lundi 9 décembre 2024

ENTRETIEN avec CHRISTOPHE GHRISTI, directeur artistique de l’Opéra National du Capitole de Toulouse, à propos de la nouvelle saison 2023-2024.

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La nouvelle saison 2023 – 2024 de l’Opéra national du Capitole de Toulouse est une formidable invitation au voyage. Scène lyrique majeure dans l’Hexagone, le Théâtre du Capitole est une institution inscrite dans le paysage toulousain. Christophe Ghristi dévoile la singularité et le fonctionnement de l’Opéra National du Capitole : une machine à fabriquer du rêve dont l’excellence artistique sait se mettre à la portée du plus grand nombre. Opéras mais aussi ballets renforcent par leur magie accessible ce lien indéfectible qui grandit de saison en saison entre le Capitole et les spectateurs Toulousains… 

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CLASSIQUENEWS : Le contexte économique actuel vous-a-t-il pénalisé ?

CHRISTOPHE GHRISTI : Comme les autres institutions, nous avons subi le surcoût des charges liées à l’inflation ; mais nous l’avons absorbé. Nous n’avons pas eu de baisse de subventions grâce au soutien indéfectible de nos tutelles, en particulier de la Métropole. Donc pas de réduction de spectacles. Je demeure très vigilant quant à notre budget artistique.

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment veillez-vous à l’équilibre du budget ? En quoi est-il important de favoriser les coproductions ?

CHRISTOPHE GHRISTI : Il est important de ne pas être seul. Le Capitole a développé de nombreuses coproductions. Un de nos partenaires le plus régulier reste le TCE, Théâtre des Champs-Élysées à Paris. Mais nous avons aussi travaillé à l’échelle européenne et même internationale avec Barcelone, Bruxelles, Munich mais aussi Tel Aviv, Riga… Les coproductions permettent de mutualiser les coûts de production, ce qui n’est pas négligeable.

Le Capitole est un opéra de répertoire. Donc nous avons des stocks importants incluant les décors, les costumes… Nous reprenons régulièrement certaines productions ; c’était le cas de La Traviata au printemps 2023 ; c’est le cas de La Femme sans ombre cette année qui a été créée il y a plus de 20 ans (à l’affiche du Capitole, du 25 janvier au 4 février 2024). 

A l’occasion de nouvelles productions, j’invite les costumières à utiliser le stock existant qui est riche ; c’est un travail de recyclage d’autant plus passionnant que souvent il s’agit de costumes dessinés par Christian Lacroix ou d’autres grandes signatures.

 

 

CLASSIQUENEWS : Présentez-nous la ligne artistique de la nouvelle saison 2023-2024.

CHRISTOPHE GHRISTI : Chaque saison nous souhaitons partager notre passion de l’opéra. Je veille à diversifier les œuvres, les pays, les époques ; à afficher les grands chefs d’œuvre mais aussi les ouvrages moins connus. Cette saison est assez singulière car nous avons 3 reports covid, soit 3 productions programmées il y a plusieurs saisons et reportées en raison de la pandémie : Les Pêcheurs de perles, Pelléas et Mélisande, Eugène Onéguine.

L’opéra a cette capacité de nous bouleverser en profondeur ; les œuvres nous parlent spécifiquement, souvent avec une intensité et une justesse qui s’avèrent très inspirantes pour le public, les artistes…

Les metteurs en scène invités partagent notre passion de l’opéra. Il ne pourrait pas en être autrement. C’est évidemment le cas d’Olivier Py dont le Capitole a présenté déjà La Gioconda, Dialogues des Carmélites, mais aussi le spectacle M’zelle Nitouche de Pierre-André Weitz dans lequel il jouait plusieurs rôles. Olivier Py nous propose des modèles de mises en scène en grand amoureux du genre, avec un respect et une connaissance de la musique, et cette envie de se frotter aux drames sans jamais plaquer un système ou une grille unique, ou des recettes déjà vues. S’agissant de son prochain opéra au Capitole, Boris Godounov, la production est d’autant plus attendue que le sujet – la légitimité du pouvoir-, le hante depuis toujours.

C’est le cas aussi de Florent Siaud dont l’Eugène Onéguine est tout autant attendu (à l’affiche du 20 juin au 2 juillet 2024). Florent Siaud est d’autant plus habitué de la scène qu’il a fondé sa propre troupe de théâtre au Canada. Par ailleurs, il présente Lohengrin à Strasbourg cette saison. Florent adore le chant ; il a la faculté d’emporter le spectateur, de le conduire et de lui faire traverser l’œuvre du début à la fin.

C’est enfin le cas de Thomas Lebrun à qui nous devons notre première production de la saison 2023-2024 : Les Pêcheurs de perles (du 16 septembre au 8 octobre 2023). Thomas vient d’un autre horizon que l’opéra puisqu’il est chorégraphe. Il aborde le lyrique avec beaucoup de sensibilité et une intuition juste ; avec humilité, amour et humour. Ses Pêcheurs en témoignent et découlent aussi d’un véritable travail d’équipe auquel ont participé deux piliers de la Maison, André Fontaine qui a signé les décors, et David Belugou, les costumes.

