jeudi 10 juillet 2025
Accueil Blog Page 360

Martin Matalon, compositeurLauréat du Grand Prix Lycéen des compositeur 2007

Les lycéens à l’écoute des compositeurs contemporains
Comment les lycéens (soit quelques uns des mélomanes français les plus jeunes), perçoivent-ils le travail des compositeurs contemporains? En remettant chaque année, juste avant le printemps, son Grand Prix lycéen des compositeurs, la revue quinzomadaire, La lettre du Musicien, interroge les classes lycéennes, tout en permettant aussi de suivre la vitalité critique et les goûts des sensibilités en herbe. Tonales, les oeuvres ont-elles plus de chances d’être « audibles, donc « comprises »? L’épreuve de plus en plus (re)connue pourrait, souhaitons-le, influencer les auteurs dans leur processus créatif. Dès lors qu’il est écouté voire analysé par des oreilles affûtées, en particulier par de jeunes mélomanes, « critiques » et curieux, chaque compositeur peut tirer bénéfice à faire évoluer sa pratique.

L’oeuvre de Martin Matalon
profite de son passage à l’Ircam, et aussi de son écriture pour le cinéma, en particulier pour les films de Luis Bunel (Un chien andalou, L’âge d’or), ou de Fritz Lang (Metropolis). « Torito Catalan », l’oeuvre présélectionnée qui lui a valu de remporter le 8 ème Grand Prix Lycéen des compositeurs, appartient au cycle de musique conçu pour « Un Chien Andalou » de Bunuel. Sa composition est le fruit d’une résidence à l’Arsenal de Metz où elle fut jouée en 2003 par l’Orchestre national de Lorraine sous la baguette de Jacques Mercier.
Les références au cinéma et aux séquences visuelles du film de Bunuel structurent l’écriture, jalonnée de repères musicaux facilement repérables. L’écoute en est d’autant plus facilitée. Le succès de l’oeuvre tient assurément à la gestion mesurée entre prévisible et imprévisible, surprise et réassurance. L’oreille est chahutée à dose homéopathique, rendant le développement musical plus compréhensible et assimilable. Dans ce repérage explicite, les citations du tango argentin, qui évoque l’origine du compositeur né à Buenos Aires, est emblématique. En ce sens, Torito catalan est structuré à partir d’un tango central, le seul composé par l’auteur, comme un « contrepoint » au Chien Andalou de Bunuel. Le travail de Martin Matalon souligne combien de façon dynamique, le déroulement musical doit au film, et s’en détache totalement. L’expressivité et le surréalisme des images (le film dure 15 minutes) s’en trouvent renforcés, sublimés en quelque sorte, grâce à la musique, compressée, presque saturée d’informations.

Martin Matalon, portrait du lauréat

Né en 1958, en Argentine, Martin Matalon se forme à la Juilliard School de New York. Il remporte un premier succès en France avec Le Miracle secret, premier opéra de chambre d’après Borges, représenté au Festival d’Avignon en 1989. L’écriture du compositeur argentin est d’abord influencée par Boulez, les dernières oeuvres de Stravinsky et par Messiaen.
En 1993, il s’installe à Paris et renouvelle sa manière. A l’Ircam, un nouveau style plus personnel se précise. La partition écrite alors pour le film restauré de Fritz Lang, Metropolis, comme à la même période, la version chambriste de Torito catalan, confirme une libération du style, qui passe néanmoins par de nombreuses références au jazz et à la musique progressive. Musique électronique, spatialisation enrichissent encore une conception originale du spectre musical. Metropolis qui a demandé plus de deux ans de travail en raison de sa durée à l’écran (2h20mn), intègre de nouvelles couleurs grâce à l’emploi d’instruments diversifiés: tablas, percussions d’Amérique Latine, clavecin… Les dernières pièces de Martin Matalon sont de son point de vue, plus resserrées et intimes. L’auteur se montre plus sensible à la notion de « poétique musicale » plutôt qu’au sentiment et à la nécessité d’implosion, d’éclatement, de chaos.
Pour lui, l’opposition tonale/atonale est un schématisme anachronique. Seule compte la liberté intuitive du créateur qui se propose de conduire l’auditeur vers des horizons inexplorés, quitte à rompre (surtout) avec les règles conventionnelles d’une narration monodirectionnelle.
En cela, paradoxalement, ses compositions, écrites en contrepoint de films, où le fil dramatique pourrait constituer un cadre contraignant, montrent a contrario, l’étendue des possibilités permises en regard d’une référence visuelle préétablie. La musique se nourrit des images sans en être étroitement dépendante.

Crédit photographique
Martin Matalon © P.Dietzi

Arthaus Musik, dvd. Le cycle « Studio Hamburg ». Présentation et bilan

0

Arthaus musik,
collection « studio Hamburg »


13 titres en dvd
(1967-1973)

Rolf Liebermann, intendant de l’Opéra de Hambourg, de 1959 à 1973, se montre inventif et continuateur de la tradition lyrique locale. Soucieux de constituer une équipe de chanteurs rompus aux grandes oeuvres du répertoire, en majorité de langue allemande, le directeur conçoit des programmations « structurantes » autour de Mozart, Weber, Beethoven, Wagner et aussi de quelques auteurs contemporains comme Gian Carlo Menotti et Penderecki… Pour « fixer » ce travail de fonds, il assure les représentations scéniques puis leur enregistrement en studio, dans la foulée. Les premières constituant les répétitions pour les seconds. A partir de 1967, avec la complicité du réalisateur pour la télévision, Joachim Hess, Liebermann filme l’ensemble des opéras ainsi abordés par l’équipe maison, offrant les premières expériences colorisées, associant opéra et cinéma.

Au total 13 films d’opéra (plutôt qu’opéras filmés), mouvements de caméra, plans serrés à l’appui, redéfinissent la compréhension des oeuvres via le spectre audiovisuel. Ce travail allait aboutir au « grand oeuvre », celui de son Don Giovanni (1979) pour lequel Liebermann, alors directeur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux (1973-1980) dont l’Opéra de Paris, sollicite un réalisateur célèbre, Joseph Losey. L’oeuvre qui en résulte qu’on le veuille ou non, représente un modèle réussi entre opéra et cinéma. Lire notre dossier Don Giovanni de Joseph Losey
.

Depuis décembre 2006, Arthaus Musik réédite l’ensemble du cycle « studio Hamburg » (distributeur en France: Intégral), véritable odyssée pionnière qui réalise, souvent avec pertinence, le principe tant décrié, de l’opéra à l’écran.

1967
: Les Nozze di Figaro de Mozart
Même chanté en allemand, selon l’usage des maisons germaniques, l’opéra de la sédition, sociale et sexuelle, féministe aussi, garde élégance et finesse. A défaut d’une italianità érotique et subtile, le germanisme renforce la dureté de l’interprétation, que la caméra et le montage tentent d’atténuer ou d’attendrir par des plans sur les coulisses, le lever de rideau, les acclamations de la salle… Nonobstant, l’année est celle des débuts d’une aventure audiovisuelle qui s’affinera dans ses volets postérieurs. Tom Krause et Arlene Saunders paraissent un tantinet froids. Leur couple Comte/Comtesse restent continûment dignes, contrastant avec l’humanité de leur domesticité: heureusement il y a la tendre Edith Mathis dont la Suzanne peine donne la mesure de Noces, vivifiées par le feu, parfois précipité, du chef Hans Schmidt-Isserstedt.

1968: Der Freischütz de Weber

Les options scéniques sont plus cohérentes et la présentation des caractères comme le déroulement des scène collectives, parfaitement lisibles. La lumière du studio et les premiers essais de colorisation confèrent un charme ou mieux une patine attrayante. Le portrait mi fantastique mi diabolique des personnages est juste: ténébrisme des hommes, tendresse indiscutable des femmes. Dommage que la direction assez terne de Ludwig ne soit pas au diapason des chanteurs, enflammés et impliqués. Mais l’ensemble présente d’incontestables atouts.

1969: Zar und Zimmermann de Lortzing

Mêmes qualités de cohérence et d’unité dramatique et vocale que pour Der Freischütz. La continuité des plans, le dessin des caractères, le jeu collectif et individuel sont indiscutables. Une très belle lecture d’un ouvrage plus populaire en Allemagne que chez nous, ce qui relève l’intérêt de la réalisation pour une oeuvre admirée par Wagner qui l’estimait à l’égal de ses Maîtres Chanteurs.

1969: Les Diables de Loudun de Penderecki
La production hambourgeoise de 1969 tient ses promesses: Marek Janowski
souligne l’activité écoeurante de la partition, ses relents acerbes,
mordants, sa laideur à la fois fascinante et obscène, tissées
d’obessions et d’images réprouvées. Dans le rôle de Jeanne, Tatiana
Troyanos habite son personnage avec intensité. Sa composition est sans
faute, toujours juste dans l’hallucination apeurée, en panique. Et tous
les autres acteurs défendent la même ardeur expressionniste de leur
personnage, conférant au film d’opéra, sa tension macabre,
désenchantée, déshumanisée.

1970: Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Wagner

Avec La Flûte Enchantée (lire ci après), à cette lecture sobre et compréhensible, va notre préférence. Comme dans les autres réalisations du cycle hambourgeois, l’instinct de Liebermann se montre payant: la distribution convainc par sa cohérence, la solidité musicale des interprètes. Aucun rôle n’est affecté par un défaut de casting. La troupe américano-germanique se montre à la fois, habitée et respectueuse de l’action. Et attrait délectable, la relation lumineuse et tendre entre Sachs et Eva est superbement incarnée par les interprètes, tous deux américains: Giorgio Tozzi et Arlene Saunders. A la tête de l’orchestre de l’Opéra de Hambourg, Leopold Ludwig, qui y a dirigé pendant près de 20 ans la musique, conduit la tension avec feu et nervosité. En somme, voici certainement l’une des meilleures productions de la série « Opéra de Hambourg » dépoussiérée de ses références excessives à un gothique éclectique (l’inspiration des costumes et des décors renvoie plutôt à Dürer et l’ère novatrice de la Renaissance), surtout purifiée de sa grandiloquence patriotique. Incontournable.

1970: Wozzeck d’Alban Berg
Liebermann avouait qu’il s’agissait selon lui (évaluation précisée dans son ouvrage « Opernjahre »,
« Mes années d’opéra »), de la meilleure réalisation de la série des
films d’opéra, conçus et produits avec Joachim Hess, et la troupe des
chanteurs de l’Opéra de Hambourg.
De fait, nous tenons là l’un des joyaux indiscutables de la collection Hambourgeoise.

1971: La Flûte enchantée de Mozart
C’est incontestablement l’un des joyaux du cycle hambourgeois. Fluidité de la caméra, beauté des décors de Maclès, cohérence et conviction des chanteurs dont Fischer-Dieskau, habité et subtil. La mise en scène de Peter Ustinov, plutôt classique voire neutre, précède le film de Bergman, et même l’anticipe directement, comme l’idée de la nacelle. La direction de Horst Stein est efficace à défaut d’être ciselée. Mais pour sa vision globale, il s’agit d’un must!

1971: Orphée aux enfers d’Offenbach

C’est du théâtre filmé, un jeu d’acteurs idéalement délirant, dont les décors et les références visuelles portent outrageusement la marque des 70’s. Que l’on aime ou pas, les costumes et les couleurs fluo, ce design postmoderniste en plexiglass, le burlesque déjanté est au rendez-vous, et c’est là encore l’esprit de la troupe qui prospère au service de la partition.

A venir

Suite de nos critiques des autres titres de la collection « Studio Hamburg ».

Crédit photographique
Couverture de La Flûte Enchantée de Mozart
Rolf Liebermann (DR)

Edouard Lalo: Le roi d’Ys, 1888Livret-programme. Grand Théâtre Massenet, Saint-Etienne

Edouard Lalo
Le Roi d’Ys

(programme de l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne)

Tout est dit dans le sous-titre: « légende bretonne ». Onirisme fantastique plus qu’épopée historique, s’enracinant dans la culture légendaire de Bretagne. Présenté en nouvelle création à l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne, les 2,4 et 6 mars 2007, le Roy d’Ys est ici abordé dans ses problématiques majeures.

C’est d’abord la présentation de l’argument, et surtout un « regard sur l’oeuvre » qui dévoile l’envoûtement du sujet. A la différence de Fiesque au destin contrarié, l’opéra de Lalo, le Roi d’Ys, créé à l’Opéra-Comique en 1888, s’est inscrit durablement dans le répertoire des oeuvres régulièrement jouées. Pour quelles raisons? Analyse des qualités de l’orchestre, détaché de la ligne vocale, réminiscence de Lohengrin dans l’architecture des rôles, personnage clé de Margared en laquelle se réalise la métamorphose cathartique… tour d’horizon des aspects d’une oeuvre riche et complexe. En complément, livret intégral et note d’intention du metteur en scène et directeur du Théâtre, Jean-Louis Pichon dont la lecture met en parallèle, engloutissement de la ville et violence des sentiments mis en musique par Lalo.

Livret-programme, 26 pages. Edition du Grand Théâtre Massenet de Saint-Etienne. Edouard Lalo: Le roi d’Ys, légende bretonne, créé à l’Opéra-Comique, le 7 mai 1888. Poème d’Edouard Blau.

Giuseppe Verdi, Simon Boccanegra Paris, Opéra Bastille. Du 10 avril au 10 mai 2007

0

Giuseppe Verdi,
Simon Boccanegra

Paris, Opéra Bastille
Du 10 avril au 10 mai 2007

La production nouvelle en 2006, à l’affiche de l’Opéra Bastille, est le fruit du travail de l’homme de théâtre hollandais Johan Simons qui signe à l’invitation de Gérard Mortier, sa première mise en scène d’opéra.
Il s’est expliqué sur sa vision de l’ouvrage qui donne une « image positive » de l’homme politique. Simon Boccanegra est devenu doge malgré lui. Il garde une profonde connaissance des besoins du peuple. Le metteur en scène a naturellement choisi une lecture contemporaine.

Créé dans sa première version à Venise, le 12 mars 1857, Simon Boccanegra connaît une révision par le compositeur et son librettiste d’alors, Boito ; cette seconde version est créée à Milan le 24 février 1881.
Le travail de Verdi a produit un ouvrage violent et sombre sur le pouvoir et l’amour. En Simon Boccanegra, il faut voir la figure tutélaire du politique vertueux, pacifiste et bon père. Nommé doge de Gênes grâce à l’appui d’un complice peu scrupuleux qui se révélera être ensuite son assassin, Simon Boccanegra donne prétexte au compositeur-dramaturge pour illustrer les conflits qui naissent quand il faut concilier la défense du bien et l’exercice du pouvoir. Point culminant de l’œuvre, la scène du Grand Conseil où la stature du politicien démêle les intrigues, faisant entendre sa voix, indiscutable. Or marin par son origine, celui qui a été nommé au poste suprême, sent qu’il doit, tôt ou tard, payer sa réussite. Cette acceptation philosophe donne une profondeur troublante au personnage, l’un des rôles les plus attachants du théâtre verdien.

Approfondir

Lire aussi la critique du DVD Simon Boccanegra avec dans le rôle-titre Thomas Hampson (TDK)

Illustration

Giovanni Bellini, le doge Loredan (DR)

Gluck, Orfeo ed Eurydice (1762)Tourcoing, Atelier Lyrique. Du 2 au 7 mai 2007

0

Christoph Willibald Gluck
Orfeo ed euridice
, 1762

Atelier lyrique de Tourcoing
Jean-Claude Malgoire, direction
Du 2 au 7 mai 2007

Vienne, 1762
1762 est une année faste pour Gluck à Vienne. Toute la Cour attend sa nouvelle partition lyrique, Orfeo ed Euridice, dont le sujet plonge dan sles origines du genre, depuis qu’en 1607, Monteverdi à Mantoue proposait « sa » version du mythe, dans un ouvrage depuis fondateur. (Lire notre dossier l’Orfeo de Claudio Monteverdi).
L’opéra est créé le 5 octobre 1762, après quelques répétitions houleuses opposant les artistes et le compositeur assez autoritaire. L’Empereur lui-même ait intervenu afin d’adoucir les esprits. L’accueil est immédiatement enthousiaste, grâce en autres à la participation dans le rôle-titre du castrat Guadagni.
Pourtant certaines plumes critiques ne comprennent pas pourquoi l’air célèbre depuis, dans lequel Orphée déplore la perte de son aimée (« Che faro sanza Euridice? ») a été composé sur une mélodie légère qui semble contredire la gravité tragique de la situation et des paroles.
La rapidité avec laquelle Gluck fait passer ses personnages de la douleur la plus profonde à l’émotion joyeuse la plus légère, trouble les même esprits chatouilleux et conservateurs. Avec son Orfeo viennois (le compositeur réadaptera la partition pour sa reprise parisienne sous le titre  » Orphée et Eurydice », créé 12 ans plus tard le 2 août 1774), Gluck scelle sa collaboration future avec Calzabigi, un aventurier de Livourne, ambitieux et querelleur, voire dissolu, dont l’activité tentera d’égaler et de dépasser la gloire et l’oeuvre de Métastase sur la scène lyrique.
Même si l’on hésite à considérer Orfeo comme une oeuvre de réforme, Gluck y synthétise déjà tous les éléments de son ouvrages à venir : action serrée, clarté et simplicité de l’expression des émotions, importance du choeur et des ballets. Le plus essentiel demeure la volonté de développer une continuité dramatique et musicale, respectueuse des idées et des sentiments du texte. La coupe air/récitatif qui sert la mise en avant des chanteurs mais rompt l’action par tableaux et épisodes, comme le souhaite Métastase, est ici contredite.

La version de Paris, 1774

Gluck donne une version française de son opéra sous le titre Orphée et Eurydice, selon l’adaptation de Moline, avec, indice important des changements opérés, le rôle titre réécrit pour voix de ténor. Le chanteur Legros campe un Orphée qui donnera du grain à moudre au musicien. L’interprète crie quand il faut chanter et ne sait pas crier « Eurydice » quand on le lui demande… Mais, l’oeuvre opère sa magie, et malgré la nièce de Voltaire, madame du Deffand, qui regrette la décadence du théâtre musical et invective le théâtre de Gluck, malgré les nombreuses critiques dont le milieu parisien aime se délecter, le tableau où Orphée seul, accompagné de sa lyre affronte les furies déchaînées qui lui barrent l’accès aux Enfers, tout le parterre se lève pour crier au génie! Rousseau prendra la défense du musicien (tant il détestait Rameau et l’école Française d’opéra) en déclarant : »le chant lui sort par tous les pores » faisant se pâmer une Julie de Lespinasse totalement séduite pas les effets du Chevalier Gluck.

