommage à Frédéric Chopin, en deux jours, les 16 et 17 mars 2007. A son invitation, Nelson Goerner, David Bismuth, Bertrand Chamayou et Jean-François Zygel joueront, Salle Molière, plusieurs partitions composées par le prince du clavier romantique. En préambule à l’événement, évocation du programme thématique, présentation de la saison « Piano à Lyon », enjeux et perspectives…

Pourquoi programmer un week-end entier dédié à Chopin? Que souhaitez-vous mettre en avant au cours de ces deux jours?

Ce week-end est notre premier hommage rendu à un compositeur sous forme de cycle thématique. Je souhaitais marquer cette seconde édition de Piano à Lyon par un « événement » pianistique réunissant plusieurs interprètes, récitals, musique de chambre, et un spectacle grand public sur le compositeur et son oeuvre. La Leçon de musique de Jean-François Zygel s’inscrivait à merveille dans ce contexte. Quant à Chopin, il est le compositeur le plus emblématique de la musique pour piano. C’est donc à lui que j’ai tout naturellement pensé pour ce premier hommage. Ce week-end donnera au public lyonnais l’occasion d’entendre de jeune talents comme David Bismuth et Bertrand Chamayou, qui interprètera la version pour piano et quintette à cordes du Premier Concerto. Un artiste trop rare en France, aussi, Nelson Goerner, grand interprète romantique argentin que Martha Argerich m’a fait rencontrer il y a quelques années et que j’aime beaucoup.

Y-a-t-il un public spécifique au récital de piano?

Je pense que oui, compte tenu du nombre de manifestations consacrées à cet intrument et à son vaste répertoire (Lille, La Roque, Toulouse, Angoulême)… de nombreuses villes ont à présent une saison ou un festival consacrés au piano. Par ailleurs, Piano à Lyon a été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par le public local mais aussi de la région et du département. Tous les concerts sont presque complets, même lorsque nous recevons de jeunes solistes encore peu connus… Il nous arrive parfois de mettre des spectateurs sur la scène.

Pourquoi vous êtes-vous engagé pour le piano et avez-vous développé une saison musicale autour des pianistes? Est ce une passion ancienne?
Etant lyonnais et fréquentant assidûment les salles de concerts, je regrettais qu’il manque justement dans notre ville une saison consacrée au piano. La Salle Molière, de part sa jauge (600 personnes) et son excellente accoustique, semblait être le théâtre idéal pour ce genre de programmation. C’était par ailleurs l’occasion de mettre cette salle à l’honneur, lui redonner une identité. Je crois que les lyonnais y sont attachés et qu’elle a son propore public.

Quels sont les prochains récitals importants de la saison Piano à Lyon?

Après Lise de la Salle (le 28 Février 2007) et les concerts Chopin de Mars, nous terminerons la saison avec un récital de Jean-Marc Luisada. Il jouera Schumann, Chopin et Beethoven, qu’il vient d’enregistrer. Puis nous annoncerons la troisième édition!

Quels seraient les artistes que vous rêveriez d’inviter dans les années à venir? Qu’écoutez en ce moment au disque? Votre coup de coeur de ces dernières semaines?

Il y a beaucoup de pianistes exceptionnels que j’aimerais faire découvrir au public, qui sont jeunes et pas forcément très connus, comme Polina Leschenko, Martin Helmchen et Alexander Moguilewsky. Pour le rêve, je garde le secret puisqu’un d’entre eux a accepté mon invitation pour la saison prochaine. Mais je pourrais citer Maria Joao Pires, Mikhail Pletnev et Ivo Pogorelich, plus « inaccessibles »…
J’écoute beaucoup de disques! Les anciens enregistrements de Guiomar Novaes, illustre pianiste brésilienne que Nelson Freire m’a fait découvrir, tous les disques de Martha Argerich, de Bruno Leonardo Gelber, ceux consacrés aux Sonates de Scarlatti de Pletnev, sublime! Mais aussi les Concertos de Brahms par Nelson Freire, le dernier disque de François Frédéric Guy avec la Sonate Hammerklavier… Tout récemment, le dernier Brahms de Nicholas Angelich, qui a donné un récital magistral et passionnant à… Piano à Lyon.

Propos recueillis par Alexandre Pham

Crédits photographiques
Jérôme Chabannes (DR)
Jean-François Zygel et Jérôme Chabannes (DR)

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le mardi 13 février 2007. Concert Berlioz, Berio, Dvorak. Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam. Mariss Jansons, direction.

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La venue à Paris de l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam avec le chef letton Mariss Jansons, directeur musical depuis le départ de Riccardo Chailly pour Leipzig en 2004, était un événement attendu. Ce fût un superbe concert accueilli avec enthousiasme par un public venu en nombre et à l’évidence conquis. Cet orchestre, récemment considéré comme l’un des trois meilleurs ensembles symphoniques du moment, est effectivement un magnifique instrument. On ne sait quoi admirer le plus, les cordes à la justesse absolue et d’une suavité rare, les cuivres clairs, puissants sans être lourds mais capables d’un legato digne des violoncelles, les bois aux textures raffinées sans oublier une percussion à la fois ferme, souple et précise. L’engagement physique des instrumentistes, un sens évident de l’écoute et un souci permanent du résultat produisent au final un son d’une beauté, d’une homogénéité et d’une précision rares. De plus, cet orchestre exceptionnel était dirigé par un musicien non moins exceptionnel, à la gestique presque féline, et pour qui les nuances et chaque note sont essentielles. Cette importance accordée aux nuances, mais sans jamais les solliciter à l’excès, et cette façon d’habiter chaque note, moment, transition ou crescendo sont à l’évidence la marque d’un très grand chef.
Il n’y avait pas de cohérence évidente dans ce programme à trois temps mais qu’importe car ce talent, cet enthousiasme, cette énergie et ce travail étaient au service de l’essentiel : la musique. Après une ouverture du carnaval romain attaquée avec conviction dès la première note et tour à tour baignée de lumière et de rythmes, le concert se poursuivait avec les Folk Songs de Luciano Berio interprétés par Elina Garanca, chanteuse lettone en pleine ascension. La voix est belle, puissante, homogène, et l’engagement visible dans ces miniatures multicolores et polyglottes ici défendues avec brio et souplesse. Mais la pièce maîtresse de ce programme était sans aucun doute la symphonie du nouveau monde de  Dvorak. L’œuvre fut composée aux Etats-Unis et créée à New York en 1893. L’interprétation donnée hier soir était magique à la fois puissante et poétique. La construction menée pas à pas permettait d’entendre les innombrables richesses de cette musique si subtile mais rarement aussi bien mises en valeur. L’adagio dégageait une émotion palpable et contenue, surtout grâce au solo de cor anglais mené sur un souffle semblant inépuisable, tout en se mêlant à merveille et avec une finesse extrême aux clarinettes. Le scherzo, étrange chaînon manquant entre Schubert et Bruckner, était mené avec une légèreté et une élégance quasiment viennoises. Quant au final abordé avec une détermination à la fois ample et festive, il était mené jusqu’aux grands espaces et aux étoiles avec un sens incroyable de la progression et des crescendi d’anthologie. Un grand concert ou plutôt un très, très grand concert.
Mariss Jansons reviendra au Théâtre des Champs-Elysées  le 17 juin 2007 avec l’autre orchestre dont il est directeur musical, celui de la Radio Bavaroise dans un programme Strauss et Brahms. Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !! En attendant, il sera passionnant d’écouter la 7 ème symphonie de Dvorak par les Berliner Philharmoniker et Simon Rattle à Pleyel le 5 mars prochain.