 

 

CLASSIQUENEWS : Pouvons-nous évoquer la place du ballet et de la danse ?

CHRISTOPHE GHRISTI : C’est un volet indispensable pour toute grande maison lyrique. Le fait de disposer d’un corps de ballet classique permet de croiser les programmes et les styles. La danse contribue grandement à la magie du spectacle total. C’était le cas des Pêcheurs de perles que nous venons d’évoquer. Les possibilités sont vastes puisqu’il est possible de programmer les ballets classiques, avec tutus et pointes, et les ballets des grands chorégraphes contemporains. Notre premier ballet de cette saison était La Sylphide (donnée du 20 au 29 octobre 2023), premier chef d’œuvre du ballet romantique que nous avons présenté dans la version du chorégraphe Bournonville – postérieure à l’originale de Filippo Taglioni – réalisée par la danseuse et chorégraphe danoise Dinna Bjørn. https://opera.toulouse.fr/agenda/ballets/la-sylphide-7337632/

Autre temps fort de la saison, nous présenterons Le Chant de la Terre de Mahler dans la chorégraphie de John Neumeier (du 19 au 25 avril 2024), qui donnera à cette occasion une première soirée complète au Théâtre du Capitole. Là aussi il s’agit d’un spectacle total qui associe aux danseurs, les voix et l’orchestre. L’écriture de Neumeier mêle poésie, grâce et profondeur. Elle s’appuie sur des bases classiques mais totalement réinterprétées. C’est un spectacle que j’ai vu lors de sa création à Paris et qui est en tout point magique. https://opera.toulouse.fr/agenda/ballets/le-chant-de-la-terre-8512126/

 

 

CLASSIQUENEWS : Quelles sont les actions qui tracent des perspectives pour le futur, auxquelles vous tenez particulièrement ?

CHRISTOPHE GHRISTI : Toutes celles qui permettent l’opéra pour tous. Ces projets embarquent toute la Maison Capitole. Dans cet esprit, nous avons créé le Bus Figaro qui pendant 5 semaines emprunte les routes les plus éloignées des centres villes, traversant les territoires où l’opéra n’est pas familier. Le Bus Figaro est une version de poche du Barbier de Séville que nous donnons dans les écoles et sur la place des villages. Ainsi chaque mois de mai, l’opéra prend la route des campagnes. En mai 2024, nous lancerons le Bus Papageno qui présentera dans le même dispositif une version réduite de La Flûte enchantée. Chaque saison, nous donnons environ 40 représentations gratuites. Un tel projet ne peut être porté que par une institution comme la nôtre. Mais c’est notre devoir de porter l’opéra là où il est trop souvent absent.

Dans le même objectif, nous favorisons la transmission des métiers rares, tous ceux qui concernent la production des opéras ; ce sont tous les savoirs de nos ateliers : perruquiers, costumiers, maquilleurs… Le Capitole aide à la formation des jeunes apprentis que tous ces métiers d’art attirent et passionnent.

 

 

CLASSIQUENEWS : Comment faire du Capitole un lieu ouvert et de plus en plus attractif ?

CHRISTOPHE GHRISTI : Il faut aimer le public et œuvrer pour faire de chaque spectacle, un succès populaire. Tout ne se réduit pas à la billetterie. Un théâtre doit conclure un pacte avec son public ; c’est une relation intense et qui se traduit au Capitole par des taux de remplissage exceptionnels y compris pour les ouvrages moins connus. Nous l’avons encore constaté en mai 2023 avec Le Viol de Lucrèce de Britten : les spectateurs séduits par notre proposition ont répondu présents. D’ailleurs, nos abonnements sont en hausse de 15%. Nous sommes heureux que le public nous suive avec tant d’enthousiasme !

 

 


 

 

5 productions coups de cœur de CLASSIQUENEWS

5 rendez-vous lyriques et chorégraphiques incontournables

 

La Femme sans ombre (25 janvier – 4 février 2024)