Illustration
Bouguereau, la mort d’Orfeo, déchiqueté par les furies (DR)

Georg Friedrich Haendel, Giulio Cesare (1724)Lille. Du 15 au 26 mai 2007

0

Georg Friedrich Haendel
Giulio Cesare, 1724

Opéra de Lille
Du 15 au 26 mai 2007
Emmanuelle Haïm, direction

La cinquième partition lyrique de Haendel, créée au King’s Theater de Haymarket, le 20 février 1724, a été conçue pour la Royal Academy of music. L’ouvrage illustre l’apothéose lyrique d’un musicien né Saxon, qui a fait ses classes en Italie pour maîtriser l’écriture opératique, dans le registre de l’opéra seria, afin de conquérir le marché londonien.
Le compositeur dispose alors des plus grandes vedettes du chant dont la Cuzzoni et la Durastanti, sopranos adulées, et les castrats, Berenstadt et Senesino (ce dernier dans le rôle-titre). Dès sa création, Giulio Cesare fait naître l’enthousiasme du public, plus de 30 représentations, entre 1724 et 1738, dont une représentation privée offerte par le mécène, Pierre Crozat à Paris.
Nicola Haym, librettiste de Haendel, s’inspire d’un texte de Bussani pour le compositeur Sartorio dont l’opéra sur le même sujet fut créé à Venise en 1676.
La scène met en relief la grandeur épique de César, vainqueur de Pompée, puis maître de l’Egypte et de sa souveraine, l’irrésistible Cléopâtre. L’opéra est une fresque militaire, historique et héroïque: rivalité entre Ptolémée et Cesar, entre Cléopâtre et Ptolémée, portrait de Cléopâtre en séductrice. Au final, César vainqueur de Ptolémée, épouse Cléopâtre, incarnant la grandeur de Rome sur toute autre nation. Génie du dramaturge: la psychologie des personnages. Amoureuse, Cléopâtre, au début sanguine, irascible, découvre auprès de César, sa grandeur de souveraine. En fin connaisseur de l’âme humaine, Haendel approfondit la dimension morale des personnages, leur évolution, leur métamorphose, leur cheminement spirituel, tout au long de l’action. Sur le plan formel, le musicien qui se sent à l’étroit dans le genre strict de l’opéra seria, fait évoluer succession airs/récitatifs vers une modulation libre, récitatif accompagné et arioso, dont la ligne continue du chant permet d’explorer chaque repli du caractère. Duo, orchestre léger mais harmoniquement changeant participent à un style impétueux qui saisit avec maestrià, la passion et les contrastes de sentiments.

Illustration

Nicolas Poussin, la mort de Germanicus(DR)

Gustav Mahler, Symphonie N°9France Musique, direct. Le 30 mars 2007 à 20h

0

Gustav Mahler
Symphonie n°9
, 1909

France musique

Le 30 mars 2007 à 20h

Prima la musica
Concert en direct
de l’ancien Opéra de Francfort.
Echanges franco-allemands

Olivier Messiaen: L’Ascension
Gustav Mahler: Symphonie n°9 en ré Majeur
Orchestre Symphonique de la Radio de Francfort.
Paavo Järvi
, direction

Symphonie d’un adieu pacifié

Malade, presque cinquantenaire, affaibli mais pas exténué, Mahler compose sa Symphonie n°9. La conscience de la mort, la souffrance de la perte, les crises intérieures, multiples, toujours vivaces, inspirent au compositeur, l’une de ses partitions les plus autobiographiques, et l’aboutissement d’un chemin personnel et mystique parcouru depuis sa Première Symphonie « Titan ». La partition est écrite au même moment que son Chant de la Terre, hymne au mystère de la nature, terrifiante et stimulante, à la fois lamento bouleversant à la suite de la mort de sa fille Maria et aussi, suprême aspiration à la paix. De sorte que sa Dixième Symphonie serait si l’on intègre son Chant de la terre dans le cycle des oeuvres orchestrales, comme un Dixième opus.
Conçue de l’été 1908 au début de l’année 1909, la Symphonie n°9 embrasse toute l’expérience acquise, vécue, souhaitée, détestée. Mahler y mêle tous les sentiments en un vaste cycle épique, dont le souffle, l’énergie et l’élévation semblent rejoindre le « grand tout ». C’est un désir de témoigner et aussi, un effort de détachement. Intensité, recul. Engagement, détente. Action, philosophie et examen critique. Le compositeur y laisse un adieu, inspiré par la quête d’une sérénité finalement atteinte.

Approfondir
Lire notre dossier La Neuvième Symphonie de Gustav Mahler

Illustration
Caspar Friedrich, le héros sur la cime des montagnes

Tabea Zimmermann (alto), Arcanto QuartettBruxelles. Conservatoire Royal, les 12, 13 et 14 avril 2007

Trois concerts organisés en mini-festival autour de l’alto de Tabea Zimmermann. En compagnie de son Quatuor Arcanto, l’altiste allemande vient présenter à Bozar un large panorama de musique de chambre, axé autour du répertoire pour alto du XXe siècle. Un des événements bruxellois de ce mois d’avril 2007.

Il n’est pas fréquent que l’alto, dont la sonorité – par contraste avec celle du violon – est pourtant plus chaude et plus ronde, soit le rassembleur et le catalyseur d’un quatuor à cordes, rôle généralement dévolu au premier violon. Exception qui confirme la règle, l’altiste allemande Tabea Zimmermann – qui mène par ailleurs une carrière soliste internationale de premier plan – s’affirme en rassemblant autour d’elles Antje Weithaas (violon), Daniel Sepec (violon) et Jean-Guihen Queyras (violoncelle), pour constituer ensemble le Quatuor Arcanto. Au départ quatre talentueux musiciens, et surtout quatre amis partageant une même passion pour la musique de chambre, le tout jeune Quatuor Arcanto fut accueilli avec enthousiasme lors de ses débuts à Stuttgart en juin 2004. Depuis lors, il s’est produit à Bonn, Utrecht, au Châtelet, au Festival de Ludwigsburg, au festival de musique de chambre de Leif Ove Andsnes à Risør (Norvège), à Londres, au Concertgebouw … Dès 2005 également, il était l’invité de Bozar à Bruxelles. En décembre 2006, il était à deSingel à Anvers pour un concert qui a été loué unanimement.

Le Quatuor Arcanto est un quatuor à cordes hors du commun, puisqu’il est constitué de quatre musiciens ayant chacun une notoriété individuelle bien établie, en dehors de la formation de chambre qui les réunit.


Tabea Zimmermann
a fait ses études à la Musikhochschule de Fribourg ainsi qu’avec Sándor Végh au Mozarteum de Salzbourg. Elle se produit régulièrement en soliste avec les plus prestigieux orchestres de la planète, le Philharmonique de Berlin, le London Symphony, l’Orchestre Philharmonique d’Israël, l’Orchestre de Paris. Elle enseigne à Sarrebrück, à Francfort et à la Hochschule für Musik Hanns Eisler de Berlin.

Diplomée de la Hochschule für Musik Hanns Eisler de Berlin, Antje Weithaas a remporté le Concours Kreisler de Graz (1987), le Concours Bach de Leipzig (1988) et le Concours International de violon de Hanovre (1991). Soliste accomplie, elle est régulièrement invitée par des orchestres renommés tels le Los Angeles Philharmonic, le Boston Symphony, l’orchestre de la Tonhalle de Zürich. Outre le répertoire romantique, elle a une prédilection pour la musique contemporaine et s’est fait une interprète remarquée de la musique de Schnittke, Gubaidulina et Tippett. Elle est titulaire de deux chaires d’enseignements à Berlin, l’une à la Universität der Künste et l’autre à la Hochschule für Musik Hanns Eisler.

Konzertmeister de la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême depuis 1993, Daniel Sepec a étudié à Francfort et à Vienne. Passionné de violon baroque et d’instruments anciens, il apparait fréquemment en qualité de konzertmeister du Balthasar-Neumann-Ensemble sous la direction de Thomas Hengelbrock.

Et pour les publics français et belge, le nom de Jean-Guihen Queyras est sans doute le plus connu parmi les quatre instrumentistes du Quatuor Arcanto. Artiste polyvalent qui se plait à transcender les époques, il est aussi à l’aise dans le répertoire contemporain le plus pointu (il officia en tant que violoncelle solo à l’Ensemble InterContemporain et créa notamment les concertos d’Ivan Fedele et de Gilbert Amy) que dans le répertoire classique, qui le voit régulièrement se produire en compagnie de Concerto Köln ou du Freiburger Barockorchester. Il est actuellement professeur à la Hochschule für Musik de Stuttgart.

Lignes de force

Le Quatuor Arcanto ratisse large: l’affiche de la mini-résidence que lui offre Bozar Music s’annonce riche et variée. En trois concerts, Tabea Zimmermann et ses amis traverseront trois siècles de musique de chambre, du classicisme viennois aux ultimes années du XXe siècle.

Deux lignes de force se dégagent de ce programme foisonnant: le répertoire pour alto est, comme il se doit, mis à l’honneur. En solo, en duo avec piano ou en duo d’altos, ce sont successivement la Sonate pour alto et piano Op. 11 n°4 de Hindemith (1919), la Sonate pour alto de Ligeti (1991-1994), et Viola, viola, composition pour deux altos de George Benjamin (1995), qui seront présentées. Et deuxième ligne de force, le répertoire du XXe siècle est largement programmé, avec pas moins de sept oeuvres composées entre 1911 (Turina, Eszena andaluza, pour alto, piano et quatuor à cordes) et 1995 (Viola, viola de George Benjamin). Deux lignes de force qui, manifestement, se rejoignent, puisque les compositeurs du XXe siècle ont été particulièrement prolifiques à l’alto. Hindemith, pour ne prendre qu’un exemple, lui-même altiste de formation, a, de 1919 à 1939, composé sept sonates pour alto ou pour alto et piano.

Autres temps fort avec le Trio Kegelstatt ou Trio des Quilles de Mozart, première composition dans l’histoire de la musique à avoir associé l’alto, la clarinette et le piano. Oeuvre ravissante à l’atmosphère confiante et chaleureuse, son inspiration remonte peut-être à une partie de quille – d’où son surnom. Elle fut créée en 1786 par Mozart lui-même à l’alto et Anton Stadler, futur dédicataire du Concerto et du Quintette, à la clarinette.

Agenda et programme
jeudi 12 avril 2007 à 20h
avec Silke Avenhaus (piano)
Bela Bartok: Quatuor à cordes n°6
György Ligeti: Sonate pour alto
Johannes Brahms: Quintette avec piano Op. 34

vendredi 13 avril 2007 à 20h
avec Silke Avenhaus (piano), Chen Halevi (clarinette), Antoine Tamestit (alto)
Paul Hindemith: Sonate pour alto et piano Op. 11 n°4
Wolfgang Amadeus Mozart: Trio pour alto, clarinette et piano K.498 « Kegelstatt »
Paul Hindemith: Quatuor à cordes n°4 Op. 22
Wolfgang Amadeus Mozart: Quintette à cordes K. 516

samedi 14 avril 2007 à 20h
avec Silke Avenhaus (piano), Antoine Tamestit (alto)
Robert Schumann: Quatuor avec piano Op. 47
George Benjamin: Viola, Viola
Maurice Ravel: Quatuor à cordes en fa majeur
Joaquin Turina: Escena andaluza Op. 7

Approfondir
Découvrez les sites de Tabea Zimmermann et Jean-Guihen Queyras:
http://www.tabeazimmermann.com
http://www.jeanguihenqueyras.com

Crédits photographiques
Tabea Zimmermann (DR)
Antje Weithaas (DR/Helge Strauss)
Arcanto Quartett (DR)

Lyon. Auditorium, le 17 mars 2007. Orchestre Symphonique Tchaïkovski de la Radio de Moscou.Vladimir Fedosseïev, direction

Coup de cœur lyonnais d’un samedi soir à l’Auditorium : l’Orchestre Tchaïkovski de la Radio de Moscou, dirigé par Vladimir Fedosseïev, enchante par son interprétation en profondeur de la 4e de Tchaïkovski et de la 9e de Chostakovitch. Quelques notes d’écoute pour une invitation très pertinente.

L’autoportrait
de deux tourmentés

Les Lyonnais passent pour n’être pas follement aventureux dans leurs choix musicaux en concert, et restant très attachés – légitimement – à leur(s) orchestre(s), ont tendance à négliger des formations invitées hors abonnement « classique », celles qui sont nées quelque part…ailleurs qu’entre Rhône et Saône. Mais comme les spectateurs d’un samedi soir à l’Auditorium ont dû apprécier la présence rayonnante de l’Orchestre Tchaïkovski de Moscou, et par quelles ovations-debout ne l’ont-ils pas fait savoir en obtenant, par leurs rappels, deux bis spectaculaires !
Un Orchestre historique de Russie (fondé en 1930), et un chef qui reçut son intronisation du grand Evgueni Mravinski :Vladimir Fedosseïev dirige « ses » musiciens depuis plus de 30 ans, dans la complicité gestuelle et intellectuelle qui fait jaillir une imparable précision alliée à un dessin de coloriste subtil. Un côté prestidigitateur, sans esbroufe d’ailleurs, exalte l’intuition des proportions – dans la durée, dans l’intensité, dans le dosage et jusque dans la topographie originale des pupitres-, et bien sûr une tradition « russe, russe jusqu’à la moelle des os » pour honorer Tchaïkovski et Chostakovitch. Deux symphonies sans démesure de temps tracent l’autoportrait en miroir des tourmentés-en-chef. Pour Chostakovitch en 1945, la 9e est placée sous le signe de la dérision, du décalage, de l’anti-célébration d’une fin du cauchemar ; mais au milieu de ce grotesque, enlevé par les Tchaïkovski avec brio sardonique, un moderato de paix retrouvée transige avec la frénésie dénonciatrice ; puis, dans le bref largo, un basson – quel instrumentiste admirable, quel poète au cœur de l’orchestre ! – pleure sur l’humain bafoué par l’horreur. Pour Tchaïkovski en 1878, le tragique persistant de la 4e est tout individuel, fatum revenant sans pitié broyer l’espoir du solitaire ou les simples choses de la vie qui surgissent dans ces tableaux d’une exposition en désordre. Seul l’andantino, peut-être, sait réconcilier avec la mémoire d’instants heureux…

Un orchestre aux sonorités de rêve
Et c’est là qu’on aperçoit une signification d’essentiel aux séductions qu’un chef comme Fedosseïev fait se lever d’un orchestre aux sonorités de rêve. Chaque territoire de cet ensemble possède une densité, un poids spécifique, une pulsation rythmique, une transparence ou une épaisseur qui n’interviennent pas en charme gratuit, mais soulignent les intentions de la partition. Dans les moments de répit chez les deux symphonistes, les bois si fins dessinent en direction de l’horizon, très proche ou lointain, les plans successifs d’un paysage où le timbre se fait ligne et couleur, les cordes en pizzicati unanimes et impalpables semblent prairies et bouleaux sous la brise d’été, le solo d’un hautbois ou d’une clarinette fait venir dans le chemin creux la silhouette d’une femme aimée, et frémir quelque étoffe de satin ou de taffetas comme celui des robes portées avec élégance chez les dames de cet orchestre (où la parité n’est pas règle dominante). Un tel art communique spontanément avec la peinture : devinez dans les éclaircies de Tchaïkovski le tremblement de lumière chez son contemporain Isaac Levitan, et en vous laissant embarquer par un comédien-timbalier aux gestes emphatiques, songez aux tartouilles du peintre Guerassimov, capitaine des Pompiers qui pleurait dans son casque jdanovien pour mieux dénoncer les ennemis du peuple sain.
C’est cela aussi, le message et le devoir d’un orchestre : emmener au-delà du strict rendu des œuvres dans d’autres contrées de l’art, faire rêver sur les « merveilleux nuages » que Baudelaire entrevoyait « là-bas ». Vous avouerez qu’un samedi soir avant le dernier remords d’un hiver absenté, on ne perd pas son temps en découvrant un orchestre à réinviter chaleureusement et sans hésitation !

Lyon, Auditorium, le 17 mars 2007. Piotr Ilyitch Tchaïkovski ( 1840-1893) : 4 ème Symphonie op.36. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : 9 ème Symphonie, Op.70. Orchestre Tchaïkovski de la Radio de Moscou, Vladimir Fedosseïev, direction.

Crédit photographique
Vladimir Fedosseïev (DR)

Maurice Ravel, Ma mère l’Oye (1912)France Musique, le 28 mars 2007 à 15h

0

Maurice Ravel
Ma mère l’Oye
, 1908-1912

Le 28 mars 2007 à 15h

Prima la musica. Concert donné le 10 mars 2007, Salle Olivier Messiaen Maison de Radio France à Paris. Valérie de la Rochefoucauld, conteuse. Orchestre Philharmonique de Radio France. Myung-Whun Chung, direction

Maurice Ravel est resté enfant
Nostalgique d’un monde imaginaire et poétique, jamais remis aussi de la perte d’une mère adorée, et peut-être pas assez chérie. Dans L’enfant et les sortilèges, il peint la tyrannie cruel d’un petit être délaissée par sa maman pour mieux indiquer la voie de la sagesse et de l’humanité chez un petit homme encore inachevé. Comme chacun, à tout âge, l’enfant doit mériter l’estime et l’amour qu’il veut susciter. Pour les enfants de ses amis Godebski, Jean et Marie, le compositeur invente les pièces enfantines de Ma mère l’Oye, pour piano à quatre mains, en 1908. Le climat propre à l’enfance le conduit aussi à ce qu’il aime ciseler, dans sa manière personnelle, l’épure, l’allégement, la concision suggestive, la finesse presque arachnénenne, la mécanique de précision. Ravel revisite les mondes enchantés et oniriques de Charles Perrault, de la Comtesse d’Aulnoye, de Madame Leprince de Beaumont. Et naturellement, ce sont des enfants qui créent la suite de cinq tableaux, le 20 avril 1910, à Paris, salle Gaveau. Le musicien réalisera en 1911 une orchestration, étoffant son canevas originel d’un prélude et d’un ballet supplémentaire (la Danse du rouet), tout en perfectionnant la continuité des scènes entre elles par de nouveaux intermèdes. Cet état ultime est créé en 1912.