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le mardi 13 février 2007. Hector Berlioz (1803-1869) : Ouverture du Carnaval romain (H 95). Luciano Berio(1925-2003) : Folk Songs (1964) pour mezzo-soprano et 7 instruments. Antonin Dvorak(1841-1904) : Symphonie en mi mineur n° 9 du nouveau monde op 95 (1893). Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam. Mariss Jansons (direction).

Haendel, Teseo. Opéra de Nice. Les 18, 20, 22 mars 2007

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Haendel l’Européen

Né le 23 février 1685 à Halle, au Nord est de l’Allemagne, Haendel montre très tôt des dispositions créatrices sur le plan musical. Son père accepte qu’il suive ses premières leçons auprès de Friedrich Wilhelm Zachow, organiste au sein de la paroisse familiale, la Liebenfrauenkirche (église Notre-Dame). Pratique régulière de l’orgue, contrepoint, maîtrise des chorals dans la tradition luthérienne… sont les bases « classiques » de la pédagogie de Zachow, auxquelles le professeur ajoute la connaissance tout autant assidue des styles européens contemporains: italien et français. Haendel doit écrire ainsi à la manière de Lully, entre autres. L’opéra, genre très en vogue dans les cours princières germaniques, en particulier italien, est la source d’une découverte et bientôt d’une passion croissante. Compositeur, Haendel sera surtout un homme de théâtre, exigeant sur l’interaction de l’action, du chant, de la musique.
Après un périple italien où il s’illustre sur la scène comme le meilleur des compositeurs lyriques italien, Haendel fait représenter son Teseo avec une maîtrise exemplaire. Il est à la fois, italien, germanique, français et londonien: de Purcell, compositeur illustre de l’Angleterre du XVII ème siècle, il poursuit le sens de la clarté mélodique.
Haendel acclimate la tradition théâtrale du masque où priment la danse, le chant et, comme dans la tragédie lyrique française, l’hommage rendu à la Monarchie. Conscient de la dimension moralisatrice et politique de l’action scénique, d’autant plus favorisée si elle s’adresse à l’élite princière et à la Cour, Haendel acclimate la forme de l’opera seria, action digne des héros tragiques et vertueux, avec fin heureuse (de rigueur) exposant une morale rassurante. Le héros que peint l’opéra haendélien est un hommage au Souverain dont les vertus humaines sont exposées et habilement mises en avant dans l’action représentée. Le génie du compositeur est d’apporter dans un cadre de « servitude » ou d’allégeance, la perfection de sa musique qui exprime la sensation palpitante des passions humaines. On sait avec quelle énergie il renvoya à ses écritures, son librettiste Thomas Morell, auteur des livrets des derniers oratorios, lequel avait eu l’audace de critiquer la musique parce qu’elle n’avait pas bien mis en avant, la force d’un mot. Or Haendel, conscient de sa valeur, marqua très nettement la supériorité de son art, sur celui de son collaborateur.

Londres, 1713

Fraîchement arrivé à Londres, fort du succès obtenu avec son Rinaldo (1711), Haendel se rapproche des compagnies et des théâtres qui soutiennent les productions d’opéra italien. Cosmopolite, dramaturge ambitieux, il puise dans la tragédie antique, les ressorts d’une action exemplaire qui s’appuie surtout sur l’intensité des principaux caractères. Thésée offre un prétexte idéal. Le héros a déjà été évoqué au siècle précédent en France, dans la tragédie lyrique que Lully et son versificateur de génie, Philippe Quinault, conçoivent pour Louis XIV. Leur ouvrage nourri de mesure et d’éloquence propre au Grand Siècle français, est créé devant le Roi, le 11 janvier 1675. Haendel s’inspire du livret dont il réalise une adaptation cependant grâce à la collaboration de son librettiste Nicolas Francesco Haym. Haendel impose son écriture musicale pour illustrer la grandeur édifiante et exemplaire des personnages de l’action. Les hautbois confèrent à l’ensemble une couleur « pastorale ». Rien n’est négligé pour frapper les esprits. Soucieux de susciter un nouveau succès, Haendel sacrifie à la mode de l’époque, il écrit le rôle principal, Teseo pour un castrat. La tessiture irréelle de ce type de chanteur accentuait la magie fantastique et l’irréalité de la création théâtrale. En homme de théâtre, Haendel devait certainement mesurer l’étendue féerique qu’apportaient alors les « stars » du chant.
Aujourd’hui, le rôle est tenu par une mezzo-soprano. La virilité à notre époque s’entend plus bas. Egeo et Arcane sont alto, contre-ténor ou haute-contre.
Le compositeur semble s’être passionné pour l’expression musicale de Médée, enchanteresse défaite, femme trahie, magicienne impuissante. Afin d’inscrire explicitement le désarroi du personnage, Haendel a choisi de doubler sa voix avec le timbre du hautbois dont on sait qu’il évoque comme nul autre la solitude de la voix, son errance et son impossibilité. Haendel n’a pas 30 ans lorsqu’il compose ce premier chef d’oeuvre. Teseo par sa maîtrise et sa profondeur psychologique, annonce les oeuvres de la maturité, Giulio Cesare, Alcina.

Illustrations

Haendel (DR)
Décors de la production de Teseo à l’Opéra de Nice, en mars 2007 (DR)

Gilbert Bezzina, entretien. Teseo de Haendel, Journées Buxtehude. Nice, Mars et avril 2007.

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Le Baroque aurait-il trouvé à Nice une terre promise ? L’un de ses ambassadeurs les plus engagés, Gilbert Bezzina, qui fête en 2007, les 25 ans de son « Ensemble Baroque de Nice », s’apprête à diriger Teseo de Haendel (les 18, 20 et 22 mars 2007 à l’Opéra de Nice), avant de célébrer en avril sur trois jours (les 20, 21 et 22 avril 2007), le tricentenaire Buxtehude. Pourquoi Teseo ? Quelles œuvres choisies pour les Journées Buxtehude ? Entretien.

Vous dirigez à partir du 18 mars prochain, à l’Opéra de Nice, Teseo de Haendel. Pourquoi cet opéra précisément ?
Nous avions le projet avec Paul-Emile Fourny, directeur de l’Opéra de Nice, de poursuivre le cycle des opéras baroques, après « Rosmira Fedele » de Vivaldi que nous avons dirigé en 2003. Paul-Emile Fourny et Gilbert Blin, qui avait signé la mise en scène et les décors de Rosmira fedele, ont choisi « Teseo ». Il s’agit d’un opéra de jeunesse de Haendel, complexe et très riche sur le plan expressif. A ce titre, la figure de Médée qui apparaît comme enchanteresse est très intéressant. En outre, l’action de Teseo permet la réutilisation d’une partie des décors de « Rosmira Fedele », ce qui réduit les coûts de ce genre de production. On peut saluer la politique de l’opéra de Nice à ce sujet.

Quelles sont les difficultés que pose la production de Teseo ? Sur quelles sources travaillez-vous ?
L’ouvrage ne pose pas vraiment de difficultés pour les interprètes, pour qui la musique de Haendel n’est plus une découverte. Haendel se montre très précis sur l’orchestration. Par ailleurs, même si le matériel d’orchestre de Teseo semble avoir été perdu, la consultation des partitions d’orchestre des ouvrages similaires nous permet de savoir par exemple que Haendel utilisait deux clavecins ou qu’il ajoutait des timbales lors des passages avec les trompettes. Il existe deux versions « exploitables » : celle qui est conservée dans la collection Haendel du Foundling Museum de Londres datant de 1712, l’année de composition de l’ouvrage, et celle plus tardive conservée à la BN à Paris, datant de 1790.

Quels sont vos projets ?
Nous allons publier chez Ligia Digital un disque qui concerne un programme joué depuis de longues années par l’Ensemble baroque de Nice, les concertos de Jean-Sébastien Bach. Sur la scène, mon rêve serait d’aborder les œuvres d’Alessandro Scarlatti, un compositeur méconnu aujourd’hui pour son répertoire lyrique , pourtant particulièrement fécond en la matière. J’avais, il y a une dizaine d’années, dirigé son « Télémaque » à Nice.

