CD événement, critique. SAINT-SAËNS, HUILLET : Concertos. Damien Ventula, violoncelle (1 cd Klarthe records, 2020)

SAINT SAENS opus33 damien Ventula violoncelle klarthe cd critique cd review classiquenews ravel Huillet CLIC de classiquenewsCD événement, critique. SAINT-SAËNS, HUILLET : Concertos. Damien Ventula, violoncelle (1 cd Klarthe records, 2020) – Belle vitalité de l’orchestre de cordes, éloquence contrastée, vivace du soliste toulousain… le rare Concerto pour violoncelle opus 33 de Saint-Saëns (arrangé ici par le chef Gilles Colliard) s’impose par sa carrure énergique voire échevelée, ce dès le premier Allegro (non troppo) ; une volonté conquérante que compense l’Allegretto central, conçu comme un menuet où brille la tendresse plus intériorisée du violoncelle (ici un somptueux Antoine Médard de … 1675); orfèvre d’un jeu tout en accents et fluidité, Damien Ventula affronte défis et points extrêmes d’une écriture virtuose mais très équilibrée, où partout rayonne un absolu sens de l’équilibre (n’est pas Saint-Saëns qui veut).
Une même attention, ce souci d’une expressivité détaillée et presque narrative se développent aussi dans le diptyque contemporain opus 99 de Thierry Huillet (Concerto écrit en 2020 pour Damien Ventula et d’un effectif semblable: orchestre de cordes / violoncelle, que l’opus de Saint-Saëns), où après un volet premier saisissant d’énergie lui aussi, se déploie le dialogue plus contourné, complice et suggestif entre les cordes de l’orchestre et celles de l’instrument soliste, jusqu’à l’accelerando frénétique qui ouvre le champ à un lamento vibrant, écrit comme une prière ardente. De quoi faire sonner l’instrument soliste… dans la lumière et la clarté amoureuse. Belle correspondance entre Huillet et Saint-Saëns. L’aptitude avec laquelle Damien Ventula fait chanter et parler son violoncelle (avec cordes en boyau, comme Pablo Casals ou Jasha Heifetz)) est indiscutable (en particulier dans ce second volet « Moto Perpetuo » d’une frénésie presque joyeuse ; la vocalité de l’instrument transporte littéralement. C’est une transe précipitée comme une course ultime, portée par le chant superbement articulé du violoncelle). Qui douterait encore que le violoncelle est parmi les instruments les plus proches de la voix humaine ?

CLIC_macaron_2014Compléments bénéfiques à ce programme très équilibré (comme une page entière de Saint-Saëns) : l’Habanera de Ravel, en ses sortilèges secrets et raffinés, d’une volupté secrète, ineffable ; deux pièces du géant romantique français, sobre ambassadeur du classicisme de la IIIè République : la Romance (dans l’arrangement du violoncelliste) puis l’éternelle majesté du « Cygne » (ici tout en nuances volatiles) : voilà un très bel hommage à Camille Saint-Saëns pour son centenaire 2021, et dans la collection de plus en plus riche de l’éditeur Klarthe, un nouveau jalon de son rayonnage de musique française.

 

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CD événement, critique. SAINT-SAËNS, HUILLET : Concertos. Damien Ventula, violoncelle (1 cd Klarthe records, 2020)CLIC de CLASSIQUENEWS janvier 2021.

 

 

 

 

 

Damien Ventula, violoncelle
Orchestre de chambre de Toulouse
Gilles Colliard, direction

Saint-Saëns : Concerto op.33
Thierry Huillet : Concerto op.99
Pièce en forme d’Habanera – Maurice Ravel (arr. Jehan Stefan)
Romance op.36 – Camille Saint-Saëns (arr. Damien Ventula)
Le Cygne – Camille Saint-Saëns (arr. Michiko Iiyoshi)
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PLUS D’INFOS sur le site de Klarthe records :
https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/concertos-detail

Judith et Holopherne du Caravage, le tableau redécouvert (L’affaire Caravage : 2016 – 2019)

judith-et-holopherne-version-toulouse-2014-analyse-decouverte-film-classiquenews-2014-Giuditta_e_Oloferne_-_TolosaARTE, Dim 23 fév 2020, 17h30. C’est la redécouverte d’un Caravage la plus spectaculaire, survenue à Toulouse en 2014. Les œuvres du peintre italien qui marque l’histoire de la peinture par son fort réalisme, son clair obscur dramatique et la violence pourtant poétique de ses sujets demeure l’un des génies les plus saisissants de la peinture. Caravage a inventé le langage baroque.

Grande toile, « Judith décapitant Holopherne », est la plus récente œuvre redécouverte, attribué au maître du baroque Michelangelo Merisi, dit le Caravage (1571-1610). Les spécialistes internationaux discutent encore de son attribution : Caravage ou pas ? Dans le docu diffusé par Arte, l’expert parisien Éric Turquin affirme sn authenticité. Réalisé en 1607, le tableau, fascinant par son réalisme cru et son jeu de lumière, est alors estimé entre 120 et 150 millions d’euros. N’hésitant pas à créer un événement retentissant pour faire monter les enchères, la stratégie de l’expert Éric Turquin vise alors à organiser une vente spectaculaire.
Caravage judith comparaison toile critique analyse caravage classiquenewsPourtant l’œuvre, suscite encore des interrogations et divisent les experts et collectionneurs. Certes le visage de Judith, fière, déterminée marque les esprits ; mais le cou de la vieille qui porte entre ses mains, le drap sombre prêt à recueillir la tête décapitée, pose problème… Le vrai sujet du film reste la force poétique des oeuvres du Caravage dont la vie tumultueuse voire scandaleuse est évoqué. Homme des sujets passionnés et crus (ici une décapitation représenté avec les filets de sang), Caravage suscite des réactions exacerbées de la part des collectionneurs et spécialistes qui l’admirent. Documentaire de Frédéric Biamonti (France, 2018, 1h27mn)

 

 

 

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En un épisode romanesque imprévu,  la toile finalement ne passera pas en salle des ventes à Toulouse (enchères annoncées en juin 2019) mais sera vendue de la main à la main au profit d’un collectionneur privé qui s’est proposé ensuite de la déposer dans un grand musée .. lequel et quand ? A suivre.

  

  

 

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VOIR le TEASER sur ARTE :

https://www.arte.tv/fr/videos/082229-000-A/l-affaire-caravage/

 

 

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Illustrations : Judith décapitant Holopherne (toile découverte en 2014 dans un grenier de Toulouse)

 

 

 

 

 

 

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Sur le même thème, LIRE notre présentation de l’oratorio vénitien Judith Triomphans de VIVALDI
http://www.classiquenews.com/judith-triumphans-de-vivaldi/
Illustrée par une autre version de Judith par Caravage (Rome, Palazzo Barberini)

 

 

 

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Judith décapitant Holopherne (version originale / 1598. Rome, Galleria Nazionale d’Arte Antica, Palazzo Barberini)
 

 
Caravage authentique ou copie d’époque ?

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La Judith de Toulouse, exposée un temps à Milan, a été comparée avec une version originale jusque là connue, copie d’époque, propriété de la Banque Intesa Sanpaolo à Naples. Le commissaire priseur enthousiaste estime quant à lui que la toile de Toulouse est un original qui provient de l’atelier de Caravage à Rome ou à Naples : en 2017, à l’occasion d’une conférence donnée au musée des Augustins devant 225 experts judiciaires, Marc Labarbe, commissaire-priseur à Toulouse précisait : « Claudio Falcucci et Rossella Vodret ont procédé à un examen scientifique du tableau, leurs découvertes font pencher les experts vers un consensus en faveur de l’authenticité ». Voilà qui est clair. La technique est la même que les toiles réalisées à Naples vers 1607, diagnostic établi par Rossella Vodret qui a ausculté plus de 22 toiles du maître. D’autant que la radiographie a révélé des repeints sous jacents, du même type que ceux de la toile de Milan.

 

 

 

 

 

VOIR LE TEASER VIDEO

 

La découverte d’un tableau du Caravage dans un grenier Toulousain – par Maître Labarbe et Eric Turquin (avril 2016)

 

 

 

 

 

Ce Caravage est un authentique :

 

 

Eric Turquin explique la découverte de la toile… et pourquoi il penche vers un original car les repeints encore visibles attestent d’une peinture qui a gardé les marques d’une conception originale en cours d’affinage par le peintre lui-même…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOULOUSE. Nouveau PARSIFAL par Aurélien Bory

REPENSER WAGNER... Marek Janowski à l'épreuve du RingTOULOUSE, Parsifal, 26 janv – 4 fév 2020. Le Capitole toulousain affiche le chef d’oeuvre de Wagner, Parsifal, Å“uvre de rédemption par l’amour et la compassion pour l’autre. Figure de la blessure infinie qui s’écoule sans fin (le roi Amfortas… qui a succombé au risque de corrompre la coupe sacrée du Graal) ; figure de la culpabilité finalement pardonnée (Kundry, la séductrice bientôt repentante) ; figure de la résurrection et de l’amour : Parsifal, le jeune pur et loyal qui ne se laisse pas lui corrompre… Wagner aborde la geste médiévale avec un sens supérieur du souffle symphonique. Rien n’égale le mysticisme et la puissance tellurique de l’orchestre, acteur majeur de cette narration qui convoque la confrontation du bien (Parsifal) et du mal (Klingsor). A Toulouse, la distribution promet le meilleur dont évidemment Matthias Goerne (en roi blessé, mortifié, languissant, Amfortas), Pierre-Yves Pruvot (Kingsor diabolique, lumineux, brillant dans le noir), Nikolai Schukoff dans le rôle-titre. Mise en scène d’Aurélien Bory et direction musicale par Frank Beermann. Evénement lyrique de ce début 2020.

 

 

 

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Wagner : Parsifal
Création le 26 juillet 1882 au Festival de Bayreuth

boutonreservationAu Théâtre du Capitole de Toulouse : 5 représentations
Du 26 janvier au 4 février 2020
Les dimanches 26 janvier et 2 février à 15h
Les mardis 28 janvier et 4 février à 18h ; le vendredi 31 janvier à 18h

 

 

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INFOS & RESERVATIONS
https://www.theatreducapitole.fr/web/guest/affichage-evenement/-/event/event/5696164

Aurélien Bory Mise en scène
Orchestre du Capitole / Frank Beermann, Direction musicale

 

 

 

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Avec
Nikolai Schukoff : Parsifal,
Sophie Koch : Kundry,
Peter Rose : Gurnemanz,
Matthias : Goerne Amfortas,
Pierre-Yves Pruvot : Klingsor,
Julien Véronèse : Titurel
…

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COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 8 nov 2019. DUTILLEUX, HOLST.. Orch National Capitole, JULIEN-LAFFERIERE / SOKHIEV

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 8 novembre 2019. H DUTILLEUX. G. HOLST. V. JULIEN-LAFFERIERE. Orfeon Donostaria. Orchestre National du Capitole. T.SOKHIEV, Direction.

LAFERRIERE violoncelleVictor Julien-Laferriere © Lyodoh KanekoVictor Julien-Lafferière est un jeune musicien d’exception dont la carrière a pris un élan incroyable depuis son prix du concours Reine Elisabeth de Belgique en 2017. Une grande tournée de concerts avec Valery Gergiev a été triomphale. Il est un soliste recherché et un chambriste accompli auréolé de succès publics et critiques en compagnie d’Adam Laloum et dans son trio « Des Esprits ». Ce soir dirigé par Tugan Sokhiev, chef attentif et partenaire protecteur, le jeune soliste a été d’une extraordinaire délicatesse dans le Concerto pour violoncelle de Dutilleux. Cette oeuvre dédiée à Mtislav Rostropovich est inspirée d’un poème de Baudelaire. Très intellectuelle, la partition reste distante de l’émotion et de toute forme de passion, recherchant une allure française basée sur l’originalité des sonorité (à la Debussy), tout en réservant une grande place aux percussions. Le violoncelliste doit tenir sa sonorité dans les limites d’une parfaite maitrise de chaque instant. Victor Julien-Lafferière a toutes les qualité pour offrir une interprétation magistrale de ce concerto. La finesse du jeu, rencontre la beauté de la sonorité et la fluidité des lignes. L’Orchestre du Capitole offre une pureté de sonorité et une précision rythmique parfaite. La direction de Tugan Sokhiev est admirable de précision et de finesse. Les grandes difficultés de la partition sont maitrisées par tous afin de proposer une interprétation toute en apparente facilité. Tout va vers le rêve et l’ailleurs comme le suggère le poème de Baudelaire. L’écoute de l’oeuvre en est facilitée et le public fait un triomphe au jeune violoncelliste. Il revient saluer plusieurs fois et propose en bis une délicate allemande d’une suite pour violoncelle de Bach (la troisième). Sonorité soyeuse et legato subtil sont comme un enchantement prolongeant le voyage onirique précédent.

En deuxième partie de concert, Tugan Sokhiev retrouve son orchestre élargi pour un voyage interplanétaire grâce aux Planètes de Holst. Cette oeuvre du compositeur anglais reste le parangon de toute oeuvre symphonique hollywoodienne. Les effets très efficaces de l’orchestration de Gustave Holst font toujours recette chez bien des compositeurs de musiques de films. Tugan Sokhiev prend les rennes avec élégance et ne lâche plus ses musiciens jusqu’à la dernière note. L’orchestre est rutilant ; chaque soliste est prodigieux de splendeur sonore. Ainsi des cuivres bien ordonnés sur deux rangs au fond juste devant les nombreuses percussions sauront-ils nuancer habilement toutes leurs interventions. Le chef les laisse jouer sans vulgarité dans les moments pompiers. Les forte éclatent de santé et de générosité. Nous soulignerons tout particulièrement la beauté du son mais surtout l’élégance du phrasé et la longueur de souffle de Jacques Deleplancques au cor. Mais comment de pas citer le splendide solo du violoncelle de Sarah Iancu ou la flûte de François Laurent, le hautbois de Louis Seguin et la clarinette de David Minetti ?; qui sont les chambristes et solistes accomplis de cette superbe saga galactique.

Tugan Sokhiev joue à plein les différences de chaque partition dédiée à une planète mais garde une unité stylistique magnifique à cet ensemble. Le long silence par lequel il clôt son interprétation a pu paraitre un peu emphatique pour certains spectateurs mais qu’il est bon qu’ un véritable chef charismatique arrive a retarder les applaudissements afin de respecter le silence qui suit la musique et en fait partie quoi qu’en pensent les spectateurs trop zélés a frapper des mains et des pieds parfois en même temps que la dernière note du concert. Ce soir le concert a été placé sous le signe de la plénitude et de la délicatesse. Il n’y a a pas eu besoin d’un bis après tant de splendeur musicale. Là aussi le chef a su résister à cette habitude du « jamais assez » que le public insatiable voudrait prendre.

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COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 8 novembre 2019. Henri Dutilleux (1916-3013) : Tout un monde lointain, concerto pour violoncelle ; Gustav Holst (1874- 1934) : Les Planètes ;   Victor Julien-Laffarière, violoncelle. Orfeon Donostaria, chef de choeur : José Antonio Sainz-Alfaro ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, Direction. Illustration : Julien-Lafferiere (DR)

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Jacobins, le 24 sept 2019. Récital P. BIANCONI, piano. BRAHMS. DEBUSSY…

COMPTE-RENDU, concert. Festival Piano aux Jacobins. Cloître, le 24 septembre 2019. BRAHMS. DEBUSSY. SCHUMANN. P. BIANCONI. Le pianiste français Philippe Bianconi a une extraordinaire carrière internationale mais reste fidèle à son public toulousain. Il ne cesse de développer son jeu et assume avec une grande musicalité bien des pans du répertoire. Ses derniers enregistrements chez Dolce Volta de Debussy et Schumann sont absolument magnifiques. Ce soir à ces deux compositeurs d’élection, il a ajouté les Fantaisies du vieux Brahms. Avec des moyens considérables Philippe Bianconi a offert toute la dimension symphonique et intimiste que les pages brahmsiennes peuvent contenir. La texture noble et les harmonies complexes ont été magnifiées par ce jeu souverain.

Philippe Bianconi, la délicate musicalité du poète

BIANCONI concert piano critique classiquenews Philippe-Bianconi-©William-BeaucardetEnsuite les Etudes de Debussy représentent à la fois un hommage à Chopin et une recherche d’expression puissante qui rappelle que ces pages ont été écrites durant la première guerre mondiale par un Debussy abattu par la tournure des événements. La clarté du toucher de Philippe Bianconi est bien connue. Son jeu permet de percevoir tous les plans, toutes les couleurs et toutes les nuances avec une précision de chaque instant. Les difficultés techniques parfois redoutables sont assumées avec une impression de grande facilité. La modernité de la partition en est magnifiée. Après l’entracte Philippe Bianconi va sur les terres où il excelle : celles de Schumann. Les cinq variations posthumes sont des pages injustement retranchées par Schumann à ces variations symphoniques tant leur beauté est grande. Isolées ainsi, elles sont très démonstratives de la variété de styles de Robert Schumann. Philippe Bianconi en révèle toute la poésie et tout particulièrement lorsqu’il fait chanter son piano de la plus belle manière, dans des nuances d’une grande subtilité. C’est là que la dimension poétique rare de son jeu exulte. Les deux dernières variations sont à ce titre les plus extraordinaires en leur simplicité belcantiste pleine de poésie. Puis la Fantaisie en ces trois mouvements nous entraîne plus avant dans la beauté totale du jeu de Philippe Bianconi. Les respirations qu’il y met en jouant nous donnent l’impression d’une grande liberté et d’une belle facilité.
Le souffle romantique qui habite la partition trouve dans l’interprétation de ce soir toute la flamme que Schumann essayait de contraindre lorsque le père de Clara interdisait aux amoureux toute forme de contact. Cette fantaisie est l’exemple le plus réussi de la tentative d’union de tous les penchants opposés de l’âme de Schumann entre contemplation et action, révolte et abattement, amour fou et désespoir total, amour-fusion et sentiment d’abandon.
La grande beauté de ce monde si complexe trouve à s’épanouir dans une souplesse et une élégance de chaque instant. Philippe Bianconi livre la dimension poétique de cette partition à travers le filtre de son âme de poète. Le public enthousiasmé par ce jeu si évident fait une triomphe à Philippe Bianconi qui généreusement offre deux bis sublimes ; d’abord une Ile joyeuse de Debussy d’une totale liberté et dans une clarté radieuse ; et un peu de Chopin pour nous rappeler quel extraordinaire interprète il est également du compositeur polonais. Un concert marqué par une poésie particulière surtout celle de Schumann mais également la force et la révolte de Debussy en pleine guerre. Une autre  forme d’excellence ce soir à Piano aux Jacobins avec Philippe Bianconi en poète inspiré.

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Compte-rendu concert. Toulouse. 40 ème Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 24 septembre 2019.  Johannes Brahms (1833-1897) : Fantaisies Op. 116 ; Claude Debussy (1862-1918) : Etudes-Livre II ; Robert Schumann (1810-1856) : Cinq variations posthumes Op.13 ; Fantaisie en ut majeur Op.17/ Philippe Bianconi, piano. Photo : Philippe-Bianconi © William-Beaucardet

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 10 Juin 2019. BORODINE, RACHMANINOV, MOUSSORGSKI. Chœurs du Capitole. Orch Nat du Capitole. G.Magee. T.SOKHIEV

SOKHIEV-maestro-chef-toulouse-capitole-presentation-critique-par-classiquenews-sokhiev_c_marc_brennerCOMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 10 Juin 2019. A. BORODINE. S. RACHMANINOV. M. MOUSSORGSKI/M.RAVEL. Chœurs du Capitole. Orchestre National du Capitole. G.Magee. T.SOKHIEV, direction. Ce concert très attendu n’a pas permis à la vaste Halle-aux-Grains d’accueillir tout le public venu demander une place. C’est donc dans une salle bondée avec une ambiance électrique que le concert a débuté. La Cantate le Printemps de Rachmaninov pour baryton et chœur est un hymne à l’amour et au renouvellement perpétuel de la vie. Elle contient un très beau message de paix et de pardon. L’orchestration est subtile avec un éveil de la nature d’une sensualité envoutante. Tugan Sokhiev dirige à mains nues et semble obtenir de tous une musique aussi belle qu’émouvante. Le Chœur du Capitole est profond dans d’admirables nuances. Le baryton Garry Magee au chant subtile et à la voix naturellement belle fait un beau portait d’homme amoureux meurtri qui pardonne. Mais nous savons quel Eugène Onéguine il a su être au Capitole. Il offre des interventions parfaites qui nous ont semblé trop courtes. Illustration : Tugan Sokhiev © M Brenner.

 

 

 

Sommet de musicalité à Toulouse

Puis les danses Polovtsiennes du Prince Igor avec chœur sont une merveille de beauté et de grâce trop rarement donnée. La danse des jeunes filles permet aux femmes du chœur d’offrir nostalgie et délicatesse, tandis que les hommes sont d’une vivacité et d’une énergie bien dosées. Pour la danse finale, le chœur mixte fait merveille. Tugan Sokhiev dirige avec gourmandise ces pages superbes et richement orchestrées.
La deuxième partie du concert offre une œuvre phare que l’orchestre et son chef jouent avec succès dans le monde entier. L’enregistrement par ces même interprètes en 2006 chez Naïve est une référence. Le concert de ce soir renouvelle cette magie et l’augmente car l’orchestre du Capitole a des couleurs plus profondes et plus lumineuses. L’équilibre entre le son français et russe est inégalable de charme et d’émotion. La trompette solo qui ouvre la promenade demande un culot incroyable au soliste, Hugo Blacher est tout simplement merveilleux dans une émotion palpable partagée. Tout ira ensuite comme par enchantement : les tableaux sont pleins de vies et défilent, la promenade est pleine d’esprit dans ses transformations.
Chaque instrumentiste soliste donne sa vie et les gestes de Tugan Sokhiev disent la musique et les mini drames contenus dans la partition avec une beauté de chaque instant. Ses mains semblent créer le son, agençant avec un air gourmand couleurs et nuances dans une narrativité sans cesse relancée. La délicate mélancolie du vieux châteaux, la puissance de la marche du bétail, l’humour du ballet des coquilles d’œuf et la noirceur des catacombes, tout est parfaitement suggéré. Ainsi ce voyage se poursuit dans une atmosphère de beauté et d’émotions délicates avant que d’arriver au final triomphant qui dans un crescendo irrésistible nous entraine dans la Russie éternelle de nos rêves. La Grande porte de Kiev est aussi grandiose et majestueuse que possible. Tugan Sokhiev dose à la perfection les nuances pour terminer dans un fortissimo enthousiasmant. Quel admirable concert associant une œuvre très rare, des danses célèbres rarement donnée et un must absolu pour un orchestre virtuose. Tugan Sokhiev a une maturité artistique inouïe tout en gardant ce contact chaleureux et simple avec les musiciens de son orchestre comme avec son public. Public toulousain sous son charme tant cet homme semble incarner totalement la Musique.
Le triomphe fait par le public obtient un bis mystérieux tout en émotion : la délicate orchestration par Debussy de la première Gymnopédie de Satie !
C’était le dernier concert de la saison dirigé par Tugan Sokhiev qui atteint un nouveau sommet de musicalité avec ses musiciens toulousains. Les retrouver à la rentrée sera un grand moment.

 

 

 

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Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains le 10 juin 2019. Alexandre Borodine (1833-1887) : Le Prince Igor : Danses Polovtsiennes ; Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Le printemps, Op.20 ; Modeste Moussorgski ( 1839-1881) Orchestration de Maurice Ravel : Tableaux d’une exposition ; Garry Magee, baryton ; Choeurs du Capitole, chef de chœur : Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Tugan Sokhiev, direction.