Les 7 tableaux de la version orchestrale

Le Prélude (1) et ses bruissements de cordes énigmatiques est un lever de
rideau mystérieux qui suscite la curiosité et l’envie de découverte
pour ce qui va suivre. La Danse du Rouet (2) imagine la princesse Florine,
victime de s’être piqué le doigt sur la pointe d’un rouet. Chute de la
jeune femme et lamentation des suivantes. La Pavane de la Belle au bois
dormant (3)
: la vieille femme dont le rouet fatal a causé la mort de la
princesse, se dévoile: c’est la fée Bénigne. Les Entretiens de la Belle
et de la Bête (4)
: le chant de la clarinette exprime la Belle qui succombe
peu à peu à la beauté morale de la Bête. Petit Poucet (5) fait paraître le
groupe des garçons dans la forêt où se font entendre, presque lugubres,
le chant des oiseaux dont le cri du coucou à la flûte. Laideronnette,
impératrice des pagodes (6)
impose le talent du Ravel, génie de
l’orchestration. D’après Le Serpentin vert de la Comtesse d’Aulnoye, la
texture de l’orchestre, portant en avant les couleurs du célesta, de la
harpe, du xylophone, développe un raffinement plastique porteur
d’étrangeté et d’exotisme. Pour boucler la présentation des contes,
Ravel imagine une fin qui en assure l’unité poétique: dans Le jardin
féerique
(7),
le prince charmant ressuscite la princesse, acclamés par tous
les personnages précédemment évoqués. Les cordes transmettent
l’activité de ce pays des merveilles qui témoignent de la fascination
constante et intacte de Ravel pour le monde de l’enfance. L’enfance
telle que peut seul la voir un adulte ne serait-elle pas, dans un
mouvement rétrospectif, l’appel irrésistible à l’éveil, à
l’enchantement, à l’insouciance, à la propice rêverie, autant de
sentiments perdus, de facultés de l’âme évanouies, que tout créateur
tente d’approcher dans son oeuvre?

Illustration
Mignard, l’enfant au savon (DR)

Placido Domingo, gala lyrique Arte, Maestro. Le 25 mars 2007 à 19h

0

Placido Domingo,
gala lyrique

Maestro
Le 25 mars 2007 à 19h

Gala Lyrique. Enregistré le 24 juillet 2003, château de Mainau. 43mn, 2003.
Gala lyrique Operalia 2003. Placido Domingo, ténor. Lauréats du Prix Operalia 2003. Orchestre symphonique de la Radio de Sarrebruck, direction: Lawrence Foster

Soirée lyrique dont l’affiche est partagée par le ténorissimo madrilène, Placido Domingo. Le chanteur recevait au cours de la soirée le prix Européen de la culture.
Ayant créé un prix destiné à mettre en avant quelques voix prometteuses, souvent déjà professionnelles, le ténor regroupe au cours de cette soirée de prestige qui se termine coupe de champagne à la main, par le Brindisi de la Traviata, entonné par tous les participants, les lauréats du Concours Operalia 2003.
Au cours de la soirée s’affirme le tempéramant de quelques voix effectivement convaincantes: celle de la soprano Adriana Damato avec laquelle Placido Domingo compose un ardent duo amoureux extrait d’Otello de Verdi; outre la vaillance encore très exclamative du ténor, sa musicalité dramatique reste exemplaire. Fidèle à lui-même, l’interprète entonne aussi un air de Zarzuela qui donne la mesure de son énergie scénique encore flamboyante. Quelle longévité! Soulignons aussi le feu tout autant communicatif de Jesus Garcia, ténor à la voix claire et d’or. Le concours Operalia 2007 aura lieu à Paris, du 24 au 30 juin.

Crédit photographique
Placido Domingo © S.Rock

Boris Berezovsky, pianiste virtuose. DocumentaireArte, Maestro. Dimanche 1er avril à 19h

Boris Berezovsky
Pianiste virtuose

Maestro.
Dimanche 1er avril 2007 à 19h

Documentaire-portrait. Réalisation: Holger Preube et Claus Wischmann. 2006, 42 mn

Y aurait-il un côté Dostoïevsky chez Berezovsky? Boris fumeur, Boris joueur de poker ou attablé à la roulette, cherchant à réaliser ce qu’on attend de lui, ce qu’il souhaite aussi pour lui-même (même s’il sait qu’il est quasiment impossible de gagner dans un casino): « jouer juste ». « Les cartes sont comme la musique: les règles sont toujours les mêmes, mais le résultat offre des possibilités toujours différentes« . Aucun concert, même pour une même oeuvre, n’est semblable au précédent. Tout est toujours différent. Libre à chaque fois, pour une même partition de varier les plaisirs et les angles de lecture : privilégier la ligne de basse, ciseler le relief de la mélodie, s’appuyer sur la voix de remplissage…
Le pianiste russe est un virtuose du clavier. Et il nous le montre dans une transcription pour main gauche, composée par Leopold Godowsky d’après Chopin. Eloquente autant qu’époustouflante démonstration de pure virtuosité à mano sola!

Jouer du bout des doigts
Le portrait de Preube et Wischmann suit l’artiste tout au long de ses très nombreux concerts dont la fréquence impose à l’interprète une discipline régulière. « Au fond, je suis un être assez indiscipliné: le nombre des concerts que l’on me demande partout dans le monde, de Londres à Paris, à Bruxelles et en Russie, – ce qui est en soi assez extraordinaire-, m’impose de travailler mon jeu tout le temps, et parfois la nuit« . Le Noctambule aime jouer dans les boîtes à jazz car l’improvisation est au coeur de son propre travail. « Dans le classique, vous pouvez ménager une place importante à l’improvisation. Bien sûr il y a des compositeurs qui nous imposent un cadre plus étroit mais prenez par exemple Chopin. Il permet à l’interprète une palette d’options très large. Ce qui est bien sûr dangereux. En terme de souffle, de phrasé, d’accent, tout est là encore et toujours différent. »
Celui qui aime jouer du bout des doigts parce qu’il connaît presque intuitivement chaque partition, sait ce que la virtuosité signifie… en travail, en assiduité digitale. Sans omettre, l’enjeu esthétique et philosophique de chaque oeuvre.
En répétition avec l’Orchestre Symphonique de l’Oural, sous la direction de Dmitri Liss, avec lequel le pianiste enregistre une grande partie de son répertoire, de Chopin à Tchaïkovsky, sans omettre Aram Khatchaturian (magnifique second mouvement du concerto pour piano), Boris Berezovsky ajoute qu’il est au sommet de ses possibilités. Et qu’après 50 ans, il n’aura pas cette facilité technique des doigts qui le porte actuellement. L’interprète précise devant la caméra sa pensée musicale, sans réserve, de façon claire, carrée, construite… comme son jeu. Passionnant.

Crédit photographique
Boris Berezovsky (DR)

Richard Wagner, Lohengrin (1850). DocumentaireArte, Musica. Les 7 avril et 27 mai 2007

Richard Wagner
Lohengrin
, 1850


Le 7 avril 2007 à 22h30
(Musica)
Le 27 mai 2007 à 9h
(Câble, satellite, TNT)

Opéra. Documentaire. Série « Découvrir un opéra » (volume 4). Réalisation: Nele Münchmeyer. 2006, 1h. Production de l’Opéra de Baden-Baden. Metteur en scène Nikolas Lehnhoff. Avec Waltraud Meier, Solveig Kringelborn, Klaus Florian Vogt, Tom Fox… Orchestre Symphonique de Berlin, direction: Kent Nagano.

Fin de l’opéra romantique

Lohengrin marque la fin des illusions romantiques. L’oeuvre incarne les désillusions du compositeur, une épreuve décisive vers la maturité à venir. Pour Wagner, la gestation de son opéra Lohengrin, est aussi déterminante artistiquement que douloureuse sur le plan personnel et social. Amorcé dès 1845, achevé en 1848 mais créé en 1850, l’opéra achève un cycle, celui des opéras romantiques traditionnels, ouvre sur le drame de l’avenir: celui dont le flot musical permanent, envisage de nouvelles perspectives, tant esthétiques que philosophiques et politiques. Car l’homme, alors chef de l’opéra de Dresde, foyer musical important de la Cour de Saxe, qui a travaillé déjà à son Vaisseau Fantôme puis Tannhäuser, (créés à Dresde), réfléchit un à nouvel ordre musical et théâtral. Il s’agit pour lui de s’adresser à l’humanité et clamer des valeurs humanistes de rédemption, d’amour contre le poison du mensonge, du calcul, de la trahison.
La composition de Lohengrin est elle-même emportée par le souffle des révoltes de 1848, étouffées dans une répression sanglante. Acteur parmi les insurgés, radicalement contre l’autorité des bourgeois et des princes, Wagner paiera chèrement son alliance révolutionnaire. Il doit quitter Dresde, poursuivi par l’armée répressive, se réfugier finalement à Weimar (chez son ami Liszt) puis à Zürich, d’où, empêché de voyager, il assiste à la création chaotique de Lohengrin, dirigé à Weimar par Liszt… en 1850. L’audience ne comprend pas l’enjeu esthétique de la partition. Pour le musicien, c’est un nouvel échec, une étape douloureuse, aigre et cynique qui le mène cependant un peu plus près du grand oeuvre lyrique à venir.

Dans la mise en scène de Nicolas Lehnhoff
,
pour l’opéra de Baden Baden, reprise ensuite à Milan et à Lyon, Lohengrin est le Sauveur d’une humanité pervertie, corrompue, maudite et dont il faut mériter la dignité et la promesse de salut. Quand le chevalier au cygne paraît, aux hommes de mesurer la noblesse de sa mission; à Elsa, de comprendre sans le percer, la pureté de son mystère, d’accepter ce voeu de confiance et d’amour total que son époux miraculeux lui demande…
Or, Wagner nous donne à voir la noirceur des hommes, toujours prompts à trahir, manipuler, dénoncer, tuer la pureté. Au final, Elsa, -petite âme ou oie crédule?- se montre incapable de réaliser son rêve romantique, et Lohengrin qui aurait pu être aussi pour le Roi Henri, le champion de ses armées contre les Hongrois, doit quitter cette terre qui ne le mérite pas.
Ortrud, animal de la magie noire est la grande victorieuse. Après Tannhäuser, où déjà le compositeur mettait en scène un impossible amour, Lohengrin scelle définitivement la malédiction de toute alliance entre les hommes. Il peint avec un lyrisme désenchanté, l’impasse de tout amour. Une vision pessimiste et glaçante qui se réalisera davantage sur le plan amoureux avec Tristan.

Le documentaire est fidèle à son principe pédagogique. Commentaires en voix off, présentation et caractérisation (musicale) des protagonistes: le couple pur (jusqu’à l’acte II): Elsa/Lohengrin, le duo infernal : Ortrud/Telramund. Témoignages pertinents du metteur en scène, du chef (Kent Nagano). Dommage cependant qu’il n’y ait pas plus de commentaires de la part des interprètes dont la qualité transperce l’écran. Waltraud Meier campe une Ortrud anthologique que l’Elsa de Solveig Kringelborn n’affadit en rien. Les options de Nicolas Lehnhoff sont parfaitement explicitées: il souligne l’identification Wagner/Lohengrin, osant même représenter au III, un Lohengrin pianiste, encore tout ennivré par ses récentes noces avec Elsa, avant que la catastrophe et le poison du doute ne fassent leur oeuvre dévastatrice dans l’esprit de la jeune mariée… Secret du Chevalier, tractations politiques (ambition du Roi Henri, querelle dynastique entre Ortrud et Elsa), lecture sentimentale (psychodrame tragique entre Elsa et Lohengrin): les fils de l’intrigue et les différents niveaux de lecture sont démêlés. Complexité lumineuse, donc captivante. Voici l’opéra comme on l’aime. Après Platée, Cardillac, Poro, ce quatrième volet de la série: « Découvrir un opéra » est une réussite. Chapeau au cycle d’Arte!

Illustrations
Edward Burne-Jones, amour parmi les ruines (DR)
Edward Burnes-Jones, Pygmalion (DR)
John William Waterhouse, la tempête (DR)

Lyon. Auditorium, le 14 mars 2007. Récital Grigory Sokolov, piano

Chaque récital de Grigory Sokolov est désormais un événement dans l’art de l’interprétation. Lors de sa 2de invitation lyonnaise par les Concerts des Grands Interprètes, le pianiste russe a choisi l’une des ultimes sonates de Schubert. Il a aussi, dressé un portrait passionnant de Scriabine, d’abord post-romantique puis moderniste absolu à la fin de sa vie. Notes pour jalonner le parcours d’une rigueur et d’une beauté sonores décisives.

Le pianiste qui ne sourit jamais
« Grigory, étonne-moi », auraient pu dire – comme à Cocteau, jadis – les amis d’un immense pianiste russe, alors si peu célèbre en France. Ce n’est plus de mise, désormais : Sokolov est respecté jusque dans son rituel. « Le pianiste qui ne sourit jamais » (du moins au public), entre, salue, se met au clavier, resalue, sort d’une même démarche solennelle  mais comme absente. Non pas dédaigneux, mais concentré. La courtoisie, massive et raffinée tout ensemble, fait partie du don de son art. Et se lit aussi dans des programmes exigeants comme celui de Lyon, interrogateurs de deux musiciens inégalement aimés ou même connus, incandescents à presque un siècle de distance européenne, mais également épris d’un idéal de composition qui dépassait la seule écriture.

Les secrets des sonates ultimes
A son précédent récital lyonnais, G.Sokolov avait forcé les secrets de l’avant-dernière sonate  de Schubert, D.959, celle-là totalement…schubertienne. Le voici dans la première de l’ultime trilogie (1828), D.958, dont on se contente souvent de dire qu’elle est hommage et adieu au Maître inapprochable, Beethoven, récemment disparu. Or, dès l’allegro initial, Sokolov, sans nier l’affrontement et l’abrupt en face du destin – qui sont essence constructrice de Beethoven -, instaure, après silence de recueillement, le chant très lent, presque murmuré d’un voyageur (wanderer) qui pénètre dans son passé. Dès lors, la tentation « sechterienne » de Schubert à l’été 1828 – le désir, empêché par la mort, de suivre l’enseignement du contrepoint auprès de Simon Sechter – se fond dans l’héroïque rigoureux de Beethoven. Et la passerelle d’un arpège viendra constamment rappeler que d’une rive à l’autre, le « peu profond ruisseau calomnié, la mort » (selon la poésie de Mallarmé) est franchissable, sans terreur ni colère. Car la rive d’essence proprement schubertienne, appartient à une vie plus rêvée, nocturne, feutrée. Cela permet le lien avec un adagio, d’énoncé calme et lent, avec un chant purifié de toute volonté de puissance, où même là,  – un processus contrapuntique rigoureux – conduit et finit en pays de magie. Malgré une durée bien plus modeste que pour les deux autres sonates, on songe grâce au pianiste à d’autres mystérieux de la pensée russe, tel un Tarkovsky, explorateur par le film d’espaces-temps si graves, une fois passées les frontières de l’ordinaire.  Et l’ascète du son qu’est Sokolov y fait sourdre une tendresse inattendue en son art si maître des émotions, si ennemi de tout pathos.

Scriabine et la monnaie de l’absolu
Puis c’est un parcours scriabinien, depuis l’encore-romantisme (Prélude et nocturne, 3e Sonate) jusqu’au finistère des pièces dernières (3 Poèmes, 10e Sonate). Presque sans s’accorder de repos, l’interprète habité par sa mission fait d’abord vivre les pièces des années 1890, en des explosions telluriques, des chants généreux, un « piano-espace » d’harmoniques : c’est comme une longue ouverture pour un opéra qui s’appellerait sobrement « 1913-1914 », et que seul, dans l’histoire musicale pouvait écrire Scriabine. A travers la magie du premier de ces Poèmes, on pourrait évoquer le debussysme, mais c’est ensuite vertige devant le décentrement de l’œuvre, le déchaînement de forces cosmiques, mises en action par l’invasion du trille et du tremblement dans tous leurs états, prolongement de l’invention beethovénienne mais extension à l’écriture entière. Devant cet extrémisme qui fonde une révolution harmonique et générale, on songe aux recherches contemporaines des peintres russes, Kandinsky et plus encore Malevitch. Comme un Horowitz dont le disque a gardé des témoignages devenus légendaires, G. Sokolov est ici prodigieux de force précise,  de complexité, de subtilité, d’emportement contrôlé, d’ampleur visionnaire. « C’est sonate des insectes qui sont les baisers du soleil », disait Scriabine lui-même de sa 10e : une mystique est évidemment en arrière de tout cela, sans laquelle l’humain ne serait justement « que mouches sans lumière » (Malraux dans la coda des « Voix du silence »), mais la rigueur intellectuelle d’un Sokolov est de nous laisser le choix d’y voir une philosophie aussi transcendantale que la virtuosité pianistique ou d’y lire « seulement » l’écriture, et non la « monnaie panthéistique de l’absolu ».

Et puis le pianiste nous ramène  par la générosité – un rien ironique ? –  de bis très courts à du Scriabine plus « tranquille », des Chopin rêveurs, un Bach quintessencié, tout en rappelant qu’il est un maître de la diversité sonore, comme s’il avait à sa disposition plusieurs claviers superposés et leurs jeux de timbres à l’orgue. Retour sur une terre de  réel séducteur, et dont on s’aperçoit, avec semblable art du concert, qu’il serait sans doute bien cruel de la quitter.

Lyon. Auditorium, le 14 mars 2007. Franz Schubert(1797-1828) : Sonate en ut mineur, D.958. Alexandre Scriabine (1872-1915) : Prélude et nocturne Op.9, 3e Sonate Op.23, Poèmes Op. 609, 10e Sonate Op.70, Vers la flamme, Op.72. Grigory Sokolov, piano.

