lundi 9 décembre 2024

CRITIQUE, opéra. MARSEILLE, opéra municipal (du 4 au 11 juin 2024). VERDI : Un Ballo in maschera. E. Scala, C. Isotton, G. Myshketa, E. Shkoza… Waut Koeken / Paolo Arrivabeni.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

Après avoir tournée dans plusieurs théâtres lyriques, dont l’Opéra de Maastricht (dont le metteur en scène flamand Waut Koeken est le directeur), de Nantes, de Nancy ou encore celui de Luxembourg, cette production de Un Ballo in maschera de Giuseppe Verdi atteint les bords de la Méditerranée – l’Opéra de Marseille étant l’une des cinq maisons co-productrices du spectacle. 

 

 

Pour aborder l’ouvrage de Verdi, d’un genre plus “sérieux” que les mises en scène (des opérettes…) que nous avons vues signées par lui, Waut Koeken a effectué un retour aux sources : celles de l’Histoire de la Suède, mais aussi celles de la genèse de l’œuvre. Rappelons que le livret initial d’Eugène Scribe pour l’opéra d’Auber Gustave III, réutiliser par Verdi et son librettiste Antonio Somma, s’inspirait de l’assassinat du roi Gustave III de Suède en 1792 lors d’un bal masqué à l’Opéra de Stockholm. Verdi répondait à une commande du Teatro San Carlo de Naples, mais la censure napolitaine s’opposa à ce qu’un régicide soit montré sur la scène et imposa de nombreuses modifications qui “estropiaient” totalement le livret et l’ouvrage. Un Ballo in Maschera fut finalement créé à Rome, où la censure se montra moins impitoyable, mais le cadre de l’action n’en fut pas moins modifié pour se dérouler dans la ville Boston, aux Etats-Unis La mise en scène du flamand s’avère ici conforme aux intentions initiales de Verdi, où les protagonistes historiques sont nettement identifiés. Puisque Gustave III était un despote éclairé, grand amateur d’art dramatique qu’il pratiquait lui-même, l’action se déroule dans l’univers du théâtre, sa scène rotative et ses coulisses, dont les ressorts et les ficelles sont clairement montrés. Et puisqu’il fut assassiné en pleine salle de l’opéra, le bal masqué final et son meurtre trouvent place dans un splendide décor de Luis Carvalho qui reproduit (en contre-plongée) la salle et le plafond du sublime Teatro di San Carlo (qui refusa donc l’œuvre), scénographie qui arrache au public des murmures de satisfaction. Quant aux costumes d’un goût parfait, conçus également par Luis Carvalho, ils renvoient à l’époque de la création, pardessus-redingotes pour les messieurs et robes à faux-cul pour les dames. Dans cet univers à l’esthétique léchée, agrémenté par les chorégraphies de Jean-Philippe Guilois, Waut Koeken déroule une narration linéaire et très respectueuse des didascalies, parfaitement naturelle et limpide dans ses péripéties, mais en revanche peu fouillée dans l’approfondissement des caractères et de leur psychologie, en en faisant plus des archétypes théâtraux que des êtres de chair et de sang…

Maurice Xiberras a réuni une distribution faite d’habitué(e)s de l’Opéra de Marseille, à l’exception du baryton albanais Gezim Myshketa (dans le rôle du Comte Anckarström), qui souffle le chaud et le froid ce soir à Marseille. On admire la beauté du timbre, la puissance de l’instrument, la grande présence scénique du chanteur, mais il est souffre, à de multiples reprises au cours de la soirée, de réels problèmes de justesse, certains aigus sonnant carrément faux (le fait de porter sa main droite à l’oreille à chaque note aigüe qu’il doit émettre n’est jamais un bon signe…). En revanche, tant le Gustavo du ténor sicilien Enea Scala que de la soprano italienne Chiara Isotton sont un pur bonheur. Le premier, qui chante un à deux rôles chaque saison à Marseille (pour le plus grand bonheur du public phocéen), nous gratifie de son timbre superbe, d’un chant toujours expressif, de ses aigus brillants, qui ont encore gagné en ampleur, et qui le destine désormais à des rôles comme Samson ou Enée. Quant à sa  compatriote, elle campe une surprenante Amelia, jamais larmoyante, mais au contraire toujours digne, même au moment où elle supplie son mari de revoir son fils une dernière fois. Tout cela est exprimé d’une voix solide, ferme, ample, intense et riche en nuances. De son côté, la mezzo Albanaise Enkelejda Shkoza prête ses moyens puissants et ses graves impressionnants à une Ulrica Arvidsson d’un grand relief, tandis que la voix de la soprano colorature belge Sheva Tehoval (Oscar) n’éprouve aucune peine à planer au dessus des ensembles. Enfin, les personnages secondaires méritent tous une mention, Gilen Goicoecha en Cristiano, Maurel Endong en Comte Ribbing et Thomas Dear en Comte Horn. 

Autre grand habitué du théâtre marseillais, le chef italien Paolo Arrivabeni fait sonner magnifiquement la phalange maison, son principal mérite étant de faire constamment avancer la musique, en veillant à la construction dramatique de chacun des tableaux. La tension ne se relâche à aucun moment, concourant pour beaucoup à la réussite de la soirée, pour laquelle le public phocéen se met debout, multipliant les rappels enthousiastes.

Bravi !

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CRITIQUE, opéra. MARSEILLE, opéra municipal (du 4 au 11 juin 2024). VERDI : Un Ballo in maschera. E. Scala, C. Isotton, G. Myshketa, E. Shkoza… Waut Koeken / Paolo Arrivabeni.

 

VIDEO : Trailer de « Un ballo in maschera » de Verdi (selon Waut Koeken) à l’Opéra de Marseille

 

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