 

 

 

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 27 avril 2019. MAHLER. Le Chant de la Terre. Baechle, Elsner /J. SWENSEN

MAHLER portrait classiquenews IMG_20190502_125114COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 27 avril 2019. G.MAHLER. Le Chant de la Terre. J. Baechle. C. Elsner. Orchestre National du Capitole. J. SWENSEN, direction. L’orchestre du Capitole et Joseph Swensen tissent des liens d’amitié musicale de plus en plus étroits. Ce chef qui a dirigé presque toute l’oeuvre symphonique de Mahler à Toulouse aborde ce soir deux œuvres posthumes. En effet quel sort cruel ! Mahler, mort à tout juste 51 ans, n’a pas pu entendre la création du premier mouvement de sa Symphonie n°10, pas plus que son sublime cycle du Chant de La Terre. Ironie du sort pour deux œuvres qui parlent paisiblement (c’est toutefois relatif) du départ suprême, de l’absence et de la mort. Le premier mouvement de la dixième symphonie est un très large Andante qui dure presque une demi heure. La modernité comme la perfection formelle de cet Andante sont incroyables : il siège parmi les œuvres les plus bouleversantes de la musique orchestrale. Joseph Swensen dirige à main nue et par cœur obtenant comme un mage, une musique qui se déploie en vagues sublimes.

 

 

 

Joseph Swenson à Toulouse :
Mahler au sommet de l’émotion

 

 

 

Débuté dans un pianissimo hypnotique, véritablement éthéré, avec un chant éperdu des alto d’une beauté et d’une mélancolie envoûtante, l’andante évolue lentement vers des tutti aux cuivres impressionnants. Dès ces premières mesures, le large phrasé se déploie et Swensen avec un sourire de bonheur, intérieur et partagé, dirige en osmose avec les musiciens comme si c’était lui qui jouait avec de larges mouvements des bras. Le magnifique orchestre du Capitole est ainsi suspendu aux demandes sensuelles du chef, lui même en état de grâce. Parler de virtuosité sublimée, de couleurs comme chez Klimt, de structure limpide quasi céleste, de phrasés portés au bout du souffle, de don de tout, permet d’évoquer un moment rare et inoubliable. Le public envouté fait la fête à ces interprètes si inspirés. Les musiciens éperdus d’admiration pour le chef et le chef ravi du don total de l’orchestre, ont semblé particulièrement épanouis.

Après l’entracte, l’orchestre s’étoffe pour une vaste oeuvre tout à fait inclassable. Das Lied von der Erde, le chant de la Terre, est une oeuvre sans équivalent. De la taille d’une symphonie, elle réclame un vaste orchestre particulièrement au niveau des percussions et exigeant même une incroyable mandoline pour la dernière mélodie. Il s’agit donc d’une vaste symphonie avec voix. Ce n’est pas la seule de Mahler certes. Ce n’est pas non plus le seul cycle de lieder avec orchestre de Mahler mais cette alchimie subtile, exigeant deux chanteurs aux voix larges mais surtout capables de magnifier un texte superbe avec un orchestre majestueux, est restée sans descendant.
La superstition de Mahler y est probablement pour quelque chose. Il ne s’est pas autorisé à écrire une dixième symphonie. Beethoven, Schubert et Bruckner étaient morts après leur neuvième. La Chant de la Terre est sa dixième symphonie déguisée. C’est le parti pris qu’a choisi Joseph Swensen. Il a dirigé une symphonie avec voix pour faire corps avec l’orchestre. Jamais il n’a accompagné les voix, les poussant dans leurs retranchements.

Ainsi le premier lied a mis le ténor à mal. « Das Trinklied vom Jammer der Erde » n’a pas été agréable pour Christian Elsner dont la voix a été engloutie trop souvent par la puissance et la beauté de l’orchestre. Mais après tout, l’ivresse et la douleur étaient si présentes dans l’orchestre que ce choix a été au final très convaincant. C’est dans les deux lieder suivants que le ténor a pu libérer son interprétation subtile basée sur une voix solide et homogène mais surtout sur une compréhension et une lisibilité du texte tout à fait remarquables.

Le poème « Von der Jugend » a été d’une subtilité incroyable associant un chanteur-diseur de premier ordre et un orchestre orientalisant d’une beauté irréelle. « Der Trunkene im Frühling » a scellé un superbe accord musical et poétique entre le chef, le ténor et les musiciens. La mezzo-soprano Janina Baechle a la même qualité de diction que son collègue, tous deux étant germanistes. Sa voix ombrée et dirigée avec une agréable souplesse est capable de nuances d’une grande subtilité. Janina Baechle a rendu le texte limpide et en particulier lui a permis de diffuser cette douce ou amère mélancolie si consubstantielle à Mahler tandis que l’orchestre de Swensen soufflait le vent de la passion. « Der Eiseime in Hebst » avec un orchestre diaphane ou compact a été un grand moment de luxe éthéré. Mais c’est « Von der Schönheit » qui a été un sommet vocal avec une largeur du souffle émouvante de la mezzo-soprano. Le dernier lied, plus long que les cinq lieder précédents, a été le large moment de temps suspendu, attendu et espéré. Les deux poèmes qui forment cet «Abschied », cet adieux, sont liés par un interlude orchestral sublime. La direction amoureuse de Joseph Swensen, la voix de Janina Baechle, toute de beauté et de douleur pétrie, mais surtout avec des mots subtilement offerts, ont amené le public a atteindre cette sérénité hédoniste mais consciente de la nécessaire finitude des choses de ce monde, avec un art consommé. Et que dire des extraordinaires musiciens de l’orchestres ? Avec des pupitres de tous jeunes musiciens capables de tenir des solo d’une beauté renversante ! Et les habitués comme Jacques Deleplancque au cor, Hugo Blacher à la trompette et Lionel Belhacene au basson en solistes émouvants ! Tous mériteraient d’être cités…
Mais que dire de plus ? Assister à un tel concert, avec des interprètes si engagés, renouvelle l’émotion d’une partition si aimée au disque. Les équilibres subtils et si essentiels dans l’orchestration sublime de Mahler ne se révèlent qu’au concert et par exemple, tout particulièrement l’osmose entre la mandoline, le célesta et la harpe, restera comme un moment de magie pure.
Quelle chance pour la public toulousain d’avoir pu se délecter d’ un concert tout Mahler si émouvant dans une perfection formelle idéale. Les mânes de Mahler en ont certainement souri.

 

 

 

Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 27 avril 2019. Gustave Mahler (1860-1911) : Symphonie n°10 en fa dièse majeur, Adagio ; Das Lied von der Erde, Le Chant de la Terre ; Janina Baechle, mezzo-soprano ; Christian Elsner, ténor ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Joseph Swensen, direction.

 

 

 

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 13 mars 2019. RACHMANINOV. Choeur du Théâtre BOLCHOà / V. Borisov

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 13 Mars 2019. P.I. TCHAIKOVSKI.  S. RACHMANINOV. Choeur du Théâtre BOLCHOà de Moscou. V. Borisov. Point d’orgue des Musicales Franco-Russes, les trois concerts des forces du Bolchoï, comme en résidence à Toulouse, ont motivé un public nombreux dès ce premier concert du seul Choeur du Bolchoï. Un programme d’un grande cohérence et d’une grande intelligence a fait la par belle à des oeuvres de la charnière entre les XIX ème et le XX ème siècles. La tradition vocale en Russie est millénaire mais a connu son apogée en cette époque.  Les exactions du communisme n’ont pas osé éteindre ce feu sacré d’amour pour le chant choral aussi riche en musique sacrée que profane.

 

 

La majesté du Choeur du Bolchoï enchante Toulouse

 

 

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La tradition a été conservée par les moines mais également les simples chanteurs, et tel un Phénix revit une nouvelle splendeur.  Ce voyage d’une rare émotion a été parfaitement dirigé par Valery Borisov, très strict dans sa gestuelle. Il a obtenu une perfection inouïe de ses 50 choristes. Dès le premier numéro (Vêpres de Rachmaninov), les superbes nuances, quasi abyssales, ont profondément marqué le public. Sans véritablement pouvoir juger ce qui se déroulait, une succession de beautés sonores a véritablement submergé l’audience. Les nuances sont précises et profondément creusées et les couleurs sont quasiment dignes des icônes les plus vives dans des lumières variées. Les voix russes sont extrêmement timbrées, différentes et complémentaires, elles offrent un son de pupitre, plein de chair et de force. Les basses célèbres pour leur gravité sépulcrale sont fidèles à leur réputation ! Les sopranos sont d’une puissance et d’une rondeur de son, supersoniques. Les ténors très présents, sont comme des flèches dardées et les alto dans une rondeur de timbre envoûtante, donnent un appui incroyable aux sopranos pour planer haut.
De nombreux moments ont permis de découvrir des choristes dignes des solistes le plus compétents avec des timbres très différents et un engagement parfois hypnotique. Ainsi chaque voix pouvait être reconnue mais dans un ensemble parfaitement musical et une union parfaite. Les forte sont apocalyptiques et ont tonné dans la vaste Halle-aux-Grains comme rarement. Mais c’est surtout la qualité des sons  piano qui est oeuvre d’art incroyable. Un son si piano et si timbré, si riche en harmoniques, si émouvant par son mélange de fragilité et de force,  est inoubliable.
Les toulousains aiment le chant choral; ils ont su particulièrement, par leurs applaudissements nourris, remercier les choristes russes, tous d’un niveau de solistes (un tiers est venu saluer au final comme solistes à un moment ou un autre) sans oublier leur chef Valery Borisov ; dans une main de fer, il sait obtenir des moments de tendresse bouleversants.  Comme sur un petit nuage la plus grande partie du public s’est réjoui  de la suite de ce festival Franco-Russe … soit d’autres sommets annoncés avec deux opéras en version de concert ou le chœur allait jouer sa partie parfaitement.

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COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 13 Mars 2019. Ouevres  A Capella de Piotr Illich .Tchaikovskï (1840-1893) : Liturgie de Saint Jean Chrisostome op.40 (extraits). Serge Rachmaninov (1873-1943) : Vêpres op. 37 ( extraits) et autres oeuvres russes sacrées ou profanes « A Capella ». Choeur du Théâtre BOLCHOà de Moscou. Chef de Choeur : Valery Borisov.

Photo du chœur  : © Damir-Yusupov

 

 

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 11 mars 2019. DEBUSSY. POULENC. RACHMANINOV. Gabetta / Chamayou.

Chamayou-Gabetta©MarcoBorggreveCOMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 11 Mars 2019. C. DEBUSSY. F. POULENC. S. RACHMANINOV . Sol Gabetta / B.Chamayou. Le duo musical Sol Gabetta et Bertrand Chamayou peut effectivement prétendre à un accord parfait ; les deux jeunes musiciens se connaissent depuis bien longtemps, plus de 15 ans d’amitié, et des concerts en duo depuis dix bonnes années. Leur retour à Toulouse, en terres conquises, dans le cadre des Musicales Franco-Russes est un vrai bonheur. La grâce diffuse autours de Sol Gabetta et le pianiste plus sage semble gagné par le feu secret ou extraverti de sa collègue. La Sonate de Debussy pour violoncelle et piano est d’une grande subtilité et permet des éclairages divers selon les interprètes. Ainsi la version de Sol Gabetta et Hélène Grimaud est bien connue (enregistrée par DG). Ce soir la violoncelliste, en artiste sensible, propose tout autre chose avec la complicité de Bertrand Chamayou.

Gabetta et Chamayou l’accord parfait !

Dès sa première intervention, elle entraine le pianiste dans un jeu moins extraverti et plus complexe. Les nuances sont subtiles, au bord de l’audible, et le rythme s’assouplit au point d’évoquer le jazz par instants. Sol Gabetta conduit l’auditeur dans une sorte de danse, comme au bord du gouffre, alors que le piano sert de repère et parfois abruptement avec des notes comme stoppées. La Sonate de Poulenc, plus ludique, parfois canaille, permet de beaux moments de complicité entre les deux musiciens. Le lyrisme semble détendre le tempo qui peut se resserrer avec énergie dans les moments plus rythmés. Cette écoute mutuelle permet un réglage délicat des nuances, et le naturel qui se dégage du jeux des deux musiciens, est confondant. Sans vraiment beaucoup se regarder, ils vivent la même musicalité comme par enchantement.

Après ces deux bijoux, qui avec beaucoup d’originalité présentent un style français du XX ème siècle, plutôt moderne et audacieux, la deuxième partie, russe, sera plus sage et plus romantique. En effet, la Sonate de Rachmaninov, plus ample,  permet l’expression du dernier romantisme avec des moments d’angoisse et même de mélancolie, très évocateurs de l’âme russe … si intemporelle. Nos deux amis offrent avec beaucoup de délicatesse cette âme russe tourmentée qui cherche à oublier sa souffrance dans la douceur du lyrisme du violoncelle comme une voix maternelle consolatrice.
Sol Gabetta avec beaucoup de pudeur chante à perdre l’âme mais toujours entre noblesse et élégance. Bertrand Chamayou ravive son piano symphonique dans les moments solistes mais cherche toujours à s’équilibrer avec les sonorités délicates de sa partenaire.

Voici un vrai duo qui développe et amplifie les qualités de chacun. Sol Gabetta semble ce soir capable d’audaces interprétatives très délicates, alimentées par un feu constamment renouvelé ; Bertrand Chamayou ose davantage aller vers un jeu chargé d’émotions, lui dont le piano maitrisé est si spectaculaire, gagne considérablement en émotions.

Le succès public est considérable. Ainsi leurs deux bis accordés sont marqués d’abord par la mélancolie douloureuse de Tchaikovsky dans une berceuse, puis un duo plus surprenant qui libère les deux musiciens : elle avec une frénésie et une inventivité coquine ; lui avec une sorte de déhanché très libre dans son jeu. Le public a été absolument charmé par les deux musiciens ne faisant qu’une seule âme musicale. Dans ce programme intelligent les sensibilités de  France et de Russie ont été mises en vedettes et avec un égal bonheur dans ce beau concert des Musicales Franco-Russes.

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Compte rendu concert. Toulouse. halle-aux-Grains, le 11 mars 2019. Claude Debussy (1862-1918) : Sonate n°1 pour violoncelle et piano en ré mineur ; Francis Poulenc (1899-1963) : Sonate pour violoncelle et piano ; Serge Rachmaninov (1873-1943) : Sonate pour violoncelle et piano en sol majeur, op.19 : Sol Gabetta, violoncelle, Bertrand Chamayou, piano. / Photo Chamayou-Gabetta ©MarcoBorggreve

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, le 1er mars 2019. R. STRAUSS: Ariane à Naxos. Fau, Hunhold, Savage. Orch Nat Capitole. E.ROGISTER

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, Capitole, le 1er mars 2019. R. STRAUSS: Ariane à Naxos (nouvelle production). Fau, Belugou, Fabing, Hunhold, Savage, Morel, Sutphen. Orch National du Capitole. E.ROGISTER, direction. Donner l’opéra le plus élégant de Richard Strauss et Hugo von Haufmannstahl, le plus exigeant au niveau théâtral avec des voix hors normes, toutes surexposées, est une véritable gageure que Christophe Ghristi, nouveau directeur de l’auguste maison toulousaine, relève avec brio. Il a trouvé en Michel Fau un homme de théâtre respectueux de la musique, capable de donner vie à Ariane à Naxos en un équilibre parfait entre théâtre et musique, entre le prologue et l’opéra lui-même.
J’ai toujours jusqu’à présent trouvé que la partie musicale dépassait le théâtre et que des deux parties l’une dominait l’autre. Au disque la musique sublime de bout en bout de l’opéra s’écoute en boucle et sans limites, à la recherche de timbres rares et de vocalités exactes. A la scène souvent le prologue est trop ceci ou pas assez cela ; et en fait ne convainc pas ; trop souvent l’opéra peut s’enliser. Pourtant je parle de productions à Aix (avec  l’Ariane de Jessye Norman) ou Paris (avec la Zerbinetta de Natalie Dessay)… Je dois dire que ce soir le travail extraordinairement intelligent et délicat de Michel Fau mériterait une analyse de chaque minute.  L’humour y est d’une subtilité rare et sur plusieurs plans. La beauté des costumes (David Belugou)  et des maquillages (Pascale Fau)  ajoutent une élégance rare à chaque personnage quelque soit son physique.

Ariane à Naxos de Strauss/Hofmansthal
Production géniale à Toulouse

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C’est également David Belugou qui a réalisé deux décors intelligents et qui éclairés avec subtilité par Joël Fabing, semblent bien plus complexes et profonds qu’ils ne paraissent. Il est rarissime de trouver à l’opéra travail théâtral si soigné dans un respecte absolu de la musique. Dans la fosse les instrumentistes de l’orchestre du Capitole choisis pour leur excellence jouent comme des dieux sous la baguette inventive et vivante d‘Evan Rogister. Il aborde par exemple le prologue de l’opéra avec une allure presque expressionniste et sèche avant de colorer toute la subtile orchestration de Strauss en son poids exact. N’oublions pas que les 38 instrumentistes demandés par Strauss sont évidement de parfaites solistes ou chambristes avérés, mais ensemble ils sonnent comme un orchestre symphonique complet (dans le final).

Que dire des chanteurs à présent ? Ayant chacun les notes incroyables exigées et des timbres intéressants, dans un tel contexte, ils n’ont qu’à chanter de leur mieux pour devenir …divins dans un environnement si favorable. Jusqu’aux plus petites interventions, chacun est merveilleux. L’Ariane de Catherine Hunold est sculpturale, sa prima Donna caricaturale.  En Bachus,  le ténor Issachah Savage,  est éblouissant de panache vocal avec une quinte aiguë et une longueur de souffle qui tiennent du surnaturel ;  dans le prologue, sa brutalité pleine de morgue un est vrai régal de suffisance, pardonnée après le final. Car la puissance du duo final justement, est historique ; une telle plénitude sonore dépasse l’entendement. La Zerbinetta d‘Elisabeth Sutphen mérite des éloges pour un équilibre théâtre-chant de haut vol, alors qu’il s’agit d’une prise de rôle. Elle passe du moqueur au profond en un clin d’ oeil ; virtuose ou languide, elle peut tout.
Le trio de voix, rondes et nuancées, qui tiennent compagnie à Ariane sur son rocher sont d’une qualité inoubliable que ce soit Caroline Jestaedt,  en Naïade, Sarah Laulan en Dryade ou Carolina Ullrich en Echo. Les quatre messieurs qui accompagnent Zerbinetta ne sont pas en reste au niveau vocal mais jouent également avec beaucoup de vivacité et d’énergie (Pierre-Emmanuel Roubet,  Scaramouche ; Yuri Kissin,  Truffaldino ; Antonio Figueroa,  Brighella).  Philippe-Nicolas Martin, en  Arlequin ajoutant une belle touche de vraie-fausse mélancolie dans son lied.
Dans le Prologue, le compositeur d’Anaïk Morel est très sympathique ; c’est vraiment Strauss lui-même qui se questionne sur la folie d’oser composer des opéras dans un monde si absurde. La réponse est OUI :  la beauté, l’intelligence, la finesse sont le remède à l’absurdité et la bêtise du monde. Aujourd’hui à Toulouse, le flambeau a été rallumé avec panache. Oui en une soirée la beauté peut ragaillardir tout un théâtre et le succès public a été retentissant. Les mines réjouies en quittant la salle du Capitole en disent long sur la nécessité de croire, et ce soir de l’avoir vue réalisée, en cette alchimie subtile  qui se nomme opéra. Génialement, unanimement appréciée, la production capitoline aborde le rivage de la perfection !

 STRAUSS ARIANE A NAXOS capitole critique opera classiquenews mars 2019

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COMPTE-RENDU, opéra. Toulouse, Capitole, le 1er Mars 2019. RICHARD STRAUSS (1864-1949) : ARIANE à NAXOS, Opera  en un acte et un prologue, Livret  de Hugo von Hofmannsthal, Création  le 4 octobre 1916 au Hofoper de Vienne, Nouvelle production du Théâtre du Capitole/Opéra Orchestre  national  de  Montpellier – Occitanie.  Michel Fau,  mise en scène ; David Belugou,  décors et costumes ; Joël Fabing,  lumières ; Pascale Fau ,  maquillages.  Avec : Catherine Hunold,  Primadonna / Ariane ; Issachah Savage,  Ténor / Bacchus ; Anaïk Morel,  Le Compositeur ; Elisabeth Sutphen,  Zerbinetta ; Philippe-Nicolas Martin , Arlequin ; Pierre-Emmanuel Roubet,  Scaramouche; Yuri Kissin,  Truffaldino ; Antonio Figueroa,  Brighella ; Caroline Jestaedt,  Naïade ; Sarah Laulan,  Dryade ; Carolina Ullrich,  Echo; Florian Carove,  Le Majordome ; Werner Van Mechelen,  Le Maître de musique ; Manuel Nuñez Camelino,  Le Maître à danser; Alexandre Dalezan, Le Perruquier ; Laurent Labarbe,  Un Laquais ; Alfredo Poesina,  L’Officier ; Orchestre national du Capitole ; Evan Rogister :   direction musicale. / Photos: © Cosimo Mirco Magliocca / Capitole de Toulouse 2019

COMPTE-RENDU, concert . TOULOUSE, le 28 fév. 2019. BRAHMS. DEBUSSY. TCHAÃKOVSKI. Orch Capitole, Sorokin, Penas, Lee,  T. SOKHIEV.

Tugan sokhiev direction dorchestre toulouse france russie festival 2019 compte rendu critique par classiquenewsCOMPTE-RENDU, Concert . TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 28 fév. 2019. BRAHMS. DEBUSSY. TCHAÃKOVSKI. BORODINE. STRAVINSKI. Orch National du Capitole, N.Sorokin , B. Penas, E. Lee,  T. SOKHIEV, direction. C’est la 3ème année que Tugan Sokhiev et l’Orchestre National du Capitole proposent à Toulouse une Académie de direction d’orchestre.  Le concert du soir permet aux chefs candidats de diriger devant le public dans des conditions optimales. Puis Tugan Sokhiev dirige la deuxième partie du concert. La salle de la Halle-aux-Grains est pleine et le succès public est au rendez-vous de cet enseignement éclairant. Les séances de l’académie sont publiques et j’ai pu passer la journée de mercredi à assister à cette aventure extraordinaire.

 

Le concert de l’Académie d’Orchestre de Toulouse, une belle transmission !

 

Trois jeunes chefs se succèdent dirigeant les même oeuvres à tour de rôle sur les trois jours. Les progrès sont notables chez chacun avec plus ou moins de visibilité. Les explications de Tugan Sokhiev durant les « leçons » sont incroyablement simples et profondes mettant au coeur de sa transmission, le rapport entre les musiciens et le chef, et le respect de la partition mais surtout la place de la musique. Ainsi la technique et la connaissance de la partition sont vite mises de coté pour aborder le mystère de l’alchimie qui peut exister entre un chef et les musiciens de l’orchestre. L’importance du regard posé sur chaque instrumentiste, les gestes qui doivent parler en même temps à divers groupes, les bras pour les cordes et les mains pour la petite harmonie par exemple. Ainsi il va amener chacun à comprendre comment aller plus loin.