Crédit photographique
Grigory Sokolov (DR)

Bruxelles. Bozar, le 10 mars 2007. Récital Matthias Goerne et Christoph Eschenbach

Matthias Goerne fait partie des quatre ou cinq étoiles au firmament du lied et de l’oratorio. Incontournable et presqu’inégalable dans Schubert, Schumann, Brahms et Wolf, les superlatifs sont de mise lorsque le baryton allemand est à l’affiche. Le récital qu’il a donné à Bozar le 10 mars 2007 en compagnie de Christoph Eschenbach, nous en a donné une nouvelle preuve.

Dès les premiers Schumann sur des poèmes de Heinrich Heine, la voix est posée, épanouie, à peine ternie par une légère pointe d’amertume qui suffit à saisir toute l’ironie sous-jacente du monde onirique de Heine. Le timbre, idéalement placé, chaleureux, est plus beau encore que dans le souvenir d’un Winterreise chanté par Goerne à Bruxelles il y a quelques années.

Dans le Liederkreis, Matthias Goerne décompose les méandres de l’âme de l’amoureux qui attend, souvent en vain, l’arrivée de la jeune fille de son coeur. Chaque inflexion du texte issu de la plume du poète est articulée, chaque note imaginée par le compositeur vient transcender l’âme du poète, peignant toutes les nuances de l’amour rêvé par Heine et par Schumann: l’anxiété de l’attente, qui se fait tour à tour désarroi (Morgens steh’ich auf und frage) ou rage volcanique (Es treibt mich hin, es treibt mich her), et puis la fatalité de l’amour inassouvi, effrayante dans sa morbide lucidité (Lieb’ Liebchen, leg’s Händchen auf Herze mein).

L’alliance avec Christoph Eschenbach nous laisse d’abord perplexes, car le pianiste se fait par moment plus soliste que partenaire. Il est vrai que chez Schumann la partie de piano constitue une voix à part entière, invitant à une certaine liberté. Ce léger sentiment d’inconfort se dissipe heureusement dans Brahms, les Lieder und Gesänge Op. 32 multipliant les occasions de fusion et d’effusion, avec un Wie bist du, meine Königin miraculeux de tendresse et d’affection.

Les Vier ernste Gesänge viennent clôturer la soirée avec grandeur, gravité et abnégation. Matthias Goerne restitue ces quatre chants sérieux avec une maîtrise vocale et intellectuelle absolue, scrutant, analysant les textes bibliques avec une acuité telle qu’ils en deviennent proprement terrifiants (O Tod, o Tod, wie bitter bist du). Impressionnant, et troublant. Apaisement toutefois, lorsque, tel Saint Paul aux Corinthiens, le duo Goerne-Eschenbach adresse au public bruxellois pétrifié un message de « foi, espérance, amour, la plus grande de ces choses étant l’amour » (Wenn ich mit Menschen und mit Engelszungen redete). Un récital d’exception qui confirme un Matthias Goerne en pleine maturité.

Matthias Goerne et Christoph Eschenbach présenteront le même programme Salle Pleyel à Paris, le vendredi 16 mars 2007

Approfondir
http://www.matthiasgoerne.de
http://www.christoph-eschenbach.com

Bruxelles. Bozar, le 10 mars 2007. Robert Schumann (1810-1856) : Abends am Strand Op. 45 n°3 (extr. de Romanzen und Balladen Op. 45), Es leuchtet meine Liebe Op. 127 n°3 (extr. de Fünf Lieder und Gesänge Op. 127), Mein Wagen rollet langsam Op. 142 n°4 (extr. de Vier Gesänge Op. 142), Liederkreis Op. 24. Johannes Brahms (1833-1897) : Lieder und Gesänge Op. 32, Vier ernste Gesänge Op. 121. Matthias Goerne, baryton. Christoph Eschenbach, piano.

Crédit photographique
Matthias Goerne (DR)

Elections présidentielles 2007La culture des candidats. Tour d’horizon

0

Elections présidentielles 2007
Candidats à l’élection présidentielle
Quelle culture pour demain?

On le sait la culture n’est pas le sujet phare des Présidentielles 2007. Si chaque candidat se doit de s’exprimer sur la part de la culture à l’école et dans l’éducation des plus jeunes, les fronts sociaux, économiques, militaires, énergétiques sont des chantiers davantage décisifs. Et quand il y est question de musique, les paroles se font absentes, les idées à peine perceptibles.
Quid du cadre juridique, commercial du téléchargement? Qui défend véritablement le principe d’interopérabilité? Les réponses viennent aujourd’hui de Bruxelles. A l’heure où le Louvre se délocalise (opération commerciale ou politique de prestige?), au moment où l’actuel Ministère repense l’organisation de sa direction de la musique, la culture occupe néanmoins fièrement le devant de l’actualité. La voix des intermittents menace aussi. Car beaucoup de sujets n’ont pas trouvé leur solution.
Des changements structurels importants, l’industrie de la musique enregistrée est en passe d’en vivre comme jamais. Il s’agit bien d’une « révolution » technologique et sociale qui est en marche. La question fondamentale est la question de l’accessibilité et de la liberté du consommateur vis-à-vis des offres numériques à venir. Peu à peu le verrou des DRM s’adoucit et le pôle exclusif (iTunes/iPod) lui-même verrouillé par Apple, essuie de sérieuses critiques sur le plan européen. Aucun des candidats ne s’est clairement exprimé sur cette question… qui doit concerner certainement des opérationnels de la question.
A défaut de dispositions et de promesses précises sur la question musique – marché numérique comme marché physique-, nous avons tenté de résumer les déclarations fortes de chacun des candidats à l’élection présidentielle, sur le chapitre général de la culture. Bilan. La présentation de nos articles suit l’ordre alphabétique des noms de chacun des « présidentiables ».

François Bayrou
(UDF)
La culture doit retourner au peuple. Le champion de la nouvelle France sans clivage Droite-Gauche entend promouvoir une culture de peuple et pas une culture de masse. La culture a manqué un tremplin formidable à l’époque de Malraux, elle est devenue un loisir d’initiés, destiné aux cultureux. Le candidat voudrait une éducation populaire et pas seulement une éducation pédagogique. Internet à ce titre pourrait jouer un rôle moteur: des sites où le gratuit et le marchand coexistent, un accès au téléchargement facilité, des internautes heureux de contribuer contre une « contribution générique » à l’univers des échanges. Pour François Bayrou, internet préfigure ce que pourrait être l’humanité de demain.

Marie-Georges Buffet
(Parti Communiste)
La candidate « coco » aime jouer avec les lettres, ce qui aurait des conséquences importantes en matière de chiffres. Pour elle, le budget de la culture serait rehaussé à 1% du PIB et plus seulement 1% du budget… grâce à une réforme fiscale. Il faut rendre la télé à ceux qui la regardent : imaginer les chaînes de demain, dirigées par les salariés, les usagers, les élus pour éviter la domination des télés commerciales où la culture est une donnée marchande… comme les autres.

Jean-Marie Le Pen
(Front national)
Il s’imagine en corsaire et sent des larmes lui monter aux yeux quand il écoute des marches militaires. Pour le Président du FN, l’état doit conserver le patrimoine mais pas interférer pour la création. La gratuité sur Internet n’est pas souhaitable et dans les écoles, le chant, la pratique instrumentale devraient être beaucoup plus soutenus.

Ségolène Royal
(Parti socialiste)
Pour la candidate du parti socialiste, la culture est une donnée fondamentale pour l’épanouissement de l’individu comme elle favorise la cohésion entre les personnes. C’est une « priorité » : « tout se joue à l’école par l’éducation artistique ». En Poitou-Charentes, la Région qu’elle préside, le budget de la culture a été doublé, un animateur culturel a été nommé dans chaque lycée. Il faut décomplexer l’accès à la culture: de nombreux festivals de la Région sont gratuits. L’état doit favoriser l’accès et la démocratisation à la culture, auprès des handicapés, des exclus, des plus démunis. Il faut des musées gratuits. Les Régions doivent de leur côté assurer le soutien aux talents émergents pour que tout ne se passe uniquement à Paris ou en Ile de France. Des régions pépinières d’artistes et de talents? Pourquoi pas…
Sur la question des intermittents, la candidate a promis qu’elle reprendrait les négociations afin d’éviter l’impasse du dispositif imposé en 2003. Il faut ouvrir la culture partout où cela est possible, en confiant aux intermittents des missions de sensibilisation, là où cela est possible. Quand un festival est empêché ou est en grève, c’est toute l’économie d’une région qui en pâtit (hébergement, tourisme, restaurants…). Le spectacle vivant est donc au coeur du développement économique.

Nicolas Sarkozy
(UMP)
Force est de constater que le candidat de l’actuelle Majorité regorge d’idées, de chantiers à relancer, de projets innovants à lancer. Comme pour Ségolène Royal, l’éducation par la culture est un enjeu essentiel pour la France de demain.
La culture est un enjeu majeur. La valorisation du patrimoine favorise le tourisme. L’éducation artistique est le fondement d’une France nouvelle que le candidat de la Droite appelle « démocratie culturelle ». Dernier volet essentiel, de la politique culturelle défendue dans son programme: l’aide à la création. C’est le fondement de l’exception culturelle à la française. Aide à l’art contemporain, au spectacle vivant, au cinéma… La télévision publique doit reprendre le leadership en matière de programmes culturels, ce que fait isolément et de façon exemplaire, Arte. Il faut que tous les enfants aient accès aux grandes oeuvres de l’esprit. Le candidat souhaite une politique éducative de l’excellence. Et sur le plan économique, les ressources de la culture seront aidées grâce aux partenariats et au mécénat.

Dominique Voynet
(Les Verts)
A l’époque où elle était au gouvernement, la canditate des Verts rappelle le peu d’intérêt des acteurs de la politique pour la culture. Réduite au 1% du budget global, la culture intéresse peu ou se concentre sur quelques événements élitistes, bon ton. La vraie question demeure : qu’en est-il de la culture pour tous? Inquiète quant à la liberté de l’info et à l’essor de la création, Dominique Voynet entend supprimer la publicité sur les chaînes publiques et augmenter la redevance. Mais il faut aussi rendre la télé à ceux qui la regardent (et accessoirement à ceux qui la financent) : que des usagers siègent au CSA!

Illustration

Eugène Delacroix, la liberté guidant le peuple. Détail. (Paris, Musée du Louvre)

Dietrich Buxtehude (1637-1707), concerts & conférenceEnsemble Baroque de Nice, les 20, 21 et 22 avril 2007

Ensemble baroque de Nice
Anniversaire
Dietrich Buxtehude


Concerts & conférence
Nice, les 20, 21 et 22 avril 2007

L’Ensemble baroque de Nice, dirigé par son directeur Gilbert Bezzina fête en 2007, son 25 ème anniversaire. Pour le 300 ème anniversaire de la mort de Dietrich Buxtehude, trois jours en avril mettent l’accent sur le compositeur germanique, l’un des plus importants musiciens baroques dans l’Europe du nord. Deux concerts de sonates et de cantates, une conférence sur la vie et l’oeuvre de celui qui eut une influence considérable sur le jeune Jean-Sébastien Bach, donneront la mesure de ce génie injustement oublié de nos jours.

Concerts

Le 20 avril à 20h30
Le 22 avril à 16h30

Eglise Saint-Martin Saint-Augustin
Sonates et Cantates
Sophie Landy, Camille Poul, sopranos
Philippe Cantor, baryton
Ensemble Baroque de Nice
Gilbert Bezzina
, direction

Canite Jesu nostro… BUX WV 11 – Cantate pour deux sopranos et basse
Liebster, meine Seele saget…(chaconne) BUX WV 70 – Cantate pour deux sopranos
Sonate opus 2 n° 5 en la majeur, pour violon, basse de viole et basse continue BUX WV 263
Prélude et fugue en sol mineur BUX WV 163
Jesu, meine Freude… BUX WV 60 – Cantate pour deux sopranos et basse
Ich bin eine Blume zu Saron… BUX WV 45 – Cantate pour basse
Sonate en si bémol majeur pour violon, basse de viole et basse continue BUX WV 255
Je höher du Bist… BUX WV 55 – Cantate pour deux sopranos et basse
Du Frieden Fürst Herr Jesu Christ… BUX WV 21 – Cantate pour deux sopranos et basse

En laissant un catalogue d’oeuvres particulièrement riche, comptabilisant pas moins de 135 numéros d’opus, Buxtehude a marqué profondément l’évolution musicale de son temps. Aux côtés des oeuvres instrumentales (21 sonates et presque 100 partitions pour orgue et clavecin), les cycles pour la voix, tous à caractère religieux, sont parmi les plus attachants, en particulier les 7 cantates « Membra Jesu Nostri ».
Les cantates révèlent une excellente attention à l’articulation du texte dont les références souvent imagées renvoient à la ferveur de l’époux pour sa bien aimée (Ich bin eine Blume zu Saron : Je suis une fleur de Saron BuxWV 45 d’après le Cantique des cantiques). Buxtehude sait librement composer sur un cadre traditionnel: Jesu, meine Freude (Jésus, ma joie) BuxWV 60, écrit entre 1686 et 1687, d’après un texte de Johann Franck relit le choral homonyme avec un sens de l’invention propre au compositeur.
14 sonates (sur les 21 connues) sont regroupées en deux recueils, édités en 1694 et 1696 à Hambourg. En général de forme trio, les oeuvres démontrent une synthèse opérée à partir des modèles italiens et français. Buxtehude marie les timbres du violon et de la viole de gambe par exemple, qui est emblématique de la France du Grand Siècle. Diversité des danses, basses obstinées, et mêmes indications empruntées à l’art vocal montéverdien par exemple (« concitato » pour agité) révèle l’universalisme de la culture du musicien et sa volonté de synthèse.


Conférence


Rencontre avec Buxtehude
Samedi 21 avril à 16h30
Chapelle Sainte-Croix

par Gilles Cantagrel, musicologue
Entrée libre. Renseignements : 04 93 80 08 74

Organiste et compositeur, Dieterich Buxtehude s’éteignait à Lubeck en 1707. Trois cents après son décès, la figure du maître et l’impact de son oeuvre restent bien confidentiels.
Or, contemporain de Corelli en Italie, Purcell en Grande-Bretagne, Charpentier en France ou Biber en Allemagne du Sud, Buxtehude paraît comme l’étoile de l’Allemange septentrionale dont le rayonnement fut assez constant pour attirer le jeune Bach depuis son village natal. Sa maîtrise comme organiste, son oeuvre vocale confirment la qualité de son style et de sa vision musicale.
Gilles Cantagrel a évoqué le séjour du jeune Bach auprès du vieux maître en 1705 (La Rencontre de Lübeck, Desclée de Brouwer), mais aussi l’homme et l’œuvre (Buxtehude, Fayard).

Approfondir

Visitez le site de l’Ensemble Baroque de Nice

Lyon, 4 ème Concours International de musique de chambre Du 2 au 5 avril 2007

Le 4e concours international de musique de chambre 2007 est à Lyon, pendant 4 jours (2 au 5 avril), et se consacre au duo violon-piano. 65 duos, 27 nationalités sont en lice dans cette série de 3 épreuves successives, devant un jury que préside le violoniste Patrice Fontanarosa, et en présence « libre » de très nombreux spectateurs. Un colloque et des publications accompagnent cet ensemble, et doivent souligner l’importance d’une redécouverte, l’œuvre du musicien français Lucien Durosoir.

Concours International de musique de chambre Lyon : piano et violon.
64 duos devant un jury de 7 interprètes présidé par P.Fontanarosa
Du lundi 2 au jeudi 5 avril 2007, CNSM et Salle Molière, entrée libre.
Epreuves, concert des lauréats, journée de colloque

Une dimension sportive, humaine ?

Les cv, press-book et autres cartes de visite indispensables à la carrière des interprètes, combien de fois ne voit-on pas figurer prix, sous-prix, prix spéciaux dans les concours internationaux ? Il existe évidemment une hiérarchie du prestige, soulignée par le nom de la personne fondatrice : roi et reine, prince et princesse, instrumentiste, compositeur ( mais rarement compositrice, c’est curieux, voir réflexions sur la journée mondiale du 8 mars…) . On peut aussi sourire de ces « bêtes à concours », voire de ceux qui exhibent leurs médailles comme le faisaient, dit-on jusque dans leur salle de bains, les gradés des régimes dictatoriaux. Et dans ce domaine, la métaphore se fait volontiers militaire ou sportive de haut niveau : d’où la nécessité sentie et dite par les organisateurs de recentrer l’épreuve, ses modalités et son climat sur une dimension « la plus humaine possible » : après tout, la finalité demeure avant tout artistique !

Les moins de 30 ans devant leurs juges

C’est en tout cas, dès l’origine, la volonté au Concours International de musique de chambre de Lyon : le fondateur Joël Nicod, corniste à l’Orchestre National de la ville, avec son complice également corniste ( Ensemble Agora), David Pastor, privilégient la musicalité et les conditions « très humaines » de l’expérience qui en est à sa 4 ème édition. En géométrie variable – trio avec piano, puis quintette de cuivres, duo voix et piano, et en 2007, violon et piano – , les candidats sont de plus en plus nombreux : 64 duos représentent 27 nationalités, et sur les 128 duettistes, une centaine sont basés en Europe. Le niveau est très sérieux pour ces « moins de 30 ans » qui cherchent à « révéler leur jeune talent et contribuer au développement de carrière ». Il est vrai que les frais de transports et de séjour demeurent à la charge des participants (sauf pour le séjour des « lauréés »), ce qui est d’ailleurs la règle dominante dans les concours internationaux. Les différents prix financés par organismes publics ou privés voient dominer la Ville de Lyon, qui participe aussi à l’organisation. Des engagements de concerts seront offerts en Allemagne et en France, ainsi dès le milieu avril à Lyon pour Yumiko Tanimura et Jonas Vitaud, lauréats du voix-piano de 2006 ; d’autres ensembles récompensés étaient déjà très « avancés en public », comme le Trio di Parma ou le Trio Novalis. Le public « en vie » est complètement associé à ces découvertes, puisque toutes les épreuves – éliminatoires, demi-finale, finale – et concert des lauréats sont en entrée libre, au CNSM ou à la Salle Molière. Dépassera-t-on le chiffre de 2500 spectateurs enregistré en 2006 ? On y entendra Mozart et Prokofiev pour la 1ère phase, Beethoven, Nicolas Bacri et des Français du premier XXe, en 2nde phase, et en finale une sonate choisie chez Brahms, Strauss, Bartok, Schumann, Fauré ou Enesco.
Le jury est présidé cette année par le violoniste Patrice Fontanarosa, symbole de la grande tradition française (et familiale !). Mark Lubotsky, disciple d’Oistrakh et ami de Schnittke, y témoigne de l’école russe, aux côtés de la jeune Américaine Pamela Frank. Côté clavier, le Japonais Ichito Nodaïra, particulièrement moderniste, est aussi compositeur (l’opéra Madrugada), Emmanuel Strosser représente la jeune génération française en compagnie de l’Allemand Daniel Blumenthal ; et le chanteur irlandais John Gilhooly, directeur du Wigmore Hall, est aussi un garant de la « communication » avec le monde du concert. Un prix de la presse est également attribué par un jury de critiques (3 Français, et la présidente, Tami Nodaïra, épouse du pianiste au Grand Jury…). Et les 4 jours si remplis du concours incluent aussi une Journée d’études qui témoigne de la vitalité d’une recherche qui prolonge la pratique instrumentale (4 avril). Les actes de colloque font à chaque édition l’objet d’une publication par les éditions lyonnaises Symétrie.

