Dans l’écrin rouge et or de l’Opéra Comédie de Montpellier, le récital Bach de la violoncelliste Ophélie Gaillard est un moment de pure virtuosité. En orientant les trois premières (des six) Suites pour violoncelle seul du Kantor de Leipzig vers l’italianité, l’interprète déploie une volubilité dansante.
Archet virevoltant sur son instrument du facteur Francesco Gofriller, la cheffe de l’Ensemble Pulcinella transpose le savoir-faire de ses précédents enregistrements baroques et classiques vers les Suites du maître de Koethen (1718-1725). Depuis Pablo Casals, le livre de chevet des violoncellistes est devenu la bible des fervents de Bach… (pas seulement) du dimanche !
Les Suites de BACH
au Festival de Radio France Occitanie Montpellier
Au fil de ce récital interprété par cœur, les Suites n°1 BWV 1007 et n°3 BWV 1009 sont pulsées avec maestria, sans omettre la moindre reprise des cinq danses qui succèdent au Prélude. Dans ce flot ininterrompu dont la maîtrise est consommée (extensions, démanchés, etc.), la polyphonie que sous-tendent les arpèges étendus des Préludes surgit, inventive et modulante. La performance est particulièrement atteinte lors des Courantes : les mélodies courent de manière olympique ! On pourrait cependant espérer plus de respiration, notamment dans les levées qui lancent les Bourrées et Allemandes, et plus de diversité dans les articulations des Gigues conclusives. Car le baroque allemand n’annonce pas encore l’élégance des pièces de Boccherini.
Coup de théâtre en milieu de programme. Les lumières sur le plateau s’assombrissent lorsque l’interprète aborde la Suite n°2 BWV 1008. C’est ici que la musicienne se pose enfin et explore la complexité harmonique du Prélude. L’édifice contrapuntique que la Sarabande construit peu à peu est remarquablement restitué, sans user du vibrato. L’auditeur retrouvera cet épanchement dans la Sarabande de la Suite n°3 BWV 1009, dont le parcours est en permanence balisé d’élans et thésis harmonieuses. Chevelure dorée et robe rouge, Ophélie Gaillard ébahit son auditoire lors de la bourrée du bis : le dernier couplet est joué debout, en esquissant quelques pas au pied du rideau de scène. Telle une cariatide détachée des loges flamboyantes de l’Opéra-Comédie, la Sainte-Cécile du violoncelle s’anime. Et réanime les applaudissements !
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CRITIQUE, festival. MONTPELLIER, Festival Radio France Occitanie Montpellier, le 11 juillet 2024. J. S. BACH : Suites n°1, 2 et 3 pour violoncelle seul. Ophélie Gaillard, violoncelle. Photo : Ophélie Gaillard (c) DR.
TEASER vidéo : Ophélie Gaillard joue le Prélude de la Suite n°1 de J.S. BACH