C’est par un spectacle on ne peut plus “traditionnel” dans sa réalisation – certains s’en réjouiront quand d’autres s’en offusqueront… – que s’est ouvert la saison 23/24 du Théâtre du Capitole, avec comme titre Les Pêcheurs de perles de Georges Bizet, confiés aux soins du chorégraphe Thomas Lebrun, directeur du Centre chorégraphique national de Tours. La danse s’y retrouve naturellement extrêmement présente, pour ne pas dire omniprésente, au travers de 12 talentueux danseurs issus du Ballet du Capitole (6 hommes et 6 femmes) qui alternent, voire mélangent, des figures issues du ballet classique et de la danse traditionnelle indienne. Ils sont, à l’instar de tous les protagonistes du drame, vêtus de costumes variés et colorés imaginés par David Belogu. Pour le reste, la production offre à voir des décors simples et orientalisants, une grande structure de bambous réalisée par Antoine Fontaine, plongée dans les lumières la plupart du temps bleutées réglées par le magicien-éclairagiste Patrick Méeüs. Une mise en scène “classique” à souhait qui vise à traduire le plus explicitement possible la naïveté sans apprêt du livret de Cormon et Carré, conventionnel, certes, mais moins inepte que l’on ne le décrit parfois. La direction d’acteurs pêche ici cependant trop souvent, et entre l’opéra “de papa” et le Regietheater, il doit bien exister une “solution” intermédiaire ?
Les deux grands habitués de leurs rôles, Anne-Catherine Gillet en Leïla et Alexandre Duhamel en Zurga, suscitent toujours le même enthousiasme. La première possède les moyens idéaux de son personnage, avec son solide soprano lyrique, capable d’ampleur et de puissance, tout en sachant aussi alléger, les vocalises de la fin de l’acte 1 ne lui posant par ailleurs aucun problème. Mieux, elle termine sa cavatine du II (“Comme autrefois”) par une superbe cadence, émise comme dans un rêve. De son côté, Alexandre Duhamel est un Zurga idéal : timbre sonore qui se projette, avec radiance et sans excès, de beaux phrasés, une louable énergie rythmique et un registre grave sans faille. Le Nadir du haute-contre français Mathias Vidal est plus problématique, à l’instar de son Nemorino rennais en juin dernier : pas plus le répertoire romantique français que le bel canto italien ne semblent être dans ses cordes (vocales), avec un chant heurté qui manque par trop de legato, et un jeu “névrotique” qui finit par lasser. Quand on est dans les 2 ou 3 meilleurs chanteurs dans son répertoire de prédilection (le chant français du XVIIIe), autant continuer d’y briller plutôt que de décevoir dans d’autres, non ?… Rien à redire, en revanche, sur le Nourabad de la basse française Jean-Fernand Setti, auquel il prête autant son impressionnante stature que ses imposants moyens. Il retient également l’attention par son traitement vestimentaire, avec son costume rouge vif aux larges épaulettes montantes, son collier à plusieurs étages de perles, son sceptre en forme de cobra et son visage peinturluré en vert !
En fosse, le jeune chef français Victorien Vanoosten et l’Orchestre National du Capitole de Toulouse parviennent sans mal à exhaler toutes les fragrances de cette magnifique partition, et à en faire palpiter le phrasé, sans que la tension ne se relâche jamais. Saluons également la prestation du chœur maison qui, s’ils souffrent au cours de la soirée de quelques petits décalages, n’en délivrent pas moins un superbe « Sur la grève en feu ».
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CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, Théâtre du Capitole (du 26 septembre au 8 octobre). BIZET : Les Pêcheurs de perles. A. C. Gillet, M. Vidal, A. Duhamel, J. F. Setti. Thomas Lebrun / Victorien Vanoosten. Photos © Mirco Magliocca
VIDEO : Christophe Ghristi présente « Les Pêcheurs de perles » au Théâtre du Capitole