CD événement, critique. BEETHOVEN SI TU NOUS ENTENDS… La Symphonie de Poche / Nicolas Simon, direction (1 cd KLARTHE records 2020)

BEETHOVEN si tu nous entends critique cd review cd critique cd klarthe records Beethoven Robin melchior KLA105couv_lowCD Ă©vĂ©nement, critique. BEETHOVEN SI TU NOUS ENTENDS… La Symphonie de Poche / Nicolas Simon, direction (1 cd KLARTHE records 2020). La Symphonie de Poche dirigĂ©e par Nicolas Simon aborde Ă  son tour Beethoven particulièrement Ă  l’honneur en 2020 pour les 250 ans de sa naissance. Le rafraĂ®chissant programme Ă©ditĂ© chez Klarthe emporte l’adhĂ©sion par son originalitĂ© et le soin apportĂ© Ă  sa rĂ©alisation (raffinement de l’écriture en particulier de l’orchestration, assemblage des thèmes et structuration du parcours thĂ©matique, interprĂ©tation dĂ©taillĂ©e…) : « Beethoven, Si tu nous entends… » est une surprise inattendue parmi les cd de cette annĂ©e Beethoven. Le titre est formidable pied de nez Ă  la surditĂ© du Romantique dont la volontĂ© Ă  surmonter son handicap reste le pilier d’un gĂ©nie jamais dĂ©truit. Conçu par le compositeur Robin Melchior, le parcours-hommage d’1h15, enregistrĂ© Ă  Malakoff en aoĂ»t 2020, sĂ©duit ; c’est une exploration de l’œuvre symphonique du grand Ludwig dont le riche terreau thĂ©matique des 9 symphonies est rĂ©assemblĂ©, disposĂ©, mis en dialogue (5 sĂ©quences principales avec PrĂ©lude et 3 interludes) en un enchaĂ®nement thĂ©matisĂ© qui fait sens et « raconte » l’odyssĂ©e symphonique beethovĂ©nienne.

Le nouvel assemblage installe une nouvelle texture dont les thĂ©matiques (en Ă©cho, en rĂ©sonance) permettent de réécouter ce qui fait la singularitĂ© de l’écriture beethovĂ©nienne (y dialoguent l’ouverture de la 5è, l’Ode Ă  la Joie, mais aussi la cĂ©lèbre sonate pour piano « Au clair de lune »…). RevifiĂ©e, la pensĂ©e musicale de Beethoven s’en trouve comme explicitĂ©e : sa fulgurance sonore, sa puissance rythmique, son intelligence mĂ©lodique. L’unitĂ© organique du tout est assurĂ©e par le choix thĂ©matique des interludes (oĂą revient le flux motivique de la Pastorale, avec inserts dĂ©rivĂ©s de la 9è, de la 5è et son motif « du destin »). Ainsi, le Scherzo de la Pastorale devient « trio de la RĂ©volte » ; c’est mĂŞme le motif central du cyle rĂ©investi : clĂ© de voĂ»te quand il est associĂ©, dans le dernier mouvement « rĂ©conciliation », au fameux « Es Muss Sein ! » du Quatuor n°16.
Les paysages sonores sont à la fois raffinés, expressifs, habilement agencés. Chaque séquence constituant comme un vaste parcours sonore, devient un épisode de la vie de Beethoven, à l’image de la 6è « Pastorale » dont chaque mouvement exprime le sentiment de Ludwig face au miracle de la Nature (comme Haydn avant lui, dans son oratorio « la Création »), ou 5 portraits liés à 5 grandes facettes de sa formidable épopée : l’apprentissage, l’inaccessible, la révolte, la mort et la réconciliation du héros. Le geste réalisé fusionne les deux aspects de l’oeuvre symphonique de Beethoven : sa charge CLIC D'OR macaron 200autobiographique et son ambition révolutionnaire. Le concours des instruments inédits ici : la harpe, un accordéon, un marimba, instillant de nouveaux équilibres sonores, réinvente de facto, dans l’exercice libre de la transcription, l’espace symphonique comme la palette sonore de Ludwig. Au final, un partition originale qui permet de redécouvrir l’infini poétique de Beethoven.

 

 

 

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CD Ă©vĂ©nement, critique. BEETHOVEN SI TU NOUS ENTENDS… La Symphonie de Poche / Nicolas Simon, direction (1 cd KLARTHE records 2020) – CLIC de CLASSIQUENEWS dĂ©cembre 2020 – intĂ©grĂ© dans notre sĂ©lection du DOSSIER BEETHOVEN 2020 / PLUS D’INFOS sur le site de l’Ă©diteur KLARTHE records

 

 

 

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CONCERT :
PARIS, Bal Blomet : Beethoven si tu nous entends
2 février 2021, 20h : réservez ici votre place

 

 

 

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CD, événement. FURIOSO BAROCCO : Mathieu Salama, contre ténor (1 cd Klarthe records 2019)

furioso barroco cd clic classiquenews matheiu salama cd klarthe critiqueCD Ă©vĂ©nement, critique. FURIOSO BAROCCO : Mathieu Salama, contre tĂ©nor (1 cd Klarthe records 2019) – Mathieu Salama chante Haendel et Vivaldi : l’interprète peut s’appuyer aujourd’hui sur une solide expĂ©rience du concert ; une aisance qui explique ce naturel engagĂ© qui perce et le porte en studio. Investi, incarnĂ©, d’une intensitĂ© qui touche par son immĂ©diate sincĂ©ritĂ©, le chant du contre tĂ©nor Mathieu Salama rayonne en clartĂ© et acuitĂ© expressive. Pour Klarthe, le chanteur offre un rĂ©cital emblĂ©matique de ses possibilitĂ©s et de son tempĂ©rament : agilitĂ©, engagement, profondeur. Le soliste s’entoure de deux autres chanteurs pour entre autres exprimer d’autres langueurs amoureuses en duo (Duo final PoppĂ©e / NĂ©ron de l’Incoronazione di Poppea de Monteverdi). Mathieu Salama chante l’ivresse et le vertige des coeurs amoureux, du dĂ©lire inquiet Ă  la dĂ©termination audacieuse voire Ă©ruptive… voilĂ  qui convient Ă  sa nature fougueuse voire intempestive (d’oĂą le titre Furioso Barocco). Mathieu Salama dĂ©voile le vertige des sens qu’habite son chant direct, puissant, d’une rondeur constante, Ă©cartant les aciditĂ©s de bon nombre de ses confrères. De fureur il est question certes, mais sous l’élan quasi instinctif, se cachent en vĂ©ritĂ© un dĂ©sarroi, voire une inquiĂ©tude et une impuissance panique Ă  demi mots que le chanteur rĂ©vèle peu Ă  peu, apportant Ă  son jeu, une richesse de couleurs qui sĂ©duit inexorablement.

Ainsi se déploie une hypersensibilité active portée par l’écriture souvent incandescente de deux génies lyriques du XVIIIè, le vénitien Vivaldi et le plus italien des saxons, Haendel. Habilement associées ici, les héros vivaldiens et haendéliens font crépiter un tempérament taillé pour le drame. Ce programme s’articule comme un condensé d’opéra: à chaque air correspond un personnage en souffrance ou en désir, une situation clé dont le soliste éclaire les enjeux manifestes et souterrains. Son Tolomeo (« Stille amare ») touche dans l’ample lamento traversé par la mort ; en un précipité nostalgique, le chanteur en exprime le frisson glaçant de la mort. Plus rugueux et combattif voire impérieux, Serse affirme sa volonté guerrière et conquérante, à la limite du caprice royal (« Si, la volgio e l’ottero »). Et la somptueuse cantate RV 684 de Vivaldi souligne par son timbre incandescent, au verbe attentif, le diamant d’un cœur exacerbé lui aussi, toujours digne mais blessé, qui semble avoir vécu tous les tourments de l’amour.

CLIC D'OR macaron 200Interprète soucieux d’éloquence comme de finesse poĂ©tique, Mathieu Salama offre une remarquable collection d’airs d’opĂ©ras parmi les plus saisissants du rĂ©pertoire. Difficile de rester de marbre d’autant qu’à son contact, la complicitĂ© des instrumentistes de l’ensemble La RĂ©jouissance s’affirme sans rĂ©serve, – que des cordes impĂ©tueuses et bondissantes, sous la direction du chef italien, lui-mĂŞme passionnĂ© par les affetti baroques, Stefano Intrieri. Superbe rĂ©cital lyrique.

 

 

 

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CD, Ă©vĂ©nement. FURIOSO BAROCCO : Mathieu Salama, contre tĂ©nor (1 cd Klarthe records 2019) - sortie discographique le 23 octobre 2020 – Plus d’infos : https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/furioso-barocco-detail

 

 

 

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VOIR la vidéo FURIOSO BAROCCO par le contre ténor Mathieu Salama, teaser de son nouveau cd édité par Klarthe records :
https://www.youtube.com/watch?v=obOQ11enrjc&feature=emb_logo

 

 

 

 

Programme détaillé :

Antonio Vivaldi (1678 – 1741)
Il Farnace RV 711, Venezia 1727 : “Gelido in ogni vena”
cantate RV 684, ca. 1727 : “Ah, ch’infelice sempre”
Orlando RV 728, Venezia 1727 : “Nel profondo cieco mondo”

Georg Friedrich Händel (1685 – 1759)
Giulio Cesare in Egitto HWV 17, London 1724 : “Piangerò la sorte mia”

Claudio Monteverdi (1567 – 1643)
L’incoronazione di Poppea SV 308, Venezia 1643 : “Pur ti miro, pur ti godo”

Girolamo Frescobaldi (1583 – 1643)
Primo libro d’arie musicali, Firenze 1630 : “Se l’aura spira”

Antonio Vivaldi (1678 – 1741)
Il Giustino RV 717, Roma 1724 : “Sento in seno ch’in pioggia di lagrime”

Georg Friedrich Händel (1685 – 1759)
Serse HWV 40, London 1738 : “Sì, la voglio e l’otterrò”

Henry Purcell (1659 – 1695)
Ode for the Birthday of Queen Mary Z. 323, London 1694 : “Sound the trumpet”

Georg Friedrich Händel (1685 – 1759)
Tolomeo, re d’Egitto HWV 25, London 1728 :
Recitativo, Accompagnato & Aria “Stille amare”

 

 

 

Mathieu SALAMA, contre-ténor
Jeanne PARIS, mezzosoprano
Benjamin LOCHER, contre-ténor II

Gruppo strumentale La Réjouissance
Jan Pieter van COOLWIJCK, violon I
Evert-Jan SCHUUR, violon II
Niek IDEMA, alto
Jérôme VIDALLER, violoncelle
Michel FRÉCHINA, viole de gambe & contrebasse

Stefano INTRIERI, clavecin & direction

 

 

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LIRE aussi notre présentation du concert de Mathieu Salama, Salle Cortot, le 16 oct 2020 : https://www.classiquenews.com/paris-cortot-mathieu-salama-furieusement-baroque/

 

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LIRE aussi notre ENTRETIEN avec Mathieu SALAMA : http://www.classiquenews.com/entretien-avec-mathieu-salama-contre-tenor-a-propos-de-son-nouveau-cd-furioso-barocco-1-cd-klarthe-records/

furioso barroco cd clic classiquenews matheiu salama cd klarthe critiqueENTRETIEN avec Mathieu Salama, contre ténor. Fougueux voire furieux, le chant investi du contre ténor français Mathieu Salama marque les esprits par la qualité de son implication pour chaque air choisi. Au concert dont il est familier depuis des années, le chanteur se passionne dans l’expression des affects baroques. Fort de cette expérience, Mathieu Salama enregistre son dernier album chez Klarthe records, « Furioso barocco », nouveau jalon dans la maturation d’un tempérament vocal franc, direct, à l’impérieuse intensité. Pour classiquenews, Mathieu Salama dévoile les coulisses de l’enregistrement (distingué par le CLIC de CLASSIQUENEWS) et précise quelques éléments de sa genèse.

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CD événement, critique. Karine Deshayes, Delphine Haidan. Deux mezzos sinon rien (1 cd Klarthe records)

deux-mezzos-sinon-rien-cd-concert-critique-classiquenews-CLIC-de-classiquenews-compte-rendu-annonce-KLARTHE-recordsCLIC D'OR macaron 200CD Ă©vĂ©nement, critique. Karine Deshayes, Delphine Haidan. Deux mezzos sinon rien (1 cd Klarthe records) – Il revient ainsi Ă  Klarthe de fixer l’entente et la douce complicitĂ© de deux mezzos françaises particulièrement bien associĂ©es. Le programme est Ă  la hauteur de la promesse : habilement Ă©quilibrĂ©, lieder de Brahms et de Mendelssohn auxquels rĂ©pondent plusieurs mĂ©lodies Ă©galement en duo, de Gounod, Saint-SaĂ«ns, FaurĂ©, Massenet… parmi les moins connues et les plus Ă©vocatrices. Le jeu du compositeur et chef Johan Farjot apporte un tapis pianistique des plus articulĂ©s, opĂ©rant dans le registre que les deux voix dĂ©ploient sans peine : l’écoute complice, la complĂ©mentaritĂ© poĂ©tique.
En ouverture, les Quatre mĂ©lodies de Brahms sont abordĂ©es avec lĂ©gèretĂ©, un allant sans affectation dès la première (« Die Schwestern » / les sĹ“urs, titre bien choisi) une attention partagĂ©e dans l’écoute Ă  l’autre ; les deux voix de mezzos, proches et pourtant caractĂ©risĂ©es, interchangeables et distinctes, semblent exprimer la double face d’une mĂŞme intention : insouciance, introspection plus secrète et intime pour le second lied – achevĂ© comme une interrogation (Klosterfräulein) ; souple et presque sensuelle, « Phenomen » s’énonce comme une douce prière, celle adressĂ©e Ă  un cĹ“ur chenu qui peut encore aimer…
Les amateurs de mélodies françaises seront ravis à l’écoute des perles et joyaux qui suivent. Karine Deshayes déploie sa soie flexible d’abord dans la première séquence « D’un cœur qui t’aime », timbre clair, aigus naturels et rayonnants auquel répond le chant plus sombre de sa consœur Delphine Haidan. Les deux fils vocaux tissant ensuite une tresse souple et équilibrée où les deux timbres se répondent et dialoguent sur le texte de Racine.
Les 3 oiseaux de Delibes se distingue par sa coupe précise et sobre, son intensité tragique progressive, jusqu’à la dernière strophe qui fixe une situation … perdue.
RĂ©vĂ©lateur d’un gĂ©nie opĂ©ratique et d’un raffinement supĂ©rieur, le cycle des deux mĂ©lodies de Saint-SaĂ«ns captivent tout autant : sur un rythme mi habanera / bolĂ©ro pour la première (El Desdichado, – texte du librettiste Jules Barbier) et sur le sujet d’un cĹ“ur pris dans les rĂŞts de l’amour cruel ; plus insouciante et presque fleurie, La Pastorale d’après le texte de Destouches est d’un dĂ©licieux parfum nĂ©o baroque.
La première des 3 mélodies de Massenet  « Rêvons c’est l’heure » (d’après Paul Verlaine) charme comme un nocturne enivré et suspendu; la tendresse rayonne dans « Marine » cultivant un climat éthéré, murmuré; enfin « Joie » s’électrise grâce aux deux voix admirablement accordées.
L’une des plus longues mélodies : « Bienheureux le cœur sincère » de Gounod,  est une prière ardente qui célèbre à la façon d’un cantique la justice divine et la bonheur des Justes… Chausson diffuse son romantisme subtil et sombre d’une enivrante intériorité (sublime « La nuit ») ; quand Fauré (« Puisqu’ici bas… ») sait exploiter toutes les nuances suaves des deux lignes vocales comme enlacées / torsadées. Le poids des mots, la nuance et l’équilibre des timbres, la caresse du piano font toute la valeur de ce programme dédoublé mais unitaire, original et cohérent. Un album qui est aussi déclaration musicale car le duo « Deux mezzos sinon rien » entend à présent conquérir à deux voix, scènes et théâtres. On s’en réjouit. Prochain concert le 28 octobre au Bal Blomet (Paris)…

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CD événement, critique. Karine Deshayes, Delphine Haidan. Deux mezzos sinon rien (1 cd Klarthe records)  enregistrement réalisé en mai 2019  —  CLIC de classiquenews, automne 2020.

Johannes BRAHMS | 4 duos, opus 61
Charles GOUNOD | D’un coeur qui t’aime
Léo DELIBES | Les 3 oiseaux
Camille SAINT-SAËNS | El Desdichado
Camille SAINT-SAËNS | Pastorale
Jules MASSENET | RĂŞvons, c’est l’heure
Félix MENDELSSOHN | 4 duos, opus 63
Jules MASSENET | 2 Duos, op 2
Charles GOUNOD | Bienheureux le coeur sincère
Ernest CHAUSSON | La nuit – op 11, n°1
Gabriel FAURÉ | Pleurs d’or – op 72
Gabriel FAURÉ | Puisqu’ici bas toute âme – op 10
Johannes BRAHMS | Die Meere – op 20, n°3

Karine Deshayes | Delphine Haidan
Johan Farjot, piano

VOIR toutes les infos sur le site du label KLARTHE records
https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/deux-mezzos-sinon-rien-detail

 

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CONCERT
Karine Deshayes | Delphine Haidan
Quatuor Ardeo
le 28 octobre 2020 – 20h30
au Bal Blomet Ă  Paris

Réservations
http://www.balblomet.fr/events/ardeo/

CD événement, annonce. Quatuor ARDEO : XIII (Schubert, Crumb) 1 cd Klarthe records

quatuor-ARDEO-XIII-cd-sept-2020-klarthe-annonce-critique-cd-Klarthe-recordsCD événement, annonce. Quatuor ARDEO : XIII (Schubert, Crumb) 1 cd Klarthe records (à paraître le 4 septembre 2020). L’auditeur est conduit dans l’errance de terres grises, lugubres, aux résonances d’anéantissement, de territoires oubliés et propices en éblouissements : Aux origines, de Monteverdi, le court madrigal « Hor che’l ciel e la terra » étend sa désespérance totale et définitive. C’est une entrée en matière viscéralement inscrite dans la mémoire, et qui confère à ce qui suit, une coloration plus profonde encore, en pleine conscience… Ainsi Schubert explore les mêmes couleurs mais avec une éloquence ciselée, une articulation détachée et sereine qui foudroie, nette et précise : l’emblème des Ardeo aujourd’hui. Ce Rosamunde ou Quatuor à cordes n°13 donne le titre de l’album édité cet automne par Klarthe records ; il exprime toutes les nuances de la désespérance profonde et comme déduite de sa chair douloureuse, tous les éclats d’une énergie transcendante. Tranchante, murmurée, hallucinée surtout, la lecture s’affirme dans la maîtrise d’une mélancolie à la fois rayonnante, lugubre et attendrie. Etonnant balancement, enivré et suspendu, du formidable « Minuetto », d’une CLIC D'OR macaron 200tristesse grise, pourtant lumineuse. Les quatre instrumentistes font dialoguer Schubert et Crumb dont ils émaillent les scintillements introspectifs de résonances baroques (Purcell), de transcriptions de lieder schubertiens qui soulignent la formidable vocalité ombrée, surnaturelle des instruments. Voici une traversée instrumentale qui décrypte l’agitation sourde de la nuit et ouvre les failles infinies d’un imaginaire inexploré… Prochaine grande critique dans le mag cd dvd livres de CLASSIQUENEWS  -  parution le 4 septembre 2020. CLIC de septembre 2020.

PLUS D’INFOS sur le site du label KLARTHE records

CD, événement, critique. Johan Farjot : Childhood (1 cd Klarthe records)

KLA100couv_lowCD, événement, critique. Johan Farjot : Childhood (1 cd Klarthe records). Jazzman, féru de culture américaine, Johan Farjot a réuni dans ce programme plusieurs amis et partenaires instrumentistes ; entre autres des complices familiers de son propre ensemble Contraste. Pour ce premier cd monographique, le compositeur présente 13 pièces plutôt courtes en un plan équilibré où la pensée musicale se révèle économe, opérant par formes condensées et sans dilution. Farjot offre plusieurs solos aux instruments, leur réservant pour chacun de superbes fenêtres expressives et lyriques, d’un essor digital non feint, qui permet une acuité assumée, heureuse… c’est le cas du solo pour clarinette (« Skyscapers »: belle vivacité crépitante), de « Carmen d’Escale » pour violon, et surtout « Nuit d’Adieu » pour alto, méditation qui accompagne la mort d’un ami, tout d’une plénitude assagie, suspendue (dernier épisode du programme).

RĂ©flĂ©chi et riche en climats intimes, le programme est une sorte d’introspection personnelle, un arrĂŞt sur image au mi temps d’une vie, d’oĂą le titre de la plage 7, emblĂ©matique… : « nel mezzo del cammin » / au milieu du chemin ; d’après les premiers vers de la Divine comĂ©die de Dante (Chant 1 de l’Enfer), c’est une exaltation Ă  deux voix, comme deux fĂ©es qui proclament, sereines mais dĂ©terminĂ©es. Les 3 haikus tĂ©moignent eux aussi dâ€un goĂ»t sĂ»r pour le dĂ©veloppement mesurĂ©, la connaissance de chaque timbre et l’ambitus expressif que l’association de plusieurs, permet d’explorer. Ils sont tous constituĂ©s de 44 mesures… rĂ©fĂ©rence discrète Ă  l’âge mĂŞme du compositeur.

Pas Ă  pas ce dernier y affirme une fascination pour ce temps et ce sentiment de l’enfance, insouciance, innocence qui inscrivent son travail dans le sillon des Français (Debussy, surtout Maurice Ravel…), d’oĂą le titre de l’album (” Chilhood ” » / enfance). Il le dit lui-mĂŞme : alors que nous vivons en permanence hyperconnectĂ©s, dans un flux divertissant continu, le temps musical renoue avec l’essence de l’âme, un temps psychologique sans enjeux oĂą le temps suspendu, retrouvĂ©, renoue avec cet ennui primordial (du temps de l’enfance) porteur d’une quĂŞte infinie, laquelle inspire aujourd’hui le compositeur. Mais c’est une nostalgie heureuse et intime qui s’accomplit ici. Et justement « Childhood 1 » (en ouverture), avec le pianiste et compositeur Karol Beffa convoque ce temps suspendu de l’enfance vĂ©cue, Ă  nouveau espĂ©rĂ©e.
CLIC D'OR macaron 200Le Quatuor s’invite aussi, dans « Molly’s Song » pour violon, alto, violoncelle et piano, alternant des plages d’un dramatisme mordant, âpre, et courtes pauses d’un oubli plus apaisé. L’écriture se joue de ce rapport contrasté de séquences, fort en oppositions, quand tout s’achève dans un murmure énigmatique, interrogatif. Pour ensemble de saxophones (ici l’ensemble Saxo Voce sous la direction du compositeur), « New York City » déroule comme des rubans riches en échos et vagues suaves, les timbres voluptueux des cuivres en une évocation bienheureuse de la City.
 D’un spectre plus dense encore et pour un large effectif, « Sea Shanties » permet à Johan Farjot de diriger son ensemble Contrastes, explorant des zones d’ombres, de demi teintes d’où émerge le chant comme décalé du piano, du violoncelle, de la clarinette. Et comme un formidable baisser de rideau, pour conclure en suggestion ténue, « Nuit d’adieu » superbement investi par l’alto d’Arnaud Thorette, un complice de longue date, touche en son dénuement viscéral et sincère.
 

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CD événement, critique. JOHAN FARJOT : CHILDHOOD (1 cd Klarthe records)

https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/childhood-detail

 

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programme du cd « Chilhood » :

 

 

 

Childhood 1
Karol Beffa, piano

HaĂŻku 1
Karine Deshayes, mezzo-soprano / David Bismuth, piano

Molly’s Song
Hugues Borsarello, violon / Arnaud Thorette, alto
Antoine Pierlot, violoncelle / Jérôme Ducros, piano

Pater Noster
Paco Garcia et Martin Candela, ténors
Igor Bouin et Olivier Gourdy, barytons

New York City
Ensemble Saxo Voce / Johan Farjot, direction /
Thibaut Canaval et Kévin Le Mareuil, saxophones soprano
Mary Osborn et Zephania Lascony, saxophones alto
Anne-Cornélia Détrain et Stéfane Laporte, saxophones ténor
Christophe Boidin et Malo Lintanf, saxophones baryton

Carmen d’escale
Geneviève Laurenceau, violon

Nel mezzo del cammin
Amélie Raison, soprano / Ambroisine Bré, mezzo-soprano
Mathilde Borsarello, violon 1 / Bleuenn Le Maitre, violon 2
Arnaud Thorette, alto / Antoine Pierlot, violoncelle

HaĂŻku 2
Ambroisine Bré, mezzo / Arnaud Thorette, alto

Skyscrapers
Pierre Génisson, clarinette

Childhood 2
Raphaël Imbert, saxophone / Guillaume Cornut, piano

Sea Shanties
Ensemble Contraste
Arnaud Thorette, alto / Jean-Luc Votano, clarinette / Johan Farjot, piano

HaĂŻku 3
Paco Garcia et Martin Candela, ténors / Igor Bouin et Olivier Gourdy, barytons
Johan Farjot, piano et direction

Nuit d’Adieu
Arnaud Thorette, alto

 

 

 

VIDÉO

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Johan Farjot joue Chilhood 1 (piano) :

 

 

 

 

 

 

ENTRETIEN avec KAROL BEFFA, Ă  propos du cd “Talisman”

beffa karol talisman cd klarthe records critique review cd critique classiquenews annonce CLIC classiquenewsENTRETIEN avec Karol Beffa, compositeur. L’éditeur Klarthe records dĂ©die un nouvel album (intitulĂ© « Talisman ») aux mondes poĂ©tiques du compositeurs KAROL BEFFA, peintre et alchimiste de climats d’un rare souffle suggestif. En format orchestral ou chambriste, les 5 pièces rĂ©centes constituent ainsi une nouvelle anthologie majeure ; elles tĂ©moignent d’une sensibilitĂ© Ă  part. Entre “Clouds” et “Clocks”, onirisme et fureur, le compositeur dĂ©voile certains secrets de fabrication, particulièrement inspirĂ© par les poètes et les Ă©crivains dont Borges… Aujourd’hui, Karol Beffa rĂ©flĂ©chit Ă  ce qui pourrait ĂŞtre un prochain opĂ©ra, et il compose pour l’horizon 2021, un « Tombeau » pour chĹ“ur et orchestre, afin de cĂ©lĂ©brer le 200 ème anniversaire de la mort de NapolĂ©on. Explications, Ă©claircissements Ă  propos de l’envoĂ»tement qui naĂ®t Ă  l’écoute du programme « Talisman » …

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Comment choisissez vous les textes que vous mettez en musique ? Dans le cas par exemple des Ruines circulaires ou du Bateau ivre ? Qu’est-ce qui vous inspire particulièrement dans ces deux textes ? Leur forme, leur sujet ?