En avril 2007, vous participez aux célébrations du Tricentenaire de la mort de Dietrich Buxtehude. Pouvez-vous nous parler du week-end thématique que vous consacrez au compositeur baroque ?
Nous avons essayé de donner un panorama complet des différents aspects de l’œuvre de Buxtehude. Bien que l’œuvre pour orgue soit monumentale, j’ai choisi une seule pièce d’orgue car à Nice, il n’existe aucun orgue de type allemand. Nous avons plutôt centré nos programmes autour des cantates et des sonates pour violon et viole de gambe. Les cantates seront chantées par trois chanteurs, deux sopranos et un baryton : il s’agit de partitions magnifiques, très peu jouées. En plus des concerts, le musicologue Gilles Cantagrel donnera une conférence sur l’homme et le musicien (ndlr : le 21 avril à 16h30. Nice, Chapelle Sainte-Croix)

Propos recueillis par Alexandre Pham

Crédit photographique
Gilbert Bezzina (DR)

Roland Petit, hommageFrance 2, lundi 12 mars 2007 à 1h10

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Roland Petit, portrait

Musiques au cœur

Lundi 12 mars 2007 à 1h10

Documentaire. Réalisé par Denis Caïozzi.

Roland le Grand

C’est dans l’effervescence du Paris de la fin de la guerre, qu’un fougueux jeune homme de 21 ans fait ses débuts de chorégraphe avec une création qui réunit autour de lui : Boris Kochno, auteur du livret; Henri Sauguet pour la musique, Christian Bérard pour les décors et les costumes… Le 2 mars 1945, « Les Forains » triomphent au Théâtre des Champs-Elysées. Le ballet fait le tour du monde, et avec lui son créateur, Roland Petit !
Parcours et portrait du chorégraphe aux 150 créations dont quelques chefs d’oeuvre comme « Le jeune homme et la mort », créé par Jean Babilée et Nathalie Philipart, Le « Rendez-vous », Carmen conçu pour son épouse et égérie, Renée Jeanmaire, dite Zizi, mais encore « Cyrano de Bergerac », « Notre-Dame de Paris », « Clavigo », « La Dame de pique », d’après Pouchkine, pour lequel il a reçu en 2002 le très prestigieux Masque d’or des mains du président Poutine, ainsi que le prix d’Etat russe pour l’ensemble de son œuvre.
Roland Petit a fondé les Ballets de Marseille, qu’il dirige de 1972 à 1998. A Paris, comme à Hollywood, il a abordé avec autant de succès tous les genres et réglé plusieurs films de danse avec Fred Astaire, Cyd Charisse ou Leslie Caron ; des revues de music-hall pour Zizi Jeanmaire, dont le célèbre « truc en plumes » sur une musique de Jean Constantin, et des costumes d’Yves Saint-Laurent.
Ouvert à tous les autres modes de création artistique, il a travaillé avec les grands artistes de son temps, au nombre desquels figurent Jean Cocteau, Picasso, Max Ernst, Marie Laurencin, André Derain, Léonor Fini, Henri Sauguet, Henri Dutilleux, Marcel Landowski, Serge Gainsbourg et de célèbres danseurs furent ses interprètes comme Rudolf Noureev, Margot Fonteyn, Maïa Plissetskaïa, Mikhaïl Baryshnikov, Patrick Dupond, Dominique Khalfouni…
France 2 filme un hommage à Roland Petit, octogénaire, réalisé au Théâtre Jean Vilar de Suresnes, le long de « ses chemins de la création ». Il est accompagné par les danseurs Lucia Lacarra, Luigi Bonino, Cyril Pierre, Lienz Chang, Ken Kikuchi, Fabio Aragoa.

Crédit photographique
Roland Petit © G. Kanova

Mendelssohn, Concerto pour violonFrance musique, le 2 mars 2007, en direct de la salle Pleyel

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Mendelssohn,
Concerto pour violon
Berlioz
Symphonie Fantastique


Vendredi 2 mars 2007 à 20h
Concert en direct de la Salle Pleyel
en simultané avec l’Union européenne de radios
Echange franco allemands

Vadim Repim, violon
Orchestre Philharmonique de Radio France,
Myung Whun Chung
, direction

Le concerto de Mendelssohn

Paradoxe de l’art: l’apparente virtuosité masque la simplicité lumineuse de la partition. Souvent, dans le Concerto pour violon n°2 de Mendelssohn, les interprètes ont l’habitude de forcer ou de souligner le brio. Or l’esprit de l’oeuvre ne le commande pas forcément. Les multiples acrobaties de l’archet, font oublier la vraie nature d’une partition tissée de sobriété, d’insouciance, de mesure. Composé de 1838 à 1844, le concerto fut créé par le violoniste Ferdinand David au Gewandhaus de Leipzig, le 13 mars 1845… il y aura donc 162 ans.
Mendelssohn, alité, ne put assister à la création de son chef-d’oeuvre. Quand le compositeur fut rétabli, découvrant l’arche ardente et rayonnante de son oeuvre, sous les doigts de Josef Joachim, le 3 octobre 1847, il était presque trop tard… il devait s’éteindre le mois suivant, le 4 novembre 1847, à 38 ans.

Approfondir
Lire notre présentation de la Symphonie Fantastique d’Hector Berlioz

Illustration

Félix Mendelssohn-Bartholdy (DR)

La Petite BandeBruxelles, Eglise des Minimes, le mercredi 21 mars 2007 à 20h

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Premier concert d’une mini-tournée en Europe, La Petite Bande poursuit son exploration des Cantates de Bach dans sa version pour quatuor vocal. La recherche musicologique la plus récente a émis des réserves quant à l’utilisation d’un chœur au sens moderne du terme, dans les Cantates, les Passions et les Messes de Jean-Sébastien Bach. Le compositeur aurait donc destiné ses œuvres à un quatuor vocal, renforcé exceptionnellement, par un second quatuor, les « ripienisti », dans le cas de ses Passions. Celui-ci chante uniquement les morceaux d’ensemble et joue un rôle de doublure. La Petite Bande poursuit également l’enregistrement d’un cycle litturgique des Cantates de Bach chez Accent dont quatre disques sont déjà disponibles.

Programme
Johann Sebastian Bach: Cantate « Gleichwie der Regen und Schnee von Himmel fällt », BWV 18, Cantate « Du wahrer Gott und Davids Sohn », BWV 23, Cantate « Jesus nahm zu sich die Zwölfe », BWV 22, Cantate « Wie schön leuchtet der Morgenstern », BWV 1

Bruxelles, Eglise des Minimes
Le mercredi 21 mars 2007 à 20h

Infos: http://www.bozar.be/

Autres concerts :

Le jeudi 22 mars 2007 à 20h30. Paris : Eglise St-Roch.
http://www.concertsparisiens.fr/

Le vendredi 24 mars 2007 à 20h15. Padova: Auditorium Pollini.
http://www.amicimusicapadova.org/

Le mercredi 11avril 2007 à 20h30. Montecarlo : Printemps des Arts.
http://www.printemps-des-arts.mc/

Crédit photographique
La Petite Bande (DR)

Bruxelles, Orchestre National de Belgique. Boris BerezovskyBruxelles, Palais des Beaux-Arts, le vendredi 16 mars 2007 à 20h et le dimanche 18 mars 2007 à 15h

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Interprète privilégié de Rachmaninov et Chopin, le jeune pianiste prometteur et doté d’une virtuosité éblouissante sera l’hôte du Palais des Beaux-Arts ce vendredi 16 mars 2007 dans le célébrissime concerto pour piano n°2 de Frédéric Chopin. Après avoir étudié avec Elisso Virssaladze et Alexander Satz, Boris Berezovsky remporte en 1990 la médaille d’or du prestigieux Concours International Tchaïkovski à Moscou.