Par exemple ce long moment pendant lequel il demande de regarder le hautbois pour obtenir la plus belle phrase et jusqu’à la dernière note alors que le jeune chef regarde au début, puis vite va ailleurs pensant à la suite. Ou comment il prend le bras d’un autre pour montrer la souplesse et la largeur qu’il souhaite lui proposer, ou comme le troisième doit par ses gestes, obtenir plusieurs caractères différents dans la même phrase.

Et ce credo immuable :  le chef doit proposer à l’orchestre sa version musicale de l’œuvre, et la rendre lisible par ses gestes car chaque musicien pourrait proposer la sienne et l’orchestre le dévorerait s’il ne savait pas où il veut aller précisément. Ainsi l’angoisse des jeunes chefs en devenir va  petit à petit faire place au plaisir de faire de la musique avec cet orchestre si magnifique. Car il faut dire combien les musiciens jouent le jeu avec patience et engagement en conservant une qualité sonore inaltérable.



sorokine nikita chef maestro jeune chef toulouse academie direction tugan sokhiev direction classiquenews review compte renduNIKITA SOROKINE… Le concert du soir  a permis  au jeune Nikita Sorokine, 27 ans, originaire de Russie, actuellement dans la classe d’orchestre d’Alain Altinoglu à Paris, de diriger le premier mouvement de la quatrième symphonie de Brahms. Il est venu à bout avec panache de cette partition particulièrement complexe et ses sourires ont montré comment il a su dépasser ses appréhensions pour entrer dans le grand plaisir de faire de la musique avec des musiciens  d’exemption.

penas bastien chef maestro classiquenews toulouse acadmeie direction orchestre tugan sokhiev compte rendu critique review classiquenewsBASTIEN PENAS… Le plus jeune du groupe, est Bastien Penas  25 ans, originaire de Bordeaux, actuellement dans la classe d’orchestre à Toulouse. Il a dirigé avec beaucoup de poésie Après midi d’une Faune de Debussy. Tugan Sokhiev lui avait fait remarquer la veille qu’il avait su rapidement se connecter avec l’orchestre. C’est celui qui lors de ce concert final a été le plus proche des musiciens et Sandrine Tilly à la flûte lui a offert une introduction d’une grande suavité, quasi murmurée.

LEE earl chef maestro conducting academy review classiquenews toulouse tugan sokohiev Earl-LeeEARL LEE… En troisième oeuvre le chef américain originaire de Corée, Earl Lee a dirigé le premier mouvement de la quatrième symphonie de Tchaikovsky. Plus âgé, il a 35 ans, il est déjà habitué à diriger l’orchestre de Pittsburgh en tant qu’assistant. Son autorité est plus appuyée mais il n’a pas su aller au devant des musiciens avec le regard totalement engagé que lui a suggéré Tugan Sokhiev, dirigeant parfois les yeux fermés ou presque, il a su proposer une version personnelle de cet extraordinaire mouvement d’ouverture de la symphonie du destin.

SOKHIEV-maestro-chef-toulouse-capitole-presentation-critique-par-classiquenews-sokhiev_c_marc_brennerMAESTRO SOKHIEV… En deuxième partie de concert, le Maestro pédagogue Tugan Sokhiev à mains nues, a dirigé un voyage dans les Steppes de Borodine, périple évocateur et hédoniste laissant ses musiciens s’exprimer librement dans des moments solistes absolument somptueux. Puis avec un drame constamment renouvelé, il a offert une interprétation exaltante de l’Oiseau de feu de Stravinski avec un début venimeux à la beauté sulfureuse avant d’évoluer vers une beauté plus sensuelle et un final grandiose. Pour conclure cette belle édition de l’Académie d’Orchestre 2019, la direction complice et l’admiration réciproque du chef et de ses musiciens a été un véritable bonheur. Deuxième temps forts des Musicales Franco-russes, ce concert a été très applaudi faisant la joie d’un public rajeuni et conquis. Tugan Sokhiev ayant insisté sur l’importance à ses yeux de la transmission et du partage d’expérience, a réussi son pari : proposer à Toulouse quelque chose d’unique en Europe.

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Compte rendu concert. Toulouse. Halle-auGrains, le 28 février 2019. Johannes Brahms ( 1833-1897) : Symphonie n°4 en mi mineur, ext. ; Claude Debussy (1862-1918) :  L’après midi d’un faune ; Piotr Illich Tchaïkovski ( 1840-1893) : Symphonie n°4 en fa mineur, ext. ; Alexandre Borodine (1833-1887) : Dans les steppes de l’Asie Centrale ; Igor Stravinski (1882-1971) : L’Oiseau de feu ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Nikita Sorokine, Bastien Penas, Earl Lee, Tugan Sokhiev : Direction.

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, le 22 fév 2019. BERLIOZ : Damnation de Faust. Laho, Relyea… Tugan Sokhiev.

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, Capitole, le 22 fév 2019. BERLIOZ : Damnation de Faust (version de concert). Laho, Koch, Relyea, Véronèse. Chœur et Orchestre National du Capitole. T SOHIEV. C’est la troisième fois que Tugan Sokhiev dirige cette œuvre à la Halle-aux-Grains depuis 2010. Il aime la musique de Berlioz et cette Damnation tout particulièrement. Dans le cadre de cette première saison des Musicales Franco-Russes et pour en assurer l’ouverture « en grand », il nous était promis beaucoup…Et nous devons admettre que le pari fut tenu. Tugan Sokhiev a progressé encore dans sa compréhension de Berlioz. Il assume la richesse des parties orchestrées touffues, comme la délicatesse des moments magiques (les Sylphes).

 

 

 

 
Une Damnation grandiose

 

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Le discours dramatique était déjà là en 2010 dans un souffle puissant. Il est ce soir plus nuancé et plus subtilement construit. Chaque numéro conserve une conception dramatique s’articulant précisément avec le précédent comme le suivant. Le drame avance, l’humour est présent rendant plus pathétique, la mélancolie de Faust puis le désespoir de Marguerite. L’Orchestre du Capitole est royal. Les bois hallucinants de présence et de liberté (la flûte de Sandrine Tilly) , les cordes sublimes :  altos ambrés (et quel solo de Dominique Mujica), violons de lumière et violoncelles de mélancolie. Et le cor anglais de Gabrielle Zaneboni, double de l’âme de Marguerite, ne peut s’oublier. Le Chœur du Capitole et la Maîtrise sont d’une présence dramatique parfaite avec une puissance enviable et de très belles nuances. Juste une diction plus audible aurait été appréciable. Mais quelle présence dans chaque intervention !
La distribution, défi redoutable, est absolument parfaite. Marc Laho est un Faust noble et élégant (photo ci dessus) d’une ligne vocale princière. Le timbre est magnifique, rond et chaud. La terrible tessiture (dépassant le contre-ut ) ne se remarque pas, il est à l’aise sur tout son ambitus ! Et le texte est vécu avec beaucoup d’intensité ; il est dit avec beaucoup d’intelligence.  Méphistophélès est un rôle plus complexe encore car il a plusieurs facettes. Le canadien John Relyea a la présence attendue, et la voix parfaite. Longue tessiture et timbre riche en harmoniques, sa voix se déploie sans effort et sa diction est également un régal; il campe un diable tour à tour moqueur, séduisant et inquiétant. Le rôle très court de Brander exige pourtant un chanteur-diseur hors pair. Julien Véronèse est parfait lui aussi : voix sonore et texte clair. Sophie Koch que le public a eu le plaisir de retrouver n’était pas prévue et elle remplace la défaillance de sa consoeur. Le public toulousain connaît bien et aime Sophie Koch qui a offert nombres de personnages marquants au Capitole dont une Margaret du Roi d’Ys inoubliable, un Néron étonnant, un Octavian élégant, une Dorabella de rêve. Elle offre ce soir une extraordinaire Marguerite proche de l’idéal. D’abord une présence illuminée de l’intérieur et une sorte de modestie caractéristique du personnage. La voix est superbe de timbre, et surtout projetée avec naturel et élégance. La diction est absolument limpide. L’art du chant est délicat mais sans effets et toujours d’une musicalité délicieuse.
Le duo avec Marc Laho est une apothéose de naturel élégant. Son grand air «D’amour l’ardente flamme» est phrasé merveilleusement, habité jusqu’au bout des phrases et Tugan Sokhiev sait animer avec art comme assouplir la pulsation. Un grand moment de musique comme suspendu hors du temps.
Le final avec cette cavalcade diabolique, ces choeurs incroyablement puissants, est nuancé à souhait avec des contrastes terribles comme Berlioz les a souhaités. Orfèvre d’une puissance incroyable, Tugan Sokhiev maîtrise la construction saisissante en un crescendo que rien ne retient et qui aboutit sur des coups de boutoir. Méphisto constate son échec avant cette apothéose céleste que le chœur de femmes puis la maîtrise du Capitole avec une lumière délicate, nous offrent avec bonté et pureté. L’orchestration éthérée de Berlioz ainsi réalisée tient vraiment du miracle attendu.
Chef inspiré, orchestre somptueux, chœurs puissants, et solistes aussi bons chanteurs que parfaits diseurs, le sacre de Berlioz promis a bien eu lieu. Quelle œuvre somptueuse ! Vivat Berlioz, Vivat Toulouse, Vivat Sokhiev ! Cette saison Franco-Russe débute au firmament ! Et la suite est prometteuse… sera-t-elle à la hauteur de nos espérances ? A suivre.

 

 

 

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COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE. Halle-aux Grains, le 22 février 2019. Hector Berlioz (1803-1869) : La Damnation de Faust, légende dramatique en 4 parties. Marc Laho, Faust ; Sophie Koch, Marguerite ; John Relyea, Méphistophélès ; Julien Véronèse, Brander ; Chœur et Maîtrise du Capitole, chef de chœur, Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Tugan Sokhiev, direction. Photo : © P.Nin

TOULOUSE, Semaine RUSSE : Tugan Sokhiev à la barre

Sokhiev_Tugan_Tugan-Sokhiev2-credit-Mat-HennekFRANCE MUSIQUE, Semaine Russe : 11-15 mars 2019. Le Bolchoï à l’honneur avec le chef TUGAN SOKHIEV en guest star. La chaîne radiophonique dédie 7 jours à la musique russe et en particulier l’école du Bolshoi, fleuron de la tradition musicale de Russie. Brillant chef de sa génération, Tugan Sokhiev, directeur musical du Capitole de Toulouse, partage sa vie musicale entre deux institutions : en France, l’Orchestre du Capitole dont il a fait depuis plus de 10 ans – à la suite de Michel Plasson – l’une des phalanges françaises les plus célébrées dans le monde ; et en Russie, le légendaire Théâtre du Bolchoï. L’interprète incarne cette double excellence.
En liaison avec la première édition des « Musicales franco-russes » à Toulouse, France Musique met l’accent sur l’activité et l’éclat de la musique russe. Trois semaines de concerts, de master class, la naissance d’une Académie de direction d’orchestre… et point d’orgue du festival, deux opéras en version de concert réunissant les forces du Bolchoï et Tugan Sokhiev : France Musique en diffuse les temps forts sur son antenne. La chaîne « salue cet événement avec une antenne aux couleurs musicales franco-russes, comme une âme en partage »… (Prochain compte rendu à venir sur classiquenews).

Toute la semaine du 11-15 mars 2019 de 14h à 16h :
Arabesques, Petite histoire du « Grand ». En effet, le mot « Bolchoï », nom mythique de la musique et de la danse, signifie « le Grand ». Le « Grand Théâtre » de Moscou est ainsi au cœur d’une semaine évoque les presque deux cents ans d’existence de l’institution légendaire. Tchaïkovski, Moussorgski, Rachmaninov, en sont les auteurs les plus joués aujourd’hui, évoquant aussi les tourbillons de l’histoire russe en savourant le génie de ses plus grands interprètes.

Jeudi 14 mars, 7h30
Tugan Sokhiev, chef d’orchestre, est l’invité de Musique Matin (à partir de 7h) ; le chef présente la première édition des Musicales franco-russes de Toulouse, dédiées aux artistes des deux pays afin de renforcer les liens historiques et d’amitié entre la France et la Russie, ainsi que le dialogue culturel et les échanges artistiques.

Vendredi 15 mars, 20h
Le concert de 20h : soirée en direct à la Halle aux Grains de Toulouse. A la tête du Chœur et de l’Orchestre du Théâtre du Bolchoï, Tugan Sokhiev dirige en version de concert l’opéra Ivan le Terrible de Rimski-Korsakov.

Puis Dimanche 2 juin 2019, 20h
La Dame de Pique de Tchaïkovski, enregistrée à la Halle aux Grains le jeudi 14 mars 2019

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 15 fév 2019.  Tchaïkovsky. Sibelius. Alexandre Kantorow / John Storgårds.

JBM7884Jean-Baptiste-MillotCOMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE. Halle-aux-Grains, le 15 février 2019.  Tchaïkovsky. Sibelius. Alexandre Kantorow, piano. Orchestre du Capitole de Toulouse. John StorgÃ¥rds. Le deuxième concerto pour piano de Tchaïkovski n’a pas le succès qu’il mérite tant cette partition est originale, virtuose, incandescente. Ce soir, elle a particulièrement été bien interprétée par un jeune pianiste surdoué : Alexandre Kantorow, 21 ans, a besoin de se faire un prénom tant le succès de son père est planétaire (NDLR : Jean-Jacques). Le jeune homme a été gâté par les muses et les bonnes fées sur son berceau. Il a de superbes mains, un jeu souverain et une grande qualité musicale jusque dans les moments de pure virtuosité ce qui n’est donné qu’à très peu. Car si la virtuosité de ce concerto surpasse celle du premier concerto,  il y a matière à colorer et phraser à l’envie. Et c’est ce qui frappe dans l’aisance du jeune musicien. Tout lui semble facile et tout ce qu’il fait est musique en toute simplicité, sans dureté et dans une souplesse d’une grande élégance. Les nuances sont extraordinairement creusées et l’écoute dans les moments chambristes (le trio dans l’andante) est fabuleuse. Cette manière de dialoguer et poursuivre les lignes musicales du violon et du violoncelle a été un véritable moment de grâce.
Signalons la plénitude  sonore et la délicate musicalité de Pierre Gil au violoncelle et Kristi Giezi au violon. Ils ont été de vrais partenaires. L’interaction avec le chef, John StorgÃ¥rds, l’orchestre a été parfaite et une vraie complicité musicale a fusé à chaque instant dans cette partition pleine de surprises. Le diabolique final a semblé ce soir un jeu d’enfant dans un enthousiasme triomphant. Le public a fait une ovation bien méritée au jeune pianiste, musicien si sensationnel.

Avec modestie et amitié, il a offert deux somptueux bis. Le final de Ma mère l’Oie de Ravel, le jardin féérique, avec un sens des couleurs orchestrales et des nuances, tout à fait inouï. Il a su construire et les lignes souples et les grands crescendo comme s’il dirigeait un orchestre puis dans une courte pièce de Brahms, la Valse op.39 n°15, il y fait preuve d’un sens de la poésie brahmsienne tout à fait remarquable avec un rubato chaloupé, subtil, envoûtant. Il a dit aimer tout particulièrement Brahms et nous avons hâte d’en entendre davantage sous des doigts si subtils. Alexandre Kantorow est un grand musicien qui ne fait qu’un avec son instrument dont il obtient un dialogue musical d’une rare intensité.

sibelius la tempete Jean-Sibelius-ca-1945En deuxième partie, John StorgÃ¥rds a dirigé avec un art magnifique la rare symphonie n°5 de Sibelius. Il est grand temps que ce compositeur majeur du XX ème siècle fasse son entrée durable au répertoire de l’Orchestre du Capitole. Une intégrale serait bien venue car entre John StorgÃ¥rds et l’orchestre cela fonctionne à merveille. Le public également a été réceptif et a particulièrement apprécié cette belle oeuvre de Sibelius. Les sonorités très lumineuses obtenues par John StorgÃ¥rds et sa capacité a construire un discours musical lisible nous a entrainés dans de vastes espaces et des lumières sensationnelles de la mer du nord. Les vastes horizons, les nuances très variées ont construit un monde très singulier. Ce concert avec de grands musiciens a été marqué par l’originalité des oeuvres et leur rareté. Espérons que la programmation de tels concerts, sortant des choix convenus, se renouvellera, car le public aujourd’hui est prêt pour Sibelius comme il l’avait été pour Chostakovitch il y a une dizaine d’année. Il est temps !

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COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE. Halle-aux-Grains, le 15 février 2019. Piotr Illich Tchaïkovsky (1840-1893) : Concerto pour piano et orchestre n°2 en sol majeur Op.44 ; Jean Sibelius (1865-1957) : Symphonie n°5 en mi bémol majeur Op.82; Alexandre Kantorow, piano; Orchestre National du Capitole de Toulouse. John Storgårds, direction.
Illustration : Alexandre Kantorow © J-Baptiste Millot / Portrait de Jean Sibelius (DR)

Compte-rendu, concert. TOULOUSE, le 17 nov 2018. Beethoven. Orch National Capitole de Toulouse / Emelyanychev.

Emelyanychev maestro classiquenews Maxim EmelyanychevCompte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 17 novembre 2018. Beethoven. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Emelyanychev. Le concept même du concert d’une heure à 17h le samedi est excellent car il réunit familles, public nouveau et habitués. Ce soir les deux symphonies proposées ont été choisies avec art. « La Poule » de Haydn est agréable, facile d’écoute; elle permet à l’orchestre de s’installer dans un beau son, très tranquillement. La direction énergique et même enthousiaste de Maxim Emelyanychev donne beaucoup de vie à cette partition parangon du classicisme. Issu du monde baroque, ce chef qui joue toutes les musiques se donne entièrement dans sa direction. C’est peut être un peu beaucoup pour cette partition qui n’en demande pas tant mais c’est très sympathique.

 
 
 

Happy Hour :  Oh yes very, very  happy !

 
 
 

Avec la Symphonie Héroïque de Beethoven, l’orchestre s’étoffe et le ton change. Toujours aussi mouvementée, la direction de Maxim Emelyanychev se fait plus incisive et plus tranchée. Le premier mouvement en sort un peu raidi, quoique avec beaucoup d’allure. C’est dans la marche funèbre que le génie de Maxim Emelyanychev apparaît. L’inventivité dont il fait preuve dans ses phrasés et ses nuances subtiles, provoque une nouvelle écoute de cette magnifique page. Les deux mouvements suivants vont gagner en puissance avec un final quasi démiurgique. Le thème évoquant la figure tutélaire de Prométhée étant particulièrement mis en valeur par le chef qui sait doser d’admirables crescendos. Le final est enthousiasmant.
Les instrumentistes sont tous magnifiques, surtout le bois et les cuivres qui dans leurs interventions solistes sont remarquables. Mais la précision des cordes est tout autant admirable.
Voilà un bien agréable moment, vivifié par la direction enthousiaste du chef russe Maxim Emelyanychev, inclassable et engagé, sans retenue aucune, dans chaque œuvre dirigée, ce soir du classique  au romantisme. L’orchestre a su suivre avec panache une direction qu’il semble tout particulièrement apprécier. Le public ravi a applaudi après chaque mouvement ce qui a semblé stimuler l’orchestre que l’indisposer. Belle interactivité.

 
 
 

 
 
 

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Compte rendu concert. Toulouse.  Halle-aux-Grains, le 17 novembre 2018. Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie, N°83, La Poule, en sol mineur ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Symphonie N°3, Héroïque, en mi bémol majeur, op.55 ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Maxim Emelyanychev, direction.

 
 
 

 
 
 

DVD, critique. Ballet : La Reine Morte (Kader Belarbi, 2015 – 1 dvd OPUS ARTE)

belarbi reine morte dead queen DVD opus ARTE capitole DVD critique review par classiquenewsDVD, critique. Ballet : La Reine Morte (Kader Belarbi, 2015 – 1 dvd OPUS ARTE). Le chorégraphe Kader Belarbi confirme un vrai talent de dramaturge, capable de construire un drame complet déroulé en une soirée. La Reine morte créée à Toulouse dès 2011, prolonge la réussite de son « Corsaire ». L’ex danseur étoile de l’Opéra de Paris a su affirmer un goût sûr pour la ténèbre, les rôles noirs auxquels il a donné de l’épaisseur (Abderram dans Raymonda). Sur les traces de Montherlant, Belarbi architecte sa narration en cultivant des situations contrastées, des images inoubliables et saisissantes qui illustrent avec éclat et justesse l’exemple de la folie humaine, celle qui manipule, sacrifie l’amour, ambitionne le pouvoir. La folie dans tout son éclat dérisoire et pourtant magnifique : le roi atteint son but mais à quel prix. 
Belarbi cite tous les poncifs qui ont fait jusque là le souffle des grands ballets romantiques, certains les plus connus et dansés encore aujourd’hui ; scènes collectives de cour dignes de Tchaikovski ; noces de l’ombre (Roméo), … le tout superbement orchestrés et mis en lumière selon une sensibilité et une culture ciselées. C’est à dire idéalement barbare.

Ajoute à cette éloquence du drame sombre, le jeu et les pas de danseurs fins et puissants, chacun dans leur personnage : l’énergique et viril Don Pedro (Davit Galstyan), la sensibilité naturelle donc troublante de Doña Inès de Castro (Maria Gutierrez), vraie figure parfois évanescente et parfois d’une subtilité irréelle… l’infante toute d’or vêtue (Juliette Thélin), le bouffon en délire (Takafumi Watanabé).
Dans la fosse, le chef Koen Koessels dirige avec mordant, expressivité et âpreté l’Orchestre maison, offrant au Ballet du Capitole, un tremplin confortable, d’une fureur rentrée, aux éclats mesurés, vrai écrin à ce drame de la mort et du macabre. Superbe ballet contemporain.

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CLIC D'OR macaron 200DVD, critique. Ballet : La Reine Morte (Kader Belarbi, chorégraphie d’après Montherlant) -Toulouse, Capitole, février 2015 – 1 dvd OPUS ARTE. CLIC de CLASSIQUENEWS de novembre 2018

Compte-rendu, concert. TOULOUSE, le 27 oct 2018.  Schmitt, Philippot. Gattet. Toulouse Wind Orchestra

Compte-rendu, concert. TOULOUSE, le 27 oct 2018.  Schmitt, Philippot. Gattet. Toulouse Wind Orchestra. Le Toulouse Wind Orchestra est un orchestre d’harmonie qui en trois années a su avec un brio étonnant, gagner un public nombreux et enthousiaste. Les deux concerts de cette année ont fait salle comble. Les trois enregistrements qui correspondent aux trois séries de concerts des années précédentes rendent comptent de l’excellence de cet orchestre. Originalité des programmes et exemplarité des choix interprétatifs sont deux des principales qualités du collectif. Composé de jeunes professionnels tous bénévoles, il atteint un niveau de perfection technique incroyable. Mais c’est surtout au concert que tout prend une direction extraordinaire. J’étais sous le charme de leurs deux premiers enregistrements mais j’ai été subjugué par ce concert.

 

 

Aussi forts que délicats…
Toulouse Wind Orchestra : des musiciens d’exception

 

 

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L’auditorium Saint-Pierre des Cuisines est un écrin idéal. Bien installé, tout l’orchestre, qui varie son effectif pour chaque œuvre, peut déployer un bouquet de sonorités prodigieux. Que ce soit les pupitres de clarinettes soyeux, les hautbois frais, les flûtes subtiles et les bassons profonds, l’écoute entre les instrumentistes est un régal pour l’œil comme pour l’oreille. Mais c’est surtout la splendeur et la délicatesse des nuances des gros cuivres qui fait merveille. Cette qualité de justesse et de nuances n’est pas l’apanage de tous les orchestres symphoniques. Les cors admirables de présence, les tubas prodigieux de nuances, et les Euphoniums aux timbres si beaux et la virtuosité sidérante, sont de la partie. Mais comment ne pas dire le plaisir à entendre de si beaux saxophones et les tubas puissants sachant être si délicats ! Chaque moment soliste sera un festival de beautés en terme de couleurs, nuances et phrasés. L’association des contrebasses et des violoncelles ajoute une solidité et une chaleur précieuses. La précision des percussion est sensationnelle. Et le piano, le célesta et les harpes ajoutent une belle présence  toute de poésie.