La redécouverte de Lucien Durosoir

Journée-colloque et publications sont depuis 2004 sous l’autorité d’un enseignant de musicologie à l’Université Lyon-2, Gérard Streletski. Les particip ants viennent du milieu universitaire lyonnais, et s’y joint une personnalité invitée : en 2007 la spécialiste Brigitte François-Sappey. Parmi les sujets au programme général du violon-et-piano, un domaine de (re)découverte : l’œuvre de Lucien Durosoir, sur laquelle interviendront plus particulièrement G.Streletski et sa collègue Isabelle Bretaudeau. Car la sonate « le Lis » figure dans les partitions choisies pour la demi-finale du concours, et les spécialistes affirment que Lucien Durosoir (1878-1955), dont le style pourrait être rapproché de celui d’André Caplet, ami et disciple de Debussy, mérite de figurer dignement dans le panorama de la musique française de la première moitié du XXe. L.Durosoir fut, comme chantait Brassens, « un modeste », se retirant tôt du tumulte et des honneurs parisiens, et continuant à écrire une œuvre exigeante, d’un contrepoint rigoureux et sous-jacent au langage cyclique et modal. Dans l’esprit du livre de J.P.Gueno, Paroles de Poilus, les lettres lucides et émouvantes de ce musicien pris dans l’enfer de la Grande Guerre sont d’ailleurs publiées, en miroir des carnets de son ami, l’immense violoncelliste Maurice Maréchal (éditions Tallandier). Un cd. Durosoir est pour l’instant disponible chez Alpha…
Au fait, et dans le cadre du conseil en rayonnement international, ne peut-on suggérer aux maîtres d’œuvre de réfléchir sur un titre plus scintillant que l’actuel Concours, siglé des peu poétiques initiales CIMCL ? En l’absence de princesse tutélaire, pourquoi ne pas chercher du côté du classico-antique Lugdunum, ou d’un Rônésôn plus esperanto ?

Télephone: 04 72 10 30 30 ou www.lyon.fr/cimcl

Œuvres de Mozart, Prokofiev, Beethoven, Poulenc, Ravel, Durosoir, Roussel, Bacri, Brahms, Schumann, Fauré, Franck, Bartok

Le palmarès du CIMC de Lyon 2007

Lors de la remise des prix, le 5 avril 2007, dans
la salle Molière, le directeur du Concours, Joël Nicod, a annoncé le
palmarès 2007. Premier Prix Ville de Lyon (10.000 euros): Eugen Tichindeleanu, violon (Roumanie) et Nozomi Matsumoto, piano (Japon)
qui ont également obtenu le Prix Adami du Public (5.000 euros), le coup
de coeur Bayer et le Prix de la presse (cf. notre photo: les deux
finalistes 2007). 2 ème Prix Spédidam (7.000 euros): Boris Brovtsyn,
violon (Russie) et Mikhail Shilyaev, piano (Russie). Lauréats du
Troisième Prix Conseil Général du Rhône (5.000 euros), trois duos ex
aequo: Owen Dalby, violon (USA)
et Alexander Rabin, piano (USA), Amanda Favier, violon (France) et Aya
Nakashima, piano (Japon),
Mana Kato, violon (Japon) et Seiko Ikeda, piano (Japon). Par ailleurs,
le Prix Sacem de la meilleure interprétation de la « 2ème sonate  » opus
75 de Nicolas Bacri (5.000 euros) est revenu à deux duos ex aequo:
Amanda Favier, violon (France) et Aya Nakashima, piano (Japon),
Alexandra Korobkina, violon (Russie) et
Ksenia Gavrilova, piano (Russie).
Le jury du 4 ème Concours
international de musique de chambre de Lyon était composé de Patrice
Fontanarosa – violoniste (France), Pamela Frank – violoniste (USA),
Mark Lubotsky – violoniste (Russie), Ichiro Nodaïra – pianiste (Japon),
Emmanuel Strosser – pianiste (France), Daniel Blumenthal – pianiste
(Allemagne) et John Gilhooly – Directeur du Wigmore Hall de Londres.

Crédit photographique
Le duo lauréat du Premier Prix 2007: Eugen Tichindeleanu, violon et Nozomi Matsumoto, piano © J.Kerling

Georges Bizet, Carmen (1875) Toulouse, Capitole. Du 12 au 22 avril 2007

Georges Bizet
Carmen
, 1875

Toulouse, Capitole
Du 12 au 22 avril 2007

Une chose « gaie »,
un traitement « serré »


Dans la correspondance du compositeur, Carmen apparaît sous sa plume comme une oeuvre légère mais pittoresque, « serrée », c’est à dire d’une intensité continue, au dramatisme tragique inéluctable. Pour enrichir la riche texture de l’action fatale, Bizet ajoute de nombreux épisodes d’une pure poésie, rêveuse, distanciée qui ajoute au souffle épique de l’ensemble. Inspirée de la nouvelle éponyme de Mérimée (1847), la Carmen de Bizet diffuse des lueurs crépusculaires, celles d’un soleil de fin d’été qui portent malgré la flamboyance et l’ivresse amoureuse, la menace de la folie et de la mort.

Tuer la femme

Malgré une tradition séculaire où les fins tragiques étaient exceptionnelles, Bizet préféra tuer son héroïne. Libre est Carmen qui décide de l’instant de sa mort. Liberté suprême de ne pas laisser au destin, la décision du lieu et du moment décisifs. Mais aux côtés de la cigaretière tentatrice et insolente, Don José est tout autant condamnable: il a déserté. Crime majeur à l’époque du compositeur. Habité par la passion et la jalousie (les deux font la pair), il ne s’appartient plus. Heureusement, à la fin de l’opéra, il déclare après avoir poignardé celle qu’il ne pouvait plus contrôler, « c’est moi qui l’ai tuée, vous pouvez m’arrêter ». Retour à la loi et à l’ordre juste. L’homme subira un châtiment légitime. Il paiera pour la déroute et l’infamie de sa conduite et de celle de sa maîtresse immorale. D’ailleurs, la brave et innocente Michaëla défend aux côtés du couple passionnel, l’image de l’ordre, de la douceur, du bonheur. Contre les dérèglements de la passion, la jeune femme est bien ce double de Carmen, son antithèse. Lumineuse et pure, douée aussi d’une force audacieuse, elle risque sa vie pour retrouver celui qu’elle aime secrètement… jusqu’au repère des contrebandiers.

Wagnérisme acceptable

La musique use et abuse, et avec quelle maestrià, du chant contrapuntique, dont l’essence théâtrale permet de suivre et de croiser les intrigues parallèles. L’orchestre impétueux comme un taureau magnifique, suscita une vive réaction de l’audience à la création de l’oeuvre (1875). On parla de wagnérisme outrancier, mais aussi respectable comme en témoigne l’enthousiasme de Nietzsche qui s’était fâché avec l’auteur de la Tétralogie. Les tam-tams africains de Carmen lui rappelaient avec délice, le souvenir de la tragédie païenne, animale, sauvage, authentique, la seule qui puisse être digne d’admiration.
De fait, le réalisme sentimental de Carmen, sa vulgarité stylée, son réalisme qui l’écarte de la carte postale et du prétexte folklorique, devaient susciter en France, la veine naturaliste, contemporaine du vérisme italien (1875-1905).

Illustration

Manet, Lola de Valence (DR)
Portrait de Georges Bizet (DR)

Georges Bizet, Djamileh (1872) Saint-Etienne. Les 28, 30 mars, le 1er avril 2007

0

Georges Bizet
Djamileh
, 1872

Opéra Théâtre de Saint-Etienne
Les 28, 30 mars, le 1er avril 2007
Eivind Gullberg Jensen, direction musicale
Christopher Alden, mise en scène

Une esclave comme les autres?

Miracle d’une rencontre imprévue qui vient troubler un cycle d’habitudes: la belle esclave Djamileh tourne la tête du sultan Haroun. Le prodige est d’autant plus remarquable que le prince a pris pour règle de ne s’attacher à aucune favorite et d’en changer chaque mois. Troublé mais pas (encore) épris, l’insensible Haroun lui fait savoir qu’elle n’est qu’une esclave… comme toutes les autres. A force de stratagème, et avec l’aide du serviteur du sultan, Splendiano, qui complice en sensualité, goûte aux délices offerts par les créatures délaissées, l’irrésistible Djamileh réussit cependant à régner sur le coeur de l’inflexible tyran oriental.

Inspiré du poème « Namouna » de Musset (Conte oriental,1832), l’opéra de Bizet lui est commandé en 1871. Le directeur de l’Opéra-Comique, Camille du Locle a, lui-même, choisi le nom de l’héroïne. Elaboré à partir de l’été 1871, Djamileh connaît ses premières répétitions en janvier 1872. Le compositeur qui rêvait dans le rôle-titre de la sublime cantatrice Galli-Marié, assista à la déroute de la création avec comme héroïne, une autre interprète, Aline Prelly (pseudonyme de la Duchesse de Presle) dont la plastique dépassait de beaucoup les possibilités du chant. L’opéra ne devait pas passer 10 représentations. Gustav Mahler choisit de la ressusciter à Vienne, en 1898.

Georges Bizet
Djamileh
,
opéra en un acte
Livret de Louis Gallet
d’après, Namouna de Musset (1832)
Créé à l’Opéra-Comique à Paris
le 22 mai 1872

Illustration

Chassériau, le Tepidarium (Paris, Musée d’Orsay)

Igor Strawinsky, Oedipus Rex (1927) Opéra du Rhin. Du 23 mars au 15 avril 2007

0

Igor Strawinsky
Oedipus Rex

(1927)

Opéra du Rhin,
Du 23 mars au 15 avril 2007

Le mythe d’Œdipe inspire à Stravinsky un oratorio-opéra d’une exceptionnelle efficacité dramatique. Tableaux sculptés avec une netteté soulignée comme les métopes d’un temple grec antique, l’action s’y accomplit avec une implacable urgence. Néo-classique, le compositeur semble renouer avec le drame païen originel, du moins selon l’idée qu’il en avait en 1927.
C’est également un travail sur la langue, ici en version latine articulée par le chœur et les solistes qui doivent assurer une parfaite projection syllabique. Révisée, réadaptée pour l’exposition de la catastrophe, car l’œuvre est une course infernale vers la tragédie la plus horrible, Cocteau s’est chargé de relire Sophocle et son texte scénique et musical fut traduit en latin par Jean Daniélou.
Dans Thèbes ruinée et dévastée par la peste, Œdipe est la proie des dieux voraces. Manipulé pour le seul plaisir d’un Apollon insatiable, le fils de Jocaste, tuera son père et épousera sa mère. Patricide et fils incestueux, celui qui a délivré la ville condamnée, en découvrant les énigmes du sphinx, paie chèrement le prestige de son exploit. Brève gloire d’une carrière accablante.

Igor Stravinsky (1882-1971)
Oedipus Rex
Oratorio scénique en 2 actes
Poème de Jean Cocteau
Traduit en latin par J. Daniélou
Créé au Théâtre Sarah Bernhardt
le 30 mai 1927 en version de concert sous la
direction du compositeur.

Illustration
Ingres, Oedipe et le sphinx (Paris, musée du Louvre)

Gustave Charpentier, Louise (1900)Paris, Opéra Bastille. Du 27 mars au 19 avril 2007

0

Gustave Charpentier
Louise
, 1900

Paris, Opéra Bastille
Du 27 mars au 19 avril 2007

Louise est une « roman musical » et non un opéra. La distinction indiquerait-elle la volonté de Charpentier de s’éloigner du genre « noble » et héroïque »? Voudrait-il convoquer, dans le sillon tracé par Au Bonheur des dames, le roman d’Emile Zola, tout un monde parisien oublié, laissé pour compte? Voudrait-il se mesurer aux créations des compositeurs italiens qui de leur côté à la même époque, succombent à la sensibilité vériste, celle qui met en scène non plus des dieux mais de petites gens, domestiques, paysans, ouvriers, prolétariens, écartés jusque là dans l’imaginaire lyrique?
La partition créée à l’Opéra-Comique, le 2 février 1900 suscita un succès immédiat en particulier parce que dans la salle, un public jusque là absent ou toléré, se voyait sur la scène : le père de Louise est un ouvrier laborieux pour lequel le bonheur est la douceur du foyer familial. Travail, conscience, sacrifice. Point de loisir ici. Charpentier, militant, engagé socialement, redéfinit le genre lyrique. Il achète sur ses fonds propres de nombreux billets et les distribue aux petites gens afin qu’ils assistent au spectacle qui les concerne.

Paris, « véritable personnage »

Certes il y a cet amour libre entre Louise et Julien, icônes d’un romantisme usé qui désire vivre ses rêves mais est inéluctablement rattrapé par la dureté du temps, et l’inéluctable cynisme de l’histoire: pas de poésie ni d’espoir pour les amants libres qui ne rentrent pas dans le moule des parents. A ce titre, la relation la plus violente de l’opéra est celle qui oppose Louise à son père. La jeune femme veut « aimer » : mais ici, la force de son amour a valeur de rébellion. Aimer signifie paresser, activité condamnable qui en fait une fille perdue, à l’immorale ambition.

Louise, une amoureuse révolutionnaire

Louis s’éveille à l’amour. Elle porte en elle le sentiment pur, intact des premiers émois. Mais son aspiration au bonheur sentimental est aussi politique. Car la jeune femme, fille d’un prolétaire, aspire à un avenir qui n’appartient pas à sa classe.
La jeune fille incarne le désir et la volonté tuée de la classe ouvrière, sacrifiée, soumise au terme de la Commune. D’ailleurs, Charpentier qui réside à Montmartre, situe l’action sur la Butte où furent assassinés les derniers partisans du soulèvement social. Sous chaque pas de Louise, s’élève le souvenir des esclaves insoumis, cycliquement sacrifiés mais jamais étouffés. Au moment de la Commune, Charpentier est âgé de 11 ans: il réside alors à Lille. Revenant après les événements parisiens, à Montmartre, il est légitime de penser qu’il en garde un souvenir qui réactive ses aspirations à l’évolution de la société. Finalement, Louise cristallise la voix d’un peuple écarté qui réclame sa participation à l’essor social. Paris, lieu sacrificiel, lieu chargé des souvenirs terribles, lui imposera sa propre loi, d’une glaçante cruauté. Pas d’horizon ni d’issue pour cette Juliette des temps modernes.

Louise à l’Opéra Bastille

Dans la nouvelle production mise en scène par André Engel, à qui l’on doit sur la même scène, « K » de Philippe Manoury (2001) et Cardillac de Paul Hindemith (2005), l’action de Louise se déroule dans un décor (de Nicky Rieti) qui cite le métro parisien. Réalisme de la rue, esprit du pavé, ombre des révoltes sociales antibourgeoises, Louise est l’oeuvre libertaire et séditieuse d’un compositeur qui voulait modifier l’ordre social.

Que penser de la production parisienne? Louise fut l’un des spectacles les plus applaudis à l’Opéra-Comique, quand la salle parisienne était aussi populaire que l’Opéra Garnier.
Son orchestration orfèvrée, plutôt wagnérisante, le livret affûté et toujours moderne de Charpentier soi-même militent pour un ouvrage à redécouvrir… et réévaluer d’urgence. Le souffle des préludes symphoniques ressuscite le Paris 1900. La capitale n’étant pas ici un fond de carte postale mais un personnage à part entière. La mise en scène d’André Engel souligne la présence continue de la ville industrielle, son métro (station Montmartre), ses toits de zincs (déjà vus dans l’opéra de Paul Hindemith qu’Engel a aussi mis en scène, Cardillac) et aussi ses mouvements de foule, parfaitement orchestrés.
Mireille Delunsch incarne une Louise amoureuse palpitante, parfois mise à mal dans les aigus du rôle, mais constamment convaincante, en particulier dans ses confrontations avec son père (José Van Dam, plus dramatique que vocal, usure de la voix oblige).
Pareil engagement pour le Julien de Paul Groves, au français proche de l’idéal. De son côté, Sylvain Cambreling fait sonner l’orchestre avec une énergie et une ampleur symphonique qui déborde parfois le roman musical de Charpentier. Mais la puissance de l’expression l’emporte indiscutablement. Une réussite.

Radio

France Musique diffuse Louise de Gustave Charpentier, le 5 mai 2007 à 19h

Illustration
Edouard Manet, Berthe Morisot (DR)

Ensemble HuelgasBruxelles, église des Minimes, le 28 mars 2007

Huelgas ensemble
Paul Van Nevel
, direction

On connaît l’infatigable défricheur et grand spécialiste des sonorités de la Renaissance chorale. A Bruxelles, Paul Van Nevel, le fondateur du Huelgas Ensemble remontera plus loin le temps de son exploration pour dévoiler quelques joyaux polyphoniques du Moyen-Age. A 10, 30 voire 40 voix, les chanteurs de l’Ensemble démontrent leur maestrià communicative, exprimant la ferveur collective comme la prière individuelle.