Parallèlement à une carrière de soliste, il se produit régulièrement en récital ou en musique de chambre dans de nombreux festivals européens en compagnie de Vadim Repin, Nikolai Lugansky et bien d’autres encore. En 2004, le Trio Boris Berezovsky (piano), Dmitri Makhtin (violon), Alexandre Kniazev (violoncelle) enregistre un DVD Tchaïkovski avec les Pièces pour piano, violon et violoncelle ainsi que le Trio Elégiaque.

Sa discographie principalement romantique comporte un enregistrement du Trio n°2 de Chostakovitch et le Trio Elégiaque n°2 de Rachmaninov chez Warner Classics International.

Programme
Robert Schumann: Manfred, Ouverture, op. 115
Frédéric Chopin: Concerto pour piano et orchestre n° 2, op. 21
Felix Mendelssohn-Bartholdy: Symphonie n° 3, op. 56, « Ecossaise »

Orchestre National de Belgique. Eivind Aadland, direction. Boris Berezovsky, piano

Bruxelles, Palais des Beaux-Arts
Le vendredi 16 mars 2007 à 20h
Le dimanche 18 mars 2007 à 15h

Infos: http://www.bozar.be

Crédit photographique
Eivind Aadland (G T Nergaard)

Voyage musical en Suède, documentaireMezzo, du 21 mars au 3 avril 2007

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Voyage musical en Suède
« Happy Swedish People »

Le 21 mars 2007 à 20h45
Le 22 mars 2007 à 13h45
Le 31 mars 2007 à 11h44
Le 2 avril 2007 à 17h
Le 3 avril 2007 à 3h45

Documentaire. Réalisation: François Goetghebeur. 52 mn, 2006.

Pour rompre la mélancolie bien présente dans l’oeuvre du compositeur suédois par excellence, Wilhelm Stenhammar, les habitants du grand nord chantent. Et pas que les standards indémodables du groupe Abba. Pas facile d’expliquer ce phénomène collectif dont les meilleurs ambassadeurs sont aujourd’hui Anne-Sophie von Otter, époustouflante mezzo (qui hélas ne chante pas dans le docu) et le jeune baryton Frederik Zetterstrom qui brûle les planches lyriques depuis l’âge de 18 ans, en particulier à Stockholm, au « Popopera », scène fondée en 1976.
En Suède, l’apparente froideur des résidents n’est qu’une mince façade qui se rompt très vite, délivrant un feu intérieur communicatif. Tous les témoins de ce périple d’une heure, un peu éparpillée, vous le confirment: les instrumentistes du Stenhammar Quartet (dont le violoncelliste Mats Olofsson), ceux du Chamber soloists of Uppsala, le clarinettiste (et compositeur) Martin Frost ou le chef du choeur de jeunes filles, « Kritallen den Fina », Bo Johansson.

Qui a été en Suède, peut aussi témoigner de l’excellence écologique du pays, parfaitement assimilée dans le comportement des habitants: pureté des lacs où chacun peut se baigner, y compris à Stockholm même! Cet amour de la nature et l’attachement à la lumière, surtout quand les jours raccourcissent en hiver, se traduisent en musique par une soif de partage, de jeu collectif, d’éclat. C’est peut-être le sens de la fête bien suédoise « Midnight race » dont tous les participants y compris les musiciens, fêtent le prochain retour du printemps pour tuer la tyrannie des nuits d’hiver, en tee-shirt jaune, pour mieux honorer le seigneur soleil. En complément, le film ajoute de trop brèves prestations du Swedish Radio Symphony Orchestra (direction: Manfred Honeck) et du Royal Stockholm Philharmonic Orchestra (direction: Hans Ek). En conclusion, un avant-goût qui tient plus de la carte postale et du soupoudrage que d’un parcours consistant tels le voyage musical en Norvège, ou le voyage musical en Autriche, plus denses à notre avis, que Mezzo a précédemment diffusé. Quoiqu’il en soit, le désir de se rendre dans un pays aussi enchanteur, d’y rencontrer d’aussi pétillants mélomanes, s’accroît au fil du visionnage.

Crédit photographique
La silhouette prismatique du Château royal de Stockholm (DR)
Wilhelm Stenhammar, poète de la mélancolie réservée, pudique, secrète (DR)
Visuel TOP 5 télé: le clarinettiste Martin Frost (DR)

Voyage musical en Autriche: Vienne et SalzbourgMezzo, du 14 au 29 mars 2007

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Voyage musical en Autriche
« L’Autriche selon Wolfgang« 

Le 14 mars 2007 à 20h45
Le 15 mars 2007 à 13h45
Le 24 mars 2007 à 11h45
Le 26 mars 2007 à 16h45
Le 29 mars 2007 à 3h36

Documentaire. Réalisation: Nicolas Lebrun. 52 mn, 2006. Inédit

Pas d’équivoque. Le Wolfgang dont il est question dans ce nouveau
voyage musical, n’est pas notre cher Amadeus, mais Wolfgang Schaufler, membre du Mica, le centre d’information sur la musique en Autriche,
basé à Vienne.Chacun peut y trouver toutes les informations concernant l’actualité des concerts et des opéras, et surtout un fonds d’informations sur tous les compositeurs autrichiens d’hier, d’aujourd’hui, de demain. Comme pour les autres chapitres de cette collection qui mêle évasion et musique (lire aussi Voyage musical en Norvège), notre guide nous fait découvrir les hauts lieux de musique dans la capitale impériale, où Mozart et Haydn perfectionnèrent le style classique (créé à Mannheim par les frères Stamitz), avant que Beethoven puis Schubert mais aussi Mahler, Bruckner, Brahms et Richard Strauss ne s’illustrent à leur tour… à l’Opéra ou dans les salles de concerts.
Programme consistant: visite du Wiener Konzerthaus, fondé en 1913; présentation du compositeur le plus populaire à Vienne de son vivant, Johann Strauss II; cours de Valse à la célèbre école Elmayer, laquelle prépare ses élèves (jusqu’à 3000 jeunes par semaine) aux cérémonies d’ouverture du Bal de l’opéra, et du bal du château Impérial de Schönbrunn… La musique contemporaine n’est pas oubliée: rencontre avec les 24 musiciens de l’ensemble Klangforum Wien qui s’est fixé comme répertoire les oeuvres des compositeurs vivants… En guest star, la mezzo Angelika Kirchschlager qui a fait ses études à Vienne, évoque ses prises de rôles à l’Opéra de Vienne… sur les traces d’Irmgard Seefried et d’Agnès Baltsa…; la chef d’orchestre, Simone Young explique les raisons de son attachement à la capitale Habsbourg.
Le parcours s’achève à Salzbourg, la ville où naquit Mozart qui ne cessa cependant de vouloir la quitter… Visite entre autres au Mozarteum où enseignèrent Michael Gielen et Nikolaus Harnoncourt. Rencontre avec Nathalie Chee, premier violon de la Camerata de Salzbourg… Mais l’épisode ne serait pas digne de ses prédécesseurs s’il ne satisfaisait une tradition attendue: la révélation d’un lieu incontournable. A ce titre, la découverte d’un café légendaire à Vienne, le café « Hawelka » tenu par « monsieur Hawelka », 94 ans en 2006, répondra totalement à votre attente…

Crédit Photographique
Johann Strauss II : le roi de la Valse, que Marie-Thérèse fit interdire car l’Impératrice trouvrait dangereuse la passion des Viennois pour cette danse qui les mettait en transe… (DR)

Lise de La Salle, piano. PortraitMezzo, du 26 mars au 9 avril 2007

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Lise de La Salle, piano

Le 26 mars 2007 à 20h45
Le 27 mars 2007 à 13h45
Le 8 avril 2007 à 10h40
Le 9 avril 2007 à 3h45

« Lise de La Salle, majeure! » Documentaire. 26 mn, 2006.