Il arrive que je n’aie pas le choix et que le texte soit imposé pour des raisons liées à la commande. Ainsi des quatre contes musicaux dont j’ai écrit la musique : L’Œil du Loup (texte de Daniel Pennac), L’Esprit de l’érable rouge (texte de Minh Tran Huy), Le Roi qui n’aimait pas la musique (texte de Mathieu Laine), Le Roman d’Ernest et Célestine (texte de Daniel Pennac). Dans le cas du Roman d’Ernest et Célestine, France Culture désirait produire une fiction radiophonique qui serait tirée d’une œuvre de Pennac, et j’ai suggéré à la productrice Blandine Masson Le Roman d’Ernest et Célestine, un long texte que Daniel a écrit à partir de la série d’albums Ernest et Célestine de Gabrielle Vincent. Autre exemple : il y a quelques années, j’ai été contacté par une dame qui voulait me commander un cycle de mélodies sur des poèmes d’une poétesse chinoise du XIIe siècle, dans leur traduction anglaise. Elle voulait que le cycle soit créé par un contre-ténor de sa connaissance, un Chinois vivant à Londres. Pour Fragments of China, j’ai donc retenu quatre poèmes de Li Qingzhao qui racontent tout un cycle amoureux, à l’image des quatre saisons : rencontre, premiers émois, amour réciproque, désamour et abandon. D’autres fois, les contraintes liées à la commande sont moins rigoureuses mais existent tout de même : « Je n’ai plus que les os… », pour chœur mixte (ou pour quatre voix solistes) sur un Sonnet de Ronsard, m’a été commandé en 2015 par Eric Rouchaud qui voulait que l’œuvre soit donnée dans le cadre d’un concert mettant en valeur la France des siècles passés.
Dans les cas que je viens de citer, il est question de mettre en musique un texte, qu’il s’agisse de vers (par exemple dans le cas d’une mélodie ou d’une pièce chorale) ou de prose (par exemple dans le cas de contes musicaux). En d’autres circonstances, j’ai pu être stimulé par le pouvoir évocateur de certaines de mes lectures, ou plus simplement j’ai été attiré par un titre, qui agit alors comme un déclencheur. Lorsque Akiko Suwanai m’a commandé mon deuxième concerto pour violon, en 2014, le fait que sa création devait avoir lieu à Yokohama m’a incité à aller fouiller dans ma mémoire du côté du Japon. Le roman de Kazuo Ishuguro, An Artist of the Floating World, m’avait beaucoup marqué lorsque je l’avais lu quand j’avais 16 ans. Je m’en suis inspiré, de  loin en loin, pour l’écriture de ce concerto que j’ai intitulé A Floating World… Je ne doutais pas à ce moment-là que, deux ans plus tard, Kazuo Ishuguro obtiendrait le Prix Nobel de littérature…

Pour ce qui est des Ruines circulaires, pour orchestre bois par deux, il faut savoir que je suis un fan absolu du poète et Ă©crivain argentin Jorge Luis Borges, qui est par ailleurs un passionnĂ© de mathĂ©matiques, un maĂ®tre du nonsense et de l’illusion. Comme ce gĂ©ant, je ressens une attirance forte pour le rĂŞve, l’absurde, la spĂ©culation intellectuelle et la logique. PlongĂ© très jeune dans son Ĺ“uvre foisonnante, j’ai Ă©tĂ© tout particulièrement sensible Ă  la nouvelle Les Ruines circulaires. Superbement Ă©crite, c’est un condensĂ© des obsessions de Borges : le labyrinthe, le double, les mises en abyme, le vertige de l’infini. Il se peut que Borges m’influence aussi sur un plan esthĂ©tique, en ce sens que j’essaie de trouver un analogue musical Ă  son style prĂ©cis, incisif, tranchant comme un scalpel. Et sa fascination pour les illusions m’a certainement encouragĂ© Ă  en rechercher des Ă©quivalents dans le domaine des sons. Pour Les Ruines circulaires, j’ai imaginĂ© des tuilages d’objets musicaux en transformation permanente. Ailleurs, je cherche un substitut sonore aux spirales, ou encore je m’efforce de suggĂ©rer la sensation d’un vertige par des montĂ©es infinies vers l’aigu ou des descentes infinies vers le grave.
Quant au Bateau ivre, c’est un poème que j’ai découvert dans ma prime adolescence et qui m’a fasciné, sans que je sois rebuté par l’hermétisme de certains de ses vers. Notez que Les Ruines circulaires comme Le Bateau ivre sont des titres somptueux et puissamment évocateurs. Dans notre Anagramme à quatre mains. Une histoire vagabonde des musiciens et de leurs œuvres, mon ami Jacques Perry-Salkow, un génie de la langue et des contraintes, a d’ailleurs trouvé plusieurs très belles anagrammes pour Le Bateau ivre, dont celle-ci : « Beauté virale ».

 
 

 

Y a-t-il des pièces dont vous aimeriez encore faire évoluer la forme (orchestration, développement, durée…) ?

C’est plutôt rare. Et comme vous pouvez vous en doutez, même si un compositeur le voulait, son éditeur aurait sans doute tendance à l’en dissuader pour des raisons pratiques. Si l’œuvre lui a été commandée comme imposé d’un concours, la partition, une fois imprimée, est achetée par les candidats et il est difficile de lui faire subir quelque modification que ce soit. Quand il s’agit de musique pour orchestre, je livre à l’éditeur une partition que j’estime fin prête, et qu’il envoie telle quelle à l’imprimeur. Lors des répétitions puis de la première, les musiciens jouent ce qui est écrit sur cette partition. Pendant ces répétitions, il m’arrive de demander quelques modifications. Elles sont notées par les musiciens sur leur partition et ils en tiendront compte lors de l’exécution de l’œuvre. J’incorpore ces changements dans le fichier numérique de ma partition et je l’envoie à l’éditeur pour qu’il en fasse tirer une seconde impression, définitive, qui inclura les modifications. Entre l’édition de la partition pour les répétitions et l’édition définitive, les variations ne portent que sur des détails de nuance ou d’indication de tempo. De toute façon, j’essaie d’avoir des partitions avec notations de nuance, de tempo ou de caractère les plus précises possible pour que les musiciens ne soient pas dans l’incertitude pendant la répétition.
Ce qui peut se produire, en revanche, c’est qu’une fois conçue, couchée sur le papier et créée, je m’aperçoive que je préférerais qu’une pièce soit publiée avec d’autres au sein d’un recueil. En 2004, j’ai écrit pour piano Voyelles (encore Rimbaud !). En 2010 une Toccata, et en 2011 un Prélude, les deux également pour piano. Comme ces trois pièces pouvaient à bon droit être considérées comme des Etudes (à chaque fois, je me suis posé un problème compositionnel que j’ai essayé de traiter sous ses différentes facettes), j’ai ultérieurement décidé d’intégrer ces trois pièces dans mon deuxième cahier d’Etudes, Six Nouvelles Etudes. Elles sont finalement devenues les Etudes 11, 12 et 9, respectivement.

 
 

 

On a l’impression que les cinq pièces composant votre CD Talisman se succédaient les unes en un enchaînement quasi parfait… Est-ce volontaire ? 

Je crois que c’est pure coïncidence ! Nous nous sommes d’abord entendus, mon ami clarinettiste Julien Chabod (du label Klarthe) et moi, pour imaginer un programme de CD qui inclut seulement des pièces enregistrées par Radio France, que celles-ci elles relèvent de la musique de chambre ou de l’orchestre. Une fois la sélection effectuée, il nous a semblé judicieux de débuter et de clore le CD par une pièce symphonique. Les Ruines circulaires figurent donc en première position, Le Bateau ivre en dernière. J’ai par ailleurs estimé bienvenu d’avoir une pièce motorique en position centrale : Destroy, qui s’inspire des musiques actuelles (funk, pop, techno…). Ne restaient plus que les deux autres pièces de musique de chambre : Talisman et Tenebrae. Et Talisman étant construite en quatre mouvements, il m’a semblé préférable de la faire figurer en deuxième position.

 
 

 

Une fascination pour le sombre, l’anxiété, l’inquiétude souterraine est perceptible dans les climats que vous développez. Est-ce l’une des clés de votre écriture ?

A mes débuts de compositeur, je pratiquais volontiers les atmosphères à la sensualité alanguie, l’onirisme, les mystères et les brumes… Sans pour autant renier mes premières amours, m’est venue, vers 2005, l’envie de me lancer dans l’exploration d’un univers plus accidenté, plus tumultueux, « de bruit et de fureur». Bref, sans renoncer à mes tendances apolliniennes, de tenter l’aventure du dionysiaque. Dans les deux cas, qu’il s’agisse de clouds (une musique faite de couleurs, d’harmonies, de textures, qui privilégie le contemplatif) ou de clocks (une musique faite de pulsation, de rythme, de dynamisme, qui privilégie l’énergie), les climats sont effectivement assez sombres.
Les titres de mes pièces s’en ressentent d’ailleurs : Les Ombres qui passent, pour violon, alto ou violoncelle et piano ; Cortège des ombres, pour clarinette, alto (ou violon, ou violoncelle) et piano ; Les Ombres errantes, pour clarinette, cor et piano (que Julien Chabod, Pierre Rémondière et Julien Gernay viennent d’enregistrer pour Klarthe). Mais aussi Éloge de l’ombre, pour harpe, ou Paysages d’ombres, pour flûte, alto et harpe. A tel point que mon éditeur m’a demandé, à moitié sérieusement, si je pourrais désormais éviter de mettre « ombres » dans mes intitulés… Mais d’autres titres vont dans le même sens : Tenebrae, pour flûte, violon, alto et violoncelle ; Dark, concertino pour piano et orchestre à cordes ; Paradise Lost, pour violoncelle et orchestre… Cette prédilection pour le crépusculaire, les demi-teintes, les atmosphères de tombée du jour viennent certainement du fait que je suis d’un naturel angoissé. Et notamment que je suis hanté par l’idée de la mort, la mienne ou celle de mes proches.

 
 

 

Y a-t-il d’autres œuvres pour orchestre sur lesquelles vous travaillez actuellement ?

Je viens de terminer la musique du Roman d’Ernest et Célestine, pour « orchestre Mozart » et récitant (ou récitants), cette fiction radiophonique de France Culture qu’a commandée Radio France. Comme toujours chez Pennac, le texte est subtil et se prête à plusieurs niveaux de lecture, selon les âges des auditeurs. En raison de la pandémie due au Covid-19, Radio France ne sait pas encore si l’œuvre pourra être enregistrée, comme prévu, en juin prochain, avec l’Orchestre philharmonique de Radio France. Plusieurs orchestres (dont l’Orchestre de Cannes et son directeur musical Benjamin Lévy) semblent eux aussi être intéressés par l’œuvre, ce qui me réjouit.
Dans le cadre de ma future résidence auprès du Musée de l’Armée, en avril-juin 2021, je dois écrire, pour le 200e anniversaire de la mort de Napoléon, un Tombeau pour chœur et orchestre. Il sera donné par l’Orchestre de la Garde républicaine et le Chœur de Paris Sciences et Lettres en mai 2021. Et enfin, pour sa 20e édition programmée en février 2021, le concours Piano Campus m’a commandé l’œuvre imposée pour les finalistes : un bref concerto pour piano qu’ils joueront avec le Concerto en sol de Ravel : un voisinage forcément intimidant, d’autant que Ravel est l’un des compositeurs que j’admire le plus.
J’ai par ailleurs un projet d’opéra, dont j’espère vivement qu’il pourra se réaliser. Il faut pour cela que l’œuvre puisse bénéficier d’une commande, et il faut aussi réunir les conditions d’une captation et d’une reprise. Plusieurs maisons d’opéra sont intéressées, mais il est encore un peu tôt pour en parler. Tragédie ou opéra-bouffe, drame ou opérette, opéra de chambre ou très grande forme… ce ne sont certainement pas les idées de livrets qui manquent.

 
 

 

Propos recueillis en avril 2020

 
 
 
 

 
 
CD

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LIRE aussi notre critique complète du cd KAROL BEFFA Talisman, paru dĂ©but mai 2020 chez l’Ă©diteur KLARTHE records :
http://www.classiquenews.com/cd-evenement-critique-talisman-oeuvres-de-karol-beffa-1-cd-klarthe-records/

beffa karol talisman cd klarthe records critique review cd critique classiquenews annonce CLIC classiquenewsCD événement, critique. TALISMAN : œuvres de Karol Beffa (1 cd Klarthe records) – C’est une manière d’anthologie délectable, car ce remarquable programme démontre l’étendue des capacités compositionnelles du Français (d’origine polonaise) Karol Beffa. On y relève dans le mode tonal assumé et réjouissant, les affinités électives qui nourrissent un parcours créatif singulier et personnel : Bartok, Ravel et son homologue en Pologne Karol Szymanowski et Lutoslawski. Mais aussi Berg, Dutilleux, Ligeti… Chez Beffa, la matière sonore s’illumine de l’intérieur, déroulant une somptueuse opportunité pour les instruments de briller dans la profondeur, jamais dans l’artifice… Ce ne sont pas les pièces réunies dans ce programme qui nous contrediront, tant la sensibilité poétique de Karol Beffa conduit l’orchestre à explorer toujours plus loin le caractère et l’atmosphère de climats inédits. On y décèle pour notre part le goût de la texture orchestrale apte à suggérer et caractériser, cette même fascination du sombre et du grave qui fait aussi l’inspiration majeure de Philippe Hersant. CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2020
http://www.classiquenews.com/cd-evenement-critique-talisman-oeuvres-de-karol-beffa-1-cd-klarthe-records/

 
 

 
 
 

 

ENTRETIEN avec la pianiste Laurianne Corneille, Ă  propos de son album Schumann.

KLA094-CORNEILLE-LAURIANNE-cd-KLARTHE-robert-schumann-piano-kreisleriana-critique-cd-classiquenewsENTRETIEN avec Laurianne Corneille, Ă  propos de son album Schumann : “L’Hermaphrodite” (1 cd Klarthe records). « Doubles rĂ©conciliĂ©s », c’est ainsi que notre rĂ©dacteur Hugo Papbst rĂ©sumait la rĂ©ussite du dernier album de la pianiste Laurianne Corneille, interprète des personnalitĂ©s mĂŞlĂ©es, complĂ©mentaires de Robert Schumann. A l’appui de sa critique dĂ©veloppĂ©e, voici l’entretien que nous a rĂ©servĂ© la pianiste pour laquelle l’écriture Schumanienne revĂŞt des significations singulières et personnelles. Un engagement intime qui scelle la valeur de son regard sur Robert Schumann… Explications.

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On parle souvent de la double personnalité de l’âme schumannienne (Florestan / Eusebius). Que manifeste pour vous son écriture pianistique ? Un écartèlement de directions inconciliables ou un certain équilibre auquel chacun devrait aspirer ?

La difficulté intrinsèque de l’écriture de Schumann tient au fait que cet écartèlement ressenti par l’auditeur et qui se manifeste souvent par un inconfort, est en fait son propre équilibre. Schumann est comme un enfant qui chanterait à tue-tête sans se soucier de la beauté. Un enfant se soucie seulement de sa sincérité et c’est en cela, précisément, qu’il est beau. Schumann vit avec les émotions, avec tout ce qui le traverse, il ne cherche pas à les faire taire. C’est pour cela qu’il a le grand courage : celui de garder les yeux ouverts sur tout ce qu’il l’entoure. Je crois que son côté épique, chevaleresque, qui n’appartient qu’à lui, découle de ce courage de l’enfance. Il chante donc avec toutes ses voix, et elles se coupent la parole en permanence : c’est ce qui s’entend dans son écriture pour le piano. Il ose être plusieurs personnes, exactement comme un enfant qui raconte une histoire.
Peu de gens savent se laisser traverser ainsi, alors d’aucuns le ressentiront comme un Ă©cartèlement… « Le regard neuf de l’enfant sauve mĂŞme les trottoirs de l’usure » disait Romain Gary. Je crois que, dans ce fragile Ă©quilibre qui est le sien, Schumann nous sauve d’un romantisme qui pourrait devenir routinier si nous n’avions ce type de regard, qui est comme une vigilance.

 

 

La présence du corps, le souvenir de la blessure innervent implicitement votre approche artistique (8 pièces des Kreisleriana). De quelle façon cette singularité a-t-elle enrichi votre propre approche de l’écriture schumannienne ?

Par l’accident que j’ai vécu, j’ai ressenti cet écartèlement (dont il a été question plus haut) physiquement : c’est mon corps qui s’est fissuré à travers cette clavicule brisée. J’ai une propension naturelle à l’écartèlement de la psyché, mais ressentir le déchirement du corps, puis m’obliger à chanter à tue-tête par-dessus la blessure fût une expérience singulière. J’ai donc fait ce cheminement, très proche à mon sens de l’écriture de Schumann.
Par ailleurs, je suis quelqu’un qui comprend par le corps ou, pour le dire autrement, qui fait toujours en sorte de réfléchir et dépasser l’expérience corporelle afin de la transcender. L’événement importe finalement assez peu. C’est ce que l’on en fait qui peut tout changer.
Je pense souvent à cette phrase de Lorette Nobécourt, immense autrice, qui m’accompagne : «Aujourd’hui, je pense que la souffrance est une occasion inespérée de comprendre. Il faut saisir cette voie d’accès avant que tout se referme. »
Je crois que c’est ce que j’ai fait, mais j’ai sans doute gardé un pied dans la porte, c’est-à-dire que je garde le souvenir de cette souffrance-là.

 

 

Parlez-nous de ce « fil d’or » à la fois ténu et réparateur qui réconcilie. Dans quelles pièces précisément ?

Ce fil d’or -qui est mon fil rouge-  est une autre manière de parler de la laque d’or, l’urushi, que l’on utilise lorsqu’on répare des céramiques ou des faïences brisées. Cet art japonais du Kintsugi était ma métaphore personnelle pour parler du chant. C’est pour cette raison qu’il est le thème principal du film réalisé par Gaultier Durhin pour parler de ce disque. Il s’agit du chant salvateur avec lequel on vient panser les blessures. La laque d’or est partout, dans des proportions plus ou moins importantes selon les pièces. La musique de Schumann est une topographie de la souffrance, et j’ai voulu combler, avec plus ou moins d’or, les sillons, les fissures, les écartèlements. C’était ma manière d’entendre cette musique et de la «dire ». Mais aussi d’exprimer : « ne détournez pas le regard, parce que ces blessures sont belles. »

 

 

Que représente pour vous l’Hermaphrodite ? En quoi cette figure mythologique est-elle emblématique de votre approche de Schumann ?

L’Hermaphrodite est mon cheval de Troie. Il s’établit par cette figure mythologique ambivalente différents niveaux de lecture : le double schumannien, la complémentarité féminin/masculin, le personnage de Clara Schumann, la scission, la fusion. C’est tout à la fois un monstre et une figure de l’amour. Il est une crainte et une fascination. C’est une alchimie qui me permet aussi de m’exprimer en tant qu’Homme lorsque c’est la Femme qui joue et inversement.

Propos recueillis en avril 2020.

 

 
 

 

KLA094-CORNEILLE-LAURIANNE-cd-KLARTHE-robert-schumann-piano-kreisleriana-critique-cd-classiquenewsLIRE aussi notre critique complète du cd SCHUMANN : L’Hermaphrodite. Kreisleriana, Les Chants de l’aube… Laurianne Corneille, piano  – 1 cd KLARTHE records… Extrait de la critique : “ Un cheminement qui nous conduit Ă  la clĂ©, sommet de cette libĂ©ration Ă©motionnelle qui va par Ă©tapes : le Widmung (chant de l’amour) et qui dĂ©voile le 3è terme de la trinitĂ© Schumanienne : « Raro », rĂ©bus amoureux qui fusionne ClaRA et RObert Schumann, l’un des rares couples parmi les plus lĂ©gendaires de l’histoire de la musique. Ici, lumineuses et sincères, leurs deux âmes fusionnent. Widmung ici jouĂ© dans sa transcription pour piano seul de Liszt, ravive intacte, la magie du sentiment amoureux le plus pur, tout en se rapprochant de l’indicible nostalgie schubertienne.”
http://www.classiquenews.com/cd-critique-schumann-lhermaphrodite-laurianne-corneille-piano-1-cd-klarthe-records/

 

 
 

 

CD, événement, critique. CHAUSSON le littéraire / Musica Nigella : Chanson perpétuelle, La Tempête, Concert opus 21 (1 cd Klarthe records)

klarthe-records-CHAUSSON-la-tempete-cd-critique-classiquenews_takenori-nemoto-ensemble-musica-nigella-chausson-le-litteraire-2020CD, Ă©vĂ©nement, critique. CHAUSSON le littĂ©raire / Musica Nigella : Chanson perpĂ©tuelle, La TempĂŞte, Concert opus 21 (1 cd Klarthe records)   –   On ne soulignera jamais assez le gĂ©nie d’Ernest Chausson, Ă©toile du romantisme français, fauchĂ© trop tĂ´t (Ă  44 ans). Ses Ĺ“uvres, certes peu nombreuses tĂ©moignent aux cĂ´tĂ©s des germaniques Liszt, Schumann, Brahms…, d’une aisance singulière Ă  l’époque du wagnĂ©risme gĂ©nĂ©ral, d’un tempĂ©rament unique et inclassable que le programme du disque Ă©ditĂ© par Klarthe Ă©claire avec raison. Comme Schumann entre autres, Chausson est grand lecteur et amateur de poĂ©sie (d’oĂą le titre « Chausson littĂ©raire »). Il frĂ©quente auteurs et Ă©crivains, dont Maurice Bouchor qui fournit le livret des Poèmes de l’amour et de la mer, cycle emblĂ©matique dĂ©sormais de la mĂ©lodie française.

Au menu de ce recueil opportun, 3 partitions, non des moindres : Chanson perpétuelle opus 37, ultime pièce de Chausson inspiré par le texte de Charles Cros ; les musiques de scène pour La Tempête (d’après Shakespeare) et le Concert pour violon, piano et quatuor à cordes opus 21, composé simultanément à son opéra Le Roi Arthus, et dont le prétexte réalise une nouvelle de Tourgueniev. En petit effectif, l’ensemble Musica Nigella perpétue un certain art du chambrisme à la française : dans les équilibres des plans sonores, le relief caractérisé des timbres instrumentaux auxquels se joint les deux voix (dans la Tempête, associées dans le duo de Junon et Cérès), se définit avec franchise, la forte sensibilité d’un Chausson, wagnérien proclamé qui cependant reste un tempérament hexagonal, résolument tourné vers la clarté et la transparence. La prise live ajoute à l’excellente caractérisation du geste collectif, ce dans chaque séquence.

D’emblée la riche texture des cordes imprime à Chanson Perpétuelle sa densité expressive, son ampleur orchestrale (Chauson n’a pas reçu pour rien l’enseignement de Massenet puis surtout la révélation de la spiritualité Franckiste) ; et dans le sillon wagnérien, la lyre des cordes diffuse son caractère de malédiction tenace, de poison évanescent, comme en écho à la douleur tragique de l’héroïne du poème de Cros. C’est la langueur perpétuelle et infinie d’une blessure à jamais ouverte, tel Amfortas alangui, figé dans son extase meurtrie. Le timbre sombre et cuivré de la soliste (Eléonore Pancrazi), à la fois sombre et relativement intelligible éclaire idéalement cette lumière des ténèbres qui rayonne d’un bout à l’autre.