« Polyphonies avant la lettre »
Mercredi 28 mars 2007 à 20h
Bruxelles, Eglises des Minimes

Approfondir

Lire notre portrait de l’Ensemble Huelgas
Lire la fiche de la production sur le site du
Bozar

Crédit photographique
Paul Van Nevel (DR)

Janacek, L’affaire Makropoulos (1926) Paris, Opéra Bastille. Du 27 avril au 18 mai 2007

Leos Janacek
L’affaire Makropoulos
, 1926

Paris, Opéra Bastille
Du 27 avril au 18 mai 2007

Qui est Emilia Marty ?
Diva fatale, tentatrice désirant à la faveur d’un procès en cours, reprendre la main sur la formule de l’élixir de vie qui lui permettrait de vivre encore et encore, jeune et belle, jusqu’à la fin des temps, la femme est une créature terrifiante que l’ennui ne semble pas atteindre. Cruelle, sans scrupule ni morale, la femme tentatrice manipule le fils et le père Prus, Janek et Jaroslav, pour l’aider dans sa quête inavouée. Afin d’atteindre son objectif, elle vend ses charmes. Or prise de remords, et comme exténuée après des siècles d’existence, après que le fils Prus, Janek, se suicide, la cantatrice née en 1565, capitule. Elle s’appelle en réalité Elina Makropoulos et depuis plus de quatre siècles a revêtu plusieurs identités. « EM » pour Elina Makropoulos ou Emilia Marty (ou Eternité mélancolique), l’héroïne a du vague à l’âme. C’est la mémoire d’une éternité usée, au bord du gouffre qui ne croit plus en rien ni en personne. Le désir, l’envie de vivre a quitté ce corps qui n’en peut plus de vivre. En définitive, elle transmet à une jeune femme, la fille du clerc dans le procès qui s’instruit pendant l’opéra, le secret de l’élixir. Mais, celle-ci semble connaître le prix d’un tel « prodige »: il lui en coûtera la perte de son âme. Au final, celle qui se voit offrir l’éternité y renonce. Le prix d’une vie humaine ne peut être soumise à aucun pacte. Et EM accepte de mourir.

L’opéra de la vérité
Inspiré de la comédie philosophique et fantastique de Karel Capek (1922), L’affaire Makropoulos a profondément impressionné le compositeur qui demande l’adaptation de son roman en opéra, à l’auteur assez réservé, mais favorable. Janacek écrit lui-même son livret. Ecartant volontiers la dimension philosophique, et la portée de la fable, le musicien s’attache à peindre sans complaisance la vérité de ses personnages. A 70 ans, après de nombreux opus déjà convaincants: Jenufa, Osud, De la maison des morts, Katia Kabanova, Janacek démontre une compréhension intacte du genre humain, de ses aspirations iraisonnées, de ses rêves tragiques, et comme ici, pour une fin mesurée, de son sens pragmatique voire sublime. Le compositeur mêle toutes les esthétiques : postromantique, symbolique, impressionniste, expressionniste, naturaliste. Sous couvert d’un éclectisme lyrique, Janacek garde toujours le sens de l’efficacité, une fidélité tenace à un dramatisme sans dilution ni artifice. Les mots y sont projetés avec violence et la musique est un bain à la fois tellurique et poétique qui diffuse une grande force d’envoûtement. Saisi par la complexité et la violence dramatique de l’opéra de Janacek, Capek resta convaincu par l’adaptation de sa pièce à l’opéra. Avait-il conscience que le compositeur avait amorcé une révolution envôutante et salutaire du genre opéra?

La production parisienne
27 avril 2007. Pari réussi pour Gérard Mortier qui fait entrer au répertoire de l’Opéra de Paris, un opéra dont on a peine à penser qu’il n’avait jamais été produit sur la scène parisienne. L’ouvrage (1925) est le fruit d’un compositeur sur le tard (71 ans, né en 1854), aussi amoureux qu’un jeune homme, passionné par son sujet.
Comme un volcan, véritable torrent d’idées et de pulsion émotionnelle, la partition reste continûment captivante, atypique, hors normes. D’un lyrisme incandescent même, qui est à l’opposé de son exact contemporain, Puccini.
La baguette vive, détaillée autant que synthétique, de Tomas Hanus porte l’action à son meilleur. Sur la scène, et dans le rôle-titre (Elina Makropoulos), Angela Denoke, qui fut sur cette même scène une très convaincante fille de Cardillac (dans la mise en scène d’André Engel), fascine, ensorcelle. D’autant que la mise en scène du polonais Krysztov Warlikowski ose des parallèles souvent kitsh avec le cinéma holywoodien (Marilyn Monroe, King Kong,…) plongeant au coeur de la représentation mythique de la belle et de la bête pour mieux exprimer la folie humaine où prime le désir amoureux, la danse sexuelle, la volonté de bonheur… mais à quel prix? La vérité et la justesse déchirée de ce regard restitue au propos de Janacek, son universalisme. C’est cru et c’est beau. Magnifique.
L’Affaire Makropoulos, de Leos Janacek. Avec Angela Denoke, Charles Workman, Vincent Le Texier, Paul Gay, David
Kuebler, Karine Deshayes, Ales Briscien, Ryland Davies, Orchestre de
l’Opéra de Paris.Tomas Hanus , direction. Krysztof Warlikowski, mise
en scène. Jusqu’au 18 mai, à 20 heures.

Radio

France musique diffuse L’affaire Makropoulos de Janacek, le 2 juin 2007 à 19h

Approfondir
Lire notre compte-rendu du Programme édité par l’Opéra National de Paris, accompagnant les représentations de L’Affaire Makropoulos de Janacek

Illustration

Marylin Monroe (DR). Marilyn, icône du fantasme hollywoodien: sur la scène de l’Opéra de Paris, le metteur en scène Krzysztof Warlikowski, concepteur à Paris d’une Iphigénie en Tauride particulièrement décriée dont le lieu était une maison de retraite, imagine Emilia Marty en star de cinéma.

Lucinda Childs, portraitArte, samedi 31 mars 2007 à 22h30

0

Lucinda Childs

Arte, samedi 31 mars à 22h30

Documentaire. Réalisation: Patrick Bensard. 2006, 52mn

Que penser du documentaire? « Luncida Childs est un prisme, c’est une femme qui a de multiples facettes. Elle peut être dure, douce, chaude, froide, distante, chaleureuse… Elle m’agace continûment mais c’est pour cela que je l’aime ». Ces quelques mots de Bob Wilson montrent à quel point le travail de la danseuse et de la chorégraphe est pluriel et exigent. Elle a travaillé au sein du collectif minimaliste et avant -gardiste de la Judson Church, dans les années 60, auprès du duo Cunningham/Cage, a démonté les artifices de la société de consommation et la tyrannie du matérialisme et des objets concrets, dans une série de solo ou duos au carrefour du théâtre, de la danse, de la performance. Puis, une quête quasi idéaliste et abstraite la mène à fonder sa propre compagnie afin d’élaborer un langage libre, fluide, constitué, sur la musique répétitive de Philip Glass par exemple, d’une multiciplité de gestes enchaînés, toujours recommencés. Au bord de la mer, dans sa villa de Martha’s Vinyard, la créatrice explique les étapes marquantes de son travail. Einsein on the beach (1976) avec Philip Glass et Bob Wilson, lesquels témoignent de son charisme; puis, c’est trois ans plus tard en 1979, « Dance« , avec Glass et le peintre minimaliste Sol Lewitt : le ballet fait appel à un film projeté sur un gaze translucide sur lequel le spectateur suit plusieurs danseurs, auxquels répond la chorégraphie des vrais danseurs sur la scène. Tension, réponse, ballet à deux visages, deux lectures, deux temporalités… Le documentaire donne la parole à la créatrice, à ses partenaires danseurs et créateurs (Bob Wilson, Philip Glass …). A l’Odéon, aux côtés de Michel Piccoli, à Paris, elle incarne une figure énigmatique, tentatrice, l’instrument du destin, celui des révélations. Elle plus de créer et de concevoir, Lucinda Childs qui porte le prénom de sa mère, est aussi un interprète à la présence envoûtante. Sur la plage de Martha’s Vineyard, la chorégraphe précise la différence entre « être seule » et se « sentir seule »: tout en affirmant une personnalité unique, elle a manifestement rencontré ses complices et ses partenaires, ce qui pour une artiste ou une interprète, reste cruciale. Passionnant.

Rapidité, grâce, mouvement

Le style de la créatrice la plus inventive de la danse post-moderniste partage avec d’autres « légendes », tel Merce Cunigham ou John Cage (avec lesquels elle s’est formée) ou Carolyn Carlson, une vision particulière sur le mouvement, les apparences illusoires, la tyrannie des images fausses, l’écueil du spectacle de pur divertissement. L’art est un engagement, un acte de résistance, une exploration qui sur le plan formel, ne connaît pas de fin.
Lucinda Childs est née à New York, le 26 juin 1940. Au cours des années 1960, elle participe au collectif avant-gardiste de la Judson Church. Dans le gymnase, elle assimile le sens de la contestation enseignée par le couple Cuningham et Cage, comme Trisha Brown, également disciple des « papes du modern art ».
Si elle travaille sur le détournement des objets de la société de consommation, caricaturant avec drôlerie la vacuité de la ménagère (Past-time, surtout Carnation, 1964), la danseuse recherche ensuite une nouvelle direction plus abstraite, plus formelle dans sa quête du mouvement.
Le film « Calico migling » démontre ses nouvelles orientations en 1973: un dessin libre des mouvements à partir d’un vocabulaire simple, constitué de sauts, de changements de direction…
La chorégraphe a toujours préservé un lien étroit avec les compositeurs de son temps. Après une alliance créative avec les minimalistes américains tels Philip Glass, Gavin Bryars, Michael Nyman, Michael Risman, John Adams, Lucinda Childs change de style au tournant des années 1990, en travaillant sur les musiques de Ligeti, Xenakis, Gorecki, Krauze. Elle a fondé sa propre compagnie en 1973.

Lucinda à Paris et Mulhouse

Lucinda Childs a marqué en particulier le public parisien sur la scène du Théâtre de la Ville où la chorégraphe a été à de nombreuses reprises invitée, depuis le choc de sa participation en 1976 dans Einstein on the beach, avec Bob Wilson et Philip Glass.
En 2000, y étaient donnés par moins de quatre spectacles, Variété de variété (création), Concerto, Commencement et From the white edge of Phrygia. Avec Elisabeth Chojnacka, la directrice musicale de sa compagnie, Lucinda Childs a choisi de s’associer à Maurice Kagel dont plusieurs pièces ont été utilisées pour sa création de « Variété de variété ». Pulsations, variations, le travail de Childs tente d’épouser la rythmique propre de la musique. La répétition à l’infini la captive et oriente ses recherches, car elle y puise la mécanique de l’éternel recommencement. Chercher, explorer, se renouveller. En 2004, avec le studio ballet de l’Opéra du Rhin, la chorégraphe reprenait son ballet « Dance » sur la musique de Philip Glass, dans un dispositif scénique à double lecture de Sol Lewitt: tension, spiritualité, exaltation du corps et de l’esprit.

Crédit photographique
Lucinda Childs (DR)
Lucinda Childs © Michael O’Neil

Giacomo Puccini, Madame Butterfly (1904)Besançon et Dijon, du 3 au 13 mai 2007

0

Giacomo Puccini
Madame Butterfly
, 1904

Opéra de Besançon
Du 3 au 10 mai 2007

Opéra de Dijon
Du 9 au 13 mai 2007

Du Vérisme

Le vérisme fait entrer de plein fouet dans l’arène lyrique, le tragique vraisemblable, cette passion et cet héroïsme auparavant détenus par les seuls dieux, deni-dieux et héros de la mythologie, de la fable amoureuse ou de l’Histoire Biblique. Avec Cavalleria Rusticana de Mascagni (1890), la fureur sacrificielle et le désir de meurtre s’imposait définitivement, poursuivant l’oeuvre de Verdi dans La Traviata (1853) et de Bizet dans Carmen (1875), oeuvres qui accueillent chacune, le milieu des courtisanes et des cigaretières, bohémiens et exclus de la vie sociale et mondaine. Les gens du peuple gagnent leur droit d’entrer à l’opéra, dans la salle comme sur la scène.
Tranche de vie, vérité brute sans maquillage des conventions et des codes, l’opéra vériste rennouvelle le genre lyrique, tout en lui assurant l’extrêmisme de passions exaltées, de surcroît souvent au cours d’actions précipitées, fulgurantes, d’une rare efficacité dramaturgique. Cavalliera Rusticana reste un chef d’oeuvre en cela. Personnages du peuple, au bas de l’échelle sociale, les acteurs nouveaux de la scène lyrique revendiquent le droit d’exprimer la rage, la douleur, la terrifiante folie des passions humaines.

Passages atmosphériques, chant du coeur

Giacomo Puccini (1858-1924) recueille les recettes qui ont fait le triomphe des premiers ouvrages véristes entre 1890 et 1905, soit 15 ans de triomphes multiples, tout en développant sa conception personnelle du drame. En vérité, Puccini dépasse la simple étiquette vériste : fils d’une génération de compositeurs d’église, qui a d’ailleurs à son actif de nombreuses oeuvres sacrées dont une superbe Missa di Gloria, le compositeur surprend par son génie mélodique, ses audaces harmoniques, son sens supérieur de la dramaturgie qui le rendra intraitable avec ses librettistes. On regrette évidemment qu’il ne put accompagner jusqu’à son achèvement sa Turandot dont les premiers actes sont d’un niveau captivant. Le style fascine parce qu’il atténue le drame pour rechercher le chant du coeur. En cela, Puccini a imposé une veine poétique nouvelle, en touches quasiment impressionnistes. Parler de l’impressionnisme de Puccini aiderait grandement à resituer l’oeuvre, réévaluer sa richesse psychologique, son raffinement de texture et d’intention vocale. Puccini a souvent orfêvré de subtils passages atmosphériques, le lever du jour dans Tosca (1900) ; surtout les climats de pure poésie de Madame Butterfly (l’attente de Cio-Cio-San après le retour de Pinkerton). Il s’agit de partitions imprégnées d’un climat général éperdu et suspendu dont les protagonistes seraient les incarnations.
Verdi impose les individus. Puccini nous parle de sentiments, d’humeurs flottantes. Il préfigure souvent les colorations de Debussy et de Ravel qui ne cachait pas, d’ailleurs, son admiration pour l’auteur de Butterfly.

Avant les diaprures de Turandot où c’est la Chine impériale qui est évoquée, (sans les distorsions caricaturales d’un exotisme de pacotille), Puccini s’implique totalement dans la composition de Butterfly dont le cadre est le Japon post-industriel. L’ouvrage créé à Milan, le 17 février 1904, suscita bien peu de curiosité. C’était rendre un piètre hommage à la richesse inventive de la musique, au renouvellement de la veine tragique et passionnelle. Puccini très affecté par cet échec, mit trois années à s’en remettre, trois années pendant lesquelles il ne composa plus d’opéra.

Illustration

Kitagawa Utamaro, geisha (DR)

Mstislav Rostropovitch. Portrait pour les 80 ans.Arte, Samedi 24 mars 2007 à 22h30

0

Mstislav Rostropovitch

La conscience musicale

Musica
Samedi 24 mars 2007 à 22h30

Documentaire portrait. Réalisation: Enrique Sanchez Lansch. 2006, 52mn

La carrière de Rostropovitch se confond avec l’histoire russe. Et là encore, ses relations avec le système officiel, comme se fut le cas de Chostokovitch, ne furent pas sans heurts. « Je ne suis pas communiste. Je n’ai jamais été communiste » déclare le violoncelliste Rostropovitch, élève de Chostakovtich qui lui a dédié plusieurs oeuvres. Son indépendance politique lui valut de sévères restrictions et son talent mit un certain temps pour être reconnu.
La force et le tempérament exemplaire du musicien suscite une admiration immédiate qui au moment de ses 80 ans, le 27 mars 2007, prend une signification plus importante encore. Celui qui osa braver l’interdit officiel en hébergeant Soljenitsyne, alors personna non grata du pouvoir soviétique, sait de quoi il parle. Pour lui, musique et politique ne font qu’un. Jouer signifie exister, résister, arracher ce qui devrait être un droit naturel: la liberté de pensée et d’action pour tout un chacun. Mais avant la célébrité actuelle, Rostropovitch dût quitter son pays et trouver sa place à l’Ouest. La Suisse, l’Allemagne, surtout après la chute du mur de Berlin, la France, les Etats-Unis.
Le documentaire est captivant. Il montre combien l’interprète (violoncelliste, pianiste et chef d’orchestre) fut longtemps une bête de concert, ardent pédagogue, humain et généreux. Ses élèves savent qu’ils peuvent compter sur lui tout au long de leur carrière. Son aura s’appuie sur une expérience exceptionnelle de la musique. Avec lui, le violoncelle est un combat, une arme qui exprime et conteste, prend parti et dénonce. Les quelques scènes qui le montrent en répétition, diriger les symphonies de Chostakovitch, et même l’ouverture de La Chauve Souris de Johann Strauss, montrent combien l’artiste conçoit la musique comme un engagement. Comment pourrait-il en être autrement de la part d’un artiste, libre et engagé, inquiété par l’appareil politique de son pays, tenu à l’écart, puis exilé de force?
Devant la caméra, plusieurs artistes russes témoignent, précisant les positions d’un homme constant dans ses choix, tenace, loyal, fidèle: Natalia Gutman (qui fut son élève), Maxime Vengerov… Après une longue période d’hospitalisation, Rostropovitch s’apprête à fêter ses 80 ans, le 27 mars 2007. Bon anniversaire maestro !

Crédit photographique
Mstislav Rostropovitch (à l’extrême gauche) en compagnie de Benjamin Britten et de Dmitri Chostakovitch (DR)

Mstislav Rostropovitch © Mikhail Rashkovsky

Gluck, Iphigénie en Aulide, 1774.Mezzo, du 31 mars au 20 avril 2007

Gluck
Iphigénie en Aulide
, 1774

Le 31 mars 2007 à 20h45
Le 1er avril 2007 à 13h45
Le 10 avril 2007 à 15h45
Le 13 avril 2007 à 3h45
Le 20 avril 2007 à 15 h45

Opéra. Production de la Scala de Milan. Choeur, ballet, orchestre de la Scala de Milan, direction: Riccardo Muti. Avec : Christopher Robertson [Agamemnon], Daniela Barcellona [Clytemnestre], Violeta Urmana [Iphigénie], Stephen Mark-Brown [Achilles], Ildar Abdrazakov [Calchas]. Mise en scène et décors : Yannis Kokkos – Chorégraphie (divertissements) : Mischa Van Hoecke.