Malgré son jeune âge, Lise de La Salle fait preuve d’un tempérament particulièrement explicite qui se lit sur son visage quand l’interprète joue en concert. Tension, investissement, engagement: la jeune femme donne tout au moment du concert. La caméra de ce trop court documentaire suit l’artiste lors de ses déplacements, à Zurich (où elle aborde Roméo et Juliette de Prokofiev), Lisbonne (où elle répète sous la conduite de Lawrence Foster), à La Roque d’Anthéron (pour une sonate de Mozart), à Nohant (où jouer dans la maison où Chopin vécut avec Georges Sand, reste une expérience marquante…), à Cologne sous la baguette de Semyon Bychkov, un chef qu’elle admire depuis toute petite et qu’elle a suivi comme spectatrice lorsque le chef dirigeait l’Orchestre de Paris. En plans rapprochés, la très jeune interprète (qui n’a que 18 ans en 2007) se livre à demi-mots, sous le regard admiratif de son professeur Pascal Nemirovski; aux côtés de sa mère qui avoue l’existence de talents antérieurs dans la famille…
Si elle se produit en public depuis l’âge de 12 ans, sa maîtrise et son feu inventif se sont affirmés depuis peu, grâce à ses deux premiers disques parus chez Naïve.
Aujourd’hui, Lise de La Salle aime associer les compositeurs pour chacun de ses concerts. C’est une interprète aux humeurs mixtes qui ne s’est pas encore fixée sur un seul horizon. Plus tard, viendront les récitals thématiques… quoique. Elle aime les mélanges, y compris les associations audacieuses qui correspondent cependant toujours à des oeuvres particulièrement chères. Hier, Bach et Liszt; aujourd’hui, Mozart et Prokofiev, et plus récemment encore, Chostakovitch, Liszt et Prokofiev, si l’on reprend le programme de son deuxième album paru en février 2007 chez Naïve. L’élève a fait place à une interprète déterminée, capable d’une intense concentration. Jeune talent à suivre assurément !

Musique en ligne: DG et DECCA concerts Nouveautés du 20 février 2007

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DG et DECCA concerts
Nouveautés du 20 février 2007

Nouvelle moisson de titres exclusivement accessibles en téléchargement, orchestrés par DG et DECCA concerts. Le concept initial est parfaitement respecté: il s’agit toujours de témoigner de l’offre plurielle des grandes phalanges contemporaines dans des captations saisies en concerts publics. Là encore, l’offre est foisonnante et conviendra en priorité aux amateurs de concerts symphoniques grâce à des live diversifiés, souvent de très bonne tenue et après leur enregistrement, très vite disponibles en téléchargement. Richesse de l’offre, des interprètes comme des oeuvres au catalogue, réactivité des mises en ligne, et maintenant des encodages à 320 kbits: vive Internet!

New York Philharmonic, Philharmonia orchestra = « 3 à 1 »

Au rayon DG concerts: trois nouveaux concerts du New York Philharmonic dirigés par Lorin Maazel. Suite du cycle New Yorkais avec les volumes 1 et 4 (mai et octobre 2006), complétés par un concert Richard Strauss plutôt convaincant (septembre/octobre 2005).
De son côté, DECCA concerts propose un live enregistré au De Monfort Hall, Leicester, le 10 novembre 2006 dans lequel Charles Dutoit dirige le Philharmonia Orchestra dans Sibelius (Finlandia), Mozart (Symphonie Haffner) et Berlioz (Symphonie Fantastique). Bilan et chroniques.

Disponibles, le 20 février 2007

Les quatre nouveaux titres sont disponibles sur votre plateforme de téléchargement habituel, à partir du mardi 20 février 2007.

New York Philharmonic

Lorin Maazel, direction

Richard Strauss
Don Juan, Mort et résurrection,
Danse des sept voiles,
Suite du Chevalier à la Rose

New York Philharmonic 2005/2006
Lorin Maazel, direction
Enregistrement live de mars,
septembre et octobre 2005,
à l’Avery Fischer Hall

La présente lecture met en relief les limites et les atouts de Maazel: d’un côté, une affectation certes très stylée, que d’aucun taxera de maniériste; de l’autre, un indiscutable élan hédoniste grâce à une baguette lumineuse et lyrique qui obtient quasiment tout de son orchestre. Le Don Juan est splendide et superbe en phase avec l’imagination colorée et texturée d’un Maazel pictural. On regrettera peut-être dans Mort et Transfiguration, une lecture justement trop près de la partition et des notes, pas assez habitée ni paniquée. Mais enfin, couleurs et texture là encore sont en plusieurs reprises, d’une fort belle pâte. En dix minutes, les instrumentistes expriment ce déhanchement indécent et furieusement orientalisant de la Danse des sept voiles. Capricieux, taquin, sur un tempo ralenti qui aime soigner la cabrure d’ensemble, Maazel se montre au meilleur de lui-même. Idem pour une Suite du Chevalier à la rose dont le registre nostalgique et parodique, est idéalement porté. Certes, il y a une bonne dose de kitcherie mais le chef ne dépasse jamais la dose prescrite, sachant avec finesse et même élégance, éviter le tapage et la vulgarité crémeuse souvent présente ailleurs. Dans l’ensemble, ce programme straussien se défend par sa classe presque viennoise.

Dmitri Chostakovitch,
Concerto n°1 pour violoncelle
et orchestre opus 107,
Symphonie n°5 opus 47

Lynn Harrell, violoncelle
New York Philharmonic 2006/2007
Lorin Maazel, direction
Enregistrement live de mars,
septembre et octobre 2006,
à l’Avery Fischer Hall

Le chant intense et humain de la violoncelliste Lynn Harrell s’accorde à la clarté de l’orchestre, en particulier dans le moderato (qui est le mouvement le plus développé: il dure plus de dix minutes). Cynique et même glaçant, Chostakovitch peint le spectacle d’un champs de ruines. Solitude effrayante, face à face sans complaisance où l’homme contemple les effets de sa barbarie, l’oeuvre n’en finit pas de nous interroger sur la part destructrice de l’humanité. Et souvent le violoncelle qui recueille cette constatation affligeante s’agite presque suffoqué par l’ampleur de la dénonciation: la folie guette chacun de ses soliloques, en particulier dans le dernier mouvement où le chant du soliste est pareil à un condamné mené tambour battant vers l’inéluctable lieu de son sacrifice quand l’orchestre accumule les pointes acides et sarcastiques. Même si elle manque de nerf, la lecture garde une très bonne tenue, d’autant que Maazel enchaîne les trois mouvements sans pause. La Cinquième Symphonie est propre à la vision emblématique d’un Maazel sans stress et toujours hédoniste : limpidité de la construction, équilibre des pupitres, clarté et lyrisme, souvent au détriment des fulgurances, peu d’accents assénés ou de ruptures contrastées. Mais la vision Maazel sait reconnaître surtout sous le poids des mensonges, du sarcasmes et des grimaces aigres (grotesques parfois surlignées de l’allegretto, avec des solos de violon un tantinet maniéristes), ce lien indéfectible avec l’humain, d’autant plus dans le troisième mouvement, cet ample largo de quinze minutes dont la sérénité méditative semble effacer toutes les tensions antérieures, tout en faisant le catalogue des épisodes marqués par une amère désillusion. Lecture lisse sans vertiges mais ni fautes de goût. Le concert inaugure le cycle du New York Philharmonic saison 2006/2007 et porte en conséquence, le numéro 1 de cette nouvelle série.