La Tempête impose immédiatement son flux dramatique et une narrativité éloquente en lien avec le texte passionné et naturaliste de Shakespeare. Musica Nigella en offre la restitution de la version de chambre que Chausson avait écrite lui-même (pour voix et 6 instruments : flûte, violon, alto, violoncelle, harpe, célesta) aux côtés de la version orchestrale mieux connue. Celle ci a bénéficié de ce premier état dont la présente lecture accuse la prodigieuse imagination du texte poétique ; y souffle le vent sur les flots, une mer bouillonnante, celle qui isole l’île magique fantastique de la pièce shakespearienne, avec en génie insaisissable et spirituel, le facétieux Ariel, esclave (asservi à Prospero) et pourtant déité aérienne…

Les instrumentistes savent articuler et caractériser chaque séquence de La Tempête qui gagne ainsi un relief capiteux ; évidemment d’abord par la voix d’Ariel (aérienne, invocatrice, suave) qui ouvre et conclut le cycle des 6 épisodes. La restitution pour instruments dont le célesta apporte des couleurs infiniment poétiques éclairant le personnage d’un esprit contraint à servir le tyran de l’île dans sa folie ; doué d’une imagination sans limites, Ariel enchante et captive, comme le pur esprit Puck, complice des enchantements équivoques dans le Songe d’une nuit d’été du même Shakespeare.  D’une partition fidèle au drame, les instrumentistes expriment le caractère fantastique et profondément langoureux qui plonge dans le mystère ; le portrait d’Ariel atteint une épaisseur réjouissante. L’équilibre et la volupté du son tout en complicité ressuscite la verve shakespearienne de Chausson.

 

 

Dirigé par Takénori Némoto, Musica Nigella
dévoile avec passion et vivacité

Ernest Chausson, littéraire et ténébriste…

 

 

chaussonDense et dramatique, le Concert pour violon, piano et quatuor à cordes opus 21 éclaire le travail spécifique de Chausson sur la forme concertante, dans l’esprit des Baroques français. La plasticité formelle qui met en scène les divers instruments, en particulier le violon (la pièce créée en 1892 est dédiée au légendaire violoniste belge Eugène Ysaÿe) jouant sur les combinaisons possibles dévoile tout ce qui intéresse alors le compositeur wagnérien, très fidèle à l’esthétique cyclique de Franck : opposition, confrontation, dialogue virtuose et fulgurant des voix solistes ainsi entremêlées. Libre et fantaisiste, l’opus 21 en quatre parties offre une manière d’alternative spécifiquement française au plan quadripartite de forme sonate léguée par les classiques viennois.

Le premier mouvement « décidé » ouvre large et puissant le champs expressif entre gravité et tension mélancolique et aussi une âpreté mordante qu’enrichit une sonorité d’une suavité profonde comme envoûtée. Le chant du violon, comme porté par le piano d’une souplesse enivrée, libère la tension ; il chante sans entrave en un jeu dialogué à deux voix d’une ivresse éperdue.
La Sicilienne, brève voire fugace adoucit la tension du premier mouvement en une légèreté … trop fragile pour durer. Car le mouvement qui suit a occupé, semble-t-il toutes les ressources du compositeur : c’est le sommet évident de la partition. S’y déploie, tenace, en vagues lancinantes, amères, toute la langueur étirée à l’extrême d’un dénuement viscéral, énoncé en un glas lugubre ; ainsi ce 3è mouvement ou « Grave » distingue définitivement le mode introspectif quasiment halluciné, hagard que chérit tant Chausson soit plus de 10 mn d’un climat suspendu, noir presque inquiétant … il faut bien cette soie des ténèbres, au recul vertigineux qui semble traverser le miroir pour que jaillisse comme insouciante la progression palpitante du Finale « très animé » (mais ici parfaitement articulé) où rayonne enfin, dans la lumière, l’admirable double chant, violon / piano.

CLIC D'OR macaron 200L’intérêt du disque relève de la philosophie même du label Klarthe ; favoriser l’émergence des nouvelles générations d’interprètes français (Musica Nigella est né dans le Pas de Calais en 2010) tout en assurant l’exploration d’oeuvres encore méconnues et pourtant passionnantes, comme c’est le cas des 3 partitions ainsi dévoilées. On connaît mieux aujourd’hui, la symphonie en si bémol opus 20 (sommet orchestral de 1891, contemporaine ici du Concert opus 21), Soir de Fête opus 32, le Poème pour violon et orchestre opus 25… Musica Nigella a eu le nez fin de s’investir dans la restitution de chacune des œuvres ici abordées. L’apport est majeur. La réalisation fine et engagée, d’une permanente intelligence expressive et poétique. Autant de caractères d’un ensemble superbement mûr, réjouissant par sa complicité active.

 

 

 

 

 

 

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CD, Ă©vĂ©nement, critique. CHAUSSON le littĂ©raire / Musica Nigella : Chanson perpĂ©tuelle, La TempĂŞte, Concert opus 27 – (1 cd Klarthe records)
Enregistrement rĂ©alisĂ© en mai 2019 (Pas de Calais) – CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2020.

https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/chausson-le-litteraire-detail

 

 

Musica Nigella
Takénori Némoto, direction musicale & reconstitution
Eléonore Pancrazi, mezzo-soprano (Chanson perpétuelle)
Louise Pingeot, soprano
Pablo Schatzman, violon
Jean-Michel Dayez, piano

Ernest Chausson
Chanson perpétuelle Op. 37 (1898)
La TempĂŞte Op. 18* (1888)
Concert Op. 21 (1891)

 

 

 

Approfondir

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Musica Nigella sur CLASSIQUENEWS, précédent cd édité par Klarthe (mai 2019) :

 

RAVEL exotique musica nigella critique cd annonce concerts classiquenews klarthe records critique classiquenews KLA083couv_lowCD, critique. RAVEL l’exotique. MUSICA NIGELLA (1 cd Klarthe records) – Belles transcriptions (signĂ©es TakĂ©nori NĂ©moto, leader de l’ensemble) dĂ©fendues par le collectif Musica Nigella : d’abord le triptyque ShĂ©hĂ©razade (1903) affirment ses couleurs exotiques fantasmĂ©es, tissĂ©es, articulĂ©es, soutenant, enveloppant le chant suave et corsĂ© de la soprano Marie Lenormand (que l’on a quittĂ©e en mai dans la nouvelle production des 7 pĂ©chĂ©s de Weill Ă  l’OpĂ©ra de Tours). En dĂ©pit d’une prise mate, chaque timbre se dessine et se distingue dans un espace contenu, intime, rĂ©vĂ©lant la splendeur de l’orchestration ravĂ©lienne ; dĂ©sir d’Asie ; onirisme de La FlĂ»te enchantĂ©e ; sensualitĂ© frustrĂ©e de L’indiffĂ©rent. La soliste convainc par son intelligibilitĂ© et la souplesse onctueuse de son instrument. LIRE la critique complète Ravel l’exotique / Musica Nigella

CD, annonce. ” SILAS “, Silas BASSA, piano (1 cd Klarthe records)

PIANO-KLARTHE-CD-critique-classiquenews-concert-cd-piano-critique-review-silas-bassa-piano-concert-cd-critique-classiquenews-KLA099couv_lowCD, annonce.  ” SILAS “, Silas BASSA, piano (1 cd Klarthe records)   –   Il avait dĂ©jĂ  fait paraĂ®tre chez Paraty, deux albums singuliers, affirmant une personnalitĂ©s artistique dense et affirmĂ©e (DualitĂ , Oscillations : lire ici notre prĂ©sentation critique du cd Dualità )  -  En un « piano qui pense le monde » (dixit notre rĂ©dacteur Lucas Irom Ă  propos du recueil et des concerts « Dualità »), le pianiste et compositeur argentin Silas Bassa rĂ©cidive un parcours semĂ© d’éclats poĂ©tiques dont le goĂ»t des contrastes enchanteurs et des ambiances Ă©clectiques confirment une nette disposition pour l’imaginaire. Dans ce nouveau programme intitulĂ© « SILAS », Ă©ditĂ© par Klarthe records, l’interprète de ses propres Ĺ“uvres rĂ©alise au piano comme un AUTOPORTRAIT MUSICAL. En 5 lettres majuscules, comme autant de facettes, uniques, complĂ©mentaires ; composantes d’un ĂŞtre multiple. Qui cependant ne sacrifie en rien son unitĂ© sensible. Dans DualitĂ , le pianiste rĂ©ussissait un superbe collage d’oeuvres connues signĂ©es Messiaen, Glass, Debussy…complĂ©tĂ©es par ses partitions, soit une ode aux voix du XXè, que le compositeur prolonge ici par un nouveau kalĂ©idoscope serti de pièces de son cru : que des compositions personnelles et originales. Il en rĂ©sulte 10 pièces personnelles, 10 Ă©tapes d’un voyage intime menant de la pampa argentine aux pavĂ©s parisiens. La palette des Ă©motions est large, aux enchaĂ®nements imprĂ©vus et rĂ©vĂ©lateurs. Ce sont des cartes postales, des souvenirs tĂ©nues, rĂ©itĂ©rĂ©s (« amor de madre »), des hommages directs (« Katia the runaway », « Rosa Bonheur »…), des instants privilĂ©giĂ©s captĂ©s dans l’intimitĂ© domestique (« le chat et le poisson rouge »), des clins d’oeil introspectifs (« letter to myself »); et comme souvent, une complicitĂ© partagĂ©e (« trust » avec la violoncelliste Maitane Sebastian)…. Prochaine critique du cd SILAS / Silas Bassa, piano, 1 cd Klarthe records, dans le mag cd dvd livres de classiquenews. Parution annoncĂ©e le 15 mai 2020 (sortie digitale) ; le 6 novembre 2020 : sortie physique.

 

 

 

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approfondir

LIRE aussi nos autres articles SILAS BASSA sur CLASSIQUENEWS
Entretien avec Silas Bassa à propos de son album Dualità… « un chemin de liberté et d’équilibre. Ecrire, c’est remercier la vie ».
http://www.classiquenews.com/entretien-avec-silas-bassa-pianiste-hors-normes-a-propos-de-son-cd-dualita-paraty/

 
 

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CD, critique. DANZAS : CUAREIM QUARTET + NATASCHA ROGERS  (1 cd Klarthe records)

cuareim quartet natascha rogers cd concert critique review classiquenews concert PARIS vertisiteCD, critique. DANZAS : CUAREIM QUARTET + NATASCHA ROGERS  (1 cd Klarthe records) –  Il Ă©mane des artistes ici rĂ©unis une connivence riche en mĂ©tissages et saveurs inĂ©dites ; les instrumentistes renouvellent l’art du Quatuor entre autres dont ils font un passage vers un univers instrumental et poĂ©tique très singularisĂ© : le CUAREIM QUARTET incarne l’idĂ©al des mĂ©tissages enivrants. Les quatre instrumentistes se sont lancĂ©s en quatuor au Mexique en 2013. Le geste des Quatre cultive avec habiletĂ© le trouble nĂ© du croisement du jazz, des musiques du monde, populaires, traditionnelles, servies par des instruments « classiques ». Ici, ils puisent dans un rĂ©pertoire impressionnants de rythmes de danses, une sĂ©rie de morceaux inĂ©dits composĂ©s par chaque instrumentiste, qui savent aussi laisser la place Ă  l’impro. C’est un son diffĂ©rent et plus caractĂ©risĂ© encore (apport de la percu : le bombo dans « Gerundio » par exemple) qui sait aussi rester dans la tradition du quatuor Ă  cordes, jouant d’ailleurs des styles. Le choix des pièces renvoie Ă  leur dernier cd « Danzas » / « danses » : chaque morceau est un tableau en soi, fortement marquĂ© par des Ă©lĂ©ments expressifs spĂ©cifiques.

Chaque pièce est une invitation au voyage : Brésil, Cuba, Argentine, Mexique (évidemment), mais aussi Bulgarie (irrésistible Tanuana, véritable appel aux rêves élaboré par le violoniste Federico Nathan), Macédoine… jusqu’à la Réunion et au Pérou. L’offrande invite constamment à l’imaginaire ; elle est un formidable vivier de métissages inventifs (écoutez les « Amants de Barbès » par exemple, composé par le violoncelliste Guillaume Latil qui évoque la vitalité des musiques de l’Afrique du Nord, dans l’esprit du bal musette…
D’un cycle d’instants amoureusement chaloupés, se détache aussi la nonchalance mélancolique de « Naila », boléro mexicain (avec maracas et congas) d’une délicieuse tendresse… pièce qui est le point de départ du groupe.
L’ivresse est au rendez vous ; la volonté de partage et d’échanges aussi car la musique est universelle et métissée. Voilà un programme flamboyant qui démontre avec justesse, car les visions réductrices résistent, -comme la volonté de cloisonner les démarches-, combien l’histoire de la musique est un perpétuel et heureux mélange ; du « savant » au « populaire », les mouvements et les passages sont perpétuels ; les cultures, imbriquées, fusionnées, régénérées.

CLIC D'OR macaron 200Cuareim Quartet confirme cette complicité active qui rappelle combien la musique dite savante ne serait rien sans la vitalité des musiques populaires et traditionnelles. Le goût des assemblages règne en maître et les kaléidoscopes de couleurs et de sons éblouissent d’un bout à l’autre de ce programme enivrant, soit 10 « épisodes » musicaux, 10 « Danzas / danses » d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui. Une préférence ? Saluons le chant sacré cubain « La topa de elegua » … un traditionnel Yoruba, chanté par Natascha Rogers. L’art des saveurs et des combinaisons imprévues surprend, convainc, transporte.

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CD, critique. DANZAS : CUAREIM QUARTET + NATASCHA ROGERS (1 cd Klarthe records) - CLIC de CLASSIQUENEWS / Printemps 2020

DANZAS par Cuareim Quartet
Federico Nathan, Rodrigo Bauzá, violons
Olivier Samouillan, altiste
Guillaume Latil, violoncelle
Natascha Rogers, chant

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PLUS D’INFOS sur le site du label KLARTHE records
https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/jaz-detail

 

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TEASER VIDEO  : Cuareim Quartet
https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/jaz-detail

 

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CLIP VIDEO : « Les Amants de Barbès »

Les amants de Barbès : métissages heureux du Cuareim Quartet
Rodrigo Bauza, Federico Nathan – violins / violons
Olivier Samouillan – Viola / alto
Guillaume Latil – cello / violoncelle

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VIDEO, VINOPHONY : piano et vin. L’osmose parfaite par JULIEN GERNAY

VIDEO, VINOPHONY : du piano et du vin. L’osmose parfaite par JULIEN GERNAY, piano. Julien Gernay est un pianiste accompli qui aime partager sa passion pour les divins cĂ©pages… A dĂ©faut de pouvoir dĂ©guster crus, liqueurs, Ă©thers, divins nectars, sĂ©lectionnĂ©s par l’interprète, mis en dialogue avec chaque sĂ©quence musicale de ce parcours singulier et personnel, le disque Ă©ditĂ© par Klarthe en fixe les marqueurs sonores pour des points de convergence, riches en Ă©motions croisĂ©es, qu’il faudra vivre, comme des promesses d’instants Ă  venir, en compagnie d’un Ĺ“nologue et surtout en prĂ©sence du pianiste lui-mĂŞme, vrai connaisseur des liquides enchanteurs. Et qui prend plaisir Ă  expliquer la connivence sensorielle entre telle Ă©criture musicale et tel vin… « Vinophony », le titre laisse envisager pour la musique, une rĂ©ceptivitĂ© autre, prĂ©parĂ©e, permise par l’apport d’un breuvage qui lui correspond. A la croisĂ©e des deux univers, musique et vins, l’interprète comme un sorcier connaisseur des vertus de la nature sublimĂ©e par la main de l’homme, nous offre cette carte intime, remarquable et nouvelle gĂ©ographie qui exalte les sens. REPORTAGE VINOPHONY / © studio CLASSIQUENEWS – rĂ©alisation : Philippe-Alexandre PHAM, dĂ©c 2019

LIRE aussi notre critique complète du cd VINOPHONY : Julien Gernay joue Haendel, FaurĂ©, Liszt… (1 cd KLARTHE – CLIC de classiquenews de dĂ©c 2019)

VINOHONY julien gernay cd klarthe critique review cd classiquenews critique concert piano KLA086couv_lowCLIC D'OR macaron 200Sur le plan strictement musical, le pianiste a le souci de la nuance, des couleurs, du chant intĂ©rieur (superbe Schubert : Impromptu n°4 D935). Puis, c’est l’efflorescence sonore, comme une cathĂ©drale de sons et de timbres qui s’organisent Ă  mesure que se dĂ©ploient les Variations qui construisent la Chaconne de Haendel ; puis c’est le temps schumannien, suspendu, celui de la maturation du « Soir / Das abends », ivresse Ă©perdue auquel rĂ©pond l’affirmation dĂ©terminĂ©e plus articulĂ©e et caracolante d’ « Ă©panouissement / Aufshwung », conçu en un diptyque, vrai miroir oĂą dialogue l’esprit Ă  deux voix d’un Schumann ici crĂ©pitant et exaltĂ©… Par notre rĂ©dacteur Hugo Papbst

CD, critique. Un moment chez les Schumann : Sonates pour violoncelle et piano de Robert, Georg, Camillo SCHUMANN. Cyrielle Golin (violoncelle) / Antoine Mourlas (piano) – 1 cd KLARTHE records.

moment-musical-chez-les-schumann-golin-mourlas-cd-klarthe-records-critique-cd-review-cd-classiquenewsCD, critique. Un moment chez les Schumann : Sonates pour violoncelle et piano de Robert, Georg, Camillo SCHUMANN. Cyrielle Golin (violoncelle) / Antoine Mourlas (piano) – 1 cd KLARTHE records. Ce « moment musical chez les Schumann » façonne un salon romantique qui rĂ©unit 3 Schumann, non pas membres d’une fratrie, en rien parents de la famille de Robert, mais plutĂ´t colonie de sensibilitĂ©s au mĂŞme nom patronymique, ayant chacun Ĺ“uvrĂ© Ă  Leipzig. Les deux instrumentistes Cyrielle Golin (violoncelle) et Antoine Mourlas (piano) font acte de complicitĂ© et d’audace ans un cycle particulièrement original et dĂ©fricheur. Camillo dont la Sonate violoncelle / piano ouvre le rĂ©cital est le plus rĂ©cent nĂ© en 1872 Ă  Konigstein (comme Georg), semble prolonger l’exemple de l’illustre Schumann nĂ© en 1810. Son Ă©criture est plus lisztĂ©enne que Schumanienne et brahmsienne, en cela moins profonde et captivante que celle de Georg. Moins grave et viscĂ©rale que les autres pièces, la Sonate n°1 opus 59 dĂ©veloppe cependant un bel esprit chantant, fluide, habitĂ© par l’ardeur complice des deux musiciens.

Premier Romantique et modèle de cette trinité inédite, Robert, apparaît par comparaison comme le génie des humeurs ; au verbe ciselé, caractérisé avec une sensibilité très affûtée, particulièrement vive et contrastée (« Vanitas vanitatum » qui ouvre les Fünf stücke im Volkston opus 102). Ce qui touche dans cette série de 5 pièces, c’est la profondeur et la justesse du caractère de chacune : à l’esprit bravache, voire parodique du I, répond immédiatement la rêverie pudique du II : « Langsam », traversé par une gravité tout à fait étrangère au début. La divagation schumanienne se déploie ensuite, maîtrisant ses deux orientations non pas antinomiques mais complémentaires: autodétermination / doute, errance / construction. Ce que comprennent parfaitement les deux interprètes, jouant sur la souplesse, la rondeur d’une fusion accomplie, secrète, harmoniquement voluptueuse.

 

 

Georg Schumann révélé

 

 

La révélation reste celle de l’écriture de Georg, très proche de Robert : ardente et vive, nerveuse et presque sanguine dans l’approche, très brahmsienne des deux instrumentistes : la Sonate opus 19 n’a rien à envier aux plus renommés, Robert et Johannes. Notée « con Molto espressione », la Sonate s’embrase dès son premier mouvement, mais sans force ni pathos, dans une flexibilité de moyens et d’accents fondés sur l’écoute et l’entente réciproque : ce qui fonde la valeur de ce dernier triptyque. La profondeur, l’activité, l’urgence, la vivacité intérieure convainquent sans réserve. Né à Konigstein en 1866, soit bien après la mort de Schumann, Georg semble recueillir l’ardente flamme passionnelle de son prédécesseur, comprenant ses délicats équilibres, ses éclairs comme ses replis des plus intimes ; Georg (1866-1952) fut un proche de Richard Strauss fondant avec lui la société des auteurs en Allemagne GEMA ; Georg joue le Concerto de Robert et comprend toutes les composantes de son écritures qu’il fusionne avec celle de Brahms. L’opus 19 écrit en 1897 en témoigne : la référence aux Anciens romantiques, Robert et Johannes est vivifiée ici par une rigueur constante des modulations ; une intelligence de l’harmonie aux changements parfois vertigineux. Excellent programme, enivrant, révélateur.

 

 

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CD, critique. Un moment chez les Schumann : Sonates pour violoncelle et piano de Robert, Georg, Camillo SCHUMANN. Cyrielle Golin (violoncelle) / Antoine Mourlas (piano) – 1 cd KLARTHE records – enregistrement rĂ©alisĂ© Ă  Paris, Temple Saint-Marcel, janvier 2019). 

  

 

CD, critique. SCHUMANN : L’Hermaphrodite. Laurianne Corneille, piano (1 cd Klarthe records)

KLA094-CORNEILLE-LAURIANNE-cd-KLARTHE-robert-schumann-piano-kreisleriana-critique-cd-classiquenewsCD, critique. SCHUMANN : L’Hermaphrodite. Laurianne Corneille, piano (1 cd Klarthe records) – On ne soulignera jamais assez la fascination des mondes doubles de Robert Schumann, ses masques jaillissants, Ă  l’insolente Ă©nergie dont la volubilitĂ© versatile, changeante comme une onde insaisissable, semble tout synthĂ©tiser de la psychĂ© humaine. Parce qu’il a choisi de s’inscrire au cĹ“ur de ses contradictions mĂŞmes, le piano de Schumann semble offrir le miroir le plus complet de l’âme humaine… Le prĂ©sent programme en tĂ©moigne et s’intitulant « L’Hermaphrodite », Ă  la fois masculin et fĂ©minin, il Ă©claire l’ambivalence captivante schumannienne / « doppelgänger » (sosie / double); Ă  la fois EusĂ©bius et Florestan, telles deux sensibilitĂ©s non pas contradictoires mais complĂ©mentaires. A l’interprète d’en comprendre les enjeux, manifester l’activitĂ©, rĂ©aliser l’unitĂ©.

Sur les traces et dans les sillons de la pensée critique de Roland Barthes (Rasch dont elle lit aussi un extrait en bonus), la pianiste Laurianne Corneille exprime d’abord les « coups » fragiles, ténus, passionnés du fougueux et sombre Florestan, dans les Kreisleriana : « un corps qui bat » ; la lutte de Robert contre lui-même ? , puis sait polir la courbe moins explicite d’une première écoute ; celle de la douceur d’Eusebius (sa tendresse calme et même énigmatique), conçue comme le négatif du tumulte premièrement décelé.

 

 

Les doubles réconciliés

 

 

Un cheminement qui nous conduit à la clé, sommet de cette libération émotionnelle qui va par étapes : le Widmung (chant de l’amour) et qui dévoile le 3è terme de la trinité Schumanienne : « Raro », rébus amoureux qui fusionne ClaRA et RObert Schumann, l’un des rares couples parmi les plus légendaires de l’histoire de la musique. Ici, lumineuses et sincères, leurs deux âmes fusionnent. Widmung ici joué dans sa transcription pour piano seul de Liszt, ravive intacte, la magie du sentiment amoureux le plus pur, tout en se rapprochant de l’indicible nostalgie schubertienne.

Comme deux pôles fascinants, la pianiste aborde d’abord Les Chants de l’aube, une toute autre confession / contemplation personnelle, frappée par l’épaisseur grave de la maturité, élaborée quelques temps avant son suicide dans le Rhin.
Puis, miroir de la jeunesse de Robert, ses élans et sa déclaration d’amour pour Clara : les Kreisleriana ; ce sont moins les secousses chaotiques d’une pensée confuse, au bord de la folie (comme on le joue trop souvent, comme on les présente aussi systématiquement), que la manifestation éclatante d’un tempérament divers, pluriel, étonnamment riche qui a affronté la peur et le rêve ; les espoirs et la désillusion. Les 8 épisodes caressent l’intranquille et tenace activité schumanienne, comme une série de crépitements ardents, semés de coups et de chocs, physiques comme cérébraux. Schumann a tout vécu, tout senti, tout mesuré. L’interprète embrasse le flux pianistique dans sa sauvage complexité sans jamais perdre son fil.

Comme leur aboutissement logique, Les Chants de l’aube en sont la réalisation finale, l’aveu du renoncement et de la mort. 5 sections conçues comme un lent mais inexorable effondrement progressif, énoncé comme un chant doux et liquide (le dernier en particulier, envisagé comme un océan qui se retire : « Im Anfange ruhiges… »).
En recueillant pour elle-même les disparités faussement confuses du chant schumanien, Laurianne Corneille trouve ce « fil d’or » qui unifie les directions, équilibre les tensions, enrichit toujours sa propre expérience intérieure ; voilà qui rend les œuvres de Schumann, révélatrices d’un cheminement, en rien instinctif et précipité, plutôt réfléchi et magistralement contrôlé, conscient et assumé. L’éprouvé, brisé, saisi est réunifié… voire « sublimé » selon l’esthétique japonaise du kintsugi, cet art qui répare les céramiques cassées et leur offre une nouvelle vie (cf la notice très personnelle qui accompagne le cd). Chez Schumann, ce voyage entre deux rives, devient bénéfique. A la fois, salvateur et réparateur. Lumineuse et intime réalisation.