Dionysiaques de Florent Schmitt est une pièce écrite pour un orchestre d’harmonie. Elle sonne majestueuse et sensationnelle, révélant toutes les splendeurs d’un orchestre d’harmonie avec des nuances et des couleurs spectaculaires. La direction de Mathieu Romano est d’une clarté parfaite. Ses beaux gestes portent les instrumentistes à se dépasser.

Puis la création d’une œuvre à la demande de l’orchestre serait déjà un événement mais que ce soit un Concerto pour hautbois et orchestre d’harmonie, élargi aux violoncelles et contrebasses, fait sensation Car cet instrument si délicat mérite bien le soin amoureux que le compositeur a pris pour lui. Gabriel Philippot a su écrire très rapidement une très belle œuvre qui va certainement avoir la diffusion qu’elle mérite. Cela sonne très français à la manière d’un classique ou d’un Poulenc : tout est élégance et charme, avec des pointes de lyrisme plus extraverties. Le premier mouvement varie les styles, passant par une partie centrale plus lyrique. Le début est plein de charme et offre des phrases pleines d‘esprit au soliste. Le dialogue avec l’orchestre est savoureux. Les traits et la grande cadence mettent en valeur le jeu très virtuose du soliste Alexandre Gattet. La vivacité qui termine ce premier mouvement et le chic de l’interprétation enflamment le public dont une grande partie applaudit. Le deuxième mouvement est plein de profondeur et demande au soliste de phraser comme un Dieu. Alexandre Gattet avec une admirable technique de souffle ne semble pas respirer et peut ainsi filer le son à l’infini. L’effet est musicalement très émouvant. Le final vif argent termine cette très belle oeuvre dans une véritable apothéose. L’alchimie entre le solistes et ses amis de l’orchestre est parfaite. La direction attentive et souple de Mathieu Romano est de toute beauté.

En bis Alexandre Gattet offre une adaptation virtuose de la chanson phare de Nougaro « O Toulouse » Un véritable régal qui enchante et séduit évidemment le public.

Pins de Rome d’Ottorino Respighi adaptés pour l’orchestre de ce soir en permet une interprétation de première grandeur. La richesse des sonorités, l’ampleur des nuances passent du soleil éclatant à la nuit mystérieuse avec la plus plus grande aisance. Les Pins des catacombes est peut être la réussite la plus spectaculaire. Quand au final la manière dont Mathieu Romano en construit la progression est tout à fait géniale, débouchant sur un final éblouissant.
Et que dire de la passion que diffuse l’implication totale de chaque instrumentiste ?  Bien sûr les solistes irradient de leur lumière mais par exemple la qualité du pupitre des clarinettes, leur homogénéité n’ont rien à envier aux meilleurs violonistes. La trompette lointaine de Hugo Blacher marquera les esprits comme un moment de pure magie. Vraiment il faudrait citer chaque musicien tant le jeu collectif est admirable et la joie de faire de la musique ensemble, irradie.
La jeunesse, le travail, le don de soi : un tel programme atteint à la plénitude du bonheur musical partagé avec le public. L’enthousiasme déclenché fait exulter tout l’auditorium qui obtient un magnifique bis … lequel met en valeur les merveilleux solistes dans une tenue rythmique parfaite. Et beaucoup d’humour avec en particulier l’inénarrable Olivier Castellat à la guitare électrique. Le Wind Toulouse Orchestra ne se réunit que trop rarement mais à chaque fois monte au ciel. L’enregistrement du concert qui sortira l’an prochain confortera la splendeur des talents de tous ces grands musiciens.

 

 

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Compte rendu concert. Toulouse. Auditorium Saint Pierre des Cuisines,le 27 oct 2018.  Florent Schmitt (1870-1958) : Dyonisiaques Op. 62 ; Gabriel Philippot  : Concerto pour hautbois ; Ottorino Respighi (1879-1936) : Pins de Rome. Alexandre Gattet, hautbois ; Toulouse Wind Orchestra ; Mathieu Romano, direction.

Illustrations :
La formation et A. Gattet pour la création du concerto de Philippot
La formation orchestrale pour les Pins de Rome de Respighi
© Hubert Stoecklin 2018.

 

 

Compte-rendu, concert. Toulouse, le 12 oct 2018. Bernstein.Pisar. Orch, chœur et Maîtrise du Capitole. Wayne Marshall.

Compte rendu concert. Toulouse. Halle aux grains, le 12 octobre 2018. Léonard Bernstein. J. et L. Pisar. Orchestre, chœur et maitrise du Capitole. Wayne Marshall. En cette année du centenaire de la naissance de Léonard Bernstein nous espérons entendre beaucoup d’œuvres de ce génial compositeur. Toulouse avait prévu de donner sa Messe mais a du y renoncer vu le nombre d’exécutants impossible à faire tenir sur la scène de la Halle-aux-Grains ; à défaut voici la (non moins passionnante) Symphonie n°3 avec une distribution d’un lustre très particulier.

 

BERNSTEIN-2-600x397Cette œuvre hybride associe un long texte, le « Kaddish » et trois grands moments musicaux et vocaux. Le texte primitif de Leonard Bernstein a été réécrit à sa demande par son ami Samuel Pisar. Ce rescapé des camps de la mort (il avait 16 ans) n’a pas cédé facilement à la prière de Bernstein qui n’a jamais eu la joie de l’entendre. Ce texte très puissant nous a été dit ce soir par la veuve et la fille de Samuel Pisar. Il est peu de dire combien l’émotion soulevée par ces deux voix a été absolument inoubliable. La mère, Judith d’une voix sépulcrale et la fille Leah, d’une voix noble et ferme ont porté admirablement les messages terriblement humains du père-époux décédé en 2015. Car ce texte d’interpellation du créateur va jusqu’au seuil du blasphème en demandant des comptes, mais se reprend en priant pour une nouvelle alliance des habitants de la terre avec le ciel. Car finalement n’est ce pas l’homme lui-même et sans aide qui crée avec ce malin « génie », l’enfer sur terre ?  Composée après l’assassinat de JF Kennedy qui lui est dédié, la symphonie est unique par l’ampleur donnée au texte.

 

Symphonie n°3 “Kaddish” de Bernstein:
Un grand moment d’humanisme partagé à Toulouse.

 

 

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L’association faite des souffrances du peuple juif depuis l’esclavage en Egypte sans oublier la Shoah, vers le Djihad qui ensanglante à présent tous les pays est puissante. Très universel, le message reste et restera  actuel. La partition de Bernstein est bouleversante d’intelligence : elle sait utiliser toutes les subtilités et toute la puissance d’un immense orchestre symphonique, d’un chœur mixte et d’un chœur d’enfants ainsi qu’une voix soliste. L’Orchestre du Capitole dans une concentration de chaque instant a su faire sonner cette œuvre dans sa plénitude. La beauté des soli, la puissance comme la délicatesse des nuances infimes, tout a été admirable. Le chœur de Capitole a été grandiose et la Maîtrise a apporté une émotion indicible (en évoquant les enfants sacrifiés par la barbarie).
La voix de la soliste, Kelley Nassief,  avec sa grande fragilité dans les aigus et une profondeur d’expression totale, a rajouté un pan d’émotions supplémentaires. Les deux récitantes, Judith et Leah Pisar sont incroyables de théâtralité maitrisée comme d‘émotions contenues. Tant d’intelligence dans l’interprétation est véritablement … historique.
Mais de tous ces magnifiques interprètes c’est probablement le chef Wayne Marshall qui a été le plus exceptionnel. Avec une direction habitée et très millimétrée, il a su offrir une version de grande tenue et de grande humanité de cette œuvre inclassable. La bonté qui émane de de sa présence magnifie une direction d’orchestre de grande musicalité jusque dans les moments de terreurs.

En première partie de concert, les qualités de l’orchestre en terme de virtuosité et de coloration ont été magnifiées par la direction surnaturelle d’énergie du chef anglais. L’ouverture de Candide dans un tempo d’enfer a été un vrombissement jouissif. La suite du film On the waterfront  a été orgie de climax les plus variés avec des nuances et des couleurs inouïes. Les phrasés aboutis et souples du chef ont magnifié la partition. Leonard Bernstein est un immense compositeur. Wayne Marshall a su mettre tout son art au service de ce compositeur trop peu joué.
La symphonie «  Kaddish » restera le sommet d’émotions de la soirée et un moment de culture humaniste inoubliable. New-York avec ses immenses qualités culturelles s’est donné rendez-vous à la Halle-Au-Grains. Dans de tels moments, Toulouse est absolument capitale culturelle, et ce soir capitale du génie symphonique.

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Compte rendu concert. Toulouse. Halle aux grains, le 12 octobre 2018. Leonard Bernstein (1918-1990) : Candide , ouverture ; On the waterfront, suite d’orchestre ; Symphonie n°3 « Kaddish » ; Judith et Leah Pisar, récitantes ; Kelley Nassief, mezzo-soprano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Chœur du Capitole et maitrise du Capitole, direction Alfonso Caiani ; Direction musicale : Wayne Marshall. Illustration : © Darrin-Zammit

 

 

 

Compte rendu concerts. 37ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins ; Le 23 septembre 2016. Saint-Saëns,Chopin, Mel Bonis,Cheminade Debussy,Liszt. Philippe Bianconi, piano.

bianconi-piano-582-philippe-bianconi-le-piano-romantique-ticketac-27648-712Compte rendu, concert. 37ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins ; Le 23 septembre 2016 ; Camille Saint-Saëns ; Fréderic Chopin ; Mel Bonis; Cécile Cheminade ; Claude Debussy ; Frantz Liszt ; Philippe Bianconi, piano. Entre palme de l’originalité et celle de la poésie, la Muse ne saura laquelle préférer pour Philippe Bianconi. Le récital qu’il a présenté est particulièrement abouti et d’une belle originalité. Le parti pris de ne jouer que des danses aurait pu lasser sous des doigts moins expressifs. Mais Philippe Bianconi est à la fois un poète et un grand virtuose. La musique pour piano de Saint-Saëns est exigeante et pas toujours facile d’accès. Philippe Bianconi a su ne rien laisser de coté, ni une virtuosité parfois exacerbée pour elle-même, ni une complexité harmonique et rythmique déconcertante, ni surtout un style très particulier qui doit donner l’impression de la facilité et de l’élégance à tout prix. Les Mazurkas et la valse de Chopin ont été magiques. La délicatesse des Mazurka sous des doigts de velours, a libéré une ensorcelante mélancolie. Ce Chopin est pure poésie,  il passe comme un rêve. Tout est libre en apparence sous des doigts si habiles à faire oublier que le piano est un instrument de percussion. Tout n’est que ligne, nuances extatiques, couleurs mouvantes.

Danses avec un poète du piano

Deux femmes ont été distinguées par notre poète du piano, exactes contemporaines de Saint-Saëns et Debussy. La Barcarolle de Mel Bonis est ample dans l’usage fait du piano qui sonne large et virtuose tout en étant très expressif. La Mazurk’ suédoise de Cécile Cheminade est contrastée et d’un caractère passionné. Ces deux trop courtes pièces nous ont permis de distinguer combien il est injuste de sous estimer ces compositrices nées dans l’ombre masculine, mais ayant trouvé un style d’expression personnel et qui mérite notre attention. La mazurka choisie de Debussy sonne un peu sage et presque raisonnable à coté des deux dames…

Pour finir sur une apothéose et d’une puissance rare, Philippe Bianconi aborde deux étonnantes pages de Liszt. La valse-impromptu démarre avec un sens de l’humour malicieux puis développe sous des doigts funambulesques, un rythme de plus en plus entrainant puis des hésitations pleines de séduction relancent le thème. Philippe Bianconi dispose d’une virtuosité aristocratique ne semblant que facilité.

Dans la Méphisto-valse 1, il se transforme en diable grand seigneur à l’inquiétante séduction tout à fait charismatique, non dénuée d’humour noir. Son articulation d’une précision d’horloger suisse, ses nuances très creusée et des couleurs d’arc en ciel font de cette pièce souvent uniquement virtuose sous des doigts moins experts, un petit théâtre de l’horreur infernale. Il n’est pas fréquent d’entendre ainsi cette pièce éblouissante sans rien perdre d’une lisibilité de chaque instant avec un caractère si trempé. Ce diable nous ferait le suivre ou il voudra…

C’est la variété de jeu de Philippe Bianconi qui a permis de déguster sans relâchement une suite originale de danses pianistiques. Le public a été charmé et a obtenu deux bis faisant une ovation à un véritable poète du piano.

Compte rendu concerts. 37ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins ; Le 23 septembre 2016 ; Camille Saint-Saëns (1875-1921) : Suite en Fa majeur, op.90 ; Valse canariote op.88 ; Valse langoureuse en mi majeur,op.120 ; Etude ne forme de valse, op.52 n°6 ; Fréderic Chopin (1810-1849) : Trois mazurkas op.59 ; Valse en la bémol, op.42 ; Mel Bonis (1858-1937) : Barcarolle ; Cecile Chaminade (1857-1944) : Mazuk’ suédoise ; Claude Debussy (1862-1918) : Mazurka ; Frantz Liszt (1811-1886) : Valse-impromptu ; Méphisto-valse 1 ; Philippe Bianconi, piano.

Compte rendu concerts. 37ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins ; Le 20 septembre 2016. Récital de Jeremy Denk, piano

Compte rendu concerts. 37ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins ; Le 20 septembre 2016. Voyage dans la musique entre 1300 et l’an 2000. Jeremy Denk, piano. J’ai lu (dans le New York Times) que ce pianiste mérite d’être écouté quelque soit le programme proposé. Tout a fait dubitatif mais intrigué je dois  avouer que je ne vois pas quoi dire d’autre après cet admirable concert promenade proposé par le pianiste américain Jeremy Denk.

Imaginez un voyage musical qui permet de comprendre la construction et l’évolution de la musique occidentale entre 1300 et les années 2000. Cette proposition très iconoclaste l’autorise à jouer sur un clavier tempéré des œuvres vocales écrites en modes. Les compostions de Machaut, Binchois et Ockeghem sont sous les doigts si sensibles de Jeremy Denk… hors du temps et nous « parlent » à travers les âges avec une émotion très particulière. La délicate et fragile mélodie de Binchois terminera le concert comme elle l’a commencé en une boucle qui achève de nous faire perdre les repères temporels.

Quelle intelligence !

denk jeremy-denk-lg-730x315Les artistes qui savent rendre le public plus intelligent au sortir d’un concert sont des artistes précieux et je crois que le public de Piano Jacobins en a été conscient ce soir : il a même semblé particulièrement ravi. Cet enchainement de pièces improbables au clavier tempéré, la première surprise passée, se révèlent des plus aptes à nous émouvoir par leur étrangeté. Ainsi la musique occidentale savante en deux heures peut se comprendre comme une mise en place de l’harmonie, de la mélodie puis du rythme. Le Zeffiro torna de Monteverdi est au piano aussi improbable …  qu’irrésistiblement séduisant.

La fin de la première partie permet d’ arriver à un premier sommet avec Johann Sebastian Bach.

Jeremy Denk est un extraordinaire interprète de Bach, ses variations Goldberg sont acclamées au concert et son CD est admirable de beauté fluide. Son interprétation de la fantaisie chromatique et fugue en ré mineur, BWV 903 est époustouflante de vie et de précision rythmique. La richesse de cette partition en belles mélodies et architecture complexe montre le degré de perfection atteint par la musique savante et pourquoi Bach est un demi dieu.

denk jeremy-denkAprès l’entracte c’est le divin Mozart avec l’andante de la Sonate en sol majeur K. 283. Le charme, l’élégance, la ligne de chant infinie, les nuances subtiles et les couleurs douces : tout est enchantement. Beethoven suit tout naturellement avec une énergie rythmique qui bouscule le cadre. Schumann apporte une complexité harmonique et une densité de toucher qui préparent Wagner. Chopin apporte la virtuosité sensible du piano, le legato qui va jusqu’au belcanto. L’interprétation de l’adaptation par Liszt de la Mort d’ Isolde de Wagner est un bouleversant moment de piano roi, à la virtuosité faite musique. Jeremy Denk est un virtuose accompli qui rend lisible tous les plans et sait doser les nuances jusqu’à un fortissimo quasi orchestral.

Brahms ensuite aborde la déconstruction sur le plan harmonique ; il bouscule les rythmes avec un Intermezzo. Schoenberg va toujours plus loin dans cette liberté prise. Debussy apporte de nouvelles couleurs et propose un tout « autre piano ». Poulenc déconstruit complètement le rythme. Stockhausen fait perdre tout repères tonal, Glass abolit la pesanteur, et Ligeti ne permet aucun repère, mis à part la perte des repères connus…

Et Binchois revient, tout simple et comme perdu parmi nous, tout ébaubis.

Nous avons fait un Grand Voyage avec un guide fulgurant. Un pianiste de haut rang, un musicien délicat, un pédagogue plein d’humour. Oui, Jeremy Denk est un Grand Artiste à réécouter dès que possible.

Compte rendu concerts. 37ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins ; Le 20 septembre 2016. Œuvres de : Machaut ; Binchois ; Ockeghem ; Dufay ; Deprez ; Janequin ; Byrd ; Gesualdo ; Monteverdi ; Purcell ;  Scarlatti ; Bach ; Mozart ; Beethoven ; Schumann ; Chopin ; Wagner/Liszt ; Brahms ; Schoenberg ; Debussy ; Poulenc ; Stockhausen ; Glass ; Ligeti ; Jeremy Denk, piano.

DENK jeremy

Compte rendu, concert. Toulouse ; Halle-aux-Grains, le 17 septembre 2016. Beethoven, Berlioz. Ch. Zacharias, Tugan Sokhiev

tugan-sokhievCompte rendu concert. Toulouse ; Halle-aux-Grains, le 17 septembre 2016 ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) Concerto l’Empereur ; Hector Berlioz (1803-1869) : Symphonie Fantastique ; Christian Zacharias, piano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction, Tugan Sokhiev. La rentrée musicale de l’Orchestre du Capitole a cette année été fracassante. Le programme d’abord, associant deux œuvres phares du romantisme et fondatrices de l’histoire de la musique. Le dernier Concerto de Beethoven qui dépasse en ampleur tout ce qui avait été composé pour le genre jusque là et pour longtemps. Ce Concerto l’Empereur n’a que rarement autant mérité son nom.  Et en deuxième partie la symphonie la plus imaginative, véritablement révolutionnaire tant par la place que prend l’artiste dans son œuvre que par l’originalité de l’orchestration, coup d’essai et de maître du jeune Berlioz : La symphonie Fantastique.

L’art des associations, la fouge éternelle du romantisme

D’autre part, l’association de deux personnalités charismatiques et artistiques ne va pas de soi pour créer une rencontre au sommet. Nous avons eu ce soir à Toulouse l’association entre un pianiste admirable de musicalité, Christian Zacharias, et un tandem d’exception, Tugan Sokhiev et ses musiciens toulousains.

Christian-Zacharias-8.7L’Empereur d‘abord nous a permis d’être emporté dans un flot musical ininterrompu, sublime de rythme dansant et de chant nuancé. L’orchestre a su accepter la vision de Christian Zacharias, version délicate et nuancée au delà de l’habituel. Pour avoir entendu Tugan Sokhiev diriger ce Concerto avec Léon Fleischer en 2012, il a été possible de mesurer l’admirable adaptation à la richesse d’articulation, la somptuosité des nuances exacerbées, le rythme souple mais entraînant de Christian Zacharias. Ce pianiste est incroyablement sensible aux caractéristiques musicales de la partition qu’il interprète à l’opposé d’un Goerner, cette semaine. Zacharias sait que Beethoven est un héritier de Mozart et qu’il a brisé le moule du concerto mais sans la violence que certains interprètes y mettent : il contient de la délicatesse et de la puissance mais sans violence. Cet équilibre dans son jeu est incroyablement apte à nous faire entendre autrement ce concerto, chambriste, autant que symphonique et pianistique. Le premier mouvement est plein de fougue, d’élasticité dans le rythme. Jamais aucun accord n’est lourd, tous rebondissent et ne s’écrasent jamais. La direction de Tugan Sokhiev accentue cette élégante énergie rythmique si importante dans Beethoven. Les nuances de l’orchestre répondent à celles du piano et inversement Zacharias soupèse et apprécie chaque intervention de l’orchestre en connaisseur, lui qui dirige si bien et pas seulement de son piano. Le deuxième mouvement si délicatement phrasé et nuancé crée un rêve dont personne ne voudrait s’évader. Il faut le charme du final, son alacrité pour accepter de passer à autre chose après les accords de transitions si émouvants entre les deux derniers mouvements. C’est une fête de la pulsion de vie qui termine le Concerto !

Le pianiste a soulevé l’enthousiasme du public et a offert une page aérienne de Scarlatti en bis.

berlioz-hector-dessin-michael-leonard-1980En Deuxième partie, Tugan Sokhiev a développé sa conception de la partition de Berlioz qu’il affectionne tant. Il prend à bras le corps cette musique si intense, demande à l’orchestre une passion inhabituelle, des couleurs franches, parfois laides dans le Dies Irae mais d’une beauté sensuelle dans le bal ou la scène aux champs. Les nuances sont creusées au plus profond, chaque instrumentiste dévoile son amour pour l’œuvre. Je conçois que des générations habituées au côté « français » de cette partition, trop sagement interprétée, avec des cordes fragiles et des cuivres discrets, ne souscrivent pas à un tel choix. Je suis pour ma part persuadé que disposant d’un orchestre de cette trempe, Hector Berlioz lui même aurait donné toute la mesure de cette partition sans retenue comme l’a fait Tugan Sokhiev ce soir. La passion d’un artiste n’a rien de purement français ni d’obligatoirement mesuré. C’est toute la démesure de l’œuvre qui a été offerte au public. Et Tugan Sokhiev sait habiter les silences comme peu. L’ovation faite à l’orchestre et son chef vaut validation par une salle peine à craquer (avec des demandes de places non honorées). Oui la passion est toute entière au service de la musique à Toulouse. La saison s’annonce passionnante.

Compte rendu concert. Toulouse ; Halle-aux-Grains, le 17 septembre 2016 ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Concerto n°5 pour piano et orchestre en mi bémol majeur,op.73, « L’Empereur » ; Hector Berlioz (1803-1869) : Symphonie Fantastique, op.14 ; Christian Zacharias, piano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction, Tugan Sokhiev.