Berlioz
Harold en Italie opus 16
Mahler,
Symphonie n°1
Cynthia Phelps, violon
New York Philharmonic 2005/2006
Lorin Maazel, direction
Enregistrement live
des 25 au 27 mai 2006,
à l’Avery Fischer Hall

Lecture là encore très classicisante mais à la riche et dramatique expressivité. La succession des tableaux brossés par un Berlioz ivre, passionné par le motif italien, est nettement accessible. Maazel construit dans l’ampleur et l’épaisseur. Son Berlioz est Meyerbeerisé voire même wagnérisé (avec des coupes rythmiques assez maniéristes là encore). Mais sur ce fonds de magma bouillonnant et ornementé, l’incise pratiquée par la violoniste Cynthia Phelps ne manque pas de tempérament. L’orgie de brigands qui conclue le cycle est même dramatiquement très impliquée, et la fusion soliste/orchestre, parfaitement assurée.
Maazel, Mahlérien? Sa vision de la Symphonie n°1 est fidèle à ses autres lectures au sein du cycle DG concerts: ni vraiment hallucinée ni platement prosaïque. Le Philharmonique de New York trouve souvent de superbes colorations, et des climats de lyrisme et d’insouciance (tant recherchée par le compositeur) vraiment saisissants. Mais si les détails fourmillent d’un juste éclat, la vision d’ensemble manque d’urgence, d’exaltation, de risques. L’analyse se perd parfois dans l’excès de précision. Cette voie du milieu, qui assume un équilibre parfois insuffisant, déploie sa carte maîtresse: la sonorité, opulente, de l’orchestre.

Philharmonia Orchestra

Charles Dutoit, direction

Sibelius: Finlandia, opus 26
Mozart: Symphonie Haffner K385
Berlioz: Symphonie fantastique,
opus 14
Concert live enregistré
au De Montfort Hall,
Leicester, le 10 novembre 2006

Dutoit dispose d’une phalange très convaincante: il ose la gravité sombre dans Finlandia: à la solennité des cuivres répond la tendresse éperdue des bois et des vents. On sait bien que l’oeuvre présentée à l’Exposition Universelle parisienne retentit comme un hymne patriotique appelant une nation soumise fière de la beauté de ses paysages, comme investie par sa mère nourricière, à se libérer de la domination russe. A ce titre, la partition de Sibelius devint un second hymne national. De fait, la marche triomphale qui conclue la partition, ne manque ni de furieuse nervosité ni de frénésie dansante. Sans être transparente ni incisive, la Symphonie Haffner ne démérite pas vraiment: Dutoit sait souligner sans les appuyer, les accents dramatiques. Mais aujourd’hui, la « puissance » de l’orchestre semble presque disproportionnée. Nervosité caractérise la Fantastique avec un très belle tenue axiale des cordes, précises et transparentes. Les autres pupitres, bois et cuivres ne sont pas en reste. Il en résulte un engagement extrêmement propre, souverainement efficace. Live engagé, donc enregistrement légitime.

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, les 8, 10, 15 et 16 février 2007. Cycle Schumann. Orchestre National de France, direction : Kurt Masur.

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Voilà une nouvelle page qui se tourne. Le cycle Schumann de l’Orchestre National de France sous la direction de son directeur musical Kurt Masur nous laisse perplexes.  En quatre soirées, le public parisien a pu entendre la quasi-intégralité de l’œuvre orchestrale du compositeur romantique. La vision de Masur est plutôt classique et sereine. Elle tend à l’équilibre et vers la lumière. Les élans romantiques sont mesurés. Pour Masur, cette musique n’est pas celle d’un être ambigu, insaisissable, en proie à des hallucinations, ni celle d’un homme hanté par sa propre disparition. Une fausse idée sans doute, ce Schumann en permanence « double » ? Mais cette volonté de « rationalisation » a-t-elle vraiment trouvé durant ces quatre soirées, son point d’accomplissement ?
En effet, la direction de Masur est trop nerveuse pour que le discours puisse véritablement s’épanouir, à tel point qu’il paraît parfois morcelé. En témoigne l’Ouverture, Scherzo et Finale assez grisâtre, une ouverture de Genoveva timide ou la Troisième Symphonie qui perd de sa puissance de page en page. Le quatrième mouvement, évoquant la cathédrale de Cologne, ne retrouve guère la grandeur du monument. D’une manière générale, l’auditeur ne sent que rarement la dynamique exceptionnelle du discours schumannien. Dans le Finale de la Quatrième Symphonie, les doubles croches étalées sur plusieurs voix ne donnent pas cette sensation – unique – de parcourir toute l’étendue de la matière sonore. Les étonnants accords, très sombres, d’une verticalité extrême, qui se trouvent après la barre de reprise, ne s’épanouissent pas avec l’ampleur espérée dans les trémolos de cordes deux octaves plus haut. Nous aurions aimé être cloués sur notre fauteuil, complètement tétanisés.
Paradoxalement, lors de la quatrième soirée, les musiciens semblent plus investis que les autres soirs, comme délivrés d’un carcan lourd à porter. Pourtant cela ne va pas sans créer, comme les jours précédents, quelques décalages dans les pupitres de cordes. Cela ternit la couleur générale de l’ensemble. Le premier mouvement de la Quatrième Symphonie souffre d’un manque global de précision chez les cordes (articulations, accents). Les cuivres, dans le Finale (Lebhaft) sonnent trop brillants, parfois même très clinquants, tout comme la veille dans celui de la Rhénane. Etonnant aussi que le chef durant tout le cycle semble se fonder uniquement sur les parties de violons et d’altos, au détriment des autres voix. Les contrebasses, que l’on entend rarement, paraissent faire de la figuration : elles ne sont pas ici vecteur de fluidité ou de relance du discours. L’auditeur est saisi lorsqu’elles sont mises en valeur (début du Finale de la Quatrième), comme si un air frais le caressait. Manfred ou le Feierlich de la Troisième Symphonie ont véritablement souffert, sans cette présence véritable de basses et de teintes sombres. Dans la Deuxième Symphonie, Masur nous avait paru plus respectueux de l’architecture et des balances.
Le plus beau moment de ce cycle fut très clairement le Concerto pour violon, œuvre redoutable. Alors que Ragna Schirmer nous avait offert la semaine précédente un Concerto pour piano raide et d’une grande sécheresse poétique, le Concerto pour violon fut un merveilleux moment qui ne sera pas renouvelé le lendemain avec le Concerto pour violoncelle, joué en solitaire par Xavier Philipps. Dans le Concerto pour violon fut trouvé l’équilibre que nous attendions. L’esprit acéré du violoniste grec Leonidas Kavakos aide à clarifier le discours. La forme triomphe. Mais Kavakos n’oublie jamais de chanter : l’ampleur de ses phrasés se répand en reflets chatoyants dans les pupitres de l’orchestre. La maîtrise instrumentale est extraordinaire, le ton de ballade mélancolique donné à l’ensemble, réellement inoubliable. Un très beau moment de musique de chambre !

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, les 8, 10, 15 et 16 février 2007. Robert Schumann (1810-1856) : Genoveva (ouverture), Concerto pour piano et orchestre en la mineur (a), Symphonie n° 1 en si bémol majeur « Le Printemps » (jeudi 8 février), Hermann und Dorothea (ouverture), Ouverture, Scherzo et Finale, Konzertstück pour quatre cors et orchestre en fa majeur, Symphonie n° 2 en ut majeur (samedi 10 février), Manfred (ouverture), Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, Symphonie n° 3 en mi bémol majeur « Rhénane » (jeudi 15 février), Introduction et Allegro appassionato pour piano et orchestre (Konzertstück), Introduction et Allegro de concert en ré mineur pour piano et orchestre (b),; Concerto pour violoncelle et orchestre en la mineur, Symphonie n° 4 en ré mineur (version révisée) (vendredi 16 février).Ragna Schirmer, piano (a). David Fray, piano (b). Leonidas Kavakos, violon. Xavier Philipps, violoncelle. David Guerrier, Philippe Gallien, Jocelyn Willem, Jean Pincemin, cors. Orchestre National de France.Kurt Masur, direction.