 

 

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CD, critique. SCHUMANN : L’Hermaphrodite. Kreisleriana, Les Chants de l’aube… Laurianne Corneille, piano (1 cd Klarthe records – enregistrement rĂ©alisĂ© en fĂ©v 2019).

https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/lhermaphrodite-detail

Robert Schumann
Gesänge der FrĂĽhe / Chants de l’aube, opus 133
“Kreisleriana” opus 16
Liebeslied aus Myrthen, opus 25  (transcription de Franz Liszt)

Laurianne Corneille, piano

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CONCERT
Soirée Klarthe records
Lundi 2 mars 2020, PARIS, salle Colonne, 20h.
SCHUMANN par Laurianne Corneille, piano
BRAHMS : Florent Héau, clarinette et le Quatuor Voce.
Réservez vos places directement auprès de Klarthe :
https://www.billetweb.fr/schumann-brahms-klarthe

 

 

KLA094-CORNEILLE-LAURIANNE-cd-KLARTHE-robert-schumann-piano-kreisleriana-critique-cd-classiquenews

 
 

 
 

 
 

 

ENTRETIEN avec Laurianne Corneille

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KLA094-CORNEILLE-LAURIANNE-cd-KLARTHE-robert-schumann-piano-kreisleriana-critique-cd-classiquenewsENTRETIEN avec Laurianne Corneille, à propos de son album Schumann : “L’Hermaphrodite” (1 cd Klarthe records). « Doubles réconciliés », c’est ainsi que notre rédacteur Hugo Papbst résumait la réussite du dernier album de la pianiste Laurianne Corneille, interprète des personnalités mêlées, complémentaires de Robert Schumann. A l’appui de sa critique développée, voici l’entretien que nous a réservé la pianiste pour laquelle l’écriture Schumanienne revêt des significations singulières et personnelles. Un engagement intime qui scelle la valeur de son regard sur Robert Schumann… Explications. LIRE notre entretien avec Laurianne Corneille à propos de Robert Schumann

  

 

COMPTE-RENDU, concert. PARIS, Studio de l’Ermitage, le 9 fév 2020. QUINTETO RESPIRO / CUAREIM QUARTET + NATASCHA ROGERS

COMPTE-RENDU, concert. PARIS, Studio de l’Ermitage, le 9 fév 2020. QUINTETO RESPIRO / CUAREIM QUARTET + NATASCHA ROGERS  -  Le studio de l’Ermitage à Paris en connivence avec l’éditeur Klarthe offre une somptueuse soirée riche en métissages et saveurs inédites ; y paraissent deux phalanges bien chaloupées, chacune leur univers instrumental et poétique très singularisé : le QUINTETO RESPIRO et le CUAREIM QUARTET qui renouvellent à leur façon l’idéal de métissages réussis, calibrés, enivrants. En février 2020, les deux ensembles éditent leur nouvel album chez Klarthe Records. Deux offrandes très séduisantes. Ce concert marquait le lancement des deux programmes.

herencia-vertisite quinteto respiro tango concert cd critique review classiquenewsQUINTETO RESPIRO : Tango traditionnel et régénéré… les 5 instrumentistes du Quinteto Respiro insuffle une approche originale et légitime au Tango ; ce dès leur création en 2009.  Depuis leur rencontre avec le compositeur et pianiste argentin Gustavo Beytelmann, les 5 complices cultivent leur passion du tango enrichie des conseils et enseignements des maîtres en la matière : J.J Mosalini, Ramiro Gallo, ou encore l’Orquesta Tipica Silencio, entre autres… le sens du chambrisme, leur écoute, la complicité qui les animent, singularisent un sens irrésistible des rythmes et une palette scintillante, à la fois feutrée mais terriblement cadencée en couleurs et en accents.
Dans le Tango, ils puisent et explorent à l’infini maintes formes, traditionnelles ou plus expérimentales encore. Les accents suaves d’Astor Piazzolla comme le déhanché dansant des milongas. Le collectif repousse les lignes, questionne le genre, édifie de nouvelles textures… Le titre de leur dernier album dont il joue ici plusieurs morceaux, « Herencia » / « Héritage », souligne cette exigence de la mémoire et de son dépassement créatif.
La très fine culture du groupe leur permet d’aborder mais avec un son renouvelé des standards (propres aux tangos pour les salles de bal du début XXè) : Don Juan, la Cumparsita, Contrabajeando (de Piazzolla)  et d’y croiser les pièces contemporaines de Gustavo Beytelmann (entre autres Al declinar el Dia de 2016, qui est la pièce la plus longue)…

Herencia par Quinteto Respiro
Sébastien Innocenti : Bandonéon
Emilie Aridon Kociołek : Piano
Sabrina Condello : Violon
Fabio Lo Curto : Clarinette, Clarinette Basse
Dorian Marcel : Contrebasse

 

 

cuareim quartet natascha rogers cd concert critique review classiquenews concert PARIS vertisitePour leur part, CUAREIM QUARTET rĂ©unit quatre instrumentistes qui se sont lancĂ©s en quatuor au Mexique (2013). Le geste des Quatre cultive avec habiletĂ© le trouble nĂ© du croisement du jazz, des musiques du monde, populaires, traditionnelles, servies par des instruments « classiques ». Ici, ils puisent des rythmes de danses, une sĂ©rie de morceaux inĂ©dits composĂ©s par chaque instrumentiste, qui savent aussi laisser la place Ă  l’impro. C’est un son diffĂ©rent et plus caractĂ©risĂ© encore (apport de la percu : le bombo dans « Gerundio » par exemple) qui sait aussi rester dans la tradition du quatuor Ă  cordes, jouant d’ailleurs des styles. Le choix des pièces renvoie Ă  leur dernier cd « Danzas » / « danses » : chaque morceau est un tableau en soi, fortement marquĂ© par des Ă©lĂ©ments expressifs spĂ©cifiques. Chaque pièce est une invitation au voyage : BrĂ©sil, Cuba, Argentine, Mexique (Ă©videmment), mais aussi Bulgarie (irrĂ©sistible Tanuana, vĂ©ritable appel aux rĂŞves Ă©laborĂ© par le violoniste Federico Nathan), MacĂ©doine… jusqu’à la RĂ©union et au PĂ©rou… une offrande Ă  l’imaginaire et un formidable vivier de mĂ©tissages inventifs (Ă©coutez les Amants de Barbès par exemple, composĂ© par le violoncelliste Guillaume Latil qui Ă©voque la vitalitĂ© des musiques de l’Afrique du Nord, dans l’esprit du bal musette… Se dĂ©tache aussi la nonchalance mĂ©lancolique de « Naila », bolĂ©ro mexicain (avec maracas et congas) d’une dĂ©licieuse tendresse… pièce qui est point de dĂ©part du groupe.
L’ivresse est au rendez vous ; la volonté de partage et d’échanges aussi car la musique est universelle et métissée. Voilà un programme flamboyant qui démontre avec justesse, car les visions réductrices résistent, combien l’histoire de la musique est un perpétuel et heureux mélange ; Cuareim Quartet confirme cette complicité active qui rappelle combien la musique dite savante ne serait rien sans la vitalité des musiques populaires et traditionnelles. Le goût des assemblages règne en maître et les kaléidoscopes de couleurs et de sons éblouissent d’un bout à l’autre de ce programme réjouissant, renvoyant directement aux 10 « épisodes » musicaux de l’album « Danzas ». Notre préférence va au chant sacré cubain La topa de elegua qui est un traditionnel Yoruba, chanté par Natascha Rogers. L’art des saveurs et combinaisons imprévus surprend, convainc, transporte.

 

 

DANZAS par Cuareim Quartet
Federico Nathan, Rodrigo Bauzá, violons
Olivier Samouillan, altiste
Guillaume Latil, violoncelle
Natascha Rogers, chant

 

COMPTE-RENDU, concert. PARIS, Studio de l’Ermitage, le 9 fév 2020. QUINTETO RESPIRO / CUAREIM QUARTET + NATASCHA ROGERS

 

Programme de la soirée du 9 février 2020:

Cuareim Quartet:

- Chorinho em Paris ( Guillaume Latil)
- La topa de Elegua ( trad/ arr. Guillaume Latil )
- Tanuana    (Federico Nathan)
- Qi zai         (Rodrigo Bauza)
- Les amants de Barbès ( Guillaume Latil)
- Gerundio ( Rodrigo Bauza)
- Anteo   (Olivier Samouillan)
- Naila  (Jesus « Chuy » Rasgado/Arr. Rodrigo Bauza)
- Danza de un lugar cercano ( Rodrigo Bauza)

Quinteto Respiro:

- Niebla del Riachuelo (J.C Cobian)
- El Desaparecido (G. Beytelmann)
- Travesia (G. Beytelmann)
- Al Declinar el Dia (G. Beytelmann)
- Ofrenda (G. Beytelmann)
- Contrabajeando (Piazzolla)
- Taquito Militar (M.Mores)
- Tres Minutos con la Realidad (Piazzolla)
- Triunfal (Piazzolla)
- Bailarina (Sonia Possetti)

 

2 cd édités par KLARTHE records
« Herencia », Quinteto Respiro – KRJ027 – Sortie annoncĂ©e le 7 fĂ©vrier 2020.
Danzas » du Cuareim Quartet KRJ028. Sortie annoncée le 14 février 2020

+ d’infos sur le site de KLARTHE records

 
 

CD, événement, critique. MODERNISME : Liatochinski, Tchesnokov, Chostakovitch. S. Nemtanu / Orchestre Symphonique National d’Ukraine / Bastien Stil (1 cd Klarthe)

modernisme bastien still nemtanu chostakovitch tchesnokov cd critique classiquenews KLA087couv2_lowCD, événement, critique. MODERNISME : Liatochinski, Tchesnokov, Chostakovitch. S. Nemtanu / Orchestre Symphonique National d’Ukraine / Bastien Stil  (1 cd Klarthe)  -  A la pointe des projets originaux et participatifs, l’éditeur Klarthe édite un programme magistralement investi, fruit d’un appel aux dons passés sur les plateformes dédiées ; la promesse est exaucée : la réalisation est indiscutable et nous plonge dans cette modernité propre aux années 1920 quand l’URSS s’ouvre à la modernité européenne (d’où le titre « Modernisme »), grâce à de forts tempéraments : Chostakovitch (Symphonie n°1, 1926), le moins célèbre Boris Liatochinski (Ballade pour piano op. 24 en 1929); les deux partitions sont mises en perspective avec le compositeur contemporain ukrainien, Dimitri Tchesnokov dont la violoniste Sarah Nemtanu crée ici le très dense et éclectique, Concerto pour violon opus 87.

Dans sa Ballade, Boris Liatochinski (1895-1968) écrit une magistrale synthèse du post romantisme surexpressif entre Scriabine, Stravinsky, Bartok. En une boucle qui ouvre et se referme sur un même ostinato grave voire lugubre, la pièce regorge d’accents (danse fiévreuse et impérieuse dans la seconde séquence), fruits d’un éclectisme expérimental ; exaltée par une orchestration raffinée, elle scintille même dans le noir, finement transcrite ici par Dimitri Tchesnokov, en une Fantaisie démoniaque aux résonances ténébreuses. L’œuvre diffuse peu à peu une inquiétude permanente, étrangeté libre, hypnotique d’un monde perdu ou condamné. Voilà qui installe une résonance évidente avec la Symphonie de Chostakovitch, jouée en dernière partie.

NĂ© en 1982, l’ukrainien Dimitri Tchesnokov assume les influences occidentales de Liatochinski, Schnittke, Pekka-Salonen et John Adams ! Il a aussi travaillĂ© en France auprès de Guillaume Connesson. Le Concerto, commande du chef Bastien Stil, est certainement emblĂ©matique de son Ă©clectisme pourtant puissant et personnel, très narratif ; l’oeuvre enchaĂ®ne 3 mouvements plutĂ´t caractĂ©risĂ©s : Largo oĂą la ligne soliste de l’alto se dĂ©tache en libertĂ©, en une cheminement libre, tendu (somptueuses lignes dans l’aigu), ivre, ponctuĂ© par des clusters orchestraux longs, Ă©tirĂ©s, au souffle dramatique ; enchaĂ®nant danse lĂ©gère et nerveuse, puis marche finale.
Le volet central  (Intermezzo) ressuscite les enchantements nocturnes comme la rĂŞverie d’un promeneur solitaire : s’y affirme le goĂ»t du compositeur pour une orchestration fine et raffinĂ©e (bois bavards et saillants) et aussi des changements de climats rapides car le soliste emporte bientĂ´t tout l’orchestre dans un cheminement plus fanfaronnant, enivrĂ©, exaltĂ©, interrompu, dont la verve annonce le dernier mouvement : Finale « la Ronde », le plus court des 3 mouvements, c’est un scherzo nerveux et agile conduit par l’éloquence quasi Ă©lectrisĂ©e du violon dont le discours s’intensifie, s’embrase ; vivifiĂ© par une ligne quasi rhapsodique, c’est Ă  dire libre, aux traits virtuoses acĂ©rĂ©s puis aux longues phrases Ă©tirĂ©es qui convoquent un ultime repli, pudique …qui conclut la pièce dans le murmure.
Il y faut toute la démesure intérieure de Sarah Nemtanu, sa très riche palette de nuances, dans les pianos ténus, les acoups exacerbés pour en comprendre la versatilité dramatique et jamais superficielle, pour en faire jaillir le sens d’une virtuosité tournée vers l’urgence intérieure.
La diversité des épisodes, le soin dans la caractérisation instrumentale en particulier dans le tissu orchestral pourraient envisager une perte de l’équilibre et de la cohérence globale ; rien de tel car jaillit du début à la fin, un allant tragique, parfois menaçant et sourd qui apporte l’assise et l’architecture.

cd klarthe records modernisme chostakovitch liatochinski Tchesnokov cd campagne dons presentation annonce relais par classiquenews nouveau cd Klarthe records  ulule-page001.U8ozYYjSWN0ALe chef Bastien Stil souligne dans la Symphonie n°1 d’un Chostakovitch (1906-1975) âgé de … 19 ans, ce qui compose sa profonde unité et sa cohérence à travers les quatre mouvements enchaînés. Déjà l’auteur maîtrise son langage, l’un des plus ambivalents, à la fois enivré (la valse dès le premier mouvement) et sarcastique, tendre et ironique. Au rire déjà trouble, interrogatif de l’Allegretto, faussement amusé voire facétieux, répond l’Allegro de forme scherzo, grinçant voire parodique. La densité et l’épaisseur se renforcent encore dans le Lento, pesant et mystérieux (hautbois puis flûte tendus, lointains mais « inquiets ») où se colore la ligne parfois imperceptible mais durable de la trompette : s’y déploie l’étoffe tragique qui enveloppe toutes les partitions du compositeur. Saisi entre un calme de façade et une angoisse plus ténue. Chef et orchestre donnent la mesure de cet état intermédiaire, qui pourrait être inconfortable, mais qui installe un souffle puissant, équivoque et étrangement grandiose. Voilà le vrai et le plus authentique Chostakovitch qui s’affirme ici avec une maîtrise sonore, un sens de la construction, … remarquables.
Comme chez Ravel, l’énergie heurtĂ©e, versatile du Finale s’emporte en une ultime liesse dĂ©bridĂ©e (piano dĂ©lurĂ©, et tous les pupitres comme exaltĂ©s, ivres…), elle aussi ambivalente, qui tient de l’exaltation et de la libĂ©ration, de la violence surtout, Ă  la fois animale, instinctive, terrifiante ; la texture, l’architecture, l’épaisseur de ce Finale, d’une ahurissante maturitĂ© au regard de la jeunesse de l’auteur, sont dĂ©taillĂ©es et incarnĂ©es avec une sincĂ©ritĂ© et une comprĂ©hension, passionnantes. Le chef et les instrumentistes de l’Orchestre Symphonique National d’Ukraine en dĂ©livrent toute l’intensitĂ© jusqu’aux limites des timbres (bois et cordes), dans le tutti final, lui aussi, au sommet de l’ambivalence (apothĂ©ose et fin, ou syncope et interruption ?). Tout est lĂ  dans ce mystère non Ă©lucidĂ© d’une fin en pointillĂ©s.

 
 

  
 

 

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CLIC_macaron_2014CD, Ă©vĂ©nement, critique. MODERNISME : Liatochinski, Tchesnokov, Chostakovitch. S. Nemtanu / Orchestre Symphonique National d’Ukraine / Bastien Stil – 1 CD Klarthe : K 087 (Distribution : PIAS) – DurĂ©e : 1h07min

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VOIR le TEASER VIDEO 
https://www.youtube.com/watch?v=-Fh4hy-enlc

L’album « Modernisme », sous la baguette du chef d’orchestre Bastien Stil avec la violoniste Sarah Nemtanu, plonge au cĹ“ur de la musique soviĂ©tique entre 1917 et 1932…
The album “Modernism”, under the baton of the talented conductor Bastien Stil and featuring the brilliant violinist Sarah Nemtanu, takes you into the heart of Soviet music from 1917 to 1932 …
Listen to the emblematic 1st Symphony by Shostakovich in a remarkable performance of the National Symphony Orchestra of Ukraine. Discover Liatochinski’s “Balade” Op.24 and finally the world’s first recording of Dimitri Tchesnokov’s Violin Concerto composed in 2015 in resonance of the great masters of the past.

  

Programme :

Boris Liatochinski (1895-1968), orchestration Dimitri Tchesnokov
Ballade op. 24

Dimitri Tchesnokov (1982)
Concerto pour violon et orchestre op. 87
(création)

Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n°1 op. 10

 
 
 

Achetez  :
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CD, critique. Influences : Bach, Chopin. Laurence OLDAK (1 cd Klarthe, 2018)

oldak influences chopin bach piano cd klarthe records critique cd classiquenewsCD, critique. Influences : Bach, Chopin. Laurence OLDAK (1 cd Klarthe, 2018). Immortel JS… Bach demeure un modèle pour nombre de compositeurs après lui. Et plus encore à l’époque romantique quand naît la redécouverte du patrimoine musical ancien ; en témoigne Chopin qui ne se sentait mieux qu’après avoir joué du Bach, en encore Liszt qui s’est passionné à transcrire les œuvres du Cantor (ici le Prélude et fugue BWV 543). Qu’on le joue comme maintenant au clavecin ou au piano, Bach respire la poésie et l’universel. La pianiste toulousaine Laurence Oldak nous le rappelle ici avec implication et de réels arguments. Après le premier opus dédié à Scriabine (Dialogue), son 2è album chez Klarthe, intitulé « Influences », remonte les eaux musicales en une généalogie qui fait dialoguer les sensibilités d’un siècle à l’autre, du XVIIIè au XIXè. Unificateur et explorateur, le jeu de la pianiste permet les confrontations, les filiations : tout un jeu en miroir ou en échos : Bach / Chopin, Bach / Busoni (qui transcrit ici « Ich ruf zu dir », confession, prière à la fois solitaire et assurée), Bach / Liszt déjà cité, et jusqu’à Carl Philip Emmanuel dont la pianiste restitue en fin de programme, le somptueux et presque grave Andante con tenerezza (Sonate Wq 65/32, de plus de 5mn).

Les Bach sont naturellement articulĂ©s, chantants mĂŞme : ils coulent comme courre l’onde d’un fleuve ocĂ©an, toujours caractĂ©risĂ© et revivifiĂ© Ă  travers ses danses enchaĂ®nĂ©es (5 Ă©pisodes pour la Partita n°2 BWV 826 qui ouvre le rĂ©cital). L’élève de Lucienne Marino-Bloch, elle-mĂŞme Ă©lève de Michelangeli, – heureuse filiation, « ose » jouer et rĂ©ussir ici la Sonate n°3 opus 58 de Chopin, un dĂ©fi pour tout interprète : Ă  travers les modulations tĂ©nues des harmoniques, aux reflets miroitants si chantants, jaillit cette lumière qui est force vitale ; la pianiste en fait vibrer le tragique sublimĂ© ; Chopin vient de perdre son père – un choc comme ce fut le cas pour Mozart, perdant le sien pendant la composition de Don Giovanni. A Nohant en 1844, près de Sand, Chopin, en lion de la nuit, exprime un indĂ©fectible goĂ»t de vivre : voilĂ  ce que nous fait Ă©couter le jeu tout en souplesse de Laurence Oldak. L’exaltation lyrique du premier mouvement, en son extension mĂ©lodique au bord de l’allongement mais d’une portĂ©e intĂ©rieure quasi schubertienne, s’exprime avec libertĂ© ; le Scherzo jubile, volubile et libre comme une rĂ©miniscence heureuse de Mendelssohn… le Largo plonge dans les entrailles funèbres (marche) du musicien qui se vit comme un exilĂ©, vivant certes, mais dĂ©chirĂ© ; tandis que le dernier Ă©pisode Finale / presto non tanto, assène ses explosions furieuses, tissant l’une des pages les plus puissantes, les plus Ă©perdues, et aussi les plus exaltĂ©es de Chopin. Le CPE qui suit et conclut le programme sonne comme un adieu d’une absolue sĂ©rĂ©nitĂ©, Ă  la fois simple, dĂ©pouillĂ©, d’une sobre profondeur. Très beau rĂ©cital.

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CD, critique. Influences : Bach, Chopin. Laurence OLDAK (1 cd Klarthe, 2018)

CD, critique. VINOPHONY : Julien Gernay, piano (1 cd Klarthe, 2019)

VINOHONY julien gernay cd klarthe critique review cd classiquenews critique concert piano KLA086couv_lowCD, critique. VINOPHONY : Julien Gernay, piano (1 cd Klarthe, 2019). Julien Gernay est un pianiste accompli qui aime partager sa passion pour les divins cépages… A défaut de pouvoir déguster crus, liqueurs, éthers, divins nectars, sélectionnés par l’interprète, mis en dialogue avec chaque séquence musicale de ce parcours singulier et personnel, le disque édité par Klarthe en fixe les marqueurs sonores pour des points de convergence, riches en émotions croisées, qu’il faudra vivre, comme des promesses d’instants à venir, en compagnie d’un œnologue et pourquoi pas en présence du pianiste lui-même, vrai connaisseur des liquides enchanteurs. Et qui prend plaisir à expliquer la connivence sensorielle entre telle écriture musicale et tel vin… « Vinophony », le titre laisse envisager pour la musique, une réceptivité autre, préparée, permise par l’apport d’un breuvage qui lui correspond.
A la croisée des deux univers, musique et vins, l’interprète comme un sorcier connaisseur des vertus de la nature sublimée par la main de l’homme, nous offre cette carte intime, remarquable et nouvelle géographie qui exalte les sens.

 

 

Piano œnologique

JULIEN GERNAY : VINOPHONY
un voyage enchanteur où l’ivresse est musicale…

 

 

 

Sur le plan strictement musical, le pianiste a le souci de la nuance, des couleurs, du chant intĂ©rieur (superbe Schubert : Impromptu n°4 D935). Puis, c’est l’efflorescence sonore, comme une cathĂ©drale de sons et de timbres qui s’organisent Ă  mesure que se dĂ©ploient les Variations qui construisent la Chaconne de Haendel ; puis c’est le temps schumannien, suspendu, celui de la maturation du « Soir / Das abends », ivresse Ă©perdue auquel rĂ©pond l’affirmation dĂ©terminĂ©e plus articulĂ©e et caracolante d’ « épanouissement / Aufshwung », conçu en un diptyque, vrai miroir oĂą dialogue l’esprit Ă  deux voix d’un Schumann ici crĂ©pitant et exaltĂ©.

Le Brahms expire une soie qui s’alanguit dans la pudeur et l’adieu maîtrisé (Intermezzo). Ses deux LISZT convoque le grand clavier symphonique et spirituel du virtuose abbé. La narration des années de Pèlerinage (en Suisse), dépeint la Vallée d’Obermann dans un crépitement sonore graduel dans lequel le pianiste exprime les sentiments qui étreignent Liszt lui-même, observateur inspiré, face au motif naturel, traversé par les souvenirs de son périple. Chez le Fauré qui suit, on distingue la fine espièglerie aérienne, chantante, comme ennivrée (Barcarolle n°6) ; de même la fluidité picturale, riche en nuances et rubatos habités, racés, mordants, caractérisés (Rumores de la Caleta de Albeniz) ; et cette ivresse des émotions qui submergent et envoûtent l’âme enivrée, se libère enfin dans l’excellent Debussy au titre évocateur d’un artiste syncrétiste et poète entre les mondes : « les sons et les parfums se répondent dans l’air du soir », chant d’une volupté tenace qui pourtant se dérobe… Le clavier magicien exprime la matière du rêve voire de l’extase.

