samedi 7 décembre 2024

Entretien avec Gilles Colliard… Jouer les Quatre Saisons de Vivaldi

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Entretien avec Gilles Colliard. A l’occasion de son enregistrement chez Klarthe, d’une nouvelle version des Quatre Saisons de Vivaldi, le violoniste, chef et compositeur Gilles Colliard répond aux questions de CLASSIQUENEWS. Récemment nommé directeur musical de l’Orchestre baroque de Barcelone, Gilles Colliard travaille la sonorité et la tension rythmique mais aussi ajoute les textes poétiques originels que Vivaldi avait associé à chacun des Concertos pour violon qui compose aujourd’hui les Quatre Saisons. Point sur une lecture personnelle d’une partition ultra célèbre.

 

 

 

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CLASSIQUENEWS : Quel est le plus grand défi en tant qu’interprète face aux Quatre saisons (pour vous comme soliste et comme chef/leader ?

 

GILLES COLLIARD : Le défi est toujours le même. Servir cette musique comme toutes les autres avec un souci d’authenticité musicale permanent. J’ai (et c’est le propre des interprètes) le désir de toucher, d’émouvoir, mais il est clair que je ne chercherai pas à user de tel ou tel artifice pour ce faire. Ce n’est pas ce qui habite l’artiste – j’entends par là son « monde intérieur, aussi riche soit-il – qui doit recouvrir cette musique de son propre verni. C’est simplement l’intégrité de sa démarche et l’intelligence de sa lecture qui devrait pouvoir révéler la richesse intrinsèque de l’oeuvre. Je n’ai bien sûr pas la prétention de dire que j’ai réalisé ici ce rêve de n’être qu’un outil au service du compositeur mais je puis vous assurer que tous mes efforts y étaient tournés!

CLASSIQUENEWS : Pour vous, les Quatre Saisons restent une partition descriptive et purement narrative, ou pouvons nous en déduire d’une certaine façon le génie poétique et esthétique de Vivaldi qui tendrait vers l’abstraction de la musique pure ?

 

GILLES COLLIARD : La musique descriptive, représentative, est une forme répandue en cette ère baroque. Je ne sais si la démarche consciente du créateur est de tendre vers quoique ce soit. Je dirais plutôt que les arts se réunissent car ils ont tous le même fil d’Ariane: la rhétorique. Une rhétorique basée sur des tactus, ces derniers régissant la musique, la danse comme le théâtre. En ce début de 18ème siècle, la perception de l’art et de son expression n’est pas encore rentrée dans le drame des « spécialisations ». Un compositeur est lui même interprète, poète, dirige ses oeuvres et enseigne. C’est justement l’appréhension vaste de la création qui façonne l’être. J’ai donc tout naturellement souhaité présenter pour la première fois en disque une version avec narrateur. C’est une aventure que je voulais vivre avec mon ami Nelson Monfort, homme sensible, cultivé, amateur de musique dans son sens étymologique: aimer. C’est aussi une belle rencontre, en la personne de Julien Chabod, directeur de Klarthe, merveilleux clarinettiste, qui a  osé accepter de se lancer dans un vrai défi: oser une énième version d’une œuvre déjà trop enregistrée!

CLASSIQUENEWS :  Qu’apporte précisément l’intégration aux moments choisis, des textes originaux ? Qui les a écrits ? Savons nous précisément comment Vivaldi les considérait par rapport à sa partition ?

 

GILLES COLLIARD : Nous ne savons pas grand chose. Réellement, nous ne disposons d’aucun document, d’aucune information à ce sujet. On sait par la lecture de la correspondance du « Prête roux » que cet opus rencontra visiblement un grand succès (il reste étonnant de constater que les Quatre Saisons disparaîtront avec son auteur, ce dernier emportant dans sa tombe la totalité de sa production, jusqu’au souvenir même de sa propre existence, pour ne réapparaître qu’au milieu du 20ème siècle!). Si tout le monde peut reconnaître les nombreux thèmes de l’oeuvre, l’écoute du texte offre indiscutablement des clés de compréhension essentielles. Les poèmes sont de la main de Vivaldi ainsi que la répartition des phrases dans le texte musical. Je me suis permis de « broder », d’augmenter le texte, afin de renforcer la narration tout en tâchant de ne point la pervertir.

CLASSIQUENEWS :  Avez-vous découvert des éléments nouveaux ou que vous ne connaissiez pas en vous immergeant dans Les Quatre Saisons, à propos de la partition ou de Vivaldi ?

 

GILLES COLLIARD : Cette partition, je suis né avec!!!! Elle me hante depuis toujours et revêt aussi une importance particulière dans ma « construction » personnelle puisque décisive quant au choix, alors adolescent, de consacrer une grande partie de mon temps à l’étude de la musique baroque. On ne cesse de découvrir jour après jour des éléments nouveaux, dans la musique, dans les rencontres, dans l’observation, dans la cohue comme dans la solitude. C’est un principe de vie qui me frappe en permanence.

CLASSIQUENEWS : Quelles sont les qualités distinctives de l’orchestre Baroque de Barcelone dont le présent enregistrement témoigne particulièrement ?

 

GILLES COLLIARD : Cet ensemble peut se résumer en deux mots: jeunesse, enthousiasme. Les instrumentistes sont curieux, ont envie d’apprendre, sont ouverts. Je combat toute forme d’intégrisme. Le monde de la musique est plein de « gens qui savent ». La seule chose que je sache, c’est que j’en sais chaque jour un peu plus et que je souhaite ardemment partager avec eux cet « un peu plus » sans perdre de vue que mon point de vue s’étaye sur des connaissances « établies » (traités et autres sources indiscutables) comme sur le fameux « bon goût », toujours subjectif et une sensibilité qui est la mienne et, qui dit sensibilité, dit aussi vulnérabilité.

 

 

Propos recueillis en mai 2016.

 

 

 

vivaldi quatre saisons nelson monfort gilles colliard orchestre baroque barcelone clic de classiquenews compte rendu review cd critique CLASSIQUENEWS kla012_couv_lowCD, compte rendu critique. Vivaldi : Les Quatre Saisons (Gilles Colliard, 1 cd Klarthe, 2015). Encore une énième version des Quatre Saisons Vivaldiennes ? En vérité celle-ci compte indiscutablement ; pour sa conception exhaustive, combinant non sans raison, le verbe à la musique ; pour l’intégrité de sa réalisation instrumentale… à la faveur d’un excellent engagement de l’ensemble sur instruments d’époque, l’Orchestre Baroque de Barcelone, le chef et violoniste Gilles Colliard (récent directeur artistique de la phalange catalane depuis 2015) s’associe le concours d’un narrateur à l’éloquence discrète mais efficace, le journaliste sportif Nelson Monfort, plus habitué des plateaux télé et directs olympiques que des studios où s’enregistre la musique classique, … le chroniqueur s’affirme en diseur des textes que Vivaldi a conçu pour mieux comprendre l’enjeu de chaque Concerto composant le cycle entier. Le récitant précise le climat concerné, les séquences narratives qui lui sont associées : c’est un relecture des Saisons dans le texte poétique d’époque. … EN LIRE +

 

 

 

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