Illustration : Christian Zacharias © H Scott

Compte rendu, concert. 37ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse, le 21 septembre 2016. Beethoven, Bartók, Liszt, Scarlatti… Boris Berezovsky, piano

Compte rendu concerts. 37ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins ; Le 21 septembre 2016. Ludwig Van Beethoven ; Béla Bartók ; Frantz Liszt ; Domenico Scarlatti; Igor Stravinski ; Boris Berezovsky, piano. Des grands pianistes il y en a, mais un géant comme Berezovsky je n’en connais d’autre, de cette force vive, avec ce calme. Son Beethoven est fin, délicatement phrasé, nuancé avec art. Le rythme est bondissant, ferme et stable. L’héritage mozartien est assumé comme l’élargissement du cadre de la sonate. Un grand moment de piano, pondéré, loin des excès que certains y mettent (Nelson Goerner, ici même… il y a peu). Ce sont les pièces de Bartók qui montrent les extraordinaires capacités physiques du pianiste. De l’exigeante Sonate, il ne fait qu’une bouchée, assumant crânement ses moments de violence. Les trois Etudes ont été enchaînées selon sa demande, dans un français exquis, avec trois études de Liszt. La fraternité de transcendance entre les deux compositeurs est saisissante. On comprend mieux la rareté de ces études de Bartók, tant la puissance et la virtuosité exigées sont immenses. Berezovsky domine toute partition. L’aisance souveraine en une simplicité de jeu dans une probité rarissime est un alliage des plus précieux. Quand je pense à certains qui histrionisent leur jeu, le calme olympien de Berezovsky est un baume. Son Liszt est de la même eau. Toute la construction des divers plans est organisée, sans chercher à appuyer la basse ou le chant. Ce Liszt est certain de la capacité du public à chercher dans ces notes si nombreuses, qui la mélodie, qui les arpèges, qui la basse, qui ….  Ce petit effort dans l’écoute pour le spectateur est récompensé par une sorte de plénitude. Tout est là, rien ne manque et la musique règne souveraine de beauté.

 

 

 

Le pianiste russe nous a offert un programme copieux, rare, passionnant

Boris Berezovsky ou le piano monde

Photo C (c) David Crookes, Warner ClassicsEn deuxième partie, sacrifiant à une sorte de mode cette année, il aborde à sa manière fluide et délicate trois petites Sonates de Scarlatti. Moment de pure grâce récréative. Car les deux œuvres suivantes sont colossales. La Sonate de Stravinski semble rendre hommage à l’âge classique mais est en fait d’une grande difficulté. Cette apparente simplicité d’écoute et l’absence de démonstrativité sont probablement les raisons de cette rareté dans les programmes des concerts. Berezovsky est impérial de hauteur technique et de don à son public. Sans la moindre fatigue apparente après ce vaste programme, Boris Berezovsky fait de la suite de Petrouchka une fête de la musique. Un piano sans limites qui peut aussi bien faire pleurer par sa délicatesse qu’impressionner par sa puissance orchestrale. Oui, Boris Berezovsky est le plus immense pianiste, capable de tout jouer et qui donne à son public généreusement la beauté dans la modestie accomplie, celle de moyens personnels incroyables et de travail qu’on sait colossal. Boris Berezovsky dans ce concert, a fait le don total d’un artiste accompli. Cet immense artiste a encore offert deux bis flamboyants à son public conquis et exigeant.

Compte rendu concerts. 37 ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins ; Le 21 septembre 2016. Ludwig Van Beethoven (1770- 1827) : Sonate pour piano en mi bémol majeur « Quasi una fantasia » Op. 27 n°1 ; Béla Bartók (1881-1945) : Sonate pour piano ; Trois études op 18 SZ 72 ; Frantz Liszt (1811-1886) : Trois études ; Domenico Scarlatti (1685-1757) : Trois sonates ; Igor Stravinski (1940-1971) : Sonate pour piano ; Petrouchka, suite ; Boris Berezovsky, piano.
Illustration : David Crooks

Compte rendu concert. 37ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins. Le 13 septembre 2016. Mozart, Ravel, Chopin, Liszt. Lucas Debargue, piano.

DEBARGUE-_-Lucas_Debargue-582-594Compte rendu concert. 37ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins. Le 13 septembre 2016. Mozart, Ravel, Chopin, Liszt. Lucas Debargue, piano. Ce jeune pianiste dénote une personnalité affirmée et une belle originalité. Le programme admirablement construit lui a permis de développer une science du piano qui termine son récital crescendo, s’achevant en apothéose. D’abord un Scarlatti lumineux, admirablement articulé et très plaisant pour nous mettre l’oreille en éveil. Puis la Sonate de Mozart K.310, déjà entendue sous les (lourds) doigts de Richard Goode mardi dernier, a été abordée avec beaucoup de nuances et un touché bondissant. L’équilibre entre Sturm und Drang et élégance a été parfait. Un peu plus de legato et de chant dans le deuxième mouvement auraient d’avantage comblé.

LUCAS D. : un sensationnel virtuose à suivre

La Ballade de Chopin a été virtuose, active, vivifiante. Point de mélancolie dans cette pièce et une joie d’un piano triomphant. Le Chopin de Lucas Debargue cherche un peu à rivaliser avec Liszt.
Après l’entracte, le triptyque de Gaspard de la nuit de Ravel a monté d’un cran la virtuosité transcendante. Ondine a été d’une eau claire avec des doigts d’une précision et d’une délicatesse extrême. L’importance des nuances fait passer d’une eau pure à un tsunami final.
Le Gibet impressionne mais ne glace pas. La mise en valeur des différents plans est très réussie avec un glas que rien ne fait diminuer. Les effets pianistiques sont ahurissants de précision. Mais un peu plus d’imagination est nécessaire pour évoquer le romantisme de cette abominable scène de gibet.
Scarbo est la pièce la plus réussie entre la virtuosité triomphante et  l’évocation du personnage cherchant à danser et à s’alléger de sa condition. Le toucher de Lucas Debargue est d’une précision admirable et rien de vient troubler le geste pianistique grandiose. Le final est proprement halluciné, hallucinant.
Pour terminer le programme la première Méphisto-valse achève de nous convaincre que nous tenons là, un virtuose à la manière d’un Evgeny  Kissin. Les doigts volent sur le clavier, les notes fusent de tous cotés et la danse infernale subjugue, mais toujours dans la clarté de l’articulation. Un très grand moment de piano nous a été offert par ce jeune prodige. Avec la maturité, il saura sortir d’une sorte de complétude à s’écouter jouer, gagnera en expression et en legato. Mais déjà les moyens considérables du pianiste méritent toute l’admiration et l’attention du public. Trois bis ont été généreusement offerts (Scarlatti et Chopin) par un artiste en nage mais heureux. Pianiste plein de promesses, désormais à suivre.

Domenico Scarlatti (1685-1757) : Sonate n° 432 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonate pour piano en la mineur K.310 ; Fréderic Chopin (1810-1849) : Ballade n°4 en fa mineur, op.52 ; Maurice Ravel (1875-1937) : Gaspard de La nuit ; Frantz Liszt (1811-1886) : Méphisto-Valse n°1 ; Lucas Debargue, piano.

Illustration : © Evgeny Eutukhov

Compte rendu, concerts. 37 ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins. Les 6 et 7 septembre 2016. R. Goode, C.Zacharias.

Compte rendu, concerts. 37 ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins. Les 6 et 7 septembre 2016. R. Goode, C.Zacharias. La fin des vacances et la rentrée des petits et grands ne représente pas le meilleur moment de l’année. Pourtant à Toulouse la rentrée est source de joie par le début du Festival Piano aux Jacobins. Le cadre du Cloître des Jacobins, la météo clémente, créent depuis 37 années le développement de soirées musicales d’exception.  Ensuite un tuilage avec la saison symphonique de la Halle-aux-Grains dans un concert commun lance la riche saison musicale toulousaine et tout s’enchaîne. Cette première semaine nous a permis d’assister aux deux premiers concerts placés sous une météo des plus estivales.

Richard Goode 2 c Steve RiskindLe 6 septembre 2016 ; Richard Goode, piano. Richard Goode a une nouvelle fois ouvert le festival. Cet invité régulier du festival représente le fleuron de l’école américaine de piano. Sa présence en Europe est bien trop rare car ses activités dans le nouveau monde sont multiples, entre autre il est le co-fondateur du prestigieux festival de Marlboro. En 2011, nous avions été subjugués par la musicalité de cet immense artiste. Ce soir n’a pas été placé sous le signe de cette musicalité d’altitude. Si les moyens du pianiste sont toujours aussi fascinants, une ligne de force constante et une certaine dureté ont dominé ses choix interprétatifs. Dans la sonate de Mozart, la frappe ferme et une sorte de raideur ont certes mis en lumière la noirceur contenue dans l’oeuvre mais ont empêché de déguster le charme et l’élégance que la Sonate contient. Les pièces extraites du Sentier herbeux de Janacek ont été toutes comme lissées sur un même moule, dans une même lumière et une unique couleur un peu vague. Cela a créé une belle respiration dans le programme.

Ensuite la violence de son Brahms a surpris par le manque de sentiment. Un Brahms noir et puissant sans concession. La richesse harmonique, la complexe charpente des pièces a été dessiné avec art, mais sans la moindre souplesse et tout romantisme a été absent.
Les extraits du Livre II des Préludes de Debussy ont été abordés avec une sonorité pleine, beaucoup de pédale, une franchise de ton qui a évité la subtilité de couleurs attendue. L’effet est étrange car c’est comme si une sorte de saturation, de lumière constamment solaire empêchait cet esprit français si sensible dans les compositions de Claude de France, de se révéler.
En fin de programme, dans le grande Sonate n°31 de Beethoven, Goode a été royal et triomphant soulevant l’enthousiasme du public. Ce grand spécialiste de Beethoven, qui a gravé sonates et concertos dans des versions acclamées, a dominé avec puissance la belle partition.
Son Beethoven est charpenté et incisif, parfois un peu massif mais toujours irrésistible. La structure comme dégagée au scalpel, avec des graves très sonores permet une interprétation majeure. La grandeur  beethovénienne a été ainsi portée au firmament par un pianiste aux moyens vertigineux dans une cataracte sonore très impressionnante.

Zacharias-Christian_c_Nicole_ChuardLe 7 septembre 2016 ; Christian Zacharias, piano. Le lendemain le concert de Christian Zacharias a été tout autre. D’aucun ont été amené à penser que le piano avait dû être changé… C’est cela la richesse de ce festival : proposer de soirs en soirs des visions si différentes de la musique sur un seul et même piano. Christian Zacharias et un musicien complet, soliste, chambriste, chef d’orchestre et compositeur. Dans sa présence au piano et dans ses interprétations cette complémentarité musicale est présente. Il a fait le choix d’un programme surprenant abordant deux compositeurs plutôt réservés aux clavecinistes. Son bouquet de Sonates de Scarlatti a permis un développement de subtilités de couleurs, des tempi nuancés, tout à fait inhabituels. La fantaisie a été le maître mot de cette interprétation si personnelle qui jamais n’a manqué d’élégance et a su doser une certaine pointe d’humour. Le changement de couleurs, de toucher et l’aération dont son jeu a été porteur, ont construit une interprétation lumineuse et délicate de la Sonatine de Ravel. Christian Zacharias rend clairement à la fois l’hommage aux anciens contenus dans la pièce de Ravel, et toute la modernité du propos. Un grand art de musicien. En effet rendre limpide le texte et le sous-texte musical avec cette simplicité est admirable et rare.
Les Sonates de Padre Soler ont également été pleines d’esprit et de malice. La main droite d’une présence incroyable a signé l’atmosphère hispanique des sonates. Cette mise en lumière de l’architecture avec cette jubilation a créé un moment aussi léger que spirituel plein de bonheur.
Avec la dernière partie consacrée à Chopin, le génial interprète a comme ouvert une dimension supplémentaire en terme de puissance émotionnelle et d’immenses moyens pianistiques assumés. Les Mazurkas sont des partitions difficiles en ce qui concerne le sentiment et l’interprétation dans une mélancolie luttant contre le plaisir du souvenir passé. Plus que les Polonaises, elles chantent l’attachement de Chopin à son passé polonais.
L’esprit et la délicatesse des phrasés, la beauté des couleurs, le rubato élégant, tout un monde de poésie est né sous les doigts magiques de Christain Zacharias. Et que dire de la virtuosité fulgurante, et la puissance orchestrale dont il est capable !
Un musicien d’exception a enchanté le piano, comme le cloître pour la plus grande joie du public (concert complet  ayant refusé du public). Il est certain que le concert de Christian Zacharias avec Tugan Sokhiev et l’Orchestre du Capitole le 17 septembre prochain à la Halle-aux-Grains atteindra des sommets de musicalité avec le si extraordinaire 5ème Concerto de Beethoven !
Merci à Catherine d’Argoubet qui sait programmer des artistes si beaux et si divers avec cette constance dans la stimulation de l’écoute.

Compte rendu concerts. 37 ème édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins. Richard Goode et Christian Zacharias.

Le 6 septembre 2016 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonate pour piano en la mineur K.310 ; Leos Janacek (1854-1928) : Sur un sentier herbeux, extraits ; Johannes Brahms (1833-1897) : 6 pièces Op.118 ; Claude Debussy (1862-1918) : Extraits du livre II  des préludes ; Ludwig Van Beethoven (1770- 1827) : Sonate pour piano n°31 en la bémol majeur, Op.110 ; Richard Goode, piano.

Le 7 septembre 2016 ; Domenico Scarlatti (1685-1757) : Sonates en mi majeur K.162, en do mineur K.226, en mi bémol majeur K183, en fa mineur K. 183, en fa mineur K.386 ; Maurice Ravel (1875-1937) : Sonatine ; Padre Antonio Soler (1729-1783) : Sonates en sol mineur N°87,en ré mineur N°24, en ré majeur N°84, en ré bémol majeur N°88 ; Fréderic Chopin ( 1810-1849) : Scherzo N°1 en si mineur, Op.20 ; Mazurkas N°1 en ut dièse mineur,Op41, en la mineur, Op. Posthume (KK2B n°4), en la mineur Op.17 n°4 ; en ut dièse mineur Op.30 n°4 ; Scherzo en si bémol mineur, Op.31 n°2 ; Christian Zacharias, piano.

Compte-rendu Opéra. Toulouse, Capitole, le 22 juin 2016 ; Charles Gounod (1818-1893) : Faust ; Nicolas Joël, mise en scène ; Anita Harding, Marguerite ; Orchestre National du Capitole ; Claus Peter Flor, direction musicale.

Compte-rendu Opéra. Toulouse, Capitole, le 22 juin 2016 ; Charles Gounod (1818-1893) : Faust ; Nicolas Joël, mise en scène ; Anita Harding, Marguerite ; Orchestre National du Capitole ; Claus Peter Flor, direction musicale. Et si nos amis allemands avaient complètement raison qui couramment débaptisent « Faust » pour le renommer « Margarete » ? D’ailleurs la pièce de laquelle est adapté le livret, est signée Carré et son titre est « Faust et Marguerite ». Car des deux Faust de Goethe, il faut bien dire que l’opéra de Gounod ne conserve que l’épisode de Marguerite. Et dans la salle bien des jeunes spectateurs se demandaient combien une romance si marquée par le modèle petit bourgeois des relations d’amour pouvaient avoir encore tant de séductions. Car cet opéra si marqué par son époque reste au top 3 des opéras représentés au monde avec Carmen et Traviata. La séduction de la partition de Gounod tiendrait donc tout l’ouvrage, et plus personne ne serait sensible à la force de la jeunesse éternelle, à l’enthousiasme des premiers transports dans la naissance de l’amour et aucun homme ne vibrerait à la pureté d’une belle vierge ?

 

 

 

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Belle reprise consensuelle de Faust à Toulouse

 

 

Quoi qu’il en soit, dépassant toutes ces questions, un beau succès a été accordé à cette production de Nicolas Joël crée in loco en 2009. Mise en scène, décors, costumes et lumières font un tout harmonieux respectant les didascalies et ne cherchant pas à moderniser artificiellement, et trop souvent avec laideur, un propos qui n’en a pas besoin. Stéphane Roche fidèle à Nicolas Joël laisse les chanteurs libres et face au public pour leurs moments engagés. Peu de gestes mais qui prennent souvent sens. Méphisto trouve en Alex Esposito un diable vif-argent, maitre loyal organisant toute l’histoire et faisant voler les difficultés d’un coup d’éventail. Véritable acteur-chanteur, il donne énergie et vitalité à la scène qu’il occupe avec panache. Vocalement le charme opère avec un timbre clair mais sonore sur tout l’ambitus. La diction nonobstant un léger accent est compréhensible. Il arrive à rendre perceptible ce léger décalage du personnage grâce à l’humour. Le Faust de Teodor Ilincai a le mérite de tenir la gigantesque partition de bout en bout, ce qui n’est pas rien ! La voix est un peu trop monocorde et manque à notre goût de couleurs comme de nuances, signalant peut être un rôle un peu trop large pour son organe. Mais l’agrément du timbre fonctionne et il est un partenaire convainquant tant avec Méphisto que Margueritte. Son jeu est par contre apathique. C’est donc la magnifique Margueritte d’Anita Hartig qui gagne tous les cœurs. Le jeux est subtil et expressif, la jeune fille idéaliste, pure et naïve, la Gretchen intemporelle, deviendra amoureuse, femme puis mère, pêcheresse rejetée, meurtrière désespérée, enfin folle de douleur avant de devenir consciente du désastre de sa vie réelle. L’évolution du personnage est particulièrement touchante et la scène finale avec le trio de la transfiguration est absolument magnifique. Vocalement cette soprano lyrique a toutes les qualités souhaitées. Un timbre riche et beau, des couleurs variées, des expressions d’une délicieuse musicalité. Le brillant du début, les vocalises perlées, laissent place au lyrisme avec un legato de rêve dans la si belle scène d’amour. La douleur colore plus sombrement la voix dans la scène du rouet, la vaillance vocale dans la scène de l’église est admirable. Mais c’est l’engagement vocal total et scénique qui subjugue dans le trio final. Son « Anges purs anges radieux » est victorieux dans une pâte sonore enivrante de beauté ! Le Valentin de John Chest est très touchant. Ce rôle, si convenu dans sa représentation de la pudibonderie, est chanté avec tant de cœur et d’une voix si sensible et belle que le personnage en devient presque attachant. Ce jeune chanteur a de belles qualités d’interprète sensible. La dame Marthe de Constance Heller est élégante et pleine d’humour, la voix claire et jeune lui donne du panache loin des matrones habituelles. Elle sait tenir sa présence dans les ensembles et sa scène de séduction avec Méphisto est un régal…Le Siebel de Maité Beaumont est hors de propos, pour donner de la vitalité a cet adolescent elle a tendance a aboyer plus que chanter. Le Wagner de Rafał Pawnuk est vocalement bien discret face aux premiers rôles. L’orchestre si particulier de Gounod est défendu ce soir par un chef que nous avons admiré in loco dans Mozart et Strauss : Claus Peter Flor. Il se saisit de la partition avec beaucoup de respect, développe la richesse harmonique, vivifie les rythmes et assume les moments pompiers, tout en développant une sonorité chambriste bien venue dans les moments tendres. Il tient les chœurs fermement et soutient les chanteurs. La plus belle réussite est avec sa Marguerite au sommet de l’émotion dans la scène du rouet. Le soin apporté aux nuances et aux couleurs sombres dans les préludes rend hommage aux qualités expressives de l’orchestration de Gounod. Les choeurs admirablement préparés par Alfonso Caiani sont magnifiques de présence vocale et de précision avec une belle allure scénique.

La voix est à la fête dans cette production, le public ravi a fait un triomphe à cette belle équipe. La fin de saison capitoline est bien heureuse !

Compte-rendu Opéra. Toulouse, Capitole, le 22 juin 2016 ; Charles Gounod (1818-1893) : Faust, opéra en cinq actes sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré créé le 19 mars 1859 au Théâtre-Lyrique, Paris ; Production du Théâtre du Capitole (2009) ; Nicolas Joel, mise en scène ; Stéphane Roche, collaborateur artistique à la mise en scène ; Ezio Frigerio, décors ; Franca Squarciapino, costumes ;Vinicio Cheli, lumières ; Avec : Teodor Ilincai, Faust ; Anita Hartig, Marguerite : Alex Esposito, Méphistophélès ; Maite Beaumont, Siébel ; John Chest,Valentin ; Constance Heller, Marthe ; Rafał Pawnuk, Wagner ; Chœur du Capitole : Alfonso Caiani Direction ; Orchestre National du Capitole ; Claus Peter Flor, direction musicale. Illustration : P. Nin

Compte-rendu, concert. Toulouse,Halle-Aux-Grains, le 18 juin 2016. Richard Wagner: L’anneau du Nibelungen, extraits. Martina Serafin; Philippe Jordan.

jordan - Philippe-Jordan-008TOULOUSE, FIN DE SAISON DES GRANDS INTERPRETES EN APOTHEOSE. Concert événement qui a permis d’entendre de larges extraits du Ring par un orchestre somptueux et son chef talentueux pour leur première venue à Toulouse. Philippe Jordan, avait émerveillé public et critiques lors de la Tétralogie montée à l’Opéra de Paris pourtant controversée scéniquement et en a gravé un CD d’extraits magnifiques, sensiblement identiques au programme de ce soir. Nous n’allons pas détailler les extraits choisis pour dégager un effet général sensationnel qui permet à travers thèmes et leitmotiv de vivre les grands moments de la cosmogonie wagnérienne. Dire que les voix ne nous ont pas vraiment manqué, c’est reconnaître combien Philippe Jordan a construit une tension dramatique et lyrique de la plus grande séduction tout du long.

Sa direction semble absolument naturelle obtenant de son orchestre une clarté digne d’un Karajan, une mise en lumière de la structure à la manière d’un Boulez, tout en ayant le lyrisme d’un Boehm en live et le sens du drame cosmique d’un Solti. En ce sens l’apothéose de la scène finale avec la soprano Martin Serafin a produit une sensation de plénitude comme d’aboutissement.

Mais n’oublions pas de mentionner la perfection instrumentale de cet orchestre incroyablement doué qui sorti de la fosse avec un nombre de musicien biens supérieur à ce qu’une fosse, même Bastille, peut contenir (les six harpes!), a fait merveille.

Couleurs rutilantes ou subtilement mélancoliques, nuances sculptées dans la matière la plus noble, phrasés voluptueux ou rugueux, mise en exergue des leitmotiv les plus rares, tout mérite nos éloges. Les geste de Philippe Jordan sont non seulement d’une noble beauté mais ils s’adressent à chaque instrumentiste avec amitié voir gourmandise.

Tempi de parfaite tenue dans un gant de velours de la main droite et gestes d’une expressivité de danseur de la main gauche, Philippe Jordan aime cette partition comme son orchestre et offre au public un bonheur incroyable. Le novice qui arrive à Wagner par ce concert n’en revient pas de la variété et de la profondeur de la partition extraite de la Tétralogie ; le connaisseur du Ring se régale de ces raccourcis et choix si complets permettant de retrouver tant de leitmotiv aimés tout en suivant les drames des héros.

Comme cette partition dramatique trouve en concert une dimension symphonique majestueuse et puissante, tout en offrant des îlots de musique de chambre !

Pour terminer, l’immolation de Brünnhilde met en lumière les extraordinaires qualités de Martin Serafin. Grande voix homogène sur toute la tessiture avec un vibrato entièrement maitrisé, elle sait projeter le texte si expressif de Wagner entre imprécations terribles, plaintes sublimes et adieux déchirants.

Le legato dès sa première phrase rappelle quelle qualité musicale elle a par ailleurs dans Mozart, Verdi et Strauss. Philippe Jordan semble développer sa gestuelle vers encore plus de lyrisme et davantage de sensualité dans une écoute parfaite qui lui permet à chaque instant de doser les nuances de son orchestre pour soutenir la voix.

Les qualités instrumentales de chacun sont tout simplement prodigieuses avec des cors délicats dans leurs attaques et leurs nuances, des cuivres dosant leur puissance jusqu’aux plus terribles sonorités, des cordes soyeuses et lumineuses, et des bois d’une expressivité incroyable se faisant chanteurs. Les percussions jusqu’aux marteaux et enclumes sont d’une précision diabolique.Enfin il est si rare d’entendre avec cette pureté les 6 harpes.