CLIC D'OR macaron 200En bref, sans pouvoir éprouver le vertige sensoriel qu’apporte en conjonction, la dégustation d’un vin choisi et qui leur correspond, les 12 séquences musicales de ce parcours, hors format habituel, enivrent les sens grâce à la sensibilité électrisante du pianiste, guide inspiré et double passeur, pour un cheminement des mieux conçus. Passionnante ivresse. CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2019

 

 

 

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CD, critique. VINOPHONY : Julien Gernay, piano (1 cd Klarthe, 2019) – Plus d’infos sur le site de KLARTHE records
https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/vinophony-detail

 

VINOHONY julien gernay cd klarthe critique review cd classiquenews critique concert piano KLA086couv_low

 

 

 

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Tracklisting / Programme du cd VINOPHONY :

HAENDEL  : Chaconne en Sol Majeur HWV 435
SCHUMANN  : Fantasiestücke  opus 12
SCHUBERT  : Impromptu n°4 D935
BRAHMS  : Intermezzo en la majeur opus 118
SCHUBERT : « Soirées de Vienne » Valse Caprice n°6 S.427/6 (arr: F.LISZT)
LISZT  : AnnĂ©es de Pèlerinage / Suisse – « VallĂ©e d’Obermann » S.160
LISZT  : Consolation n°3 S.172
FAURÉ  : Barcarolle n°6 opus 70
ALBENIZ : Recuerdos do Viaje : « Rumores de la Caleta » opus 71
DEBUSSY,   Préludes Livre I : « les sons et parfums tournent dans l’air du soir »
DEBUSSY,  « Beau Soir » (arr: J.HEIFETZ)

Julien Gernay, piano

CD, critique. LOCAL BRASS Quintet : STAY TUNED (1 cd Klarthe Records / juil 2018)

LOCAL BRASS quintette critique cd classiquenews KLA065couv_lowCD, critique. LOCAL BRASS Quintet : STAY TUNED (1 cd Klarthe Records / juil 2018). Lauréats du prestigieux Osaka International Chamber Music Competition (Japon), les 5 cuivres du quintette Local Brass (formation parisienne née en 2015) fixe envies, inspirations, répertoires, rencontres … vécues pendant leurs trois premières années de partage et de travail en musique de chambre. Les capacités des jeunes instrumentistes semblent infinies au diapason d’une hyperactivité qui en dit long sur leur engagement et promet de futures belles réalisations : ne prenez que le cas de l’un d’entre eux, Tancrède Cymermann, professeur de tuba et d’euphonium au conservatoire de Cambrai… dont le goût de la transmission s’électrise d’une rare disposition pour le jeu collectif (et l’écoute qui va avec…).
L’éventail des oeuvres de ce premier récital discographique témoigne d’un élargissement du répertoire pour le quintette marqué par la jeunesse et l’audace, le goût de l’exploration de nouveaux mondes sonores, comme en témoignent les deux créations à l’affiche de cette première : « Souffle du ciel sur l’acier » de Jean-Claude Gengembre (timbalier solo du Philhar de Radio France), et « A game for six » de Thomas Enhco où le piano dialogue avec les 5 cuivres en une épopée instrumentale qui manie habilement impro jazzy et générosité de timbres.
Pour se chauffer les 5 jouent les transcriptions des Valses Poétiques de Granados (arrangement Gabriel Philippot). Du piano au 5 cuivres, mélodies et rythmes gagnent un galbe nouveau, chaud et rond, où la fusion des couleurs et des demi teintes cuivrées, en tuilage savamment calibrés, composent une mosaïque sonore qui ressuscite le panache et la truculence ibériques. Granados permet de jouer sur la brillance caractérisée et souvent opulente (pleine de saine ardeur méditerranénenne) des timbres : beaux contrastes de caractères entre la valse lente et l’allegro humoristique, sans omettre l’abandon scherzando de « l’Allegretto » (au phrasé élégantissime). Outre le détail des lignes mélodiques, frappe aussi l’équilibre des plans sonores, une spatialisation naturelle instaurée par le volume propre à chaque type d’instrument.

Saluons la Sonate de Derek Bourgeois (1980) en 3 mouvements: l’obligation de la précision et de la synchronicité, le geste virtuose et libre y ont nécessairement scellé ici une sonorité en partage que Local Brass déploie remarquablement.
Comme un riche vitrail musical, colorĂ©, plein d’accents, la Sonate – triptyque joue sur l’ampleur et la rondeur de la sonoritĂ© globale et les profils individualisĂ©s que peuvent creuser chacun des instruments, surtout les 2 trompettes et le trombone. « L’Andante Piangevole » berce par sa calme mĂ©lopĂ©e, d’une sensualitĂ© inquiĂ©tante et grave… tandis que fascine l’éloquence des seconds plans que sait ciseler chaque instrumentiste. Le finale brillant a le panache triomphant, clair et dĂ©monstratif.

CLIC D'OR macaron 200Et comme un feu d’artifice qui souligne encore l’éloquence de ce collectif à la fois racé et percutant, le même Gabriel Philippot transcrit pour l’effectif enjoué, la Danzón n°2 d’Arturo Márquez : jubilation libre mais fine et précise où derechef le piano et les percus se joignent au Quintette inspiré. Les 5 rendent hommage au fondateur du Sistema du Venezuela, José Antonio Abreu, disparu en mars 2018, en une danse à la fois mélancolique mais aux rythmes endiablés, irrésistibles auxquels les prodigieux cuivres, surtout trombone et tuba apportent un surcroît de ronde bonhommie, de généreuse ivresse, délicieusement chaloupée. Le résultat transporte et surprend dans un morceau qui fut le plus joué de l’orchestre des Jeunes créé par Abreu. Réjouissante première, et dans un effectif original.

 

 

 

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CD, critique. LOCAL BRASS Quintet : STAY TUNED (1 cd Klarthe Records / enregistrement réalisé en juil 2018)

Granados : Valses Politicos
Gengembre : Souffle du ciel sur l’acier
Enhco : A game for six*
Bourgeois : Sonata
Marquez : Danzon n°2**

Local Brass Quintet
François PETITPREZ / Trompette – 
Javier ROSSETTO / Trompette – 
Benoit COLLET / Cor
 – Romain DURAND / Trombone – 
Tancrède CYMERMAN / Tuba.
InvitĂ©s :
 Thomas ENHCO / Piano
* – Mathilde NGUYEN / Piano
** – Cyrille GABET / Percussions**.

https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/musique-de-chambre/stay-tuned-detail

Label : Klarthe Records
Référence : 8314288120825
EAN : 5051083142885

CD, critique. RAVEL l’exotique. MUSICA NIGELLA (1 cd Klarthe records)

RAVEL exotique musica nigella critique cd annonce concerts classiquenews klarthe records critique classiquenews KLA083couv_lowCD, critique. RAVEL l’exotique. MUSICA NIGELLA (1 cd Klarthe records) – Belles transcriptions (signĂ©es TakĂ©nori NĂ©moto, leader de l’ensemble) dĂ©fendues par le collectif Musica Nigella : d’abord le triptyque ShĂ©hĂ©razade (1903) affirment ses couleurs exotiques fantasmĂ©es, tissĂ©es, articulĂ©es, soutenant, enveloppant le chant suave et corsĂ© de la soprano Marie Lenormand (que l’on a quittĂ©e en mai dans la nouvelle production des 7 pĂ©chĂ©s de Weill Ă  l’OpĂ©ra de Tours). En dĂ©pit d’une prise mate, chaque timbre se dessine et se distingue dans un espace contenu, intime, rĂ©vĂ©lant la splendeur de l’orchestration ravĂ©lienne ; dĂ©sir d’Asie ; onirisme de La FlĂ»te enchantĂ©e ; sensualitĂ© frustrĂ©e de L’indiffĂ©rent. La soliste convainc par son intelligibilitĂ© et la souplesse onctueuse de son instrument.

La sensualitĂ© aĂ©rienne, oxygĂ©nĂ©e de Ravel s’affirme dans l’introduction et allegro de 1905 – enchantement et sortilèges de la harpe ; volet central du cycle, les Trois poèmes d’après MallarmĂ©, partitions de maturitĂ© de 1913 qui tĂ©moignent de l’extrĂŞme sensibilitĂ© du compositeur dans le choix de ses textes, eux-mĂŞmes porteurs d’un exotisme au delĂ  des clichĂ©s folkloriques. Solistes et instrumentistes en expriment le climat d’extase et d’adieu, la souplesse grave et amère, parfois suspendue Ă©nigmatique (harmonies chromatiques de « Placet futile »), jusqu’au mystère planant du dernier « Surgi de la croupe et du bond», Ă  la dĂ©clamation hallucinĂ©e comme une invocation « étrange »(dixit Ravel), vers l’autre monde… Dommage nĂ©anmoins que le livret ne publie pas les textes complets.

Puis c’est le balancement lancinant de Tzigane (1924), énoncé comme une mélopée elle aussi étrange, venue d’ailleurs, capable de déflagrations d’une sensualité torride dont la transcription ici exprime la texture brute, bel effet de timbres, et révérence à nouveau au talent du Ravel magicien des couleurs et des mélodies enchantées.

Illustrant le thème d’un exotisme coloré, la dernière pièce Rhapsodie espagnole (1907), contemporaine de L’heure espagnole, plonge en plein rêve ibérique de Ravel : chaque instrumentiste veille aux équilibres de l’émission, selon le caractère de chacune des 4 séquences : langueur un rien inquiète du Prélude à la nuit ; énoncé subtil (arachnéen) de la courte Malagueña ; qui comme la Habanera qui suit, exprime l’exquise tentation de Ravel pour l’allusion la plus onirique. Jamais strictement narratifs ou illustratifs, les instrumentistes de Musica Nigella savent mesurer ce qui se joue sous chaque note : l’éclosion d’un soupir, la respiration d’un court sentiment. Tout Ravel est là dans ce jeu des équilibres et des nuances, entre langueur, enchantement, ivresse et jubilation instrumentale. Superbe programme qui est donc comme une célébration de l’invention et de la révolution ravéliennes.

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CD, critique. RAVEL l’exotique. MUSICA NIGELLA (1 cd Klarthe records) – enregistrement rĂ©alisĂ© en juin 2018 en Pas-de-Calais.

Shéhérazade
Introduction et allegro
Trois poèmes de Stéphane Mallarmé
Tzigane, Rapsodie de concert
Rapsodie espagnole

Ensemble Musica Nigella
Takénori Némoto, direction musicale et transcription
Marie Lenormand, mezzo-soprano
Pablo Schatzman, violon
Iris Torossian, harpe

https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/ravel-lexotique-detail

ENTRETIEN avec Gabriel SIVAK à propos de son dernier album édité par Klarthe (« La Patience, Formes de la voix », mai 2019)

sivakENTRETIEN avec Gabriel SIVAK Ă  propos de son dernier album Ă©ditĂ© par Klarthe (« La Patience, Formes de la voix », distinguĂ© en mai 2019 par un « CLIC » de CLASSIQUENEWS). Un programme monographique qui rĂ©capitule le travail du compositeur sur la voix… le chant soliste et choral chante, murmure, espère. D’autant plus que le compositeur choisit avec soin chaque poème et chaque vers qui l’inspire spĂ©cifiquement. En quĂŞte de couleurs, de rĂ©sonances, de sens, Gabriel Sivak, dans une Ă©criture Ă  la fois « surrĂ©aliste et imagĂ©e », – nous dirions aussi onirique et fantastique, voire souvent Ă©nigmatique, fait chanter les mots… Explications pour CLASSIQUENEWS.COM

CLASSIQUENEWS / CNC : Vous intitulez ce programme monographique, “Formes de la voix”. Pouvez vous prĂ©ciser le rĂ´le et le fonctionnement du chant et de la voix dans l’Ă©laboration de vos oeuvres ?

GABRIEL SIVAK : Dans chaque pièce, il y a un traitement particulier:  Pour  ”The loveless land”, sur le poème “To my wife” d’Oscar Wilde il y a un cĂ´tĂ© intimiste, comme une confession pudique que j’essaie de souligner dans la théâtralitĂ© des voix.
Pour « Voyelles »  de Rimbaud, le traitement du texte est plus contemporain et dĂ©structuré , mais il y a une sorte de refrain qui revient toujours et qui donne la colonne vertĂ©brale Ă  la pièce. Aussi, j’ai beaucoup pensĂ© Ă  crĂ©er des liens entre les voyelles et les couleurs des harmonies. Dans ce sens, la  pensĂ©e est plus harmonique et verticale.

CLASSIQUENEWS / CNC : Le texte et le choix des poèmes sont fondamentaux. Comment opérez-vous la sélection des textes ? Selon quels critères ?

GABRIEL SIVAK : Il faut que je sente une affinitĂ© avec le texte, une certaine magie ou quelque chose qui n’est pas complètement dĂ©voilĂ© oĂą la musique puisse trouver sa place. Je pense beaucoup Ă  la musicalitĂ© des mots aussi: parfois c’est comme une vague qui rentre pile dans le doigt, c’est le cas de “Le nombre”, troisième  mouvement de “La Patience” de RenĂ© Char. J’Ă©tais en voyage en Inde et j’ai lu la phrase “ils disent des mots qui leur restent au coin des yeux” et j’ai tout de suite entendu la mĂ©lodie. J’ai aussi une vieille habitude qui est de chercher des poèmes peu connus des auteurs que j’aime bien pour ,en quelque sorte, tenter de les sortir de l’oubli.

CLASSIQUENEWS / CNC : Vos origines argentines influencent-elles votre travail et le choix des textes justement ? Y a t il des thèmes qui vous sont chers ?

GABRIEL SIVAK : Le fait d’ĂŞtre argentin pour moi ce n’est pas une attirance en soi-mĂŞme, les choix des poètes argentins dans “tres instantes oniricos” est assez intuitif.
Juan JosĂ© Saer est un Ă©crivain que j’aime bien mais ce qui m’a sĂ©duit dans son texte “de los alamos », c’est le fait de le retrouver sous une facette que je ne connaissais pas du tout, avec un cĂ´tĂ© surrĂ©aliste et imagĂ© qui convient parfaitement Ă  mon style d’écriture.
Dans “Creìa yo” de Macedonio Fernandez, j’ai bien aimĂ© cette forme de « lutte »  qu’il y a entre l’amour et la mort, c’est ce que la musique essaie d’exprimer .
En ce qui concerne le poème  « Tarde »  de Juan. l. Ortiz c’est la phrase “el mundo es un pensamiento realizado de la luz”, qui  m’a captivĂ© d’emblĂ©e .

CLASSIQUENEWS / CNC : Dans ce programme monographique Ă  travers les diverses formes vocales (solos, duos, choeurs d’enfants, de femmes…), comment fonctionnent la voix et la musique dans chaque “dispositif” vocal ? Quel est le parcours que l’auditeur Ă©prouve du dĂ©but Ă  la fin ?

GABRIEL SIVAK : il y a des pièces comme «  Qui froisse les fleurs? »  du poète Gilles De Obaldia, dans lesquelles il y a une universalitĂ© dans les mots qui m’a tout de suite touchĂ© et qui essaie de rebondir dans le traitement de la polyphonie et l’accompagnement instrumental avec la harpe et les ondes martenot.

Dans le Concerto pour Chanteur de Slam et Orchestre,  la musique essaie d’amplifier le texte du Slammeur Ganji ; il y a une recherche permanente d’Ă©quilibre entre l’Ă©criture instrumentale et l’accompagnement au service de la voix.
J’ai dĂ» beaucoup travailler pour m’approcher de l’univers du slam et du rap en gardant ma personnalitĂ©. Je me suis Ă©loignĂ© de ma zone de confort:  j’ai assistĂ© Ă  des soirĂ©es de rap, j’ai Ă©coutĂ© du beatbox pendant des mois et cela a Ă©tĂ© une expĂ©rience très riche. J’avoue que je suis très satisfait du rĂ©sultat.

Patience gabriel sivak cd klarthe critique classiquenewsLe parcours formel que j’ai trouvĂ© pour ce disque est en lien avec l’Ă©volution naturelle de la voix:  le dĂ©part avec la voix de bĂ©bĂ©, qui se transforme en voix d’enfant puis en voix de femme pour ensuite donner la place Ă  la musique de chambre oĂą intervient la voix d’homme et finalement s’achever avec le concerto pour chanteur de slam et orchestre, une touche inattendue au dĂ©but du parcours. En bonus track cachĂ©,  la voix de bĂ©bĂ© revient pour fermer la boucle. J’accorde beaucoup d’importance Ă  la forme de mes disques et pour cet album, c’est dans ce parcours que j’ai trouvĂ© la clef.

Propos recueillis en mai 2019

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Actualité de Gabriel Sivak : « La Patience, Formes de la voix », nouvel album édité par Klarthe records, CLIC de CLASSIQUENEWS de mai 2019

LIRE notre critique du cd La Patience de Gabriel Sivak :
http://www.classiquenews.com/cd-evenement-critique-la-patience-gabriel-sivak-1cd-klarthe-records-enregistrements-2010-2018/

CD Ă©vĂ©nement, critique. LA PATIENCE, Gabriel Sivak (1cd KLARTHE records, enregistrements 2010 – 2018)

Patience gabriel sivak cd klarthe critique classiquenewsCD Ă©vĂ©nement, critique. LA PATIENCE, Gabriel Sivak (1cd KLARTHE records, enregistrements 2010 – 2018). Superbe monographie des pièces de l’Argentin Gabriel Sivak. C’est un compositeur qui plonge dans les possibles et les ressources du rĂŞve… qui s’obstine mais avec patience, Ă  dĂ©livrer quelques clĂ©s pour la paix universelle. De tous les mondes sonores enchainĂ©s ici et formant une stimulante monographie sonore, il ressort une qualitĂ© motrice Ă  l’amorce de tout Ă©panouissement musical : l’émerveillement. C’est le cas des espoirs contenus et cristallisĂ©s par le chĹ“ur des enfants de la Patience (qui donne le titre du prĂ©sent cd), rĂ©cit murmurĂ©, enchantĂ© ponctuĂ© par le quatuor Ă  vent, d’une activitĂ© Ă©lectrique onirique ; la pièce qui donne le titre de l’album indique clairement un programme divers, faussement Ă©clectique dont la facultĂ© Ă  stimuler l’imagination reste primordial et vitale.
Le caractère de Voyelles d’après Rimbaud est plus onirique et atmosphérique, plus harmonique que vraiment linguistique, d’une ivresse comme aspirée et verticale, parfaitement défendu par les 10 femmes, anciennes chanteuses de la Maîtrise de Radio France (qui en a passé commande au compositeur)

ONIRISME en facettes
les mondes enchantés de Gabriel Sivak

sivakPlus sinueux à travers la voix haut percée et cristalline de la soprano, To my Wife (The Loveless land), épouse les éthers rêvés, échafaudés par le poète Oscar Wilde, dont la texture comme étrange et même parfois inquiète, est tissée aux deux voix solistes soprano et ténor sur un piano diaphane, cristallin mais en activité perpétuelle. C’est pour nous la pièce fugace, évanescente la plus captivante au sens strict. Car elle mêle avec délices et hédonisme formel, la stridence inquiète (qui renvoie à la sexualité maudite et aux humiliations dont fut victime le poète écrivain britannique) et un caractère étranger, purement poétique quasi inaccessible. Entre douleur et abstraction.
Tout aussi éperdus, vrais appels aux rêves ou au songe éveillés, les trois instants oniriques / « Tres Instantes Oniricos », chantés en espagnol : s’y joue le combat perpétuel entre amour et mort (« Creía yo » / j’y croyais moi), en tensions et détentes perlées et micro cellules musicales qui disent une activité permanente, souterraine de l’intime… superbement exprimée par le trio : Patrick Langot (violoncelle), Romain David (piano) et la soprano Maya Villanueva,… trois passeurs manifestement touchés par la grâce en miniature de ces trois pièces dont ils ont passé commande (2016). Distinguons de la même façon le caractère scintillant et hyperactif, murmuré, vibratile du dernier épisode « De los alamos » (Des peupliers) : hymne halluciné éprouvé sur le motif naturel (Sivak y révèle et déploie une sensibilité ravélienne). Superbe évocation d’une pure expérience de Nature., avec pour la soliste, la maîtrise naturelle de la voix parlée, déclamée, chantante…

Comme pour exprimer la matière des nuages (« Le raboteur des nuages »), Gabriel Sivak inspiré par un poème de Gilles de Obaldia, a recours aux ondes Martenot, et leurs lignes infinies non vibrées qui créent des sons perchés, mystérieux, incisifs, d’une grande qualité onirique là encore, où s’accrochent le texte chanté et dit par le chœur (l’homme a la clé de son bonheur).

CLIC_macaron_2014Pour les amateurs de slam, au texte permanent, sur un tapis orchestral ciselé, les deux pièces pour chanteur et orchestre (« L’homme-qui-écrit », puis « Où est ma muse ? » dit ici par le slameur Ganji) confirment les thèmes qui inspirent Sivak : la création expose les sujets du rêve ; le rêve réalise les aspirations de l’être ; le créateur a la capacité d’ouvrir la grande boîte de Pandore et d’exprimer par le chant des instrument, ce langage de révélation… Pour Sivak, le compositeur ne serait-il pas ce passeur enchanté, grand révélateur des mondes invisibles ? ; il est cette pythie moderne qui dans la matière du rêve, détecte et transmet les clés d’un monde parfait. Le programme offre un cycle des plus complets des récentes pièces élaborées par le compositeur contemporain. Les 7 séquences enregistrées entre 2010 et 2018 offrent une première monographie : corpus éclairant, lumineux, d’une riche vie intérieure. CLIC de CLASSIQUENEWS avril 2019.

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CD Ă©vĂ©nement, critique. GABRIEL SIVAK : LA PATIENCE, Formes de la voix (1 cd KLARTHE records, enregistrements 2010 – 2018 – 51 mn). illustration : Gabriel Sivak (DR)

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Programme / 7 séquences :

Berceau de nuit
Voix de bébé : Héloïse Sivak

La patience – Commande de l’institut français d’art chorale
ChĹ“ur d’enfants de bourg La reine et quatuor a vents du C.R.R. de Paris / Direction : Emmanuèle Dubost et Aude Glatard

Voyelles – Commande de la MaĂ®trise de Radio France
Anciennes chanteuses de la Maîtrise de Radio France / Piano : Agnès Bonjean / Direction: Emmanuèle Dubost

The loveless land
Soprano : Maya Villanueva / Ténor : Pierre Antoine Chaumien / Piano : François Henry

Tres instantes Oníricos  / Commande de Patrick Langot, Maya Villanueva et Romain David
Soprano : Maya Villanueva / Violoncelle : Patrick Langot / Piano : Romain David

Le raboteur de nuages  /  Commande de Chœur en scène
ChĹ“ur en scène sous la direction d’Emmanuèle Dubost / Nadia Ratsimandresy : Ondes Martenot / Florence Bourdon : Harpe

Deux pièces pour chanteur de Slam et Orchestre
Commande de l’Orchestre de Picardie / Textes : Ganji / Direction : Arie Van Beek / Ganji : Chant
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+ d’infos sur le site du label KLARTHE records
http://www.klarthe.com/index.php/en/records-en/musique-de-chambre/la-patience-detail

CD, critique. Géraldine Casey, soprano : ESPAÑA ! (1cd KLARTHE)

espana-geraldine-grisey-cd-klarthe-records-critique-cd-review-cd-classiquenews-annonce-critique-cdCD, critique. Géraldine Casey, soprano : ESPAÑA ! (1cd KLARTHE). Nous avions remarqué son cd Mozart : où son sens expressif et sa plasticité comme coloratoure savaient relire avec vivacité et investissement les airs redoutables écrits par Mozart… Klarthe édite un tout autre programme où la cantatrice française troque l’agilité et le legato mozartiens pour l’esprit de la couleur ibérique, le sens du rythme, l’intelligence et les intentions du verbe incarné… sans omettre, un épanchement nuancé dans la douleur, la pudeur blessée, ce tragique contenu et toujours digne, qui fait l’orgueil des héroïnes hispaniques… et aussi la profondeur souvent mal comprise de la majorité des pièces concernées.
Le choix de l’interprète se porte sur les mélodistes espagnols des XIXè et XXè, dont le travail ressuscite dans l’écriture « savante », la force et la sincérité des idiomes traditionnels et populaires. Comme le précise Géraldine Casey dans le texte de la notice, tous les compositeurs ainsi réunis sont pianistes (d’où le raffinement de l’accompagnement au clavier) ; ils sont tous marqués par l’impressionnisme des parisiens Debussy et Ravel, enrichissant encore la palette ibérique de nuances harmoniques à la française. Le jaillissement des sentiments se double ainsi d’une évocation très fine des situations et des climats qui portent les émotions du chant.

 

 

 

Géraldine Casey : coloratoure convaincant

COULEURS ET NUANCES DES MELODIES IBERIQUES

 

 

 

La soprano sait renouveler son approche stylistique en accordant un soin particulier dans la résolution de tout ce qui fait le caractère primitif, suave, populaire de ce folklore authentique ainsi collectionné et sublimé par chacun (effets spécifiques tels que triolets, portamenti, forte subito, cante jondo, … autant de réminiscences du flamenco). La coloratoure de Géraldine Casey s’inscrit avec justesse et légitimité dans le sillon de la cantatrice catalane, elle-même coloratoure : Maria Barrientos qui a créé nombre de mélodies de De Falla, Granados, Mompou. Truculence, malice, double voire triple lecture de textes équivoques… la diva française apporte un réel piquant à des chansons qui exigent une richesse d’intentions et d’intonations poétiques et expressives…. dignes de l’opéra.