Que penser de cette production milanaise ? Au Teatro degli Arcimboldi de Milan, Riccardo Muti dirige avec nervosité et parfois tension, le drame tragique de Gluck. La mestro a choisi le final que Wagner a réécrit en 1847 pour les représentations qu’il dirige à Dresde. Iphigénie ne sera pas sacrifiée mais accompagnera ses vieilles années comme prêtresse de Diane en Tauride. La production est ambitieuse : décors de Kokkos avec ses grands miroirs panoramiques en fond de scène, éclairant le mouvement des groupes, ballets grandiloquents, décors impeccables et clairs… mais le spectaculaire prime sur l’analyse psychologique et les données de l’action. Le spectacle est glacial et la poésie, souvent absente. Dommage par ailleurs que Violeta Urmana incarne une Iphigénie vocalement attachante mais au français massacré.

Purger le théâtre lyrique

« Je me suis efforcé de limiter la musique à sa véritable fonction, qui est de servir la poésie avec expression, tout en suivant les étapes de l’intrigue, sans pour autant interrompre l’action et en évitant de l’étouffer par quantité d’ornements superflus »… ainsi Gluck précise-t-il ses intentions dans sa préface d’Alceste, drame funèbre qui lui fut probablement inspiré, avec son librettiste Calzabigi, par la mort de l’empereur François Ier (1765). Ce texte autographe qui a valeur de « manifeste esthétique » et annonce tout l’oeuvre lyrique à venir, est dédié au duc de Toscane, le futur Leopold II.
Plus d’acrobaties et de pirouettes vocales, plus de diluation superfétatoires: il s’agit bien de renouer avec la pureté de la tragédie antique (du moins dans l’idée que Gluck s’en fait), d’assainir le théâtre lyrique par une bonne purge, en le nettoyant de tous ses oripeaux inutiles. Le drame, l’articulation du drame et du poème: voilà la réforme qui point alors sous la plume de Gluck.
L’intention est claire. Les résultats moins certains. L’accueil réservé à Alceste fut assez tiède, le compositeur, point encore à son aise s’est embarassé d’une narration qui piétine et n’atteint pas assez cette efficacité annoncée. La reprise d’Alceste à Paris, objet de coupures et de réadaptations, sera nettement plus convaincante.

La grande aventure française

Justement, la France est la grande aventure de Gluck. Son aura faiblit à Vienne. Et lorsque l’opportunité d’une place se dessine avec d’autant plus d’évidence quand son ancienne élève, Marie-Antoinette, devient Dauphine de France, le compositeur ne se fait pas prier. Il éblouira la scène parisienne et versaillaise de son style réformiste. A la fin de 1771, Gluck reçoit le livret d’Iphigénie en Aulide d’après Racine que Bland du Roullet vient d’adapter. Ce dernier fait miroiter de plus, la possibilité de monter l’opéra qui en découlerait, sur la scène de l’Académie royale. Marie-Antoinette soutient ce projet d’autant qu’elle ne souffre pas le style français de Rameau. La machine lyrique post lullyste l’ennuie. Gluck sera le champion de son désir de renouveau musical. De fait, Iphigénie, accueillie avec enthousiasme, à sa création le 19 avril 1774, déclenche le ravissement de l’auditoire, mais son ascension auprès du public est brutalement mise en faillite avec le deuil national qui suit la mort de Louis XV, en 1774.
Mais Marie-Antoinette devenue Reine de France, favorisera davantage son favori, qui créera pour les planches françaises, plusieurs tragédies lyriques, selon son esthétique néo antique, claire et intelligible, d’une sobre et solennelle pureté grecque, créant de nouveaux drames, recyclant d’anciens, comme Orfeo et Alceste, préalablement créés à Vienne, plus de dix années auparavant!

Iphigénie en Aulide

Contrairement à ce qu’on en dit, la première Iphigénie de Gluck (le compositeur composera à la fin de son séjour en France, une « Iphigénie en Tauride », créée le 18 mai 1779) est musicalement respectueuse de son esthétisme: grandeur héroïque, lyrisme sobre et sincère, toujours la musique suit la volonté de clarté et d’intelligibilité. En ce sens l’ouverture est éloquente: son souffle tragique, sa démonstration furieuse indiquent ce qui attend l’auditeur par la suite. Sur le plan de l’intrigue et de l’action poétique, il n’en va pas de même car le livret de Roullet dilue la tension, dérape souvent, répète jusqu’à l’ennui les épanchements des coeurs, les langueurs des âmes douloureuses… Pourtant, sur le plan musical, l’oeuvre offre quelque grands moments dramatiques: première scène enchaînée après l’ouverture où Agamenon terrassé par le doute et la crainte, fait front à Calchas et un choeur furieux, par exemple. Du reste, le père d’Iphigénie est parfaitement restitué: noble basse, profonde et morale. Gluck a respecté dans son personnage l’idéalisme tendu de Racine. Les scènes collectives sont les plus inspirées: Gluck semble relire avec génie l’effet des compositions grecques sur le tympan des temples antiques. Plusieurs duos, un trio palpitant, deux quatuors font du compositeur, le fondateur de l’opéra tragique et sentimental, légitimement admiré par Berlioz et donc Wagner.
Dans la voie de ce premier succès, Gluck réadapte ensuite pour Paris et Versailles, ses anciens opéras viennois, Orfeo (1774) et Alceste (1776), imposant en France, sa réforme désormais décisive dans l’évolution du goût théâtral.

Illustration

Anselm Feuerbach, Iphigénie, 1871 (Stuttgart, Staatgalerie)

Sergueï Prokofiev, Ivan le terrible France 3, Samedi 17 mars 2007 à 00h50

0

Sergueï Prokofiev
Ivan le terrible

France 3
Samedi 17 mars 2007 à 00h50

Chorégraphie : Yuri Grigorovich. Costumes : Simon Virsaladze. Avec : Nicolas Le Riche, Ivan ; Eleonora Abbagnato, Anastasia ; Karl Paquette, Kurbsky. Corps de Ballet de l’Opéra National de Paris. Orchestre de l’Opéra National de Paris, Direction musicale : Vello Pähn. Réalisation : Thomas Grimm. Enregistré à l’Opéra National de Paris en décembre 2003. 1h44mn. TDK a publié en dvd cette production de l’Opéra de Paris.

En deux actes et dix-huit tableaux, le ballet de Yuri Grigorovich qui reprend la production initiale d’Ivan le terrible réalisé au cinéma par Eisenstein en 1944 d’après la musique de Prokofiev, a été l’objet d’un spectacle mémorable à l’Opéra National de Paris (quatorze représentations en 2003). L’action privilégie certes les scènes collectives (80 danseurs sur scène dans certains tableaux!), expressionnistes, hallucinées sur le rythme trépignant, martelé de Prokofiev mais elle s’intéresse aussi à l’évolution du personnage d’Ivan qui n’a pas usurpé son qualificatif de « Terrible ». Si l’homme voue une passion sensuelle à Anastasia, il se montre d’une ambition sans limites, incarnation du despote et de la terreur.

Grigorovitch reste la figure emblématique de l’âge d’or du Bolchoï. Pendant trente ans, le chorégraphe a conçu des productions esthétiques remarquables d’après les musiques de Khatchatourian, Prokofiev ou Chostakovitch. Dans chaque ballet, il a su trouver un point d’équilibre entre vérité, passion, énergie. Cette version d’Ivan le Terrible a été créé en 1975 à Moscou. Plongeant au coeur d’un XVI ème siècle sombre et tourmenté, l’intrigue et la dramaturgie imaginent la violence et le mouvement des scènes de foule (omniprésentes) comme contrepoint des tumultes tout aussi ravageurs, qui assiègent l’esprit possédé d’Ivan. L’unification du pays dont il est l’initiateur, ne va pas sans atrocités commises sur le peuple. Intransigeant et cruel, Ivan massacre les boyards , accable ses proches, maltraite tout ceux qu’il n’admire pas.

L’excellence de la prestation du Ballet de l’Opéra de Paris
vient de l’incarnation que donne le danseur étoile Nicolas Leriche du personnage principal. L’agilité est souveraine; l’acteur, intense et mesuré; son visage, sculpté dans la lumière, en contrastes aigus, eux aussi expressionnistes, confère à Ivan, son âme habitée, ses excès, ses dérapages entre délices et folie.
Ainsi, le despote sait encore s’émouvoir à l’apparition de la belle Anastasie dont Eleonora Abbagnato donne cet éclat solaire et humain, dans une fresque lunaire et déshumanisée.
De son côté Karl Paquette (Kurbsky), double d’Ivan, ami puis rebelle, (rongé par l’envie et la jalousie, il aime lui aussi Anastasia) souligne le brio de son personnage qui rehausse comme en un trio de protagonistes, le couple sublime incarné par Leriche/Abbagnato. Avec Ivan le Terrible, le Ballet de l’Opéra de Paris a sublimé une perle chorégraphique qui met en évidence les excellentes dispositions de ses solistes comme la cohérence de son corps de ballet. Incontournable.

Crédit photographique
Ivan le terrible, Fedor Chaliapine (DR)

Beethoven, Fidelio Avignon, Bordeaux. Du 14 au 29 avril 2007

0

Ludwig van Beethoven,
Fidelio
(1805-1814)

Avignon, Opéra
Les 15 et 17 avril 2007

Bordeaux, Grand Théâtre
Du 19 au 29 avril 2007

Hymne à l’amour triomphal, la partition de Fidelio exalte la vertu de
la fidélité conjugale contre la tyrannie. L’auteur illustre la
constance de l’épouse, sa détermination exemplaire contre l’autorité du
despote Pizzaro. Si Alceste descend aux enfers pour sauver son époux
Admète, Leonore, devenue Fidelio, rejoint son époux Florestan dans la
prison pour l’en libérer. L’Opéra de Bordeaux présente dans une
nouvelle production le chef d’oeuvre lyrique de Beethoven, créé dans sa
version définitive à Vienne, en 1814.

Léonore ou l’amour conjugal

A 32 ans, Beethoven commence l’écriture de son seul opéra, « Fidelio ou l’amour conjugal ». Sujet édifiant qui fait l’apothéose de la fidélité d’une épouse.Tout d’abord inspiré par le livret héroïque d’Emmanuel Shikaneder, « Vestas Feuer » (Le feu de Vesta), le compositeur se décida finalement pour la pièce en trois actes du secrétaire du théâtre impérial de Vienne, Joseph Ferdinand von Sonnleithner, lui-même s’inspirant de Léonore ou l’amour conjugal du français Jean Nicolas Bouilly.
L’histoire s’inspire d’un fait avéré. Bouilly alors procureur du Tribunal révolutionnaire avait noté le dévouement de la comtesse de Semblançay qui avait permis la libération de son mari en pénétrant dans la prison jacobine où était sequestré son époux, le Comte René. Le texte de Bouilly fut ensuite porté à la scène et mis en musique dans le style de Cherubini, par Pierre Gaveaux, au Théâtre Feydeau, le 19 février 1798. L’heure était au culte des héros, du moins aux manifestations d’un idéalisme exemplaire.

De 1805 à 1806: les deux première versions

Beethoven couche ses première mesures fin 1803. Il faudra attendre encore deux années avant la première, le 20 novembre 1805. Entre temps, deux autres ouvrages lyriques furent créés sur le sujet, composés à Dresde par Paër (3 octobre 1804), à Padoue par Mayr (1805). Il est probable que Beethoven connut parfaitement la version de Paër. L’accueil dans une Vienne alors occupée par les français, – Napoléon règne sur l’Europe-, ne fut pas des plus chaleureux. Les raisons de cette échec restent conjectures. Beethoven sourd qui avait imposé sa décision de diriger « sa Leonore », fut-il un élément fragilisant la création ? L’orchestre était-il à la hauteur de ses exigences?
Ainsi qu’il en est pour les œuvres des génies insatisfaits, Beethoven meurtri, demanda dès le lendemain de la première, à Stephan von Breuning, de remanier le texte initial, de passer de trois à deux actes, selon une formule efficace qui avait déjà montrer ses avantages pour la Clemenza di tito de Mozart en 1791. Beethoven remanie aussi la partition, compose une nouvelle ouverture, aujourd’hui connue sous le nom d’ « ouverture Leonore III ». La première n’ayant jamais été jouée du vivant du compositeur, c’est la seconde version qui fut abordée lors de la création de 1805.
Avec l’ouverture Leonore III, son découpage nouveau en deux actes, la nouvelle Leonore de Beethoven fut présentée au public le 29 mars 1806. Succès immédiat mais, obstacles ourdis par un destin contaire, Beethoven en brouille avec l’intendant du théâtre an der Wien qui affichait l’opéra, retira illico son œuvre.

Version finale de 1814

Pour autant, le destin de Leonore n’était pas terminé. Georg Friedrich Treitschke, sous-directeur du même théâtre an der Wien en 1814, proposa à Beethoven de remonter l’ouvrage. Et le compositeur de bonne volonté, accepta de reprendre sa partition pour une troisième nouvelle version. « Cet opéra me vaudra la couronne des martyrs », écrit-il alors. Réduction du texte de Sonnleithner, nouvelle ouverture en mi majeur, dite « Fidelio », nouvelle fin plus éclatante, puisque les protagoniste chantent leur libération non plus dans le cachot mais sur la place du château. L’hymne à la lumière y est d’autant plus explicite que Beethoven réutilise pour l’air final une mélodie tirée de sa cantate composée en 1790 pour la mort de Joseph II. Un style oratoire clame la libération du couple, et au delà, la liberté des hommes tournés vers l’idéal des Lumières.
Si la fidélité est la valeur première célébrée dans l’œuvre, il en est de même pour la chanteuse créatrice de la première Leonore en 1805 : Anna Midler chanta, presque dix ans plus tard, le rôle-titre, lors de la recréation de l’œuvre, le 23 mai 1814. L’opéra suscita enfin un véritable triomphe.

Ludwig van Beethoven, Fidelio (1805-1814)
Opéra en deux actes
sur un livret de Joseph Sonnleithner
et Georg Friedrich Treischke
d’après le mélodrame de Jean-Nicolas Bouilly « Léonore ou l’amour conjugal »

Illustration

Ingres, Portrait de Talma (?) (Paris, musée du Louvre)

Luis de Pablo, Natura (création) Paris, Salle Pleyel, les 28 et 29 mars 2007

0

Luis de Pablo,
Natura

(création mondiale)
Paris, salle Pleyel
Les 28 et 29 mars 2007 à 20h

Programme


Natura
de Luis de Pablo est couplé avec

Igor Strawinsky
: Petrouchka, ballet

Manuel de Falla
: Le tricorne, ballet

Itxaro Mentxaca
, mezzo-soprano


Orchestre de Paris
Josep Pons
, direction

« Espana mi natura, Italia mi ventura, Flandes mi sepultura« , (Espagne, ma nature; Italie, mon bonheur; Flandres, ma sépulture): le dicton entonné par la soldatesque espagnole au XVII ème siècle, a inspiré le compositeur contemporain espagnol, Luis de Pablo. Commande du Festival de musique et de danse de Grenade, « Natura », l’oeuvre qui en découle, sera créée par l’Orchestre de Paris, les 28 et 29 mars 2007 à 20h, salle Pleyel à Paris.
Pourtant, c’est allusivement Paris, berceau réconfortant, qui est aussi célébré. L’Orchestre de Paris souhaitait intégrer dans sa saison, un concert commémorant trois compositeurs étrangers ayant trouvé refuge à un moment de leur vie, dans la capitale française. C’est le cas de Falla (premier voyage en 1907) et de Strawinsky.
Basque né en 1930, Luis de Pablo, esprit curieux et ouvert sur la musique de son temps, a soutenu la diffusion de la musique contemporaine en tant qu’organisateur de concerts. Le Domaine musical s’est déplacé en 1961 à Madrid: le public madrilène a pu ainsi écouter Le Pierrot Lunaire de Schoenberg, Le Marteau sans maître de Pierre Boulez…
« Natura », sa prochaine création à Paris, rend hommage au critique de musique, Adolfo Salazar, mort exilé au Mexique en 1959. L’homme fut proche de Schoenberg, Bartok, Strawinsky.

Paris fut aussi un lieu propice à l’évolution de Luis de Pablo. C’est une escale familière pour le compositeur qui séjourne dans la Capitale française dès 1957 où il rencontre Max Deutsch. Ensuite, les partitions de Boulez et de Messiaen, étudiées en autodidacte, n’ont plus de secret pour le jeune compositeur. S’il écrivit dans un style violent, c’est que les événements de sa carrière l’amenèrent à exprimer sa résistance et son refus de la fatalité. Pour survivre, Luis de Pablo dut composer pour le cinéma, être conférencier, enseigner et même travailler comme avocat chez Iberia. Aujourd’hui, à 77 ans, l’expérience a adouci son tempérament, mais il n’a pas pour autant renoncer à la complexité de l’écriture. Verdict les 28 et 29 mars 2007.

Approfondir

Visiter le site de Luis de Pablo

La lettre du Musicien n°339 – mars 2007

Actualités
Elections présidentielles oblige, présentation des projets culturels de trois candidats: Ségolène Royal, François Bayrou, Nicolas Sarkozy. Enseignement supérieur: présentation de la « Grande Réforme » procédant à l’alignement des cursus de l’enseignement supérieur sur ceux de l’Université… premières pistes des chantiers concernés, avant l’entretien à venir de Jean de Saint-Guilhem, directeur de la musique, de la Danse, du Théâtre et des spectacles. Journées « Tous à l’opéra! »: bilan chiffré. Travaux à l’Opéra de Clermont-Ferrand…

Ensembles et orchestres: Fonctionnement et spécificité de deux ensembles de musique à part dans le paysage français: l’Orchestre de la Garde Républicaine et le Choeur de l’Armée Française (lequel fête ses 25 ans en 2007). Salon: pleins feux sur Musicora 2007. Pédagogie : « trois pistes pour aider les élèves ». Bac option musique: « préparez votre épreuve ». Ecoles et conservatoires: « la galère des enseignants », enquête sur certains « précaires du monde musical ». Partition et reproduction: Vocation et présentation des missions de la SEAM.

