La nouvelle saison 2023 – 2024 du GTG Grand-Théâtre de Genève
se révèle à nouveau passionnante, surprenante, annonciatrice de belles rencontre. Le fil rouge jusqu’au printemps 2024 en est « Jeux de pouvoir », une thématique qui traverse tout le cycle lyrique et musical (sans omettre les 4 ballets programmés par le directeur du Ballet, Sidi Larbi Cherkaoui), et qui permet de produire un lien entre les différentes propositions tout au long de la saison 2023 – 2024.
Dans le contexte géopolitique exacerbé par la guerre en Ukraine, la thématique ainsi mise en avant prend un relief particulier ; elle montre combien les œuvres du répertoire et la création événement à l’affiche de cette nouvelle saison 2023 – 2024 (« Justice »), permettent de chercher (et peut-être trouver) le sens, d’analyser avec le discernement qui s’impose, la complexité souvent déconcertante voire anxiogène de notre monde actuel.
Grand Théâtre de Genève, saison 2023 – 2024
De Don Carlos à la trilogie Tudor,
de « Justice » à Idomeneo…
Jeux de pouvoir
Révélateurs des jeux de pouvoir, les opéras ainsi à l’affiche, en particulier Don Carlos de Verdi en ouverture de saison, puis à son extrémité (en conclusion de la nouvelle saison) la Trilogie Tudor de Donizetti (Anna Bolena, Maria Stuarda, Roberto Devereux) ; sans omettre la création mondiale « Justice » d’Hèctor Parra qui offre un éclairage contemporain post-colonialiste entre anciens et nouvelles puissance coloniales, faisant entendre la voix des victimes qui, elles, sont dépossédées du pouvoir.
A travers la succession des productions lyriques, se précisent d’autres thèmes que les jeux de pouvoirs induisent de façon colatérale : opposition entre père et fils (entre Carlos et Philippe II dans Don Carlos ; entre Idomeneo et son fils Idamante…) ; c’est aussi la soumission contrainte, recherchée au divin, réactivant la relation souvent conflictuelle, toujours hyperactive entre divin et humain (Saint-François d’Assise de Messiaen)…
La Danse s’invite aussi dans cette réflexion critique, soucieuse du sens ; le regard que porte le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui met plutôt en lumière le pouvoir des énergies du corps ; celui des forces autour du corps, en particulier celles environnantes dans la Nature ; confrontation, interaction à l’image de l’aimantation double, féminin / masculin … jeu mouvant des énergies qui s’imbriquent et se heurtent parfois. Ainsi cette saison, ce ne sont pas 3 ballets, mais … 4 (!) que propose le GTG Grand Théâtre de Genève.
TEMPS FORTS LYRIQUES
2 productions événements
DON CARLOS
Don Carlos de Verdi (jusqu’au 28 sept 2023) est présenté dans la version française (créée à Paris, en 1867) – l’enjeu est politique avec un pouvoir qui s’oppose à la libération des flamands ; Verdi y évoque clairement l’oppression d’un pouvoir autoritaire, celui du Roi d’Espagne, Philippe II, « piloté » par la figure du Grand Inquisiteur, inflexibles quant à l’indépendance d’une nation; c’est aussi un drame familial qui oppose le père et le fils ; – la mise en scène (avec vidéo et décor impressionnant) fixe l’omnipotence d’un pouvoir monarchique autoritaire. Ce Don Carlos marque aussi la poursuite du cycle « grand opéra à la française », sous la direction de Marc Minkowski.
https://www.gtg.ch/saison-23-24/don-carlos/
LIRE aussi notre présentation de DON CARLOS au GTG Grand Théâtre de Genève : https://www.classiquenews.com/geneve-grand-theatre-nouveau-don-carlos-de-verdi-minkowski-l-steier-du-15-au-28-sept-2023/
TRILOGIE TUDOR
Le GTG affiche en fin de saison, la tragédie lyrique Roberto Devereux de Gaetano Donizetti (31 mai – 30 juin 2024), probablement le moins connu et pourtant musicalement parmi les plus belles partitions de Donizetti ; Ce dernier volet créé à Naples en 1837, ferme la trilogie des opéras Tudor du compositeur romantique italien ; le cast réunit entre autres : Elsa Dreisig, Stéphanie d’Oustrac, Nicola Alaimo (qui avait chanté aussi Nabucco à la fin de la saison précédente) – Ce dernier volet referme ainsi le parcours de la Reine Elisabeth Ière à travers les 3 opéras dans une vision sombre voire fantomatique, où s’affirma aussi la présence de la modernité (avec un dispositif vidéo développé).