Les mĂ©lodies contrastĂ©es, pleines de caractères et de vivacitĂ© (De Donde venis?) d’un Rodrigo cabotin (exigeant des aigus très hauts perchĂ©s), ou avant, la bonhommie très textuelle du sublime « Iban al pinar” (plage 10)… du barcelonais Granados (… de Barcelone, comme Mompou et Obradors). Justement de Mompou, soulignons la profondeur (chant d’une grande pleureuse – entre berceuse et prière ?) de  « Aurena do si… » dont la couleur est Ă  la fois tragique et langoureuse – proche de Elle dans La voix Humaine de Poulenc. Une vĂ©ritable scène d’opĂ©ra mais en miniature.

Avec Falla précisément, nous tenons la clé de cette musique abusivement cataloguée légère, secondaire car d’inspiration populaire. Falla permet et réalise l’anoblissement du folklorique justement grâce à l’intelligence et la sensibilité de son écriture vocale et pianistique ; pas d’illustratif ni de décoratif : mais l’expression juste du sentiment et de l’intime. C’est ce qui saisit immédiatement à l’écoute de ses mélodies de jeunesse / canciones de Juventud (Preludios et Dios mio, Que solos se quedan los muertos!).
Même richesse et ambivalence des registres chez Mompou encore. Ainsi, peu connus, les deux volets de « Combat del Somni » : d’un calme triste et tendre ; le premier presque le plus long du recueil (3mn25) et qui suppose une intensité doloriste sans appui forcé, proche du texte. Même subtilité de ton pour le second plus court (moins de 2mn : Jo et pressenta con la mar…), à l’allant plus liquide, léger qui convient idéalement au timbre du soprano léger.
Le programme se libère dans un lyrisme tout aussi émotionnel : « Les folles d’amour / Las locas por amor » de Turina allient ivresse, panache et couleurs, avec un dernier aigu, charnu, clair et brillant. Une écriture vive et presque délirante à laquelle répond l’agilité très évocatrice du piano (impeccable de Philippe Barbey-Lallia).

Plus rêveur, mais hypersensible,  l’élégie éternelle (« Elegía eterna ») de Granados gagne en intensité grâce à l’aigu hypercristallin et vibré de la diva, comme hallucinée par sa propre voix et ses aigus perçants. Conclusion pleine d’audace et de volonté diamantine, de tendresse éperdue, d’émotivité poétique pour un programme qui est un voyage, écrit comme un carnet de bord personnel, d’une diversité enivrante.

 

 

 

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CD, critique. GĂ©raldine Casey, soprano : ESPAĂ‘A ! Obradors, Nin, Rodrigo, De Falla, Turina, Mompou, Granados. Philippe Barbey-Lallia, piano (1cd KLARTHE enregistrement rĂ©alisĂ© en avril 2018 – Parution : avril 2019).

VIDEO, TEASER CD événement. QUATUOR OPUS 333 : SUSPIROS DE ESPANA (1 cd Klarthe)

opus 333 sospiros de espana cd presentation critique classiquenewsCD événement, annonce. QUATUOR OPUS 333 : SUSPIROS DE ESPANA (1 cd Klarthe). Voilà déjà 10 ans que les quatre instrumentistes d’OPUS 333 enrichissent toujours et encore leur répertoire, taillé sur mesure, à force de transcriptions et arrangements d’une exceptionnelle expressivité. Jouer quatre instruments identiques (tubas ou saxhorns), n’est pas sans poser de sérieux défis techniques et sonores : mais la cohérence de la démarche, l’entente complice de chacun, la personnalité aussi de chaque interprète réussissent ce nouvel album entièrement dédié à l’Espagne, celle colorée et scintillante de Albeniz et Granados, sans omettre Falla, aux côtés du plus hispaniques des Français (qui ne mit jamais les pieds en terres ibériques) : Bizet.

Opus 333 dĂ©montre qu’il est possible de réécouter des standards musicaux que l’on croyait connaĂ®tre grâce Ă  un jeu ciselĂ©, … Ă  l’écoute et aux jeux dialoguĂ©s en partage. Et le ton est donnĂ© dans le titre mĂŞme : « Sospiros de España » / CLIC D'OR macaron 200soupirs d’Espagne : d’après Alonso, la pièce maĂ®tresse de cette nouvelle collection d’arrangements cultive en une ambivalence captivante, la volutpĂ© oublieuse et mĂ©lancolique et le panache racĂ© le plus assumĂ©. Somptueuse audace artistique, dĂ©fendue par quatre tempĂ©raments musiciens. CD Ă©vĂ©nement. CLIC de CLASIQUENEWS de mars 2019. Grande critique Ă  venir dans la mag cd dvd livres de CLASSIQUENEWS.

 

 

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VISITEZ aussi le site du QUATUOR OPUS 333, 4 saxhornistes – fondĂ© en 2009
http://www.opus333.com

 

 

opus 333 quatuor saxhorns critique cd annonce concerts festivals classiquenews

 

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VISITEZ AUSSI le site du label KLARTHE records, reconnu par CLASSIQUENEWS par sa dĂ©marche exemplaire comme tremplin des jeunes solistes audacieux, des formations françaises…
http://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/suspiros-de-españa-detail

 

 

CD Ă©vĂ©nement, critique. HALEVY : Le Dilettante d’Avignon : Marzorati / Piquemal (2 cd Klarthe records – 2014)

CD Ă©vĂ©nement, critique. HALEVY : Le Dilettante d’Avignon : Marzorati / Piquemal (2 cd Klarthe records – 2014). L’auteur de cette dĂ©licieuse pochade satirique se moque et cĂ©lèbre Ă  la fois, les qualitĂ©s de la musique italienne, et les travers du milieu parisien prĂŞt Ă  l’idolâtrer…HalĂ©vy excelle Ă  railler ce qui a fait justement le succès de Rossini dans le Paris de la première moitiĂ© du XIXè…
Halevy opera annonce critique opera dilettante d avignon piquemal halevy KLARTHE records  cd opera critique KLA073couv_lowQuand le directeur de théâtre Maisonneuve devenu par passion Casanova s’émeut de la langue italienne, c’est comme si sur la scène ressuscitait Mr Jourdain apprenant la langue française. Naïf et touchant par la sincérité de son goût italien, Maisonneuve (excellent Renaud Marzorati) désespère car le français n’a pas d’accent mais sait s’enthousiasmer en invitant une troupe de chanteurs italiens sur les planches de son théâtre. La situation est cocasse : elle renvoie à toute l’histoire de l’opéra et de la musique européenne, scandée par la rivalité des cultures et des styles et surtout comme ici, la volonté de fusion des deux écoles.
On ne louera pas assez cette initiative discographique : exhumer des pépites lyriques, qui allie une intrigue resserrée dans une mise en forme raffinée, subtilement délirante ; c’est assurément le cas de cette comédie drôlatique signé d’un auteur qui fit l’âge d’or du grand opéra à l’Opéra de Paris : Fromental Halévy (Prix de Rome 1819), mentor d’Offenbach dans la Capitale.
La finesse se moque ici des styles italiens (Rossini) et français (couplets de Valentin) : ainsi le « duo à trois voix », CD2 où brillent aux côtés d’Arnaud Marzorati, Mathias Vidal (Dubreuil, compositeur parisien qui singe les italiens) et Virginie Pochon (Marinette), à la fois sincères et satiriques. Le jeu théâtral est finement polissé et restitue à ce mini opéra, sa nature de pochade enlevée, hyperélégante. Fromental Halévy s’y délecte à exprimer son amour du genre lyrique (le Dilettante c’est lui). Le compositeur tort le cou aux codes d’un système éculé : à l’époque où règne Rossini à Paris, il suffit de se dire italien pour être joué dans les théâtres parisiens (c’est donc le cas de Dubreuil imposteur génial, à Paris et à Avignon)…
Dans ce joyau opératique et comique, toutes les équipes de l’Opéra d’Avignon savourent les degrés mêlés d’une partition souvent délirante.

CLIC D'OR macaron 200Le label Klarthe jamais en reste pour la défense duHALEVY Fromental_Halevy_by_Etienne_Carjat-crop patrimoine français dévoile ainsi une pépite lyrique qui succéda de quelques mois au triomphe du Guillaume Tell de Rossini(1829). La révélation est totale, nuançant l’hégémonie de Rossini dans les années 1820, servie par l’engagement générale d’une troupe allumée. La réussite de cet enregistrement live (avec applaudissements, Opéra Grand Avignon, avril 2014), véritable recréation depuis l’époque romantique est assuré par le choix des solistes et l’engagement des instrumentistes de l’orchestre choisi : Orchestre Régional Avignon-Provence sous la direction, articulée, pétillante de Michel Piquemal. Voilà une nouvelle réalisation majeure pour la redécouverte de l’opéra romantique français. Qui connaît cette veine comique du très sérieux Halévy, réputé pour La Juive, ou Clari (ressuscité par Cecilia Bartoli) et récemment La Reine de Chypre ?

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CD Ă©vĂ©nement, critique. HALEVY : Le Dilettante d’Avignon (1829). 2cd Klarthe records – enregistrĂ© en avril 2014 Ă  l’OpĂ©ra d’Avignon) – CLIC de CLASSIQUENEWS

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LIRE aussi notre prĂ©sentation annonce du Dilettante d’Avignon de HalĂ©vy par Arnaud Marzorati et Mathias Vidal Ă  l’OpĂ©ra d’Avignon (2014):
http://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-halevy-le-dilettante-davignon-piquemal-2-cd-klarthe-2014/

CD, critique. REFLETS : récital de Julien Hardy, basson (1 cd KLARTHE records, 2017)

reflets julien hardy cd critique annonce concert classiquenews kla032couv_lowCD, critique. REFLETS : rĂ©cital de Julien Hardy, basson (1 cd KLARTHE) – En 50 mn, voici un tour d’horizon de la vitalitĂ© crĂ©ative française, au dĂ©but du XXè, rĂ©servĂ©e Ă  la musique de chambre avec basson. Capable d’un timbre fruitĂ©, rond, grave, – d’un remarquable flexibilitĂ© expressive, voire somptueusement lugubre, le basson concertant fait un excellent partenaire chambriste. Le goĂ»t et la musicalitĂ© du bassoniste Julien Hardy (instrumentiste au sein du Mahler Chamber Orchestra et aussi, entre autres, basson solo du Philharmonique de Radio France) aurait certainement retenu l’attention du divin Rameau, premier maĂ®tre inspirĂ© pour l’instrument (dans l’orchestre certes). ExposĂ© mais d’une maĂ®trise absolue, le soliste s’ingĂ©nie Ă  colorer et articuler chaque sĂ©quence dans cette collection de pièces inspirĂ©es (Saint-SaĂ«ns, Dutilleux…) ou plus sĂ©duisante voire dĂ©corative (FaurĂ©, surtout Romance et Tarentelle d’un D’Ollone, Prix de Rome prĂ©coce, au style plutĂ´t salonier et acadĂ©mique). Mais la finesse et la sensibilitĂ© agogique de l’interprète par sa grande inventivitĂ© en nuances (ce qui n’empĂŞche pas une belle franchise d’émission) sait rĂ©vĂ©ler toutes les pĂ©pites de cette collection de mĂ©lodies, comme le caractère de chaque Ă©criture. L’attention Ă  l’intonation, la souplesse dans le raffinement expressif indique un jeu et une technique d’excellence, emblĂ©matique de cette approche française des vents, si dĂ©licate et puissante Ă  la fois. Du tempĂ©rament et de la dĂ©licatesse, du brio comme de l’intĂ©rioritĂ©. Belle Ă©quilibre.
Le choix de Koechlin se montre profitable dans ce panorama qui n’aurait Ă©tĂ© que valeureux par son Ă©clectisme rĂ©jouissant : la Sonate opus 71 et les Trois pièces opus 34 tĂ©moignent Ă  la fois de l’enthousiasme du compositeur pour les ressources de l’instrument, mais aussi de sa grande connaissance technique du basson. Parlant de leur soliditĂ© et de leur ineffable expressivitĂ©, le compositeur sait aussi ciseler un son, qui bascule vers le mystère et la profondeur opulente. Un caractère d’épanouissement sonore qui contraste avec ses emplois grotesques ou sardoniques, plus frĂ©quents (mais rĂ©ducteurs). L’onirisme parfois suspendu qui s’en dĂ©gage souligne davantage la finesse allusive du jeu de Julien Hardy. C’est aussi la confirmation de l’engagement de l’Ă©diteur Klarthe pour l’Ă©cole française et les instrumentistes concertistes, dĂ©tenteurs d’une prodigieuse expĂ©rience et sensibilitĂ©. Pas Ă  pas, de recueils en programmes, Klarthe Ă©difie une bibliothèque exemplaire de tempĂ©raments, qu’ils soient solistes ou chambristes. Le spectre est large, les profils variĂ©s ; la dĂ©couverte et de belles surprises, souvent au rendez-vous.
Au diapason de la sensibilité du bassoniste, le piano de Simon Zaoui (partenaire de longue date et élève de Naoumoff), emprunte les mêmes cheminements crépitants, suggestifs, d’un fini envoûtant (Dutilleux). Remarquable récital.

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CLIC D'OR macaron 200CD, critique. REGARDS : Julien HARDY, basson. Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Sonate opus 168. Charles Koechlin (1867-1950) : Sonate opus 71 ; Trois pièces opus 34 ; Gabriel Fauré (1845-1924) : Pièce. Henri Dutilleux (1916-2013) : Sarabande et cortège. Paul Jeanjean (1874-1929) : Prélude et scherzo. Max d’Ollone (1875-1959) : Romance et Tarentelle. Julien Hardy, basson. Simon Zaoui, piano. 1 CD Klarthe records. Enregistrement réalisé en février 2017, à Paris (Temple Saint Marcel). Notice bilingue (français-anglais). Durée : 55mn. CLIC de CLASSIQUENEWS de février 2019.

En 2016 déjà, CLASSIQUENEWS distinguait déjà Julien Hardy dans un récital à trois instruments : programme intitulé « Inspirations », également édité par Klarthe :

http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-inspirations-ensemble-inspirations-frederic-tardy-hautbois-julien-hardy-basson-1-cd-klarthe/

 

CD Ă©vĂ©nement, annonce. HALEVY : Le Dilettante d’Avignon (Piquemal, 2 cd Klarthe – 2014)

Halevy opera annonce critique opera dilettante d avignon piquemal halevy KLARTHE records  cd opera critique KLA073couv_lowCD Ă©vĂ©nement, annonce. HALEVY : Le Dilettante d’Avignon (Piquemal, 2 cd Klarthe). Après un somptueux joyau lyrique Ă©galement rĂ©vĂ©lĂ© (La SADMP de Louis Beydts), sommet d’élĂ©gance insolente et raffinĂ©e, le label Klarthe rĂ©cidive dans la facĂ©tie heureuse et la musicalitĂ© piquante : qui connaĂ®t aujourd’hui cet opĂ©ra comique en 1 acte de Fromental HalĂ©vy : « Le Dilettante d’Avignon » ? Il se pourrait bien que le compositeur d’opĂ©ras, Ă©crivant lui-mĂŞme son livret, cultivant ici une faconde comique dĂ©lirante ait de fait influencer son protĂ©gĂ© Ă  Paris… Jacques Offenbach. Selon un principe dĂ©jĂ  vu chez les Baroques du XVIIIème, l’ouvrage se moque de l’opĂ©ra lui-mĂŞme, et d’un certain engouement italophile. L’action se dĂ©roule dans un théâtre d’ A Avignon, le directeur de théâtre Casanova ou plutĂ´t… Maisonneuve s’obstine Ă  monter un opĂ©ra italien dont il est amoureux jusqu’au ridicule. Créé en 1829, ce dĂ©licieux ouvrage fait la satire des rossiniens, passionnĂ©s par le bel canto italien…

CLIC D'OR macaron 200La réussite de cet enregistrement live (avec applaudissements, Opéra Grand Avignon, avril 2014), véritable recréation depuis l’époque romantique est assuré par le choix des solistes et l’engagement des instrumentistes de l’orchestre choisi : Orchestre Régional Avignon-Provence sous la direction, articulée, pétillante de Michel Piquemal. Prochaine critique complète du Dilettante d’Avignon, le 15 mars 2019, date de sa parution.

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CD événement, annonce. HALEVY : Le Dilettante d’Avignon (Piquemal, 2 cd Klarthe records, Avignon 2014).

Jacques Fromental HalĂ©vy : Le Dilettante d’Avignon (livret : LĂ©on HalĂ©vy).
OpĂ©ra-comique en un acte créé Ă  l’OpĂ©ra-Comique de Paris (Salle Ventadour) le 7 novembre 1829

Orchestre Régional Avignon Provence
Michel Piquemal, direction

Melody Louledjian, Élise
Virginie Pochon, Marinette
Julien Véronèse, Valentin
Arnaud Marzorati, Casanova / Maisonneuve
Mathias Vidal, Dubreuil
ChĹ“ur rĂ©gional Provence-Alpes-CĂ´te d’Azur

PLUS D’INFOS sur le site de KLARTHE records : http://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/le-dilettante-davignon-detail

 

CD, critique. DEBUSSY : MĂ©lodies, Sonates… Syntonia (2 cd KARTHE records 2018)

Debussy thon that tiet cd klarthe cd review critique cd par classiquenews couv_low1CD, critique. DEBUSSY par Syntonia (2 cd KARTHE records 2018). Les musiciens du quintette Syntonia explorent le DEBUSSY, poète impressionniste, grand orfèvre des mondes intérieurs… Somptueux récital conçu pour le salon plutôt que la salle de concert : l’intimité que convoque, l’écoute particularisée qu’exige la collection de perles musicales ici réunies, alternant mélodies et partitions instrumentales, montrent et l’élargissement du répertoire de l’ensemble SYNTONIA, mais aussi… sa maturité. Dans l’éloquence et la complicité, les instrumentistes et chanteuse célèbrent le génie d’un Debussy poète.

 

 

 

Debussy poète
Au cœur du poème musical

 

 

 

Pour nous la pièce maĂ®tresse demeure la transcription très rĂ©ussie de PrĂ©lude Ă  l’après-midi d’un Faune, belle expĂ©rience de conversation instrumentale (arrangement pour quintette de BenoĂ®t Menut) oĂą compte surtout l’écoute des autres et donc l’équilibre sonore comme l’articulation de chaque timbre, selon ce souci d’équilibre des dynamiques simultanĂ©es. Un vrai travail d’ajustement qui captive. La lecture sans les vents, souligne en rĂ©alitĂ© l’effusion suave qui excite le dĂ©sir du jeune fauve… L’articulation est scrupuleuse mais naturelle. PrĂ©cise et d’un fini… globalement coloriste.
Benoît Menut, compositeur qui a écrit par ailleurs pour Syntonia en particulier pour le violoncelle solo Patrick Langot (prochain cd à venir : intitulé « Praeludio », annoncé en mai 2019) respecte le format concentré et la texture vibratile du poème musical d’après Mallarmé. La défi ici est de soigner la clarté de l’articulation de chaque partie sans rompre l’effet orchestral (originel), cette brume indéfinissable, matelas suspendu du climat ouaté et sensuel du poète symboliste : de ce point de vue l’écoute entre chacun des musiciens de Syntonia est idéale : allusive, elle aussi suspendue, semblant chercher au delà et dernière les notes. Cette couleur sensuelle, d’enlacement permanent, profonde, immatérielle mais présente et continue que Debussy a su déployer en respectant le climat de Mallarmé, se déploie avec une grande musicalité.

Ce Debussy, allusif et Ă©rotique, entre en dialogue lui-mĂŞme avec la pièce contemporaine de TĂ´n-Thât TiĂŞt qui en serait comme la rĂ©sonance en un effet de miroir, Ă  la fois rĂ©flexif et critique… (ultime sĂ©quence du cd 2).  ” Regards dans la brume ” (2014) pour quatuor Ă  cordes et piano… regarde avec distance sa source debussyste. La pièce contemporaine tisse un Ă©cho lointain, brumeux et a perdu tout idĂ©e du signe moelleux et rassurant. L’écriture exprime un Ă©tat de veille inquiète voire d’urgence panique oĂą la lente mĂ©lopĂ©e au piano redessine encore le climat tendu, fait suspendre le tableau initial. La brĂŞve accalmie (IIème Ă©pisode oĂą les cordes Ă©tirent l’air comme au dĂ©but du PrĂ©lude de Debussy), n’est que de (trop) courte durĂ©e : en une sirène murmurĂ©e affolĂ©e, aux Ă©clats lancinants, tendus, les instruments se crispent. Le mouvement le plus dĂ©veloppĂ© (plus de 8 mn) : Ă©paissit la clameur hallucinĂ©e, en une interrogation qui cible le repli, exprime presque l’élucidation de l’énigme angoissĂ©e qui a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©demment Ă©noncĂ©, sans vĂ©ritablement Ă©claircir ni rĂ©soudre la question. Le III, creuse encore ce climat d’incertitude et d’intranquillitĂ© qui scintille entre anxiĂ©tĂ©, agitation et … folie. Ces « regards » dans la brume nourrissent autant de questions laissĂ©es sans rĂ©ponse, en une nuĂ©e Ă  la fois immatĂ©rielle et Ă©paisse presque insupportable ; ils sont proches d’un cauchemar Ă©veillĂ©.

De son côté, très engagée à peindre chaque nuance du verbe musical, le doux soprano de Maya Villanueva (déjà remarquée dans un cd précédent Ginastera également édité chez KLARTHE) cultive une émission feutrée, et même suave comme millimétrée. Les Mélodies sont autant de pièces personnelles voire intimes qui témoignent de la vie amoureuse de Debussy ; certaines étant de fait, des offrandes hommages à l’être aimée : Marie Vasnier et Emma Bardac ; toutes deux étaient chanteuses et ont interprété les mélodies de leur compagnon très épris.
Dans ce recueil double, la cantatrice sait trouver les inflexions justes et parfois enivrĂ©es dans une succession de perles mĂ©lodiques, d’un Debussy, jeune (Nuits d’étoiles, l’offrande d’unadolescent de quasi… 18 ans en 1880) ; l’idĂ©e de suivre chronologiquement l’inspiration du Debussy mĂ©lodiste est claire, parfaitement explicitĂ©e, musicalement s’entend, quoique aussi musicologique, comme le rĂ©alise le texte très dĂ©veloppĂ© du livret.
L’attention aux mots, l’évidente curiosité pour exprimer chaque situation du poème offrent une éloquente vision sur l’écriture debussyste : coloriste, atmosphérique même, sans aucun maniérisme ni affèterie académique.

Créées en 1904 chez madame Edouard Colonne, les mélodies de Fêtes galantes sur des poèmes de Verlaine (1869) racontent cette intimité qui fusionne les deux cœurs (Emma pour le Livre II… qui n’est pas abordé ici). En poète musicien, Debussy cultive ce goût de l’étuve emperlée, des images enivrées énigmatiques ou plus dramatiques. Ainsi le triptyque des Fêtes Galantes (Livre I) : « Fantoches » est expressif, narratif, furtif et percutant quand « Clair de lune » (ses « masques et bergamasques ») diffuse un scintillement plus langoureux et évanescent, son énonciation portée par une candeur blessée et tendre. « Le jet d’eau » d’après Baudelaire (arrangement pour soprano et quintette par Benoît Menut) intéresse par ce miroitement instrumental qui enveloppe le chant ; et les interprètes réalisent et réussissent l’énigme et le climat de secret enchanté des Poèmes d’après Mallarmé, parfois incertains et sombres même en leurs harmonies raffinées et tendues (« Soupir ») ; ou pures invitations à l’extase (dernier poème du triptyque,  « Eventail »). La fragilité du timbre bien articulé ressuscite la chair diaphane, sensuelle, souvent murmurée de la poétique debussyste.

CLIC D'OR macaron 200Même grande sincérité pour le pianisme réglé sur le même mode intimiste et intérieur de Romain David (Images) ; auquel le violoncelle souple et très nuancé de Patrick Langot apporte une résonance spécifiquement grave (Sonate pour violoncelle et piano) propre à la partition conçue pendant la guerre (comme la Sonate pour violon avec la violoniste Stéphanie Moraly). Double cd enivrant.