Wagner est un incroyable sorcier alliant lyrisme et symphonisme, et Philippe Jordan, un magicien liant bien des sentiments humains dans sa direction. Un moment magique.

Compte-rendu, concert.Toulouse, Halle-Aux-Grains, le 18 juin 2016. Richard Wagner (1813-1883): L’anneau du Nibelungen, extraits symphoniques et immolation de Brünnhilde. Martina Serafin, soprano; Orchestre de l’Opéra National de Paris; Philippe Jordan, direction.

Compte-rendu, concert. Toulouse, le 12 mai 2016. Weinberg,Prokofiev,Beethoven; Patricia Kopatchinskaja, Chamber Orchestra of Europe. Thierry Fischer  

Le Chamber Orchestra of Europe a la particularité de se construire sur un désir toujours renouvelé. Lorsque sa création a été décidée en 1981, c’était afin de poursuivre l’aventure commune de certains membres issus de l’Orchestre des Jeunes de l’Union Européenne. 13 membres fondateurs sont toujours présents dans cet orchestre dont l’activité est vouée aux concerts, longues tournées, enregistrements, actions culturelles et éducatives dont une académie.
Orchestre parmi les meilleurs au monde, ce n’est pas la perfection technique qui éblouit mais bien cette joie à faire la musique ensemble et à la partager avec le public.
Dès la symphonie n°10 de Weinberg dédiée aux cordes, la sonorité soyeuse des violons, le mordant des contrebasses, le velouté des alto et la chaleur des violoncelles construisent une harmonie qui provoque une vive émotion. La partition de Weinberg est puissante et porteuse de vraies surprises. En apparence moins contestataire que son contemporain et ami Chostakovitch, la richesse de composition est marquée par une mélancolie et une profondeur rare avec de riches harmonies et une utilisation audacieuse du rythme. Le saisissement du premier mouvement est adouci par les deux mouvements centraux planants et flirtant avec le silence. Le fracas des deux mouvements ultimes va comme au bout de la saturation. La direction de Thierry Fischer est pleine de poésie et de sensibilité. Les qualités de soliste et de chambriste du flûtiste trouvent un aboutissement dans cette direction essentiellement basée sur une musicalité partagée avec l’orchestre, comme envoûté.
KOPATCHINSKAYA-patricia-violon-582-Patricia-Kopatchinskaja017L’entrée en scène modeste de la violoniste moldave Patricia Kopatchinskaja intrigue plus qu’elle ne séduit. Elle débute le Concerto complètement tournée vers l’orchestre après avoir déchaussé ses mules. Cette manière si peu orthodoxe de débuter un concert va se développer tout au long du Concerto, prouvant un tempérament musical rare et assumé. Sorte d’entité tellurique cherchant à s’élever, osant des accents roques et sauvages, elle sait donner à son jeu le réveil de quelque animalité de félin. Entre danse et incantation, le premier mouvement si spectaculaire semble passer trop rapidement. Le changement d’atmosphère du deuxième mouvement, longue cantilène du violon reposant sur un orchestre pacifié, permet à Patricia Kopatchinskaja des sonorités d’une délicatesse inouïe. Son legato est infini et le son mourant au bord du silence est féérique. Le félin se fait sensuel ; il devient subtilement amoureux de la beauté pure. Les audaces et folies rythmiques du final, la danse comme improvisée et toujours pieds nus, les connivences amicales avec les instrumentistes et le chef, le plaisir partagé font complètement oublier la difficulté diabolique de ce dernier mouvement. Thierry Fischer prouve une compréhension incroyable de la construction du Concerto comme une capacité à mettre en valeur le plus petit instant. La parfaite gestion des nuances permet à la violoniste d’oser beaucoup dans les extrêmes, poussant son instrument dans ses derniers retranchements.
L’ovation du public est grandiose et les deux bis seront eux aussi très originaux et inattendus. Non pièce solo pour se faire admirer mais duos avec le premier violon puis le violoncelle solo avec qui la musicalité amicale semble au sommet. Pour de tels musiciens tout n’est que partage et don au public. La chaleur de ce désir a embrasé la Halle-Aux-Grains.

En deuxième partie de concert, la 7ème symphonie de Beethoven a poursuivi ce voyage dans la musicalité la plus passionnée. Thierry Fischer est un grand chef capable de revisiter les chefs d’œuvre trop connus. La vigueur rythmique, les phrasés d’une délicatesse incroyables, les nuances poussées à l’extrême et surtout cette liberté laissée aux instrumentistes qui osent des sonorités comme lustrées, permet une écoute jubilatoire. La modernité de cette symphonie qui faisait entre autre l’admiration de Wagner a été éclatante. Oui un concert de la jubilation partagée avec le public de bout en bout.  Une très belle soirée par de très Grands Interprètes!

Compte-rendu, concert. Toulouse, Halle-Aux-Grains, le 12 mai 2016. Mieczyslaw Weinberg ; Serge Prokofiev (1891-1953); Ludwig van Beethoven; Patricia Kopatchinskaja, violon; Chamber Orchestra of Europe. Thierry Fischer, direction.

Compte-rendu,concert.Toulouse,Halle-Aux-Grains,le 29 avril 2016. Berlioz: Roméo et Juliette.Tugan Sokhiev,direction.




Quelle soirée! Ce n’est pas la première fois que Tugan Sokhiev dirige cette admirable partition,car il l’a donnée en février à Berlin ; toutefois il se dégage de son interprétation toulousaine, une vitalité et une urgence dramatique qui a quelque chose de la fougue romantique assumée qui convient parfaitement à la tragédie la plus aimée de Shakespeare.Il me semble que cette adaptation de la pièce de Shakespeare, en une forme inouïe nommée symphonie dramatique mais qui dure près de deux heures, avec son mélange baroque de genres est la plus aboutie de toutes les illustrations musicales ou opératiques de cette tragédie. La poésie conservée de cette histoire d’amour et de cette histoire de guerre si édifiante, la liberté laissée à l’auditeur pour construire son propre monde et partager les émotions de Roméo et Juliette, de cette haine dévastatrice et folle si présente encore aujourd’hui, … tout cela produit un moment rare.

 

 

 

Chapeau bas!


Tugan Sokhiev éblouit dans Berlioz amoureux inspiré par Shakespeare : splendide Roméo et Juliette à Toulouse

 

toulouse-tugan-sokhiev-582-classiquenews-compte-rendu-critique-Roméo-et-Juliette---crédit-Joachim-Hocine

 

 


Tugan Sokhiev aime Berlioz et il le prouve une nouvelle et belle fois! Après ce même Romeo et Juliette donné à Berlin en février 2016, il a dirigé le Requiem au Bolschoï, et s’apprête à conduire dans ce même théâtre, la Damnation de Faust en juillet prochain. Il aime et comprend la partition fleuve de Berlioz comme peu le savent. Car dès les premières mesures de la fugue lancée par les alti, nous somme pris dans une aventure dont personne de sortira tout à fait le même. La beauté de la partition est fulgurante, son intelligence et sa modernité aussi. La partie centrale est cette incroyable scène d’amour à l’orchestre, plus belle que tous les duos d’opéra du monde tant Berlioz fait chanter son orchestre. Ce bijou central a été dirigé si admirablement par Tugan Sokhiev, suivi comme si leur vie était en jeux par tout son orchestre et le chœur, que le temps suspendu, a permis un retour en soi pour les amoureux de l’amour. Si ce moment crucial et central demeurera dans ma mémoire je crois qu’il est impossible de décrire tout ce qui fait la beauté et la richesse de cette symphonie dramatique. La forme est si originale et si habile à nous conduire vers la poésie de Shakespeare que je ne prendrai que deux exemples.

L’utilisation des voix solistes est d’une invention incroyable. La mezzo-soprano dans un moment qui tient à la fois du récitatif et de l’air, dans un légato à l’élégance suprême accompagné surtout par la harpe, incarne la sympathie et la bonté, la foi en l’humanité, en la poésie. Elle s’adresse au public ainsi :



Quel art, dans sa langue choisie,
Rendrait vos célestes appas ?
Premier amour ! N’êtes-vous pas
Plus haut que toute poésie ?
Ou ne seriez vous point,
dans notre exil mortel,
Cette poésie elle-même,
Dont Shakespeare lui seul eut le secret suprême
Et qu’il remporta dans le ciel !

Si d’autres textes français chantés peuvent toucher ou trop souvent faire sourire voir rire,le texte d’Emile Deschamps est d’une grande qualité tout du long. Son patient travail avec Berlioz semble porter les fruits d’une modestie de ses mots face au génie né à Stradford-upon-Avon, qui du coup révèle la poésie par la musique, faisant pour quelques temps taire la guerre entre parole et musique. 
Lors de ce qui s’apparente à un deuxième couplet, la manière dont Berlioz fait chanter sotto voce les violoncelles, est admirable de suggestion de la chaleur de la passion amoureuse naissante.
La mezzo-soprano québécoise Julie Boulianne est absolument parfaite. Voix au timbre profond mais sans vibrato large, jeunesse de couleur, et diction fluide permettent d’adhérer à son empathie pour les héros. Son souffle long et ses phrasés admirablement élégants sont d’un idéal de chant français trop peu souvent atteint.
Le ténor a une très courte intervention et son air fuse. L’art avec lequel le ténor français Loïc Félix, arrive à garder toute l’élégance de Mercucio dans son chant prestissimo est un vrai régal. Pas une syllabe qui ne soit claire comme le cristal, le tout dans un chic incroyable et avec une voix au timbre de miel. C’est un très beau passeur pour le songe de la reine Mab qui ne peut s’oublier. 
Ainsi l’originalité avec laquelle sont traitées les voix soliste permet toutefois aux interprètes de briller. Le dernier à intervenir pour l’immense final est la voix grave de Frère Laurent. Cette page opératique, véritable dialogue entre le personnage et le choeur, est la seule concession au vieil opéra, mais à quel niveau de perfection! L’exhortation à la paix, obtenue de longue lutte par le moine est un bras de fer vocal admirablement écrit par Berlioz qui ne met pas en danger son chanteur face à la vaste foule mais lui permet par une écriture habile de dominer le chœur de plus de 80 personnes. Patrick Bolleire, plus baryton que basse a l’autorité nécessaire mais peut être pas le charisme de beauté de timbre qu’un José van Dam a su y mettre. La voix est franche d’émission et la diction suffisamment précise pour en imposer et obtenir ce fabuleux serment de paix.
Tugan Sokhiev a su porter haut ce final en terme de tension dramatique et d’espoir. N’avons nous pas toujours et toujours besoin de cette paix ? 

Le choeur est lui aussi utilisé de manière particulière par Berlioz. Petit chœur ou grand chœur. A capella ou à peine accompagné par la harpe, soutenu par un orchestre immense ou final dramatique puissant. Il tient à la fois du chœur antique et moteur actif du drame. Le chœur catalan Orfeon Donostiarra, admirablement préparé par son chef, José Antonio Sainz Alfaro, a rendu hommage au génie de Berlioz dans toutes ses facettes. Porté par la direction sensible à main nue de Tugan Sokhiev, il a su donner en émotion, distance descriptive ou sentiments humains tout ce qui construit la dramaturgie de l’œuvre. Seul petit regret la diction n’a pas permis de tout comprendre.Mais quelle splendeur sonore!

L’orchestre du Capitole a été merveilleux, impossible de décrire chaque moment superbe des solistes. Les violons ont été royaux autant dans les piani et les phrasé aériens, les effets magiques de la reine Mab, que dans la violences déchirante du final avec des traits comme des coups d’épée. Les violoncelles amoureux ont été voluptueux. Un exemple de l’orchestration inouïe de Berlioz: cette plainte dans la scène du tombeau portée par quatre bassons, le cor anglais et les cors alternativement. Cela construit une sonorité lugubre et belle, fascinante en sa lumière noire et inoubliable.
Berlioz peut compter sur un chef et un orchestre de toute première grandeur. Tugan Sokhiev et l’Orchestre National du Capitole ont été magnifiques ce soir. Chapeau bas! Grande soirée Berlioz et bel hommage aussi à Shakespeare.

 

 




Compte-rendu,concert.Toulouse,Halle-Aux-Grains,le 29 avril 2016.Hector Berlioz(1803-1869): Roméo et Juliette, symphonie dramatique,op.17; paroles d’Emile Deschamps. Julie Boulianne,mezzo-soprano; Loïc Félix,ténor; Patrick Bolleire,basse; Choeur Orfeon Donostiarra (chef de chœur: José Antonio Sainz Alfaro); Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev,direction.

 

 

Compte rendu, concert. Toulouse, le 4 mars 2016. Azagra, Beethoven… Vadim Gluzman, Tugan Sokhiev

Dès les premiers accords de prélude du jeune compositeur hispanique la qualité de la composition rejoint celle de l’interprétation et le public a été conscient de vivre un grand moment. Cette création, commande de l’orchestre du Capitole prouve combien l’orchestre et son chef sont engagés dans la défense de la musique contemporaine. La grande sagesse du compositeur David Azagra permet aux oreilles de se détendre et d‘accepter une partition lyrique qui se déploie avec générosité. L’appel à une énergie supérieure est perceptible et crédible  mais la nostalgie de certains moments n’est pas sans évoquer le cor anglais  de Tristan et Yseult de Wagner. La beauté de l’orchestre est un enchantement, de couleurs et de nuances subtiles.

 
 
 

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De son côté, le concerto pour violon de Beethoven avec l’interprétation de Vadim Gluzman restera comme un moment de bonheur total proche de l’inouï.  Ecoutant avec gourmandise l’introduction de l’orchestre, ce musicien d’exception cherche à se couler dans le son de l’orchestre. Cest ainsi qu’avant son entrée, il joue avec le tutti des premiers violons comme pour faire corps avec la musique de l’orchestre et le tempo. La direction vivante et fougueuse de Tugan Sokhiev obtient de très beaux phrasés des musicien et des nuances variées. Le romantisme de la partition s ‘exprime par la générosité du son qui se déploie avec puissance. L’orchestre sera tout du long un partenaire très présent pour le soliste . Il faut dire combien Vadim Gluzman obtient de son Stradivarius une sonorité hédoniste et généreuse … laquelle semble flotter au dessus de tout.  Même dans les forte, le violon plane dans la lumière  et n’est jamais éteint. Ses coups d‘archets sont parfois étonnants car ils vivifient des moments trop connus. Il est admirable de sentir combien cette partition de Beethoven retrouve dans cette interprétation une vivacité, un élan bien souvent perdu sous une trop complaisante tradition. Ici le chef et le soliste, main dans la main, semblent dépoussiérer la partition et lui rendre l’audace qu’elle contient. Le mouvement lent est un chant d‘amour paisible et radieux et le final une danse de la vie splendide. Cette interprétation sensible et vivante restera dans les mémoires de tous spectateurs privilégiés de la Halle-aux-Grains comme des auditeurs de Radio Classique en direct ou les spectateur de Mezzo à venir.

Pour entretenir la relation d’amour du public avec Vadim Gluzman, il revient avec un extrait pour violon seul des sonates et partitas de Bach. Même sous un tonnerre d‘applaudissement, il a bien fallu laisser partir celui qui est tout simplement l‘un des plus grand violonistes du moment.

Pour  terminer ce magnifique concert la beauté et la puissance de la partition de Bela Bartok a représenté un pur moment de grâce. Le début de cette suite du Prince de bois fait penser à une sorte de création du monde avec l’utilisation si richement évocatrice des instruments les plus graves pianissimo. L’Or du Rhin de Wagner n’est pas loin. L’effet est sidérant mais la suite de cette pièce est tout à fait incroyable. L’orchestre est gigantesque qui utilise même deux saxophones. Il est demandé aux musiciens une concentration incroyable avec en particulier des rythmes fort complexes. Cette musique a quelque chose d’athlétique dans cette exigence de maitrise instrumentale totale et cette capacité à rendre naturels des rythmes d’une complexité inénarrable.
La manière dont Tugan Sokhiev dirige est un pur bonheur partagé. Souriant et heureux, il semble organiser jusqu’au moindre détail de cette formidable partition. Chaque instrumentiste est à la fête et semble donner tout ce qu’il peut pour participer à la fête. Les nuances sont richement creusées et le crescendo final est presque insoutenable de puissance. La beauté de la direction de Tugan Sokhiev, celle de ses gestes comme de toute sa manière d‘être, font merveille. Un seul regret : dommage que nous n’ayons pu profiter du ballet dans son intégralité, car nous savons quel chef de théâtre est Tugan Sokhiev et combien il aurait su lui rendre justice. Car la partition est la moins connue et la moins jouée des pièces dramatiques de Bartok. En effet l’opéra le Chateau de Barbe Bleue a trouvé son public, et récemment à Toulouse, mais également le Mandarin Merveilleux est plus joué que ce Prince de bois. Tugan Sokhiev nous avait  offert une suite d’orchestre sensationnelle  à Toulouse déjà en 2008. Ce soir pourtant il semble particulièrement maitriser la complexité de l’oeuvre avec joie et aisance. La maturité  est magnifique et l’entente si belle avec l’orchestre du Capitole porte ses plus beaux fruits, comme une corbeille en forme de corne d ‘abondance. Ce concert a uni des musiciens de grand talent et des compositeurs au génie souverain. Le jeune Azagra n’a pas démérité ce qui laisse augurer de bien belles compositions à venir.

Toulouse ; La Halle-aux-grains, le 4 mars 2016 ; David Azagra (né en 1974) : Prélude, création mondiale ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concert pour violon et orchestre en ré majeur, op.61 ; Béla Bartók (1881-1945) : Le prince de bois, suite d ‘orchestre op.13 sz .60 ; Vadim Gluzman , violon ; Orchestre national du Capitole de Toulouse; Direction : Tugan Sokhiev.

Compte-rendu concert. Toulouse, Halle-aux-Grains, le 12 février 2016.Ravel, Adams, Holst. Nicholas Collon.

Si d’aucun se plaignent d’une programmation sans originalité, ce concert vient en contre pied nous surprendre. Le chef d’orchestre Nicholas Collon est inclassable tant il est déjà en possession d’un répertoire immense. Il a créé l’ Aurora Orchestra à Londres et bénéficie d’une aura intrigante. Son répertoire est vaste et va de Bach aux compositeurs du XXI ème siècle. Lui confier la direction de ce programme coule donc de source. Lui adjoindre le plus jeune et le plus talentueux violoniste américain se comprend aisément. Et leur confier le terrible Concerto de John Adams relève d’une idée géniale.

 

hoops chad violon

 

 

INTERSIDERAL, UN CONCERT QUI A DECOLLE….  Nous avons en effet pu bénéficier d’une interprétation passionnante de cette oeuvre encore bien rare. Le Concerto  a été composée en 1993 et crée par Gidon Kremer. Le jeune Chad Hoops,  âgé de 21 ans est un interprète incroyablement sûr de lui, mature dans son abord de l’instrument. La solidité de son jeu, la sûreté de ses phrasés, l’autorité de sa virtuosité sont inimaginables. Le son est rond, puissant sans violence. Il maîtrise car comprend parfaitement cette partition complexe. Si le premier mouvement est orchestralement un peu trop envahissant jamais une cadence finale n’aura été si bienvenue. Enfin le violon a pu chanter à sa guise.  Le mouvement central est le plus lyrique, le plus mélancolique aussi. Apparenté à une chaconne, le mouvement permet au violon de planer et chanter délicatement. Le final est d’une virtuosité diabolique ; Chad Hoopes ne semble pas frémir et s’engage dans la bataille dont il sortira vainqueur. Tout au long de l ’oeuvre,  la riche orchestration laisse toujours la première place au violon. L’habileté de l’écriture est de ce point de vue tout à fait remarquable. En bis, le violoniste à l’incroyable sureté technique et la musicalité royale a joué un extrait apaisant de la Fantaisie n° 9 de Georg Philipp Telemann.

Le programme avait débuté par les Valse nobles et sentimentales de Ravel. L’orchestre du Capitole en a donné une interprétation riche et contrastée. La modernité de l’écriture, la profondeur des nuances et l’implacabilité du rythme ont été magnifiquement mises en valeur par la direction de Nicholas Collon. Très souple, toujours souriant, il a un plaisir communicable à davantage jouer avec l’orchestre que le diriger. Ce jeune chef a une manière d’être à la tête de l’orchestre qui fait penser à ceux qui font de la musique avec les instrumentistes plus qu’il ne sont  « chef » . L’entente avec le soliste a semblé idéale comme avec chaque instrumentiste de l’orchestre.

La deuxième partie du concert a été consacrée aux Planètes de Gustav Holst. Au corps défendant du compositeur, qui a finit par être irrité du succès de cette oeuvre, admettons qu’elle fait toujours un grand effet sur le public. Oubliant certaines longueurs, le public de la Halle-aux-Grains a fait un triomphe aux interprètes; il faut bien reconnaitre que le début par Mars dans une ambiance d’apocalypse fait un effet fulgurant. La « psychologisation » de chaque planète avec un titre spécifique, fait ensuite son effet. Il ne s’agit pas d’une musique à programme habituelle car personne ne peut connaitre vraiment les planètes de notre système solaire et seules les représentations imaginaires sont permises. D’ailleurs lors de la composition Pluton n’avait pas été découverte et Holst ombrageux du seule succès de cette oeuvre au détriment du reste de ses compostions, refusa de composer la moindre note pour la nouvelle planète. Que pouvait il rajouter? Les effets orchestraux sont subtilement entremêlés, rythmes, harmonies complexes, utilisation inhabituelle des instruments. Tout permet à l’imaginaire de fonctionner à fond et sans besoin de prise de substances toxiques!  Les couleurs, les nuances, la complexité des empilements ont richement été mis en lumière par la direction inspirée de Nicholas Collon. Les interventions magiques du choeur de femmes invisibles a été un moment d’émotion indicible (Choeurs du Capitole, admirablement préparés par Alfonso Caiani).  Un grand concert en forme de voyage intersidéral abouti qui a amené le public heureux au seuil de ses plus beaux beaux rêves. Valses, courses, vols terriens, puis voyage extraterrestre vers le soleil… en toute liberté… Que de beautés!

 

 

Compte-rendu concert. Toulouse, Halle-aux-Grains, le 12 février 2016 ; Maurice Ravel ( 1875-1937) : Valses nobles et sentimentales ; John Adams ( né en 1947) : Concerto pour violon et orchestre ; Gustave Holst (1874-1934): Les planètes; Chad Hoopes, violon ; Choeurs du Capitole (chef de choeur ; Alfonso Caiani) ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction: Nicholas Collon.

 

 

 

Compte-rendu, concert. Toulouse, Halle aux grains, le 5 février. Ravel, Beethoven… Nicholas Angelich, piano.

angelich nicholasangelichc2a9sonjawernerNé aux États-Unis, Nicholas Angelich est pourtant un digne représentant de l’interprétation pianistique française. Son Concerto en sol de Ravel ce soir, a été un vrai régal. L’écoute d’un orchestre qu’il connaît bien et qu’il semble apprécier tout particulièrement, participe de cette belle interprétation en entente mutuelle. Le toucher racé du pianiste, son mélange de force et d‘élégance, sa parfaite maîtrise de toute une gamme de nuances, rendent son jeu très vivant. De belles couleurs irradient en particulier dans le mouvement central lent qui a été le moment magique du concert. La longue et délicate introduction du piano nous a conviés dans un monde de beauté mélancolique et de poésie élégante. Le final dans un tempo vif a permis au piano superbement maitrisé d‘Angelich de briller. Quelle aisance dans les rythmes parfaitement «Jazzy » ! L’orchestre a été brillant et très haut en couleurs. Des cordes pures, des bois exceptionnels, des cuivres taquins, des percussions en gloire.