Retransmission du concert du 10 sur France Musique le 22 février 2007 à 10h, et le concert du 16 le 23 février 2007 à 15h.

Christophe Dumeau, haute-contre. Récital Haendel. Mezzo, du 1er au 18 mars 2007

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Christophe Dumeau, haute-contre.
Récital Haendel


Le 1er mars 2007 à 21h50
Le 2 mars 2007 à 14h45
Le 4 mars 2007 à 18h
Le 18 mars 2007 à 4h50

Concert. 52 mn, 2005.
Au festival de Beaune 2005, accompagné par l’ensemble de cordes, dirigé par Florence Malgoire, Les Dominos, le jeune haute-contre Christophe Dumeau chante la passion haendélienne. La voix fluide et convaincue, déploie un feu dramatique prometteur, dans des extraits des opéras: Giulio Cesare, Tamerlano, Flavio. Imploration, prière, rageuse haine: la palette des affetti dont l’auteur du Messie s’est fait une spécialité, est incarnée avec un très bel engagement. Christophe Dumeau commence une carrière remarquée. Ce concert Bourguignon dévoile l’intensité vocale d’un interprète qui évoque l’égalité des registres et la chaleur d’un prédécesseur, Gérard Lesne. Un talent à suivre indiscutablement.

Illustration

Georg Friedrich Haendel, roi de l’opéra seria à Londres (DR)

Delphine Lizé, piano. « Nocturne à Pleyel » Mezzo, du 12 au 26 mars 2007

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Delphine Lizé, piano

« Nocturne à Pleyel »

Le 12 mars 2007 à 20h45
Le 13 mars 2007 à 13h45
Le 25 mars 2007 à 10h30
Le 26 mars 2007 à 3h54

Documentaire. Réalisation: Claire Duguet. 26 mn, 2006. Inédit.

Août 2006, la nouvelle Salle Pleyel à quelques jours de de son inauguration, est l’objet d’une activité enfiévrée. Les ouvriers apportent les dernières finitions, et les trappes de désenfumage font vrombrir leurs souffleries, aussi intempestives que bruyantes. Le navire Pleyel flambant neuf suscite encore les inquiétudes: comment la salle va-t-elle sonner? Son acoustique sera-t-elle à la hauteur des espérances? Sur le pont, la jeune pianiste française, Delphine Lizé, née en 1979, est d’attaque. A salle neuve, instrument neuf: un superbe modèle de concert de la marque Pleyel, né depuis quelque mois à peine, précisément le 21 juillet 2006, s’offre à ses doigts agiles, encore curieux sur les performances du clavier. L’artiste découvre son outil, jauge ses qualités techniques, explore une sonorité encore verte mais qui étonne par sa « personnalité » et son caractère.
Delphine Lizé a accepté de donner le premier récital de piano dans la nouvelle Salle, mais avant, en août et pendant trois semaines, de surcroît la nuit (puisque le jour, le chantier se poursuit), la pianiste tente un enregistrement pour le disque. Le risque, la remise en question, l’exploration: Delphine Lizé connaît tout cela, elle qui a pensé un moment arrêter sa carrière pourtant prometteuse. Mais c’était compter sans la générosité et la patience compréhensive de son professeur, Grigory Gruzmann, son mentor qui à Hambourg où elle vit toujours, l’a remise sur le chemin de l’excellence et de la confiance en soi. Répétitions, reprises, écoutes des bandes, accords et finitions (avec le concours de l’accordeur Michael Barguès), réconfort et soutien grâce à Grigory Gruzmann qui est présent aux côtés de son élève… Les 26 minutes de ce documentaire toute en finesse et en surprises (comme l’incendie qui se déclare dans la régie, et le concert improvisé joué devant les pompiers…) passent trop vite. Le disque comprenant de nombreuses pièces signées Liszt, Schumann (Arabesque), Beethoven et Prokofiev (Sarcasmes), quant à lui paraîtra courant 2007, chez l’éditeur Intrada, qui a enregistré son premier disque dédié à Robert Schumann. Un régal.

Crédit photographique
Delphine Lizé (DR)

Antonio Vivaldi, Rosmira FedeleOpéra de Nice, le 21 mars 2003

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Antonio Vivaldi,
Rosmira Fedele


Opéra de Nice, mars 2003. Recréation

L’opéra de Nice présentait vendredi 21 mars 2003, la « première » de « Rosmira Fedele », dernier ouvrage lyrique du Prêtre-musicien. Cette nouvelle production fut particulièrement convaincante et l’objet de révélations en cascade. « Directeur des coulisses » se délectant des changements de décors et des dispositifs scéniques, le metteur en scène Gilbert Blin, depuis ses « premières armes » chez Rameau en particulier, chez Lully (Thésée) et Haendel (Alcina) a démontré – avec tact -, combien il est connaisseur du théâtre baroque. Son inventivité qui s’appuie sur le sens du théâtre et de l’action captive. Constamment, on est saisi par l’intelligence dosée des trouvailles qui citent l’esprit du Versailles Rococo et de l’architecte italien Bibiena qui travailla d’ailleurs avec le compositeur, six ans auparavant, pour sa « Fida Ninfa » à Vérone : théâtre dans le théâtre, perspectives de jardins à l’infini, architectures illusionnistes. Un comble de l’artifice et de l’illusion baroque qui pourtant s’appuie sur des caractères psychologiques consistants.

Dans ce « pasticcio » où Vivaldi réemploie aux côtés de nouveaux morceaux, des airs déjà composés signés de sa main ou de celle de ses contemporains et non des moindres, Hasse, Haendel et Pergolèse, se croisent plusieurs personnages aux registres tranchés. Un trio héroïque : la Reine Partenope, son « favori » Arsace et Rosmira, personnage vedette de l’ouvrage (travesti dans l’action sous le nom du prince Eurimène). Suit un couple semi comique, la princesse Ersilia, amoureuse éternellement éconduite, et le rival d’Arsace, Emilio, une sorte de combattant grotesque. Enfin, deux autres figures de la noblesse militaire : les « chevaliers » Armindo et Ormonte. Outre la magie des décors, les costumes semblaient dérivés d’un tableau galant à la Tiepolo. L’art des référence n’empêche pas l’expression parodique de la vie : souvent, par la vivacité habitée des mines, la fluidité chorégraphiée des gestes, la science des éclairages, on se croit plonger dans la truculence et l’ivresse raffinée du « Farinelli » de Gérard Corbiau et des « Aventures du Baron de Münchausen » de Terry Gilliam.

Sur les planches, une constellation de solistes proche de l’excellence a donné la mesure du génie Vivaldien : on connaissait son talent de compositeur, on aura mesuré le talent de l’impresario. Le choix des réemplois puisés chez ses « confrères », l’écriture des morceaux autographes dont ceux d’Arsace (subtile et émouvante Salomé Haller, déclarée « révélation lyrique de l’année 2003 » par le dernier jury des Victoires de la musique), la construction dramatique de cet « assemblage » confirme la vision d’un homme de théâtre de première importance: l’égal de Haendel.

Les amateurs de bel canto baroque auront été généreusement gâtés : le sopraniste Jacek Laszczkowski a filé ses aigus de diamants ; la mezzo Claire Brua incarnait, timbre trempé dans un velours somptueusement sombre, une Partenope tour à tour amoureuse et guerrière ; le baryton Philippe Cantor donnait au rôle d’Emilio sa truculence dérisoire, son côté « capitaine Fracasse », perroquet déplumé. Portée par une distribution jubilatoire, l’audience niçoise a salué avec raison les trois révélations, éblouissantes d’émotion, de technicité et de brio articulé : le toujours vaillant John Elwes, ténor bouleversant de dignité conférant au rôle d’Ormonte, le piquant nécessaire.

