CRITIQUE, opĂ©ra. Paris, OpĂ©ra national de Paris, le 29 mars 2022. MASSENET : Cendrillon. Carlo Rizzi / Mariame ClĂ©ment – Depuis plusieurs annĂ©es, la Cendrillon (1899) de Jules Massenet sâest imposĂ©e comme lâun des ouvrages les plus reprĂ©sentĂ©s de son auteur, aux cĂŽtĂ©s de Manon (1884) et Werther (1892). Il a Ă©tĂ© ainsi possible dâentendre ce chef dâoeuvre tardif Ă Â Marseille en 2009 http://www.classiquenews.com/marseille-opra-le-31-dcembre-2009-jules-massenet-cendrillon-cendrillon-julie-boulianne-cyril-diederich-direction-renauddoucet-mise-en-scne/ , Ă lâOpĂ©ra-Comique en 2011
https://www.classiquenews.com/paris-opra-comique-les-5-et-7-mars-2011-massenet-cendrillon-judith-gauthier-blandine-staskiewicz-michle-losier-marc-minkowski-direction-benjamin-lazar-mise-en-scne/, Ă Nantes en 2018 https://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-nantes-le-4-dec-2018-massenet-cendrillon-shaham-le-roux-toffolutti-schnitzler/ et surtout Ă New York en dĂ©but dâannĂ©e (pour une reprise du spectacle de Laurent Pelly dĂ©jĂ montĂ© Ă Santa Fe en 2006).
LâentrĂ©e au rĂ©pertoire de lâouvrage Ă lâOpĂ©ra de Paris permet de se dĂ©lecter des harmonies raffinĂ©es de Massenet, qui Ă©tonne par une orchestration subtile et souvent allĂ©gĂ©e en maints endroits, avec des combinaisons de sonoritĂ©s souvent audacieuses (flĂ»te, harpe et alto, par exemple), toujours au service de la caractĂ©risation des Ă©vĂ©nements. Lâancien Ă©lĂšve dâAmbroise Thomas fait aussi valoir ses habituelles qualitĂ©s dâĂ©criture pour la voix, toujours insĂ©rĂ©e naturellement dans lâaction dramatique, mĂȘme si les parties nocturnes et rĂȘveuses apparaissent plus rĂ©ussies. La principale faiblesse revient au livret, qui minore les aspects comiques, plus prĂ©sents chez Rossini, pour privilĂ©gier un romantisme parfois naĂŻf, et ce malgrĂ© lâadresse finale au public en forme de pirouette.
La nouvelle production imaginĂ©e par Mariame ClĂ©ment (dĂ©jĂ accueillie Ă lâOpĂ©ra de Paris en 2014, avec Hansel et Gretel dâHumperdinck https://www.classiquenews.com/compte-rendu-opera-paris-opera-de-paris-le-20-novembre-2014-engelbert-humperdinck-hansel-et-gretel-andrea-hill-bernarda-bobro-imgard-vilsmaier-doris-lamprecht-jochen-schmeckenbecher/) surprend dâemblĂ©e par son Ă©vocation visuelle trĂšs rĂ©ussie de la Belle Epoque (immense dĂ©cor industriel pour camper lâintimitĂ© de Cendrillon, puis Palais de verre lorsquâelle affronte le monde), tout en donnant une place Ă la féérie du conte – notamment les encarts en papier dĂ©coupĂ©, rĂ©guliĂšrement projetĂ©s sur le rideau de scĂšne, avant les principaux tableaux. La direction dâacteur, autant que les dĂ©cors, rappellent souvent lâesprit bon enfant de Michel Ocelot (Dilili Ă Paris) ou Martin Scorsese (Hugo Cabret).
Mariame ClĂ©ment rĂ©ussit aussi le pari de donner davantage de consistance Ă cette histoire bien connue par lâajout dâidĂ©es savoureuses : ainsi de la machine aux pouvoirs magiques (prĂ©texte Ă quelques gags en dĂ©but dâouvrage), sans parler de lâĂ©tonnante scĂšne de bal oĂč Cendrillon fait connaissance avec le Prince en catimini et sous son vrai visage. On aime aussi lâidĂ©e de vĂȘtir les prĂ©tendantes Ă lâidentique, comme autant de clones impersonnels, ou de nous faire croire au rĂȘve de Cendrillon en fin dâouvrage, lorsque la mĂšre semble perdre la raison et que les sĆurs soutiennent lâhĂ©roĂŻne. Lâimage la plus saisissante est toutefois celle de la forĂȘt de containers au III, qui semble cacher des dĂ©chets radioactifs : loin du message Ă©cologique attendu, câest un cĆur bouillonnant qui apparaĂźt, comme prisonnier des mĂ©andres de la terre. Plus tard, on comprend cette rĂ©fĂ©rence lorsque le Prince sâĂ©crie « On ne mâa pas rendu mon cĆur », avant que sa promise ne lui intime de reprendre « son cĆur sanglant ».
Le plateau vocal se montre trĂšs satisfaisant au niveau dramatique, hormis la trop discrĂšte Daniela Barcellona (Madame de la HaltiĂšre), qui peine Ă caractĂ©riser le ridicule de son personnage, soignant trop la partie vocale au dĂ©triment des intonations comiques. Il aurait peut-ĂȘtre fallu privilĂ©gier une distribution plus francophone, mĂȘme si Tara Erraught (Cendrillon) et Anna Stephany (Le prince) sâen sortent bien au niveau de la nĂ©cessaire prononciation, souvent dĂ©clamatoire. Tara Erraught emporte ainsi lâenthousiasme par son chant gĂ©nĂ©reux et lumineux, parfaitement projetĂ©. On aime plus encore sa partenaire, qui nâest pas en reste dans la rondeur dâĂ©mission et lâĂ©clat. Mention particuliĂšre pour le Pandolfe tout de noblesse de Lionel Lhote, tandis que les deux soeurs assurent leur partie avec une virtuositĂ© admirablement maĂźtrisĂ©e. On mentionnera enfin la direction magnifique de subtilitĂ© de Carlo Rizzi, qui fait ressortir chaque dĂ©tail tout en faisant valoir les couleurs dâun Orchestre de lâOpĂ©ra national de Paris en grande forme. Il reste encore des places : courrez dĂ©couvrir ce trĂšs beau spectacle, Ă savourer jusquâau 28 avril prochain !
________________________________________________________
CRITIQUE, opĂ©ra. Paris, OpĂ©ra national de Paris, le 29 mars 2022. Massenet : Cendrillon. Tara Erraught (Cendrillon), Daniela Barcellona (Madame de la HaltiĂšre), Anna Stephany (Le prince charmant), Kathleen Kim (La fĂ©e), Charlotte Bonnet (NoĂ©mie), Marion LebĂšgue (DorothĂ©e), Lionel Lhote (Pandolfe), Philippe Rouillon (Le roi), Cyrille Lovighi (Le Doyen de la facultĂ©), Olivier Ayault (Le Surintendant des plaisirs), Vadim Artamonov (Le Premier Ministre), ChĆur de lâOpĂ©ra national de Paris, Ching-Lien Wu (chef de chĆur), Orchestre de lâOpĂ©ra national de Paris, Carlo Rizzi, direction. Mariame ClĂ©ment, mise en scĂšne. A lâaffiche de lâOpĂ©ra national de Paris jusquâau 28 avril 2022.