https://www.gtg.ch/saison-23-24/roberto-devereux/
autres temps forts
Pour NOËL 2023, Le Chevalier à la Rose / Der Rosenkavalier (1911) de Richard Strauss occupe l’affiche du 13 au 26 déc 2023, dans une nouvelle production conçue par le comédien viennois Christoph Waltz (13-26 déc 2023) : il jouait le méchant dans le dernier James Bond après avoir entre autres travaillé pour Tarentino… Ici, l’aristocratie est confrontée aux « nouveaux riches » – Christoph Waltz soigne particulièrement le profil de chaque personnage grâce à un travail spécifique avec les chanteurs… Avec Maria Bengtsson, Michèle Losier, Bo Skovhus… Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande.
https://www.gtg.ch/saison-23-24/le-chevalier-a-la-rose/
MARIA DE BUENOS-AIRES
L’Opéra-tango d’Astor Piazzolla, Maria de Buenos-Aires (27 oct – 5 nov 2023), est un opéra tangista (créé en mai 1968 – première genevoise) particulièrement prenant, autant par ses rythmes argentins que son sujet tragique, bouleversant ; le metteur en scène Daniele Finzi Pasca revient à Genève après « Eisntein on the beach » – La production comprend la collaboration d’une chanteuse argentine (Raquel Camarinha), des acrobates danseurs, les choeurs et les musiciens de la Haute école de musique de Genève, que rejoignent plusieurs solistes du tango (bandonéon).
https://www.gtg.ch/saison-23-24/maria-de-buenos-aires/
JUSTICE de Hèctor Parra (22-28 janv 2024)
L’action porté par le livret de Fiston Mwanza Mujila, évoque un accident déplorable dont est responsable une multinationale au Congo, provoquant de nombreuses victimes ; l’œuvre souligne l’opposition entre la multinationale et le gouvernement opprimant le peuple et les ONG qui les soutiennent. L’opéra en création fait appel à un guitariste congolais qui travaille avec le compositeur dont la musique à la fois imaginative et « atmosphérique », s’inspire des motifs congolais, tout en explicitant sa dimension onirique entre réalité et fiction. Création mondiale.
https://www.gtg.ch/saison-23-24/justice/
IDOMENEO (21 fév au 2 mars 2024)
Sidi Larbi Cherkaoui assure la mise en scène de cette nouvelle production du drama per musica de Mozart. Le chorégraphe, artiste associé ??? de l’Opéra de Genève, travaille avec la plasticienne japonaise Chiharu Shiota ; celle ci élabore tout un réseau de ficelles rouges qui suscite l’imaginaire pour créer les espace de l’action – Ces ficelles sont utilisées par les danseurs – l’approche souligne l’emprise des dieux ; elle interroge la relation du père (Idomeneo, roi de Crête) et son fils Idamante et dévoile aussi ce en quoi parce qu’il refuse de transmettre le pouvoir à son fils, Idomeneo suscite la tragédie et le désordre. La transmission du pouvoir est aussi dévoilée dans la relation de Don Carlos et de son père dans l’opéra de Verdi qui ouvre la saison. Pour cette nouvelle production, Sidi Larbi Cherkaoui sollicite une troupe spécifique (comme Pelléas et Mélisande alors réalisé en plein covid) : quelques danseurs aident les chanteurs à se mouvoir dans un monde qui évolue en permanence – Ce travail entre la danse et les arts plastiques s’annonce prometteur ; Avec entre autres Stanislas de Barbeyrac (Idomeneo) et Lea Desandre (Idamante)… Instrumentistes de la Cappella Mediterranea, sous la direction de Alarcon Leonardo García Alarcón (que l’on avait salué la saison précédente pour son travail sur Atys, avec le chorégraphe Angelin Preljocaj).
