lundi 4 novembre 2024

Compte rendu, opéra. Théâtre des Bouffes du nord, le 21 novembre 2014. Puccini : Mimi, scènes de la vie de Bohème. Frédéric Verrières, Bastien Gallet. Guilaume Vincent

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DVD. Puccini: un séduisant Trittico (Opus Arte)Le soir tombe bien plus tôt dans les brumes de novembre.  Paris s’enguirlande peu à peu des phares et klaxons, mais au dessus de tout ce bouillonnement luisent les mansardes couronnées de zinc.  Ces témoins des heures faméliques et inspirées des bohèmes d’hier, demeurent studieuses et souvent tout aussi précaires.  C’est au cœur des spectres de Murger, entre le métro aérien et les voies du Nord que le Théâtre des Bouffes du Nord a ouvert ses portes ce soir.  A l’affiche : « MIMI ». Une réverbération vers ces Scènes de la Vie de Bohème qui semblent demeurer encore et toujours dans l’âme de Paris.  Résolument moderne, la fantaisie lyrique de cette production fait intervenir à la fois la musique contemporaine, la pop, le théâtre.  L’univers riche de la création au sens brut du terme.

 

 

Nouvelle « MIMI », une révolution lyrique et scénique

 

mimi-puccini-bouffes-du-nord-2014MIMI c’est d’abord l’articulation d’un mythe opératique. Loin de l’hommage, du clin d’œil simpliste, de la parodie superficielle, de la réécriture sacrilège, c’est une pièce à l’état pur, une expérience forte d’une nouvelle énergie.  Création totale d’une équipe engagée et talentueuse, MIMI jaillit sur scène comme un oriflamme d’une génération qu’on entend peu sur les scènes conventionnelles.  La partition de Frédéric Verrières est d’une grande inspiration. Même si ça et là des longueurs sont sensibles, le tout est d’une grande cohérence.  Nous sommes face à une superposition d’ombres, de dentelles à la fois délicieuses, mystérieuses, passionnées.  Les retours à Puccini sont comme une ligne de crêtes qui ponctuent le cours de l’intrigue sans se dénaturer.  Un très beau travail de dialogue et de renouveau. Le livret de Bastien Gallet demeure assez intense, malgré des petits écueils de modernisme à outrance qui n’apportent que du gag. La cohérence est maintenue malgré tout.

La mise en scène de Guillaume Vincent retrace une intrigue qui met l’accent sur l’humanité des personnages. Le public s’identifie immédiatement avec les uns ou les autres, et surtout quand on a vécu en papillon de nuit, ce parcours initiatique de la vie parisienne étudiante.  La jeunesse finalement se manifeste par un sol jonché de matelas qui représenteraient le manque de repères concrets, l’instabilité de la situation des apprentis artistes. Ces mêmes matelas sont la pyramide funéraire qui avale Mimi à la fin de la pièce, comme une victime inerte de la précarité et de la passion.

L’ensemble Court-circuit précis et multicolore, étonnant de nuances dans les pages pucciniennes, est mené par un Jean Deroyer plutôt engagé. Une phalange musicale qui offre la part belle aux cuivres et aux bois pour offrir une ambiance lisse et racée, entre le brass band et l’harmonie.  Parfois d’une inquiétante sobriété, Court-circuit nous porte vers une musique aux contours saillants, à la brutalité subtile qui ponctue notre temps.

Le cast est dominé par la figure enflammée de Camélia Jordana. Transfigurée d’idole pop à « cousette » tendance, Camélia Jordana nous révèle la fragilité, l’insouciance insolente de cette Mimi à double tranchant.  Elle est tour à tour une silhouette et une flamme, une idée et une sensation.  Habitués à des Mimi martyrs,  Camélia Jordana nous secoue avec efficacité et passion dans une Mimi terriblement féminine, belle à s’y brûler. Véritable égérie de la révolution lyrique, que la musique contemporaine ne la quitte plus, nous en redemandons.  D’ailleurs elle nous a propulsés vers le paroxysme de l’émotion avec sa dernière scène,  dans une subtilité d’approche, une mort symbolique et bouleversante, un souffle coupé et la force du silence qu’elle a réussi à cueillir en un soupir.

Face à elle une équipe lyrique de grande qualité avec une Mimi 2 lyrique, incarnée avec émotion et un panache absolu par Judith Fa. Une Musette espiègle et truculente campée par la libertine Pauline Courtin. Le Marcel enthousiasmant de jeunesse et d’élégance de Christophe Gay, courtise en permanence les difficultés de la double partition sans y succomber.  Christian Helmer demeure trop juste néanmoins, il se révèle un Rodolphe un brin terne, la voix est belle mais pas de flamme.

Personnage ajouté par le livret, mais d’une richesse extraordinaire c’est la Comtesse Geschwitz de Caroline Rose.  Spectaculaire dans ses scènes de débauche et débordant de comique décadent. A la lisière des héroïnes d’Otto Dix,  Caroline Rose aurait pu réveiller les parfums subtils de Marlene Dietrich au milieu des océans passionnants de Puccini et de Verrières. Caroline Rose nous révèle une actrice et une chanteuse enthousiasmante.

Comment décrire une révolution ? Si la comparaison est hors sujet, le sort voulut que MIMI cohabite à Paris avec une reprise sempiternelle de la très sage Bohème de Puccini. Mais l’avenir est en marche,  MIMI sonne le glas du spectacle lyrique des tenants de la convention.  Que le public de Paris prenne position, après MIMI rien ne sera comme avant.

Compte rendu rédigé par notre envoyé spécial Pedro-Octavio Diaz

 

 

 

 

Compte rendu, opéra. Théâtre des Bouffes du nord, le 21 novembre 2014. Puccini : Mimi, scènes de la vie de Bohème. Spectacle librement inspiré de La Bohème de Giacomo Puccini Frédéric Verrières (partition), Bastien Gallet (livret). Guillaume Vincent. Avec :

Camélia Jordana (Mimi 1)

Judith Fa ( Mimi 2)

Pauline Courtin (Musette)

Christophe Gay (Marcel)

Christian Helmer (Rodolphe)

Caroline Rose (La comtesse Geschwitz)

Ensemble Court-circuit. Jean Deroyer, direction

Mise en scène : Guillaume Vincent

 

 

 

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