Egale figure de l’humanité sincère, la soprano italienne Rossana Bertini a donné au rôle d’Ersilia, son visage douloureux, d’intrigante trahie, d’amoureuse naïve, un soupçon nympho. Enfin, dans le rôle central, celui de « Rosmira », la jeune mezzo Marianna Pizzolato imposait un feu rare : récitatifs exemplaires d’articulation et d’accentuation naturelles, timbre musical, présence scénique éblouissante, énergie stupéfiante courant d’un bout à l’autre du théâtre avec une malice communicante. Un nouveau talent promis à une superbe carrière. Dans la fosse, l’Orchestre baroque de Nice porté par son chef violoniste, Gilbert Bezzina, exprimait le nerf foisonnant de partitions subtiles et nuancées.

Souhaitons à cette production de nouvelles étapes hexagonales, tant sa séduction vocale et visuelle tient du miracle. Après « La Vérità in Cimento » dirigée en 2002 par Jean-Christophe Spinosi qui devrait ciseler un nouvel ouvrage de Vivaldi (L’Orlando Furioso) à Ambronay en septembre 2003, voici la meilleure réalisation scénique illustrant la vague très persistante des opéras vivaldiens. Pourvu qu’elle se maintienne avec le même éclat.

Crédits photographiques
© Opéra de Nice 2003

Entretien avec Gilbert BezzinaOpéra de Nice, Rosmira Fedele (mars 2003)

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Entretien avec Gilbert Bezzina, en mars 2003, au moment des représentations de Rosmira Fedele à l’Opéra de Nice.

Comment vous imaginez vous Vivaldi? L’homme (le Prêtre Roux, le protecteur de la Giro, etc.) ; le compositeur en train d’écrire puis de diriger ; l’impresario soucieux de gérer au mieux son théâtre, le « San Angelo »? Y-a-t-il un tableau le représentant que vous trouvez particulièrement fidèle?

Gilbert Bezzina. : « Vivaldi était avant tout un homme passionné par son art : un compositeur bien sûr, mais également un violoniste virtuose : capable de gérer plusieurs choses à la fois ; la direction de « La Pieta », d’un théâtre, les voyages… et certainement une vie normale parallèlement. La caricature de Guezzi est me semble-t-il très évocatrice de sa personnalité.

Quel opéra de Vivaldi préférez vous? Celui que vous rêvez de diriger ?

Celui de cette année : Rosmira fedele

Quel est l’ouvrage instrumental ou vocal qui vous touche par ailleurs?

Au hasard l’opus IV

Pouvez-vous évoquer Vivaldi à Venise ? Ses admirateurs et protecteurs? Ses rivaux et adversaires ?

Son détracteur le plus célèbre : Marcello et son livre pamphlet intitulé « Teatro alla moda ». Il faut dire que Marcello ne devait pas aimer l’opéra, d’ailleurs il n’en a écrit aucun.

A quelles difficultés majeures l’interprète actuel de ses opéras s’expose-t-il ? Sur le plan dramatique et de la mise en scène.

Quoiqu’en disent certains metteurs en scène, les livrets d’opéra de cette époque sont très structurés, c’est pourquoi il est souvent impossible d’en couper une scène sans perdre des informations indispensables au déroulement de l’action.

Et sur le plan musical malgré les partitions parfois lacunaires ?

Il est vrai que certaines partitions sont incomplètes, mais connaissant la structure de l’oeuvre il est possible de l’adapter dans le style et notamment comme il le faisait lui-même pour les pasticcios, l’on peut trouver dans sa production un air adapté à la circonstance dramatique.

Que dire sur le plan instrumental : connaissons nous aujourd’hui l’instrumentarium vivaldien ? Quel orchestre pour quel théâtre ?

La plupart des ouvrages ont été créés au Théâtre San Angelo qui était un petit théâtre ne nécessitant pas un gros effectif : cordes – hautbois (jouant parfois la flûte) – trompettes (jouant parfois les parties de cors) – 2 clavecins, etc..

Depuis la redécouverte de l’œuvre vivaldien, quels « progrès » avons nous atteint dans l’interprétation ?

Le terme de progrès me semble peu une notion artistique. Je parlerai d’évolution. L’intérêt porté aux instruments anciens a certainement apporté une couleur différente. L’intérêt porté aux principes d’interprétation en usage à l’époque a peut-être redonné vie à un certain phrasé, mais la musicalité de certains pionniers devait rester un modèle à ne pas ignorer.

Bach a été marqué par Vivaldi. Mais à l’inverse, Vivaldi fut-il fasciné par un autre musicien que lui, en particulier sur le plan dramatique, quelle est sa place dans le paysage lyrique du début du 18e siècle ? Par rapport à Haendel par exemple et les compositeurs napolitains ? Venise était-elle un foyer lyrique actif ?

Il y avait à Venise à l’époque 7 théâtres qui fonctionnaient et qui créaient chaque saison au moins une production nouvelle. Par exemple au San Giovanni Grisostomo : Alessandro Scarlatti en 1707 (Mitridate) ou en 1709 Agrippina de Haendel. Il semble difficile d’imaginer que Vivaldi n’en est pas eu connaissance et, comme Bach et selon la pratique courante de l’époque, il réutilise tout ou partie de certaines oeuvres de ses contemporains. C’est le cas précisément dans sa « Rosmira » de 1738.

Quels sont vos projets immédiats ?

Faire vivre la production de Rosmira fedele au-delà des représentations données à Nice. »

Propos recueillis par Alexandre Pham

Wolfgang Amadeus Mozart, Don GiovanniOpéra de Gand/Gent, Vlaamse opera. Du 13 avril au 12 mai 2007

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Wolfgang Amadeus Mozart,
Don Giovanni

Opéra de Gand. Gent, Vlaamse opera
Du 13 avril au 12 mai 2007

« Dramma giocoso« , deuxième opéra de la trilogie, née de la collaboration exceptionnelle de Lorenzo da Ponte et de Mozart, Don Giovanni est un hymne à la liberté souveraine. Liberté du héros contre une société permissive et normative où, vision romantique (et réalité avérée de nos jours, dans trop de démocraties de notre monde fragile), l’individu libertaire qui souhaite affirmer sa singularité, le paie souvent de sa vie. Le Don Giovanni de Mozart et da Ponte inaugure le nouveau héros, celui qui affirmant sa sexualité assumée, n’a peur ni des hommes ni de Dieu.
C’est un perturbateur mais aussi un révélateur, à l’image du compositeur qui, fils du siècle des Lumières et déjà préromantique, osa s’affranchir de la tutelle de son patron, l’archevêque Colloredo. « Viva la libertà! » proclame Don Giovanni/Mozart, avec une justesse toujours actuelle.

Don Giovanni à l’Opéra de Gand
Distribution
Tommi Hakala, Don Giovanni
Lionel Lhote, Leporello
Claire Rutter, Donna Anna
Marcella Orsatti Talamanca, Donna Elvira
Matthias Klink, Don Ottavio
Sabine Conzen , Olga Pasichnyk, Zerlina
Tijl Faveyts, Masetto
Kurt Gysen, le Commandeur

Orchestre Symphonique et choeur du Vlaamse opera
Andreas Spering, direction
Achim Freyer, mise en scène


Lire la fiche de la production sur le site de l’Opéra des Flandres

Approfondir
Lire notre dossier Don Giovanni de Mozart
Lire notre dossier Mozart 2006

Illustrations
Don Juan et le commandeur, gravure du XVIII ème siècle(DR)
Production de l’Opéra du Rhin © A. Kaiser