https://www.gtg.ch/saison-23-24/idomenee/
SAINT-FRANCOIS D’ASSISE (11-18 avril 2024)
Nouvelle production – Le divin d’Idomeneo se retrouve aussi dans Saint-François d’Assise d’Olivier Messiaen (créé à l’Opéra Bastille à Paris en nov 1983) – production initialement programmée en 2020 mais annulée à cause du covid. Le regard du metteur en scène algérien Adel Abdessemed promet d’être aussi puissant que personnel car il a lui-même été sauvé par des prêtes… La musique prenante du croyant Messiaen crée un opéra testament, à la fois spirituel et intime qui chante la beauté du monde et le mal qui le dévore tout autant… Adel Abdessemed dont c’est la première mise en scène d’un opéra, aiguise le chant des contraires, « entre paix et adoration, entre espoir et damnation, entre enfer et ciel. L’enfer pénètre chaque particule de la cellule de l’être en société et, dans le propos de l’artiste, seul le ciel est là comme antidote contre tous les phénomènes barbares de notre temps. »
https://www.gtg.ch/saison-23-24/saint-francois-dassise/
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Présentation vidéo de la nouvelle saison 2023 – 2024 du GTG Grand Théâtre de Genève, par AVIEL CAHN, directeur général :
Présentation et intervention : Aviel Cahn, directeur général, Sidi Larbi Cherkaoui, directeur du Ballet, et Clara Pons, dramaturge
la DANSE au GTG Grand Théâtre de Genève
saison 2023 – 2024
4 BALLETS
toutes les infos sur la saison ballets du GTG :
https://www.gtg.ch/saison-23-24/?filter=ballet
ELEMENTS (18-22 nov 2023)
Sidi Larbi Cherkaoui, directeur du Ballet du GTG Grand Théâtre de Genève regroupe 3 pièces Noetic, Faun et Boléro (conçu avec Damien Jalet, créé à Paris en 2013) : les 3 morceaux en une même soirée, partage une même thématique, celle de la représentation de l’énergie qui existent autour de nous ; galactique et cosmique dans le « Boléro » ; éthérée dans « Noethic » (comme l’eau) ; à la fois plus charnel et panthéiste avec le couple du Faune et de la nymphe, dans la foret dans « Faun » (où la nature se révèle omniprésente) – Musiques de Debussy, Ravel (Orchestre de Suisse Romande) – Ce premier volet chorégraphique est aussi une grande soirée symphonique.
https://www.gtg.ch/saison-23-24/elements/
PLANET (WANDERER) : 8, 9, 10 mars 2024
Le ballet invité de la saison est celui de Damien Jalet (artiste associé): Planet (Wanderer) créé à Paris, (Chaillot, Th National de la Danse en 2021). D’un spectacle où des humains subissent une matière qui s’écoulent sur eux, le chorégraphe éclairent la résistance des corps oppressés, dans une rencontre avec le plasticien Kohei Nawa…
https://www.gtg.ch/saison-23-24/planet-wanderer/
OUTSIDER (3, 4, 5 mai 2024)
Rachid Ouramdane (directeur du Centre National de la Danse, Chaillot, à Paris) présente son ballet « Outsider » en création mondiale à Genève. Un regard sur le défi et les limites : ceux de sportifs de haut niveau qui se mêlent aux danseurs pour exprimer les performances du corps. Musique de Julius Eastman par les jeunes pianistes de la HEM qui jouent les pièces lyriques et martiales du compositeur américain – ballet en partenariat avec La Plage.
https://www.gtg.ch/saison-23-24/outsider/
FORCES (12, 14, 15 et 16 juin 2024)
Le spectacle réunit deux ballets : « Busk » d’Aszure Barton, et « Strong » de Sharon Eyal – Dans une énergie féminine, les deux pièces partage cette capacité à la grande virtuosité rythmique qui éprouve le corps et les conduit jusqu’à transcender l’action et l’espace ; « fragilité, tendresse, résilience » imprime à Busk sa capacité à exposer toutes les nuances du psychisme humain qu’il s’agisse du groupe ou de l’individu. Sharon Eyal chorégraphie 17 danseurs envoûtés dont la force est dans le groupe et tout autant dans la solitude.
https://www.gtg.ch/saison-23-24/forces/
PLUS D’INFOS : sur le site du GTG Grand Théâtre de Genève
VOIR aussi la présentation de la nouvelle saison 203 – 2024 « Jeux de pouvoir », ici :
https://www.gtg.ch/saison-23-24/jeux-de-pouvoir/