 

 

 

 

Nicolas Angelich à Toulouse, un nouvel enchantement

 

Avant ce grand moment musical, le cycle de Ma Mère l‘Oye dirigé par Gustavo Gimeno n’a pas atteint le niveau de poésie ni la subtilité à laquelle nous sommes habitués à Toulouse. Un chef dont la préoccupation semble davantage maîtriser l’orchestre que de faire de la musique avec des instrumentistes d‘exception. La manière de battre la mesure lors du solo du cor anglais a fait s‘époumoner notre magnifique Gabrielle Zaneboni sans lui permettre de retrouver son phrasé naturel habituel. Ceci est un exemple de ce qui est peut être un manque de confiance du jeune chef, ou son peu de sensibilité à la dimension chambriste que la musique symphonique contient.

La Troisième symphonie de Beethoven a procédé de ce même combat, gagné par le chef à l’arrachée, avec une métrique implacable. Le sous-titre de la symphonie ne nous semble pas suggérer cet héroïsme là …

Il nous restera le grand plaisir d’avoir pu retrouver Nicholas Angelich que le public toulousain adore. Son bis de Schumann (Träumerei, extrait des Kinderszenen) a été un moment de pure grâce céleste.

 

 

 

Compte-rendu concert. Toulouse. Halle-aux-grains, le 5 février 2016 ; Maurice Ravel (1875-1937) : Ma mère l’Oye, cinq pièces enfantines ; Concerto pour piano et orchestre en sol majeur ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°3 « Héroïque » en mi bémol majeur ; Nicholas Angelich, piano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction : Gustavo Gimeno.

Compte rendu, concert. Toulouse, Halle aux Grains, le 18 janvier 2016. Mendelssohn, Beethoven… Martha Argerich, Kamerata Baltica

argerich_alix_Laveau_emi_pianoVoilà un concert qui fera date. Merci aux Grands Interprètes! D’abord la découverte de la sonorité soyeuse d’un orchestre de cordes des plus rares. Fondé par Gidon Kremer il y a 15 ans, cet orchestre de chambre (Kremerata Baltica) fait le tour du monde : 1000 concerts en 15 ans! Félix Mendelssohn juvénile (à peine 16 ans) et brillant est magnifié par l’énergie et la beauté sonore de ces cordes. Un pur bonheur de texture, rondeur et délicatesse. Sans chef et avec une complicité de chaque instant chacun est engagé comme rarement. Après cette perfection instrumentale et cette beauté qui crée l‘émotion la plus pure, la deuxième oeuvre  au programme en a saisi plus d’un. La suite de pièces des Saisons de Tchaikovsky qui sous les doigts récents du pianiste Lang Lang avait semblé sans émotions (NDLR : cf notre compte rendu critique du récital Lang Lang à Versailles), a ce soir, rendu perceptible ce qu’est l’humour le plus brillant en musique. Alexander Raskatov est un compositeur Russe incroyablement doué, aussi  sérieux qu’iconoclaste. Il se permet d’utiliser le composteur Russe le plus connu, Tchaikovski, pour faire de sa suite des Saisons, une peinture humoristique digne de Charlie Hebdo. Avec une grande culture, le sens des phrases musicales est détourné, inversé, voir bafoué…  et les Saisons deviennent un moment de fou rire tant pour les musiciens , qui se saisissent de percussions ou de minuscule trompettes, que pour le public. Moment de jubilation réalisé avec une perfection instrumentale sidérante. Le piano préparé, les appeaux, tout est musique et fait mouche.

Après un court entracte, la transcription des images d‘Orient de Schumann par Friedrich Hermann est très réussie avec une complémentarité réjouissante entre le quatuor à cordes par moments et tout l’orchestre. Notons que la beauté des couleurs, la tenue rythmique impeccable et les nuances très abouties évitent toute monotonie à ce superbe orchestre de cordes.

Beethoven : la fée Martha

Pour la dernière partie du concert, Martha Argerich fait son entrée avec modestie. Très rapidement sa démarche qui a pu paraitre hésitante, se raffermit à la vue des musiciens de l’orchestre et lorsqu’elle prend place au milieu d‘eux, il est aisé de deviner qu’elle est tout à son aise. Sa chevelure est d’argent, son sourire de velours. On dit que ce Deuxième Concerto de Beethoven est son préféré : nous le croyons!  Lorsqu’elle écoute avec gourmandise la longue entrés de l’orchestre, il est clair qu’elle hume un parfum qui l’enchante. Il faut dire que les cuivres et vents qui ont rejoint les cordes font merveille, en couleurs, nuances, présence chaleureuse.

La manière dont Martha Argerich se jette à son tour dans la musique tient de l’émotion impatiente d’une enfant sage qui a longtemps attendu son plus grand plaisir. Il m’est impossible ensuite de décrire sagement cette interprétation tout à fait unique. Car ce qui se dégage de ces minutes pour l’éternité est un partage de joie à faire de la musique au sommet. Martha Argerich a des doigts de fées qui savent se faire oublier. Comme il est cruel pour tous les pianiste qui se croient sérieux quand cette dame faite musique fait oublier totalement son instrument. C’est de la pure musique qui émane de sa personnalité mystérieuse et proche à la fois. La délicatesse du toucher est mozartienne et l’énergie, insatiable. Le délicat rubato donne vie à chaque phrase. La manière de se glisser dans l’orchestre ou de donner l’impression qu’il sort de ses fins de phrases est de la pure magie. Les notes de perles légères sont d’une pureté immaculée. L’Andante est un moment de partage accompli entre Martha et tous les musiciens. Même les abominables tousseurs du public ont su se taire, c’est dire! Le final caracole et vole à tire d‘ailes dans une joie sans limites. Toute notion de virtuosité s’évanouit : la Musique, c’est facile : c’est comme Martha respire.

Le bis permet de retrouver Martha Argerich seule et heureuse de jouer du Scarlatti avec des notes répétées comme une folie douce. Un pur bonheur. Mais la grande générosité des musiciens a été de nous donner en bis tout le dernier mouvement du Concerto. Introduite par Martha Argerich dans un tempo jubilatoire, c’est une véritable explosion de bonheur musical auquel nous assistons. Un feu d’artifice irradiant!

Un très grand concert ce soir avec d’immenses musiciens, et Martha, impératrice magique pour une musicalité absolue.

 

Compte Rendu Concert. Toulouse.Halle-aux-Grains, le 18 janvier 2016; Félix Mendelssohn (1809-1847): Symphonie pour cordes en ré mineur n°7 ; Piotr Illitch Tchaikovski ( 1840-1893)/ Alexander Raskastov ( né en 1953) : Les Saisons ; Robert Schumann (1810/1856) / Friedrich Hermann (1827-1907): Images d ‘Orient,Opus 66; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano n°2, en si bémol majeur,Opus 19 ; Martha Argerich, piano; Kremerata Baltica;

 

 

Compte rendu, concert. Concert du Nouvel An à Toulouse. Le 1er janvier 2016. Tchaikovski, Bellini, Chostakovitch… Tugan Sokhiev…

Sokhiev_Tugan_Tugan-Sokhiev2-credit-Mat-HennekSalle comble ce 1er janvier 2016 pour le deuxième concert du nouvel an. La veille au soir les musiciens avaient offert le même programme aux toulousains. Un public rajeuni, et expressif a ovationné les artistes après chaque pièce. Cette relation de plaisir et de confiance entre musiciens, solistes, chef et public a été le moteur d’une alchimie sophistiquée. Car ce programme qui en apparence comprend des pièces « faciles » est en fait exactement construit pour mettre en valeur toutes les facettes de la musique et la subtilité des instrumentistes. Thème général russe certes, avec un joyau belcantiste en son sein du plus sensibles des compositeurs de bel canto italien : Vincenzo Bellini (Concerto pour hautbois). Cela fonctionne à merveille et la délicatesse, la longueur de souffle, l’élégance et la beauté sonore du hautboïste ont apporté une instant de magie fraiche et nuageuse au milieu de couleurs flamboyantes et de rythmes irrésistibles. Car si le hautbois d’Alexeï Ogrintchouk est fêté dans le monde entier, le soliste et chambriste inestimable a semblé pendre un plaisir immense lors de l’interprétation des arabesques, volutes et phrases planantes du concerto de Bellini sous la direction lyrique de Tugan Sokhiev. L’entente a été admirable entre les musiciens. L’humour et la malice du final prestissimo ont renforcé encore une complicité exquise.

 

 

 

Concert du Nouvel An : Sokhiev, Maestro Crescendo !

Les extraits des principaux ballets de Tchaïkovski ont été un enchantement sous la direction si idiomatique de Tugan Sokhiev. Nous avons toujours loué ses interprétations de Tchaïkovski dont il a régalé Toulouse à l’opéra comme au concert.   Même en extraits si précis, le charme de la théâtralité opère, chaque extrait est situé dans l’histoire du ballet. En état de grâce le chef a dirigé tout le concert sans baguette dans un don complet de sa personne. Gestes expressifs de danseur, d‘escrimeur, de cavalier, de torero, sourire aux lèvres, yeux noirs ou malicieux, le spectacle de cette gestuelle à l’esthétisme rare a été un enchantement à lui seul. Musicalement les instrumentistes ont tous brillé, explosant de virtuosité et de beauté sonore. La direction si souple de Tugan Sokhiev obtient pourtant une précision rythmique incroyable. Les phrasés sont larges et toujours chantants, les couleurs variées tour à tour éblouissantes ou mordorées, les nuances portées par les mains si expressives du chef atteignent des sommets. Au point que Tugan Sokhiev peut être proclamé « Maestro Crescendo ».

La deuxième partie du concert quitte Tchaïkovski pour Katchaturian et sa Danse du sabre si prompte à mettre en valeur les percussions. Mais ce sont peut être les danses de Chostakovitch qui seront les plus irrésistibles en raison d’un humour incroyable de l’orchestration. Le trombone à coulisse de « Tea for two » ayant la palme,  indiscutablement. Le final par la (trop) courte suite de 1909 de l’Oiseau de Feu de Stravinski élargit l’espace sonore avec un crescendo final éblouissant de force maitrisée. Maestro Crescendo oui vraiment, merci Tugan Sokhiev pour ce programme si stimulant permettant de commencer l’année en pleine énergie !

Pris au piège de son succès, alors qu’un premier  bis a été donné (la vocalise de Rachmaninov ayant permis le retour du hautboïste sublime), puis la marche de Radetzky (Johann Strauss père) mettant le public sous la direction du chef avec un charisme incroyable, une partie du public a houspillé Tugan en  lui faisant comprendre qu’il n’était pas d ‘accord avec la fin du concert, lorsque celui ci voulait partir. Avec un « on ne m’a jamais fait cela », bousculé, mais heureux, Tugan Sokhiev est revenu diriger, musiciens et public pour la reprise de la fameuse marche de Radetzky : un Grand moment de complicité et de partage. Avec un tel chef, un si bel orchestre  et un pareil public, l’année musicale s’annonce …. fabuleuse à Toulouse.

Compte Rendu Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 9 décembre 2015 ; Wolfgang Amadeus Mozart ( 1756-1791) : Symphonie concertante pour vents en mi bémol majeur KV.297b ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 10 en mi mineur op.93 ; David Minetti, clarinette ; Olivier Stankiewicz, hautbois ; Jacques Deleplanque, cor ; Estelle Richard, basson ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction.

Ce concert a été ouvert dans la bonne humeur, l’élégance et la musicalité la plus subtile. La Symphonie concertante pour instruments à vents de Mozart est une œuvre très belle, aux proportions parfaites et à l’équilibre idéal entre solistes et orchestre. L’originalité de l’association de la clarinette, du hautbois, du cor et du basson dans un orchestre classique bien étoffé en fait une œuvre symphonique enrichie et non un orchestre accompagnant des solistes. Les quatre compères sont tous solistes de l’Orchestre du Capitole (ou l’ont été). Cela se voit par une complicité et une écoute, rares et émouvantes, et cela s‘entend par un même phrasé, une même vision de la musique. Les trois mouvements passent comme un rêve avec des moments d’émotions, de joie, d’humour.

Au sein de l’Orchestre du Capitole, se distinguent plusieurs tempéraments solistes

Quels Artistes !

Sokhiev_Tugan_Tugan-Sokhiev2-credit-Mat-HennekLa très belle introduction orchestrale dirigée avec amour par Tugan Sokhiev permet aux solistes de se sentir accueilli pour développer leurs extraordinaires qualités de son, de phrasé et de nuances. Quand la beauté prend ainsi le devant tout paraît évident. La sonorité mozartienne de la clarinette de David Minetti nous est connue, lui qui est un interprète si inspiré du Concerto de Mozart, qui sous la baguette de Tugan Sokhiev nous avait déjà enchanté. Beauté du son, longueur de souffle, nuances piano irréelles, cet artiste a tout d’un musicien d‘exception, le compter dans l’orchestre du Capitole est une chance, nous le savons. Le hautbois d’Olivier Stankiewicz est plus rare dans l’orchestre ces temps ci,  il joue outre-Manche dit-on. Ce soir sa complicité avec l’orchestre, le chef et ses collègues est source de bonheur partagé. Et quelle sonorité !  Ce hautbois rond au son plein et fin à la fois, qui sait nuancer et phraser à la perfection est une vraie bénédiction. Cette musicalité succulente avec cette rondeur de son évoque quelque dessert à la pêche. Quand nombres d‘orchestre et même de haut rang ont des hautbois trop citronnés.

De son côté, Jacques Deleplanque, fait les beaux soirs de l’orchestre dans des soli de cor toujours admirables. Ce soir, même si il a un peu bataillé avec «  sa tuyauterie » entre ses interventions, non sans humour. Il a su prouver que le cor est aussi fin et précis que les bois, rivalisant de rondeur avec le hautbois, de chaleur avec la clarinette, de profondeur avec le basson. Cet artiste qui a été remarqué très jeune par Boulez, est soliste internationalement connu, il est également  professeur à Paris. Estelle Richard, petite benjamine de l’orchestre est basson solo depuis 2011. Son aplomb, la délicatesse de son jeu, sa sonorité toujours chaude et rayonnante ont su assurer un tapis de velours épais dans les dialogues quand la légèreté de sa virtuosité et sa grâce dans les soli ont été remarquables. Et toujours ces phrasés complices entre tous. Dans le final, le jeu de duel à fleuret moucheté entre les quatre solistes a été un moment d’humour et de joie partagée inoubliable. Après un final enthousiasmant, le public ravi fait un triomphe à ces musiciens si complices. Le bis qui a toute la saveur mozartienne est en fait la cassation d’un contemporain :  Johann Georg Lickl,  autre ravissant joyau de complicité. Que du bonheur !

Parcours de la terreur

La deuxième partie du concert a complètement changé d‘atmosphère avec un orchestre grandement enrichi. Après la lumière et le joie, le malheur et l’enfer. La dixième symphonie de Chostakovitch est un cri, une déclaration de guerre à la barbarie. Staline est mort et Chostakovitch si tourmenté par la censure stalinienne, se sent enfin libre d‘exprimer ce qu’il ressent depuis tant d‘années noires. La douleur est ce soir présentée avec rigueur et puissance par Tugan Sokhiev. La lugubre plainte des contrebasses et cordes dans le grave qui ouvre la Symphonie et évolue longuement, gagne en force et en puissance d’horreur. L’ampleur du son jusqu’au fortissimo glace le sang. Ce long premier mouvement agit comme le parcours d’un champ de ruine et de mort, celui dont les hommes sont capables hier comme aujourd’hui. Une telle désolation est difficilement supportable quand la beauté du son de chaque pupitre, chaque solo (clarinette, flûte, basson et contre-basson, cuivres) exalte la douleur et la maitrise de la construction par le chef est si exacte, avec des silences si habités. Tugan Sokhiev est dans son élément et ce n’est pas la première fois que le public ressent combien son interprétation est idiomatique. Le mouvement Vivace qui suit, ajoute par sa frénésie à l’horreur comme si la mécanique bien huilée de la persécution s’emballait. Les instrumentistes rivalisent de virtuosité dans le tempo d‘enfer choisi par le chef. Dans la troisième partie Tugan Sokhiev met en valeur la construction du morceau autours du thème (signature musicale DSCH – (NDLR : pour Dmitri SCHostakovitch- : ré, mi bémol, ut, si), comme des ricanements sarcastiques. La danse est à la fois grotesque et enthousiasmante dans sa force de persuasion. Danser au bord du gouffre mais danser avec folie… Les deux derniers mouvements enchainés sont comme une revisitation en accéléré de ce parcours de la terreur. On ne peut à l’écoute de cette musique éviter de penser à notre époque en sa violence sourde. Non, nous ne sommes pas à l’abri … freinera t-on cette course à l’abîme ?

Les instrumentistes atteignent un degré de concentration extrême, poussés à bout par un chef galvanisé. Comme chaque fois, Sokhiev sait construire le crescendo jusqu’à la fin dans un effet théâtral saisissant.

Le public comme choqué est intarissable d ‘applaudissements. Un tel voyage de la joie au désespoir n’est pas banal. Quelle force émane de la musique lorsqu’elle est défendue ainsi ! Bravo et merci  à tous. Artistes comme politiques qui investissent avec justesse dans la culture. La salle était à nouveau pleine ce soir et le public jeune confirme son amour des concerts. Soirée pleine d’espoir, d’accomplissement, très encourageante.

Compte-rendu concert. Toulouse : La Halle-aux-grains ; le 10 novembre 2015. Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Les Saisons, op.37a ; Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Concerto Italien, en fa majeur BWV 971 ; Frédéric Chopin (1810-1849) : Scherzo n°1 ; n°2 ; n°3 ; n°4 ; Lang Lang : piano.

Compte rendu, récital du pianiste Lang Lang à Toulouse. Le Pianiste d‘origine chinoise Lang Lang est un artiste très particulier qui attire au concert  un public tout à fait inhabituel. Ce récital de piano était complet depuis longtemps et il ne restait plus une place libre dans la Halle-aux-Grains ce soir. Le succès considérable qu’il rencontre partout et la sympathie que cet artiste fait naître chez le public sont inouïs. Son air de jeunesse sorti à peine de l‘enfance , son énergie décuplée dans les moments de virtuosité en font un enfant prodige éternel.

 

 

 

LANG LANG ovationné à Toulouse

 

lang-lang-piano-recital-concert-review-critique-compte-rendu-piano-lang-langLa rapidité des traits subjugue et le sucre de ses mouvements lents régale. Pourtant à l‘écoute plus attentive son interprétation des saisons de Tchaïkovski manque de lignes, de couleurs, de nuances. Son Bach est clair, lisse et brillant dans l‘ouverture du Concerto Italien en fa majeur. Mais la guimauve de l‘Andante peut lasser les palais délicats. Le presto final est parfait de vie et d‘énergie communicative. Dans Chopin, il nous manque la science de la construction que d’aucun savent y mettre. Certes les quatre Scherzi sont virtuoses et mettent mieux en valeur les extraordinaires capacités du pianiste! Ainsi l’éblouissement dans les traits furieux est à son comble. Pourtant dans leur pâleur les parties lentes sont comme juxtaposées sans lien avec ce qui précède ou ce qui suit. Il se dégage une absence de structure, une non mise en valeur de la construction dans ces 4 Scherzi pourtant si complexes. Ce pianiste à la jeunesse si insolente pourra-t- il, sans perdre une importante partie de son charme, rentrer dans un âge plus mûr ?  Ce concert ne permet pas de le croire encore. Mais Lang Lang n‘a que trente ans et n’a pas encore trouvé son répertoire d‘élection. Les bis généreusement offerts prolongent un intense contact avec le public, mais son sens de la danse ne se déploie pas plus dans le tango qu’il ne s’était invité chez Bach.
Le plaisir de ce piano intense, franc et sans complexité est réconfortant dans une époque si sombre. Nous avons besoin de croire que la jeunesse existera toujours avec insolence et légèreté. Et Lang Lang a cette jeunesse éternelle sous ses doigts et rassemble un public varié et plus jeune que d‘habitude. Son public, ravi, lui a fait une véritable ovation à Toulouse ce  soir.

Compte-rendu concert. Toulouse : La Halle-aux-grains ; le 10 novembre 2015. Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Les Saisons, op.37a ; Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Concerto Italien, en fa majeur BWV 971 ; Frédéric Chopin (1810-1849) : Scherzo n°1 ; n°2 ; n°3 ; n°4 ; Lang Lang : piano.

Compte rendu critique, opéra. Toulouse, Théâtre du Capitole, le 9 octobre 2015, Luigi Dallapiccola (1904-1975) : Le Prisonnier ; Opéra en un acte avec prologue sur un livret du compositeur d’après Villiers de l’Isle-Adam ; créé en concert le 1er décembre 1949 à Turin ; Béla Bartók (1881-1945) : Le Château de Barbe-Bleue ; Opéra en un acte et un prologue sur un livret de Béla Balázs ; créé le 24 mai 1918 à l’Opéra de Budapest ; Nouvelle production du Capitole ; Aurélien Bory : mise en scène ; Taïcyr Fadel ; collaborateur artistique du metteur en scène ; Vincent Fortemps : artiste plasticien ; Aurélien Bory, Pierre Dequivre : scénographie ; Sylvie Marcucci : costumes ; Arno Veyrat : lumières Avec : dans Le Prisonnier : Tanja Ariane Baumgartner, La Mère ; Levent Bakirci, Le Prisonnier ; Gilles Ragon, Le Geôlier / L’Inquisiteur ; Dongjin Ahn, Jean-Luc Antoine , Deux Prêtres. Dans Le Château de Barbe-Bleue : Bálint Szabó, Barbe-Bleue ; Tanja Ariane, Baumgartner, Judith ; Yaëlle Antoine, Le Barde (Prologue) ; Orchestre national du Capitole ; Chœur du Capitole , (direction Alfonso Caiani) ; Direction musicale : Tito Ceccherini.

Toulouse, passionnante ouverture de saison 2015-2016 au Capitole. Le Château de Barbe-Bleu est une si belle œuvre que lui chercher un compagnon relève de la folie. Une oeuvre si belle, si dense et si profonde, qui exige tant du spectateur plongé dans des abîmes philosophiques où l’orchestre est absolument fabuleux et qui demande deux grandes voix, suffirait en intensité. Mais le compte temps n’y est pas. Un peu, toute proportion gardée,  comme dans Didon et Enée de Purcell.

Bartok-dallapiccola-balint-szabo-toulouse-capitole-octobre-2015
 

Château magnétique au Capitole

Le Capitole a su rendre justice au chef d‘œuvre de Bartók. La direction musicale du chef italien Tito Ceccherini est celle d’un amoureux de la partition. Il sait en rendre toutes les subtilités assurant aussi bien hédonisme généreux et intensité théâtrale à couper le souffle. L’Orchestre du Capitole est admirable de nuances comme de couleurs. Seul un orchestre symphonique  de cette trempe peut véritablement rendre justice, dans une fosse, à une partition si formidable. La mise en scène est habile ; elle permet aux chanteurs de caractériser leurs personnages avec force. Lui, d‘abord immobile, qui se laisse gagner par les mouvements de plus en plus larges de Judith. Tous deux faisant bouger des portes. Le dispositif scénique de ces portes autour d’un axe central est aussi beau qu’habile. Capable en tous cas de beaucoup de suggestions. Les lumières très précises d’Arno Veyrat habillant comme un arc en ciel de splendeur les portes et les entre-portes de la plus grande beauté possible ; l’ouvertures des portes est bien à chaque fois un moment fondateur qui éloigne de plus en plus les deux amoureux. La mise en scène et le dispositif scénique soulignent le combat philosophique et éthique de ces deux conceptions de l ‘amour que tout oppose. La réussite est totale ; elle ne nous permet pas de juger mais simplement de constater que Judith et Barbe-Bleu ne sont tout simplement pas sur le même plan symbolique. Chacun étant violant par l’intransigeance de sa vision de l‘Amour, creusant un abîme mortel  entre le femme et l’homme.  Les deux chanteurs, Bálint Szabó en Barbe-Bleue et Tanja Ariane Baumgartner en Judith  sont magnifiques, belles et grandes voix comme acteurs saisissants.