C’est un opéra grandiose, un hommage à La Flûte enchantée de Mozart, conçu par Richard Strauss et son librettiste, l’écrivain autrichien Hofmannsthal. A travers ce conte initiatique, le personnage-titre, l’Impératrice, devient humain. La formation orchestrale requise est colossale ; il faut aussi 5 excellents solistes, sans compter la foule des petits rôles, tout aussi essentiels. Le sujet est la fraternité à travers la relation qui se noue entre l’Impératrice et la Teinturière ; l’atmosphère sonore y est luxuriante, parfois proche de la folie ; c’est l’un des opéras les plus spectaculaires de Strauss, avec Elektra. La mise en scène est celle de notre ancien directeur Nicolas Joël ; c’est donc une reprise. La production se déroule à l’époque de la composition, à la fois monumentale et particulièrement lisible, dans un style Art Nouveau. Elle est due à 3 piliers de la Maison, 3 grands artistes qui composent ainsi un véritable travail d’équipe pour un spectacle total : Ezio Frigerio (décors), Franca Squarciapino (costumes), Vinicio Cheli (lumières). La reprise est d’autant plus prometteuse qu’elle affiche 3 prises de rôles : Elisabeth Teige (l’Impératrice), Sophie Koch (La Nourrice), Ricarda Merbeth (la Teinturière). https://opera.toulouse.fr/agenda/operas/la-femme-sans-ombre/

 

 

Boris Godounov (24 novembre – 3 décembre 2023)

La nouvelle production conçue par Olivier Py est l‘un des temps forts de notre saison 2023-2024. A travers l’ambition criminelle du Tsar Boris se pose la question de la légitimité du pouvoir. L’action se déroule entre Russie archaïque et Russie actuelle. C’est une production qui est en lien direct avec ce que nous vivons aujourd’hui ; la conquête du pouvoir est une conquête de territoire, produisant des conséquences terribles et brûlantes. Nous avons réuni une distribution avec des artistes considérables comme Alexander Roslavets, Roberto Scandiuzzi, Airam Hernandez ou Mikhail Timoshenko, et le grand chef Andris Poga à la tête du Chœur et de l’Orchestre du Capitole. https://opera.toulouse.fr/agenda/operas/boris-godounov/

 

 

Feux d’artifice (21 – 31 décembre 2023)

Cette soirée chorégraphique réunit trois très grands chorégraphes du XXe siècle, Serge Lifar, Jiří Kylián et Jerome Robbins dans trois pièces éblouissantes. D’un côté la grande école française en tutu blanc, ensuite une pièce de Kylián pleine d’humour et de décalage sur la musique de Mozart, et enfin un grand show proche de l’esprit de Broadway sur la musique de Chopin, pièce de Robbins burlesque et virtuose ! Il est formidable que le Ballet du Capitole puisse présenter ces trois pièces iconiques. Ils se réjouissent en outre d’avoir en fosse l’Orchestre du Capitole, sous la baguette de Philippe Béran. Feux d’artifice – Opéra du Capitole (toulouse.fr) 

 

 

Idomeneo (27 février au 7 mars 2024)

Il s’agit d’une coproduction avec le Festival d’Aix en Provence où la production a été donnée l’été dernier. La très belle mise en scène de Satoshi Miyagi ressuscite l’essence de la tragédie et de l’opéra seria. Le chœur y est très important comme l’autorité des dieux (à travers la voix de Neptune) ; tout se joue entre le divin et les puissants juchés sur d’immenses piédestaux, et le peuple soumis, opprimé, à leurs pieds. Dans ce rapport d’échelle, ici, très chorégraphié, l’action renvoie à notre propre actualité : une autorité tyrannique, une humanité en souffrance… tout cela résonne aujourd’hui cruellement. A noter l’Idamante de Cyrille Dubois, et l’Ilia de Marie Perbost sous la direction du formidable chef italien Michele Spotti. https://opera.toulouse.fr/agenda/operas/idomenee/

 

 

Pelléas et Mélisande (17 – 26 mai 2024)

La production a été créée au Théâtre des Champs-Elysées en 2017. A Toulouse, elle a dû être annulée en raison de la pandémie. Nous l’affichons enfin en mai 2024. Éric Ruf, administrateur général de la Comédie- Française, signe une mise en scène magnifique où l’eau est omniprésente, respectant à la lettre, l’atmosphère brumeuse de Maurice Maeterlinck. Le travail sur le texte, la beauté poétique et mystérieuse des décors (et les costumes de Christian Lacroix) font un spectacle envoûtant qui va réunir à Toulouse, 3 chanteurs attendus : Marc Mauillon (Pelléas), aux côtés de deux partenaires pour lesquels il s’agit d’une prise de rôle : Victoire Brunel (Mélisande) et Tassis Christoyannis (Golaud).

https://opera.toulouse.fr/agenda/operas/pelleas-et-melisande-7220467/

 

Propos recueillis en novembre 2023

 

Approfondir

 

 

TOULOUSE, OPERA NATIONAL DU CAPITOLE : L’invitation au voyage, nouvelle saison 2023 – 2024. Présentation et sélection

 

 

CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, Théâtre du Capitole (du 26 septembre au 8 octobre). BIZET : Les Pêcheurs de perles. A. C. Gillet, M. Vidal, A. Duhamel, J. F. Setti. Thomas Lebrun / Victorien Vanoosten.

 

 

TOULOUSE, Théâtre du Capitole. Ballet : La Sylphide (version 1836), du 20 au 29 octobre 20023

 

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