jeudi 28 mars 2024

CRITIQUE, opéra. LIMOGES, Opéra-Théâtre, le 12 mai 2023. MASSENET : Cendrillon. H. Carpentier, H. Mas, M. Lécroart, M. E. Munger… E. Toffolutti / R. Tuohy

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique et à l’opéra - et notamment avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

 

S’il faut se montrer péremptoire, et dire que la Cendrillon de Jules Massenet est l’un des chefs d’œuvre de son auteur, alors n’hésitons pas : cette partition peut dignement prendre place aux côtés de Manon et Werther, qui l’ont injustement éclipsée, et retrouver, comme ce fut le cas pour Thaïs ou Don Quichotte, la faveur des foules.

Car c’est un joyau : subtilement et brillamment orchestrée, Cendrillon rayonne de grâce et de délicatesse. Jamais mièvre, traversée d’élans de gaieté, éblouissante dans les ballets, salut affectueux à ce XVIIIe siècle pour lequel Massenet ne cachait pas son affection, elle est un plaisir constant pour l’oreille qui – au-delà de l’habileté du compositeur et de son librettiste, Henri Cain, fidèles au conte de Charles Perrault – est charmée par la finesse instrumentale et la sensibilité, voire la sensualité, de l’écriture vocale.

 

 

 

Limoges confirme la Cendrillon de Massenet
telle un chef d’œuvre lyrique,
l’égal de Manon ou de Werther
où brillent les cantatrices Hélène Carpentier
et Héloïse Mas 

 

 

 

Grâces soient donc rendues à Alain Mercier d’avoir mis ce titre à l’affiche pour clôturer la saison 22 / 23 de l’Opéra de Limoges, d’autant que Josquin Macarez (son conseiller artistique pour les distributions) signe à nouveau un sans-faute – avec un casting frôlant la perfection. Dans le rôle-titre, Hélène Carpentier remporte un beau triomphe personnel, avec sa voix légère et solide à la fois, son vibrato expressif, son vrai tempérament d’actrice capable d’habiter les deux grands monologues du III. Héloïse Mas campe un Prince tout aussi parfait, avec son physique étonnamment androgyne ici, qui se montre poignante dans l’expression de la mélancolie, et une voix qui ne cesse de gagner en puissance et en rondeur. Leurs deux voix s’apparient idéalement par la différence des timbres et l’égalité de la projection, et les deux interprètes ont surtout le charme qui convient à leurs deux personnages.
La mezzo française Julie Pasturaud laisse voir ce soir tout son incroyable potentiel vocal et scénique, offrant ainsi une Madame de La Haltière capable tout à la fois de puissance et d’humour, laissant place au sous-entendu et au second degré dont son personnage est pourvu. De son côté, la soprano québécoise Marie-Ève Munger incarne une magnifique Fée, enfilant les vocalises et les notes suraiguës avec une aisance rare, tandis que le drolatique Matthieu Lécroart possède tout ce qu’il convient à Pandolfe (le père de Cendrillon), avec la vis-comica qu’on lui connaît. Et c’est un luxe que se paie la production pour les deux sœurs idiotes que sont Noémie et Dorothée, campées ici par rien moins que Caroline Jestaedt et Ambroisine Bré, savoureuses et chipies à souhait.
Côté mis en scène, le régisseur italien Ezio Toffolutti – qui signe également les décors, les costumes, les lumières – a conçu un spectacle où la féerie ne cède qu’à l’humour le plus raffiné et à la tendresse la plus délicate. Il a imaginé un décor simplifié à l’extrême, quelques toiles peintes et quelques accessoires suffisent à meubler ici le plateau, telle la baignoire antique ornée d’une perle qui sert de carrosse à la Fée. Le spectacle fourmille ainsi d’idées plaisantes et de jolies trouvailles, à l’instar aussi des costumes vivement colorés et décalés pour les trois mégères, qui se baladent avec des robes à paniers sans étoffe pour les recouvrir (laissant ainsi entrevoir d’extravagants dessous). Les chorégraphies qu’Ambra Senatore leur destine, achèvent de les ridiculiser !
En fosse enfin, l’ancien directeur musical de l’Orchestre de l’Opéra de Limoges, le chef américain Robert Tuohy est en symbiose avec le plateau : sa lecture est nette et vive, enthousiaste et enthousiasmante ; elle trouve les justes couleurs pour les dimensions tour à tour comiques, poétiques ou grandiloquentes de la partition.
Un public limougeaud enthousiaste au plus au point fait une fête interminable autant que bien méritée à l’ensemble de l’équipe artistique au moment des saluts !

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. LIMOGES, Opéra-Théâtre, le 12 mai 2023. MASSENET : Cendrillon. H. Carpentier, H. Mas, M. Lécroart, M. E. Munger… E. Toffolutti / R. Tuohy. Photos © Steve Barrek

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VIDÉO : Tara Erraught chante un extrait de « Cendrillon » de Jules Massenet à l’Opéra national de Paris

 

 

 

 

 

 

 

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