Dans votre quinzomadaire de la première quinzaine de mars 2007, retrouvez l’agenda des concerts et productions à ne pas manquer à Paris, en Ile de France et en province. Les comptes rendus des concerts et des opéras. L’actualité des cd, des dvd et des livres.

Ce que nous avons aimé
Jurisprudence: « Le droit moral existe encore ». L’auteur et ses ayants-droits ont un droit de regard sur l’utilisation qui est faite de leur oeuvre originale en particulier quand elle est associée à de nouveaux contenus (suite des Misérables de Victor Hugo), ou lorsqu’elle est associée, dans le cas de compilations, à d’autres artistes, dont l’association peut dénaturer le sens ou l’image.
Tribune: « Qui se soucie des amateurs? ». Un jeune musicien doué témoigne de sa triste et amère expérience quand il prend la décision de ne jouer que pour son plaisir sans vouloir ni enseigner ni faire carrière…

78 pages. Prochaine parution de la Lettre du Musicien, le 20 mars 2007.

Gustave Charpentier, Louise (1900)Paris, Opéra Bastille. Du 27 mars au 19 avril 2007

0

Gustave Charpentier
Louise
, 1900

Opéra national de Paris
Du 27 mars au 19 avril 2007

Portrait de femme
Après avoir ressuscité la dignité tragique d’une autre héroïne, Rachel dans La Juive de Halévy, en février et mars 2007, l’Opéra de Paris s’intéresse au cas de Louise, l’ouvrage emblématique de Gustave Charpentier. Mireille Delunsch incarne l’héroïne de la partition dont la nouvelle production parisienne sera un événement : dans le drame musical en quatre actes, créé en 1900, Charpentier qui rédige son livret, invente une figure libertaire, d’origine populaire : Louise est couturière, de la génération des enfants de la Commune que Zola a portraituré dans Au Bonheur des dames. Quelques décennies après l’explosion révolutionnaire, la contestation s’est muée en idéal libre voire provocateur et scandaleux : Louise est libre d’aimer qui elle veut. A défaut d’être riche, elle impose son souverain désir. D’emblée, la création du personnage est une contestation de la convenance bourgeoise, et de sa morale élitiste et conservatrice.

Approfondir
Lire notre dossier biographique Gustave Charpentier
Lire la fiche de la production sur le site de l’Opéra de Paris

Illustration

Camille Corot, portrait de Claire Sennegon, 1837

Philippe Cassard, piano. Notes du traducteur France Musique, chaque mercredi, de 10h à 12h

0

Philippe Cassard, piano

Le matin des musiciens
« Notes du Traducteur »


France Musique,
Chaque mercredi, de 10h à 12h

Notes du traducteur

Que demander de mieux? 2 heures continues dévolues à la magie du piano. Le pianiste Philippe Cassard, en pédagogue accessible, explique les oeuvres pour piano chaque mercredi sur
France Musique, dans « Notes du traducteur », de 10h à 12h (quatrième saison d’émission en 2008/2009). Oeuvre pour
piano seul ou concerto avec orchestre: immersion dans l’intimité des
notes, défis et enjeux des partitions : l’interprète se révèle passeur captivant. D’autant que pour étayer arguments, anecdotes, hypothèses, relectures, Philippe Cassard invite écrivains, musicologues, musiciens… Questions de tempo, analyse des phrases musicales,
toucher, connotations, notions d’interprétation…, « Notes du
traducteur »
dévoile l’activité et les recherches du pianiste confronté
à sa partition…

Calendrier des émissions, chaque mercredi à 10h


Mercredi 29 octobre 2008
Liszt, Harmonie du soir

Mercredi 22 octobre 2008
Mozart, Concerto K271 « Jeunehomme »

Mercredi 15 octobre 2008
Toru Takemitsu, extraits des Yeux Clos II (1988).
Avec Guillaume Coppola

Mercredi 8 octobre 2008
Claude Debussy, Images, premier livre /Reflets dans l’eau-Hommage à
Rameau-Mouvement

Mercredi 1er octobre 2008
Gabriel Fauré, 6ème Nocturne

Mercredi 24 septembre 2008
Ravel, Concerto pour la main gauche

Mercredi 17 septembre 2008
Schubert, Fantaisie D940 en fa mineur pour piano à 4 mains, avec
Delphine Bardin

Mercredi 10 septembre 2008
Brahms, Fantaisies op.116 n°4,5,6,7, invité : Stéphane Barsacq,
auteur d’un essai sur Brahms publié chez Actes Sud

Mercredi 3 septembre 2008
Brahms, Fantaisies op.116 n°1,2,3



Philippe Cassard

Formé par Dominique Merlet et Geneviève Joy-Dutilleux au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, Philippe Cassard obtient en 1982 les premiers prix de piano et de musique de chambre. Il parfait sa formation musicale à la Hochschule für Musik de Vienne où il recueille les conseils de Nikita Magaloff.

En 1988, il remporte le Premier Prix du Concours International de Dublin qui lui ouvre les portes des orchestres britanniques : London Philharmonic Orchestra, City of Birmingham Symphony Orchestra, BBC Philharmonic, English Chamber… En 1993, Philippe Cassard joue l’œuvre intégrale pour piano de Debussy au Festival de Besançon, au Wigmore Hall de Londres, à Paris, Marseille, Lisbonne, Dublin, Singapour, Vancouver, Sydney et Tokyo. Editée chez Universal music, l’intégrale Debussy obtient le Grand Prix de l’Académie du Disque en 1994. Ont suivi entre autres de nombreux autres albums dédiés à Schubert et à Schumann (Ambroisie, 2002 et 2004). Lire notre critique du cd Schumann par Philippe Cassard. Lire aussi notre critique du dernier cd Schubert (Impromptus D 899 Opus 90 et D 935 Opus 142, paru chez Accord le 10 janvier 2008.

Philippe Cassard a fondé Les Estivales de Gerberoy en 1997, il a dirigé aussi, de 1999 à 2007, Les Nuits Romantiques du Lac du Bourget. La même année, il a été fait Chevalier de l’Ordre National du Mérite.

Livre


Essai « Franz Schubert » (Philippe Cassard: Franz Schubert. Edité par Actes-Sud en mars 2008). Non pas une biographie
mais plusieurs thématiques qui démêlent pour mieux en admirer
l’éloquente complexité, la musique devenue rêve éveillé.
Philippe Cassard dont on connaît le talent pédagogique, en particulier
à la radio…


Lire notre entretien avec Philippe Cassard

vidéo : visionner nos entretiens vidéo avec Philippe Cassard à propos des Impromptus de Franz Schubert. Philippe Cassard décrypte l’enjeu et le sens des partitions, il s’agit de
définir ce que le terme d’Impromptu signifie sur le plan formel et
dans l’imaginaire de Schubert…

Crédit photogaphique
Philippe Cassard © Peter Knapp

Britten: The Turn of the screw (1954)Liège, ORW. Du 13 au 21 avril 2007

Benjamin Britten
The Turn of the screw
(1954)
Liège, Opéra Royal de Wallonie
Du 13 au 21 avril 2007

Forces du bien contre forces du mal

La jeune gouvernante tente de défaire l’activité pernicieuse qu’exerce un être de la nuit, corrupteur et pervers (Quint), sur le jeune garçon (Miles) dont elle a la charge avec sa soeur (Flora). L’innocence menacée est là encore le sujet central de l’oeuvre. En privilégiant le point de vue de la Gouvernante pour évoquer ce huit-clos étouffant et troublant, d’après la nouvelle fantastique de Henry James, Benjamin Britten favorise le chant des émotions. La Gouvernante défend la jeune âme comme s’il s’agissait de son propre fils, douée d’un instinct maternel bouleversant. L’horreur, le démonisme, le soupçon et la pureté sacrifiée sont autant d’éléments propres au théâtre de Britten. Sur le plan musical, Britten privilégie les couleurs et l’intimisme. Opéra « chambriste » certes mais d’une violence rentrée, captivante. L’écriture est dense et serrée, d’une efficacité taillée au scalpel. L’oeuvre fut créée à La Fenice de Venise, le 14 septembre 1954.

Opéra en un prologue et deux actes
Livret de Myfanwy Piper

Distribution
Nouvelle production Opéra Royal de Wallonie
Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie

Steuart Bedford, direction musicale
Frédéric Roels, mise en scène

Nancy Weissbach, la gouvernante
Lisa Houben, Miss Jessel
Cécile Galois, Mrs Grose
Keith Jameson, Peter Quint
James McLEAN, acteur du Prologue
Flora and Miles: Members of the Peter Kay Children’s Choir

Approfondir
Lire notre dossier The Turn of the screw de Benjamin Britten
Lire la fiche de la production sur le site de l’Opéra Royal de Wallonie

Bartok, Le Château de Barbe-Bleue (1918)France Musique, le 14 mars 2007 à 20h

Bela Bartok
Le Chateau de Barbe-Bleue
, 1918

Le 14 mars 2007 à 20h
Prima la musica
Opéra donné le 26 janvier 2007,
Palais Garnier à Paris

Drame lyrique en un acte
Livret de Béla Balzás. en langue hongroise
Willard White, Le duc Barbe-Bleue.
Béatrice Uria-Monzon, Judith.
Orchestre de l’Opéra National de Paris.
Gustav Kuhn, direction

Kodaly qui assiste à la première d’Ariane de Dukas, le 10 mai 1907 à l’Opéra-Comique ne semble pas convaincu par l’œuvre, en particulier par la musique. Le poète Bela Balazs, également hongrois, l’accompagne : le sujet l’inspire manifestement, puisqu’il compose son propre texte d’après le mythe : ainsi naît le Château de Barbe-Bleue, mystère musical, mis en parallèle avec les ballades séculaires transylvaniennes, dont la ballade d’Anna Molnar. Balazs offre son livret à Kodaly et à Bartok. Ce dernier se montre le plus inspiré par le sujet. Il commence la composition d’une partition d’après le texte de Balazs, dès février 1911.

Le Château de Barbe-Bleue de Bartok est couplé avec

Leos Janacek
Le Journal d’un disparu

Orchestration réalisée par
Gustav Kuhn en langue tchèque.
Michael König, L’Homme.
Hannah Esther Minutillo, La Femme.
Même orchestre, même chef.

Approfondir
Lire notre dossier Le Château de Barbe-Bleue de Bartok

Jordi Savall, chef d’orchestre.Paris. Les 4 avril et 25 juin 2007

Jordi Savall,
chef d’orchestre

Mercredi 4 avril 2007 à 20h
Paris, TCE

Jean-Baptiste Lully
Suite d’orchestre d’Alceste
Marin Marais
Suite des airs à jouer d’Alcione
Haendel
Suites extraites de Watermusic
Rameau
Suite d’orchestre des Boréades

Le Concert des Nations
Jordi Savall
, direction

Prophète et visionnaire, défricheur des imaginaires perdus, Jordi Savall ne cesse de diffuser son amour de la musique, ancienne, baroque, traditionnelle, aux confluences de l’Occident et de l’Orient. Son oeuvre traverse les époques, les répertoires, les disciplines pour ne s’intéresser qu’à l’humain. C’est une autre façon de concevoir le rapport du passé au présent. En interprétant Bach, Vivaldi, Haendel, ou Rameau, le chef catalan ressuscite notre idéal humaniste. Une conception de l’interprétation qui donne à réfléchir sur notre aspiration à réussir pour les années à venir l’évolution de nos sociétés: plus de musique pour plus de fraternité, de partage, d’harmonie. A Paris, Jordi Savall ajoute à la suite d’Alcione de Marais qu’il a déjà dirigée au Festival de musique baroque de Salzbourg, les Boréades de Jean-Philippe Rameau: une suite symphonique marquée par le génie inventif du plus grand baroque français après Lully.

En avril 2007, Jordi Savall fait paraître un nouvel album sur le thème du peintre Caravage. Puis le 25 juin, avant le festival de Fontfroide de juillet, le chef dirigera Salle Gaveau, un programme en liaison avec le sujet de son magnifique livre-disque dédié à Don Quichotte (Alia Vox).

Crédit Photographique
Jordi Savall (DR)

Joyce DiDonato,mezzo-soprano Paris, Salle Gaveau. Le 5 avril 2007 à 20h

Joyce DiDonato,
mezzo-soprano
Récital

Jeudi 5 avril 2007 à 20h
Paris, Salle Gaveau

Cycle Grandes Voix

Joyce DiDonato, mezzo-soprano. Julius Drake, piano. Programme : Bizet, Rossini, Granados, De Falla, Montsalvatge.

La mezzo américaine Joyce DiDonato s’est affirmée chez Rossini et Mozart. Tempérament volcanique, intensité vocale, amour de la scène et prise de risques assumés. Joyce DiDonato qui à l’automne 2006, a chanté Idamante dans l’Idoménée de Luc Bondy à l’Opéra de Paris, avait tout autant séduit dans le personnage de Rosine du Barbier en 2005 au Palais Garnier, dirigée par Daniel Oren et mise en scène, avec impertinence et actualité, par Coline Serreau. Ses rôles sont multiples: La Cenerentola à Houston, Cherubin au Met, Cendrillon de Massenet à Santa Fé, Octavian à San Francisco, Sesto de La Clemence de Titus à Genève, Hercules de Haendel avec William Christie au Barbican ou à la Brooklyn Academy…

Le récital avec piano proposé par la Série des Grandes Voix, Salle Gaveau à Paris, permettra d’écouter la cantate Giovanna d’Arco de Rossini, composée en 1832, à l’heure où le compositeur choisit de se délivrer des contraintes de l’opéra, pour ne penser qu’à la voix de mezzo, « sa » voix féminine par excellence, pour laquelle il imagine une palette dramatique et expressive particulièrement étendue (notes graves, vocalises insolentes).
Amoureuse de la mélodie française, Joyce DiDonato chante aussi les poèmes d’Hugo et Lamartine mis en musique par Bizet.
En hommage aux étoiles qui l’ont précédée, Victoria de Los Angeles et Teresa Berganza, la seconde partie de son récital parisien se concentre sur un choix de Canciones españolas avec les maîtres du genre, de Granados à De Falla et Montsalvatge. Un répertoire que la mezzo aborde avec une vocalità exaltée, palpitante et subtile, dans son dernier disque, Pasión, paru chez le label Eloquentia.

Approfondir
Lire notre critique du cd « Pasion! » par Joyce Di Donato.
Lire notre critique du Barbier de Séville de Rossini dans lequel Joyce DiDonato chante Rosine (TDK)
Renseignements et réservations : par téléphone : 01.49.53.05.07. Sur internet : www.sallegaveau.com. Tarifs : de 25 à 60 euros.

Crédit photographique
Joyce DiDonato (DR)

Placido Domingo, portraitRadio Classique, le 21 mars 2007 à 21h

0

Carole Bouquet raconte…
Placido Domingo, ténor
Portrait

Radio Classique,
Le 21 mars 2007 à 21h

A plus de 65 ans (il est né le 21 janvier 1941 à Madrid), le ténor espagnol Placido Domingo affiche une santé vocale et un feu dramatique constant, d’une exceptionnelle longévité. Il a commencé sa carrière dans la Traviata de Verdi en 1959, et depuis, a chanté tous les rôles parmi les plus expressifs, dans l’opéra italien, comme dans l’opéra germanique dont Wagner plus récemment (avec Jessye Norman). Le Met l’a accueilli en 2007 pour la création du dernier opéra de Tan Dun, consacré à la figure du premier Empereur de Chine, « The First Emperor ».
L’artiste a encore élargi sa palette artistique en se consacrant à la direction d’orchestre, comme le démontre avec éclat et brillance le dernier disque de son « disciple », Rolando Villazon, « Gitano » paru en février 2007 chez Virgin classics. Car le ténor ne saurait être complet s’il ne se consacrait surtout à l’accompagnement et le soutien des jeunes chanteurs. Portrait.

Télé

Arte diffuse le 25 mars à 19h dans « Maestro », un concert où Placido Domingo accompagné par l’Orchestre de la Radio de Sarrebruck, présente les lauréats du concours de jeunes voix, qu’il a fondé, Operalia, Palmarès 2003.

Approfondir
Consultez le site officiel de Placido Domingo

Crédit Photographique
Placido Domingo © S. Rock/Emi classics 2002

Chostakovitch, Katerina Ismaïlova France Musique, samedi 23 août 2008 à 20h

0

Dmitri Chostakovitch
Katerina Ismaïlova

France musique,
Samedi 23 août 2008 à 20h

Programme déjà diffusé le Samedi 10 mars 2007 à 19h, alors en direct du
Théâtre du Châtelet à Paris

Opéra en 4 actes,
Livret d’ Alexander Preis
et Dimitri Chostakovitch

Solveig Kringelborn,
Katerina Lvovna Ismaïlova.
Alexei Tanovitsky,
Boris Timofeyevich Ismaïlov.
Evgeny Akimov,
Zinovi Borisovich Ismaïlov.
Vladimir Grishkov,
Sergueï

Choeur de Radio France.
Orchestre National de France
Tugan Sokhiev, direction

Réécrite, Katerina conserve l’âpreté originelle de Lady Macbeth

Créée en 1963 au Théâtre Stanislawski de Moscou, cette deuxième version de Lady Macbeth du district de Mzensk de Chostakovitch, sensiblement différente de la première, représentée à Saint-Pétersbourg vingt-neuf ans plus tôt, conserve une image dépréciée parce qu’elle fut conçue afin de convenir à la censure de l’ex Union Soviétique. Chostakovitch dut à sa Lady Macbeth de Mzensk, premier état (1937) une sévère reprimande du régime stalinien. Le compositeur fut déclaré du jour au lendemain persona non grata et artiste « anti-peuple ».
De fait, Katerina serait moins intense, moins violente que sa soeur aînée, Lady Macbeth. Il est vrai que le compositeur a gommé les épisodes scabreux, lissé l’orchestration. Mais sous la façade de l’amendement, de la réécriture et de l’allégeance, se cache en vérité un génie de la dissimulation, habile faiseur de tours et de maquillages, de parodie, de sarcasmes à peine voilés, en particulier dans une partition orfévrée, précisément dans les interludes symphoniques ajoutés aux actes I et III.

Approfondir

Lire notre dossier « Lady Macbeth de Mzensk » de Chostakovitch
Lire notre portrait de la soprano Solveig Kringelborn

Lire notre portrait de Tugan Sokhiev

Crédits photographiques
Tugan Sokhiev (DR)