 

 

 

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debussy melodies prelude après midi faune ensemble syntonie ton that tient cd klarthe records critiqueCD, DEBUSSY / TĂ´n-that TiĂŞt : MĂ©lodies, Sonate, PrĂ©lude Ă  l’après midi d’un Faune (2 cd Klarthe records) – Claude Debussy (1862-1918) : MĂ©lodies, Sonates pour violon et piano, pour violoncelle et piano. PrĂ©lude Ă  l’après-midi d’un faune (arrangement pour quintette avec piano par Benoit Menut). TĂ´n-Thât TiĂŞt (nĂ© en 1933) : Regards dans la brume pour quatuor Ă  cordes et piano (Trois regards sur le PrĂ©lude Ă  l’après-midi d’un faune). Maya Villanueva, soprano. Quintette Syntonia. 2 CD Klarthe records. EnregistrĂ© en janvier 2018. DurĂ©e totale : 1h56mn – CLIC de CLASSIQUENEWS

 

 

 

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CD 1    > Claude DEBUSSY (1862-1918)

    1 :   Nuit d’Ă©toiles (1880)
2  :  La belle au bois dormant (1890)

        Images [oubliées] (1894)
3  :  III. Quelques aspects de «Nous n’irons plus au bois» parce qu’il fait un temps insupportable
4  :  Les angélus (1892)

        Images (Deuxième Série, 1907)
5  :  I. Cloches à travers les feuille
6  :  Minstrels pour violon et piano* (1914)
7  :  Pantomime (1883)
8  :  Scherzo pour violoncelle et piano du «Nocturne et Scherzo» (1882)
9  :  Voici que le printemps (1884)

        Images (Deuxième Série, 1907)
10  :  II. Et la lune descend sur le temple qui fut
11   : Les papillons (1881) – Images (Deuxième SĂ©rie, 1907)
12  :  III. Poissons d’or
13  :  Romance  «Silence ineffable de l’heure» (1883)
14   : Apparition (1884)

        Sonate pour violon et piano* (1916-17)
15   : I. Allegro vivo
16   : II. Intermède. Fantasque et léger
17    :III. Finale. Très animé

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    CD 2    > Claude DEBUSSY 

    1  :  PrĂ©lude Ă  l’après-midi d’un faune (1894) – arr. pour quintette avec piano de BenoĂ®t Menut

        Fêtes galantes (Premier livre, 1892)
2  : I. En sourdine
3  : II. Fantoches
4  : III. Clair de lune
5  : NoĂ«l des enfants qui n’ont plus de maison (1915) – arr. pour soprano et quintette avec piano de BenoĂ®t Menut

        Sonate pour violoncelle et piano (1915)
6  :  I. Prologue. Lent, sostenuto e molto risoluto
7  :  II. Sérénade. Modérément animé
8  :  III. Final. Animé, léger et nerveux

        Cinq poèmes de Charles Baudelaire (1889) – arr. pour soprano et quintette avec piano de
Benoît Menut
9  :  II. Le jet d’eau

        Trois poèmes de Stéphane Mallarmé (1913)
10  :  I. Soupir
11  :  II. Placet futile
12  :  III. Éventail

        > TÔN-THÂT Tiêt (né en 1933)
Regards dans la brume  pour quatuor à cordes et piano (2013-2014)
Trois regards sur le «PrĂ©lude Ă  l’après-midi d’un faune»

 

 

 

Maya VILLANUEVA,  soprano  /  QUINTETTE SYNTONIA
Stéphanie MORALY* et Thibault NOALLY,  violons / Caroline DONIN,  alto /
Patrick LANGOT,  violoncelle / Romain DAVID,  piano

Couverture  du cd : Vaslav Nijinski dans l’Après-midi d’un faune. Aquarelle (1912) de LĂ©on Bakst

 

 

 

CD, critique. WEBER : Symphonie n°1, Concertos (Orchestre Victor Hugo / JF Verdier (1 cd Klarthe records, 2015)

WEBER-concertos-symphonie-orchestre-victor-hugo-verdier--1-cd-klarthe-records-critique-cd-review-par-classiquenewsCD, critique. WEBER : Symphonie n°1, Concertos (Orchestre Victor Hugo / JF Verdier (1 cd Klarthe records, 2015). Voilà un programme passionnant en ce qu’il s’intéresse à l’exploration instrumentale de Weber, en particulier à travers ses rencontres avec des instrumentistes d’envergure à Munich en 1811… On oublie trop souvent l’essai symphonique de l’auteur du Freischütz (1821), opéra fantastique qui doit sa puissance onirique à son écriture orchestrale. Ici, la verve et l’imagination dont fait preuve Carl Maria dans son premier opus symphonique, étonne et saisit l’écoute. Ce nouvel opus discographique est à classer au nombre des meilleures réalisations de l’Orchestre Victor Hugo et son directeur musical Jean-François Verdier qui déploient une implication communicative dans chaque épisode, symphonique et concertant, éclairant chez Weber, cette intelligence critique, exploratrice de nouvelles sonorités instrumentales autant que climatiques.

weber portrait par classiquenews OBERON EURYANTHE opera par classiquenews Carl-Maria-von-WeberCarl Maria von Weber y gagne un nouveau visage, celui d’un apprenti sorcier, amateur de timbres associés, souvent inédits. Ainsi l’apport de cette Symphonie n°1… L’élève de l’abbé Vogler à Vienne s’y montre doué pour les évocations frémissantes, aussi dignes de Schubert que de Mendelssohn. Le futur directeur de l’Opéra allemand à Dresde démontre une réelle facilité dramatique, hautement théâtrale même qui innerve son écriture symphonique, ce dès le premier mouvement, à la fois solennel et palpitant, d’une évidente grandeur, jamais démonstrative. Datée de 1807 (mais publiée en 1812, et très critiquée par son auteur, plus investi dans l’opéra), c’est à dire oeuvre de jeunesse, la Symphonie n°1 rayonne d’un sentiment de conquête et de jubilation qui électrise même une écriture brillante (en ut), dont le second mouvement indique le sens de la coloration et d’une certaine intériorité pastorale (solos instrumentaux dont le hautbois). Débridée, décousue, la Symphonie n’a pas il est vrai l’ossature ni la cohérence architecturée de ses ouvertures d’opéras.

  
 
 

WEBER, symphoniste concertant expérimental

  
 
 

CLIC D'OR macaron 200Plus mûre, l’écriture du Concerto pour clarinette n°2, affirme un tempérament virtuose qui célèbre alors le talent d’un clarinettiste devenu ami, rencontré en 1811 à Munich, Heinrich Bärmann (mort en 1847) dont l’instrument à 10 clés lui permettait de faire briller une technique véloce à la sonorité moelleuse, y compris dans les passages les plus redoutables (suraigus / très graves). L’opus 74 créé en novembre 1811, explore grâce au soliste au jeu vertigineux autant qu’enchanteur, toutes les facettes expressives de la clarinette, qu’il associe amoureusement et sensuellement aux timbres de l’orchestre (cor et basson en particulier). L’intériorité et la profondeur du jeu de Nicolas Baldeyrou éclairent la souple élégance, à la fois noble et enivrée du mouvement central (Romanza) ; la couleur et le caractère parfaitement énoncés écartent définitivement l’éclat viennois et son essence virtuose vers un sentiment rayonnant et intérieur, totalement… souverainement romantique (et qui s’apparente dans le chant de plus en plus extatique de la clarinette à un vaste lamento d’opéra). Le Rondo (alla Polacca) frappe lui aussi par sa forte caractérisation. L’accord entre le soliste et l’orchestre est idéal.

Le Concerto pour cor magnifiquement ciselé et articulé par le soliste David Guerrier confirme que le label Klarthe est bien celui des grandes personnalités solistiques, capables de marquer l’écriture concertante par leur engagement et leur vision, un geste singulier et recréatif d’une grande portée poétique ; il informe aussi que Weber connaît bien le caractère chantant de l’instrument pour lequel il crée des modulations et des passages harmoniques d’une souple profondeur (mouvement central : Andante con moto) ; on distinguera surtout l’éloquence typée, d’un tempérament inouï du dernier mouvement lui aussi « alla Polacca », où le soliste époustoufle par sa virtuosité très incarnée et personnelle.

La recherche de couleur et de sonorité magicienne se déploie dans l’Adagio et rondo pour harmonica de verre d’une noblesse suspendue grâce au talent du soliste ici (Thomas Bloch), d’une sensibilité évanescente et iridescente même comme l’est ce diptyque en tout point enivrant (1811). Weber fait preuve d’une curiosité quasi expérimentale, jouant avec le son flûté et d’orgue, comme un carillon lointain aux teintes filigranées auxquelles répond l’orchestre lui aussi diaphane (en particulier dans les réponses de la première moitié du Rondo / Allegretto final). Réjouissant et original programme.

  
 
 

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CD, critique. WEBER : Symphonie n°1, Concertos (cor, clarinette)… Orchestre Victor Hugo. Jean-François Verdier, direction (1 cd Klarthe records, enregistrement réalisé en décembre 2015)

Carl Maria von Weber :
Symphonie n°1 en do majeur, op.19
Concertino en mi mineur pour cor et orchestre, op.45 (David Guerrier, cor)
Adagio et rondo en fa pour glass harmonica et orchestre (Thomas Bloch, glass harmonica)
Concerto n°2 en mi bémol majeur pour clarinette et orchestre, op.74 (Nicolas Baldeyrou, clarinette)
Orchestre Victor Hugo
Jean-François Verdier, direction

  
 
 

PLUS D’INFOS : http://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/weber-detail

  
 
 

  
 
 

ADN BAROQUE, nov 2018. ENTRETIEN avec Théophile Alexandre (chant) et Guillaume Vincent (piano).

ADN BAROQUE, nov 2018. ENTRETIEN avec Théophile Alexandre (chant) et Guillaume Vincent (piano). En une plongée inédite au cœur de la passion baroque, les deux interprètes du spectacle ADN BAROQUE offrent un dévoilement de l’intime, celui où règnent fragilité, désir, vertiges de l’âme humaine. L’approche est dépouillée, intimiste, … elle souhaite dévoiler comme une radiographie (chorégraphiée sur scène par JC Gallotta), les ressorts de la psyché baroque, itinéraires et passages entre ordre et désordre, équilibre et chaos, autant de dérèglements féconds et miraculeux qui ont inspiré les plus grands compositeurs… Pour classiquenews, après les premières dates de leur tournée et après la publication chez Klarthe records du cd qui en découle (distingué par un CLIC de CLASSIQUENEWS en octobre 2018), le chanteur Théophile Alexandre et le pianiste Guillaume Vincent reprécisent la genèse de ce programme en clair-obscur, en blanc et noir comme ils éclairent sa dramaturgie entre chant, musique et danse. Entretien croisé.

 
 
 

ADN Baroque theophile alexandre guillaume vincent piano cd review critique cd par classiquenews

 
 
 

Selon quels critères avez-vous sélectionné les extraits d’opéras et les pièces instrumentales ?

TA / Théophile Alexandre : Au coup de cœur, bien sûr, mais surtout avec la volonté de raconter une histoire, qui nous plonge au cœur des émotions humaines, chaque pièce incarnant un état d’âme particulier, décodé par notre musicologue Barbara Nestola (CNRS de Paris).
GV / Guillaume Vincent : Et nous n’avons choisi que des pièces courtes, ou raccourcies aux da capo, et uniquement en mode mineur, pour accentuer cette dramaturgie d’instantanés émotionnels, et créer du sens, une cohérence globale entre des compositeurs très différents (7 pour le disque, 9 pour le spectacle).
TA : Le tout en 21 pièces, comme les 21 grammes du poids de l’âme humaine, comme les légendes populaires aiment à le raconter… (sourire)

 
 
 

Comment s’articule chaque épisode afin de composer une dramaturgie cohérente ?

TA : Tout le propos d’ADN Baroque est une relecture intime et inédite du baroque en piano-voix, un peu comme des lieder, pour mieux faire ressortir sa radiographie émotionnelle de l’être humain : cette « perle irrégulière », en référence à son étymologie « Barocco », sans cesse tiraillée entre ses sentiments les plus nobles et ses instincts les plus primaires. Autant de facettes que le disque explore…
GV : Le fil conducteur était de créer un voyage dans les clairs-obscurs de l’âme humaine, que le spectacle décline en trois actes, dans un crescendo vers le plus intime de l’homme : la Lumière, les Ombres et la Nuit.

 
 
 

Comment avez-vous travaillé votre voix et le jeu pianistique pour ce programme ? Afin de préserver quels caractères en particulier ?

GV : Déjà, nous signons toutes les adaptations en piano-voix de ces arias, écrites à l’origine pour orchestre : transcriptions sur lesquelles nous avons travaillé pendant plus d’un an pour créer une relecture au plus proche des intentions des compositeurs, et en gardant les tonalités à 415, même avec piano. Mais dans certains cas, nous avons fait le choix de pousser plus loin la réinvention, par des accents jazzy dans le Strike The Viol de Purcell, ou en passant à l’octave l’instrumental du Eja Mater et la ligne de baryton des Sauvages, ou encore avec un piano préparé au cachemire pour le Cold Song et le Cum dederit.
TA : Après, vocalement, tout le travail s’est concentré sur l’expressivité, la juste théâtralité, pour faire ressentir la puissance émotionnelle de chaque morceau. L’enjeu était de privilégier le sens, d’incarner chaque état d’âme plus que de chercher la belle vocalité, en assumant ces fragilités qui servent l’émotion. Car c’est bien par nos failles que filtrent nos lumières, et qu’émerge ce petit supplément d’âme qui nous rend humains.
GV : J’ajouterai que pianistiquement comme vocalement, ADN Baroque est un programme d’une exigence redoutable, par la virtuosité technique qu’il impose, notamment dans les furioso d’Haendel ou Vivaldi, mais aussi par la nécessité paradoxale de s’en détacher pour explorer quelque chose de plus viscéral et d’instinctif, tout en restant impliqué dans l’esprit du compositeur.

 
 
 

Que signifie le Baroque pour chacun de vous ? Et de quelle façon cela est-il incarné dans le programme du disque, et le spectacle qui en découlent ?

TA : EmotivitĂ©, humanitĂ©, irrĂ©gularitĂ©. MalgrĂ© ses lourds habillages dâ€Ă©poque, ses fastes ou ses ornements, le baroque n’a eu de cesse de nous dĂ©shabiller pour mieux sonder nos âmes et nous montrer sans fard, dans nos parfaites imperfections… C’est ce miroir trouble des clairs-obscurs de l’humain, cette empathie des fragiles que nous avons voulu incarner par la puissance de l’intime que permet le piano-voix.
GV : Pour moi le baroque c’est aussi un état d’esprit de liberté, que nous nous sommes autorisés dans cette relecture musicale inédite en désobéissant aux règles d’interprétations sur instruments anciens, mais aussi sur scène en cassant les codes du récital traditionnel.
TA : Et puis le baroque c’est le mouvement, ce que les changements d’humeur permanents du disque retranscrivent et que la danse de Jean-Claude Gallotta me permet d’incarner dans le spectacle, créant des va-et-vient incessants entre chant et danse, entre corps et âme.

 
 
 

Y a-t-il des éléments du programme que vous avez adaptés voire modifiés au cours du travail scénique ? Lesquels et pourquoi ?

TA : Sur scène, le programme s’enrichit d’instrumentaux que je danse, sur des chorégraphies créées sur-mesure par Jean-Claude Gallotta, en plus des mises en mouvement des piano-voix. Après, si le disque est construit comme une série d’instantanés, le spectacle raconte un crescendo vers l’intimité de l’humain : la setlist a donc été réorganisée pour créer cette dramaturgie, tout en prenant en compte la fatigue que la performance chant et danse convoque. Par exemple : finir exsangue sur le erbarme dich sert l’état de dépouillement total de la fin du spectacle… A l’inverse, les longues notes filées et tenues du Cum dederit n’étaient plus chantables pour moi après 1h de performance : la pièce n’a donc pas été retenue pour le spectacle.
GV : Le jeu des tonalités a également guidé l’ordre des pièces sur scène, pour créer des continuum entre elles et faire monter la tension émotionnelle de l’auditeur. Et puis nous nous amusons à rajouter des intro et des outro, variations libres sur les thèmes de certains morceaux, où là encore, l’enjeu n’est pas de restituer mais bien de faire vivre ces œuvres les unes par rapport aux autres et de raconter une histoire porteuse de sens.

 
 
 

Propos recueillis en novembre 2018.

 
 
 

 
 
 

APPROFONDIR

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VIDEO ADN BAROQUE : piano, danse, chant / Haendel / Vivaldi:
http://smarturl.it/ADNBAROQUE?IQid=www.klarthe.com

 
 
 

LIRE aussi notre critique du cd ADN BAROQUE
ADN Baroque theophile alexandre guillaume vincent piano cd review critique cd par classiquenewsCD événement. ADN BAROQUE (Alexandre / Vincent, 1 cd Klarthe records). C’est une mise à nu, au sens propre comme au sens figuré : le chanteur pose nu sur le piano. Et délivre un chant brut mais millimétré comme un diseur dans le lied ou la mélodie française. En blanc et noir, en une approche « radiographique », les deux artistes régénèrent l’exercice du récital lyrique. Le travail se concentre sur le relief intime, le souffle, l’intonation et la projection du verbe… répond à ce souci du sens et de l’affect (un principe moteur dans l’esthétique baroque, en particulier à l’opéra dont sont extraits maintes séquences ici), le piano, complice privilégié pour cette exacerbation canalisée des passions humaines…
CLIC D'OR macaron 200Les titres de chaque extrait sont parlants, porteurs d’un imaginaire psychologique désormais essentiel car il est ici vécu et joué de façon viscérale : « l’oubli, la célébration, l’ambition… l’effroi, la colère, l’abandon, les larmes, la liberté »… La palette est aussi large que l’implication des deux interprètes profonde, parfois grave, toujours intense. LIRE notre critique complète ici :
http://www.classiquenews.com/cd-evenement-adn-baroque-alexandre-vincent-1-cd-klarthe-records/

 
 
 
 
 
 

CD, compte rendu critique. Folklore : Kodaly, Dvorak, Janacek. Julie Sévilla-Fraysse, violoncelle (1 cd Klarthe)

fraysse sevilla violoncelle sevilla fraysse julie violoncelle cd folklore cd critique review classiquenews kla023couv_lowCD, compte rendu critique. Folklore : Kodaly, Dvorak, Janacek. Julie Sévilla-Fraysse, violoncelle (1 cd Klarthe). URGENCE et PROFONDEUR… Ne vous méprenez pas sur le sens du titre de cet album révélateur : rien de « folklorique » dans ce programme qui engage de fait toutes les ressources expressives et intérieures de l’interprète : la formidable Sonate pour violoncelle seul de Kodaly (opus 8, 1915) exprime dans une langue pourtant bercée de mélodies populaires hongroises, la profondeur semée de terreur et d’angoisse d’une âme désespérément solitaire : l’âpreté se dévoile dans le sillon d’une éloquence pudique mais jamais mièvre, et toute l’imagination dans l’urgence et la justesse de Julie Sévilla-Fraysse éclaire la partition par son sens du drame lové, puissant, angoissé mais toujours replié dans les tréfonds de la psyché. « Con grand’espressione » comme il est indiqué dans la partition, l’Adagio central accumule tremolos, arpèges, glissandi d’une ivresse tragique spectaculaire, dans une forme éclatée qui laisse dans l’apparence de l’improvisation, le feu intérieur, se consommer littéralement par la voix du violoncelle. Et même si le dernier mouvement est enchaînée avec cet adagio d’une force tellurique, comme s’il en permettait l’atténuation libératrice (mais à coups de convulsions à peine canalisées, en une fièvre rapeuse), l’ambiguïté règne encore dans sa forme semi rondo ; c’est un cauchemar canalisé mais présent, que le premier mouvement, plus lyrique mais tout autant agité, torturé, profondément tiraillé, ne laissait pas présager. La souplesse volubile de la violoncelliste creuse chaque mesure pour en distiller le miel mordant et pénétrant, la déchirante plainte qui subjugue par son cri mi animal mi humain. La forme Sonate éclatée, le flux quasi improvisé du jeu de l’interprète, son fort engagement, composent toute la valeur de cette lecture de l’opus 8 de Kodaly : jamais artificiel ni sirupeux L’insouciance chopinienne du Rondo opus 94 de Dvorak (1891 : pour piano et violoncelle) mêle avec une même réussite entre grâce et élégance, la fusion de l’insouciance et de la nostalgie (avec une relecture très originale de la Duma (ballade ukrainienne).

Il faut bien le ton plus rĂŞveur, plus distanciĂ© (après l’immĂ©diate sincĂ©ritĂ© expressionniste de Kodaly) de Janacek (Pohadka, 1910) pour rĂ©tablir l’équilibre psychique d’une Ă©coute assaillie, et mĂŞme menacĂ©e par les pointes si justes car viscĂ©rales de Kodaly. Le ton lĂ©ger, mais faussement badin, de cet onirisme si spĂ©cifique au Janacek qui sait s’émerveiller jusqu’à la fin (La Petite Renarde rusĂ©e) jaillit dès Pohadaka (Le Conte, histoire du Tsar Berendei ou plutĂ´t celle de son fils Ivan que le père a promis Ă  une crĂ©ature immortelle et envoĂ»tante …Marya). Le caractère mi fantastique mi amoureux structure les trois mouvements comme un drame miniature, oĂą l’agilitĂ© suggestive des deux partenaires – violoncelle enivrĂ©, caressant et piano complice dans le rĂŞve et la rĂ©solution des Ă©pisodes-, exprime le souffle. Le panache au violoncelle de la fière Rhapsodie hongroise de Popper (1894), entre brio et swing tzigane, conclue une immersion Ă  bien des Ă©gards passionnante, marquant la fusion du savant et du populaire, parmi les crĂ©ateurs les mieux inspirĂ©s par le « folklore » hongrois. Superbe rĂ©cital.

CD, compte rendu critique. “Folklore” : Kodaly, Dvorak, Janacek. Julie SĂ©villa-Fraysse, violoncelle / Antoine De  GrolĂ©e, piano / Enregistrement rĂ©alisĂ© en fĂ©vrier 2015 Ă  Rueil Malmaison. 1 cd Klarthe, KLA 023.

 

 

 

Programme du cd «  Folklore » / Klarthe :

Antonín Dvorák / Rondo op. 94 en sol mineur

Zoltán Kodály / Sonate pour violoncelle seul op. 8

Leoš Janácek / Pohádka

Julie Sévilla-Fraysse, violoncelle

Antoine De Grolée, piano

 

 

+D’INFOS sur le site du label Klarthe

 

 

CD. Les Quatre Saisons. Nicolas Bacri : Concertos – Leleux / Verdier (Klarthe, 2015)

bacri quatre saisons concertos valeriy sokolov adrien la marca orchestre victoir hugo jean-francois verdier klarthe cd reviex critique cd classiquenews kla017_couv_lowCD. Les Quatre Saisons. Nicolas Bacri : Concertos – Leleux / Verdier (Klarthe, 2015). Premier enregistrement mondial. Que donne en Ă©coute immĂ©diate ces Quatre Saisons françaises, soit les quatre Concertos de Nicolas Bacri ainsi agencĂ©s ? L’Hiver, climat tendu, inquiet fait briller la mordante vocalitĂ© du hautbois, Ă  laquelle rĂ©pond le tissu des cordes Ă  la fois souple et d’une fluiditĂ© dramatique permanente. Le Printemps affirme la volubilitĂ© du mĂŞme hautbois principal (François Leleux, dĂ©dicataire des Ĺ“uvres), en dialogue avec le violon, dans un mouvement indiquĂ© amoroso, pourtant d’une tendresse lacrymal ; les cordes sont climatiques et atmosphĂ©riques (ainsi le violon s’affirme plus enivrĂ© que le hautbois, Ă  l’aciditĂ© volontaire; plus explicite aussi et d’une revendication nerveuse ; pourtant une douleur se fait jour grâce aux cordes et au violon… et peu Ă  peu comme par compassion, sensible Ă  sa mĂ©lopĂ©e sombre, le hautbois s’accorde finalement au violon qu’il semble accompagner et doubler d’une certaine façon avec plus de recueillement. Ainsi s’affirme inĂ©luctablement la conscience inquiète du hautbois, compatissant. Ample et colorĂ©e, l’Ă©criture de Bacri dĂ©ploie une splendide houle aux cordes, contrastant avec le soliloque hallucinĂ© et tendu du hautbois, avec la gravitĂ© plus feutrĂ©e du violon : le final exprime de nouvelles stridences que le sujet printanier n’avait pas Ă  son dĂ©but laissĂ© supposer. C’est pourtant cette gravitĂ© sourde, inquiĂ©tante, un temps dĂ©voilĂ© par le violoncelle, que l’on retrouvera plus dĂ©veloppĂ© et Ă©panoui dans l’ultime Concerto, L’Automne : correspondance porteuse d’unitĂ© ? Certainement.
Par son caractère plus rentré et finalement intérieur, ce Concerto Printemps (opus 80 n°2, 2004-2005, amoroso), est le plus surprenant des quatre.
MĂŞme Luminoso, le Concerto L’Ă©tĂ© est tout aussi contrastĂ©, grave, et presque mĂ©lancolique… C’est le plus rĂ©cent ouvrage du cycle quadripartite (2011) : menĂ© lĂ  encore par un hautbois plus mĂ©ditatif que vainqueur (Printemps) et d’un souverain accord avec le violon : cette alliance, enrichie par la profondeur du violoncelle tisse ainsi la combinaison rĂ©ellement envoĂ»tante de la pièce de plus de 11 mn. Enfin, captivante conclusion, L’Automne Ă©tale sa sombre chair par le violoncelle introductif qui fait planer le chant d’une plainte lugubre… L’Ă©criture est ainsi davantage dans son thème indiquĂ© “nostalgico”, d’une sombre tristesse Ă  peine canalisĂ©e, aux teintes rares, nuancĂ©es, d’un modelĂ© languissant, plaintif… conclu dans le silence, comme un irrĂ©mĂ©diable secret perdu, le dĂ©veloppement de cet ultime Concerto ne laisse pas de surprendre lui aussi. Passionnant parcours quadripartite.

