lundi 28 avril 2025

DVD. Rachmaninov. Film de Pavel Lounguine (2006)

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pavel lounguin rachmaninov piano lilacsDVD. Rachmaninov. Film de Pavel Lounguine (2006). Il y a beaucoup de tendresse dans ce « faux » biopic dédié au pianiste et compositeur Sergei Rachmaninov (1873-1943). Il s’agit plutôt d’une variation autour de sa vie, un résumé subjectif qui parle en terme de séquences, climats, courtes visions, alternant entre sa tournée menée à un rythme d’enfer aux USA (première moitié des années 1920), sa vie d’expatrié à Los Angeles; les souvenirs de son enfance russe (avant la Révolution bolchévique), dans la maison familiale où règne, parfum et présence obsessionnelle tout au long du film, la douce matière olfactive des lilas blancs (tourné en 2006, et sorti l’année suivante, le film s’intitulait « Lilacs »). Le Rachmaninov de Lounguine est un artiste demeuré enfant. Un pianiste virtuose qui électrise les salles, mais un compositeur déraciné, écorché, frustré. Tiraillement intérieur souvent exposé/exprimé de façon bien naïve, clichés à l’appui : le compositeur est à son piano déchirant dans des mines investies, les papiers où s’enchaînent des portées insatisfaisantes.

les lilas blancs de Rachma…

rachmaninov pavel lounguine 2017Le cinéaste russe né en 1949, brosse un portrait souvent manichéen du musicien : il en fait un nostalgique absent, au regard lointain, évidemment porté sur l’alcool et la cigarette (ces deux travers ont effectivement causé la mort de Rachmaninov). Dans le rôle principal, l’acteur Evgeniy Tsyganov ne manque pourtant pas de présence à l’écran. A ses côtés papillonnent des femmes amoureuses, admiratives (dont surtout la révolutionnaire Mariana), après sa première muse plutôt froide et distante : Anna, femme sirène qui assiste défaite à la création (catastrophique) de sa Première Symphonie (le chef était ivre). Après cette infamie, ils ne se reverront plus… suit l’errance du pauvre compositeur dans les rues sombres et froides d’une ville glaçante (encore un cliché !). La figure féminine qui l’accompagne et le pousse même dans toutes les nouvelles épreuves de sa vie reste sa cousine Natalya, d’abord complice en tout, puis son épouse qui le suit comme une ombre fidèle dans ses tournées au rythme trépidant.

Malgré un travail iconographique sûr (nombreuses images d’époque de l’Amérique des années 1920), malgré une photographie très raffinée (surtout dans les séquences qui replongent dans la Russie impériale d’avant la Révolution), le film garde un goût d’inachevé dans la construction alternée, surtout dans le traitement du personnage central : évocation plus qu’incarnation, silhouette qui glisse sur la vie et les épreuves plutôt que force créative douée d’un fort tempérament néoclassique et postromantique qui a fait de Serguei Rachmaninov un adolescent adulé, prodige du piano et immédiatement encouragé par Tchaïkovski lui-même: ce dernier est d’ailleurs cité mais absent, lors d’un diner auquel le jeune Rachmaninov retardataire paraît tardivement et plutôt désolé (il s’enivrait dans les bras de sa muse). A en croire le film, ce manque d’égard pour Tchaikovski scelle la rupture avec son professeur et mentor Sverev qui le renvoie de sa pension académie.

Lounguine prend prétexte d’une évocation esquissée pour traiter des thèmes habituels dans sa filmographie : nostalgie de la Russie de naguère, choc de la Révolution… pour autant le drame d’une vie, celle de Rachmaninov expatrié, la question de la création, et dans l’activité artistique, le dilemme entre virtuosité creuse mais rentable du pianiste virtuose, et angoisse du compositeur détourné de son œuvre… sont bâclés dans une série d’images jolies … hélas, rien que décoratives.

rachmaninov au pianoOn croit difficilement à ce personnage un peu creux qui manque de profondeur. Les connaisseurs ou les amateurs, mélomanes avertis, attirés par le sujet du film, n’y retrouveront pas l’auteur enflammé des opéras Aleko, Le chevalier ladre et de Francesca da Rimini (ouvrages lyriques à redécouvrir d’urgence, d’un flamboiement fantastique somptueusement articulé à l’orchestre !), de l’Ile des morts et du poème symphonique Les cloches, des trois Concertos pour piano, œuvres majeures du XXème siècle, si diamétralement opposées esthétiquement des pièces de Stravinsky ou de Prokofiev. Ici Rachmaninov est un doux rêveur, un peu trop doux. Un agneau égaré qui fuyant le pays des Soviets, reste tout autant à la marge au pays de l’oncle Sam et se perd dans des tournées menées tambour battant mais tragiquement trompeuses…

DVD. Rachmaninov. Film de Pavel Lounguine (2006, sorti dans les salles en 2007). Parution en dvd : début décembre 2014.

 

 

 

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decca-rachmaninov-the-complete-works-box-coffret-32-cd-ashkenazy-jarviDossier. Les opéras de Serge Rachmaninov.  A l’occasion de la parution chez Decca d’un coffret de 32 cd (Rachmaninov : the complete works, l’intégrale, Decca 32 cd, octobre 2014) regroupant tout l’œuvre du compositeur russe,  toujours si mésestimé, classiquenews réouvre le débat du génie incompris, porteur d’authentique chefs d’oeuvres dont ses 4 opéras, diversement livrés, certains incomplets dont Monna Vanna (seul subsiste le matériel du premier acte). D’Aleko et du Chevalier ladre à Francesca da Rimini,les opéras de Rachmaninov n’ont rien de ce post classicisme artificiel et sentimental, mais plutôt souligne le crépitement d’un auteur fasciné par les climats hallucinés et fantastiques, ceux exacerbés qui dans un style millimétré, retenu, pudique – proche de sa nature profonde- éclairent et révèlent la psyché secrète et souterraine des protagonistes… LIRE notre dossier les opéras de Rachmaninov

 

 

 

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