Cette très intéressante version du Château était précédée de l’étrange partition, dodécaphoniste – et un peu poussiéreuse – du Prisonnier de Luigi Dallapicola. Le parti pris de mise en scène a été particulièrement convainquant pour mettre en valeur le chef d‘œuvre de Bartok. Préparation philosophique aux mirages qui tente de permettre à l’Homme de croire à l’intérêt et au sens de la vie. Le prisonnier va vers une mort sans justification, comme la vie. Un pas de désillusion supplémentaire sera ce vertige de l’amour, prison mortelle du Château de Bartok. Le noir et blanc du Prisonnier prépare à la couleur ; le lyrisme aride et l’orchestration étrange préparent l’oreille à l’apothéose bartokienne. Le plasticien Vincent Fortemps  qui dessine sans couleurs en même temps que la pièce se déroule, permet de comprendre comment la vie se déroule sans plans et sans direction. Le système de projection en direct de ses coups de pinceaux est très bien réalisé. Vocalement la tessiture du rôle de la mère dessert Tanja Ariane Baumgartner, alors qu’elle est une superbe Juliette et la voix du prisonnier,  Levent Bakirci, est centrale et sans brillance bien loin de la puissance et de la rondeur ce celle du grandiose Barbe-Bleu du superbe Bálint Szabó. En ce sens, le personnage du Prisonnier devient un archétype de L’homme qui ne peut être que perdu dans une vie dénuée de sens. Gilles Ragon impressionne vocalement et par sa haute taille dans les deux rôles ambigus du geôlier et de l’inquisiteur. Le chÅ“ur, à qui Dallapicola réserve de belles pages, est magnifique.

Après deux œuvres si denses aux sujets si profonds l’audace de ce début de saison sera tempérée par la reprise pour la troisième fois d’un Rigoletto de bon aloi en novembre 2015. A Toulouse bien des gouts du public sont comblés à l’Opéra. Merci à Frédéric Chambert qui sait osciller entre audace et répertoire indéboulonnable. Le public a paru apprécier particulièrement cette ouverture de saison originale que France-Musique a diffusé dans ces soirées de samedi à l’opéra.

 

 

 

Bartok-dallapiccola-balint-szabo-toulouse-capitole-octobre-2015Compte rendu critique, opéra. Toulouse, Théâtre du Capitole, le  9 octobre 2015, Luigi Dallapiccola (1904-1975) : Le Prisonnier ; Opéra en un acte avec prologue sur un livret du compositeur  d’après Villiers de l’Isle-Adam ; créé en concert le 1er décembre 1949 à Turin ; Béla Bartók (1881-1945) : Le Château de Barbe-Bleue ; Opéra en un acte et un prologue sur un livret de Béla Balázs ; créé le 24 mai 1918 à l’Opéra de Budapest ; Nouvelle production du Capitole ; Aurélien Bory : mise en scène ; Taïcyr Fadel ; collaborateur artistique du metteur en scène ; Vincent Fortemps : artiste plasticien ; Aurélien Bory, Pierre Dequivre : scénographie ; Sylvie Marcucci : costumes ; Arno Veyrat : lumières  Avec : dans  Le Prisonnier : Tanja Ariane Baumgartner, La Mère ; Levent Bakirci, Le Prisonnier ; Gilles Ragon,  Le Geôlier / L’Inquisiteur ; Dongjin Ahn, Jean-Luc Antoine , Deux Prêtres. Dans  Le Château de Barbe-Bleue : Bálint Szabó, Barbe-Bleue ; Tanja Ariane, Baumgartner, Judith ; Yaëlle Antoine, Le Barde (Prologue) ; Orchestre national du Capitole ; Chœur du Capitole , (direction Alfonso Caiani) ; Direction musicale : Tito Ceccherini.

Illustration : Patrice Nin © Capitole de Toulouse octobre 2015 – les deux chanteurs Bálint Szabó en Barbe-Bleue et Tanja Ariane Baumgartner en Judith. 

 

Compte rendu, concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 12 juin 2015 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1751-1791) : Don Giovanni, K.527 , ouverture; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano et orchestre n°3 en do mineur, OP.37 ; Félix Mendelssohn (1809-1847) : Symphonie n°4 « Italienne », OP.90 ; Inon Barnatan, piano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction : Tugan Sokhiev.

Public, politique, culture : tous unis autour de Tugan Sokhiev, un chef dont la qualité de la baguette s’affirme fédératrice… 

Merveilleuse alacrité !

Sokhiev_Tugan_Tugan-Sokhiev2-credit-Mat-HennekDans une époque où la plainte sans fin et l’esprit maussade en boucle sont la règle, ce n’est pas sans surprise que le public de la Halle-aux Grains a vu le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, le sourire aux lèvres, monter sur scène. La Municipalité veux fêter avec éclat les dix ans du chef Tugan Sokhiev à la tête de l’Orchestre du Capitole. Cette médaille d’or de la Ville, que le maire lui a remis, vient donc officialiser les choses. Avec modestie et bonhommie Tugan Sokheiv a simplement remercié et dit que cette médaille appartenait autant aux musiciens de l’orchestre que lui, et même à l’équipe municipale pour son indéfectible soutien dans des temps incertains…Il est si bon et rare de vivre un accord si évident entre politiques, public, artistes. Sans plus tarder Tugan Sokhiev a saisi sa baguette pour diriger l’ouverture de Don Giovanni. Le souffle du drame a aussitôt ému, avant que la gaité de la fugue ne dissipe ces brumes de l‘âme. En quelques minutes, Tugan Sokhiev et son orchestre précis et virtuose ont permis de vivre tout le drame et la farce de cette somptueuse partition. Passant du romantisme le plus sombre à la vivacité la plus enjouée, tout en maintenant une tension constante, nous n’avons pu que regretter que le Capitole n’offre pas d’avantage de productions lyrique à un chef si doué pour le théâtre.

Inon Barnatan est un jeune pianiste prodige que les Toulousain ont déjà pu entendre au festival de septembre, Piano aux Jacobins. Remarquable musicien, ce jeune talent a su offrir une version de toute beauté dans le Troisième Concerto de Beethoven. Avec une palette de nuances riches, des sonorités variées, un toucher d’une grande délicatesse, la musique diffuse à tout moment. Très à l’écoute de l’orchestre il a constamment cherché à harmoniser sa sonorité à celles de l’orchestre. Cette science de l’écoute est ravissante et permet des moments de grande musicalité quand un chef comme Tugan Sokhiev, attentif et vigilant aux équilibres, dispose d’un orchestre si précis. L’entente a été parfaite et l’oeuvre si égalitaire entre le soliste et l’orchestre, a sonné magnifiquement, avec force et finesse. L’évidence qui s’est dégagée de cette interprétation a tenu de la magie. L’idée m’est venue qu’Inon Barnatan a dans son jeu quelque chose de la poésie et de la délicatesse des Elfes avec une sorte de sagesse sereine.

Le bis qu’il a donné en a été une belle illustration avec des nuances d’une infinie délicatesse et un toucher sensible permettant un legato de rêve dans un extrait de la cantate BWV 208 de Bach dans une transcription signée Egon Petri.

En deuxième partie de concert, la belle affinité entre Tugan Sokhiev et la musique de Mendelssohn a de nouveau semblé une évidence. La Symphonie Italienne est si solaire, si enthousiasmante et si entrainante que les sourires du chef et des musiciens ont été bienvenus. L’alacrité domine cette interprétation qui met en lumière toute les finesses de cette partition. Les nuages et une mélancolie fugace ont été rendus mais sans lourdeur. C’est la vivacité des tempi, la délicatesse des phrasés, la finesse des nuances  qui ont soutenu une narrativité entrainante. Un très beau concert de fin de saison Toulousaine pour Tugan Sokhiev, devant une Halle aux Grains pleine à craquer et en liesse. C’est un programme idéal pour célébrer les 10 ans d’un accord parfait et heureux.

Compte rendu, concert sacré. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 3 juin 2015 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) Messe en Ut, KV 427 ; Joseph Haydn (1732-1809) : Insanae et vanae curae, Motteto Hob XXI : 1/13c ; Michael Haydn (1737-1806) : Ave regina Caelorum MH 140 ; Repons Christus factus est MH38 ; Joelle Harvey, soprano ; Marianne Crebassa, alto ; Krystian Adam, ténor ; Florian Sempey, basse ; Ensemble Pygmalion ; Direction : Raphaël Pichon.

MOZART_Opera_portrait_profilLes Grands interprètes ont une nouvelle fois invité Raphaël Pichon et son Ensemble Pygmalion et le public est venu très nombreux. Les qualités de ce jeune chef ne cessent de se développer et dans bien des répertoires. Après une messe en si magnifique en 2013, ici même, nombreuses étaient les attentes pour cet autre chef d‘œuvre, la Messe en ut de Mozart. Raphaël Pichon a choisi d’enrichir cette messe incomplète par trois motets des frères Haydn, amis du divin Mozart. Même si ainsi sans entractes le concert a duré presque deux heures, le temps a filé sans pouvoir être compté. Les qualités de Pichon sont celles d‘un esthète. Les sonorités riches, variées, les nuances très développées autant à l’orchestre que dans les choeurs, la souplesse des phrasés soutenant les solistes, toute cette beauté est mise au service des partitions pour en rendre la structure limpide. Ainsi le motet avec orchestre de Joseph Haydn al permis de comprendre la différence stylistique entre les deux compositeurs qui étaient grands amis. Structures plus clairement affirmées chez Haydn, et sections plus opposées, quand Mozart par un geste souple fait passer de l’air d’opéra aux choeurs fugués puis aux moments chambristes, avec une évidence confondante.

Michael Haydn est un compositeur plus proche de la sensibilité mozartienne. Ses deux Motets a capella ont une belle profondeur et une intensité troublante. Ainsi complétée par des pièces de choix, la Grande messe en ut devient une action de grâce à la beauté du monde de la musique fêtant tous les genres vocaux.

Une autre qualité de Raphaël Pichon est sa sureté de choix pour les chanteurs. Dès leur duo, les deux dames aux timbres complémentaires offrent des moments
de grande musicalité en mêlant leurs voix. Chacune dans son solo a ébloui par la facilité et le rayonnement de son chant. Le “Laudamus te” de Marianne Crebassa est enjoué et profond à la fois. L’ “Et incarnatus est” de Joelle Harvey ouvre les portes de la musicalité chambriste la plus voluptueuse. Les deux hommes ont aussi brillé, surtout le ténor Krystian Adam au timbre mozartien, mais trop peu en raison de leurs trop courtes interventions en ensembles.

Le choeur généreux et précis, engagé à la vie à la mort, a été merveilleux de bout en bout, dans les doubles choeurs avec puissance, comme les moments *a capella* avec une grande délicatesse. Les échanges de sourires entre les choristes et le chef disent bien la complicité qui les unit. L ‘orchestre est plein de fougue également virtuose et précis.

La gestuelle très souple de Raphaël Pichon permet aux arabesques de la musique de se déployer avec une grande liberté. Les moments de tension et la précision qu’ils requièrent, n’en prennent que davantage de force. Une magnifique équipe, un chef charismatique et généreux sont les éléments de ce succès, défendant totalement des partitions revisitées et magnifiées.

Compte rendu, Opéra. Toulouse.Théâtre du Capitole. Le 15 mai 2015. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Les fiançailles au couvent, Opéra lyrico-comique en quatre actes et neuf tableaux; Livret du compositeur assisté de Mira Alexandrovna Mendelson, d’après le livret d’opéra-comique de Richard B. Sheridan : La Duègne ou Le double enlèvement ; Création au Théâtre Kirov de Leningrad le 3 novembre 1946 ; Production Théâtre du Capitole / Opéra-Comique de 2011. Mise en scène, Martin Duncan ; Décors et costumes, Alison Chitty ; Lumières, Paul Pyant ; Chorégraphie, Ben Wright. Avec : John Graham Hall, Don Jérôme ; Gary Magee, Don Ferdinand ; Anastasia Kalagina, Louise ; Elena Sommer, la duègne ; Danil Shtoda, Don Antonio ; Anna Kiknadze, Clara d’Almanza ; Mikhail Kolelishvili, Isaac Mendoza ; Vladimir Kapshuk, Don Carlos ; Alexander Teliga, Père Augustin ; Vasily Efimov, Frère Elustaphe / Premier masque ; Marek Kalbus, Frère Chartreuse/Deuxième masque ; Thomas Dear, Frère Bénédictine / Troisième masque ;Chloé Chaume, Lauretta ; Catherine Alcoverro, Rosina ; Claude Minich, Premier novice / Pablo ; Emmanuel Parraga, Deuxième novice / Pedro ; Alfredo Poesina, Lopez ; Carlos Rodriguez, Miguel. Chœur du Capitole, direction, Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole ; Direction musicale : Tugan Sokhiev.

toulouse prokofiev fiancailles au couvent copyright P nin 2015Fiançailles en parfaite osmose. Voilà une reprise magnifique. Déjà en 2011 entre le Capitole et l’Opéra Comique, publics et critique avaient plébiscité ce spectacle. La reprise avec une distribution presque identique retrouve ce théâtre total qui nous avait tant séduit. La mise en scène, les décors, les costumes et les lumières en parfaite harmonie permettent aux spectateurs de rêver, toutes oreilles ouvertes et yeux comblés. Le parti pris minimaliste des décors permet au théâtre de se développer à l‘infinie. Lorsque Don Jérôme enferme à clef sa fille, la fausse porte prend des allures de vraie prison. Les lumières de Paul Payant poétisent la scène nue permettant à l’imagination de chaque spectateur de recréer un monde. Du grand art permettant à la fois de voir tous les artifices du théâtre et pourtant d’y croire totalement comme un enfant. Le jeu des acteurs est fin. Par exemple Garry Magee sait très bien jouer l’amoureux sincère et touchant puis prendre de la distance avec son personnage pour en révéler le côté factice. Les deux pères indignes et trop affairistes ne ménagent pas les effets comiques avec plus de voix pour Mikhail Kolelishvili et plus de théâtre pour John Graham Hall. La Duègne entièrement comique d’Elena Sommer est inoubliable. Vladimir Kapshuk en Don Carlos joue sur les deux tableaux de la sensibilité amoureuse et du comique avec une allure romantique irrésistiblement décalée au milieux de la poissonnerie. Les jeunes femmes, Anastasia Kalagina en Louise et Anna Kiknadze en Clara, sont les plus rouées et mènent au final l’action en suivant leurs désirs, aussi belles actrices que parfaites chanteuses. La distribution est sans failles jusque dans les plus petits rôles, chaque voix est typée et s’harmonise avec la personnalité théâtrale du rôle. Le chœur joue bien plus que d’habitude et chante admirablement. Les danseurs sont épatants aussi drôles que virtuoses.

Un grand concert symphonique à l’opéra ! Si le théâtre est roi, la musique est une souveraine absolue. Tugan Sokhiev qui vit cette partition avec passion en communique toute la fougue à son orchestre. Prokofiev permet des effets de couleurs irisées. Les associations d‘instruments originales et les nuances ciselées font exulter les instrumentistes, surtout les musiciens de scène, des acteurs épatants ! Mais la qualité la plus rare vient de l’humour avec lequel le chef rend perceptible la satire contenue dans la partition. En contre point, les moments lyriques semblent d’une infinie délicatesse. L’équilibre fosse/scène est parfait. Les voix toujours compréhensibles et l’orchestre est très présent, comme un vrai orchestre symphonique. Et le final de l‘opéra a une folie digne de Rossini. Ciselé comme une horlogerie suisse par un Tugan Sokhiev heureux et des musiciens virtuosissimes. Un grand succès a été obtenu au rideau final pour toute l‘équipe venue saluer. Les Toulousains ont été enchantés de retrouver une production si réussie et son chef chéri aussi heureux que doué dans la fosse. Pas étonnant que le Bolchoï l’ait choisi, car Tugan Sokhiev est un vrai maestro di scena !

Compte rendu, Opéra. Toulouse.Théâtre du Capitole. Le 15 mai 2015. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Les fiançailles au couvent, Opéra lyrico-comique en quatre actes et neuf tableaux; Livret du compositeur assisté de Mira Alexandrovna Mendelson, d’après le livret d’opéra-comique de Richard B. Sheridan : La Duègne ou Le double enlèvement ; Création au Théâtre Kirov de Leningrad le 3 novembre 1946 ; Production Théâtre du Capitole / Opéra-Comique de 2011. Mise en scène, Martin Duncan ; Décors et costumes, Alison Chitty ; Lumières, Paul Pyant ; Chorégraphie, Ben Wright. Avec : John Graham Hall, Don Jérôme ; Gary Magee, Don Ferdinand ; Anastasia Kalagina, Louise ; Elena Sommer, la duègne ; Danil Shtoda, Don Antonio ; Anna Kiknadze, Clara d’Almanza ; Mikhail Kolelishvili, Isaac Mendoza ; Vladimir Kapshuk, Don Carlos ; Alexander Teliga, Père Augustin ; Vasily Efimov, Frère Elustaphe / Premier masque ; Marek Kalbus, Frère Chartreuse/Deuxième masque ; Thomas Dear, Frère Bénédictine / Troisième masque ;Chloé Chaume, Lauretta ; Catherine Alcoverro, Rosina ; Claude Minich, Premier novice / Pablo ; Emmanuel Parraga, Deuxième novice / Pedro ; Alfredo Poesina, Lopez ; Carlos Rodriguez, Miguel. Chœur du Capitole, direction, Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole ; Direction musicale : Tugan Sokhiev. Illustration : © P. Nin 2015)

Compte rendu, opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 31 mars 2015. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Castor et Pollux, Tragédie en cinq actes, version de 1754 ; Mariame Clément, mise en scène ; Julia Hansen, décors et costumes ; Bernd Purkrabek , lumières ; FettFilm (Momme Hinrichs et Torge Møller), vidéo ; Antonio Figueroa, Castor ; Aimery Lefèvre, Pollux ; Hasnaa Bennani, Cléone / Une suivante/ Une Ombre heureuse ; Hélène Guilmette, Télaïre ; Gaëlle Arquez, Phébé ; Dashon Burton, Jupiter ; Sergey Romanovsky, L’Athlète / Mercure ; Konstantin Wolff, Le Grand Prêtre de Jupiter / Une Voix ; Choeur du Capitole ; Alfonso Caiani direction ; Les Talens Lyriques ; Christophe Rousset, direction musicale.

castor-pollux-rameau-Rameau au Capitole est bien servi, après Hippolyte et Aricie en 2009, les Indes Galantes en 2012, voici Castor et Pollux cette saison. Il ne manque plus que Platée pour que notre bonheur soit total. Rameau demande beaucoup. Certes la partition regorge de beautés mais il est important que la mise en scène soit habile afin que l‘intérêt du spectateur moderne soit maintenu. Même dans Castor et Pollux de 1754 l’intrigue est maigre et les ballets sont nombreux qui coupent tout élan dramatique. L‘intelligence de la mise en scène de Mariame Clément est parfaitement secondée par des costumes simples et beaux et un décor monumental, un double escalier central, qui permettent au spectacle de soutenir notre intérêt y compris dans les ballets. C’est un parti pris audacieux que cette absence de danses, remplacées par du théâtre et des mimes. L’histoire est ainsi déclinée dans le temps, par un habile retour vers l’enfance des quatre héros ; nous comprenons mieux les liens complexes qui les unissent. Tout avance donc sans temps morts. Les chœurs jouent très bien et les solistes, secondés par des enfants, prennent un relief passionnant.

Tendres et beaux Castor et Pollux à Toulouse

Le théâtre s’invite mais c’est bien les voix qui dominent le plateau, même avant l’orchestre. Nous le dirons d’emblée l’orchestre de Rameau pose un problème qui ce soir n’a pas été résolu par Christophe Rousset et ses superbes musiciens des Talens Lyriques. Très haut dans la fosse, l’orchestre sonne souvent trop fort et lourd. C’est un peu le défaut des instruments anciens lorsqu’ils sont sommés, comme ce soir de sonner trop pour montrer leur puissance après des années de trop modestes possibilités. La direction ferme et puissante de Christophe Rousset fait sensation mais les passages sensibles ne touchent pas assez. Les couleurs sombres de l‘orchestre avec des basses très présentes, manque de lumière. La direction est efficace, mais un peu trop sèche et manquant de moelleux. L’équilibre avec le plateau a fait défaut lors de la scène des enfers de l’acte IV lorsque la voix du «vaillant Pollux » se perd alors que Phébé, Mercure et les démons traversent la puissance orchestrale déchainée.

La fête vocale est magnifiée par les dames. En Phébé, Gaëlle Arquez brûle les planches et sa voix paraît d’une puissance enviable. Le beau mezzo de tempérament a une autorité indiscutable. La présence du personnage infernal séduit et inquiète à la fois. La Télaïre d’Hélène Guilmette a également une belle présence scénique et la voix fruitée de soprano lyrique sait galber les lignes de chant avec art. Tout au plus, un manque de fragilité en particulier dans l’air triste flambeau suscite des réserves. Mais la mise en scène lui demande une présence forte que la voix soutient parfaitement.
Le Castor d’Antonio Figueroa est vocalement d’une tendresse idéale. Voix de miel, le ténor sait chanter avec art son rôle d’amoureux que rien n’arrête. Aux Enfers il manquera un peu de vaillance mais l’essence de cette voix semble être de rendre des sentiments délicats seulement. En Pollux, Aimery Lefèvre est sensible et douloureux. La belle voix souple phrase à la perfection. Mais la grandeur du monarque et du fils d’un dieu, éternel lui même, fait défaut. Dashon Burton, campe un Jupiter inattendu et plein d‘humour. La voix est moelleuse et séduisante et le jeu du jeune baryton est parfait. Ce Dieux de l’argent est si vraisemblable et fantasque à la fois…
En Plusieurs rôles, dont une formidable « trompette », Sergey Romanovsky est un ténor impertinent par sa capacité de rivaliser avec des sons d ‘airains comme une grande noblesse dans la partie de Mercure. Voilà un engagement vocal impressionnant à suivre dans des rôles plus longs et complexes. Le chœur du capitole admirablement préparé par Alfonso Caiani a magnifié les si beaux chœurs de Rameau, oscillants entre douleur et splendeur avec des couleurs superbes. Tout particulièrement le pupitre de ténor a semblé pur et lumineux.

Cette production du Theater an der Wien a eu un beau succès à Toulouse. Ce parfait mélange de théâtre et de chant est digne du chef d ‘œuvre de Rameau. La distribution sans faiblesse, la mise en scène stimulante et la direction musicale énergique ont porté haut l’esprit de la Tragédie Lyrique au Capitole. L’équipe soudée pour ce spectacle total, en ces temps incertains réconforte par un tel engagement.