Tenebroso, amoroso, luminoso, nostalgico
Les saisons selon Nicolas Bacri

Dans cet ordre et pas autrement : d’abord Hiver, puis Printemps, ÉtĂ© et Automne… : soit du rythme soutenu, incisif de l’Hiver, Ă  la plainte sombre presque livide du plus mystĂ©rieux Automne final… L’Orchestre Victor Hugo sous la conduite de Jean-François Verdier reconstruit ici 4 pièces pour orchestre, Ă©crits et composĂ©s Ă  diffĂ©rentes pĂ©riodes et dans diverses circonstances, dont pourtant le cycle final affirme une belle cohĂ©rence globale (ainsi Ă©laborĂ©e sur une quasi dĂ©cennie, de 2000 Ă  2009). Le dernier Ă©pisode est celui qui a Ă©tĂ© a contrario composĂ© le premier (Automne 2000-2002). Il est finalement le plus apaisĂ©, le plus intĂ©rieur, – le plus secret-, quand l’Hiver, le Printemps et l’ÉtĂ© (le plus rĂ©cent, 2011), sont nettement plus tendus, actifs, dramatiques. Les deux Concertos pour hautbois concertant Ă©taient dĂ©jĂ  destinĂ©s au soliste François Leleux (Concerto nostalgico soit l’Automne, et Concerto amoroso soit le Printemps). A travers chaque Ă©pisode, orchestre et solistes (François Leleu entourĂ© du violoniste Valeriy Sokolov, de l’altiste Adrien La Marca et du violoncelliste SĂ©bastien Van Kuijk) expriment la très riche versatilitĂ© poĂ©tique d’une Ă©criture frappante par son activitĂ© et son sens permanent des contrastes ; oĂą le travail sur le timbre et ses alliages suggestifs scintillent en permanence, d’autant plus dĂ©tectables grâce Ă  l’effort de clartĂ© comme d’Ă©loquence de la part des interprètes.

CD : Les Quatre Saisons de Nicolas BacriLe retable Ă  quatre volets concertants dĂ©ploie un sens suprĂŞme des climats, surtout le sentiment d’un inĂ©luctable cycle, dĂ©butant dĂ©jĂ  tenebroso (l’Hiver), voilant presque d’un glas lancinant le clair timbre du hautbois bavard, puis s’achevant enfin par la plainte ineffable du violoncelle attristĂ© et comme endeuillĂ©, dans un ultime soupir (le dernier ?). L’omniprĂ©sence du hautbois, chantant et clair, affirme certes la couleur pastorale, mais ce pastoralisme se teinte de mille nuances plus sombres et inquiètes dont la richesse fait la haute valeur de l’Ă©criture. Ainsi les Saisons n’ont pas le dĂ©lire gĂ©nial du sublime Vivaldi, peintre des atmosphères extĂ©rieures ; Nicolas Bacri rĂ©serve plutĂ´t de somptueuses teintes harmoniques dans les replis d’une pensĂ©e plus trouble et introspective qui de l’ombre surgit pour s’anĂ©antir et glisser dans … l’ombre. PensĂ©e plus abstraite mais non moins active. Tenebroso, amoroso, luminoso, nostalgico… sont les nouveaux Ă©pisodes d’une Ă©vocation de la vie terrestre ; on y dĂ©tecte comme des rĂ©miniscences jamais diluĂ©es, la tension sourde et capiteuse du Dutilleux le plus mĂ©ditatif sur la vie et le plus critique (comme Sibelius) sur la forme musicale ; Bacri ajoute en orfèvre des teintes et des couleurs, des combinaisons insoupçonnĂ©es pour le hautbois, d’une ivresse enchanteresse, que ses complices – autres solistes, savent doubler, sertir de correspondances sonores des plus allusives. L’orchestre sonne parfois dur, renforçant l’esprit de tension grave qui fait le terreau gĂ©nĂ©ral de ses somptueuses pièces.
Jamais dĂ©clamatoires ni opportunĂ©ment volubiles, les Concertos façonnent en fin de composition, un cycle d’une rare sĂ©duction mĂ©ditative et interrogative. Ces Quatre Saisons sont celle de l’âme. Superbe cheminement, oscillant entre suractivitĂ© pulsionnelle, pudeur, interrogation, soit une narration suractive au service de pensĂ©es secrètes, Ă  dĂ©chiffrer au moment de l’Ă©coute.

CLIC_macaron_2014CD, compte rendu-critique. LES QUATRE SAISONS. Nicolas Bacri (né en 1961) : Concertos opus 80 n°3, 2, 4 et 1. François Leleux, hautbois. Valeriy Sokolov, violon. Adrien La Marca, alto. Sébastien Van Kuijk, violoncelle. Orchestre Victor Hugo Franche-Comté. Jean-François Verdier, direction. 1 CD Klarthe KLA 017. Enregistré en février 2015 au CRR du Grand Besançon. Durée : 46mn. CLIC de CLASSIQUENEWS de juin 2016

KLARTHE, nouveau label français

klarthe-logo-gd-format-2016CD, actualitĂ©s du label KLARTHE. Le jeune label français KLARTHE surprend dès le lancement de ses premiers albums. Parmi un corpus dĂ©jĂ  variĂ©, la RĂ©daction cd de CLASSIQUENEWS a distinguĂ© deux enregistrements plutĂ´t convaincants pour ce printemps 2016 (avant de nouveaux titres tout autant mĂ©ritants, saluĂ©s par une critique dĂ©diĂ©e…): Les Quatre saisons de Vivaldi par l’Orchestre Baroque de Barcelone (Gilles Colliard, direction) – d’autant plus marquantes qu’elles sont publiĂ©es avec les textes poĂ©tiques que Vivaldi avait associĂ© Ă  chaque Concerto- : soit un Vivaldi dans le texte…-, et un recueil monographique regroupant 7 partitions du compositeur contemporain Samuel Andreyev : Moving. Soit 2 cd rĂ©compensĂ©s par un CLIC de CLASSIQUENEWS.

 

 

2 cd “CLICS” de CLASSIQUENEWS

2 cd Klarthe à connaître absolument

 

 

moving-ensemble-proton-bern-samuel-andreyev-moving-cd-klarthe-review-presentation-review-critique-cd-classiquenewsCLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique. MOVING. Pièces de Samuel Andreyev (2003-2015) : Bern Trio, Moving,… ensemble proton bern (1 cd Klarthe, 2015). Le nouveau label discographique Klarthe nous dévoile la sensibilité crépitante et très réfléchie du jeune compositeur d’origine canadienne, Samuel Andreyev. Moving est un remarquable album monographique d’un jeune compositeur à l’exigence sonore aiguë. Ses oeuvres très écrites ne cèdent en rien à l’artifice de la seule performance mais accréditent l’idée d’une modernité soucieuse de sens et de développement et de temporalité sonore. Le programme dans son ensemble est lumineux, intelligent et pour les interprètes autant que l’auditeur, d’un impact continu, exaltant. En mai et juin 2015 à Paris (Maison de Radio France), les instrumentistes de l’ensemble proton bern, sous la direction de Matthias Kuhn, enregistrent plusieurs oeuvres de Samuel Andreyev, né en 1981, rassemblant comme en un album monographique, les pièces les plus emblématiques du jeune compositeur, soit 7 compositions, de la plus ancienne PLP (2003) à Bern Trio (2015).  LIRE la critique complète du cd MOVING, recueil monographique réunissant 7 partitions de Samuel Andreyev. Entretien avec le compositeur Samuel ANDREYEV à propos de “Moving”…

 

 

vivaldi quatre saisons nelson monfort gilles colliard orchestre baroque barcelone clic de classiquenews compte rendu review cd critique CLASSIQUENEWS kla012_couv_lowCLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique. Vivaldi : Les Quatre Saisons (Gilles Colliard, 1 cd Klarthe, 2015). Encore une Ă©nième version des Quatre Saisons Vivaldiennes ? En vĂ©ritĂ© celle-ci compte indiscutablement ; pour sa conception exhaustive, combinant non sans raison, le verbe Ă  la musique ; pour l’intĂ©gritĂ© de sa rĂ©alisation instrumentale… Ă  la faveur d’un excellent engagement de l’ensemble sur instruments d’époque, l’Orchestre Baroque de Barcelone, le chef et violoniste Gilles Colliard (rĂ©cent directeur artistique de la phalange catalane depuis 2015) s’associe le concours d’un narrateur Ă  l’éloquence discrète mais efficace, le journaliste sportif Nelson Monfort, plus habituĂ© des plateaux tĂ©lĂ© et directs olympiques que des studios oĂą s’enregistre la musique classique, … le chroniqueur s’affirme en diseur des textes que Vivaldi a conçu pour mieux comprendre l’enjeu de chaque Concerto composant le cycle entier. Le rĂ©citant prĂ©cise le climat concernĂ©, les sĂ©quences narratives qui lui sont associĂ©es : c’est un relecture des Saisons dans le texte poĂ©tique d’époque. LIRE la critique complète du cd GENESIS / Les Quatre Saisons de Vivaldi par l’Orchestre Baroque de Barcelone. Entretien avec Gilles Colliard.

 

 

LES CLICS de CLASSIQUENEWS : voir les derniers cd Ă©lus “CLICS” de CLASSIQUENEWS de mai et juin 2016

 

 

Entretien avec Gilles Colliard… Jouer les Quatre Saisons de Vivaldi

Entretien avec Gilles Colliard. A l’occasion de son enregistrement chez Klarthe, d’une nouvelle version des Quatre Saisons de Vivaldi, le violoniste, chef et compositeur Gilles Colliard répond aux questions de CLASSIQUENEWS. Récemment nommé directeur musical de l’Orchestre baroque de Barcelone, Gilles Colliard travaille la sonorité et la tension rythmique mais aussi ajoute les textes poétiques originels que Vivaldi avait associé à chacun des Concertos pour violon qui compose aujourd’hui les Quatre Saisons. Point sur une lecture personnelle d’une partition ultra célèbre.

 

 

 

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CLASSIQUENEWS : Quel est le plus grand dĂ©fi en tant qu’interprète face aux Quatre saisons (pour vous comme soliste et comme chef/leader ?

 

GILLES COLLIARD : Le dĂ©fi est toujours le mĂŞme. Servir cette musique comme toutes les autres avec un souci d’authenticitĂ© musicale permanent. J’ai (et c’est le propre des interprètes) le dĂ©sir de toucher, d’Ă©mouvoir, mais il est clair que je ne chercherai pas Ă  user de tel ou tel artifice pour ce faire. Ce n’est pas ce qui habite l’artiste – j’entends par lĂ  son “monde intĂ©rieur, aussi riche soit-il – qui doit recouvrir cette musique de son propre verni. C’est simplement l’intĂ©gritĂ© de sa dĂ©marche et l’intelligence de sa lecture qui devrait pouvoir rĂ©vĂ©ler la richesse intrinsèque de l’oeuvre. Je n’ai bien sĂ»r pas la prĂ©tention de dire que j’ai rĂ©alisĂ© ici ce rĂŞve de n’ĂŞtre qu’un outil au service du compositeur mais je puis vous assurer que tous mes efforts y Ă©taient tournĂ©s!

CLASSIQUENEWS : Pour vous, les Quatre Saisons restent une partition descriptive et purement narrative, ou pouvons nous en dĂ©duire d’une certaine façon le gĂ©nie poĂ©tique et esthĂ©tique de Vivaldi qui tendrait vers l’abstraction de la musique pure ?

 

GILLES COLLIARD : La musique descriptive, reprĂ©sentative, est une forme rĂ©pandue en cette ère baroque. Je ne sais si la dĂ©marche consciente du crĂ©ateur est de tendre vers quoique ce soit. Je dirais plutĂ´t que les arts se rĂ©unissent car ils ont tous le mĂŞme fil d’Ariane: la rhĂ©torique. Une rhĂ©torique basĂ©e sur des tactus, ces derniers rĂ©gissant la musique, la danse comme le théâtre. En ce dĂ©but de 18ème siècle, la perception de l’art et de son expression n’est pas encore rentrĂ©e dans le drame des “spĂ©cialisations”. Un compositeur est lui mĂŞme interprète, poète, dirige ses oeuvres et enseigne. C’est justement l’apprĂ©hension vaste de la crĂ©ation qui façonne l’être. J’ai donc tout naturellement souhaitĂ© prĂ©senter pour la première fois en disque une version avec narrateur. C’est une aventure que je voulais vivre avec mon ami Nelson Monfort, homme sensible, cultivĂ©, amateur de musique dans son sens Ă©tymologique: aimer. C’est aussi une belle rencontre, en la personne de Julien Chabod, directeur de Klarthe, merveilleux clarinettiste, qui a  osĂ© accepter de se lancer dans un vrai dĂ©fi: oser une Ă©nième version d’une Ĺ“uvre dĂ©jĂ  trop enregistrĂ©e!

CLASSIQUENEWS :  Qu’apporte prĂ©cisĂ©ment l’intĂ©gration aux moments choisis, des textes originaux ? Qui les a Ă©crits ? Savons nous prĂ©cisĂ©ment comment Vivaldi les considĂ©rait par rapport Ă  sa partition ?

 

GILLES COLLIARD : Nous ne savons pas grand chose. RĂ©ellement, nous ne disposons d’aucun document, d’aucune information Ă  ce sujet. On sait par la lecture de la correspondance du “PrĂŞte roux” que cet opus rencontra visiblement un grand succès (il reste Ă©tonnant de constater que les Quatre Saisons disparaĂ®tront avec son auteur, ce dernier emportant dans sa tombe la totalitĂ© de sa production, jusqu’au souvenir mĂŞme de sa propre existence, pour ne rĂ©apparaĂ®tre qu’au milieu du 20ème siècle!). Si tout le monde peut reconnaĂ®tre les nombreux thèmes de l’oeuvre, l’Ă©coute du texte offre indiscutablement des clĂ©s de comprĂ©hension essentielles. Les poèmes sont de la main de Vivaldi ainsi que la rĂ©partition des phrases dans le texte musical. Je me suis permis de “broder”, d’augmenter le texte, afin de renforcer la narration tout en tâchant de ne point la pervertir.

CLASSIQUENEWS :  Avez-vous découvert des éléments nouveaux ou que vous ne connaissiez pas en vous immergeant dans Les Quatre Saisons, à propos de la partition ou de Vivaldi ?

 

GILLES COLLIARD : Cette partition, je suis nĂ© avec!!!! Elle me hante depuis toujours et revĂŞt aussi une importance particulière dans ma “construction” personnelle puisque dĂ©cisive quant au choix, alors adolescent, de consacrer une grande partie de mon temps Ă  l’Ă©tude de la musique baroque. On ne cesse de dĂ©couvrir jour après jour des Ă©lĂ©ments nouveaux, dans la musique, dans les rencontres, dans l’observation, dans la cohue comme dans la solitude. C’est un principe de vie qui me frappe en permanence.

CLASSIQUENEWS : Quelles sont les qualitĂ©s distinctives de l’orchestre Baroque de Barcelone dont le prĂ©sent enregistrement tĂ©moigne particulièrement ?

 

GILLES COLLIARD : Cet ensemble peut se rĂ©sumer en deux mots: jeunesse, enthousiasme. Les instrumentistes sont curieux, ont envie d’apprendre, sont ouverts. Je combat toute forme d’intĂ©grisme. Le monde de la musique est plein de “gens qui savent”. La seule chose que je sache, c’est que j’en sais chaque jour un peu plus et que je souhaite ardemment partager avec eux cet “un peu plus” sans perdre de vue que mon point de vue s’Ă©taye sur des connaissances “Ă©tablies” (traitĂ©s et autres sources indiscutables) comme sur le fameux “bon goĂ»t”, toujours subjectif et une sensibilitĂ© qui est la mienne et, qui dit sensibilitĂ©, dit aussi vulnĂ©rabilitĂ©.

 

 

Propos recueillis en mai 2016.

 

 

 

vivaldi quatre saisons nelson monfort gilles colliard orchestre baroque barcelone clic de classiquenews compte rendu review cd critique CLASSIQUENEWS kla012_couv_lowCD, compte rendu critique. Vivaldi : Les Quatre Saisons (Gilles Colliard, 1 cd Klarthe, 2015). Encore une Ă©nième version des Quatre Saisons Vivaldiennes ? En vĂ©ritĂ© celle-ci compte indiscutablement ; pour sa conception exhaustive, combinant non sans raison, le verbe Ă  la musique ; pour l’intĂ©gritĂ© de sa rĂ©alisation instrumentale… Ă  la faveur d’un excellent engagement de l’ensemble sur instruments d’époque, l’Orchestre Baroque de Barcelone, le chef et violoniste Gilles Colliard (rĂ©cent directeur artistique de la phalange catalane depuis 2015) s’associe le concours d’un narrateur Ă  l’éloquence discrète mais efficace, le journaliste sportif Nelson Monfort, plus habituĂ© des plateaux tĂ©lĂ© et directs olympiques que des studios oĂą s’enregistre la musique classique, … le chroniqueur s’affirme en diseur des textes que Vivaldi a conçu pour mieux comprendre l’enjeu de chaque Concerto composant le cycle entier. Le rĂ©citant prĂ©cise le climat concernĂ©, les sĂ©quences narratives qui lui sont associĂ©es : c’est un relecture des Saisons dans le texte poĂ©tique d’époque. … EN LIRE +

 

 

 

CD, compte rendu critique. Vivaldi : Les Quatre Saisons (Gilles Colliard, 1 cd Klarthe, 2015)

vivaldi quatre saisons nelson monfort gilles colliard orchestre baroque barcelone clic de classiquenews compte rendu review cd critique CLASSIQUENEWS kla012_couv_lowCD, compte rendu critique. Vivaldi : Les Quatre Saisons (Gilles Colliard, 1 cd Klarthe, 2015). Encore une Ă©nième version des Quatre Saisons Vivaldiennes ? En vĂ©ritĂ© celle-ci compte indiscutablement ; pour sa conception exhaustive, combinant non sans raison, le verbe Ă  la musique ; pour l’intĂ©gritĂ© de sa rĂ©alisation instrumentale… Ă  la faveur d’un excellent engagement de l’ensemble sur instruments d’Ă©poque, l’Orchestre Baroque de Barcelone, le chef et violoniste Gilles Colliard (rĂ©cent directeur artistique de la phalange catalane depuis 2015) s’associe le concours d’un narrateur Ă  l’Ă©loquence discrète mais efficace, le journaliste sportif Nelson Monfort, plus habituĂ© des plateaux tĂ©lĂ© et directs olympiques que des studios oĂą s’enregistre la musique classique, … le chroniqueur s’affirme en diseur des textes que Vivaldi a conçu pour mieux comprendre l’enjeu de chaque Concerto composant le cycle entier. Le rĂ©citant prĂ©cise le climat concernĂ©, les sĂ©quences narratives qui lui sont associĂ©es : c’est un relecture des Saisons dans le texte poĂ©tique d’Ă©poque.

TRAME POETIQUE. On peut dès lors associer prĂ©cisĂ©ment chaque sĂ©quence climatique au prĂ©texte narratif que Vivaldi avait Ă  l’origine conçu, particulièrement douĂ© d’un imaginaire fĂ©cond :
- joie des villageois rĂ©unis en kermesse pastorale “tendre et lĂ©gère”, orage toujours lointain, aboiements du chien (largo central) pour le Printemps ;
- brĂ»lure Ă©touffante d’un air chaud suffocant Ă  l’Ă©noncĂ© des premières mesures de l’Ă©tĂ© (allegro non molto, le plus long des mouvements soit plus de 5mn) ; le compositeur n’oublie pas les nuĂ©es de moustiques sur fond d’orage lointain (adagio central)… jusqu’Ă  ce que la tension palpable, accumulĂ©e alors se dĂ©verse en un torrent d’Ă©clairs et d’orage menaçant (pour les cordes seules : fougueux Presto final, impĂ©tueux de l’Ă©tĂ©).
- la joie villageoise est de retour pour fĂŞter l’automne, le temps des rĂ©coltes abondantes et nourricières, avant les dĂ©lices de la sieste (formidable Adagio central). Pause rĂ©paratrice pour mieux rĂ©ussir la chasse Ă©noncĂ©e telle une marche au panache martelĂ© au son du cor (allegro final).
Antonio_Vivaldi- hiver hypnotique… Le plus rĂ©ussi des Concertos demeure ici l’Hiver : froid saisissant et oppressant du vent du nord dans l’Allegro initial (cordes mordantes et persifflantes, aux couleurs aigres et incisives); puis ondulantes, dansantes et crĂ©pitantes mais a contrario, exprimant plutĂ´t la chaleur brĂ»lante des flammes du feu de cheminĂ©e (flexibilitĂ© onirique des cordes de l’Orchestre baroque de Barcelone). En poète esthète, Vivaldi fusionne finesse du violon et volutes et arabesques des patineurs sur la glace… avant que les vents dont le sirocco-, n’entrent en guerre, atteignant Ă  une implosion recrĂ©atrice qui force l’admiration : vĂ©ritable chaos regĂ©nĂ©rateur en guise de conclusion mobile.

 

 

 

Vivaldi dans le texte

Le chef, compositeur et violoniste Gilles Colliard signe une version des Quatre Saisons, indiscutable

Saisons subtiles et caractérisées

 

 

CLIC_macaron_2014L’auditeur demeure saisi par la force emblĂ©matique des images climatiques et des loisirs humains Ă©voquĂ©s, par la justesse des procĂ©dĂ©s expressifs que le compositeur vĂ©nitien a trouvĂ©, pour en rĂ©aliser leur transposition musicale, combinant la subtilitĂ© et souvent l’inouĂŻ. Les interprètes savent ciseler la richesse dynamique liĂ©e Ă  la maĂ®trise technique ; le violon de Gilles Colliard synthĂ©tise toutes les avancĂ©es de l’approche historiquement informĂ©e, en une lecture gorgĂ©e de vitalitĂ© saine, qui sait aussi murmurer et rugir, trĂ©pigner et s’alanguir, au diapason des atmosphères tĂ©nues dont Vivaldi a le secret.

L’Ă©diteur prend soin de prĂ©server les attentes de chacun : le cd comprend d’abord chacun des 12 Ă©pisodes (3 mouvements pour chaque saison) avec le commentaire, – les textes Ă©tant lus exactement au bon moment, – au dĂ©but de chaque Ă©pisode pour en comprendre l’enjeu narratif et dramatique ; puis les Quatre Saisons sont jouĂ©es sans textes, – traditionnellement, afin que les puristes puissent se dĂ©lecter de la musique et de l’interprĂ©tation, sans parasitage d’aucune sorte.

colliard gilles violon vivaldi review compte rendu critique cd classiquenews mai 2016 Photo-Gilles_HD_Copyright-4-175x300Chef violoniste et instrumentistes barcelonais dĂ©fendent avec un rĂ©el sens des contrastes et des atmosphères chacun des Quatre Concertos. Le geste est sĂ»r, onctueux et dĂ©taillĂ©, trouvant d’un Concerto l’autre, ce lien continu qui nourrit la cohĂ©rence organique entre eux. Saluons le souci du chef compositeur Gilles Colliard (nĂ© Ă  Genève en 1967) : partenaire de Gustav Leonhardt et de Christophe Coin, sa direction est affĂ»tĂ©e, contrastĂ©e, d’un rare fini caractĂ©risĂ© (profondeur allusive des mouvements lents dont entre autres l’irrĂ©sistible adagio molto de l’Automne ou le volet central de L’Hiver…) : son charisme et sa fougue canalisĂ©e savent emporter voire souvent Ă©lectriser les musiciens qui le suivent. L’Ă©nergie collective est magnifiquement mise en avant dans cet enregistrement qui s’avère de bout en bout très convaincant. L’enjeu de la partition est idĂ©alement compris et mesurĂ© : le prĂ©texte textuel est Ă©videmment prĂ©sent dans l’Ă©coute mais la rĂ©alisation des interprètes grâce Ă  la justesse des instrumentistes savent atteindre Ă  cette abstraction onirique qui fait de chaque Concerto, le volet d’un retable de musique pure. L’expressivitĂ© ardente supplantant ici la seule portĂ©e descriptive… Avant Beethoven et sa Pastorale (6ème Symphonie, comprenant elle aussi danses villageoises et orage fameux), Vivaldi Ă©prouve jusqu’aux limites expressives de l’instrument Ă  corde. Partie prenante de son recueil triomphal : “Il Cimento dell’armonia e dell’invenzione (opus 8, publiĂ© Ă  Amsterdam en 1725), le compositeur dĂ©montre par son gĂ©nie de la couleur combien harmonie et invention ne sont pas antinomiques mais bel et bien sĹ“urs d’un art souverain Ă  construire Dans ce sens, Vivaldi a atteint un chef d’Ĺ“uvre d’une richesse poĂ©tique infinie, servie ici par des instrumentistes particulièrement inspirĂ©s.

Seule réserve : le concours de Nelson Monfort apporte le bénéfice du prétexte poétique, préludant à chaque développement musical. Dommage que la prise de son qui intègre la voix du narrateur / récitant ait été réalisée dans une prise trop réverbérante qui semble plaquer artificiellement la voix aux instruments.

CD, compte rendu critique. Vivaldi : Les Quatre saisons / Genesis. Version avec résitant / version musicale sans récitant. Nelson Monfort, récitant. Orchestre Baroque de Barcelone. Gilles Colliard, direction. Enregistrement réalisé à Barcelone en mai 2015. 1 cd Klarthe 012. CLIC de CLASSIQUENEWS de mai et juin 2016.